L. latine 207.  >
À Thomas Bartholin,
les 24 et 26 août 1662

[Ms BIU Santé no 2007, fo 112 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Thomas Bartholin, premier médecin du roi de Danemark, à Copenhague.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je me réjouis fort et suis extrêmement heureux que vous vous souveniez de moi, et que vous me fassiez connaître de bonnes nouvelles de votre santé par la lettre que vous m’avez écrite il y a quatre mois ; elle ne m’est pourtant parvenue qu’il y a trois jours, par un Allemand à qui un gentilhomme danois l’avait confiée, à Bruxelles, pour qu’elle me fût remise. Votre très savant Caspar Kölichen n’est pas venu à Paris, et je n’en sais pas la raison ; cependant, je suis fort affligé de ne pas l’avoir vu, étant donné qu’il m’aurait appris bien des choses à votre sujet. [1][2] Vous vous portez donc bien, et Dieu fasse que vous vous viviez encore longtemps en bonne santé, comme vous avez fait jusqu’ici pour le bien du public, avec toute votre famille. Je vous remercie tant qu’il m’est possible pour votre Panegyricus[2] Si vous voulez envoyer à Amsterdam ce paquet que vous m’avez destiné, bien emballé, à Simon Moinet, Parisien qui habite chez Daniel Elsevier, [3][4] il paiera le prix du transport et me le fera parvenir aussitôt par voie sûre ; je vous en accuserai ensuite réception et en rembourserai la dépense. Dieu fasse que je voie votre Cista medica, et vos Centuriæ epistolarum[3] dans lesquelles se lira mon nom, ce qui fera comprendre à la postérité que j’ai été votre ami. Je vous rendrai la pareille dans l’édition de mon Oratio isagoca pour la charge de professeur royal, que j’ai prononcé dans le Collège royal de Cambrai il y a huit ans, et que je songe à publier après que l’éminentissime cardinal Antoine Barberini, grand aumônier de France, qui dirige notre Collège, sera revenu ici. [4][5][6][7][8] Je vous dirai quelques mots d’Aubry de Montpellier, sed vera et Sibyllæ foliis certiora[5][9][10] Jadis, encore jeune, il a été barbier en son pays ; après avoir tué un homme dans une taverne, il a fui en Italie pour échapper au gibet ; là, il s’est fait moine ; ayant abandonné le capuchon au bout de trois ans, il s’est engagé dans l’armée ; la guerre finie, il s’est refait moine ; ensuite, il s’est prétendu prêtre et a été jeté en prison pour fausse monnaie ; [11] une fois libre, il est venu à Paris où, par ses spécieuses promesses, il a dupé bien du monde, surtout des gens ignorants et le petit peuple, sous prétexte de quelque [Ms BIU Santé no 2007, fo 112 vo | LAT | IMG] médecine réformée et mystique ; mais la fourberie ayant été révélée et sa réputation de médecin s’étant éteinte, pour ne pas périr misérablement de faim, il a embrassé le métier de maquereau et a vécu quelque temps tout au bout du faubourg Saint-Germain, [12] près de Meudon, [13] avec des femmes prostituées, des putains à deux sols ; mais où qu’il soit aujourd’hui, à peine y a-t-il quelqu’un qui le connaisse. Voilà un résumé de l’histoire et de la vie d’un immense fripon et d’un charlatan absolument bon à rien et tout à fait impudent. [14] Je tiens cela presque entièrement de M. François de Bosquet, évêque de Montpellier. [15] Je voudrais pourtant que vous sachiez que ce charlatan ne s’y connaît et ne s’y entend pas plus en médecine que moi en peinture : de fait, il est grossier et ignorant en l’art de remédier, et purement asinus ad lyram[16] Pour extraire la pierre, nos cystotomistes ne taillent pas la vessie au pubis, mais à la partie gauche du périnée. [17] Quelques-uns s’y sont essayés par le pubis, mais sans succès et l’issue n’a pas été favorable ; l’idée en a donc été rejetée, même par des médecins qui l’avaient proposée. Je fais peu de cas de ce Bils, qui est un autre agité et un insigne conteur de balivernes, et n’ai même aucune estime pour lui. [18] Quatre des nôtres sont récemment morts, dont le plus distingué était Jean Des Gorris, mais il était fort vieux, ayant atteint sa 86e année d’âge. [6][19] Dieu fasse que vous demeuriez aussi longtemps en vie, sain et intact. Je salue Messieurs vos frères. [20] Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

De Paris le 24e d’août 1662.

Votre G. P. de tout cœur. [b]

[Bartholin c, pages 89‑91 | LAT | IMG]

Le très éminent maître Nicolas Piètre, homme de remarquable science, a composé une thèse qui fut jadis disputée en nos Écoles, de secanda ad pubem vesica[7][21] Jean Riolan, [22] neveu de Piètre par sa mère, [23] l’avait sévèrement désapprouvée comme étant mauvaise, et emplie de multiples déshonneurs et erreurs anatomiques[24] Si vous voulez la voir, je vous l’enverrai sans peine. N’avez-vous pas vu le livre de Cervisia, récemment publié, que Marten Schoock, professeur de philosophie en l’Université de Groningue m’a dédié ? Le mois prochain, j’en attends un autre, de Fermentatione[8][25][26][27] Les Opera omnia de Cardan en 11 tomes in‑fo paraîtront bientôt à Lyon ; [28] à Leyde, on apprête une nouvelle édition de l’Hippocrate grec et latin, avec les notes de Johannes Antonides Vander Linden ; [9][29][30] à Londres, le livre de Samuel Bochart de Animantibus sacræ Scripturæ[31] et le Diogène Laërce grec et latin, avec les notes d’Aldobrandini, de Casaubon, de Ménage et d’autres savants ; [10][32][33][34][35] à Francfort, le Pétrone de Lotich in‑fo ; [36][37] à Genève l’Œconomia Hippocratis de Foës ; [11][38] à Anvers, l’Historia scriptorum Societatis Jesu, in‑fo ; [12][39] à Rotterdam, les Opera omnia d’Érasme, aux frais de la ville de Rotterdam, en 7 tomes in‑fo ; [40] à Lyon, les Annales ecclesiastici du cardinal Baronius ; [13][41] à Rome, le Ciaconius de Vitis pontificorum Romanorum et cardinalium, en trois tomes in‑fo ; [42] à Paris, les œuvres complètes de Procope, en grec et latin, avec la traduction et les notes du P. Maltret, jésuite de Toulouse ; [14][43][44] un autre, qui est lyonnais et se nomme Théophile Raynaud, auteur de très nombreux ouvrages, a écrit, en taisant son véritable nom, un livre fort satirique adversus Cyriacos[45] nom sous lequel il entend les dominicains, qui sont les maîtres de l’Inquisition romaine et abusent extrêmement de leur pouvoir, au grand dam des jésuites ; [15][46][47][48] les dominicains se préparent à le réfuter et à y répondre, et parmi eux, le P. Combefis, homme d’une érudition peu commune : [16][49] à la fin, nous verrons une guerre de moines. [50] Vale, très distingué Monsieur, et continuez de m’aimer comme vous avez fait jusqu’ici.

De Paris, le 26e d’août 1662.

G.P.


a.

Lettre autographe de Guy Patin à Thomas Bartholin, ms BIU Santé no 2007, fo 112 ro et vo ; imprimée et augmentée (v. infra note [b]) dans Bartholin c, Centuria iv, Epistola xx. De agyrta Aubrio, et Cystotomis Parisiensibus, variisque libris novis [4e Centurie, Lettre xx. Du charlatan Aubry, des cystotomistes parisiens et de divers livres nouveaux] (pages 87‑89).

b.

Le post-scriptum qui suit n’est pas dans le manuscrit, il complète la lettre imprimée (Bartholin c, Epistola xx, pages 89‑91).

1.

Ce Caspar Kölichen, dont Thomas Bartholin avait vainement annoncé la visite à Guy Patin, était un médecin danois qui est mentionné dans l’observation lxx (Sur les sueurs noires comme de l’encre) rapportée par Olaus Borrichius dans le 7e tome, page 159, de la Partie étrangère de la Collection académique… Extraits des actes de Copenhague, années 1671 et 1672 (Dijon, François Desventes, et Paris, Michel Lambert, 1766, in‑8o).

Kölichen est aussi l’auteur d’une Disputatio medica inauguralis de gutta, seu morbo articulari [Thèse médicale inaugurale sur la goutte, ou maladie articulaire] (Copenhague, Henricus Gödianus, 1664), sous la présidence de Thomas Bartholin.

2.

Thomæ Bartholini Panegyricus, Augustissimo Regi Dn. Friderico Tertio Daniæ, Norwegiæ, Vandalorum, Gothorumque etc. Monarchæ, et primo Regnorum Hæredi, in Augusto concessu, Regiæ Academiæ nomine publicè xxiii. Octobr. 1660. dictus [Panégyrique de Thomas Bartholin, pour le très auguste seigneur Frédéric iii, roi du Danemark, de Norvège, monarque des Vandales et des Goths (v. notule {a}, note [29], lettre 401), etc. et premier héritier des royaumes, prononcé publiquement le 23 octobre 1660, par auguste permission et au nom de l’Académie royale] (Copenhague, Henricus Gödianus, sans date, in‑fo) : c’est une célébration héroïque de la résistsance de Frédéric iii contre les attaques suédoises et de sa prise du pouvoir absolu sur le royaume de Danemark, avec l’assentiment de son peuple.

3.

V. note [4], lettre 616, pour la Cista Medica [Corbeille médicale] de Thomas Bartholin (Copenhague, 1662). Ses deux premières « Centuries de lettres » allaient paraître à Copenhague en 1663 (v.  Bibliographie, Bartholin a).

4.

Ce « Discours inaugural » pour sa chaire de lecteur royal, que Guy Patin a prononcé le 1er mars 1655 (v. le paragraphe daté de ce jour-là dans la lettre du 2 mars 1655 à Charles Spon), n’a jamais été imprimé et je n’en ai trouvé aucune trace manuscrite.

5.

« mais véridiques et plus certains que les feuilles de la Sibylle » ; Juvénal (Satire viii, vers 125‑126) :

…verum est ;
credite me vobis folium recitare Sibyllæ
.

[c’est la vérité ; c’est, croyez-moi, une feuille {a} de la Sibylle que je vous récite].


  1. La Sibylle de Cumes (près de Naples, v. notule {b‑i‑1}, note [23] du Naudæana 3) écrivait ses oracles sacrés (v. note [43] du Grotiana 2) sur des feuilles de palmier.

6.

Guy Patin a correspondu avec François de Bosquet, évêque Montpellier de 1656 1676. V. notes :

7.

« sur la nécessité d’inciser la vessie au pubis », v. note [63], lettre 183, pour cette thèse de médecine présidée par Nicolas Piètre en 1635, qui concluait à l’utilité de la taille haute, sus-pubienne, dite franconienne (expliquée dans la note [2], lettre de Bartholin datée du 25 septembre 1662).

8.

Pour l’avoir lui-même subie deux fois (en 1640 et 1641), Jean ii Riolan a longuement disserté sur la taille vésicale dans son Encheiridium anatomicum et pathologicum [Manuel anatomique et pathologique] (Paris, 1648, v. note [25], lettre 150), livre ii, fin du chapitre xxxi, avec ce jugement sur le meilleur abord (traduction française de Lyon, 1672, pages 240‑241) :

« Je n’estime pas qu’il y ait moins de sottise ni de danger dedans la façon de tirer la pierre qui nous a été décrite par Fabricius Hildanus ; {a} et je crois que le seul moyen d’y réussir est celui qui se pratique à Paris, par de très habiles gens pour la taille qui y font leur séjour, {b} et en Italie par quelques-uns de la famille des Nierses. {c} Cette façon de délivrer les malades de cette incommodité est très facile et très sûre, tant à cause des outils dont on se sert, qui y sont très propres, qu’à cause des l’adresse particulière de ceux qui les manient ; et je souhaiterais très fort que tous les autres pays eussent d’aussi habiles gens pour les soulager, comme nous en avons à Paris. »


  1. Guillaume Fabrice de Hilden était partisan de la taille franconienne (sus-pubienne) : v. supra note [7] pour le renvoi vers la note qui rapporte son propos.

  2. Les Colot, v. note [17], lettre 455.

  3. Sic pour « l’école de Nursie », Italorum Nursiæ familiæ [Italiens de la famille (l’école) de Nursia] dans le texte latin d’origine (Paris, 1648, page 160) : soit les chirurgiens réputés issus de cette ville d’Ombrie (Norcia ou Nursie en français), et qu’on appelait les Norcini.

    On attribue à deux d’entre eux, Giovanni Battista da Rapallo et son élève Giovanni de Romani l’invention du grand appareil (taille basse aidée d’instruments) à la fin du xve s. Elle a été décrite par Mariano Santo, natif de Barletta (Marianus Sanctus Barolitanus), élève de Romani, dans son de dapide renum curiosum opusculum [curieux opuscule sur la lithiase rénale] (sans lieu [Venise] ni nom, 1535, in‑8o, chapitre vii, page F ii).


V. notes [1], lettre 719, pour le traité de Marten Schoock « sur la Bière » (Groningue, 1661), dédié à Guy Patin, et [3], lettre 723, pour son livre « sur la Fermentation » (Groningue, 1663).

9.

V. notes [8], lettre 749, pour les « Œuvres complètes » de Jérôme Cardan (Lyon, 1663), et [11], lettre 726, pour l’Hippocrate de Johannes Antonides Vander Linden (Leyde, 1665).

10.

V. notes [14], lettre 585, pour le livre de Samuel Bochart « sur les Animaux de la Sainte Écriture » (Londres, 1663), et [17], lettre 750, pour le Diogène Laërce de Londres (1664).

11.

L’annonce d’une réédition du Pétrone de Johann Peter Lotich était erronée (v. note [14], lettre 309) ; en revanche, on achevait alors à Genève (Samuel Chouët, 1662, in‑fo ; épître Lectori candido [à l’aimable Lecteur], datée du 19 février 1662) une nouvelle édition de l’« Économie [ou lexique] hippocratique » d’Anuce Foës (v. notes [23], lettre 7, et [3], lettre latine 209).

12.

V. note [19], lettre 224, pour la Bibliotheca scriptorum Societatis Jesu [Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus] du P. Philippe D’Alegambe parue en 1643 à Anvers, dont je n’ai pas trouvé d’autre édition avant celle de Rome en 1676.

13.

V. note [4], lettre latine 166, pour le projet de publier à Rotterdam les œuvres complètes d’Érasme, et [1], lettre 593, pour les éditions lyonnaises (1660 et 1678) des « Annales ecclésiastiques » du cardinal Baronius.

14.

V. notes [2], lettre 304, pour les « Vies des pontifes romains et des cardinaux » d’Alfonso Chacon (Rome, 1677), et [1], lettre 536, pour le Procope grec et latin du R.P. Claude Maltret (Paris, 1662).

15.

De Immunitate autorum Cyriacorum a censura. Diatribæ Petri à Valle Clausa S.T.D. Seu de Dominicana in Libros Alienorum austeritate ; in proprios, quorum hic furfures cribrantur, lenitate, ac indulgentia. Ad SS. D.N. Alexandrum P.P. vii.

[L’impunité des auteurs cyriaces {a} contre la censure. Diatribes de Pietro della Valle Clausa, {b} docteur en théologie sacrée. Ou de l’âpreté des dominicains contre les livres des autres, mais de leur douceur et indulgence envers leurs propres livres, dont le son est ici tamisé. À notre très saint Père, le pape Alexandre vii]. {c}


  1. Les dominicains étaient masqués sous le nom de Cyriaci, dérivé latin de l’adjectif grec κυριακος, « qui concerne le Seigneur, le Christ », de κυριος, « le maître, le souverain » : Kyrié, éléison ! « Seigneur, prends pitié ! »

  2. « Pierre de la Vallée close » : pseudonyme déjà employé en 1642 (avec le prénom de René et sans l’adjectif « close ») par le R.P. Théophile Raynaud (v. notule {b}, note [15], lettre 73).

  3. Sans lieu, ni nom, ni date [vers 1662], in‑8o de 248 pages, composé de 10 diatribes prétendant défendre les jésuites contre la censure des dominicains (inquisiteurs de Rome et secrétaires de la congrégation de l’Index, v. notule {c}, note [30] du Naudæana 2). Étant donné les conséquences de ce libelle (v. infra seconde notule {b}, note [16]), il est intéressant d’en regarder les titres :

    1. An scriptores Ciriaci, sint immunes ab hæresi, atque adeo etiam, a censura propter eam [Les auteurs cyriaces sont-ils à l’abri de l’hérésie et donc aussi de la censure ?] ;

    2. An solis libris Cyriacorum, tam belle per omnia conveniat cum sensis sedis Apostolicæ, ut immunes a censura esse debeant, ex hoc capite [Les livres des cyriaces sont-ils les seuls à si bien convenir aux idées du Siège apostolique que, pour ce motif, ils doivent être protégés contre la censure ?] ;

    3. Num Cyriacorum erga sanctos Cælites observantia, sit eiusmodi, ut ex eo capite libris eorum debeatur immunitas [Le respect des cyriaces envers les saints du ciel est-il une raison qui doive conférer l’impunité à leurs livres ?] ;

    4. Sitne Cyriacorum doctrina adeo solidam ut libri eorum, ex hoc capite, sortiri immunitatem debeant [La doctrine des cyriaces est-elle si solide que le sort doive, pour ce motif, conférer l’impunité à leurs livres ?] ;

    5. Nullæne in libris Cyriacorum, gerræ, ineptiæ, ignorantiæ ; ut propterea quod has labes adtinet, immunes esse a censura debeant [Les livres des cyriaces ne contiennent-ils aucune sottise, aucune ineptie, aucune bévue, et, compte tenu de ces défauts, devraient-ils êtres protégés contre la censure ?] ;

    6. Adeone exulet a Cyriacorum libris fermentum imposturæ atque mendacii, ut iure ex hoc capite, sortiantur a cenrura immunitatem [Ne convient-il pas de supprimer des livres des cyriaces leur ferment d’imposture et de mensonge, et pour cette juste raison, méritent-ils bien d’être protégés contre la censure ?] ;

    7. An nullus acor, nullave mordacitas, occurat in libris Cyriacorum ; ut propterea eius ob nullatenus violatam mordendo sive charitatem sive iustitiam, nulla sit timenda grandinatio, sicut libris cæterorum [Ne se trouve-t-il aucune aigreur ni aucune acidité dans les livres des cyriaces, et contrairement aux livres des autres, n’ont-ils aucune grêle (de coups) à craindre pour avoir mordu la charité ou la justice en les violentant ?] ;

    8. Sapientia præstantibus, quam non licuerit per Cyriacos, immunitate a suorum librorum censura gaudere [Les cyriaces n’ont pas permis à ceux qui font preuve de sagesse de se réjouir que leurs livres soient protégés contre la censure] ;

    9. Cur specialiter scriptores Societatis Iesu, a censura immunes esse per Cyriacos prohibeantur [Pourquoi les cyriaces interdiraient-ils particulièrement aux écrivains de la Compagnie de Jésus d’être protégés contre la censure ?] ;

    10. Media quibus prospici posset, ne Cyricaci, quos vellent autores immunitate donarent ; essentque ipsi quoque, sorte communi cæterorum [Moyens qu’on pourrait considérer pour que les cyriaces ne confèrent pas l’impunité à qui ils veulent, et subissent le même sort que les autres].

16.

François Combefis (Marmande 1605-Paris 1679), patrologue et philologue dominicain, riposta au livre du R.P. Théophile Raynaud avec la :

Recensiti auctores, bibliothecæ Patrum concionatoriæ, in iis, obiter fere insinuata, strictimque delibata Cyriacorum Immunitas, a censura ementiti auctoris, Petri de Valle Clausa. F. Franciscus Combefis, Congregationis S. Ludovici Ordinis F.F. Prædictorum strictioris observantiæ prolusit, necessariaque satisfactione reposuit.

[Censure cachée d’un auteur déguisé, Pietro della Valle, qui a critiqué les auteurs de la Bibliothèque des pères prêcheurs, et a insinué contre eux, en effleurant, rapidement et presque comme en passant, l’impunité des cyriaces {a}. François Combefis, de la Congrégation de Saint-Louis de l’Ordre des frères prêcheurs {b} de la très stricte observance, s’y est exercé et y a fait entrer ce qui est nécessaire à leur disculpation]. {c}


  1. V. supra note [15].

  2. Congrégation de jacobins (dominicains) réformés fondée à Paris en 1613, établie dans le couvent de l’Annonciation, rue Saint-Honoré.

  3. Paris, N. Foucault, 1662, in‑8o.

D’emblée, l’adresse Candido lectori [bienveillant lecteur] lève l’anonymat de Théophile Raynaud et le couvre d’opprobre :

Tantorum utraque militia religiosissimorum eruditissorumque Virorum ad me delata vota, cum primum Lugdunensi PP. S. Collegio emissus, ac partim auctore amicos donante, partim charius per submissos vendente (ut nec sordes desiderarentur) ementio nomine Petri de Valle Clausa, vero autem ac explorato, Fr. Theophili Raynaudi veterani Sodalis, Regia passim urbe, ipsaque, quanta est, Gallia, famosus in Cyricos (sic ineptienti nuncupatos, cum vellet Dominicanos) Libellus percrebuit, tantæ querelæ, iis ipsis indignantibus ac frementibus, qui ipsum pridem Theophilum colerent, ac Societate amice uterentur ; ut nec ipse dissimulare potuerim, aut non morem vel ex parte illorum sanioribus consiliis gerere, quidpiam saltem obiter, fereque desultorie velitando, dum eius, quam Deo auspice ad umbilicum perduxi Bibliothecam Patrum Concionatoriam, Auctores recenseo ; id debiti exoluens, cuius ne pridem, flatigantibus amicis, reum existimabam.

[Nombre d’éminents hommes, les plus religieux et les plus savants, des deux congrégations {a} m’ont fait part de leurs vœux, dès que le saint Collège des pères de Lyon m’eut envoyé le fameux libelle contre les cyriaces (ainsi qu’on veut stupidement y appeler les dominicains), que son auteur a répandu partout à Paris et dans la France entière, sous le nom mensonger de Pietro della Valle Clausa, qui est en vérité et sûrement celui du frère Théophile Raynaud, vétéran de la Compagnie de Jésus, à la fois pour se faire des amis, et pour en vendre plus cher les exemplaires (et pour que les acheteurs ne manquent pas de quoi se torcher). Lesdits pères, qui jadis ont vénéré ledit Théophile et l’ont aimablement mis au service de leur Compagnie, se sont tant indignés et ont tant frémi d’une si vive querelle que je n’ai pu refuser d’exécuter la volonté de la partie la plus sensée des leurs. {b} Du moins, chemin faisant et en attaquant ce père à sa manière, presque comme à la voltige, ai-je donc, avec l’aide de Dieu, parcouru entièrement la bibliothèque des frères prêcheurs, pour y relever ce qu’on écrit ses auteurs. C’est l’obligation que j’estimais devoir depuis longtemps aux amis qui me le demandaient instamment].


  1. Jésuites et dominicains.

  2. Le libelle de Théophile Raynaud, ici classé parmi les jésuites insensés, a visiblement pu contribuer à sa mise à l’écart de la Compagnie de Jésus : v. note [3], lettre 757, pour le témoignage de Balthazar de Monconys sur les curieuses circonstances de la mort du jésuite à Lyon en octobre 1663.

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 112 vo.

mysticæ Medicinæ prætextu, fucum fecit, speciosis pollicitationibus suis,
præsertim vulgo imperito tunicatóque popello : sed tandem fraude detecta,
extinctáq. ejus Medicinæ fama, ne misera fame miserè periret, lenonias
artes amplexus est, et in extremo Divi Germani suburbio, prope Meudonium
cum quæstuarijs mulieribus et diobolaribus scortis aliquo tempore vixit : hodie v.
ubinam sit, vix quisquam novit. Habes summam historiæ et vitæ maximi nebu-
lonis, nequissimi et impudentissimi Circulatoris, quam pene totam habeo
à D. Franc. du Bosquet, Episcopo Monspeliensi. Scias a. velim, miserum
istum agyrtam nil plus videre aut scire in Medicina, quàm ego in pictura : est enim
omnium bonarum artium planè rudis et ignarus, et merè asinus ad Lyram.
Cystotomi nostri ad extrahendum calculum, vesicam non secant ad pubem :
sed in inguine parte sinistra perinæi : à quibusdam tentatum fuit ad pubem,
verùm non successit, nec respondit eventus : ideóq. abjecta fuit illa cogitatio,
etiam à quibusdam Medicis, qui eam proposuerant. Bilsium illum, alterum
ardelionem, ac insignem nugatorem, parvi facio, imò nihil æstimo.
Quatuor à nostris nuper obierunt, inter quos eminebat Io. Goræus,
sed valde senex, anno nimirum 86. Faxit Deus, ut in tot annos
superstes vivas, sanus et incolumis. Dominos fratres tuos saluto. Vale,
Vir Cl. et me ama. Parisijs, x. 24. Augusti, 1662. Tuus ex animo G.P.

u.

Bartholin c, page 89.

De secanda ad pubem vesica, Thesin
composuit in scholis nostris olim
agitatam, Vir maximus ac insignis do-
ctrinæ, Mag.
Nicolaus Pietreus, quam
veluti vitiosam et multis nævis ac errori-
bus Anatomicis refertam graviter impro-
babat
Jo. Riolanus, Pietrei ex sorore ne-
pos. Si velis eam videre, facilè mittam.
Vidistine libreum nuper editum de Cere-
visia, mihi dicatum à
Mart. Schoockio,
Phil. Prof. in Acad. Groningana ? Intra
mensem alterum ejus librum expecto de

Page 90.

Fermentatione. Lugduni Gallorum brevi
prodibunt omnia Opera
Cardani, xi.
 Tomis in folio. Lugd. Batav. adornatur
nova editio
Hipp. Græco-Latina, cum
Notis Jo. Ant. van der Linden. Londini,
Sam. Bochartus de Animantibus sacræ scri-
pturæ : et
Diogenes Laërtius, Græco-La-
tinus, cum Notis
Aldobrandini, Casau-
boni, Menagii, et aliorum eruditorum.
Francofurti,
Petronius Lotichii in fol. Ge-
nevæ Oeconomia
Hipp. Foesii. Antverpiæ,
Historia scriptorum Soc. Jesu fol. Rote-
rodami, Opera omnia Des.
Erasmi, sum-
ptibus civitatis Roterodamensis, 7. Tomis
in folio. Lugduni, Annales Ecclesiastici
Card.
Baronii. Romæ, Ciacconius de Vitis
Pontificum Roman. et cardinalium, tri-
bus tomis in folio. Parisiis
Procopii Opera
omnia Græco Latina cum versione et
Notis, Patris
Maltret, Jesuitæ Tholo-
sani. Alter Lugdunensis, dictus
Theophi-
lus Raynaudus, multorum librorum Au-
thor, scripsit quendam librum valdè sa-
tyricum, tacito nomine proprio, adversus
Cyriacos ; quo nomine Dominicanos intel-
ligit, inquisitionis Romanæ magistros, ac
ejus potentia nimis abutentes, magno Je-
suitarum dolore. Ad cujus refutationem
ac responsionem sese accingunt Dominica-
ni, et ex iis Pater
Combefis, vir erudi-

Page 91.

tionis non vulgaris : Tandem videbimus
bellum Monasticum. Vale, Vir Cl. me-
que, quod hactenus fecisti, amare perge.

Parisiis 26. Aug. 1662.

G.P.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 112 ro.

Cl. viro D. Thomæ Bartolino, Danorum Regis Archiatro, Hafniam.

Apprime gaudeo serióq. lætor, Vir Cl. quod mei memineris, fecerisque,
ut de valetudine tua gratum nuntium intellexerim, per eam quam ad me scripsisti
ante 4. menses, à triduo tamen dumtaxat acceptam, per quendam Germanum,
qui eam Bruxellis à nobili Dano mihi reddendam acceperat : neq. enim usque in
hanc urbem pervenit Vir tuus docissimus, Casp. Kolichen : sed ejus causam
planè nescio : fortiter tamen doleo quod eum non viderim, utpote qui de Te plura me
docuisset. Vales igitur, et utinam diu vivas et valeas, quod hactenus fecisti
in publicum bonum, cum tota tua familia. Pro Panegyrico tuo gratias ago
quam possum maximas. Fasciculum illum tuum à Te mihi destinatum,
si volueris bene compactum mittere Amstelodamum ad Sim. Moinet, Paris.
qui moratur apud Dan. Elsevirium, vecturæ pretium persolvet, eúmq.
statim ad me per viam tutam transmittet : pro quo accepto certum postea
Te faciam, et gratias reddam. Cistam tuam Medicam, et Epistolarum Centurias
utinam videam, inter quas utinam legatur nomen meum, et inde posteri
intelligant me Tibi amicum vixisse : et par pari reddam in Editione qua-
dam Isagogicæ meæ Orationis, pro regiæ Professoris munere, quam
habui in Aula regia Cameracensi, ante annos octo, et cujus editionem
meditor, postquam huc redierit Emin. Card. Ant. Barberinus, magnus Fran-
ciæ Eleemosynarius, regij nostri Gymnasij summus Director. De Aubrio
Monspeliensi pauca dicam, sed vera, et Sibyllæ folijs certiora. Olim fuit ille,
adhuc juvenis, barbitonsor in patria ;ex necato quodam homine in caupona, fugit
in Italiam, ut laqueum effugeret : ibi se Monachum fecit ; post triennium
abjectâ cucullâ, militem egit : confecto bello, Monachus iterum fuit : postea
Sacerdotem se finxit, ac pro adulterina moneta fuit in carcerem conjectus :
unde liber factus, venit Parisijs, ubi quam-multis, reformatæ cujusdam et


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Thomas Bartholin, les 24 et 26 août 1662

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(Consulté le 18/04/2024)

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