L. latine 363.  >
À Gottlieb Breüning,
le 10 août 1665

[Ms BIU Santé no 2007, fo 194 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Gottlieb Theophilus Breuning, archiatre du sérénissime duc de Wurtemberg. [1]

Très distingué Monsieur, [a][2]

J’ai reçu votre très élégante lettre et vous en remercie particulièrement. Dieu fasse que votre fils réponde à vos vœux et rencontre le succès ; [3] j’ai bon espoir qu’il y parviendra, à cause de cette assiduité et de cette diligence dont il tire avantage. Je l’ai en effet toujours et volontiers reconnu pour un auditeur empressé de toutes les leçons que j’ai coutume de donner trois fois par semaine au Collège royal. [1][4] D’autres professeurs y ont maintenant fini leur enseignement, mais je poursuis toujours le mien en raison du très grand nombre de ceux qui me viennent régulièrement écouter. J’y mettrai fin vers le 10e de septembre, [2] et l’inviterai ensuite à venir me voir pour m’enquérir de ses études et lui sonder plus profondément l’esprit. Je ferai même mon possible pour qu’il puise à nos sources des éléments de la plus pure médecine, après avoir écarté et jugé sans valeur les sornettes imaginaires des Arabes, [5] tout comme les fraudes et fumeuses impostures des chimistes, [6] qui trompent excessivement et fort déplorablement le monde, au plus grand dam des malades et de la très sainte médecine. J’ai deux fils docteurs en médecine de Paris, Robert et Charles. Le premier aura la succession de ma chaire royale, par consentement et décret de notre roi en personne. [7][8] Le second travaille avec acharnement dans son cabinet privé, [9] tout autant qu’avec beaucoup de succès auprès des malades, que l’un comme l’autre soignent en grand nombre. Votre fils les rencontrera et pourra apprendre beaucoup s’il va les voir souvent. Mon Robert est médecin de l’Hôpital général où il y a grand nombre de valétudinaires, de toutes sortes et de toutes conditions ; [10][11] on y observe quantité de scorbutiques, mal qui ne s’était jusqu’ici presque jamais observé dans une si grande ville. [3][12] Dans votre lettre, je reconnais cet amour puissant et généreux, profondément paternel, que vous ressentez pour votre fils ; tout comme celui que vous avez pour moi, certum ac mutuis bene fidum pectus amoribus[4][13] Je voudrais vous assurer du même sentiment de ma part, à votre égard comme à celui de votre fils ; c’est pourquoi je vous promets, solennellement et sans arrière-pensée, toute sorte de services. Je vous remercie particulièrement pour les disputations philosophiques et médicales, et pour les discours académiques de votre Université de Tübingen, [14] que vous promettez et que j’attendrai patiemment ; [5][15] j’en rembourserai de très bon cœur le prix à votre fils, et si vous désirez quelque chose venant de cette ville, je vous l’enverrai. Vale, très distingué Monsieur, et continuez de nous aimer comme vous faites.

De Paris, le 10e d’août 1665.

Vôtre de tout cœur, Guy Patin, docteur en médecine de Paris et professeur royal.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Gottlieb Breüning, ms BIU Santé no 2007, fo 194 ro.

1.

Gottlieb Breüning avait très probablement écrit à Guy Patin, qui ne le connaissait pas, pour lui recommander son fils unique, Johann Gottlieb, venu étudier à Paris en 1664-1665 et suivre les leçons de Patin au Collège de France (v. l’acte académique de Tübingen transcrit dans la biographie de son père).

2.

Guy Patin avait commencé son cycle annuel de leçons le 26 novembre 1664 et allait l’achever le 7 septembre 1665 (v. les Leçons au Collège de France).

3.

V. notes :

Charles Patin a longuement détaillé sa pratique médicale parisienne (1655-1667) dans son Autobiographie.

4.

« qui suis un cœur sûr et bien fidèle à l’affection qui nous lie » (Horace, v. note [1], lettre latine 330).

5.

L’Université du Wurtemberg (Eberhard Karls Universität), fondée en 1477 par le duc Eberhard v, se situe depuis lors à Tübingen, une quarantaine de kilomètres au sud de Stuttgart.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 194 ro.

Clarissimo Viro D. Gottlieb Theophilo Breüning, serenissimi Ducis
Wirtembergici Archiatrorum Comiti.

Elegantissimam tuam accepi, Vir Cl. pro qua Tibi singulares ago gratias. Utinam
Filius tuus votis tuis respondeat et succedat ; quod etiam spero facturum, propter illam quâ
utitur assiduitatem et diligentiam : eum enim semper video et lubens agnosco strenuum
auditorem in singulis meis Prælectionibus, quas unaquaque septimana ter habere soleo
in Schola regia. Iam alij Professores docere desierunt, ego tamen adhuc pergo, propter majorem
illum numerum auditorum, qui frequenter ad me ventitant : finem tandem imponam
circa x. Sept. sed eum monebo ut postea veniat ad me, ut inquiram in ejus studia, ac in
ejus animum peritius ingrediar : imò etiam si possim, aliquid purioris Medicinæ de fontibus
nostris hauriat : longè rejectis et procul valere jussis commentitijs Arabum nugis, ut et
fumosis Chymistarum fraudibus ac imposturis, quibus hodie supra modum et nimis miserè
mundus decipitur, pessimo sanctioris Medicinæ ac ægrorum fato. Duos habeo filios, Doctores
Medicos Paris. Robertum et Carolum : ille mihi futurus est successor in cathedra regia, ipsius
Regis nostri decreto et consensu : hic v. strenuè agit tum in privato studio, tum apud ægros
felicissimè, quos habet uterque multos curandos : Filius tuus ad eos accedet, eósq. si sæpe
conveniat, poterit multa discere : Robertus ille Medicus est xenodochij generalis, de l’hospital general,
in quo sunt ægri quamplurimi, ex omni tribu, ex omni gente ; ubi etiam sæpe visuntur multi
scorbutici, quorum morbus in maxima civitate hactenus vix unquam apparuit. In Epistola
tua fortem illum et generosum amorem agnosco tuum et verè paternum in Filium : ut et in me
certum ac mutuis bene fidum pectus amoribus : idem de me credas velim in Te Filiúmque
tuum : vobis itaque genus omne officiorum sanctè et ingenuè polliceor. Pro Disputationibus
Philosophicis atque Medicis,
et Orationibus Academicis Tubingæ vestræ quas polliceris, et patienter expectabo, gratias ago
singulares : earum pretium lubentissimè refundam Filio tuo : et si quid ex hac nostra Urbe
cupias, facilè mittam. Vale, Vir Cl. et nos quod facis, amare perge. Parisijs, x. Aug.
1665. Tuus ex animo, Guido Patin, Doctor Med. Paris. et Prof. regius.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Gottlieb Breüning, le 10 août 1665

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(Consulté le 20/04/2024)

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