L. latine 75.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
le 9 février 1657

[Ms BIU Santé no 2007, fo 52 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johannes Antonides Vander Linden, docteur en médecine à Leyde.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Tandis que règne partout la folie populaire, [1][2] je n’ai de reste que fort peu de loisir. Je vous écris pourtant de nouveau, en vous priant de ne pas vous tourmenter pour la fréquence de mes lettres : toutes choses venant en leur temps, je vous donnerai dorénavant, sans aucun doute, moins de nouvelles car je vais commencer mes leçons publiques ; [3] mais aujourd’hui je vous sollicite sur des sujets dont je souhaite être mieux assuré ; et si j’ai dérangé vos éminentes études par cette mienne hâte, pardonnez à un ami qui vous importunera moins à l’avenir.

Ne songez-vous pas à une nouvelle édition augmentée de vos livres de Scriptis medicis ? Je vous le demande afin qu’à mes heures de désœuvrement, j’y apporte ma contribution pour lui donner du lustre et l’enrichir, et vous être utile en quelque façon, que ce soit par mon travail ou par mon influence ; à quoi je désire beaucoup vous servir. [2][4]

Jan van Beverwijk, médecin de Dordrecht, excellent homme et jadis mon très honorable ami, quand il vivait encore, n’a-t-il pas laissé des fils ? Que font-ils, ont-ils suivi les traces de leur père ? [3][5][6]

Pensez-vous que sera jamais publié cet opuscule de Claude Saumaise de Manna et Saccharo, dont j’ai depuis longtemps entendu parler ? [7][8][9] Ce très illustre personnage pensait et s’était mis en tête que jadis, chez les Anciens, le sucre était différent de celui que nous avons aujourd’hui, car il rafraîchissait et convenait donc dans les fièvres ; quelque avis de Pline l’en avait convaincu. [4][10] Je ne me soucie guère de ce qu’il aura pensé de la manne, ne sachant qu’une chose : c’est que notre manne, celle qu’on trouve aujourd’hui dans les officines, n’est pas dénuée de falsification ; je suis même absolument certain que c’est pur maquignonnage. Toute cette manne des boutiquiers, qu’on trouve partout à vendre, nous est apportée d’Italie, où certains marchands et fraudeurs la fabriquent en divers endroits à partir de miel clarifié, de sucre et de scammonée, [11][12][13] d’où elle finit par devenir altérante ; ce qui est la marque d’un très mauvais médicament. Il est pourtant évident pour moi, en toute bonne foi et selon le témoignage éprouvé d’hommes fort compétents, que la Nature ne procure nulle manne véritable, pure et authentique ; qu’elle n’y existe et ne s’y trouve pas, pas même en Calabre, d’où nous vient la meilleure ; et que de parfaits fripons mentent en la colportant dans le monde entier. Certains avouent sans doute que notre manne, [Ms BIU Santé no 2007, fo 53 ro | LAT | IMG] qu’on trouve en si grande abondance dans les pharmacies, n’est en vérité pas de Calabre, mais, seulement de Briançon, comme ils disent ; [14] c’est-à-dire venue d’une ville de ce nom en Dauphiné, qui est une province de notre France, proche de la Savoie ; mais ceux-là sont semblables aux Crétois, toujours menteurs, [5][15] car cette manne, même si elle est vraiment distincte de celle d’Italie, se signale aussi par sa falsification : on l’y fabrique à partir de miel clarifié, de scammonée, et de suc d’euphorbe et de tithymale. [6][16][17] Je sais cela aussi certainement que je me sais en vie ; mais vous, très distingué Monsieur, que pensez-vous de ces sujets difficiles, car je recours à vous comme à un oracle ?

Quand donc imprimera-t-on le 2d livre des Epistolæ de ce même Saumaise ? N’avez-vous aucune nouvelle de l’Oratio de Freitag contre les pharmaciens ? Écrit par un très savant homme, ce discours n’aura-t-il pas disparu pour faire plaisir à tant de vauriens, mais au très grand préjudice de la bonne cause médicale ? Je pense certainement utile à tous les honnêtes gens que de tels écrits ne périssent pas : ils ne laissent pas de défendre la vérité, car ils ne trompent pas les gens de bonne volonté, même si, au bout du compte, ceux-là veulent qu’on les trompe. [7][18][19][20]

Vous n’avez pas écrit de dédicace sur les Selecta que vous avez offerts à mon Carolus, contrairement à ce que vous avez fait pour les autres, et vous savez fort bien pourquoi ; mais mon fils vous prie instamment (et je partage son vœu) de m’envoyer, si vous voulez bien, un billet de quelques mots qu’il attachera au début de votre livre pour que, se souvenant de votre générosité, il puisse aussi sérieusement se glorifier de la grande faveur que vous lui avez faite. [8][21][22]

N’avez-vous eu aucune nouvelle de notre Simon Moinet, [23] n’a-t-il pas reçu ma lettre, réside-t-il à Leyde ou à Amsterdam, ne deviendra-t-il pas dorénavant plus raisonnable ? Je n’en sais rien du tout.

Puisque vous avez voulu que ma bibliothèque s’enorgueillisse aussi de vos présents, [24] afin que vous ne jugiez pourtant pas que je suis le débiteur oublieux ou ingrat de tant de livres offerts, il me semblerait que je ne vous doive pas seulement mes remerciements et ceux de mes fils ; [25] pour vous procurer quelque contribution concrète de ma part, je voudrais vous aviser qu’en lisant la préface De laudibus et vita Cl. Salmasii, page xviii, j’ai été surpris d’y apprendre qu’il serait né en 1596 alors qu’en 1644, Claude Saumaise en personne m’a ici dit et affirmé être venu au monde en1588, ; [9][26] année tout à fait remarquable dans nos annales françaises, et il a ajouté : Quo cecidit fato Consul uterque pari [10][27] (à comprendre comme étant les deux frères Guise, savoir le duc et le cardinal[28][29] accusés de lèse-majesté pour avoir aspiré à la royauté ; c’est pourquoi notre roi Henri iii [30] ordonna par édit royal de les tuer à Blois sur la Loire, où se tenaient les états généraux du royaume ; [31] voyez, de grâce, là-dessus le très remarquable historien Jacques-Auguste de Thou, sur cette même année 1588, vers la fin du tome 4 de l’édition de Genève, qui est la plus achevée et la meilleure de toutes). [11][32] Dites-moi, je vous prie, d’où j’aurais pu mieux et plus sûrement apprendre que de cet homme incomparable l’année de sa propre naissance, lui qui s’est comporté si amicalement à mon égard ; de quoi vous aviserez, s’il vous plaît, le savant Antoine Clément, auteur de cette préface, et le saluerez, je vous prie, de ma part. [33] Il faut sûrement que Claude Saumaise soit né avant l’an 1596 et je le prouve comme suit : Joseph Scaliger, [34] ce héros de la république des lettres, mourut à Leyde au début de l’an 1609 ; en 1607, il a écrit à Claude Saumaise une lettre bien longue et de grande importance ; [12] mais jamais personne ne saura me persuader qu’un si grand homme a écrit de telles lettres à un enfant de 11 ans ; ce qui pourtant devrait être vrai si Claude Saumaise n’était né qu’en 1596, comme il est dit là, ce qui est impossible. [Ms BIU Santé no 2007, fo 54 ro | LAT | IMG] Il me reste une autre preuve, et celle-là est absolument incontestable, que Claude Saumaise est bien né en 1588 : parmi les lettres qu’on lit de Casaubon à Saumaise, certaines ont été écrites en 1604 et 1605. [13][35] Dites-moi, je vous prie : le très grand Casaubon a-t-il écrit à un enfant de huit ans sur des sujets d’érudition critique ? Cela est inouï ; il en serait pourtant ainsi si Claude Saumaise était né en 1596. Præterea, etc. recurre ad initium epistolæ pag. præced. [14]

[Ms BIU Santé no 2007, fo 53 vo | LAT | IMG] Qui pis est, dans la nouvelle édition des Opera omnia de Fernel récemment parue, in‑4o à Utrecht, se lit aussi une erreur sur l’âge de Fernel : il est né en l’an de grâce 1506, et non pas en 1485 comme on lit là. [15][36][37] Voici comment je le prouve : l’épitaphe de Fernel, qui se présente au public en l’église Saint-Jacques-de-la-Boucherie, non loin d’ici, lieu de sa sépulture, porte ces mots en grandes lettres dorées : Obiit anno ætatis lii. anno Chr. 1558 ; [16][38] mais non pas 1557 comme on lit dans sa Vita. En outre, je me souviens avoir lu dans les Commentaires de notre Faculté, que j’ai eus en ma possession pendant les deux années entières de mon décanat, que Fernel est mort le 26e d’avril 1558, à l’âge de 52 ans. Qui, je vous prie, a pu mieux savoir cet âge que son propre gendre, [39] qui a rédigé l’épitaphe, et quel avantage aurait-il donc tiré d’un mensonge ? Ou mieux que le doyen lui-même de notre École, qui avait en mains nos Commentaires et qui a annoncé aussitôt la mort d’un si grand personnage, et plus précisément dans la semaine même de sa survenue, et l’y a écrite de sa propre main comme un fait remarquable, et tout à fait digne de remarque particulière ? [17][40][41]

Ajoutez à cela que j’ai en ma possession une autre Vie manuscrite de Jean Fernel et qui n’a pas encore été imprimée, écrite par Guillaume Capelle, médecin de Paris à la même époque, [18][42][43] qui rapporte la même chose sur son âge, à savoir que Fernel, qui n’était pas encore un vieillard, est passé de vie à trépas à l’âge de 52 ans ; or cet écrivain voyait Fernel, et le connaissait. Donc, etc.

Mais, direz-vous, pourquoi m’écrire cela, mon cher Guy, sur les naissances de Fernel et de Saumaise, qui tous deux furent d’éminents hommes ? J’avoue certes que ce n’est pas plus important pour vous que pour la république médicale tout entière. J’ai pourtant voulu vous aviser de ces deux faits pour que, si vous le pouvez, vous en avisiez d’autres, et pour que vous partagiez en quelque façon le fruit de ma petite marotte ; ce dont pourtant, selon l’ancienne formule, nemo tenetur rationem reddere[19][44] J’ai cependant déterré cela pour vous, à l’abri dans mon étude, tandis que beaucoup de gens déguisés et masqués courent par la ville, et que pris de folie collective, ils célèbrent la fête des fous, qui est à peine différente des bacchanales des anciens. [20]

J’aimerais aussi savoir de vous qui est ce Louis de Beaufort, natif de Paris, docteur en médecine, qui a récemment publié chez vous une Cosmopœa divina, etc., qu’il a dédiée à M. Golius, recteur de votre Université : [21][45][46][47] vivrait-il à Leyde, que ferait-il, enseignerait-il ou pratiquerait-il la médecine, serait-il vieux, etc. ?

Le pape romain n’est pas mort. [48] On dit qu’au printemps prochain, toutes les armées se rueront en Italie et que notre roi ira lui-même jusqu’en Savoie pour encourager ses troupes qui passeront par là. [22][49]

La duchesse de Mercœur est morte ici ce matin, âgée de 21 ans. Elle avait accouché 15 jours auparavant ; voilà deux jours, elle avait été frappée de paralysie à la jambe droite ; enfin, elle est devenue apoplectique par une abondance de sang qui s’est portée en masse vers le cerveau ; deux médicastres de la cour lui ont aussitôt fait prendre de leur vin émétique d’antimoine ; [50] elle a expiré cinq heures plus tard, tant par la force de la maladie que par la malignité du remède[23][51][52][53][54] Elle était nièce de notre Premier ministre, le cardinal Mazarin, étant fille de sa sœur, qui mourut ici il y a deux mois. [24][55][56] [Ms BIU Santé no 2007, fo 54 ro | LAT | IMG] Elle est passée en l’autre monde ; Dieu fasse que la suivent bientôt les auteurs de tant de calamités qui aujourd’hui oppriment et écrasent sans ménagement la France tout entière. Son mari, le duc de Mercœur, est le fils aîné du duc de Vendôme, lui-même fils naturel de Henri iv, qui fut jadis hélas notre roi. [57][58][59]

Un homme très haut placé m’a aujourd’hui rapporté que le représentant de notre pays en Hollande ne sera pas M. le président de Thou, [60] parce que Mazarin lui a refusé cette somme d’argent qu’on a coutume d’octroyer à nos ambassadeurs. Ce Thou a eu pour père M. Jacques-Auguste de Thou, homme très considérable, président au mortier du Parlement de Paris, auteur très distingué des Historiæ sui temporis[11] S’il était parti en ambassade dans votre pays, je lui eusse parlé de vous et de vos mérites, pour que vous l’eussiez eu comme ami tout le temps qu’il aurait rempli sa charge en Hollande ; je l’ai en effet pour ami et allié, par-dessus tout. [25]

Mais voici que je reçois votre lettre datée de Leyde le 23e de janvier, qui me met dans une joie peu commune. Je vous remercie pour M. Barthius et me réjouis qu’un homme si digne de louange soit encore en vie. [61] Je suis content et vous suis reconnaissant que Simon Moinet ait reçu mes lettres. Notre Riolan ne va toujours pas mieux, je prendrai soin du reste plus tard. [26][62][63] Pour les livres de M. René Moreau, [64][65] vous n’avez plus aucune aide à espérer de moi, car M. Nicolas Fouquet, procureur général du Parlement de Paris et surintendant des finances du roi, [66][67] se les est tous achetés pour dix mille livres tournois. J’entends cette partie de sa très riche bibliothèque qui concernait la médecine ; les autres livres de critique, de philosophie, de théologie sont exposés à la vente dans la foire Saint-Germain, qu’on tient ici chaque année pendant tout le mois de février. [68] On n’a dressé aucun catalogue de cette bibliothèque, et on ne le fera pas car elle se vend au détail jour après jour. Je pense que j’ai ici le livre d’Alessandro Petronio de Victu Romanorum, c’est pourquoi je vous l’offre. [27][69] Je n’ai jamais vu Argentier de veterum medicorum Erroribus, et il ne se trouve pas dans la liste placée au début de ses Opera[28][70][71] Mes fils vous saluent, comme je fais tout le premier, en vous promettant toute sorte de services.

Vale, très distingué Monsieur, et continuez toujours de m’aimer. Vale, pardonnez et aimez-moi.

Votre Guy Patin de tout cœur.

De Paris, ce vendredi 9e de février 1657. [29]


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johannes Antonides Vander Linden, ms BIU Santé no 2007, fos 52 vo‑54 ro ; manuscrit long et complexe, avec imbrication de trois paragraphes ajoutés à la fin (écrits sur les fos 53 vo et 54 ro), dont notre traduction a rétabli l’ordre logique.

1.

Guy Patin avait en horreur les festivités du carnaval (depuis les Rois, le 6 janvier, jusqu’à l’entrée en carême, v. note [3], lettre 47) ; il y est revenu au cours de sa lettre (v. infra note [20]).

2.

Guy Patin anticipait la troisième édition des deux livres « des Écrits médicaux » (Amsterdam, 1662, v. note [7], lettre 449), répertoire bibliographique que Johannes Antonides Vander Linden mettait continuellement à jour et qui abreuvait la bibliomanie de son ami Patin, qui découvrait avec émerveillement la deuxième édition (Amsterdam, 1651), après l’avoir attendue depuis décembre 1653 (v. note [3], lettre latine 26).

3.

Du second mariage de Jan van Beverwijk avec Elisabeth de Bakker, en 1626, naquirent huit enfants, dont il ne restait en 1677 que deux filles, Anna et Maria, et un fils prénommé Willem (Paquot, tome x, pages 116‑129). Guy Patin a plus tard mentionné la venue à Paris de ce fils de son défunt ami.

4.

V. notes 

5.

Cretes mendaces semper est la traduction latine d’une imprécation que Callimaque de Cyrène (poète grec du iiie s. av. J.‑C.) a prononcée contre les Crétois qui prétendaient posséder le tombeau de Jupiter sur leur île.

Saint Paul l’a reprise dans son Épître à Tite (1:12) :

Cretenses semper mendaces, malæ bestiæ, ventres pigri.

[Crétois toujours menteurs, mauvaises bêtes, ventres paresseux].

6.

Euphorbe (Furetière) :

« arbre semblable au ferula, qui est plein d’un jus fort subtil et fort pénétrant, jusque là qu’il le faut tirer en le perçant de loin avec une pique ou une lance. Ce jus qui en sort en abondance se recueille dans une peau de mouton dont on environne l’arbre ; et c’est celui qu’on appelle euphorbe vitré. Les apothicaires ne veulent pas le battre eux-mêmes, mais le font battre par des crocheteurs, {a} parce que, quelque autre précaution qu’on prenne, il monte au cerveau où il fait de dangereuses inflammations. {b} Pline dit que l’invention de l’euphorbe est attribuée à Juba, roi de Libye, qui lui donna le nom d’Euphorbius, son médecin, frère d’un Musa, médecin d’Auguste. {c} L’euphorbe est un médicament laxatif qui est fort dangereux, car c’est le plus ardent et le plus violent de tous les remèdes, quand même il serait pris en petite quantité. Il est propre aussi pour faire éternuer. »


  1. Crocheteur (portefaix) se dit, « par extension, des gens de basse condition qui font des choses indignes des honnêtes gens : il n’appartient qu’aux crocheteurs de battre leurs femmes ; on nous a donné à ce repas du vin de crocheteur ; ces gens-là se sont dit des injures de crocheteur » (Furetière).

  2. Euphorbe est primitivement un mot grec signifiant « bien nourri ».

  3. V. note [6], lettre latine 412.

7.

V. notes [4], lettre 487, pour la mort d’Antoine Clément, son éditeur, qui empêcha la publication du second tome des « Épîtres » de Claude i Saumaise, et [12], lettre latine 43, pour le « Discours » de Johann Freitag contre les pharmaciens (Groningue, 1633).

8.

V. note [1], lettre latine 71, pour cet exemplaire des Selecta medica… [Morceaux médicaux choisis…] (Leyde, 1656) que Johannes Antonides Vander Linden avait initialement destiné à René Moreau, dont la mort avait fait Charles Patin le bénéficiaire.

9.

Guy Patin voulait prouver à Johannes Antonides Vander Linden qu’il lisait attentivement les livres qu’il lui offrait. L’assertion qui conteste la date ordinairement reconnue pour la naissance de Saumaise (15 avril 1588) se trouve à la page xviii des Prolegomena [Préambules] d’Antoine Clément (v. note [4], lettre 487) « sur les mérites et la vie de Saumaise » qui forment la préface du premier livre de ses lettres latines (Leyde, 1656, v. note [12], lettre 392) :

His Parentibus editus est Heros noster, et quidem partu septimestri, Anno superioris seculi nonagesimo et sexto, in Suburbano Avi sui, quod propè Semurium visitur in Alexio Ballivatu. Unde et Alexium alibi se inscribit. Quibus verò argumentis Viri Clarissimi adducti hactenus fuerint, ut anno lxxxviii. natum assererent, equidem ignoro ; nec sequendos hic existimavi, cum universa vitæ series illud confutet, et ipse mihi Salmasius luculentus testis sit in Epistolis suis ; quod et deinceps pluribus adstruemus.

[Ces parents {a} ont donné naissance à notre héros, après une gestation de sept mois, en la 96e année du siècle dernier, dans la propriété de son grand-père qu’on visite près de Semur dans le bailliage d’Auxois ; ce qui fait qu’on lui donne aussi le nom de Semur-en-Auxois. J’ignore, à vrai dire, quels arguments ont jusqu’ici conduit des personnes très distinguées à soutenir qu’il est né en 88, et n’ai pas jugé bon de les suivre ici parce que tout le reste de sa vie le réfute, et que Saumaise lui-même m’en sert d’éminent témoin dans ses lettres ; et c’est ce que nous garantirons à la suite de plusieurs autres].


  1. Bénigne Saumaise (v. note [2], lettre 119) et Élisabeth Virot, père et mère de Claude i Saumaise.

Plus loin (page xxii) une naissance de Saumaise en 1593 se déduit de cette autre phrase :

Quod cum Parenti rescripsisset, circà Nonas Septembreis, anno ciɔ iɔ cvi, iter ingressus est, annum ætatis agens xiv.

[À ce qu’il a écrit à son père, il a entrepris son voyage {a} vers le 5 septembre 1606, dans sa 14e année]. {b}


  1. Pour Francfort.

  2. La 19e s’il était né le 15 avril 1588.

Plus loin encore (pages xxvii‑xxviii) :

Juvat audire, quæ in eam rem olim ad Clarissimum atque Eruditissimum Virum Fred. Gronovium scripsit, Epistola hujus Libri cxi. Scio me Auctorem illum (de Floro loquitur) olim in Germania curasse edendum, Cum vix quindecim essem annorum (Nota.) Præter mea errata tot alia de suo accumularunt operæ, ut fœtum illum numquam pro meo agnoverim. Habeo tamen ad editionem paratum elegantissimum illum Auctorem : qui ubi prodierit, si unquam prodit, ostendet quid intersit inter puerila rudimenta et maturioris ætatis curam. Ergo ex illis apparet falsam esse computationem, quam vulgò in designanda ætate Claudii nostri servarunt Viri docti. Si Anno ciɔ iɔ lxxxviii natus fuit ο μακαριτης, Florum in Burgundia ediderit oportet Anno hujus Seculi iii. ante quàm etiam de Germania cogitaret : aut si in Germania edidit circa Annum hujus ævi ix (ut omnino verum est) jam oportet xx et amplius annorum fuisse ; et sic insignitum Ejus mendacium fuerit, quod ipsius manu rotundis literis consignatum heic expressimus.

[Il est utile d’entendre ce qu’il a jadis écrit sur ce sujet au très distingué et très savant Friedrich Gronovius {a} dans la lettre cxi de ce livre : {b} « Je sais que je me suis jadis occupé à produire une édition de cet auteur (il s’agit de Florus) {c} en Allemagne, quand j’avais à peine quinze ans (notez bien cela). Ses œuvres ont tant amassé d’erreurs, outre les miennes propres, que jamais je ne reconnaîtrai ce rejeton pour mien. J’ai pourtant ce très élégant auteur prêt pour la publication : quand elle paraîtra, si jamais elle paraît, {d} cette édition montrera la distance qui sépare les essais d’un enfant et l’application d’un âge plus mûr. » Ces mots démontrent donc la fausseté du calcul dont de savants personnages se sont servis pour établir l’âge de notre Claude. Si feu Saumaise était né en 1588, il faudrait qu’il eût mis son Florus au monde en Bourgogne en 1603, avant même d’y avoir pensé en Allemagne ; ou s’il l’a engendré en Allemagne vers 1609 (comme il est absolument vrai), il fallait qu’il eût déjà 20 ans et plus].


  1. V. note [5], lettre 97.

  2. De Leyde, le 30 août 1637, page 259 du recueil.

  3. V. note [4], lettre 435.

  4. Le Florus de Saumaise a été publié pour la première fois à Leyde en 1638.

10.

« Celle où les deux consuls ont succombé au même destin » (Ovide, Tristes, élégie x, vers 6, avec remplacement justifié de Cum par Quo).

11.

Double assassinat des deux chefs de la Ligue, Henri ier de Lorraine, duc de Guise, dit le Balafré (v. note [1], lettre 463), puis de son frère, Louis de Lorraine, cardinal de Guise (1555-1588), aux états généraux de Blois (octobre 1588-janvier 1589), par l’ordre du roi Henri iii, le 24 décembre 1588, relatés page 374 du 4e tome (livre xciii) des Iacobi Augusti Thuani Historiæ sui temporis… [Histoires de son temps de Jacques-Auguste de Thou…] (Genève, 1620, v. note [4], lettre 13) : traduction en français dans Thou fr, volume 10, pages 469‑479.

12.

Dans le livre iii des Ép. lat. de Joseph Scaliger (Leyde, 1627, vBibliographie), on trouve non pas une, mais trois lettres, fort érudites et parsemées de grec, adressées à Claude i Saumaise, datées de Leyde en 1607 ; elles portent les numéros ccxlv (12 mai, pages 525‑528), ccxlvi (9 août, page 529) et ccxlvii (21 décembre, pages 530‑533).

13.

Treize des Isaaci Casauboni Epistolæ… [Lettres d’Isaac Casaubon…] (La Haye, 1638, v. note [7], lettre 36) sont adressées à Claude i Saumaise (nos xxviii à xli), datées de 1604 à 1613.

Les biographies modernes de Claude i Saumaise donnent le 15 avril 1588 pour date de sa naissance.

14.

« Praeterea, etc. [Qui pis est, etc.], revenez page précédente, au début de la lettre ». Le brouillon de la lettre est scindé en trois fragments qui s’enchevêtrent sur quatre pages : cette annotation de Guy Patin aide (et l’aidait lui-même) à s’y retrouver, avec retour du fo 54 ro au fo 53 vo.

15.

V. note [3], lettre 463, pour l’Universa Medicina [Médecine universelle ou « Pathologie »] de Jean Fernel (que Guy Patin appelait ici ses « Œuvres complètes ») publiée par Jan i et Otto van Heurne (Utrecht, 1656).

La Joan. Fernelii Vita [Vie de Jean Fernel] par Plantius (Guillaume Plancy), publiée pour la première fois en 1607, y est réimprimée, en donnant 1485 pour l’année où naquit Fernel (v. note [1], lettre 80) ; ce que Patin contestait obstinément (v. notes [18], lettre 468, et [27], lettre 523), estimant qu’il s’agissait de 1506 (et ce à juste titre, v. notule {a}, note [4], lettre 2), et qu’il était mort en 1558 âgé de 52 ans (et non de 73 ans). Plantius avait d’ailleurs commis une autre erreur en donnant 1557 pour année de la mort de Fernel. Otto van Heurne n’y avait vu que du feu.

16.

« Il mourut à l’âge de 52 ans en l’an de grâce 1558 » : v. note [18], lettre 468, pour la transcription exacte et complète de cette épitaphe par Thomas Bartholin dans une lettre à Jan de Wale.

17.

V. la même note [18], lettre 468, pour cette mention dans le tome vii des Comment. F.M.P. Au moment de la mort de Jean Fernel (avril 1558), le doyen de la Faculté de médecine de Paris était Jean i Riolan, mais il n’a pas écrit l’âge du défunt.

18.

Dans l’emportement de sa démonstration, Guy Patin a écrit Iac. Capel, mais aucun contemporain de Jean Fernel nommé Jacques Capel ne figure dans la liste des docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris établie par Baron.

J’ai sans hésitation remplacé le nom de Jacques Capel par celui de Guillaume Capelle (Guilielmus Capellus, natif de Paris, reçu docteur régent en 1565), élève et disciple de Fernel qui a donné la première édition de son Consiliorum Medicinalium Liber… [Livre des Consultations médicales…] (Paris, 1582, v. note [16], lettre 79) ; Capelle en a rédigé l’épître dédicatoire à Julien Le Paulmier, D. Iuliano Palmario Doctori Medico Parisiensi Celeberrimo Guilielmus Capellus Parisiensis Doctor Medicus S.D.

La preuve certaine de ce quiproquo se trouve dans un hommage manuscrit que Patin a rendu à Fernel, et que conserve le Collège de France (ms Montaiglon, page 125) :

« Jean Fernel, docteur en médecine de la Faculté de Paris, et premier médecin du roi Henri ii, meurt à Paris le 26e d’avril 1558, âgé de 52 ans. Il a été le premier médecin de l’Europe, depuis Hippocrate et Galien, et a laissé un livre latin qui durera tant que le monde ; dans lequel il a écrit, en aussi beaux termes que Cicéron même, toutes les lois et préceptes de la médecine. Il a été grand philosophe et grand médecin de la Faculté de médecine, et Paris aura toujours de quoi se glorifier d’avoir produit et élevé un si grand personnage dans un siècle qui était encore plein de barbarie. Car c’est lui qui a remis les bonnes lettres en lustre et en honneur dans la France, avec Guillaume Budé, Jacques Sylvius et Adrien Turnèbe ; {a} comme faisaient en même temps en Allemagne Didier Érasme et Philippe Melanchthon ; {b} et peu de temps avant eux, en avaient autant fait en Italie Ange Politien, Pierre Bembo, Christophe de Longueil et Sadolet. {c} La postérité doit l’honneur de ce rétablissement à la libéralité de deux grands princes, savoir du pape Léon x, de la famille des Médicis, {d} et à notre très glorieux roi François ier. Jean Fernel était du diocèse de Beauvais, et non pas d’Amiens comme plusieurs ont cru, car il était natif de Clermont-en-Beauvaisis, {e} dans la maison du Cygne, où son père était hôtelier, dans le faubourg de Clermont surnommé d’Amiens ; qui est une vérité dont je suis fort persuadé, tant par l’inventaire des biens qui fut fait après sa mort, où cette hôtellerie est appelée la maison natale de Jean Fernel, que par les Registres de la Faculté de médecine de Paris, l’an 1558, et par deux Vies de Fernel, dont l’une est imprimée, par Guillaume Plantius, {f} et l’autre manuscrite, par Guillaume Capelle, tous deux médecins de Paris qui ont vu Fernel et vécu de son temps. Et de tout ce que dessus, j’ai pour garant M. Guy Patin, docteur régent en la Faculté de médecine de Paris, par ci-devant doyen d’icelle Faculté, et aujourd’hui professeur du roi en médecine au Collège royal ; lequel est né dans ce même diocèse de Beauvais et qui honore Fernel comme un des plus grands hommes qui aient jamais été. » {g}


  1. V. notes [6], lettre 125, pour Guillaume Budé (1467-1540), [9], lettre 9, pour Jacques Sylvius (Dubois, 1478-1555) et [20], lettre 392, pour Adrien Turnèbe (Tournebœuf, 1512-1565).

  2. V. notes [3], lettre 44, pour Érasme (1466 ou 1467-1536), qui était hollandais et non allemand, et [12], lettre 72, pour Melanchthon (Philipp Schwarzerd, 1497-1560).

  3. V. notes :

    • [7], lettre 855, pour Ange Politien (Poliziano, 1454-1494) ;

    • [67], remarque 1, du Naudæana 1 pour Pietro Bembo (1470-1547) ;

    • [53] du Naudæana 2 pour Christophe de Longueil (Christophorus Longolius, 1488-1522).

    Jacopo Sadoleto (Sadolet, 1477-1547), cardinal et humaniste, a été l’un des plus éminents écrivains italiens de la Renaissance.

  4. V. note [7], lettre 205, pour le pape Léon x (1475-1521), fils de Laurent de Médicis.

  5. Ville autrement nommée Clermont ou Clermont-de-l’Oise, 30 kilomètres à l’est de Beauvais.

  6. Guillaume Plancy.

  7. Texte non daté ; la fin fait penser que Patin écrivait à l’intention d’une autre plume, mais elle n’est pas identifiable.

19.

« nul n’est tenu d’en rendre compte » : Nemo rationem otii sui reddere cogeretur [Nul n’est tenu de rendre compte de son loisir] (Suétone, Vie des douze Césars, livre vii, Vie de Galba, chapitre ix, § 3).

Dans la 3e édition de ses deux livres de Scriptis medicis [des Écrits médicaux] (Amsterdam, 1662, , v. note [29], lettre 925), Johannes Antonides Vander Linden est resté circonspect sur les vies des deux médecins dont Guy Patin l’entretenait ici avec passion.

20.

V. note [1], lettre 340, pour les jours gras et la fête des fous.

Dans son brouillon manuscrit, Guy Patin a ici écrit la première des deux dates (identiques) et des deux salutations finales (distinctes) de sa longue lettre ; je les ai placées et traduites à la fin.

21.

Cosmopœa divina, seu Fabrica mundi explicata. Per Ludovicum de Beaufort, Parisinum Med. Doct.

[Cosmogonie divine, ou la Fabrique du monde expliquée. Par Louis de Beaufort, {a} natif de Paris, docteur en médecine]. {b}


  1. « Louis de Beaufort, médecin de l’École de Leyde, s’est montré grand partisan du cartésianisme, dont il s’est efforcé de concilier les dogmes avec les notions grossières de physique générale et particulières qui sont éparses dans les livres attribués à Moïse » (Panckoucke). Guy Patin ne semblait pas se souvenir de l’opuscule (Leyde, 1652) où Jan van Horne citait Beaufort comme témoin de ses démonstrations sur les voies du chyle (v. première notule {a}, note [4], lettre latine 50).

  2. Leyde, David Lopez de Haro, 1656, in‑12 de 195 pages.

    Ce livre est dédié Spectatissimo, Celeberrimoque Viro, Dno D. Jacobo Golio, Matheseos et Linguarum Orientalium Professori meritissimo, nec non Inclytæ Academiæ Lugduno-Batavæ p.t. Rectori Magnifico [Au très estimé et très célèbre M. Jacob Golius (v. note [5], lettre latine 66), très méritant professeur de mathématiques et de langues orientales, ainsi que présentement noble recteur de l’illustre Université de Leyde]. C’est une ambitieuse suite de dissertations traitant assez banalement de toute l’histoire naturelle, réparties suivant les six jours de la création divine du Monde, telle qu’elle est racontée dans la Genèse.


22.

Louis xiv ne fit pas ce voyage.

23.

V. note [2], lettre 461, pour le trépas rapide (probable apoplexie) de Laure Mancini, duchesse de Mercœur et nièce de Mazarin.

24.

V. lettre du 19 janvier 1657 à Charles Spon pour la mort de Hiéronyme Mancini (née Geronima Mazzarina), sœur du cardinal et mère de la duchesse de Mercœur.

25.

En dépit de ces embûches, Jacques-Auguste ii de Thou, fils de Jacques-Auguste i, prit possession de sa charge d’ambassadeur aux Provinces-Unies quelques mois plus tard.

26.

L’emprunt du précieux Celse que possédait Jean ii Riolan (v. note [1], lettre latine 50) et que Guy Patin promettait vainement à Johannes Antonides Vander Linden.

27.

Alexandri T. Petronii de Victu Romanorum et de sanitate tuenda libri quinque ad Gregorium xiii. Pont. Opt. Max. His accessere libelli duo De Alvo sine medicamentis mollienda.

[Cinq livres d’Alessandro Trajano Petronio sur l’alimentation des Romains et la protection de santé, dédiés à Grégoire xiii, souverain pontife. Avec deux opuscules sur la manière d’amollir les selles sans médicaments]. {b}


  1. Alessandro Trajano Petronio, natif de Citta di Castello en Ombrie (mort en 1585), premier médecin de Grégoire xiii (pape de 1572 à 1585, v. note [2], lettre 430), fut aussi ami particulier et médecin d’Ignace de Loyola.

  2. Rome, in Ædibus Populi Romani [Imprimerie du Peuple romain], 1581, in‑fo, avec privilège accordé par Gregorius Papa xiii. dilecto filio Alexandro Petronio laico Civitatis Castellan. et Medicinæ Doctori [le pape Grégoire xiii à Alessandro Petronio, docteur en médecine natif de Citta di Castello, son bien-aimé fils laïque], daté du 13 septembre 1573.

28.

V. note [3], lettre 9, pour les Opera Johannis Argenterii [Œuvres de Jean Argentier (Giovanni Argenterio)] (Hanau, 1610) qui de fait ne contiennent pas de traité « sur les erreurs des anciens médecins ».

Johannes Antonides Vander Linden pouvait avoir été mal renseigné et confondre Argenterio avec un autre Italien :

Nicolai Leoniceni viri doctissimi de Plinii et aliorum medicorum erroribus liber. Cui addita sunt quædam eiusdem autoris de Herbis et fruticibus, Animalibus, Metallis, Serpentibus, Tiro seu vipera.

[Livre du très savant Nicolaus Leonicenus {a} sur les erreurs de Pline et d’autres médecins, auquel on a ajouté certains traités du même auteur sur les légumes et les fruits, les animaux, les métaux, les serpents, le serpent de Tyr ou vipère]. {b}


  1. Niccolo Leoniceno (Nicolas Léonicène), médecin et humaniste italien (Lonigo près de Vicence 1428-Ferrare 1524), professeur à Ferrare.

  2. Bâle, nfnptovs rftpms [Henricus Petrus], 1529, in‑4o.

Linden n’a pas trouvé la réponse à son interrogation : Léonicène ne figurait pas dans la 2e édition de ses deux livres de Scriptis medicis [des Écrits médicaux] (Amsterdam, 1651, v. note [3], lettre latine 26) et n’est pas apparu dans la suivante (ibid. 1662, v. supra note [19]).

29.

Dédoublement de la formule de politesse (et aussi de la date), lié à la mise en pages fort désordonnée de ce brouillon (v. supra note [20]).

Étant donné la place de son ignosce dans le manuscrit (avant ses cinq ultimes paragraphes d’additions sur d’autres sujets), Guy Patin priait Johannes Antonides Vander Linden de bien vouloir lui pardonner la vigueur de ses arguments pour corriger la date de naissance de Claude Saumaise (v. supra notes [9] à [19]).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 52 vo.

Cl. viro D. Io. Ant. Vander Linden, Med. Doct. Leidam.

Dum per publicam planè insaniam, superest aliquantulum otij, ecce iterum ad Te scribo, Vir Cl.
nec te torqueat, precor, literarum mearum frequentia : omnia tempus
habent : posthac haud dubiè paucior futurum ubiores dabo, quum publicas meas
prælectiones inchoavero. Hodie a. scribo, super quibusdam de quibus
à Te certior fieri opto : quod si meliora tua studia hacce properatione
mea interturbavero, ignosce amico in posterum minùs precaturo.

Cogitásne de nova editione adaugenda libri tui de Scriptis Medicis ?
Hoc a. quæro, ut horis meis subsecivis, ad eam illustrandam et
locupletandam Symbolam meam conferam, et ope mea vel opera
Tibi quodammodo prosim, qcui plurimùm prodesse cupio.

Vir optimus et Amicus meus colendissimus olim dum viveret,
Io. Beverovicius, Med. Dordracenus, reliquitne filios ? quid agunt
illi ? an de illis aliquid audivisti ? Patris vestigia sequuntur ?

Putásne unquam editum iri libellum illum Cl. Salmasij, de quo
jamdudum aliquid audivi, De Manna et Saccaro ? Putabat
ille vir Cl. et sibi in animum induxerat, olim apud veteres aliud fuisse
saccarum quàm nostrum, quod nempe refrigeraret, ac febribus ideo
conveniret, invixus authoritate quadam Plinij., de libro De Manna
qui senserit planè nescius sum non admodum curo : hoc unum scio, Manna nostrum
quod hodie prostat in Officinis, mangonio non carere, imò potiùs
merum esse mangonium : scio enim et apprime enim mihi notum est ; totum
illud Manna seplasiarorum, quod ubique vœnale prostat, ad nos
ex Italia advehi, ubi fingitur à quibusdam institoribus et man-
gonibus, varijs in locis, ex melle filtrato, saccaro et scammonio,
unde fit siticulosum evadit : quod est pessimi medicamenti argumentum.
Nullum a. in rerum natura dari, nec exstare, nec reperiri verum, sin-
cerum et genuinum Manna, certa fide, probatóq. testimonio
hominum peritorum abunde mihi constat, nequidem in Calabria,
unde optimum advehi, et per universum orbem transferi nequissimi
nebulones mentiuntur. Quidam revera certe fatentur Manna

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 53 ro.

nostrum, quod hîc tanta copia prostat in Officinis, revera non est Calabrium,
sed, ut ajunt, Briansonense dumtaxat ; ex oppido nempe ejus nominis, in
Delphinatu, Galliæ nostræ Provincia, Allobrogibus vicina : sed illi
Cretibus similes sunt semper mendaces ; istud enim Manna, quod re vera
etiam ab Italico diversum est, suo quoque constat mangonio : illic enim fingitur
ex melle albicante, scammonio, et succo esulæ atque tithymali : quod
scio tam mihi notum verum esse quàm scio me vivere. Tu v. Vir Cl. super his
difficultatibus quid censes ? ad Te namque quasi ad Oraculum recurro.

Liber 2. Epistolarum ejusd. Salmasij quandonam typis mandabitur ?
De Oratione Freitagij contra pharmac. nihilne audivisti ? perieritne isthæc
Oratio in tot nebulonum gratiam scripta à viro eruditissimo, summo rei medicæ
incommodo ? certè omnium bonorum interesse puto, ut talia scripta non pereant,
à quibus veritatis patrocinium non deseritur, imò per quæ fit, ut etiam
volentes decipi, tandem si velint, non decipiantur.

Libro tuo Selectorum, quo Carolum meum donasti, nullam apposuisti epigraphem,
quod in alijs præstitisti : et quare hoc sic evenerit, apprime nosti : ille v. Te
enixè rogat, (et ego in voti partem venio,) ut schedulam mihi transmittas
paucorum si volueris, verborum, quam tui libri initio affiget, ut liberalitatis
tuæ memor, de tanto etiam munere tuo possit seriò gloriari.

De nostro Sim. Moinet nihilne audivisti ? accepitne meam Epistolam ?
Leidæne moratur, an Amstelodami ? sapietne in posterum ? certè nescio.

Verùm, quandoquidem sic voluisti, ut etiam Bibliotheca mea donis tuis
superbiret, ne me putes tot acceptorum librorum immemorem aut ingratum
debitorem, 2 videar 1 mihi non gratias dumtaxat Tibi debere pro me Filijsque
meis, sed ut aliqua facti ratio nomine meo Tibi constet, monitum Te velim, me in
inter
in legendis Prolegomenis, de laudib. et vita Cl. Salmasij, pag. xviii. miratum
esse quando intelligendum illud mihi veniat, natum esse illum anno 1596. cùm
ipse Cl. Salmasius mihi anno 1644. hîc ore proprio dixerit, et affirmaverit, se
natum esse anno 1588. anno in Gallicis nostris Annalibus admodum insigni,
et subjunxit : Quo cecidit fato Consul uterque pari : (Guysos duos fratres intelligendo,
nempe Ducem et cardinalem, læsæ majestatis reos, propter affectatum regnum,
quos ideo rex noster Henricus 3. generosissimo regio consilio, Blesis ad Ligerim, ubi
regni comitia habebantur, necari jussit : de quo videsis præstantissimum
historicum Iac. Aug. Thuanum, ad annum ipsum 1588. sub finem tomi 4.
Genevensis editionis, quæ est omnium amplissima, completissima, atque optima.) Dic quæso, unde
nam potuissem melius atque certius, Ttanti Vviri ortum discere, quàm ex eo ipso, qui
tam amicè mecum agebat : de quo si lubet, monebis eruditum illum virum, Ant.
Clementium, ejusmodi Prolegomenωn auctorem, quem si placet, meo nomine
salutabis. Et certè Cl. Salmasium ante annum 1596. natum esse oportet,
quod sic probo. Heros ille rei literariæ clariss.Iosephus Scaliger Leidæ obijt
initio anni 1609. Ille ad Cl. Salmasium scripsit anno 1607. epistolam bene longam,
et magni momenti : numquam a. mihi à quoquam persuaderi patiar, à tanto
viro tales Epistolas scriptas fuisse ad puerum xi. annorum, quod tamen verum esset,
si Cl. Salmasius anno dumtaxat 1596. natus fuisset, ut illic habetur,
quod est impossibile. 

u.

Ms BIU Santé no 2007, fo 53 vo.

Præterea, in nova illa editione omnium operum Fernelij, quæ
nuper in 4. prodijt Ultrajecti, alius quoq. error ibidem legitur de
Fernelij ætate : qui natus est anno Christi 1506. non v. ut illic
legitur 1485. Quod sic probo : Epitaphium Fernelij, quod publicè
prostat in templo B. Iacobi de Macello, hîc vicino, suæ sepulturæ loco,
sic habet literis majorib. aureis : Obijt anno ætatis LII. anno Chr.
1558. non v. 57. ut in ejus vita legitur. Præterea : Memini me
legisse in Tabulis publicis nostræ Facultatis, quas penes me habui
per biennium integrum mei Decanatus, Fernelium obijsse, 26. Aprilis
anni 1558. ætatis suæ 52. Quis rogo, ætatem illum meliùs scire
potuit velipso genero Fernelij, qui Epitaphium posuit ? ^ et quodnam mendacio pretium ? vel ipso
Decano Scholæ nostræ, qui publicas illas tabulas nostras habebat
in manibus, et qui eodem tempore, imò ipsissima hebdomada tanti Viri
obitum observavit annunciavit, et propria manu exscripsit in nostris Commentarijs,
tanquam rem insignem, et peculiari observatione dignissimam ? ⊕

Verùm dices : quid hæc ad me, mi Guido, de ortu Fernelij et
Salmasij, qui ambo fuerunt viri eximij. Fateor quidem, non magis
ad Te istud pertinere, quàm ad universam Remp. medicam : te tamen de utroq.
monere volui, ut alios moneas si possis : et ut Tibi otioli mei ratio
aliquatenus pateat, cujus tamen, ex veteri formula, nemo tenetur
rationem reddere : Vale hæc tamen Tibi exaravi, abditus in Musæo meo,
dum multi per urbem personati larvatique grassantur, et dum
solennia insanientes festum Fatuorum celebrunt, ad veterum
Bacchanalibus vix dissimile. ^ Vale ergo, ignosce, et me ama.

Tuus ex animo Guido Patin.

Die Veneris, 9. Febr. 1657.

Adde quod penes me habeo alteram vitam Io. Fernelij MS. et
quæ nondum hactenus typis mandata fuit, à Iac. Capel, ejusdem
temporis Med. Paris. conscriptam, quæ de ejus ætate idem recenset, Fernelium
nempe, adhuc immaturum senem, anno æt. 52. 2 vitam 1 cum morte
commutasse : Ille a. scriptor Fernelium videbat, atque novebat. Ergo, etc.

^ A Te quoq. scire velim quis sit ille Lud. de Beaufort, Parisinus,
Medicinæ Doctor, qui nuper apud vos edidit Cosmopœam divinam, etc.
quam D. Golio, Acad. vestræ Rectori dicavit : an Ille Leidæ moretur,
quid illic agat, an doceat vel faciat Medicinam ? an senex sit, etc.

Papa Romanus non obijt : tota belli moles proximo vere ruitura dicitur
in Italiam, et Rex îpse noster usque ad Allobroges iturus dicitur, ad procurandam
et au vim toti exercitui illuc transituro.

Hodie mane hîc obijt Ducessa de Mercœur, ann. æt. 21.
Ante xv. dies pepererat : ante biduum incidebat in paralysim
cruris dextri : tandem facto ex sanguine sanguinis impetu multo ad cerebrum confertim
translato, apoplectica facta est ; ei statim provexerunt vinum
suum ex stibio emeticum duo ex Aula medicastri : post quinque
horas expiravit tam à morbi vehementia, quàm à medicamenti
malignitate. Erat ex sorore, quæ hîc quoque à duob. mensibus

v.

Ms BIU Santé no 2007, fo 54 ro.

obijt, summi nostri Administri ex Sorore Card. Mazarini nepotis. Transijt illa in regionem
multorum ; quam utinam brevi sequantur tot calamitatum Authores, quib.
hodie supra modum Gallia tota opprimitur ac atteritur. Ejus vir Dux
Mercorius, filius est major natu Ducis Vindocinensis, qui spurius fuit
Henrici 4. eheu ! regis olim nostri.

Vir quidam summæ dignitatis hodie mihi retulit nostrorum
in Batavia Legatum non futurum Dominum Præsidem Thuanum, propter
ei denegatam à Mazarino eam pecuniæ summam quæ solet legatis vestris
concedi. Thuanus ille patrem habuit virum amplissimum D. Iac. Aug.
Thuanum, in Sen. Parisiensis Præsidem infulatum, rerum suo tempore gestarum
scriptorem clarissimum. Si ad vos inisset, et Legatúsq. fuisset, de Te meritisque
tuis apud eum egissem, ut eum amicum habuisses quamdiu apud Batavos
Legati munere functus esset : habeo enim illum mihi amicum et faventem :
et aliquid suprà. ^ ☉ Alia mihi superest probatio, sed invictæ veri-
tatis, quod Cl. Salmasius natus sit anno 1588. Inter Epistolas Casauboni,
quæ leguntur ad Salmasium, quædam scriptæ sunt anno 1604 et 1605. Dic,
sodes, scripsitne Casaubonus, vir maximus, de rebus Criticæ eruditionis,
ad puerum octennem ? hoc est inauditum : et tamen ita esset, si Cl. Salmasius
natus eset anno tamen 1596. Præterea, etc. recurre ad initium epistolæ pag. præced.

^ Sed ecce tuam accipio, quæ mihi gaudium excitat non vulgare, datam
Leidæ, 23. Ianu. Gratias ago de Barthio, gaudeóq. quod adhuc vivat vir
laude dignus. Quod Sim. Moinet literas meas acceperit, non dubito gaudeo et gratias
ago. Riolanus noster nondum convalescit : cætera in posterum curabo. De
libris Medicis D. Ren. Moreau, non est quod quidquam inde tibi speres subsidij : eos enim omnes
sibi redemit pro decem millib. lib. Turonensium, D. Nic. Fouquet, Procura-
tor Catholicus in Senatu Paris. et summus ærarij regij Præfectus : eam
intelligo locupletissimæ Bibliothecæ partem quæ erat de reb. Medicis : alij libri
Critici, Philosophici, Theol. vænales prostant in mundinis S. Germani,
quæ quotannis hîc habentur toto mense Februario. Ipsius Bibliothecæ nullus
Nomenclator confectus est, nec fiet in posterum, quotidie enim distrahitur. Alex.
Petronij librum de victu Rom. puto me hîc habere : quem ideo Tibi offero. Argen-
terium de vet. Medicorum errorib. numquam vidi : nec habetur in Indice ejus Operibus
præfixo. Filij mei Te salutant, ego v. imprimis, et omne officium Tibi offero polliceor.

Vale, Vir Cl. et me porro amare perge.

Tuus ex animo Guido Patin.

Parisijs, die Veneris, 9. Febr. 1657.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 9 février 1657

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(Consulté le 28/03/2024)

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