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Au très distingué M. Christiaen Utenbogard, docteur en médecine, à Utrecht. [a][1]
Je vous ai récemment envoyé plusieurs lettres sous le même pli, par l’intermédiaire de M. van Ganguel, [2] et me voici pourtant qui reprends la plume. [1] Qu’est devenu votre Gisbertus Voetius ? [3] n’est-il pas toujours en vie, n’écrit-il pas de nouveaux livres ? Comment la vierge érudite de votre pays, cette dixième Muse, Maria van Schurman, se porte-t-elle, [4] et le très distingué M. Timannus Gesselius, [5] dont vous m’avez naguère envoyé l’Historia ecclesiastica ? Quel âge a cet éminent homme, n’exerce-t-il pas la médecine chez vous, ne persiste-t-il pas dans son dessein d’écrire une Historia sacra ? Les gens érudits louent ici extrêmement son ouvrage ; puisse Dieu lui permettre d’achever enfin une si grande œuvre. [2] Comment va notre M. van Diemerbroeck, [6] quel âge a-t-il à présent ? Comment se portent notre ami Marten Schoock et ses fils ? [7][8][9] Qui a-t-on désigné comme successeur au très éminent Adolf Vorst en l’Université de Leyde ? [10] On dit ici que la peste diminue fort à Amsterdam, Dieu fasse que ce soit vrai. [11] Il est chez nous seulement question de la guerre à mener en Italie au printemps prochain, [12] mais ni du Turc, [13] ni du pape, [14] ni de Nicolas Fouquet ; [15] sinon qu’on imprime, dit-on, en votre Hollande des libelles apologétiques pour sa défense et pour la réfutation de ses adversaires, qu’en savez-vous ?
[Ms BIU Santé no 2007, fo 155 vo | LAT | IMG] La Chambre de Justice [16] continue ici ses poursuites contre les partisans et leurs héritiers, tous les biens desquels on a fait saisir, pour les obliger de rendre ce qu’ils ont dérobé, de bon gré ou de force. On dit que le roi s’en ira à Lyon, le mois de janvier prochain. On parle de guerre pour l’Italie, et que le roi a acheté Casal, six millions du duc de Mantoue. [3][17][18]
Ce 27e de décembre. Mais voici que je reçois la vôtre datée du 9e de décembre, par votre ami M. Hoenfd, [4][19] qui m’a fait appeler et que je suis aussitôt allé visiter car il souffrait d’une fluxion de la gorge avec gêne à la déglutition, fièvre continue [20] et menace imminente d’étouffement. J’y retournerai demain pour voir si les remèdes que je lui ai prescrits lui auront été utiles et seront adaptés à son état dans les prochains jours. Il a très grand besoin de la phlébotomie qui, étant répétée une seconde fois, comme j’espère, emportera tous les suffrages et achèvera la guérison. [21] Je lui porterai celle-ci pour qu’il la joigne à ses lettres ; s’il n’écrivait pas dans sa patrie et n’acceptait donc pas ma lettre à vous envoyer, je la remettrais à Isaac, le commis de M. van Ganguel, c’est-à-dire à la voie coutumière par laquelle je vous ai récemment écrit et expédié un paquet de nombreuses lettres. Je vous enverrai sans doute ce que vous m’avez demandé dans votre dernière, mais il me faut d’abord retrouver cet Hortus Blesensis : [22][23] je me rappelle certes l’avoir vu, mais je ne sais où il s’achète ; il n’en a subsisté aucun exemplaire chez l’imprimeur, mais quelques-uns ont été dispersés et presque aucun n’est exposé à la vente ; Gaston, duc d’Orléans, l’oncle de notre roi, les avait en sa possession et conservés. [24] J’espère néanmoins découvrir ce livre d’un autre côté. [5] Sachez en attendant que votre collègue me sera très cher et très recommandé, tant pour la durée de sa maladie que durant sa convalescence ; et quand il partira d’ici, en quelque région qu’il aille, je lui remettrai des lettres de recommandation pour les amis que j’ai en divers endroits. En un mot, aussi longtemps qu’il restera ici, grâce à moi, il ne manquera de rien. Je salue de tout cœur Mesdames vos sœurs et les très chers neveux qu’elles vous ont donnés, [25][26] ainsi que M. Canter [27] et, en tout premier lieu, le très distingué Marten Schoock qu’après vous, je place volontiers devant tous les autres amis que j’ai en votre pays, en quelque nombre qu’ils puissent être. Vale, vous qui êtes la parure de ma vie, le meneur chéri de mes amis, la fleur que j’ai cueillie, et aimez-moi.
De Paris, le 28e de décembre 1663.
Votre Guy Patin de tout cœur.
1. |
Guy Patin reprenait la plume après avoir confié à M. van Ganguel (v. note [6], lettre latine 272) les deux précédentes lettres qu’il avait tout récemment écrites à Christiaen Utenbogard, les 20 et 21 décembre 1663. |
2. |
Guy Patin semblait se perdre un peu dans les titres du médecin et théologien Timannus Gesselius (Timan van Gessel) : alors âgé d’environ 72 ans, il avait publié une Historia sacra et ecclesiastica [Histoire sacrée et ecclésiastique] (Utrecht, 1659, v. note [10], lettre 680), à laquelle il allait bientôt ajouter non pas une Historia sacra [Histoire sacrée], mais l’Antiqua et vera fides, et sola servans, demonstrata plurimis S.S. Scripturæ, et sanctorum Patrum testimoniis [Antique et véritable foi, et la seule à observer, démontrée par les nombreux témoignages de la très Sainte Écriture et des Saints Pères] (Utrecht, Gisbert Zijll, 1664, in‑4o). |
3. |
Paragraphe en italique écrit en français dans le manuscrit, langue que comprenait parfaitement Christiaen Utenbogard. Les troupes françaises se mettaient en position dans le nord de l’Italie pour attaquer Rome, mais cette guerre n’eut pas lieu : la paix de Pise vint mettre fin en février 1664 à la vive querelle que l’affaire des gardes corses avait allumée entre le pape Alexandre vii et Louis xiv (v. note [4], lettre latine 241). Le duc de Mantoue, Charles ii de Gonzague, mourut en 1665 sans avoir vendu Casal à la France ; mais son successeur, Charles iii, le fit en 1681. Les Lettres et négociations entre Mr Jean de Witt, conseiller pensionnaire et garde des sceaux des Provinces de Hollande et de West-Frise, et Messieurs les plénipotentiaires des Provinces-Unies des Pays-Bas. Aux cours de France, d’Angleterre, de Suède, de Danemark, de Pologne, etc. Depuis l’année 1652 jusqu’à l’an 1669. Traduites du hollandais. Tome seconde < sic > contenant les négociations de Mrs G. Boreel et C. van Beuninge, en France, depuis l’an 1660 jusqu’à l’an 1664 (Amsterdam, Jansson-Waesberge, 1725, in‑12) contiennent néanmoins un courrier de Willem Boreel (v. note [34], lettre 477) à de Witt, daté de Paris le 3 avril 1663 (page 488‑489), qui commence par ce paragraphe :
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4. |
Première de quatre citations de ce médecin hollandais nommé Hoenfd (aussi orthographié Oenfd dans le manuscrit, prénom inconnu) dans la correspondance de Guy Patin avec Christiaen Utenbogard. Patin a entièrement dicté la suite de sa lettre. |
5. |
Le mot adapturum du manuscrit n’ayant pas de sens en latin, je l’ai tenu pour une inattention du scribe de Guy Patin, qui aurait dû écrire adaperturum (radical du supin du verbe adaperire, découvrir). V. note [74], lettre 332, pour le « Jardin royal de Blois » d’Abel Brunier (Paris, 1653 et 1655) et pour son maître Gaston d’Orléans (mort en 1660). |
a. |
Brouillon manuscrit, à la fois autographe (première moitié) et dicté (seconde moitié), d’une lettre que Guy Patin a écrite à Christiaen Utenbogard, ms BIU Santé no 2007, fo 155 ro et vo. |
s. |
Ms BIU Santé no 2007, fo 155 ro. Cl. viro D. Christ. Utenbogardo, Medicinæ Doctori, Ultrajectum. Nuper ad Te misi plures Epistolas simul compactas, per viam D. Van Ganguel, |
t. |
Ms BIU Santé no 2007, fo 155 vo. La Chambre de Iustice continue ici ses poursuites contre les Par- Tuus ex animo Guido Patin. |