L. latine 269.  >
À Johann Rudolf Dinckel,
le 30 novembre 1663

[Ms BIU Santé no 2007, fo 150 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johann Rudolf Dinckel, docteur en médecine à Strasbourg.

Très distingué et honorable Monsieur, [a][1]

Je me souviens parfaitement et sais fort bien que je suis depuis longtemps en dette envers vous ; je reconnais vous devoir énormément, en y ajoutant votre généreux et remarquable lot de disputations et de thèses venant de votre Université. [2] Je m’apprête à vous rendre maintenant la pareille en souhaitant que ce soit plus amplement et mieux encore. Ne soyez pourtant pas surpris par la modestie de mon présent paquet ; je vous en aurais envoyé plus si j’avais trouvé mieux. Sans doute y parviendrai-je en d’autres occasions ; mais en attendant, recevez avec sérénité et bienveillance ce petit peu que je vous offre, en disant avec le poète :

Nunc Te marmoreum pro tempore ferimus : at Tu
Si fætura gregem suppleverit, aureus ibis
[1][3][4]

Comment MM. les deux très distingués Sebizius se portent-ils ? [5][6] je ne doute pas qu’ils aient reçu les Opera omnia de Pierre Gassendi, en six tomes in‑fo[7] par l’entremise de Laurent Anisson, libraire de Lyon, [8] car partant d’ici il y a trois mois, il m’a solennellement promis qu’il les leur enverrait de ma part dès qu’il serait arrivé à Lyon ; je souhaite qu’il en ait fait ainsi. [2] Je salue les très distingués personnages de votre Université, les deux Sebizius, M. Seubertus, [9] Rob. Konigsmannus, [10] B[errenge]rus, [11] et d’autres s’il en est qui voient nos affaires d’un bon œil, ainsi que Spoor le Jeune, le libraire. [3][12] Si quelque chose de curieux se publie chez vous, je vous prie de vous en souvenir pour moi : je vous en rembourserai le prix que vous voudrez. Vale et aimez-moi.

De Paris ce vendredi 30e de novembre 1663.

Vôtre de tout cœur, Guy Patin.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Rudolf Dinckel, ms BIU Santé no 2007, fo 150 ro.

1.

« Jusqu’à présent je t’ai fait de marbre, c’est tout ce que j’ai pu ; mais si mes brebis sont bien fécondes, tu iras couvert d’or ».

Dans ces deux vers de Virgile (v. note [3], lettre 8), Guy Patin a cette fois remplacé aureus esto [je te couvrirai d’or] par aureus ibis [tu seras d’or], ce qui peut faire évoquer un écho d’Ovide (L’Art d’aimer, livre i, vers 210) :

Quattuor in niveis aureus ibis equis.

[Tu iras couvert d’or et tiré par quatre chevaux blancs comme la neige].

2.

V. notes [28], lettre 155, pour Laurent Anisson, libraire-imprimeur lyonnais, et [19], lettre 442, pour les « Œuvres complètes » de Pierre Gassendi qu’il avait publiées en 1658.

V. note [1], lettre latine 165, pour la raison de ce cadeau que Guy Patin avait envoyé à Melchior Sebizius et à son fils Johann Albrecht.

3.

Johann Jakob Seubert a correspondu avec Guy Patin.

Robert Königsmann (ou Basilander, traduction grecque de son nom allemand, qui signifie l’homme du roi, 1606-1663) professait l’éloquence à l’Université de Strasbourg.

Une déchirure du bord droit de la feuille a amputé le nom de la troisième célébrité strasbourgeoise de ce temps que Patin voulait saluer. Commençant par B et finissant par rus, je n’ai trouvé que Berrengerus pour y correspondre : Johannes Kaspar Bernegger (1612-1675), fils de Matthias (mort en 1640, v. note [11], lettre latine 101), était juge et archiviste de Strasbourg. Il devint plus tard membre du Conseil de la ville et assura des missions diplomatiques auprès de la France.

Spoor le Jeune (Junior), prénommé Johann-Friedrich (1641-vers 1710), était le fils et successeur du libraire-imprimeur strasbourgeois Friedrich Spoor (1614-1664).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 150 ro.

Cl. viro D. Io. Rod. Dinckel, Medicinæ Doctori, Argentinam.

Vir Cl. et mihi colendissime, Apprime memini et op[timè]
novi me jampridem esse in ære tuo ; plurimum me Tibi debere fateor et tuæ liberalitati,
per quam antehac accepi eximium fasciculum Disputationum et Theseωn vestræ Academiæ :
Ecce Tibi par pari reddere conor, et utinam majora vel meliora possem : ne mireris ergo
fasciculi mei exiguitatem : certè plura misissem si Tibi idonea deprehendissem :
forsan aliàs occurret ac recurret : interea v. serena fronte accipe gratoq. animo t[ant-]
illum hoc quod Tibi offero. Dicam cum Poeta : Nunc Te marmoreum pro tempore ferimus : at Tu Si f[ætura]
gregem suppleverit, aureus ibis. Quî valent Cl. viri D.D. duo Sebizij ? non du[bito]
accepisse Opera omnia Petri Gassendi, sex tomis in folio, per Laur. Anisson, Bib[liopolam]
Lugdunensem
, qui hinc abiturus ante tres menses, sanctè mihi pollicitus est se no[mine meo]
ad eos missurum quamprimùm Lugdunum pervenisset : quod utinam sit confect[urum.]
Cl. viros Academiæ vestræ saluto, utrumq. Sebizium, D. Seubertum, Rob. Konigsmannum, B[…]
rum,
et alios si qui sint qui nobis faveant : ut et juniorem Spoor, Bibliopolam. ^ Si curiosum aliquid apud/ vos edatur, mei quæso/ memineris : quod volueris/ pretium refundam. Vale, et [me]
ama. Parisijs, die Lunæ, 26. Veneris, 30. Nov. 1663. Tuus ex animo, Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Rudolf Dinckel, le 30 novembre 1663

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(Consulté le 20/04/2024)

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