L. latine 54.  >
À Christiaen Utenbogard,
le 7 juillet 1656

[Ms BIU Santé no 2007, fo 43 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Christiaen Utenbogard, à Utrecht.

Très distingué Monsieur, [a][1]

J’ai reçu le 5e de juillet la très aimable lettre que vous m’avez écrite le 13e de janvier de cette année. Je ne doute pas qu’elle ait fort longtemps traîné chez notre grand ami M. Vander Linden, [2] parce qu’il a reporté de jour en jour le moment de m’écrire. Afin qu’il ne perturbe plus nos relations, nous laisserons désormais de côté votre théologien Voetius, dont dont je pensais le plus grand bien. [1][3][4] Nous avons aussi laissé partir cette jeune fille de chez vous avec sa tante : Mortui mortuos sepeliant[2][5][6] Si jamais vous rencontrez quelque Parisien s’en retournant ici, écrivez-moi par son entremise, vous pourrez même ainsi m’envoyer ce que vous aurez d’opuscules. Sinon, faites-en un paquet et adressez-le à M. Vander Linden qui aura soin de me les faire délivrer en toute sûreté. Quand vous m’écrirez, adressez votre lettre À Monsieur M. Patin, docteur en médecine et professeur du roi, dans la place du chevalier du Guet à Paris[7] Je vous offre le jeton d’argent que vous avez désiré ; plusieurs autres suivront, si vous voulez. [3][8] Par votre intermédiaire, ne pourrai-je pas obtenir l’Oratio de Johann Freitag sur la fonction du pharmacien, paru à Groningue, in‑4o, en 1633 ? Je sais qu’il est rare et difficile à trouver. Efforcez-vous pourtant de m’en faire parvenir un exemplaire, et vous me tiendrez pour infiniment redevable à votre égard. Un jeune étudiant en médecine originaire de Nimègue, nommé Pels, qui est ici mon auditeur, vous salue ; il pense qu’on peut facilement trouver cette Oratio chez certains médecins ou libraires de votre ville. Dieu fasse qu’il en soit ainsi ! [4][9][10] Que fait votre Canter, s’est-il marié, où habite-t-il ? [11] Notre Riolan est en vie et se porte bien. [12] Vale, excellent Monsieur, et continuez de m’aimer comme vous faites.

Votre Guy Patin de tout cœur, docteur en médecine et professeur royal. [3][13]

De Paris, ce vendredi 7e de juillet 1656.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Christiaen Utenbogard, ms BIU Santé no 2007, fo 43 vo.

1.

Guy Patin prisait fort Gisbertus Voetius et ses volumes de Disputationes theologicæ [Disputes théologiques] (v. note [8], lettre 834), mais en ignorant les outrances calvinistes de leur auteur, dont la philosophie cartésienne n’était qu’une des bêtes noires. Dans sa lettre du 13 janvier 1656, aujourd’hui perdue, Christiaen Utenbogard avait déjà dû déclarer à Patin sa profonde aversion pour ce théologien qui semait la zizanie parmi les églises hollandaises. Elle éclate dans sa lettre du 21 août suivant, que le Collège de France a heureusement conservée. À la fin (v. sa note [65]), Utenbogard y disait notamment être arminien (v. note [7], lettre 100), c’est-à-dire au cœur de la cible que visait Voetius.

2.

« Que les morts ensevelissent donc les morts » : Dimitte mortuos sepelire mortuos suos (Matthieu, v. note [9], lettre 701), paroles du Christ à un disciple qui lui demandait la permission d’aller enterrer son père avant de le suivre. Je n’ai identifié ni ces deux femmes, probablement apparentées à Christiaen Utenbogard, ni le deuil qui les obligeait à repartir en Hollande.

3.

V. note [42], lettre 288, pour le jeton que Guy Patin avait fait frapper à son effigie pendant son décanat (1650-1652).

Sa charge au Collège de France semble être la raison pour laquelle Patin écrivait son adresse complète à Christiaen Utenbogard. Elle n’avait pourtant rien de nouveau : il l’avait été obtenue en 1655 par survivance de Jean ii Riolan (mort en février 1657, ce qui allait élever Patin au rang de professeur titulaire) ; son souci pouvait n’être que purement postal, en vue d’éviter les retards et les pertes de courriers ; mais le rappel de cette mention honorifique dans la signature de la présente lettre fait plutôt croire à la gloriole personnelle de Patin, qui supportait mal que son ami omît son prestigieux titre quand il lui écrivait ; Utenbogard a entendu la remarque et s’est bien gardé de l’oublier dans l’en-tête de la lettre qu’il a écrite à Patin le 21 aôut suivant (v. sa note [1]).

4.

V. note [12], lettre latine 43, pour l’introuvable « Discours » de Johann Freitag contre les pharmaciens (Groningue, 1633).

Le dénommé Pels, auditeur de Guy Patin au Collège de France, n’a pas laissé de trace dans les biographies médicales.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 43 vo.

Clariss. viro D. Christiano Utenbogardo, Ultrajectum.

Gratissimas tuas accepi, vir clariss. quinto die Iulij, scriptas à Te
13. Ianu. hujus anno : non dubito 1 eas 2 tamdiu hæsisse apud singularem
amicum nostrum D. Vander Linden qui in dies occasionem præstolabatur ad
me scribendi. Theologum vestrum Voetium, de quo meliora cogitabam, mis-
sum faciamus, nec in posterum res nostras interturbet : sinamus quoque
vestratem illam virginem cum sua matertera : Mortui mortuos sepeliant. Si
quando Parisinum aliquem obvium habeas, qui sit huc reversurus, per eum ad
me scribes, imò poteris etiam mittere quiquid habebis libellorum : sin minùs,
fasciculum ex ijs compones, eúmque transmittes ad D. Vander Linden, qui singula
tutò mihi deferenda curabit. Quum ad me scribes, epistolam tuam sic inscribe. A
Monsieur Monsieur Patin, Docteur en Medecine, et Prof. du Roy, dans la place du
Chevalier du Guet, à Paris
. Argenteum numisma expetitum ecce Tibi offero :
plura sequentur si volueris. Nónne per Te, Io. Freitagij Orationem de Phar-
macopæi officio
impetrare possem, Groningæ editam, in 4. anno 1633. Scio
illam raram esse, ac vix prostare : effice tamen ut illius exemplar unum ad me perveniat, et
maximo me Tibi derivatum beneficio habebis. Iuvenis quidam Medæ tyro,
Noviomagensis, dictus Pels, hîc auditor meus, Te salutat : putat illam
facilè reperiri posse apud quosdam medicos aut Bibliopolas vestræ Urbis.
Utinam hoc contingat. ^ Canterus vester quid agit ?/ an duxit uxorem ? ubinam/ manet ? Riolanus noster/ vivit et valet. Vale, vir eximie, et me, quod facis, amare perge.

Tuus ex animo Guido Patin,
Doctor Med et Prof. regius.

Parisijs, die Veneris, 7. Iulij, 1656.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Christiaen Utenbogard, le 7 juillet 1656

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1087

(Consulté le 19/04/2024)

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