L. latine 146.  >
À Johann Daniel Horst,
le 22 octobre 1660

[Ms BIU Santé no 2007, fo 90 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johann Daniel Horst, insigne médecin, à Darmstadt. [1]

Très distingué Monsieur, [a][2]

Je vous dois réponse depuis longtemps : l’excellent et très éminent M. Johann Heinrich Pentz von Pentzenau m’avait remis votre lettre le 27e d’août, et nous avions célébré à grands et pleins verres votre très illustre santé. [1][3] En premier lieu, je vous remercie donc pour votre agréable souvenir. En second lieu, pour votre feuille de l’Historia medica Mussipontana[2][4][5] je vous dirai brièvement qu’on m’a consulté là-dessus il y a 18 mois et n’y ai rien répondu d’autre que ce qu’a dit, dans un cas assez semblable, Lucien, spirituel écrivain à qui il aurait été difficile d’en imposer, à savoir par l’incrédulité. [3][6] De fait, je n’y crois pas, et pense même qu’un tel fait est impossible ; ce n’est donc pas une observation, mais une fable, et les fables d’Ésope ne sont pas des fables en comparaison de cette fiction ; [7] la conception ne peut en effet se faire en dehors de l’utérus. [4][8][9][10] La relation par Philip Salmuth d’un enfant expulsé par la bouche est fictive, imaginaire, fabuleuse, absurde, impossible ; et c’est une histoire si ignominieuse qu’elle n’aurait même pas dû être écrite, même si elle avait pu être tenue pour véridique. La seule chose qui me chagrine pourtant est qu’elle se lise dans une Centuria observationum dont la préface est du très savant et très distingué M. Hermann Conring, dont je fais grand cas. [5][11][12] C’est pourquoi je pense comme vous que le fait serait digne de remarque s’il était vrai. En troisième lieu, il me reste à vous écrire que je vous remercie pour l’affection peu commune que vous me portez et pour la remarquable bienveillance que vous m’avez récemment témoignée par votre livre [Ms BIU Santé no 2007, fo 90 vo | LAT | IMG] publié à Ulm, dont m’a dernièrement parlé M. Rompf, médecin hollandais qui a ici été un de mes auditeurs au Collège royal et mon très agréable ami. [13] Je n’ai pas encore vu ce livre, mais peut-être le verrai-je après la foire d’automne de Francfort, [6][14] {tout comme les pathemata Sympathetica où il y a une énorme quantité de sornettes}. [7][15] Dans cette attente, je vous adresse mes plus profonds remerciements, avec l’espoir que je puisse vous rendre la pareille ; mais d’ici là, faites-moi s’il vous plaît savoir si je puis ici vous être utile en quoi que ce soit, car alors j’agirai de façon à vous faire comprendre quel grand cas je fais de vous, moi qui suis l’adorateur le plus zélé de la famille Horst et de votre renom. Vale, très distingué Monsieur, et aimez celui qui vous aime en retour,

Guy Patin qui sera vôtre pour l’éternité.

De Paris, ce vendredi 22e d’octobre 1660.

{Je remercie aussi} [8][16]


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a envoyée à Johann Daniel Horst, ms BIU Santé no 2007, fo 90 ro et vo ; imprimée en partie dans la Resolutio observationis singularis Mussipontanæ… [Réfutation de l’observation singulière faite à Pont-à-Mousson…] de Lorenz Strauss, gendre d’Horst (Darmstadt, 1661, v. note [2], lettre 717, et infra notes [4] et [8]).

1.

Johann Heinrich Pentz von Pentzenau (Mühlhausen en Thuringe 1605-Francfort-sur-le Main 1680) apparaît plusieurs fois dans les lettres de Guy Patin à Johann Daniel Horst et Sebastian Scheffer. Brillant militaire au service de l’empereur pendant la guerre de Trente Ans, il avait été honoré du titre de comte (Graf) en 1654 ; il assurait aussi des missions diplomatiques, notamment auprès de la Couronne suédoise.

Une de ses lettres, datée de Paris le 12 octobre 1660 (publiée l’année suivante, transcrite et traduite dans la note [1] de la lettre latine 167), le dit conseiller de Hesse et de Nassau et ambassadeur auprès du roi très-chrétien, en le montrant fort intéressé par les énigmes médicales (en l’occurrence, celle du fœtus pétrifié de Pont-à-Mousson).

2.

L’« Observation médicale de Pont-à-Mousson » était un cas de fœtus pétrifié dans le ventre de sa mère (lithopædion) relaté par Honoré-Marie Lauthier (Aix, 1660, v. note [9], lettre 662).

V. infra note [4], pour la transcription de la feuille que Johann Daniel Horst avait envoyée à Guy Patin.

3.

Lucien de Samosate (v. note [14], lettre 41) est auteur d’un dialogue satirique entre Tychiade et Philoclès intitulé Les Amis du mensonge ou l’Incrédule.

4.

Guy Patin venait d’écrire presque mot pour mot ce qu’il allait dire à Charles Spon dans sa lettre du 7 janvier 1661 (3e paragraphe du passage daté du 20 décembre 1660).

Johann Daniel Horst lui avait transmis la feuille que Christophe Pillement, professeur de médecine à Pont-à-Mousson (mort en 1691) avait probablement écrite lui-même et publiée pour relater brièvement l’Observatio singularis Mussipontana. Fœtus, extra uterum, in abdomine retenti, tandemq. Lapidescentis. ciɔ iɔc lix [Observation singulière faite à Pont-à-Mousson. Fœtus retenu dans l’abdomen, hors de l’utérus, et finalement pétrifié. 1659] : {a}

Rem plane novam, et in tota Physiologia (quod sciam) hactenus inauditam, curiosæ nostrorum disceptationi repentina Mossipontanæ mulierculæ clades nuper obtulit quæ ut Academicorum ingenia non parum exercuit, sic vicinis in urbibus Medicorum opiniones judiciaque distraxit. Illa igitur mulier annum ætatis sexagesimum prætervecta, exili corpore, et exigua admodum statura, jampridem orbata conjuge (ex quo alias non semel prolem susceperat) sex prope lustris cælibem agebat vitam. At sexto Kalendarum Augusti, nescio quo abrepta impetu sese e superioris cubiculi fenestra in subjectam planitiem hora ante meridiem sexta egit præcipitem, cum vix ullum antea dedisset prævium aut phantasiæ, aut rationis aberrantis argumentum. Ex tam violento casu graviter saucia, duas circiter post horas extincta est. Sed quoniam, dum in vivis ageret, non raro apud Medicos conquesta fuerat, se lapideam utero gestare molem (sentiebat enim tribus infa umbilicum digitis pondus et per molestum et grave, ex quo et injussæ alvi dejectiones, et invitus plerumque urinæ fluxus, immo et ipsius ani procidentia sequebatur) placuit extispicionem totam diligentius indagare : Itaque Dominus Pillement, Medicæ Facultatis Decanus, ac Primarius in hac Alma Universitate Pontimussana Professor, de mortuæ cadaver secari jussit et resectis primum communibus abdominis integumentis, adactoque omentum usque scalpello, emersit illico moles, quæ quadrimi infantis capiti magnitudine nihil cederet. Totam hanc molem natura in orbem fere conglomeraverat, et durissimo involucro obtexerat, quod bubuli ventriculi tunicas colore referret et crassitie. Bajulæ mulieris corpori quinque firmissimis retinaculis cohærebat et quatuor quidem vincula ex totidem peritonæi lateribus orta, pendulam molem fulciebant, quintum vero eandem tenuioribus intestinis incumbentem, iisdem etiam tenacius annectebat ; sive id ad maiorem firmitatem ita natura providerat, sive inobservabili meatu chyli inde refluentis aliqua portio per arcanas lactearum valvulas posset ad larentis {b} fœtus alimentum derivari. Ubi primum tegmen illud duriusculum immissa removit novacula, stabulantem in medio fœtum facile deprehendimus decussatis in crucis formam brachiis, et utraque tibia communem aliis in utero situm retinente : Illa tamen eadem membra, nullis distinctæ intervallis, ita cum reliquo corpore coaluerant, ut inspicientium aciem oculosque propemodum subterfugerent : quamvis nec hanc, nec alias hujusce corpusculi partes ulla in re mancas aut mutilas ipsa formatrix vis reliquerit. Nam cerebri veram germanamque substantiam utraque tunica, et obducta insuper cranii compago eaque durissima coercebat : claudebantur etiam sub epigastro et hypogastro reliqua viscera, ad vitæ operationes necessaria, cor nempe, pulmo, jecur, ventriculus, lien, renes, diaphragma, fellis folliculus, vesica, intestina ; nec defuit etiam uterus suis quoque omnibus numeris absolutus, quoque uno indicio infantis sexus innotuit. Servatur etiamnum apud me integer in domestica pharmacopœia superfuso salis spiritu arcente putredinem.

Neque vero illud prætermissum oportuit, quod jam aliquatenus lapidescere cœperat, vultu præsertim in gypseam quandam duritiem abeunte, nec ultra eam magnitudinem excreverat, quam juxta consuetas naturæ leges semestris fœtus assequitur. Cœterum Uterus Mulieris, quæ intra abdominis latebras hocce prodigium complexa tot annis gestaverat, tam illæsus intactusque repertus est, quam qui maxime, nullo prorsus obductæ cicatricis vestigio.

[Le malheur qui a subitement frappé une femme de Pont-à-Mousson a récemment révélé un fait tout à fait nouveau et jusqu’ici inconnu (que je sache) en toute la physiologie. Étant donné qu’il a vivement remué les esprits des médecins de l’Université, il a aussi partagé les opinions et les jugements de ceux des villes avoisinantes. Cette femme, qui avait dépassé sa soixantième année d’âge, avait un corps menu et de fort petite taille ; ayant depuis longtemps perdu son mari (qui ne lui avait jamais donné d’enfant), elle avait vécu dans le veuvage pendant presque trente ans. Bien qu’elle n’eût jusque-là présenté aucun signe de dérangement mental, poussée par je ne sais quel élan, le 27 juillet à six heures du matin, elle s’est jetée au sol, tête la première, par la fenêtre d’une chambre haute. Grièvement blessée par une si rude chute, elle s’est éteinte au bout d’environ deux heures. Il a paru bon de diligenter une autopsie complète et très soigneuse parce que, de son vivant, elle s’était souvent plainte auprès des médecins de porter une masse pierreuse dans l’utérus : trois doigts sous l’ombilic, elle sentait une masse, à la fois gênante et pesante, qui lui provoquait des défécations et des mictions involontaires, et même un prolapsus anal. M. Pillement, doyen de la Faculté de médecine et premier professeur en l’auguste Université de Pont-à-Mousson, a donc ordonné l’ouverture de son cadavre. Une fois la paroi abdominale ouverte et le péritoine incisé au scalpel, une môle {c} a immédiatement surgi, dont la taille n’avait rien à envier à une tête d’enfant de quatre ans. La nature avait congloméré toute cette môle en une boule et l’avait enveloppée d’une membrane extrêmement dure qui rappelait, par sa couleur et son épaisseur, les tuniques d’une panse de bœuf. Elle s’attachait au corps de la défunte femme par cinq ligaments : quatre d’entre eux, tous nés du péritoine pariétal, {d} maintenaient la môle en suspension ; mais le cinquième, s’appuyant directement sur l’intestin grêle, l’attachait très solidement à lui. Ou bien la nature avait pourvu à cela pour assurer une plus grande stabilité au fœtus ; ou bien cette disposition lui permettait de tirer son alimentation d’un invisible orifice par où de secrètes valvules des vaisseaux lactés auraient fait refluer une partie du chyle. {e}. Quand, à l’aide d’un couteau, nous eûmes retiré cette première enveloppe assez dure, nous avons facilement distingué le fœtus qui siégeait au milieu de la môle, avec les bras repliés en croix et les deux jambes dans une position identique à celle qu’elles ont dans l’utérus gravide ; ces membres s’attachaient au reste du corps sans aucune discontinuité, à tel point que ni le regard, ni l’insertion d’une lame ne parvenaient presque à les en dissocier ; la force formatrice n’avait permis à aucune partie de ce petit corps de demeurer incomplète ou mutilée en quelque façon que ce fût. Sous l’assemblage des os du crâne, deux membranes très dures recouvraient la substance du cerveau dont l’apparence était véritable et authentique. Le reste des viscères nécessaires aux fonctions vitales étaient renfermés près de l’épigastre et de l’hypogastre : {f} cœur, poumons, foie, estomac, rate, reins, diaphragme, vésicule biliaire, vessie, intestins ; il n’y manquait pas même un utérus, complet en toutes ses parties, {g} seul indice permettant de connaître le sexe de l’enfant. Baigné dans de l’esprit-de-sel pour le préserver de la putréfaction, {h} je l’ai conservé chez moi, intact jusqu’à ce jour, dans mon armoire à pharmacie.

Il importe vraiment de ne pas omettre que le fœtus commençait à se pétrifier jusqu’à un certain point : il avait en grande partie acquis une dureté plâtreuse, mais sans aller jusqu’à défigurer la structure qui convient à un fœtus de six mois, conformément aux lois ordinaires de la nature. Autrement, on a trouvé un utérus absolument intact, sans la moindre trace de cicatrice, chez cette femme qui, enceinte pendant de si nombreuses années, avait porté ce prodige dans les replis de son abdomen].


  1. Cette narration a été réimprimée dans le livre d’Honoré-Marie Lauthier (pages 3‑8, v. supra note [2]) et, sous une forme probablement plus fidèle, dans la Resolutio [Réfutation] publiée par le gendre de Johann Daniel Horst, Lorenz Strauss (v. note [2], lettre 717), Darmstadt, 1661, pages 1‑3.

  2. Sic pour adjacentis.

  3. V. note [21], lettre 419.

  4. L’anatomie distingue le péritoine en pariétal, qui tapisse les parois internes de l’abdomen, et viscéral, qui enveloppe les organes (dits intrapéritonéaux) qu’il contient (foie, vésicule biliaire, rate, tube digestif).

  5. Lymphe nutritive, dérivée des aliments, émanant du tube digestif (v. note [26], lettre 152).

  6. Manière aujourd’hui délaissée de dire « dans le thorax » (près de l’épigastre, le haut du ventre) et « dans l’abdomen » (près de l’hypogastre, le bas du ventre).

  7. Corps, col, trompes.

  8. De l’eau salée très concentrée, pour mettre à profit les vertus conservatrices du sel commun (chlorure de sodium).

Cette admirable relation, claire et méticuleuse, convainc sans peine le lecteur moderne de la parfaite exactitude des faits rapportés. Tout ce qu’on peut lui reprocher est de n’avoir pas plus soigneusement identifié le cordon ombilical, avec une digression hasardeuse sur la nutrition du fœtus par du chyle obscurément dérivé de l’intestin grêle (avec l’excuse que les voies du chyle étaient alors une innovation contestée). Ce qui consterne le plus aujourd’hui est l’arrogante incrédulité de Patin envers tout ce qui pouvait semer le doute sur les dogmes qui lui semblaient irréfragables : soit ici l’impossibilité absolue d’une implantation du fœtus hors de l’utérus, c’est-à-dire d’une grossesse extra-utérine (v. note [9], lettre 662).

Le passage qui va de « pour votre feuille de l’Historia medica Mussipontana » [Quod spectat ad folium tuum Historiæ medicæ Mussipontanæ] à « la conception ne peut en effet se faire en dehors de l’utérus » [nec enim extra uterum fieri potest conceptio], un peu raccourci, forme les huit premières lignes du judicium [avis] de Guy Patin (daté du 22 octobre 1660) qui est imprimé à la page 19 du livre de Lorenz Strauss (v. supra notule {a}) ; v. note [3], lettre latine 167, pour la suite de cette lettre curieusement segmentée, et infra note [8], pour sa fin.

5.

Philip Salmuth (Philippus Salmuthus), natif de Leipzig, médecin allemand mort en 1626, archiatre du duché d’Anhalt (v. note [3], lettre latine 19), et auteur de Observationum medicarum centuriæ tres posthumæ. Cum Hermanni Conringii præfatione de doctrina Pathologica. Accedit Rolandi Capelluti libellus de Peste a mendis liberatus [Trois Centuries posthumes d’observations médicales de Philip Salmuth ; avec une préface d’Hermann Conring sur la doctrine pathologique. On y a ajouté l’opuscule de Rolandus Capellutus sur la peste, purgé des fautes qu’il contenait] (Brunswick, Gotfridus Mullerus, 1648, in‑4o).

L’aberrante (mais distrayante) observation xciv de la 3e centurie (pages 156‑157) est intitulée Infans per os exclusus [Expulsion d’un enfant par la bouche] :

Iuvenis quædam fœmina, in civitate imperiali, infantem digiti longitudine, maximis cum doloribus, summoque vitæ periculo per os enititur. Mortuum 13. julij, 1605. mulieres adstantes scatulæ includunt, et sepeliunt. Amplissimus vero Senatus postquam hoc rescivit, refodere infantem, eumque in honestorum quorundam virorum præsentia aperire jubet quem omnibus membris humanis, tam internis, quam externis vere constare cognoscunt, et paulo longioris digiti longitudinem excedere, de prehendunt. Puerpera ea de re interrogata, et examinata, constanter affirmavit, maritum semper cum illa per os coivisse, et sperma in fauces immisisse : sibi (utpote a natura plane simplici, sicque a marito facile persuasæ,) primo quidem de alio coeundi modo nihil prorsus constitisse, donec a vicina, quacum de eo aliquando communicasset, aliter edocta fuisset ; atq. se ita a marito delusam postmodum animadvertisset. Vicina quidem illa et alijs hæc retulit ; sed nulla ipsi ob nimiam, et quasi fatuam mulieris illius innatam siplicitatem, fidem adhibere voluit, donec veritatem tempus in lucem eruerit, atque eos convicerit. Maritus, seu impurus potius, et sceleratus ipse nebulo, (qui sutor fuit,) fuga sibi consulens, decem septimanas ante infantis exclusionem, clam uxore (postquam hujus abligurierat bona,) militatum abijt : alias rogo forsan impositus fuisset. Atque hæc ex literis Ioannis Komeleri, in consulis illius civitatis ædibus tum degentis, ut oculati, et fide digni testis, ad Gothofredum Hoffmannum, affinem, et compatrem meum datis, descripsi.

[Dans une cité impériale, au milieu d’extrêmes douleurs et au grand péril de sa vie, une jeune femme accouche par la bouche d’un enfant long d’un doigt. Il meurt le 13e de juillet 1605, et les matrones l’enferment dans une boîte à pilules et l’ensevelissent ; mais après que l’amplissime Sénat a eu connaissance de cela, il ordonne qu’on déterre l’enfant et qu’on l’ouvre en présence d’honorables personnages ; ils y constatent la présence de toutes les parties humaines, tant externes qu’internes, bien que son corps dépasse à peine la longueur d’un doigt. Interrogée sur cette affaire et examinée, l’accouchée déclare invariablement que son mari a toujours pratiqué le coït buccal avec elle et lui a éjaculé dans la gorge ; que d’abord, il lui avait paru ne pas exister d’autre moyen de copuler (ce dont le mari l’avait aisément persuadée, car elle était de nature très simplette), jusqu’à ce qu’une voisine, avec qui elle avait un jour échangé sur ce sujet, l’ait autrement instruite ; qu’alors elle avait découvert que son mari s’était ainsi joué d’elle. Elle révéla l’affaire à cette voisine et à d’autres personnes ; mais nul ne voulut accorder de crédit à cette femme, en raison de son extrême faiblesse d’esprit qui confinait à l’idiotie ; jusqu’à ce que le temps eût mis au jour la vérité et les en eût convaincus. Le mari, ou plutôt ce vaurien impie et infâme (qui était cordonnier), préférant la fuite, à l’insu de son épouse (après avoir dissipé tout son bien), était parti se faire soldat dix semaines avant l’expulsion de l’enfant ; j’espère que depuis on a pu lui mettre la main dessus. J’ai écrit cette observation d’après les lettres de Johann Komeler, qui habitait alors dans la maison de l’échevin de cette ville, à tenir pour un témoin oculaire et digne de foi ; lettres qu’il avait adressées à Gottfried Hoffmann, mon parent et compatriote].

6.

V. note [32], lettre 458, pour le Manuductio ad medicinam [Guide pour la médecine] de Johann Daniel Horst (Ulm, 1660, 4e édition). Guy Patin était sans doute impatient d’observer l’effet des nombreuses remarques sur la précédente édition qu’il avait communiquées à l’auteur dans sa lettre du 25 août 1657. Les textes introductifs du livre ne mentionnent pas le nom de Patin, mais on y trouve ce poème de Charles Spon :

Nobilis Juventa, numen quæ salutis degeris,
Semitamque ad ejus ædes recta euntem quæritas,
Sed pavescis per tenebras spissiores ingredi,
Tota queis sic occupatur ut negetur visibus :
Horstium Tibi fidelem Chiragogum deligas,
Horstium, recentiorum flosculum Machaonum,
Eruditum, perspicacem, luminis plenissimum,
Blandius quo, tutiusq. nemo te ductaverit !

In sui cultus monimentum adscribebat
Carolus Sponius, M.D.
Monspel. Consiliarius et Medicus Regius, Collegio Med. et Profess. Lugdun. Aggregatus
.

[Noble jeunesse, que portes la volonté de procurer le salut, tu cherches avec ardeur le sentier qui conduit tout droit à son temple, mais tu t’effraies de traverser les denses ténèbres, car tu peux t’y absorber tout entière, au point d’y disparaître. Adopte Horst, pour guide fidèle, Horst, la fleur des modernes Machaon : {a} il est savant, clairvoyant, tout empli de lumière, et personne ne t’aura conduite avec plus de douceur et de sûreté que lui !

Charles Spon, docteur en médecine de Montpellier, conseiller médecin du roi, agrégé et professeur au Collège des médecins de Lyon, écrivait ces vers en témoignage de sa vénération].


  1. Médecin mythique, v. note [4], lettre 663.

7.

Guy Patin a rayé ce passage mis entre accolades où il dénigrait « les maladies sympathiques » ; le post-scriptum barré qui suit (v. infra note [8]) fait comprendre que c’était pour ne pas froisser Johann Daniel Horst en médisant du Theatrum sympathicum de Kenelm Digby qu’il lui avait promis ou dont il lui avait recommandé la lecture.

8.

Les mots entre accolades sont le début d’un post-scriptum auquel Guy Patin a renoncé. Il correspond probablement à ce qu’on lit à la fin de sa lettre imprimée (citée à la fin de la note [4] supra) :

Ago simul gratias pro  {a} Theatro Sympathetico quod hic habemus Gallice ex Domino Kenelmo Digbæo, Viro quidem Nobilissimo et Ingeniosissimo, etc. Lutetiæ Parisiorum, 22. Octobr. 1660.

[J’en profite pour vous remercier du Theatrum Sympatheticum ; nous l’avons ici traduit en français d’après M. Kenelm Digby, qui est certes un homme très noble et très ingénieux, etc. {b} De Paris, le 22e d’octobre 1660].


  1. Les trois mots latins que Guy Patin a barrés dans son brouillon autographe sont : Gratias quoque ago.

  2. V. note [28] d’une thèse de Guy Patin, « L’homme n’est que maladie » (1643), pour l’« Amphithéâtre sympathique » de Kenelm Digby (v. note [19], lettre 237) et d’autres auteurs, publié pour la première fois à Nuremberg en 1660, mais dont je n’ai pas trouvé la traduction française que mentionnait Guy Patin. Peut-être voulait-il parler du seul ouvrage de Digby publié en français avant 1660 : Discours fait en une célèbre assemblée touchant la Guérison des Plaies par la Poudre de Sympathie. Où sa composition est enseignée, et plusieurs autres merveilles de la Nature sont développées (Paris, Augustin Courbé et Pierre Moet, 1658, in‑8o).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 90 ro.

Cl. viro D. Io. Danieli Horstio, Medico eximio, Darmstadium.

Iamdudum Tibi responsum debeo, Vir Cl. tuam enim accepi 27. Augusti,
per virum optimum ac præstantissimum, D. Io. Henr. Pentz de Pentzenau :
cum quo [ado]minationem tuam illustrissimam salutavimus amplis et plenis
calicibus. Primum igitur gratias Tibi ago pro suavi tua recordatione.
2. Quod spectat ad folium tuum Historiæ Medicæ Mussipontanæ, dicam
breviter me super ea re consultum fuisse ante menses 18. nec aliud
respondere voluisse, ^ quàm quod ait in re/ non dispari nasutus/ scriptor Lucianus, cui/ difficile fuisset impo-/nere, nimirum nisi per απιστιαν : hoc enim non credo, imò impossibile
reputo tale factum : non est igitur Historia, sed fabula : nec fabulæ Æsopi
fabulæ sunt præ isto commento : nec enim extra uterum fieri potest conceptio.
Phil. Salmuth narratio de infante per os excluso, planè est ficticia,
commentitia, fabulosa, absurda, αδυνατος : ^ et res adeo fœda, ut/ nequidem scribenda/ fuisset, etiamsi vera/ esse potuisset. de qua tamen hoc unum doleo, quod illa
legatur in Centuria quadam Observationum, quib. Præfationem suam
apposuit vir doctissimus et clariss. quemq. magni facio D. Herm. Conringius.
Itaque Tecum sentio, res esset admiratione digna, si vera esset. 3. Mihi super-
est quod scribam : nimirum ut Tibi gratias agam de tuo in me amore non
vulgari, ac insigni benevolentia, quam nuper testatus est in quodam libro

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 90 vo.

Ulmæ edito, quod mihi nuper indicavit D. Romphius, Medicus
Hollandus, quem hîc antehac habui in Schola regia auditorem, et
amicum suavissimum. Librum illum nondum vidi : sed forsan videbo
post Nundinas Francofurtenses autumnales ut et pathemata Sympathetica in qua nimis multæ nugæ : interea tamen gratias ago
quàm possum maximas, utinam et possem referre. Interea v. si quid
hîc possim in tuum commodum, fac sodes ut sciam : tunc enim efficiam ut
intelligas quanti Te faciam, qui sum Horstianæ familiæ tuiq. nominis
cultor studiosissimus. Vale, Vir Cl. et me ama te redamantem.

Tuus æternùm futurus Guido Patin.

Parisijs, die Veneris,
22. Oct. 1660.

Gratias quoque ago


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Daniel Horst, le 22 octobre 1660

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1179

(Consulté le 20/04/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.