L. latine 217.  >
À Christiaen Utenbogard,
le 12 novembre 1662

[Ms BIU Santé no 2007, fo 116 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Christiaen Utenbogard, à Utrecht. [a][1]

Prévenu par votre compatriote chirurgien qui loge chez M. Du Hallier, dans le faubourg Saint-Germain, [2][3][4] que quelqu’un part en hâte pour votre pays par la poste à cheval, j’ai écrit ce petit mot pour vous faire savoir que je suis en vie et me porte bien. Je m’inquiète de votre santé, comme celle de M. Marten Schoock : [5] s’il va bien ; s’il a terminé l’édition de son livre de Fermentatione et la seconde, augmentée, de son livre de Cervisia ; [6] et aussi s’il pense à envoyer son fils aîné chez nous cet hiver, ou au printemps prochain. [1][7] Vous m’écrirez de tout cela quand vous voudrez, et vous présenterez de ma part mes plus profondes salutations, s’il vous plaît, à ce très distingué M. Marten Schoock. Faites en sorte, je vous prie, que la lettre ci-jointe soit remise à Simon Moinet, à Amsterdam. [8] Notre différend avec le pape n’est pas encore apaisé. [2][9][10] Notre roi a racheté Dunkerque à l’Anglais, rubis sur l’ongle et argent comptant, pour la somme de cinq millions ; [11][12][13] il s’y rendra en belle compagnie après l’accouchement de la reine, qui est imminent. [3][14][15] Un médecin de Bordeaux, nommé Galateau, a récemment publié un petit livre en français sur la fermentation, contre Thomas Willis, médecin anglais, savant et expérimenté ; [4][16][17] Si M. Marten Schoock nourrit quelque désir de l’avoir et s’il ne peut l’obtenir de vos marchands qui font affaire à Bordeaux, je le lui enverrai sans peine et de fort bon cœur. Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi. M. Fouquet, naguère notre surintendant des finances, est encore en prison ; on dit que la colère du roi à son encontre s’adoucit, et peut-être qu’adviendra ce que souhaitent beaucoup de gens ; [18][19] et si cela arrive, ce qu’a dit Juvénal, Dat veniam corvis, vexat censura columbas, ne sera-t-il pas vrai ? [5][20] Vale.

Le 12e de novembre 1662.

Vôtre de tout cœur, Guy Patin.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Christiaen Utenbogard, ms BIU Santé no 2007, fo 116 vo.

1.

V. notes [1], lettre 719, pour le traité de Marten Schoock « sur la Bière » (Groningue, 1661), dédié à Guy Patin, et [3], lettre 723, pour celui « sur la Fermentation » (ibid. 1663).

2.

V. note [1], lettre 735, pour l’affaire des gardes corses qui opposait la France au Saint-Siège.

3.

V. notes [11], lettre 735, pour le rachat de Dunkerque aux Anglais, [14], lettre 736, pour la naissance et la vie éphémère d’Anne-Élisabeth, second enfant du couple royal de France, et  [1], lettre 737, pour le voyage éclair (30 novembre-6 décembre 1662) de Louis xiv à Dunkerque ; le tout illustré par les vers de Loret dans sa Muse historique.

4.

Seconde édition de la Lettre écrite à Monsieur, Monsieur de Morin, conseiller du roi au parlement de Bordeaux et chambre de l’édit de Guyenne, et intendant de la duché d’Albret, touchant la fermentation des humeurs qui font la fièvre (sans lieu, ni nom, ni date, in‑4o), signée P. Galateau (v. note [12], lettre 246), le 2 avril 1662.

Le médecin anglais Thomas Willis (v. note [8], lettre de Thomas Bartholin, datée du 25 septembre 1662) avait publié Diatribæ duæ medico-philosophicæ quarum prior agit de Fermentatione, sive de motu intestino particularum in quovis corpore ; altera de Febribus, sive de motu earumdem in sanguine animalium. His accessit Dissertatio epistolica de urinis… [Deux Discussions médico-philosophiques, dont la première traite de la Fermentation, ou du mouvement intérieur des particules dans n’importe quel corps ; et la seconde, des Fièvres, ou du mouvement de ces mêmes particules dans le sang des animaux. Avec une Dissertation épistolaire sur les urines…] (Londres, T. Roycroft, et La Haye, Adrianus Vlacq, 1659, in‑8o, pour la première de nombreuses éditions ; dans celle d’Amsterdam, 1669, je n’ai pas vu de réponse à la Lettre de Galateau).

Le débat portait sur la réalité et l’utilité de l’acidité gastrique dans la digestion des aliments : ignorées ou niées par les naturalistes de l’Antiquité, défendus par Galateau et Marten Schoock, elles étaient mises en avant par les chimistes modernes, dont Willis était l’un des champions.

5.

« La censure acquitte les corbeaux, mais condamne les colombes » (Satire ii, v. note [25], lettre 432).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 116 vo.

Cl. Viro D. Christ. Utenbogardo, Ultrajectum.

Monitus à Chirurgo vestrate, qui manet apud D. du Hallier, in suburbo
S. Germani, quendam equis cursorijs ad vos properare, hancce Tibi breviter
exaravi, ut scias me vivere et valere. De valetudine tua sum anxius, ut
et de D. Mart. Schoockio : an valeat, an absolverit editionem sui libri
De Fermentatione : et alteram editionem, eámq. auctiorem, sui libri De
Cervisia
 : an quoque cogitat de mittendo ad nos filium [suum maiorem] natu [hanc] hiemem, vel vere
proximo. De quib. singulis scribes quum volueris ; et si placet, Cl. illum
virum, D. Mart. Schoockium, meo nomine amplissimè salutabis. Fac sodes,
ut Amstelodami reddatur Sim. Moinet, Epistola quam hîc reperies. Adhuc
viget dissidium nostrum cum Papa. Rex noster præsentib.nummis,
et numerata pecunia, quinque millionum pretio, Dunquerkam 2 redemit,
1 ab Anglo, quò perget in pulchro comitatu, post Reginæ partum, qui
imminet. [Medi]cus quidam Burdegalensis, dictus Galateau, Gallicum
libellum nuper in lucem emisit de Fermentatione, adversus Thomam
Willis
, Medicum Anglum, peritum ac [eruditum] : si D. Mart. Schoockius
[eum habendi] desiderio quodammodo teneatur, et per mercatores vestros
qui Burdegalæ negotiantur habere non possit, eum facilè mittam,
et admodum libenter. Vale, Vir Cl. et me ama. D. Fouquet, olim
Gazophylax, adhuc in carcere detinetur : pro quo dicitur ira Regis in
ipsum mitigari : et forsan succedet, ex multorum voto : quod si tan-
dem contingat, nonne verum dixit Iuvenalis ? Dat veniam corvis,
vexat censura columbas. Vale. 12. Nov. 1662. Tuus ex animo, Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Christiaen Utenbogard, le 12 novembre 1662

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(Consulté le 19/04/2024)

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