L. latine 294.  >
À Christiaen Utenbogard,
le 10 mai 1664

[Ms BIU Santé no 2007, fo 169 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Christiaen Utenbogard, docteur en médecine, à Utrecht. [a][1]

Quatre jeunes gens de votre pays sont venus me voir hier et m’ont apporté cinq livres de votre part : deux exemplaires du Discursus de bello Turcico[2][3] le livre de Johann Vesling de Opobalsamo, etc.[4][5] la Jac. Flacci Dissertatio, etc., avec le livre du très distingué Timannus Gesselius, [6] etc. brillant homme que je salue très obligeamment ; je lui adresse, ainsi qu’à vous, mes remerciements particuliers pour chacun de vos livres. [1] Je promets sincèrement toute sorte de services à vos quatre jeunes gens ; ils parlent de se rendre à Angers pour y apprendre à parler couramment le français. Jacques Leschassier, [7] qui a jadis été un célèbre avocat dans le Parlement de Paris, fut l’oncle de M. Christophe Leschassier, maître des Comptes à Paris et premier directeur de l’Hôpital Général, que vous avez rencontré. [2][8][9] Je suis profondément attristé par la mort du très distingué M. Vander Linden ; [10] son fils qui était ici, vit aujourd’hui auprès des siens, avec sa mère. [3][11][12] Je vous renverrai votre Vesling. Vous aurez un autre exemplaire de l’Hortus de Denis Joncquet, [13][14] il prépare une nouvelle description du Jardin royal de Paris qu’il fera ensuite imprimer ; [15] pour enrichir ce Jardin, il y a transporté toutes ses plantes : sic hortus Ioncqueti transiit in regium[4] Dans le livre de Jac. Flaccus, page 68, il faut lire Jacques Leschassier, que je me rappelle avoir vu jadis : ce fut un homme très savant et un très fameux avocat, oncle de celui que vous avez vu ; certains de ses opuscules posthumes ont été publiés ici, j’en demanderai un exemplaire à M. Christophe Leschassier et vous l’enverrai. Si vous connaissez ce Jac. Flaccus, qui est un savant homme, vous l’aviserez de ma part, avec toutes mes salutations, qu’à la même page 68, après Petri Pithæi (qu’il faut écrire ainsi, Pithou en français, [16] que notre de Thou a très grandement loué, sous Henri iv[5][17][18][19][20] et qui fut l’oncle de M. Pithou, aujourd’hui très grand conseiller et jurisconsulte, dans la Grand’Chambre du Parlement), [21] Pierre Dupuy et autres, etc. [22] il faut ajouter en tout premier Edmond Richer, [23] docteur en théologie de Paris et syndic du Collège de Sorbonne, dans son opuscule de Ecclesiastica et politica potestate, qui a excité tant de troubles à Paris et que s’il veut le voir, je le lui enverrai sans difficulté. [6] J’ai écrit à Angers en faveur de vos compatriotes, je les ai fort recommandés à M. Le Baillif, [24] docteur en médecine et doyen d’âge, et leur ai donné ma lettre à lui remettre. Le légat empourpré du Jupiter capitolin est attendu ici le mois prochain. [25][26][27] Nous n’avons rien de nouveau sur le Turc[28] La Chambre de Justice continue toujours ses poursuites contre les partisans[29] ce dont beaucoup se plaignent fort ; et les honnêtes gens se lamentent âprement de la ruine publique, qui ne connaît aucune limite de par la miséricorde du roi. [30] Interea patitur justus, nec est qui recogitet in corde suo ; [7][31] rusticus expectat dum defluat amnis, at ille labitur, etc. [8][32] Je salue tous les vôtres, mais vous en tout premier, très distingué Monsieur, avec Jan van Heurne [33] et vos sœurs très chéries, [34] et M. Hoenfd. [35]

Vale et aimez-moi.

De Paris, ce 10e de mai 1664. Vôtre de tout cœur, G.P.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Christiaen Utenbogard, ms BIU Santé no 2007, fo 169 ro.

1.

Ces quatre titres envoyés par Christiaen Utenbogard étaient :

2.

L’italique des mots non latins est en français dans le manuscrit (ici et dans la suite de la lettre).

V. note [14], lettre 190, pour Jacques Leschassier et son neveu Christophe (v. notes [2], lettre latine 272, pour son office de directeur à l’Hôpital général, et [1], lettre latine 271, pour son voyage en Hollande, avec son fils Robert, en novembre 1663).

3.

V. note [8], lettre latine 289, pour la mort de Johannes Antonides Vander Linden, le 5 mars 1664 à Leyde.

Son fils Hendrik avait étudié la médecine à Paris sous la houlette de Guy Patin depuis septembre 1663 ; il avait dû rentrer précipitamment à Leyde pour assister sa mère, née Helena Grondt (v. notule {b} de la biographie des Vander Linden).

4.

« ainsi, le jardin de Joncquet est-il devenu royal » (joli latin de Guy Patin).

Nommé directeur (démonstrateur) du Jardin royal (non sans quelques révérences aux médecins de la cour), Denis Joncquet venait d’y transplanter son jardin du faubourg Saint-Jacques (v. note [4], lettre 291) et s’apprêtait à publier le catalogue de sa flore (Hortus regius. Pars prior [Le Jardin royal. Première partie], Paris, 1665, v. note [3], lettre 841).

Le livre de Johann Vesling sur le suc du baume d’Orient (v. supra 2e référence de la note [1]) soit n’avait pas plu à Guy Patin, soit figurait déjà dans sa bibliothèque ; toujours est-il qu’il le retournait à Christiaen Utenbogard.

5.

Livre cix de l’Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou (règne de Henri iv, année 1594, Thou fr, volume 12, pages 142‑143) :

« En même temps, le Chancelier de Chiverny {a} chargea Pierre Pithou, {b} qui pendant tout le temps de la guerre civile était demeuré dans Paris, quoiqu’il eût des sentiments très opposés à l’esprit de la Ligue {c} (homme d’ailleurs que ni moi, ni tous les savants, ni tous les gens de bien ne peuvent assez louer), de compulser soigneusement le greffe du Parlement, et de mettre à part et déchirer tout ce qu’il y trouverait d’injurieux ou de dangereux pour l’avenir parmi les arrêts qui avaient été rendus dans le cours de la guerre civile. Pithou s’acquitta exactement de sa commission, aidé de Guillaume Du Vair et d’Antoine Loisel. » {d}


  1. Philippe Hurault, comte de Chiverny, v. note [4], lettre 589.

  2. Pierre i Pithou, v. note [4], lettre 45.

  3. V. note [20], lettre 15.

  4. V. notes [8], lettre 542, pour Guillaume Du Vair, et [3], lettre 91, pour Antoine i Loisel.

Guy Patin ne citait pas un autre hommage, littéraire cette fois, que le président de Thou avait rendu à Pihou (règne de Charles ix, 1année 561, livre xxviii, Thou fr, volume 4, page 135) :

« Dans le même temps, une mort prématurée enleva Gabriel Faerno de Crémone, {a} attaché au cardinal Medichino, depuis pape, sous le nom de Pie iv, et ensuite au cardinal Charles Borromée, aussi illustre par sa naissance que par sa haute vertu. {b} Faerno cultiva toujours avec soin les belles-lettres. Il excellait à examiner les écrits des Anciens et à les rétablir conformément aux vieux manuscrits. Quelques ouvrages de Cicéron, qui furent imprimés après sa mort, et surtout Térence (qui fut donné au public quelques années après par Pierre Vittori, grand admirateur de Faerno) en sont de bonnes preuves. Il s’est aussi attiré l’estime des savants pour avoir mis les Fables d’Ésope en diverses sortes de vers. Il aurait été beaucoup plus estimé s’il n’eût pas caché le nom de Phèdre, {c} sur lequel il s’était formé, ou que la jalousie ne lui eût pas fait supprimer les écrits de cet ancien auteur qu’il avait lus et qu’il avait entre ses mains. Mais la Providence voulait que nous fussions redevables de ce bien, que Faerno nous avait envié, aux soins et à la fidélité de Pierre Pithou, un des plus savants hommes de son temps qui, aux services sans nombre qu’il a rendus à la postérité, a ajouté celui de tirer ce fin courtisan des ténèbres où l’Italie le tenait enseveli, de le corriger exactement et de le mettre au jour quelque temps avant sa mort. » {d}


  1. Fabuliste italien, v. note [13], lettre 535.

  2. V. notes [5], lettre 965, pour le pape Pie iv, et [20], lettre 183, pour saint Charles Borromée.

  3. Fabuliste latin du ier s., v. note [19], lettre 280.

  4. Phædri Aug. Liberti Fabularum Æsopiarum Libri v. Nunc primum in lucem editi [Les cinq livres des Fables ésopiques de Phèdre, affranchi d’Auguste, mis au jour pour la première fois] (Troyes, Io. Odotius, 1596, in‑fo de 67 pages).

6.

V. notes :

Faute d’avoir su identifier Jac. Flaccus et sa Dissertation (v. supra, fin de la note [1]), j’ignore le contexte de cette citation qui réveillait dans l’esprit de Guy Patin le souvenir de toutes ces gloires parlementaires, politiques et littéraires, au temps de la Ligue.

7.

« Pendant ce temps, le juste souffre et nul ne s’en émeut » (Isaïe, v. note [44], lettre 176).

8.

« le paysan attend que le torrent cesse de couler, mais il roule, etc. » ; Horace (Épîtres, livre i, lettre 2, vers 41‑43) :

Vivendi qui recte prorogat horam,
rusticus expectat dum defluat amnis ; at ille
labitur et labetur in omne volubilis ævum
.

[Qui diffère l’heure de se bien conduire, attend, comme le paysan, que le torrent cesse de couler ; mais il roule et roulera ses eaux jusqu’à la fin des temps].

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 169 ro.

Clariss. viro D. Christiano Utenbogardo, Med. Doctori, Ultrajectum.

Nobiles 4. juvenes vestrates heri me convenerunt, tuóq. nomine mihi obtulerunt libros
quinque, duo nempe Exemplaria Discursus de bello Turcico, Io. Veslingij librum
de Opobalsamo, etc. Iac. Flacci Dissertationem, etc. cum libro Cl. viri D. Tim.
Gesselij,
etc. quem virum egregium officiosissimè saluto : eique ut et Tibiq. pro singulis
tuis libris gratias ago singulares. Tuis 4. juvenibus omne genus officiorum sincerè polliceor ;
agunt de adeunda civitate Andegavensi, ut ibi discant Gallicè loqui absque ullo
impedimento. Iacobus Leschassier, famosus olim Patronus in Senatu Parisiensis,
fuit patruus D. Christ. Leschassier, Maistre des Comptes à Paris, et premier Direct.
de l’Hospital general,
quem vidisti. De obitu Cl. viri D. Vand. Lind. fortiter doleo : filius ejus
qui hîc erat, hodie vivit apud suos, cum Matre. Veslingium tuum Tibi remittam.
Horti D. Ioncquet aliud exemplar habebis : ille novam descriptionem molitur horti
regij Paris. quæ postea typis mandabitur : ad cujus locupletationem plantas omnes suas
transtulit : sic hortus Ioncqueti transijt in regium. In libro Iac. Flacci, pag.
68.
legendum Iac. Leschasserij, quem olim vidisse me memini : vir fuit eruditis-
simus, et Patronus celeberrimus, Patruus ejus quem vidisti. Ejus Opuscula quæ
dam posthuma fuerunt hîc edita : petam à D. Christ. Leschassier, Exemplar
unum quod Tibi mittam. Si noveris illum Iac. Flaccum, virum eruditum,
moneas illum meo nomine, cum salute plurima, ibid. pag. 68. 68. post Petri Pithæi
(sic scribendum, Gallicè Pithou ; laudatur amplissimè à nostro Thuano,
sub Henrico 4. patruus fuit D. Pithou, hodie Senatoris amplissimi atque Iuris-
consultissimi in majori ordine, dans la grand Chambre du Parlement : Petri Pu-
teani aliorúmq.
etc. subjunge, et imprimis viri eximij Edmundi Richerij,
Doctoris Theologi Paris. et gymnasij Sorbonici Syndici, in erudito suo libello
de Ecclesiastica et politica potestate :
^ qui tot olim turbas/ Parisijs excitavit : et quem etc. quem si videre voluerit, facile mittam.
In gratiam tuorum popularium scripsi Andegavum, eósq. de meliore nota commen-
davi D. le Baillif, Medicinæ Doctori et Seniori Decano, eisque tradidi meam Epistolam
illi perferendam. Mense proximo Iovis Capitolini Legatus purpuratus hîc
expectatur. De Turca, nihil habemus novi. La Chambre de Iustice continue tous-
jours ses poursuites contre les Partisans :
ex quo multi plurimum dolent : boni
quoque fortiter ingemiscunt de publica calamitate, quæ per Regis misericor-
diam finem nullum assequitur : interea patitur justus, nec est qui recogitet in
corde suo : rusticus expectat dum defluat amnis, at ille labitur, etc. Omnes tuos
saluto, Te v. imprimis, Vir Cl. cum Io. Heurnio, et dilectissimis Sororibus, atque
Domino Hoenfd. Vale, et me ama. Parisijs, die x. Maij, 1664. Tuus ex animo G.P.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Christiaen Utenbogard, le 10 mai 1664

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(Consulté le 29/03/2024)

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