L. latine 126.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
le 28 août 1659

[Ms BIU Santé no 2007, fo 82 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johannes Antonides Vander Linden, etc.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Même si depuis longtemps il ne s’est rien passé dont j’aie à vous écrire et si j’ai à peine de quoi le faire, me voici pourtant qui vous écris pour répondre à vos deux lettres. Je vois de temps en temps M. Rompf ; [2] c’est un honnête homme, loyal et intelligent, et, dirai-je sincèrement, digne de l’affection de tous les braves gens. Vous n’avez donc pas à me le recommander, je préférerais que vous me recommandiez à lui ; il n’a absolument aucun besoin d’être introduit auprès de qui que ce soit car il me paraît exactement semblable à la Vertu, dont le poète a dit qu’elle est Divitiis animosa suis[1][3][4] J’attends encore du libraire de Lyon la feuille du Gassendi qui vous manque, je vous l’enverrai dès que je l’aurai obtenue. [2][5] J’ai ici un petit paquet que je remettrai au commis de M. Elsevier ; il demeure ici en attendant ses livres qui n’ont pu être transportés à Paris en raison des vents défavorables. [3][6] Le très distingué M. Bigot vous salue (nous lui souhaitons un riche et opulent évêché, mais il ne l’obtiendra pourtant que s’il l’achète argent comptant, car c’est ainsi que nous vivons ici, et il n’y a pas d’autre moyen pour obtenir les bénéfices ecclésiastiques). [4][7] Je lui ai montré votre dernière lettre. Il partira demain visiter toute l’Italie ; puisse Dieu notre Seigneur y conduire et en ramener cet excellent homme. J’attendrai patiemment ces livres que vous dites m’envoyer et dont m’a ici parlé M. Ledenam ; [5][8] mais en attendant, je vous remercie tant que je puis pour tous ces bienfaits. Si Vossius et Horn en écrivent plus sur cette question si embrouillée, il faudra que j’aie cela. [6][9][10][11] Je salue les très distingués MM. Gronovius, Horn, van Horne et Utenbogard ; [10][12][13] tout comme vous-même, que je tiens pour la fleur, et même le chef et le prince des amis. Vale donc, très éminent Monsieur, et continuez de m’aimer comme vous faites.

De Paris, ce 28e d’août 1659.

Guy Patin.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johannes Antonides Vander Linden, ms BIU Santé no 2007, fo 82 ro.

1.

« Fière de ses propres richesses » (Claudien, v. note [10], lettre 138).

2.

V. note [19], lettre 442, pour les Opera omnia [Œuvres complètes] de Pierre Gassendi (Lyon, Laurent Anisson et Jean-Baptiste Devenet, 1658).

3.

Depuis Leyde, le transport des balles de livres se faisait par la Manche jusqu’à Rouen, puis de là à Paris, par bateau sur la Seine ou par la route. V. infra note [5] pour le commis des Elsevier.

4.

Nouvelle allusion (v. note [2], lettre latine 124) à des prétentions ecclésiastiques d’Émery Bigot, qui certes était célibataire, et le demeura, mais ne fut apparemment jamais ordonné prêtre : « [il] ne voulut entrer ni dans la robe ni dans l’état ecclésiastique » (Michaud). L’intérêt que lui portait Johannes Antonides Vander Linden montre la réputation de bibliophile érudit dont Bigot jouissait en Hollande.

5.

Ce M. Ledenam (prénom inconnu) était probablement le commis des Elsevier que Patin mentionnait plus haut dans sa lettre.

6.

V. note [5], lettre latine 124, pour la dispute érudite entre Isaac Vossius et Georg Horn sur l’ancienneté du monde et pour les livres qui y sont liés.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 82 ro.

Clariss. viro D. Io. Ant. Vander Linden, etc. Leidam.

Vir Cl. etsi jamdudum sit ex quo nihil ad Te scripserim, vixq. habeam ali-
quid quod ad Te scribam, ecce tamen scribo, ut duabus tuis respondeam. Dominum
Romphium aliquando video, virum bonum, candidum, et solertem, verè dicam, omnium
bonorum amore dignum : non est itaq. quod illum mihi commendes : malim ego illi à Te
commendari : ille certè nulla commendatione apud quemquam indiget : Virtuti simillimus
mihi videtur, quæ apud Poetam dicitur, Divitijs animosa suis. Folium quod Tibi deest
ex Gassendo, adhuc expecto à Typographo Lugdunensi : quamprimum habuero, ad
Te mittam : hîc habeo parvum fasciculum, quem famulo D. Elseverij tradam,
qui hîc moratur in expectatione librorum suorum, qui hactenus ad nos advehi non
potuerunt, propter ventos minus faventes. D. Bigot, (cui pinguem et opimum optamus
Episcopatum, neq. tamen ideo assequetur nisi præsentib. nummis emere voluerit, sic
enim apud nos vivitur, et aliter hæc sacra non constant,) vir optimus ac doctiss. clariss. : Te
salutat, postremam tuam illi ostendi : cras profecturus est ut Italiam lustret universam :
Dominus Deus ducat et reducat virum optimum. Libros illos quos Te mittere indicas,
et de quib. hîc mecum egit D. Ledenam, patienter expectabo : interea v. Tibi gratias
ago quam possum maximas pro tot beneficijs. Si de tam intricata quæstione
plura scribant in posterum Vossius ac Hornius, erunt etiam habenda. Clariss.
viros saluto, Gronovium, Hornium, Van-Horne, Utenbogardum ; ut et Te ipsum,
quem habeo tanquam florem, imò Caput ac Principem amicorum. Vale igitur,
vir præstantissime, et me, quod facis, amare perge. Dabam Lut. Paris.
die 28. Augusti, 1659.

Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 28 août 1659

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(Consulté le 19/04/2024)

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