L. latine 72.  >
À Christiaen Utenbogard,
le 2 février 1657

[Ms BIU Santé no 2007, fo 51 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Christiaen Utenbogard, docteur en médecine, à Utrecht.

Ô vous qui êtes un homme incomparable et un très remarquable ami ! [a][1]

Ainsi suis-je poussé à m’exclamer au début de ma lettre : Amicus fidelis medicamentum vitæ[1][2] En échange de quelques piécettes de cuivre, vous m’avez envoyé des présents en or, et je vous en remercie de toutes mes forces : j’entends vos livres et votre grande lettre sur les talents et le génie de vos théologiens, avec les opuscules de l’excellent M. Schoock. [3] J’avoue devoir énormément à sa bonté, vous le saluerez donc, s’il vous plaît, de ma part et lui offrirez tout ce que je possède, et même ma propre personne. Sachez donc que j’ai reçu votre paquet le mercredi 24e de janvier avec votre lettre, et vais vous répondre sur-le-champ.

Je souhaite plus de sagesse à vos théologastres, [2] tout comme aux nôtres ; leur vive impudence ne bouleverse pas extraordinairement le monde chrétien. Je me procurerai sans peine le 3e tome des Disputationes theologicæ après qu’il aura été imprimé ; non pas pour le mérite de leur auteur, mais pour l’infinité de ce qu’on y trouve à apprendre. Si un 4e et un 5e viennent après, je penserai aussi à les acheter pour la même raison ; bien qu’en soi, je fasse peu de cas de l’auteur lui-même, que vous m’avez parfaitement dépeint. [3][4]

Un écrivain hollandais nommé Edon von Neuhaus avait laissé un fils fort savant, nommé Reiner, qui s’est aussi déjà acquis de la célébrité par de nombreux écrits. Indiquez-moi ce qu’il prépare de nouveau, en quelle ville il enseigne, s’il est toujours en vie, si vous le connaissez et quel cas vous en faites, ce qu’il a publié ces dernières années. Je pense qu’il a enseigné à Alkmaar. J’ai ici quelques-uns de ses écrits, lettres, poèmes, extraits de Sénèque. S’il vit et enseigne encore et si vous le jugez bon, je lui écrirai. [4][5][6][7][8]

[Ms BIU Santé no 2007, fo 38 vo | LAT | IMG] J’observerai très fidèlement et ponctuellement ce silence que votre lettre tout entière me recommande : ajoutez à cela que je ne connais rien d’autre de votre vieux Cercope [9] que les livres qu’il a publiés, particulièrement ses deux tomes de Disputationes theologicæ ; [3] mais à part vous, je n’ai jamais rencontré personne qui l’ait connu. [5] Je vous remercie de tout cœur pour tant de livres et écrits polémiques qui sont à la fois rares, nouveaux et curieux ; mais comment agirai-je avec le très distingué M. Marten Schoock qui a été si généreux à mon égard car sur votre prière, il m’a envoyé tout un monceau de traités et d’opuscules, sans que j’aie rien mérité de tel, ni eu la moindre relation avec lui ? Je connaissais bien sûr son raffinement par ses quelques opuscules que j’ai ici, en particulier son Imperium maritimum et sa Dissertatio de Harengis[6][10] Cette dernière est savante et bien travaillée ; le très distingué M. Gabriel Naudé, [11] qui, tant qu’il a vécu, a été mon ami le plus proche et le plus fidèle, m’en avait jadis fait cadeau, et je l’ai lue et dévorée tout entière il y a cinq ans ; la reconnaissant pour excellente, j’en ai fait mes délices et l’ai encore sous la main. J’ai une grande dette envers un homme aussi savant et aimable < que M. Schoock >, et ne la récuse pas, allant jusqu’à lui témoigner de la piété filiale, pour ainsi dire, et à vouloir être un jour capable de lui rendre la pareille ; mais en attendant, je lui serai reconnaissant de tous les cadeaux que j’ai reçus de lui et dont il m’a comblé, sans du tout les mériter. Je vous désigne, s’il vous plaît, comme garant de ma gratitude à son égard ; mais vous, écrivez-moi au sujet de ce très distingué personnage et de ce philosophe hors du commun : de quel pays est-il originaire, quel âge a-t-il, combien mesure-t-il, a-t-il femme et enfants, est-il pourvu d’une solide santé, jouit-il de confortables revenus, etc. ? Dans les papiers qui emballaient les livres dont vous avez voulu me faire présent, j’ai trouvé une feuille qui a rapport avec la médecine et qui m’apprend qu’on a publié à Utrecht des Disputationes practicas de historiis ægrorum, dont la quinzième est de Epilepsia. Je vous prie de tout cœur de me les acheter, si quelque exemplaire s’en trouve encore en vente ; je vous en rembourserai très volontiers le prix intégral. Elles porteraient aussi le titre de Theses, Disputationes, Historiæ. Quant au nom, il n’y a que M. Ijsbrand van Diemerbroeck, professeur chez vous, in‑4o, Utrecht, 1652. [7][12] Peut-être se trouvera-t-il encore quelque exemplaire de chacune de ces thèses chez l’imprimeur Jan van Waesberge, que vous irez interroger, s’il vous plaît. [8][13][14] Je fais plus de cas de ces écrits universitaires que de bien des livres des Italiens.

J’ai parcouru votre Pharmacopœa Ultrajectina ; mais dites-moi, je vous prie, pourquoi votre nom ne se lit-il pas à la fin de l’épître, avec celui des autres médecins ? Cette édition ne me semble pas avoir été suffisamment purgée de ses fautes. [9][15] Je voudrais en effet un traité beaucoup plus exact et plus complet sur le choix et la connaissance de certains médicaments ; mais son auteur ne paraît pas bien s’y connaître sur la nature et l’altération des médicaments. Il s’est en effet trompé plus de six fois, et je déplore que cela se soit produit en une matière de si grande importance. Bon Dieu, que de gens, s’enorgueillissant du titre de médecins, sont tous les jours trompés dans ce choix par de rusés mendiants et d’astucieux pharmaciens ! [16] Que signifie pour lui leur aloes succotrina et hepatica ? [10][17] Où veut-il en venir avec son bézoard, qui n’est qu’une pure fabrication des pharmaciens et des parfumeurs ? [11][18] Pourquoi conte-t-il des balivernes sur la manne ? [12][19] En vérité, jamais on n’en trouve en Calabre : les pharmaciens italiens fabriquent et falsifient, avec miel, sucre et scammonée, celle qu’on appelle ainsi aujourd’hui ; [20][21][22] elle a la vertu d’évacuer l’eau et la sérosité ; c’est pourtant un médicament fort mauvais et vicieux. Nicolas Piètre, éminent personnage qui mourut ici en 1649, octogénaire et plus ancien maître de l’École, l’avait en horreur ; [23][24] mais elle conserve de nombreux partisans. Votre pharmacopée en a dit trop peu sur le séné, roi de tous les purgatifs, qui procure à la médecine un secours dont elle ne peut se passer, étant donné qu’à lui tout seul il dépasse les secrets de tous les chimistes. [25][26]

Je déplore sérieusement qu’on ne trouve nulle part le discours de Freitag. [13][27] Je vous prie pourtant de vous en souvenir, jusqu’à ce qu’il se puisse enfin obtenir. Vous présenterez toutes mes salutations au très distingué M. Marten Schoock et lui enverrez ma lettre ci-incluse. [14] J’ai ici deux décades de ses Orationes, n’en a-t-il pas publié d’autres ? La seconde partie de ses livres de Scepticismo paraîtra-t-elle ? [15] Tous ces ouvrages sont excellents et émanent d’un auteur absolument remarquable. Puisque vous voulez m’écrire, envoyez vos lettres à M. Vander Linden, [28] notre excellent ami, qui prendra soin de me les faire rapidement parvenir ; mais en attendant, vous, très distingué Monsieur, vale et vive, et aimez-moi.

Guy Patin qui sera vôtre pour l’éternité.

De Paris, le 2d de février 1657.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Christiaen Utenbogard, dont les deux fragments sont dispersés dans le ms BIU Santé no 2007 :

Celle-ci est la réponse de Patin à la longue et unique lettre d’Utenbogard que continne notre édition (21 août 1656).

1.

Ecclésiastique (6:16) :

Amicus fidelis medicamentum vitae et inmortalitatis et qui metuunt Dominum inveniunt illum.

[L’ami fidèle est un remède de vie et d’immortalité, et ceux qui craignent le Seigneur le trouveront].

2.

Théologastre, ou théologâtre : mauvais théologien (La Curne de Sainte-Palaye). Ce mot suit la construction classique des péjoratifs (avec le suffixe latin tardif aster, « âtre » en français) et appartient au néolatin (theologaster, theologastrus) et a probablement été forgé par Luther, qui l’a employé dès 1518 (selon l’Oxford English Dictionary). Guy Patin l’a plus vraisemblablement lu chez Érasme, dans son adage 870, Elephantus non capit murem [Un éléphant n’attrape pas de souris], pour dire qu’un être supérieur ne s’offusque pas des bassesses venues de ses inférieurs :

Id adagionis hac tempestate nimis ridicule usurpatur a philosophastris istis ac theologastris, si quando Latinæ Græcæque linguæ inscita fœdissime labuntur, quod fere nusquam non faciunt.

[Cette manière d’adage est aujourd’hui du plus haut ridicule dans la bouche des philosophâtres et des théologâtres, quand il leur arrive, par ignorance du latin et du grec, de chuter lamentablement dans l’erreur, comme ils ne manquent presque jamais de faire].

V. la lettre de Christiaen Utenbogard, datée du 21 août 1656, pour les querelles sur le puritanisme qui agitaient les théologiens d’Utrecht, et avaient brouillé Gisbertus Voetius et son disciple Marten Schoock. Des lettres ultérieures apprennent que cette lettre et les livres qui l’accompagnaient avaient été délivrés à Patin, par Antonis Schoock, frère de Marten (v. notes [6], lettre latine 107, et [3], lettre latine 183).

3.

V. note [8], lettre 534, pour les Selectæ disputationes theologicæ [Discussions théologiques choisies] du théologien calviniste puritain hollandais Gisbertus Voetius (Ghys Voet) en cinq parties, parues entre 1648 et 1669.

4.

Reiner von Neuhaus, fils d’Edon i (mort en 1638, v. note [16], lettre 126), allait commencer à correspondre avec Guy Patin en 1662. Alors âgé de 48 ans, il avait publié :

5.

V. note [23], lettre 225, pour les Cercopes, hommes que Zeus avait métamorphosés en singes, pour punition de leurs nombreux parjures. Dans sa lettre datée du 21 août 1656, Christiaen Utenbogard n’a pas qualifié Gisbertus Voetius de Cercope, se contentant d’autres vocables : Ismaël, pied (pes, traduction de son nom flamand Voet), hydre, Furie infernale (v. ses notes [21], [27], [53] et [63]).

6.

Guy Patin citait ici deux des quatre traités que Marten Schoock avait publiés avant 1658 et que recense la note [2] de la lettre 719 : son « Empire maritime » (Amsterdam, 1654) et sa « Dissertation sur les Harengs » (Groningue, 1649).

7.

En 1655 avait était publiée la 22e des « Disputations pratiques sur les observations de malades » d’Ijsbrand van Diemerbroeck. Sa thèse « sur l’Épilepsie » avait été imprimée en 1652. Toutes ses « Thèses, Disputations et Observations » médicales ont été réunies dans les :

Isbrandi de Diemerbroeck, in Academia Ultrajectina Medicinæ et Anatomes Professoris, Opera omnia, Anatomica et Medica, partim jam antea excusa, sed Plurimis locis ab ipso auctore emendata, et aucta, partim nondum edita. Nunc simul Collecta, et diligenter recognita, per Timannum de Diemerbroeck, Isb. Fil. Medicinæ Doctorem, et Reipublicæ Trajectinæ Poliatrum. Quorum Elenchum sequens Pagina indicabit.

[Œuvres complètes, anatomiques et médicales de Ijsbrand van Diemerbroeck, professeur de médecine et d’anatomie en l’Université d’Utrecht, en partie déjà publiées, mais augmentées et corrigées par l’auteur en personne, et en partie inédites. Maintenant réunies et soigneusement recensées par Timann van Diemerbroeck, docteur en médecine, fils d’Ijsbrand, et premier médecin de la ville et province d’Utrecht. La page suivante en donne le sommaire]. {a}


  1. Utrecht, Meinardus a Dreunen et Gulielmus a Walcheren, 1685, in‑4o ; réédition à Genève, Samuel de Tournes, 1687, 2 volumes in‑4o.

Elles comprennent cinq parties :

  1. Anatomes corporis humani, libri decem [Anatomie du corps humain en dix livres] ;

  2. Tractatus de Peste, libri quatuor [Traité de la Peste en quatre livres] ;

  3. Tractatus de Variolis et Morbillis, liber singularis [Traité de la Variole et de la rougeole en un seul livre] ;

  4. Observationes et Curationes medicæ [Observations et Guérisons médicales] ;

  5. Disputationes practicæ, ad Historias Ægrorum propositæ de Morbis Capitis, Thoracis, et infimi ventris [Disputations pratiques, proposées sur des histoires de malades atteints d’affections de la tête, du thorax et de l’abdomen], dont l’Historia xv des Primariorum morborum totius capitis Medicationes, viginti quinque disputationibus ad Historias ægrorum propositæ [Vingt-cinq disputations sur des histoires de malades, présentant les Remèdes des principales maladies de toute la tête] est intitulée De Epilepsia (pages 25‑27 de cette dernière partie de l’ouvrage).

8.

Jan (Johannes Janssonius) van Waesberge (ou Waesberghe, Rotterdam 1616-Amsterdam 1681) appartenait à une dynastie d’imprimeurs hollandais. Gendre et associé, puis successeur de Jan Jansson (v. note [15], lettre 150), il s’établit dans trois villes : Utrecht (1641-1660), Breda (1647-1651) et Amsterdam (1660-1680) (University of Amsterdam, Amsterdam Centre for the Study of the Golden Age, Ecartico).

9.

Pharmacopœa Ultrajectina, Senatus auctoritate edita et munita [Pharmacopée d’Utrecht, publiée et garantie par l’autorité du Sénat] (Utrecht, Gisbertus van Zijll et Theodorus van Ackersdyijk, 1656, in‑4o).

De fait, le nom de Christiaen Utenbogard ne figure pas parmi les sept signataires de l’épître dédicatoire Nobillissimis, Amplissimis, Prudentissimis D.D. Consulibus, et Senatoribus, Reipublicæ Ultrajectinæ Patribus et Gubernatoribus, Medicinæ hujus Reipublicæ Doctores Ordinarii, et Collegii Pharmaceutici Decani, Salutem et felicitatem perpetuam P. [Les docteurs ordinaires de médecine de cette République et les doyens du Collège de pharmacie présentent leurs salutations et leurs vœux de perpétuelle félicité à MM. les très nobles, très grands et très sages conseillers et sénateurs, pères et gouverneurs de la République d’Utrecht] : « Henricus Regius, Isbrand de Diemerbroeck, Cornelius de Goyer, Henricus van Gessel, Cornelius van de Voort, Albertus van Overmeer, Georgius Holthuysen ».

10.

Page 89 de la Pharmacopœa Ultrajectina sur l’aloès (v. note [8], lettre 169) :

Aloës in Officinis duæ habentur species : Succotrina et Hepatica. Præstantissima est Succotrina, quæ est pinguis, glutinosa, transparens ex rubro rufa, hepatis modo coacta, boni odoris, Myrrham æmulantis : syncera, friablilis digitis, arenarum et calculorum expers, facile liquescens, et eximiæ amaritudinis. Hepatica non tam boni odoris est, ut Succotrina ; nigrior, fractuque contumacior est.

[Les officines détiennent deux sortes d’aloès : le succotrin et l’hépatique. Le plus excellent est le succotrin, qui est gras, visqueux, d’une transparence rousse tirant sur le rouge, ayant l’apparence du foie, de bonne odeur, ressemblant à la myrrhe ; pur, friable sous les doigts, dépourvu de sables et de granules, il est facile à dissoudre et d’une remarquable amertume. L’hépatique n’a pas si bonne odeur que le succotrin ; il est plus noir et plus difficile à morceler].

Pour Thomas Corneille (comme pour Guy Patin), cette distinction n’avait pas lieu d’être ; il écrit de l’aloès hépatique qu’« on l’appelle aussi succotrin, ou à cause de sa couleur qui tire sur le citrin, comme si on voulait dire suc citrin, ou à cause que le plus excellent aloès nous est apporté de l’île de Soccotra ou Succotra [à l’entrée du golfe d’Aden] ».

11.

À l’article Bezaar (page 90), la Pharmacopœa Ultrajectina décrit les diverses sortes de pierres de bézoard (v. note [9], lettre 5) qu’on trouve chez les pharmaciens, sans un mot sur leurs prétendues vertus thérapeutiques :

Lapis legitimus, et minime adulteratus, levibus, glabris, et friabilibus laminibus constat, sibi quidem ipsis cæparum instar stricte adhærentibus, sed ad visum conspicue distinctis, et interius quidem externæ la minæ colorem, splendorem, et substantiam referentibus. In meditullio concavus est, in quo vel pulvisculus, vel parvum cinereum granulum, vel paleæ tenuis fectuca, vel aliud quippiam simile reperitur. Laudatur inter Orientales, coloris Olivæ. Minor (modo et cæteræ notæ correspondeant) ac mediocris quoque omnium optimus censetur. Inter Occidentales autem, et qui ex Montibus Peruviæ adferuntur, laudatur qui laminis contegitur nunc subalbidis, modo subcinereis, jam obscure virentibus, interdum flavescentis coloris, et qui crustas, seu laminas habet crassiores, et gypseas, festucæ fragmentum in meditullio continens : Is satis magnus est. Nonnulli quoque sunt parvi, subnigri coloris, quorum laminæ (quodammodo exesæ) dum fraguntur aureos fulgores, seu aureas scintillas emittunt ; illi quoque præstantissimi : Falsi vero corticibus destituuntur, dentes inficiunt, et dum franguntur, frusta dura reliquunt, terræ, aut Gypsi more.

[La pierre de bon aloi et fort peu altérée se compose de lamelles fines, sans poils et friables, adhérant certes étroitement les unes aux autres à la manière de celles des oignons, mais bien visibles à l’œil nu ; toutes ses lamelles, de la plus superficielle aux plus profondes, ont la même couleur, le même éclat et la même consistance. Son centre est creux, il s’y trouve soit une fine poudre, soit un petit granule cendré, soit un mince fétu de paille, soit quelque semblable chose. Parmi les bézoards qui proviennent d’Orient, on loue celui dont la couleur est olivâtre ; on estime que celui dont la taille est petite (pourvu qu’il possède toutes les autres caractéristiques susdites), ou moyenne, est aussi le meilleur de tous. Parmi ceux d’Occident et qu’on apporte des montagnes du Pérou, on prise celui qui présente des lamelles tantôt blanchâtres, tantôt grisâtres, verdâtres ou parfois jaunâtres, et qui a des croûtes ou des lamelles plus épaisses et plâtreuses, contenant un petit morceau de paille en son centre ; ce bézoard-là est assez gros. Certains autres sont petits, de couleur noirâtre, et leurs lamelles (plus ou moins rognées), quand on les brise, émettent des éclairs ou des scintillements dorés ; ceux-là sont aussi d’excellente qualité. Les faux bézoards, en revanche, sont dépourvus d’écorces ; ils se fragmentent quand on les mord avec les dents, leur consistance est friable, comme celle de la terre ou du plâtre].

12.

La Pharmacopœa Ultrajectina range la manne parmi les médicaments simples, sous la rubrique des résines ; pour toute « baliverne » à son sujet, je n’y ai trouvé que cette phrase (page 92) :

Manna albicans, dulcis et grati saporis et granulata optima est.

[La manne la meilleure est blanche, de saveur douce et agréable, {a} et granulée].


  1. Derrière ces deux adjectifs (dulcis et gratus), Guy Patin suspectait la présence de sucre ou de miel, qui était pour lui une marque certaine de falsification par les pharmaciens.

13.

V. note [12], lettre latine 43, pour l’Oratio de Johannes Freitag sur le métier de pharmacien (Groningue, 1633).

14.

Lettre latine du 2 février 1657 à Marten Schoock.

15.

V. note [18], lettre de Christiaen Utenbogard datée du 21 août 1656, pour les deux décades d’Orationes et dissertationes [Discours et dissertations] de Marten Schoock (Deventer, 1650), et pour la première partie de ses quatre livres « sur le Scepticisme » (Groningue, 1652), contre la philosophie cartésienne, qui n’eut pas de suite.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 51 ro.

Clarissimo viro D. Christiano Utenbogardo, Medicinæ Doctori, Ultrajectum.

O te virum incomparabilem et amicum præstantissimum ! Initio
Epistolæ sic cogor exclamare : Amicus fidelis medicamentum vitæ. Aurea misistis
munera pro æreis, pro quibus gratias ago quantas possum maximas :
Libros tuos intelligo, et bene longam grandem Epistolam de vestrorum Theologorum
indole ac ingenio, cum libellis D. Schoockij, viri optimi, et cujus in me
benignitati plurimum debere fateor : quem ideo si placet meo nomine
salutabis, eiq. meam responsionem, singularia imò et meipsum offeres. Scias ergo
velim, me Fasciculum tuum accepisse die Mercurij 24. Ianu. cum
illa tua Epistola, cui sum statim responsurus.

Theologastris vestris, imò et nostris meliorem mentem exopto, à
quorum utpote nimis petulante ingenio mirum in modum turbatur Orbis
Christianus. Theologic. Disput. tomum 3. postquam typis mandatus
fuerit facile mihi comparabo, non propter ipsius Authoris meritum, sed
propter infinitatem lectionis quæ ibi prostat : si 4. et v. successerint,
de illis quoque emendis cogitabo, eadem de causa, licet ipsum Auctorem
quem mihi graphicè descripsisti, summo suo jure parvi faciam.

Batavus quidam scriptor multæ eruditionis, Edo Neuhusius
dictus, filium reliquebat et eum eruditum, dictum Reinerum,
multis quoq. scriptis jam clarum : indica mihi quid ille novi
moliatur ? in qua urbe doceat, imò et an vivat, an
eum noveris, et ac quanti eum facias : et quid à paucis
annis in lucem emiserit : puto eum Alcmariæ docuisse.
Reinerus, ut puto vocatur : Hîc habeo quædam ejus scripta,
Epistolas, Poemata, et Excerpta ex Seneca : si vivat et adhuc doceat
scribam ad illum, si volueris.

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 38 vo.

Silentium illud quod epistola tua tota mihi commendas, accuratissimè et
fidelissimè servabo : adde quod Cercopem illum vestrum non aliunde
novi quàm ex scriptis in lucem editis, præsertim ex duobus tomis Disputat.
Theologicarum
, nec ullum unquam vidi præter Te qui eum noverit.
Pro tot libris et scriptis polemicis, raris atque novis et curiosis gratias ag[o]
quam maximas : lubentissimè : sed quid faciam Cl. viro D. Mart. Schookio ? qui
mihi tam mecum adeo liberaliter egit : qui tot mihi, rogatu tuo libros et libello[s]
misit, mihi nihil tale merenti, et ac ei prorsus ignoto. Quod ad eum specta[t]
eum ejus certè delicium jamdudum noveram, per quosdam ejus libellos quos hîc habeo,
præsertim v. Imperium maritimum : et Dissertationem de harengis, laborio-
sam altè ac eruditam, à Cl. viro, D. Gabr. Naudæo, amico mihi
dum viveret conjunctissimo atque constantissimo, olim dono datam, quam
ante annos quinque integram legi ac devoravi, et tanquam rem optimam
probavi, in delicijs habui, ac etiamnum habeo. Eruditissimo et grati-
sissimo viro plurimum debeo, nec debere recuso, quousque άντιπελάρ-
γεω, et ut ita dicam retaliare potuero : interea v. memorem geram
animum pro tot acceptis et mihi planè immerenti collatis benefecijs : cujus
gratæ mentis apud eum meæ Te si placet, sponsorem constituo. Tu v.
de Cl. illo viro, et P[hilosop]ho non vulgari, scribe ad me, cujas sit ? cujus ætate
et staturæ ? an uxorem habeat ac liberos, an firma sit valetudine præ-
ditus, an amplis gaudeat stipendijs, etc.

Pharmacopœam vestram Ultraj. lustravi : verùm, dic sodes, quare
nomen tuum cum alijs Medicis non legitur ad finem Epistolæ ? Editio illa mihi non
videtur satis emaculata : Tractatum v. de delectu et et cognitione quorum-
dam medicamentorum vellem magis accuratum et ampliorem : imò, ejus Author
non videtur peritus in natura, nec in mangonio medicamentorum : sex plus enim erravit,
quod doleo in illa materia contigisse, quæ est magni momenti : bone Deus,
quàm multi Medicorum titulo superbientes, in tali delectu quotidie
decipiuntur à callidis æruscatoribus ac versutis pharmacopæis ! Quid
sibi vult illorum sua Aloë succotrina et hepatica ? quid cum suo bezoar
mero pharmacopolarum et seplasiariorum figmento ? quid nugatur super
manna ? verum nuspiam reperitur, nequidem in Calabria : quod autem hodie
sic vocatur, fingitur et adulteratur ab Italis pharmacopolis ex melle, saccaro et
scammonio
, cujus virtute serum et aquas educit, est tamen pravum, ac
pessimum medicamentum, à quo abhorrebat vir maximus Nicolaus Pietrus
qui hîc obijt octogenarius, et Antiquior Scholæ magister ^ anno 1649. in quo etiam/ reliquit multos sectatores. Nimis pauca scripsit de Sena, omnium purgantium regina, et cujus auxilio non potest
hodie Medicina carere, utpote quæ sola superet omnium Chymicorum secreta.

De oratione Freitagij quæ nuspiam reperitur seriò doleo : rogo tamen ut
ejus interdum recorderis, quousque tandem possit recuperari. Clarissimo viro D.
Mart. Schoockio salutem meo nomine nuntiabis plurimam, meámque mittes Epistolam hîc inclusam. <*>
Cùm volles ad me scribere, mitte ad D. Vander Linden, virum optimum, et Amicum nostrum,
qui eas mihi tutò preferendas curabit. Interea v. te Vir Cl. vive, vale et me ama.

Tuus æternùm futurus Guido Patin.

Parisijs, 2. Febr. 1657.

<*> Habeo duas ejus Decades Orationum : nullásne alias edidit ? de Septicismo veniétur
pars posterior ? hæc omnia sunt optima, et præstantissimi artificis opera. Cùm etc.
Clariss. viro D. Martino Schoockio, etc.

☩ Inter illa folia et chartam emporeticam qua erant involuti tui illi libri quibus me donari voluisti, folium unum
reperi, quod est de re Medica, et cujus ope agnosco Ultrajecti fuisse editas quasdam Disputationes practicas de historijs
ægrorum
, quarum illa est decima quinta, De Epilepsia : rogo Te ex animo, ut quidsiquid illius Operis emendum supersit,
mihi redimas, totum pretium libentissimè refundam : sive vocentur Theses, Disputationes, Historiæ, de nomine nihil est D. Isbrandus de Diemerbroeck, apud vos professor ; in 4. Trajecto ad Rhenum, 1652. Fortassis adhuc deprehendetur
aliquod exemplar singularum ejusmodi Theseωn apud Typographum, Io. à Waesberge : quem ideo si placet coires : isthæc
Academica scripta pluris facio quam multos libros Italorum. Pharmacopœam, etc.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Christiaen Utenbogard, le 2 février 1657

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(Consulté le 29/03/2024)

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