L. latine 97.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
le 1er mars 1658

[Ms BIU Santé no 2007, fo 66 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johannes Antonides Vander Linden, docteur en médecine, etc. à Leyde. [a][1]

Voilà bien longtemps que je n’ai reçu lettre de vous et que vous n’en avez eu quelqu’une de moi ; sans avoir sous la main grand-chose à vous écrire, je le fais néanmoins, pour vous dire que je suis en vie et me porte bien. J’ai reçu à bras ouverts deux jeunes hommes bien nés et de bonnes mœurs que vous avez voulu recommander à mes bons soins, votre compatriote Rompf et A. Friese, originaire de Livonie. [1][2][3] Pour votre Arétée, je n’ai rien à vous dire ni à vous offrir, hormis un in‑8o grec publié en 1554 chez Adrien Turnèbe, et un autre in‑fo d’Augsbourg, avec les notes d’Henisch, 1603. Pour la Bibliothèque royale, je vous ai précédemment prévenu que vous n’avez plus rien à en espérer. [2][4][5][6][7][8][9] Pour le Celse, je n’en ai rien entendu dire, sinon qu’une rumeur encore incertaine rapporte que Johannes Rhodius s’y consacre tout entier pour nous montrer l’auteur dans toute sa pureté, en y appliquant le même soin que pour son Scribonius Largus publié à Padoue en 1656, que j’ai ici. [3][10][11][12][13] Sachez aussi que j’ai ici les Noctes geniales de Giovanni Nardi, de Florence, publiées à Bologne en 1656, qui contiennent beaucoup de remarques et de corrections sur Celse, contre les critiques de Robert Constantin, pages 518 à 599. Nardi y passe en revue les huit livres de Celse et je pense que vous apprécierez la valeur de son travail si vous le regardez, et ne devrez pas négliger mon avertissement ; [4][14][15] si vous n’avez pas encore vu son livre, je vous offre le mien et suis prêt à vous l’envoyer. J’ai confié à ce commis d’Elsevier [16] qui m’a délivré les quatre exemplaires de votre Celse un paquet de livres, et entre autres le Varanda. [Ms BIU Santé no 2007, fo 67 ro | LAT | IMG] J’ignore si vous l’avez déjà reçu ; je souhaite du moins que vous le receviez bientôt et lui fassiez bon accueil. Je vous dois bien d’autres choses encore, plus précieuses et meilleures, qui feront, j’espère, que vous me tiendrez pour bon payeur. J’ai ici le nouvel Encheiridium anatomicum et pathologicum, tout dernièrement paru, auquel M. Riolan a fait quelques additions. Je vous l’enverrai à la première occasion, avec le Simeo Seth, grec et latin, récemment paru, et quelques thèses médicales qu’on a disputées cet hiver dans notre Faculté. [5][17][18][19][20] Outre cela, Dieu veuille qu’il me reste quelque chose qui puisse aider à vos travaux. Il a tantôt sévi ici un froid intense avec gel à pierre fendre durant plusieurs semaines ; des neiges y ont succédé, puis de très abondantes pluies ; les fleuves en ont tant débordé qu’on ne peut aller au centre de la ville que par bateau et qu’un imminent danger d’engloutissement préoccupe presque tous les habitants ; et je craindrais que ne vienne le Déluge et la fin du monde, si les prophéties des moines n’avaient annoncé qu’elle se ferait par embrasement. [6][21][22][23][24] J’ai récemment trouvé ici un petit livre fort curieux et savant, ce sont les Io. Bapt. Personæ Scholia in tres Galeni libros de venæ sectione, Therapeuticum, adversus Erasistratum, et adversus Erasistratæos, etc., Bergame, 1611, in‑4o ; il est digne de figurer dans votre répertoire de Scriptis medicis[7][25][26][27][28] Vale, remarquable Monsieur, et aimez-moi.

Votre Guy Patin pour l’éternité.

De Paris, ce vendredi 1er de mars 1658.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johannes Antonides Vander Linden, ms BIU Santé no 2007, fos 66 vo‑67 ro.

1.

Telle que Guy Patin l’a ajoutée, l’initiale du prénom de ce M. Friese, qui peut être un A ou un H ; j’ai opté pour un A transformé en H, sans avoir rien trouvé à son sujet dans les biographies et bibliographies médicales que j’ai consultées.

La Livonie correspondait à l’ensemble presque tout entier de ce que nous appelons aujourd’hui les États baltes (Estonie, Lettonie et Lituanie) ; elle était alors sous domination suédoise, mais revendiquée par la Pologne et la Russie.

2.

V. note [10], lettre 449, pour le projet qu’avait Johannes Antonides Vander Linden de procurer une édition d’Arétée ; les deux références que lui donnait Guy Patin étaient :

3.

V. notes :

4.

V. note [13], lettre 516, pour les dix Noctes geniales [Nuits fécondes] de Giovanni Nardi (Bologne, 1656). La huitième (Nox genialis octava, pages 516‑602) ne contient qu’une dissertation, intitulée De veteri retinenda Cornelii Celsi lectione [Ce qu’il faut retenir d’une ancienne lecture de Celse], qui est une longue critique ligne à ligne des :

Aurelii Cor. Celsi de Re Medica libri octo. Q. Sereni medicinale Poëma. Rhemnii Poëma de Pond. et mensuris. Cum Adnotationibus et Correctionibus R. Constantini.

[Les huit livres de C. Celse sur la Médecine. Le Poème médical de Q. Serenus. {a} Le Poème sur les Poids et mesures Q. Rhemnius. R. Constantinus {b} les a annotés et corrigés]. {c}


  1. Quintus Serenus Sammonicus, v. notule {b}, note [16], lettre latine 38.

  2. Quintus Rhemnius Fannius Palæmon, grammairien romain du ier s.

  3. Robert Constantin est un médecin et érudit originaire de Caen, mort en 1605 à l’âge de 103 ans, intime ami de Théodore de Bèze.

  4. Lyon, Guliel. Rovillus, 1566, in‑8o de 496 pages.

Dans l’Introductio [Introduction] de cette 8e Nuit (page 516), Nardi écrit notamment :

Nemo ignorat quis, quantusve fuerit apud omnes Cornelius Celsus : vixit sub primis Cæsaribus, quo tempore Latini sermonis puritas, et elegantia florebant. Plura edidit ingenij sui præclara monumenta, præclarissimum est, quod de Re Medica inscripsit. Verumenimvero, quem abolere verita est temporis edax vetustas, nescio quo sub prætextu, vellicare, quin arrodere ausus fuit R. Constantinus Medicinæ orgijs vix, aut male initiatus.

[Nul n’ignore qui fut Corneille Celse, et quel grand homme entre tous : il a vécu sous les premiers Césars, quand fleurissaient la pureté et l’élégance de la langue latine. Il a mis au jour plusieurs remarquables témoignages de son génie. Le plus remarquable est ce qu’il a écrit de la Médecine ; mais la voracité des siècles qui passent détruit ce qui mérite le respect, et j’ignore sous quel prétexte R. Constantin, à peine ou mal initié aux mystères de la médecine, a osé le dénigrer et même le ravager].

5.

V. notes :

6.

Guy Patin a abondamment parlé de la crue de la Seine dans ses lettres françaises de février-mars 1658. Il devait avoir dans sa bibliothèque :

Hieronymi Magii Anglarensis de Mundi exustione, et die iudicii, Libri quinque…

[Cinq livres de Hieronymus Magius, {a} natif d’Angiari, sur l’embrasement du monde le jour du jugement…] {b}


  1. Hieronymus Magius (Girolamo Maggi ; Anghiari, Toscane vers 1523-Constantinople 1572) : érudit italien ennemi des superstitions et des fausses prophéties.

  2. Bâle, Henrichus Petri, 1562, in‑fo de 230 pages.

    De l’Embrasement du monde et du jour du Jugement ; Traduction nouvelle et curieuse tirée des œuvres latines de Jérôme Magius, Italien ; puis illustrée et embellie de plusieurs belles remarques, et mise en lumière par le Sr Louis de Serres [v. note [37], lettre 37], docteur en médecine, et agrégé à Lyon (Lyon, Antoine Pillehotte, 1628, in‑8o).


7.

Référence exacte et complète des « Scolies (Commentaires) de Giovanni Battista Persona sur les trois livres de Galien à propos de la phlébotomie : Thérapeutique, Contre Érasistrate et Contre les disciples d’Érasistrate, etc. (Bergame, 1611, in‑4o) ».

Giovanni Battista Persona (Albino, près de Bergame 1575-ibid.1620), a principalement exercé la médecine dans la République de Venise.

Johannes Antonides Vander Linden a ajouté ce titre à la bibliographie de Persona dans la 3e édition de ses deux livres « sur les Écrits médicaux » (Amsterdam, 1662, page 329) ; il ne figurait pas en effet dans celle de la 2e édition (Amsterdam, 1651)

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 66 vo.

Clarissimo viro D.D. Io. Ant. Vander Linden, Medicinæ Doctori etc. Leidam.

Iamdudum est ex quo nihil à Te literarum accepi : nec Te quidquam ex
me habuisti : et quamvis tamen pauca mihi scribenda suppetant, scribo tamen, ut scias
me vivere et valere : me ambabus ulnis excipisse ingenuos et bene moratos
adolescentes, Romphium vestratem, et A. Friese, Livonum, quos mihi antehac
singulari studio commendare voluisti. De tuo Aretæo, nihil habeo quod dicam,
nec offeram, præter quendam in 8. Græcum, 1554. apud Adr. Turnebum : et
alterum in folio, Aug. Vindelic. cum Henischij notis, 1603. De Bibliotheca
regia monitus antehac fuisti nihil inde Tibi sperandum superesse. De Corn. Cels.
nihil habeo novi audio, nisi quod adhuc incerto rumore fertur, Io. Rhodium in eo
totum esse, ut nobis ipsum scriptorem emaculatissimum exhibeat, pari studio
quod præstitit in Scribonio Largo, quem hîc habeo, Patavij editum anno
1656. Sed habeo quod te moneam ; me nimirum hîc habere Noctes geniales, auctore
D. Io. Nardio, florentino, Bononiæ editas, 1656.
in quib. multæ habentur Animadversio-
nes et Emendationes in Corn. Celsum, contra Roberti Constantini Criticas nimirùm
Correctiones, à pag. 518. ad pag. 599. Octo libros Corn. Celsi percurrit : ac operæ
pretium te facturum puto si videas, nec negligendum monitum meum : quod si
Nardij librum non nondum videris, meum Tibi offero, et mittere paratus sum. Per illum
Elsevirij famulum qui tui Cornelij Celsi 4. exemplaria mihi reddidit, misi
ad Te fasciculum quendam aliquot foliorum librorum, et inter alios Varandei : quem

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 67 ro.

an adhuc acceperis nescio : saltem opto ut brevi accipias, idque grata mente :
longè alia Tibi debeo, pretiosiora et meliora, pro quib. singulis spero me Tibi bonum nomen
futurum. Hîc habeo novum exemplar Enchiridij Anat. et Pathol. nuperrimè
editum, et aliquot accessionibus adauctum à D. Riolano : quod prima occasione
missurus sum, cum Simone Sethi Græco Latino, nuper edito, et aliquot Thesib.
Medicis
in Schola nostra hac hyeme disputatis. Præter quæ, utinam mihi
superesset aliquid quod studijs curis tuis convenire posset. Hîc antea per multas septima-
nas viguit frigus intensissimum cum gelu lapideo : cui succeserunt nives, et imbres copiosissimi :
indéq. tanta fluminum inundatio, 2 ut et tota penè civitas laboret manifeste proximo sub-
mersionis periculo, 1 nec ut non nisi naviculis per mediam urbem eatur, futurum Diluvium
metuerem, et mundi finem, nisi Monachorum prophetiæ istud
prænuntiarent per εκπυρωσιν. Hîc habeo libellum, quem nuper
nactus sum, curiosum sanè ac eruditum : nempe Io. Bapt. Personæ Scholia
in tres Gal. libros de venæ sectione, Therapeuticum, adversus Erasistratum, et adversus Erasistratæos, etc. Bergomi, 1611
. 4. dignus est qui in Catalogo
tuo Scriptorum Medicorum enumeretur. Vale, vir eximie, et me ama.

Tuus æternùm futurus, Guido Patin.

Parsijs, die Veneris, 1. Martij, 1658.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 1er mars 1658

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(Consulté le 26/04/2024)

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