L. latine 249.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
le 6 juillet 1663

[Ms BIU Santé no 2007, fo 160 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johannes Antonides Vander Linden, à Leyde. [a][1]

J’attends chaque jour votre très cher fils. [2] La reine mère se porte un peu mieux, ou un peu moins mal ; [3] mais ceux qui l’ont vue ne disent pas encore que tout va bien pour elle. Ses forces déclinent, elle souffre de l’estomac, il subsiste un gonflement œdémateux. On parle d’un changement de lieu pour qu’elle respire un air plus pur. On accuse l’antimoine, bien qu’elle n’en ait pris qu’en petite quantité ; [4] il eût sans doute été mieux que, comme elle l’avait d’abord décidé, elle s’abstînt d’un tel poison, qui est ennemi de tous les viscères. [1] La médecine aulique doit jouer le rôle de la flatterie quotidienne et de la fréquente imposture, car les grands veulent être trompés ; [5] Galien a déploré l’une et l’autre en divers endroits. [6] Pierre Petit a écrit un livre de Lucis natura ; [2][7] je vous en ai expédié un exemplaire que vous trouverez dans votre paquet, avec d’autres choses que je dois vous envoyer bientôt. Les médecins de la cour ont mauvaise réputation auprès du roi et de la reine, tout comme l’antimoine et toute la chimie. [8][9] Quand les imposteurs auront enfin été chassés, enjoints de s’établir loin d’ici et mis en déroute, je conserve le bon espoir que la médecine hippocratique sera rétablie dans l’honneur qu’elle mérite, et que Galien jouira du droit de retrouver sa dignité d’antan. Le traité de paix avec le pape a, dit-on, été réduit à néant. [3][10][11] Nicolas Fouquet [12] se morfond encore dans les fers. On parle ici de la très grave maladie du petit prince d’Espagne, [13] ainsi que de la victoire des Portugais contre les Espagnols. [4] Je salue Messieurs vos très distingués collègues, mais en tout premier M. van Horne [14] et M. Vorst, [15] à qui j’écrirai prochainement de nos nouvelles. Je salue aussi les très éminents MM. Gronovius, [16] Stevartus [17] et Rompf. [18] J’ai ici le Cardan complet en 10 tomes in‑fo[19] Nous attendons de jour à autre le livre posthume du très distingué Fienus de Signis morborum[5][20][21] Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

De Paris, ce vendredi 6e de juillet 1663.

Vôtre de tout cœur, Guy Patin.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johannes Antonides Vander Linden, ms BIU Santé no 2007, fo 160 ro.

1.

V. note [2], lettre latine 246, pour la réticence d’Anne d’Autriche à prendre de l’antimoine afin de soigner sa fièvre prolongée qui désespérait la cour et ses médecins, et qui se révéla bientôt être un prodrome de son cancer du sein (v. note [4], lettre latine 244).

2.

V. note [6], lettre 897, pour le livre de Pierre Petit « sur la nature de la Lumière », contre Isaac Vossius (Paris, 1663).

3.

V. note [4], lettre latine 241, pour les longs atermoiements qui ont précédé la paix de Pise, mettant fin, en février 1664, à la querelle qui faillit provoquer une guerre entre le pape et le roi de France.

4.

Bataille d’Ameixial (ou Estremoz, ville située au sud du Portugal dans le district d’Évora), le 8 juin 1663, qui permit aux Portugais de bloquer une nouvelle invasion espagnole. Cette victoire fut un important jalon dans la longue guerre qui aboutit à la restauration de la monarchie portugaise en 1668.

V. note [2], lettre latine 248, pour la maladie de l’infant Carlos, héritier du trône d’Espagne.

5.

V. notes [8], lettre 749, pour les Opera omnia de Jérôme Cardan (Lyon, 1663), et [2], lettre 776, pour le livre de Fienus (Thomas Feyens, mort en 1631) « sur les Signes des maladies » (Semiotice, ibid. 1663 et 1664).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 160 ro.

Clar. viro D. Io. Ant. Vander Linden, Leidam.

Quotidie expecto Filium tuum carissimum. Regina Parens paulo meliùs
habet, aut minus malè : sed qui eam viderunt, nondum bene testantur ei
esse : languent vires, dolet ventriculus, tumor œdematosus superest : agi-
tur de mutatione loci, ut puriorem aerem spiret : stibium quamvis minima
copia assumptum, trahitur in crimen ; haud dubiè melius ei fuisset si tali
veneno, viscerib. omnibus inimico, prudenter ut cœperat, abstinuisset.
Aulicæ Medicinæ partem constituit adulatio quotidiana, et frequens impostura,
quia Magnates volunt decipi : de utroque conqueritur Galenus, varijs in
locis. Petrus Petitus scripsit librum de Lucis natura : cujus exemplar ad me misit,
quod in fasciculo tuo reperies, cum alijs, posthac mittendis. Apud Regem
et Reginam Medici aulici malè audiunt : ut et stibium, Chymiaq. tota.
Tandem explosis et longè valere jussis atque profligatis Impostoribus, spes
bona me tenet ut Hippocraticæ Medicinæ suus habeatur honos, et jure quo-
dam postliminij Galenus pristinam dignitatem recuperet. Tractatus Pacis
cum Papa dicitur ad nihilum redactus. Nic. Fuquetus gemit adhuc in vinculis.
Hîc agitur de morbo gravissimo pusionis, Hispaniarum Principis : ut et de
victoria Lusitanorum in Hispanos. Cl. viros Collegas tuos saluto, imprimis
v. D.D. Van Horne et Vorstium : ad quem posthac scribam de rebus nostris.
Saluto quoque præstantissimos viros, D. Gronovium, Stevartum, et Romphium.
Hîc habeo totum Cardanum, in x. tomis in folio. In dies expectamus Cl.
Fieni librum posthumum de signis morborum. Vale, Vir cl. et me
ama. Parisijs, die Veneris, 6. Iulij, 1663. Tuus ex animo, Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 6 juillet 1663

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(Consulté le 18/04/2024)

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