L. latine 352.  >
À Johann Caspar Fausius,
le 26 mai 1665

[Ms BIU Santé no 2007, fo 189 ro | LAT | IMG]

Au très distingué Johann Caspar Fausius, docteur et professeur de médecine, à Heidelberg.

Très éminent Monsieur, [a][1]

Ayant trouvé un homme de confiance, qui aura soin de vous remettre ces lignes, j’ai donc aussitôt pris la plume pour vous faire savoir que, par la singulière grâce de Dieu, je vis et me porte bien, et me tiens entièrement à votre service. Vous m’avez naguère laissé compter sur des thèses et opuscules de votre Université, [2] que j’espère et attends toujours. En retour, faites-moi connaître ce dont vous avez besoin venant de notre ville, afin que je vous l’envoie pour récompense et honoraire de ce que je vous devrai. Qu’est-il advenu de mon bon ami M. Anglis ? [3] A-t-il quitté votre pays et s’en est-il retourné en Écosse ou en Angleterre, ne pensez-vous pas qu’il reviendra un jour en France ? [1] Nous sommes ici tous en suspens, attendant quid serus Vesper advehet [2][4][5][6] nous apportera sur la grande guerre qui se prépare entre les Anglais et les Hollandais ; [7] mais peut-être qu’à la fin, par l’intervention et la médiation d’excellents princes, de si grands ennemis mettront de côté leur violence et se réconcilieront. Presque tous attendent, et même souhaitent et espèrent de notre roi qu’il arrange enfin un si funeste différend entre de très puissants voisins. [8] Dieu fasse que tous les honnêtes gens voient cela s’accomplir heureusement et rapidement ! Nous n’avons ici rien de nouveau en librairie car tous nos imprimeurs sont fort engourdis ; [9] ils ne se sont toujours pas remis du tumulte des guerres qui ont si misérablement secoué notre France sous les gouvernements de nos deux empourprés, Richelieu et Mazarin ; [10][11] mais nous souhaitons que les choses aillent mieux sous le ministère très modéré de M. Colbert, [12] avec plus de douceur et de souplesse. Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

De Paris, le 26e de mai 1665.

Vôtre, etc., G.P.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Caspar Fausius, ms BIU Santé no 2007, fo 189 ro.

1.

V. note [5] de la lettre que Guy Patin avait écrite à André Falconet le 10 juillet 1664 pour le gentlihomme écossais dénommé Anglis (prénom inconnu) ; il accompagnait les deux fils de John Lindsay dans le périple européen qui devait les faire passer par Heidelberg. Anglis avait pu être l’initiateur de la correspondance entre Patin et Johann Caspar Fausius.

2.

« ce que nous apportera l’étoile du soir » : quid Vesper serus vehat est une expression de Virgile (Géorgiques, livre i, vers 461), où Vesper désigne la planète Vénus, l’étoile du Berger qui commence à briller, à l’ouest, avant que le soleil ne soit couché.

Dans son commentaire de l’adage (no 605), Nescis quid Vesper serus vehat [Tu ignores ce que te réserve l’étoile du soir], Érasme explique que le poète a écrit cela agens de pronosticis occasus [en parlant des pronostics qu’on tire du soleil couchant].

V. note [4], lettre 808, pour la seconde guerre anglo-hollandaise qui avait commencé le 4 mars 1665.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 189 ro.

Cl. viro D. Casp. Fausio, Med. Doctori et Prof. Heidelbergam.

Virum nobilem nactus qui hasce Tibi reddendas curabit, statim calamum
sumpsi, Vir præstantissime, ut scias me singulari Dei gratia vivere et valere
Tibi addictissimum. Antehac jussisti ut sperarem aliquid de Thesibus et libellis
vestris Academicis,
quod adhuc spero et expecto : Tu vicissim fac ut intelligam
quid ex hac urbe nostra requiras, ut illud pro præmio et debito honorario ad
Te mittam. Amico nostro singulari, D. Anglis, quid factum est ? an abijt à
vobis, et reversus est in Scotiam aut Angliam ? putásne illum in Galliam
tandem reversurum ? Hîc omnes hæremus, expectantes quid serus vesper advehet
de apparatu bellico maximo inter Anglos et Hollandos : Sed forsan tandem
optimorum Principum interventu et mediatione, tanti hostes ferociam
suam deponent, et inter se conciliabuntur : hoc plerique omnes expectant à Rege
nostro, imò expetant et sperant, ut tam atrox dissidium inter potentissimos
vicinos tandem componatur : quod utinam feliciter ac citò videant omnes boni.
Nihil hîc habemus boni novi in re literaria, fortiter enim frigent omnes nostri Typographi
nondum recreati ex bellicis tumultibus, qui regnantib. duobus illis purpuratis,
Rich. et Mazarino, Galliam nostram tam miserè concusserunt. Sed meliora, mitiora
et molliora speramus ex moderatissimo D. Colbert ministerio. Vale, Vir Cl. et
me ama. Parisijs, 26. Maij, 1665.

Tuus etc. G.P.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Caspar Fausius, le 26 mai 1665

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(Consulté le 29/04/2024)

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