L. latine 156.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
le 24 février 1661

[Ms BIU Santé no 2007, fo 98 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johannes Antonides Vander Linden, docteur en médecine à Leyde.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Enfin, j’ai reçu votre paquet par M. Lootius [2] et vous en remercie tout particulièrement. J’y ai trouvé tout ce que vous m’aviez écrit au mois d’août de l’an passé ; mais bien que je vous doive beaucoup et sois fortement en dette à votre égard, j’attends encore de vous deux ouvrages que je désire et souhaite très ardemment : le livre français de M. de Girac pour Balzac, contre Costar, [1][3][4][5] et ces lettres d’hommes savants ou illustres, qu’on appelle communément chez vous les Epistolæ Arminianorum[2][6] Tandis qu’elles gémissaient encore sous la presse, [3][7] vous m’en avez écrit quelque chose, voici six mois, et m’en aviez fait humer un premier avant-goût ; M. Stevartus m’en avait ensuite écrit et révélé quelque chose. [8] Pour l’autre, c’est-à-dire pour le livre de M. de Girac, je suis certain qu’il a été imprimé puisque je l’ai vu dans les mains de notre ami M. Sorbière. [9] J’ai ici l’Hippocrate de Calvus, dans l’édition in‑fo de Rome, en l’an 1525, que je dois vous envoyer. [10][11] Je n’ai pas encore le Galien de Chartier, [4][12] car un arrêt du Parlement n’a toujours pas décidé la répartition de l’héritage entre la veuve et les enfants, [13][14][15][16] le procès court encore. Vous savez, je n’en doute pas, que cette femme est maudite et malfaisante, et que l’ajournement des procès est presque sans fin. Par stratagème politique, les esprits très échauffés de nos Français s’acharnent et s’occupent à entraver interminablement le cours des litiges, sans songer à reconquérir leur liberté ou à abolir la tyrannie des partisans ; mais advienne que pourra. Je ne suis pas non plus en mesure de vous envoyer les Quæstiones medico-legales de Paolo Zacchias, elles sont toujours en suspens à Lyon et n’ont peut-être pas encore vu le jour. [5][17] J’ai reçu avec joie vos douze thèses de Circuitu sanguinis, et les six de M. Sylvius. [6][18][19] S’il en existe d’autres, [7][20] je vous prie de ne pas les laisser échapper, non plus que tous les discours et disputations universitaires ; ce genre d’écrits me plaît énormément, mais ne nous parvient presque jamais ; voilà pourquoi je les attends de vous.

Dans vos de Scriptis medicis[21] vous avez nommé Bartholomæus Hierovius ; à la page 23 de son petit livre, j’ai aujourd’hui trouvé un auteur que je ne connais pas : c’est Johannes Nerottus, de Usu stibii. Avez-vous jamais vu ce livre ? [8][22][23]

Vale et aimez-moi. Votre Guy Patin de tout cœur.

De Paris, ce jeudi 24e de février 1661.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johannes Antonides Vander Linden, ms BIU Santé no 2007, fo 98 vo.

1.

V. note [12], lettre latine 148, pour ce dernier rebondissement de la querelle littéraire entre Paul Thomas de Girac et l’abbé Pierre Costar à propos de Jean-Louis Guez de Balzac.

2.

V. note [2], lettre 657 (3e référence citée), pour les « Lettres des arminiens » (Amsterdam, 1660).

3.

Gemere sub prælo : « Faire gémir la presse, faire beaucoup imprimer ; locution métaphorique tirée de l’ancienne presse à bras qui faisait entendre une espèce de gémissement quand on tirait le barreau » (Littré DLF). Le barreau était la « pièce de fer en forme de manche qui sert à faire tourner la vis de la presse pour imprimer » (Furetière).

4.

V. notes [5], lettre latine 91, pour l’Hippocrate de Marcus Fabius Calvus, et [4], lettre latine 138, pour les tomes vii et xi des œuvres d’Hippocrate et Galien éditées par René Chartier (Paris, 1649), que Johannes Vander Linden désirait obtenir.

5.

V. note [10], lettre 568, pour la nouvelle édition des « Questions médico-légales » de Paolo Zacchias (Lyon, 1661).

6.

V. notes [5], lettre 680, et [4], lettre latine 137, pour les 27 thèses hippocratiques de Johannes Antonides Vander Linden « sur le mouvement circulaire du sang » (Leyde, 1659-1663).

Outre une thèse sur la fermentation des aliments (1659, v. note [4], lettre latine 122), Sylvius (Frans de Le Boë) avait alors déjà publié à Leyde :

7.

Guy Patin a omis de corriger une répétition de quæ sint aliæ [s’il en existe d’autres] dans sa phrase manuscrite.

8.

Une bibliographie de Bartholomæus Hierovius (médecin allemand mort en 1612) se trouve aux pages 93‑94 des De Scriptis Medicis libri duo [Deux livres sur les Écrits médicaux] de Johannes Antonides Vander Linden (2e édition, Amsterdam, 1651, v. note [3], lettre latine 26), avec deux entrées :

Hierovius cite en effet Ioannes Nerottus lib. de usu stibii [Johannes Nerottus en son livre sur l’emploi de l’antimoine] à la page 23 de ses Quæstonium Medicinalium…, dans une thèse intitulée Numquid antimonium seu crudum seu calcinatum utrumve intra corpus humanum exhiberi debeat, et an manifestis qualitatibus, aut formæ similitudine purget, an vero alio quopiam modo ? [Pourquoi l’antimoine, qu’il soit cru ou calciné, doit-il être administré à l’intérieur du corps humain, par quelles qualités manifestes ou quelle similitude de forme purge-t-il, ou est-ce par quelque autre moyen ?]. Nerottus et son livre n’ont pas laissé de trace dans les biographies et bibliographies médicales ; Vander Linden ne les a pas ajoutés dans la 3e édition de ses de Scriptis medicis (Amsterdam, 1662, v. note [29], lettre 925).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 98 vo.

Clarissimo viro D. Io. Ant. Vander Linden, Med. Doctori, Leidam.

Tandem accepi, Vir Cl. tuum fasciculum, per D. Lootium, pro quo Ti[bi]
gratias ago singulares. In eo deprehendi singula quæ scripseras Augusto
mense superioris anni : sed quamvis multa Tibi debeam, simq. fortiter
in ære tuo, adhuc à Te expecto duos illos libros antehac expetitos et optatis-
simos, nempe librum Gallicum D. de Girac, pro Balsacio, adv. Costardum
et Epistolas illas eruditorum seu illustrium virorum, quæ vulgo apud vos dicitur
Epistolæ Arminianorum : de quib. dum adhuc gemerent sub prælo, Tu ante sex
menses aliquid ad me scripsisti, et primum gustum injecisti : de quib.
aliquid postea mihi scripsit et indicavit D. Stuartus : de altero v.
nempe de libro D. de Girac, certus sum illum esse typis mandatum
utpote quem vidi in manib. nostri D. de Sorbiere. Hîc habeo Tibi mittendum
Hippocratem Calvi, editionis Romanæ, in fol. anno 1525. Galenum
Charterij nondum habeo : necdum enim Senatuconsulto definita est
divisio hereditatis inter viduam et liberos, et adhuc sub judice lis est :
non dubito Tibi notam esse maledictam illam et infelicem, ac penè
æternum litium prorogationem : longo sufflamine litis exercentur
et occupantur Gallorum nostrorum fervidissima ingenia politico
quodam stratagemate, ne de libertate recuperanda cogitent, aut de abolenda
tyrranide publicanorum. Sed fiat. Neque adhuc habeo Tibi mittendas Pauli
Zacchiæ Quæstiones Medicolegales
, quæ adhuc hærent Lugduni,
nec forsan adhuc editæ. Theses tuas 12. de Circuitu sanguinis, et sex
illas D. Sylvij libentissimè accepi : si quæ sint aliæ, ne omittas precor
ut et Academicas illas Orationes et Disputationes, si quæ sint aliæ[ :]
talia scripta mihi plurimum arrident, quæ vix unquam ad nos
perveniunt : ea idcirco à Te expecto.

In tuis Scriptis Medicis nominasti Barth. Hierovium, in cujus libel[lus]
pag. 23. hodie deprehendi quendam authorem mihi ignotum : is est Io. Nerottu[m]
de usu stibijj
. Vidistine unquam hunc librum ? Vale, et me ama. Tuus
ex animo Guido Patin.

Parisijs, die Iovis, 24. Febr. 1661.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 24 février 1661

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(Consulté le 19/04/2024)

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