L. latine 179.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
le 15 février 1662

[Ms BIU Santé no 2007, fo 124 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johannes Antonides Vander Linden, docteur en médecine à Leyde.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je vous ai très fréquemment écrit ces derniers temps sans avoir à le regretter. Je le fais de nouveau pour vous faire savoir que j’ai reçu votre portrait [2] et que j’ai salué notre ami Piètre et l’en ai remercié. [3] J’ai confié un paquet de livres à vous remettre, avec sa promesse solennelle de vous le faire parvenir rapidement, au fils ou commis de M. Blaeu, libraire de votre pays. [1][4] Notre roi réclame le duché de Lorraine, et il aura ainsi poussé les frontières de son royaume jusqu’au Rhin. [2][5][6][7] Il a aussi racheté Dunkerque à l’Anglais, pour le rendre aussitôt à l’Espagnol, lequel nous donnera en échange deux autres villes de sa Flandre espagnole. [3][8][9][10] L’autorité supérieure garantit tout cela, ou alors cette déesse Fortune, reine des mortels, arbitre du monde, quæ in rebus humanis utramque facit paginam[4][11][12] Un nouveau différend avec l’Anglais sur la domination de la mer est, dit-on, suspendu sur la tête de notre roi très-chrétien ; l’avenir nous dévoilera comment cela peut être réglé. Quand votre livre de Scriptis medicis nous arrivera-t-il ? [13] Avez-vous vu le livre de Cervisia que Marten Schoock m’a dédié ? qu’en pensez-vous ? On dit que cet auteur a écrit beaucoup d’autres choses, dont je n’ai vu que très peu. [5][14][15] La rumeur sur la mort du roi d’Espagne s’est finalement trouvée fausse ; il est encore en vie et même fruitur Dijs iratis ; interea victrix Provincia ploras ! [6][16][17] Le mois prochain, notre roi enverra un ambassadeur en Pologne qui, s’il peut, obtiendra des états de ce pays qu’ils n’élisent pas l’empereur germanique à la tête et sur le trône de leur très puissant royaume. [7][18][19] Ensuite, ce même ambassadeur s’en ira en Suède ; c’est un homme noble et savant, [20] de la famille de Mesmes, il est neveu de feu le très distingué comte d’Avaux, [21] et fils de M. < Jean->Antoine de Mesmes, président au mortier[8][22] Je salue de tout cœur nos amis et vos très distingués collègues, mais en particulier MM. Vorst, van Horne et Gronovius, [23][24][25] tout comme MM. Rompf [26] et Stevartus, [27] dont j’attends des lettres, ainsi que le livre d’Usserius d’Armagh, jadis imprimé en Angleterre, qui est une Chronica ab Adamo ad Christum, etc.[9][28] et lui en rembourserai la dépense. La cité de Bâle a envoyé un ambassadeur à notre roi. [10][29] Tout semble fleurir ici et tendre vers un âge d’or, mais la cherté des denrées est très grande, et même excessive, [30] à tel point que les pauvres et ceux des campagnes se languissent extrêmement. Vale, très éminent Monsieur, et aimez-moi.

De Paris, ce mercredi 15e de février 1662.

Votre Guy Patin de tout cœur.


a.

Brouillon manuscrit d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johannes Antonides Vander Linden, figurant deux fois dans le ms BIU Santé no 2007, fos 124 ro et 131 ro. Les deux versions ne diffèrent que par la longueur du texte (début et fin) qui est de la plume de Patin ; encore affaibli (v. note [1], lettre 717), il en a dicté la plus grande partie (au même scribe dans les deux cas).

1.

Deux fils de l’imprimeur amstellodamois Jan Blaeu (v. note [13], lettre 428) on travaillé avec lui, Pieter (1637-1706) et Jan (1650-1712). En 1662, il s’agissait sûrement de l’aîné.

2.

V. note [4], lettre 724, pour la vente du duché de Lorraine à Louis xiv par le duc Charles iv (traité de Montmartre, 6 février 1662).

3.

Prise aux Espagnols en juin 1658 par Turenne (après la bataille des Dunes, v. note [13], lettre 528), Dunkerque avait aussitôt été donnée à Cromwell en remerciement de sa participation à la conquête. Louis xiv la racheta à Charles ii, roi d’Angleterre, pour cinq millions de livres par le traité du 27 octobre 1662, mais ne la recéda pas aux Espagnols.

4.

« qui remplit l’une et l’autre page (fait l’actif et le passif) dans les affaires humaines » (Pline l’Ancien, v. note [2], lettre 626).

5.

V. note [1], lettre 719, pour le livre « sur la Bière » de Marten Schoock (Groningue, 1661), avec sa dédicace à Guy Patin.

À la page 467 de la 3e édition de ses deux livres « sur les Écrits médicaux » (Amsterdam, 1662, v. note [29], lettre 625), Johannes Antonides Vander Linden n’a cité que trois des très nombreux ouvrages de Schoock (qui n’était pas médecin) :

6.

« il jouit des dieux irrités contre lui ; tandis que toi, province victorieuse, tu gémis ! » (Juvénal, v. note [19], lettre 247).

7.

Depuis 1658, les Polonais parlaient d’élire un successeur à leur roi, Jean ii Casimir Vasa (1609-1672), devenu incapable de régner après sa déplorable défaite contre les Suédois ; son épouse, la reine Louise-Marie de Gonzague, l’épaulait. La France ambitionnait cette succession élective au profit du prince de Condé ; mais Jean ii Casimir n’abdiqua qu’en 1668.

8.

V. note [28], lettre 524, pour Jean-Jacques ii de Mesmes, alors maître des requêtes et ambassadeur, et pour sa généalogie.

9.

« Chronique depuis Adam jusqu’au Christ, etc. » : Annales Veteris et Novi Testamenti, a prima mundi origine deducti ad extremum templi et Reipublicæ judaicæ excidium… Auctore Jacobo Usserio [Annales de l’Ancien et du Nouveau Testament, depuis la première origine du monde jusqu’à la destruction du Temple de la République judaïque… Par James Ussher (v. note [15], lettre 406)] (Londres, J. Flesher, 1650-1654, 2 volumes in‑fo ; plusieurs fois rédditées, dont Paris, Louis Billaine et Jean du Puis, 1673, in‑4o).

10.

Cette ambassade était composée de deux citoyens bâlois, dénommés Benoît Socin et Jean Rodolphe Burchardt.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 124 ro.

Cl. viro D. Io. Ant. Vander Linden, Medicinæ Doctori, Leidam.

Vir Cl. Sæpius antehac ad Te scripsi : nec pœnitet : Ecce iterum
scribo, ut scias me Iconem tuam accepisse, et Pietreum nostrum
salutasse, eiq. gratias egisse. Fasciculum meum Librorum Tibi
reddendum, commisi filio vel famulo D. Blaeu, Bibliopolæ vestri,
qui sanctè pollicitus est se effecturum ut brevi ad Te perveniat.
Rex noster Ducatum Lotharingiæ sibi vindicat, sicq. Regni sui fines
produit usq. ad Rhenum. Dunkquerckam quoq. redimi ab Anglo,
statim reddendam Hispano, qui duas alias urbes nobis rependet in
suo Belgio Hispanico. Et hæc omnia præstat vis major, sive Diva illa
Fors, mortalium Regina, Orbis arbitra, quæ in rebus humanis
utramq. facit paginam. Imminere dicitur Regi nostro Christianissimo,
novum dissidium cum Anglo, de maris Imperio ; quomodo illud
componi possit, ventura dies deteget. Libertus tuus de Scriptis Medicis,
quando veniet ? Vidistine librum Mart. Schoockij, quem mihi
dicavit, de Cervisia ? quid censes ? dicitur ipse Author multa alia
scripsisse, ex quibus pauciora vidi. Tandem falsus fuit rumor de
obitu Regis Hispaniæ, adhuc enim vivit, et fruitur, etiam Dijs iratis ;
interea victrix Provincia ploras. Rex noster brevi mense proximo missurus est
Legatum in Poloniam, qui, si possit, obtineat ab Ordinibus Poloniæ,
ne Cæsar Germanicus eligatur in Dominum et Regem Regni
potentissimi : idem ipse Legatus postea iturus est in Sueciam :
vir est Nobilis ac eruditus, de gente Memmia, Comitis Avauxij,

Viri olim Cl. ex fratre nepos, et D. Ant. Memmij, Præsidis infulati filius.
Cl. Viros amicos nostros et Collegas tuos ex animo saluto, præsertim
verò D. Vorstium, Van Horne, et Gronovium :
ut et Dominos Romphium
et Stuartum
, à quo literas expecto, ut et librum Usserij Armacani, olim
typis mandatum in Anglia, Chronicum nempe ab Adamo ad Christum, etc. et
debitum pretium ei reddam. Civitas Basiliensis ad Regem nostrum misit
Legatum. Videntur hîc omnia florere, et ad aureum sæculum tendere, sed summa
est, imò nimia annonæ caritas, adeo ut pauperes et rusticani supra modum
langueant. Vale, vir præstantissime, et me ama. Datum Parisijs, die
Mercurij, xv. Febr. 1662.

Tuus ex animo Guido Patin.

Autre version (non transcrite), Ms BIU Santé no 2007, fo 131 ro.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 15 février 1662

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(Consulté le 25/04/2024)

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