L. latine 70.  >
À Christiaen Utenbogard,
le 12 janvier 1657

[Ms BIU Santé no 2007, fo 50 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Christiaen Utenbogard, docteur en médecine d’Utrecht.

Très distingué Monsieur, [a][1]

En cette nouvelle année qui commence, je vous écris pour vous faire savoir qu’aujourd’hui, 4e de janvier, le facteur de la poste de Hollande m’a remis votre lettre écrite le 22e de juillet de l’an passé, incluse dans une autre de notre ami M. Vander Linden. [2] Par Hercule ! j’ignore où elle aura été retenue pendant six mois ; je vous en remercie pourtant. Moi et toute ma famille jouissons d’une santé de lutteurs : mes deux premiers fils sont docteurs en médecine de Paris ; je joindrai leurs thèses aux opuscules académiques et autres que j’aurai sous la main à vous envoyer. [1][3][4][5] Vous n’avez guère à vous étonner que je n’aie pas répondu à la vôtre car ne l’ayant pas reçue, je ne le pouvais sans l’avoir jamais vue. Si quelqu’un de votre connaissance vient en cette ville, qui m’apportera vos lettres, je vous enverrai mon jeton d’argent, [6] ou bien je le confierai à M. Pels quand il retournera en Hollande. [7] La rareté des exemplaires de l’Oratio de Pharmacopæi officio de Johann Freitag me surprend fort ; peut-être nous tombera-t-il enfin quelque jour entre les mains. [2][8][9] Je n’ai pas encore reçu ce paquet que vous m’avez destiné et transmis à M. Vander Linden ; mais je l’attends de jour à autre avec grande avidité afin d’apprendre ce que votre Afrique aura engendré ces dernières années. [3][10] Si je devais me faire à l’idée qu’il ne me parviendra pas rapidement, je vous prierais au moins de m’envoyer la liste de ce qu’il contient. Je saluerai de votre part M. Pels ; à son retour, je lui confierai les graines que vous recherchez, pour vous en faire cadeau si je peux les trouver. Vous présenterez s’il vous plaît mes compliments à M. Canter, [11] d’autant plus chaleureux qu’il s’est marié. Notre Riolan est en vie [Ms BIU Santé no 2007, fo 50 vo | LAT | IMG] et se porte bien ; mais durant les mois d’hiver, il ne s’éloigne pas de son poêle, à cause d’une faiblesse de poumon, dont le grand froid est fort ennemi. [12] Maintenant il prépare les Operationes chirurgicæ qu’il joindra à son Encheiridium anatomicum et pathologicum, dont la nouvelle édition, augmentée d’une troisième partie, sera mise sous presse vers Pâques. [4][13] On s’affaire ici à rassembler quatre armées : la première destinée aux Pays-Bas espagnols, la deuxième à l’Allemagne, dit-on, contre l’empereur, [14] la troisième à l’Italie et la quatrième à la Catalogne ; et tout cela contre la Maison d’Autriche, dont l’ambition sans exemple secoue et agite la terre entière. À Lyon, on entreprend la nouvelle édition des œuvres complètes de votre compatriote Johannes Heurnius, in‑fo, et celles de Jérôme Cardan : toutes ses œuvres rassemblées feront six tomes, dont un entier composé de manuscrits qui n’ont jamais été publiés. [5][15][16] Je cesse enfin puisqu’il ne me reste rien à vous écrire. Vale et vive, et aimez-moi.

Votre Guy Patin de tout cœur.

Ce vendredi 12e de janvier 1657.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Christiaen Utenbogard, ms BIU Santé no 2007, fo 50 ro et vo.

1.

V. notes [1], lettre latine 69, pour ce retard de cinq mois pris par les lettres venues de Leyde, et [17], lettre 459, pour les deux thèses que Robert et Charles Patin ont présidées en janvier 1657.

2.

V. note [12], lettre latine 43, pour le « Discours sur la fonction du pharmacien » de Johann Freitag (Groningue, 1633), que Guy Patin cherchait inlassablement à se procurer.

3.

V. note [25], lettre 273, pour l’Afrique comme symbole d’une source inépuisable de nouveautés et de surprises.

4.
V. note [5], lettre latine 37, pour le projet avorté d’ajouter un traité des « opérations chirurgicales » à la nouvelle édition de son « Manuel anatomique » de Jean ii Riolan (parue après sa mort, en 1658).

5.

V. note [12], lettre 446, pour les Opera omnia de Jan i van Heurne (Lyon, 1658). Guy Patin allait fréquemment parler à ses correspondants de celles de Jérôme Cardan, éditées par Charles Spon, mais elles n’allaient paraître à Lyon qu’en 1663, en dix et non six tomes in‑fo (v. note [8], lettre 749).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 50 ro.

Clariss. viro D. Christ. Utenbogardo, Doct. Med. Ultrajectum.

Die 4. Ianu. 1657. Novo hoc anno ineunte, Vir Cl. ad Te scribo, ut scias hodie, 4. Ianu. mihi
redditam fuisse per Hollandi Cursoris tabellarium, epistolam tuam 22. Iulij anni supe-
rioris scriptam, inclusam alteri epistolæ Amici nostri D. Vander Linden : ubinam per
sex menses hæserit, Herclè nescio : pro ea tamen Tibi gratias ago. Ego et familia tota
pancraticè valemus : filios meos natu majores duos habeo Doctores Med. Parisienses :
cum libellis Academicis et alijs quæ mihi suppetent ad Te mittenda, eorum Theses
adjungam. Si ad illam tuam epistolam non acceptam nihil antehac responsi dederim, non
est quod mireris : neq. enim fieri poterat ut ad eam responderem numquam à me visam.
Si quis Tibi notus in hanc Urbem veniat, si literas tuas mihi attulerit, argenteum
numisma meum ad Te mittam, vel illud committam D. Pels, quando revertetur in
Bataviam. De raritate Exemplarium Orationis Io. Freitagij, de Pharmacopæi
officio,
valde miror : fortè tandem aliquando in manus nostras deveniet. Fasciculum
illum tuum mihi destinatum quem misisti ad D. Vander Linden, nondum accepi, sed in
dies avidissimè expecto, ut ex eo videam quid Africa vestra novi pepererit ab aliquot
annis : si putarem eum citò mihi non redditum iri, rogarem Te ut saltem mitteres
Syllabum eorum quæ in eo continentur. Dominum Pels nomine tuo salutabo, eiq. revertenti
tradam semina quæ requiris, Tibi offerenda, si ea nancisci potuerim. D. Cantero,
quamvis uxorem duxerit, salutem meam nuntiabis, si placet. Riolanus noster vivit

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 50 vo.

et valet ; sed hybernis mensib. ab hypocausto non recedit, propter imbecillitatem
pulmonis, cui summum frigus est inimicissimum. Nunc adornat Operationes
Chirurgicas, quas subjunget suo Enchiridio Anat. et Pathol. cujus nova
Editio tertia parte adaucta circa Paschalia typis mandabitur. Hîc agitur
de 4. exercitibus colligendis, uno pro Belgio Hispanico : 2. pro Germania, adversus
Cæsarem, ut ajunt : 3. pro Italia : 4. pro Catalania : et hæc omnia adversus
domum Austriacum, cujus inaudita ambitione universums terrarum orbis concutitur
atque turbatur. Lugduni Celtarum inchoatur nova editio omnium Operum
Io. Heurnij, vestratis, in fol. et Hier. Cardani, cujus omnia opera collecta facient
sex tomos, ex quib. unus erit MS. qui numquam viderunt lucem. Tandem desino,
cùm nihil mihi supersit quod scribam. Vive, vale, et me ama.

Tuus ex animo Guido Patin.

Die Ven. 12. Ianu. 1657.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Christiaen Utenbogard, le 12 janvier 1657

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1103

(Consulté le 29/03/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.