L. latine 125.  >
À Sebastian Scheffer,
le 22 août 1659

[Ms BIU Santé no 2007, fo 81 vo | LAT | IMG]

Au très distingué Sebastian Scheffer, à Francfort.

Très distingué Monsieur, [a][1]

J’ai reçu vos trois lettres, pour lesquelles je vous dois réponse et aussi de profonds remerciements, tant pour elles que pour le paquet de livres que M. de Tournes m’a fait parvenir. [2] Outre les trois tomes des Consiliorum medicinalium de Guillaume Baillou, avec les libri Epidemiorum, seuls vous restent à avoir de Morbis Mulierum, etc. [1][3] Je vous les envoie avec certaines autres nouveautés. S’il reste ici quelque chose que vous désireriez, écrivez-moi, ou plutôt ordonnez-moi, en vertu de cet empire que vous avez sur moi, car vous avez fait de moi votre entier dévoué, tant par votre franchise vraiment authentique que par votre générosité, laquelle je reconnais très volontiers ; mais Dieu fasse que je puisse vous rendre la pareille et même plus. Pour l’argent, vous n’avez pas à vous en soucier sinon pour que je vous rembourse celui que je vous dois, et je conviens très franchement vous en devoir beaucoup. Saluez de ma part, je vous prie, M. Lotich ; je souhaite que son Pétrone soit rapidement mis sous la presse, achevé en tous points. [2][4][5] Dans peu de temps, soit après le 15e de septembre, quand j’aurai terminé mes leçons publiques, [3][6] j’éplucherai tous ces livres que vous m’avez envoyés. Je me demande bien pourquoi et comment les universités de votre pays penseraient à rééditer Van Helmont, médicastre ignorant et immonde vaurien. [4][7] Si vous obtenez enfin le Stengel et en procurez une nouvelle édition, vous vous attacherez tout à fait l’extrême reconnaissance du genre humain contre la tyrannie des chimistes et la honteuse impunité de notre siècle de fer. [5][8][9][10] Je fais grand cas des thèses et des dissertations académiques car on peut toujours y cueillir quelque chose de bon. S’il vous en tombe sous la main, achetez-les-moi et envoyez-les-moi par l’intermédiaire des frères Tournes. [11] J’ai entièrement lu votre Introductio in artem medicam, sous la présidence du très distingué Conring. Si vous songez à la faire réimprimer, je vous enverrai une petite liste de certaines choses qui ont besoin d’y être corrigées. [6][12] Je recevrai volontiers le Thessalus in Chymicis redivivus de Billich, [7][13][14] avec les Observationes de Lommius. [8][15] Dieu fasse que vous rééditiez vite le petit livre du très distingué Hofmann, notre ami de jadis, de usu Lienis, Cerebri et de Ichoribus ; si vous me le dédiez, je vous le dis franchement, vous gagnerez ma profonde reconnaissance en raison de la vive amitié qui m’a lié à ce très savant homme aussi longtemps qu’il a vécu. [9][16] Pour ce chevalier anglais, Kenelm Digby, j’ai ouï dire qu’il est néanmoins très savant et [Ms BIU Santé no 2007, fo 82 ro | LAT | IMG] très diligent dans les sciences naturelles ; je crois qu’il a publié quelque chose de Immortalite animæ et de unguento sympathico ; je n’ai pas ces livres, mais vous les achèterai si vous voulez. [10][17][18][19] J’embrasse et salue de tout cœur le vénérable vieillard qu’est monsieur votre père. [20] Quant à vous, très distingué Monsieur, vale et vive, et continuez de m’aimer comme vous faites.

Votre Guy Patin de tout cœur, docteur en médecine de Paris et professeur royal.

De Paris, ce vendredi 22e d’août 1659.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Sebastian Scheffer, ms BIU Santé no 2007, fos 81 vo‑82 ro.

1.

La collection complète des œuvres de Guillaume de Baillou (v. note [19], lettre 17), éditées par son petit-neveu Jacques Thévart (v. note [23], lettre 146), compte neuf titres :

2.

Il n’y eut pas de réédition du Pétrone de Johann Peter Lotich (Francfort, 1629, v. note [83], lettre 150).

3.

V. note [23] des Leçons au Collège de France, pour les leçons royales de Guy Patin en 1659, qui prirent fin le 16 septembre.

4.

Ce projet n’aboutit que bien plus tard :

Johannis Baptistæ Van Helmont, Toparchæ in Merode, Royenborch, Oorschot, Pellines etc. Opera omnia. Additis his de novo Tractatibus aliquot posthumis ejusdem Authoris, maxime curiosis pariter ac perutilissimis, antehac non in lucem editis ; una cum Indicibus rerum ac verborum ut locupletissimis, ita et accuratissimis.

[Œuvres complètes de Jan Baptist Van Helmont, {a} seigneur de Merode, Royenborch, Oorschot, Pellines, etc. On y a ajouté quelques traités posthumes inédits du même auteur, à la fois curieux et extrêmement utiles ; et avec des index des matières et des mots, aussi riches que précis]. {b}


  1. Mort en 1644, v. note [11], lettre 121.

  2. Francfort, Johannes Philippus Andreas, aux dépens de Justus Erythropili, 1682, in‑4o, avec longue préface de Franciscus Mercurius Van Helmont, fils de l’auteur (v. note [4], lettre 731).

5.

V. note [16], lettre 516, pour l’Apologia de Lucas Stengel contre l’éponge d’antimoine (Augsbourg, 1569), qui n’a pas été rééditée au xviie s.

6.

V. note [26], lettre 484, pour l’« Introduction à l’art médical » de Sebastian Scheffer (Helmstedt, 1654), qui n’a pas été rééditée.

7.

Antonii Güntheri Billichii Thessalus in chymicis redivivus : id est, de vanitate medicinæ chymicæ, hermeticæ, seu spagyricæ, dissertatio. Eiusdem, Anatomia fermentationis Platonicæ. Accesserunt de eâdem Herm. Conringii exercitationes et Dan. Sennerti epistola.

[Thessalos {a} ressuscité, d’Anton Günther Billich : {b} Dissertation sur la vanité de la médecine chimique, hermétique ou spagirique. Du même, l’Anatomie de la fermentation platonicienne. On y a ajouté les essais d’Hermann Conring et une lettre de Daniel Sennert sur le même sujet]. {c}

Cet ouvrage est dédié :

Cl. Viro Wilhelmo Ernesto Scheffero, Philosophico et Medico excellentissimo, inclytæ Reipublicæ Francofurtanæ ad Mœnum Practico primario.

[au très distingué Wilhelm Ernst Scheffer, {d} très excellent philosophe et médecin, premier praticien de l’illustre république de Francfort-sur-le-Main].


  1. Thessalos de Tralles, v. notule {b}, note [74], lettre latine 351.

  2. V. note [28], lettre latine 88.

  3. Francfort-sur-le-Main, Joannes Beyerus et Caspar Rotelius, 1643, in‑8o.

  4. Père de Sebastian, v. note [47], lettre 183.

8.

Jodocus Lommius (Josse van Lom), médecin flamand du xvie s. natif de Buren en Gueldre, avait étudié la médecine à Paris auprès de Jean Fernel, puis exercé à Tournai et à Bruxelles. Ses Medicinalium observationum libri tres. Quibus notæ morborum omnium, et quæ de his possint haberi præsagia, judiciaque, proponuntur… [Trois livres d’Observations médicales. Où sont présentés les signes de toutes les maladies, et ce qu’on peut en tirer de présages et d’opinions…] (Anvers, Gulielmus Sylvius, 1560, in‑8o) connurent un grand succès avec une dizaine de rééditions, jusqu’en 1761.

9.

Annonce des :

Caspari Hofmanni Tractatus Tres de Usu Lienis secundum Arist: Cerebri secundum eundem et de Ichoribus. Aucti et Correcti.

[Trois Traités de Caspar Hofmann : sur l’Utilité de la rate selon Aristote, du cerveau, selon le même auteur, et sur les Ichors, {a} augmentés et corrigés]. {b}


  1. V. notule {b}, note [26], lettre 99.

  2. Francfort, Thomas Matthias Götze, 1664, in‑12 ; v. note [2], lettre latine 289, pour le frontispice ; les premières éditions séparées avaient paru à Leipzig en 1615, 1617 et 1619, puis ensemble à Leyde, F. Hegerus et F. Hackius, 1639, in‑12 (v. notes [56], lettre 183, et [9], lettre 270).

Sebastian Scheffer a réédité ces textes et dédié son travail à Guy Patin (Domino, Fautori, Amico, observatissimo, optimo, suavissimo [son maître, son protecteur, son ami, le plus attentif, le meilleur et le plus doux]). Son épître est datée de Francfort, le 1er février 1664 ; v. note [21], lettre 317, pour un extrait concernant les manuscrits inédits d’Hofmann.

Transcrite au début du livre, se trouve aussi une intéressante lettre d’Hofmann à Wilhelm Ernst Scheffer, père de Sebastian, datée du 21 juillet 1640. Il y parlait lui-même des ouvrages dont il espérait la parution avant de mourir :

Venetiis et Patavio litteras habeo, esse ibi Medicos quosdam, qui serio id agant, ut Gal. meus Græco-Lat. ibi imprimatur. Quod ut ab initio contemsi: ita videor mihi credere nunc, postquam nunciatum est mihi, Illustr. Iac. Phil. Tomasinum [qui ex editis libris notus esse potest tibi] hujus negotii εργοδιωκτμη esse assiduum. Hi ut habeant, quo persuadeant Juntis, misi illis Prolegomena in Gal. tam universalia, quam particularia, e quibus erudiri poterunt, quid præstiterim. Cum his iverunt Post-Curæ meæ, quas D Tomasinus curabit. Non ego me magnifice jacto; multo minus Tecatombam mihi imaginor pro labore: quin ago gratias Deo meo, qui uti voluerit mea industria, in re tam ardua. Gal: vestibulum ut sit quam ornatiss. meditatus sum hoc Emblematicum, A dextris Veritas sit, stans super sphæra mundana, ipsa facie solis instar radiata, dextra plamæ folium gerens, sinistra librum apertum: a sinistris Labor, testudini innitens, spatham (ein Grabscheit) dextra habens, sinistra ramum lauri fructiferum. Supra inspiciat Hofmannus, qui hinc quidem Caryophyllos nostros habeat, illinc autem Ruscum, cum versu,

Sic ego Cantabricam cum spinis
Tempero Rusci.

Infra Venetiæ sint,
in Grund gelegt / ut illi loquuntur.

[Je reçois des lettres de Venise et de Padoue, où j’ai des amis qui s’activent sérieusement à y faire imprimer mon Galien grec et latin. {a} Je n’ai d’abord pas pris cela au sérieux, mais j’y crois maintenant que l’illustre Giacomo Filippo Tomasini (que vous connaissez peut-être par les livres qu’il a publiés) {b} se dévoue assidûment à cette entreprise. Pour qu’ils aient de quoi en convaincre les Junte, {c} je leur ai envoyé des prolégomènes sur Galien, tant généraux que particuliers, {d} qui pourront leur apprendre ce dont je serai capable. Avec eux viendront mes Post-curæ, {e} dont M. Tomasini prendra soin. Je ne parle pas de moi avec grandiloquence et m’imagine encore moins offrir une hécatombe pour mon labeur ; {f} je me contente de remercier mon Dieu qui a bien voulu venir en aide à mon acharnement sur une tâche si ardue. Pour que la première page de mon Galien soit la plus élégante possible, j’ai imaginé ce frontispice : {g} à droite, la Vérité, debout sur un globe terrestre, la face entourée de rayons comme un soleil, tenant dans la main droite une branche de palme et dans la gauche, un livre ouvert ; à gauche, le Travail, debout sur la coquille d’un escargot, tenant à droite une bêche (ein Grabscheit) {h} et à gauche un rameau de laurier portant des fruits ; Hofmann les regarde d’en haut ayant d’un côté des giroflées et de l’autre, du myrte sauvage, avec ce vers :

Quant à moi, je tempère ainsi les épines du myrte sauvage avec la giroflée. {i}

En bas il y aura un plan, comme ils disent, de Venise]. {j}


  1. Le Galien grec et latin complet d’Hofmann n’a jamais été publié (v. note [9], lettre latine 57).

  2. V. notes [28], lettre 277, et [8], lettre 406.

  3. V. note [11], lettre 11.

  4. Ces prolégomènes (introductions à la lecture) de Galien pouvaient correspondre aux Chrestomathies d’Hofmann dont Guy Patin acheta les manuscrits après la mort de l’auteur et parvint, après bien des revers, à obtenir la publication (Apologiæ pro Galeno libri tres… [Trois livres d’Apologie pour Galien…], Lyon, 1668, v. note [1], lettre 929).

  5. Évoquées ailleurs dans la Correspondance de Patin (v. note [21], lettre 317), ces Post-curæ [Révisions], sur des passages d’Hippocrate, Aristote et Galien, n’ont jamais vu le jour.

  6. Dans l’Antiquité, une hécatombe était un sacrifice de cent bœufs. Faute de mieux, j’ai interprété le Tecatombam du texte original comme étant une coquille pour hecatombam (bien qu’elle ne soit pas signalée dans l’errata du livre).

  7. La description qui suit est celle du frontispice qu’Hofmann a choisi pour ses Institutionum medicarum Libri vi (Lyon, 1645), que j’ai soigneusement détaillé dans la note [1] de la lettre à Charles Spon, datée du 8 novembre 1644.

  8. Traduction en gothique allemand du mot latin spatha (une bêche).

  9. Ce vers n’a pas de source classique que j’aie su trouver.

    Le myrte sauvage ou épineux porte aussi les noms de fragon piquant ou de petit houx.

    Les fleurs de giroflée sont belles et exhalent un agréable parfum qui rappelle celui du girofle ; on les a utilisées en médecine pour leurs vertus antispasmodiques.

  10. Nuremberg (dont l’Université était à Altdorf où enseignait Hofmann) a remplacé Venise sur le frontispice des Institutiones medicæ de Lyon parues en 1645.

    J’ai traduit l’allemand in Grund gelegt [mis à plat] par « plan » (en m’imaginant qu’étant donné leur voisinage géographique, les imprimeurs de cette ville pouvaient parler cette langue).


10.

V. note [19], lettre 237, pour sir Kenelm Digby et son ouvrage « sur l’Immortalité de l’âme » (Paris, 1651).

Son livre « sur l’onguent sympathique » (ou hopliatrique), censé traiter une plaie en appliquant un remède sur l’arme qui l’a causée, {a} est intitulé :

Discours fait en une célèbre assemblée, par le chevalier Digby, chancelier de la reine de la Grande-Bretagne, etc., touchant la guérison des plaies par la poudre de sympathie. Où sa composition est enseignée, et plusieurs autres merveilles de la Nature sont développées. {b}


  1. V. note [28] de L’homme n’est que maladie.

  2. Paris, Augustin Courbé et Pierre Moet, 1658, in‑8o, avec en exergue ce vers de Virgile (v. note [6], lettre 438), dont Guy Patin avait fait sa propre devise : Felix qui potuit rerum cognoscere causas [Heureux celui qui a pu connaître les causes des choses].

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 81 vo.

Clariss. viro Seb. Scheffero, Francofurtum.

Tres tuas accepi, vir cl. pro quibus responsum debeo, et summas
gratias, tam pro illis quàm pro fasciculo librorum, quem ad me
misit D. de Tournes. Præter tres tomos Consilior. medicinal.
Gul. Ballonij, cum libris Epidem.
soli restant habendi de morbis
mulierum
, etc. quos Tibi mitto, cum quibusdam alijs novis : si
quid hîc supersit quod cupias, scribe, imo jube, pro eo quod in me
habes imperio : totum enim tuum me fecisti, tum candore tuo verè
Germanico, tum munificientia tua, quam sanè lubens agnosco,
sed utinam par pari possim referre, imò et aliquid supra efficere.
De pecunia non est quod agas, nisi ut eam Tibi reddam, quam sanè Tibi
multam debere fateor. D. Lotichium saluta quæso meo nomine : uti-
nam ejus Petronius brevi typis mandetur, suis omnib. numeris perfectus.
Libros illos omnes à Te missos brevi excutiam, i. post xv. Sept. quo
publicis meis Prælectionib. finem imponam. Miror cur et quomodo
Academiæ vestrates cogitent de Helmontio, impuro et ignaro
nebulone medicastro. Si Stenglium tandem obtineas, ejúsq.
novam editionem procures, 2 sanè 1 maximo beneficio devincies
humanum genus, contra tyrannidem Chymistarum, et ferrei
nostri sæculi pudendam impunitatem. Disputationes et Exercitationes
Academicas
magnifacio, semper enim aliquid boni ex ijs decerpi potest :
si quæ Tibi occurrant, eme illas mihi, et mitte per Tornæsios
fratres. Introductionem tuam in Artem medicam, sub præsidio
Clar. Conringij totam legi : si cogites de ea typis iterum mandanda,
mittam Tibi indiculum quorundam quæ emendatione indigent.
Billichij Thessalum in Chymicis redivivum, cum Iod. Lommij Observat.
libenter accipiam. Novam tuam editionem libelli de usu Lienis, Cerebri,
et de Ichoribus
, amici olim nostri Cl. Hofmanni, utinam citò edas :
quamsi mihi inscribas, liberè dicam, gratissimum mihi facies, propter
acutam illam quam cum erudissimo viro habui dum viveret amicitiam.
De Anglo illo Equite, Kenelmo Digbi, audivi tamen eum esse doctissimum ; et

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 82 ro.

in Physicis curiosissimum : puto eum edidisse aliquid de immortalitate animæ, ac de
unguento sympathico : quæ non habeo, sed emam Tibi si volueris. Venerandum Senem
D. Parentem tuum deosculor, et ex animo saluto. Tu v. Vir Clar. vive, vale, et me,
quod facis, amare perge.

Tuus ex animo Guido Patin, Doctor Med. Paris.
et Professor regius.

Parisijs, die Ven. 22. Aug. 1659.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Sebastian Scheffer, le 22 août 1659

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(Consulté le 20/04/2024)

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