L. latine 80.  >
À Christiaen Utenbogard,
le 29 mars 1657

[Ms BIU Santé no 2007, fo 56 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Christiaen Utenbogard, docteur en médecine à Utrecht. [a][1]

Comme j’allais voir le très illustre M. de Thou, président au Parlement de Paris, qui partira dans quelques jours exercer l’ambassade de notre roi très-chrétien en vos Provinces-Unies, [2] je rencontrai par hasard un excellent homme, chef cuisinier du très illustre ambassadeur, que je connais depuis longtemps ; il m’assura qu’il vous remettrait de ma part ce paquet où vous trouverez les graines de cyprès, de sapin et de phillyrée, [3][4][5] que je vous ai annoncées dans ma dernière. On m’a aussi promis quelques graines de semence de ce Geranium triste Americanum ; [1][6] si on me les donne, je vous les enverrai sur-le-champ. En attendant, vale, aimez-moi, et saluez de ma part MM. les très distingués Vander Linden, [7] Marten Schoock [8] et les autres, s’il en est qui voient nos affaires d’un bon œil. Je vous ai précédemment écrit sur la mort de Riolan. [9] Vale.

Votre Guy Patin pour l’éternité.

De Paris, ce jeudi 29e de mars 1657. [2]

[Brant, page 203-204 | LAT | IMG]

Ce M. de Thou, notre ambassadeur en Hollande, est fils du très distingué M. Jacques-Auguste de Thou, président à mortier du Parlement de Paris, qui mourut l’an 1617 ; comme c’était un fort éminent et savant homme, il a écrit, en latin et dans un style très élégant, les Historiæ sui temporis qui ont été publiées à Genève en cinq tomes ; cette édition est aussi la meilleure de toutes. [3][10]

Notre ambassadeur avait un frère aîné, nommé François-Auguste de Thou, maître des requêtes, qui mourut à Lyon sur la Saône, le 12 septembre 1642, sur l’ordre du cardinal de Richelieu, le pire et le plus vil des tyrans, dont on eût souhaité, pour le plus grand avantage de toute l’Europe, qu’il eût rendu l’âme le jour même de sa naissance. [4][11][12]

Quatre de nos collègues parmi les plus éminents sont ici morts ces six derniers mois : MM. Charles Guillemeau, René Moreau, Charles Le Clerc et Jean Riolan. [13][14][15] Vale et ne cessez pas de m’aimer, comme vous aimez parfaitement celui qui vous le rend si bien.

Le 29e de mars 1657.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Christiaen Utenbogard, ms BIU Santé no 2007, fo 56 ro ; lettre imprimée dans Brant, Epistola lxiv (pages 202‑203), avec un post-scriptum dont Guy Patin n’avait pas conservé de trace (v. infra note [2]).

1.

V. notes [1] et [2], lettre latine 77, et le billet accompagnant la lettre latine que Guy Patin a écrite à Christiaen Utenbogard le 22 mars 1657.

Peinant à déchiffrer l’écriture de Patin, l’éditeur de la lettre imprimée (page 202) a transformé grana seminis illius Geranij tristis Americani [les graines de ce géranium triste américain], qu’on lit sans peine dans le brouillon manuscrit, en grana seminis illius Seanij tristis Ambicani, noctu olentis (où Seanium et Ambicanum sont deux mots qui n’existent pas en latin). L’emploi du qualificatif triste permet d’identifier sans conteste le géranium américain au Pelargonium triste et lève tous les doutes sur la confusion de Patin entre noctu olentis [qui sent bon la nuit] et noctu lucentis [qui luit la nuit].

2.

Le post-scriptum qui suit (en italique), écrit en français, n’est pas dans le ms BIU Santé no 2007, mais dans la version imprimée de la lettre (v. supra note [a]).

3.

V. note [4], lettre 13, pour les « Histoires de son temps » (Genève, 1620-1621) de Jacques-Auguste i de Thou, père de Jacques-Auguste ii et de François-Auguste.

4.

V. note [6], lettre 75, pour la décapitation du marquis de Cinq-Mars et de François-Auguste de Thou à Lyon pour crime de lèse-majesté (complot contre la Couronne de France) le 12 septembre 1642, souvenir qui hantait la mémoire de Guy Patin et nourrissait son exécration (posthume) du cardinal de Richelieu.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 56 ro.

Clariss. viro D.D. Christiano Utenbogardo, Doct. Med. Ultrajectum.

Dum pergerem ad Illustrissimum virum D. Thuanum, in Parisiensi
Senatu Præsidem, ut ei valedicerem brevi ad vos trans intra paucos dies discessurum, ut apud
Fæderatos vestros Ordines Legatum agat Regis nostri Christianissimi,
fortè offendi virum optimum, Illustriss. Legati culinæ Præfectum, jampri-
dem mihi notum, quique bona fide se mihi obstrinxit huncce fasciculum
Tibi mihi meo nomine redditurum, in quo reperies semina cypressi, abietis, et phyl-
lireæ, quæ Tibi postrema mea pollicitus sum. Promissa mihi sunt aliquot
grana seminis illius Geranij tristis Americani, quæ si dentur, protinus
ad Te mittam : interea vale et me ama, meóq.nomine saluta viros Clariss.
D.D. Vander Linden, Mart. Schoockium, et alios si qui sint qui faveant rebus
nostris : de Riolani obitu antehac ante scripsi. Vale.

Tuus in æternum Guido Patin.

Parisijs, die Iovis, 29. Martij, 1657.

t.

Brant, page 203.

Legatus ille noster ad Batavos Dom. Thuanus, filius est Clarissimi Viri D. Jacobi Augusti Thuani, in Senatu Parisiensi Præsidis insulati, qui obiit anno 1617. qui cum esset vir præstantissimus ac eruditissimus, sui temporis historiam conscripsit Latinam, stylo elegantissimo, quinque tomis editam Genevæ : est autem hæc editio omnium optima.

Fratrem habuit legatus ipse majorem natu, dictum Franciscum Augustum Thuanum, Comitem Consistorianum, qui Lugduni ad Ararim obiit anno 1642. 12. Sept. jussu cardinalis Richelii, pessimi et nequissimi Tyranni, qui utinam summo totius Europæ commodo, eodem ipso die quo natus est, infelicem animam exhalasset.

A sex mensibus hic obierunt quatuor ex Collegis nostris ciri præstantissimi, D. Car. Guillemeau, Renatus Moreau, Carolus Le Clerc, et Joannes Riolanus. Vale, et me reda-

Brant, page 204

mantem, quod egregie facis, amare ne desine.

29. Martii, 1657.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Christiaen Utenbogard, le 29 mars 1657

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(Consulté le 25/04/2024)

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