L. latine 86.  >
À Johann Daniel Horst,
le 24 août 1657

[Ms BIU Santé no 2007, fo 61 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johann Daniel Horst, docteur en médecine à Marbourg.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je vous dois de profonds remerciements pour votre livre et votre lettre qu’un honnête homme de Francfort m’a remis. J’avais ici votre livre, dans sa première édition in‑8o[1] et j’ai depuis longtemps entendu parler de vous et de votre érudition hors du commun. Je connais de longue date le nom des, Horst et ai même jusqu’à ce jour porté vénération et affection à votre famille. J’ai ici dans ma bibliothèque, qui n’est pas mal fournie, tous les livres qu’a écrits M. Gregor Horst, à l’exception de son Tractatus de Scorbuto, publié à Giessen en 1609. [2][2][3][4] Je n’ai jamais vu votre Compendium Physicæ Hippocraticæ[3] J’ai chacun des livres de M. Jakob Horst que M. Vander Linden, mon ami personnel, a recensés dans ses livres de Scriptis medicis, à l’exception de son traité de Vite vinifera et de ses Epistolæ philosophicæ et medicinales, etc. [5][5][6][7] Dieu veuille que je puisse me les procurer tous les quatre à n’importe quel prix ; si votre aide me permet cela, je vous offrirai en échange ce que vous voudrez venant de notre France. Vous pourriez les envoyer en toute sûreté au cher M. Spon, [8] notre ami très fidèle et parfaitement irréprochable, qui se donnera ensuite la peine et le soin me les expédier. Notre Riolan mourut ici le 19e de février. [9] On n’a rien publié de lui depuis son décès, et rien ne le sera plus dorénavant, en raison des procès qui se sont élevés dans sa famille, entre ses deux fils. [10][11] Je lui ai succédé dans sa chaire royale et j’y ai enseigné à sa place depuis {deux} trois années entières, comme le roi très-chrétien l’a voulu et ordonné par un décret que j’avais obtenu de lui en 1654. J’y ai donné mes leçons jusqu’à ce jour, alors que tous les autres professeurs sont restés muets ; et ne sais quand je pourrai arrêter, pour la grande affluence des auditeurs, car c’est pour moi un engagement sacré de ne pas faire défaut à leur zèle et à leurs souhaits. [5][12][13][14][15] Si vous m’envoyez vos Observationes, qui sont désormais publiées, [6] je les recevrai très volontiers et comme pour tout le reste, je vous en rendrai très volontiers, si ce n’est généreusement, la pareille en vous offrant tout ce que vous m’aurez dit [Ms BIU Santé no 2007, fo 62 ro | LAT | IMG] souhaiter venant de chez nous. J’établirai M. Charles Spon comme mon répondant pour vous ; c’est un excellent homme, médecin à Lyon, qui n’a pas son pareil en élévation des mœurs et en franchise d’esprit. Si Dieu veut, pendant ces feriæ vindemiales[7] j’examinerai votre Manuductio, de la 3e édition ; elle ravivera en moi le souvenir des Disputationes catholicæ de M. Jakob Horst, votre grand-oncle. [8] Je me rappelle les avoir lues il y a 34 ans, tandis que j’étais dans l’apprentissage de notre métier ; de sorte que les monuments que la famille Horst a consacrés à la tradition et à l’éternité auront rempli le cours entier de mes études. [9] Vous avez à l’esprit, très distingué Monsieur, que Platon et Aristote sont convenus du fait que la vie humaine n’est rien d’autre qu’un cercle, et qu’elle finit là même où elle a commencé ; [16][17] nombreux sont ceux qui, en étudiant, ont éprouvé le même sentiment avant moi. Mais j’en finis et vous prie, bien que je ne le mérite pas encore, d’ajouter mon nom dans l’album de vos amis, pour que vous ne cessiez pas d’aimer celui qui vous aime en retour. Vale et vive, très éminent Monsieur, et continuez de travailler avec acharnement. Aussi longtemps que Dieu me le permettra, je n’aurai jamais d’autre vœu pour vous et votre famille que d’être de tout cœur votre

Guy Patin, natif de Beauvaisis, docteur en médecine de Paris et professeur royal d’anatomie, de botanique et de pharmacie.

De Paris, ce vendredi 24e d’août 1657.

Je vous joins quelques-unes de nos thèses et vous prie de leur faire bon accueil ; je vous enverrai une autre fois les thèses de mon second fils, Charles Patin, que je n’ai pas à présent sous la main. [18][19]


a.

Brouillon autographe de la première lettre que Guy Patin a écrite à Johann Daniel Horst, ms BIU Santé no 2007, fos 61 vo‑62 ro. Notre édition en contient 26 autres.

1.

Troisième édition du Manuductio ad medicinam… [Guide pour la médecine…] de Johann Daniel Horst (Marbourg, 1657, v. note [32], lettre 458) ; celle que Guy Patin appelait la première (ibid. 1648, in‑8o) était la deuxième car la première datait de 1640, mais n’a pas laissé de trace dans les répertoires bibliographiques.

2.

V. note [8] (9e référence), lettre 427, pour le « Traité sur le scorbut » de Gregor ii Horst.

3.

Jo. Danielis Horstii, Compendium Physicæ Hippocraticæ.

[Abrégé de physique {a} hippocratique par Johann Daniel Horst]. {b}


  1. Histoire naturelle.

  2. Marbourg, Josephus Dietricus Hampelius, 1646, in‑8o, recueil de 12 dissertations académiques présidées par Horst.

4.

Jakob Horst (Torgau 1537-Helmstedt 1600), grand-oncle de Johann Daniel et oncle de Gregor ii, avait été reçu docteur en médecine à Francfort-sur-l’Oder en 1562, puis était devenu professeur de médecine à Helmstedt. Guy Patin citait deux de ses ouvrages dont il avait relevé les titres dans les livres « des Écrits médicaux » de Johannes Antonides Vander Linden (Amsterdam, 1651, page 295) :

5.

Dans son brouillon manuscrit, Guy Patin a indiscutablement omis de rendre cette proposition négative : deesse [faire défaut], quand il voulait écrire non deesse. Il critiquait au passage les autres professeurs royaux, ses collègues, qui négligeaient de donner régulièrement leurs leçons publiques ; v. les Leçons au Collège de France, pour la manière dont Patin a acquis sa charge et pour le programme de ses enseignements. En remplaçant ante biennium [depuis deux ans] (mis entre accolades) par ante triennium [depuis trois ans], il a glorieusement exagéré d’une année la date de leur début (leçon inaugurale en mars 1655).

V. note [2], lettre latine 85, pour le procès qui disloquait la famille de Jean ii Riolan.

6.

V. note [16], lettre de Charles Spon, datée du 6 avril 1657, pour l’Observationum anatomicarum decas… [la Décade d’Observations anatomiques…] de Johann Daniel Horst (Francfort, 1656).

7.

Chez les Romains, les feriæ vindemiales [fêtes ou congés des vendanges] commençaient le 23 août pour durer quatre à six semaines. Au xviie s., cette période correspondait aux « grandes vacances » des universités.

8.

Les Disputationes medicinales catholicæ [Discussions médicales universelles] de Jakob Horst sont les 12 thèses qu’il a présidées entre 1580 et 1590 à l’Academia Julia (v. note [19], lettre 340). Elles ont été réunies et publiées en 1609 (Wittemberg, Johann Schmidt, in‑8o) et rééditées en 1630.

Son petit-neveu, Johann Daniel Horst, en a parlé dans son Manuductio ad medicinam, dont Guy Patin lisait alors la 3e édition (Marbourg, 1657, v. supra note [1]), mais dont je n’ai pu feuilleter que la 4e édition (Ulm, 1660). Les travaux de Jakob, Patruus meus magnus [mon grand-oncle], y sont notamment cités à propos de la conception (page 171, v. note [19], lettre latine 87), de l’influence des astres sur la santé et sur l’évolution des maladies (page 210), et du somnambulisme (page 227).

Dans la lettre qu’il a écrite à Horst dès le lendemain, Patin a dressé une revue critique beaucoup plus détaillée de sa Manuductio.

9.

Trente-quatre ans auparavant, en 1623, Guy Patin était simple étudiant (philiatre) de la Faculté de médecine de Paris, préparant le baccalauréat qu’il obtint en 1624 (session de rattrapage en octobre, v. note [2], lettre 39).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 61 vo.

Clariss. viro D. Io. Danieli Horstio, Medicinæ Doctori Marpurgum.

Multas Tibi gratias debeo, vir Cl. pro libro tuo, Epistoláque tua,
quam accepi per honestum virum Francofurtensem : librum tuum hîc
habeobam primæ editionis, in 8. et jamdudum de Te audivi, et tua non
vulgari eruditione. Familiæ tuæ nomen Horstianum jamdudum mihi
notum est, imò in veneratione atque amore hactenus habui : hîc habeo
in Bibliotheca non mediocri libros omnes scriptas à D. Horstio, præter
Tractatum de Scorbuto, Giessæ editum anno 1609. Compendium tuum
Physicæ Hippocraticæ
, numquam vidi : D. Iacobi Horstij singula illa habeo
quæ indicavit D. Vander Linden, Amicus meus singularis, in libro suo
de Scriptis Medicis, præter Tractatum de Vite vinifera, et ejusdem
Epistolas Philosophicas et medicinales, etc. quæ utinam quovis pretio habere possem :
quatuor illa intelligo, pro quib. si ope tua haberi possint, Tibi quod volueris
offero ex Gallia nostra : tutò mitti possent ad Sponium nostrum,
constantissimum et integerrimum amicum, qui postea de illis ad me
mittendis accuratè sataget. Riolanus noster hîc obijt 19. Febr. ab ejus
excessu nihil fuit de illo editum, nec in posterum edetur, propter lites
in ejus familia exortas inter utrumque Filium. In regia cathedra illi
successi, et ante btriennium integrum ejus loco docebam, sic volente jubentéq.
Rege Christianissimo, per diploma quod ab eo impetraveram anno 1654.
et adhuc hodie docui, licet omnes alij Professores sileant : nec scio quandonam
cessare potero, propter ingentem et penè insperatum numerosum auditorum concursum,
quorum studijs et votis deesse mihi religio est. Observationes tuas
quæ nunc eduntur si miseris, libentissimè accipiam, pro quibus et
alijs singulis liberrimè, si non liberaliter, retaliabo, quidquid Te

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 62 ro.

ex nostris regionibus optare intellexero : Tibi pro me sponsorem constituam
D. Car. Sponium, Med. Lugdunensem, virum optimum, antiquis moribus
et animi candore nulli secundum. Manuductionem tuam tertiæ editionis,
vindemialibus hisce ferijs, Deo dante, lustrabo : cujus ope mihi memoriam
refricabo Disput. Catholic. D. Iac. Horstij, patrui tui, quas in Artis
nostræ tyrocinio positus legisse memini ante annos 34. sicq. studiorum
meorum circulum adimplebunt Horstianæ familiæ monumenta famæ et ac
æternitati consecrata : meministi, Vir præstantissime Clar. Platonem
et Aristotelem in eo consensisse, vitam humanam nihil aliud esse quàm circulum.
eámq. ibidem desinere ubi inchoata est : idem multi ante me sunt in
studijs experti. Sed desino, rogóq. ut me adhuc immerentem in amicorum
tuorum album adscribas, et redamantem amare ne desinas. Vive, vale,
vir præstantissime, et strenuè rem gere : nec aliud pro te familiáque tua votum unquam
habiturus est qui tuus ex animo quamdiu dabit Ille, futurus est

Guido Patin, Bellovacus, Doctor Medicus Paris.
et Anat. atque Botanicæ et Pharm. Prof. regius.

Parisijs, die Veneris, 24. Augusti, 1657.

Aliquas ex nostris Thesibus ad Te mitto, quas ut
grata mente accipias, rogo : alterius Filij mei,
Caroli Patin Theses aliàs mittam, quæ nunc non suppetant.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Daniel Horst, le 24 août 1657

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(Consulté le 26/04/2024)

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