L. latine 380.  >
À Johann Daniel Horst,
le 26 novembre 1665

[Ms BIU Santé no 2007, fo 199 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johann Daniel Horst, à Francfort.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Vous me devez, dites-vous, une grande reconnaissance pour la < lettre > si sincère, etc. [1] J’aurais souhaité que vous m’en dussiez une plus grande encore, sans pourtant vous la réclamer aucunement ; j’aurais souhaité, dis-je, que votre fils chéri, [2] tout le temps qu’il a vécu ici, eût tiré plus grand profit de Paris. Cela n’a certes jamais dépendu de moi, mais son ardent désir de visiter une très grande ville et l’infinité de choses qui s’y trouvent à voir ont très souvent contrarié mes vœux : la cour royale, le Parlement, le Louvre, [3] les Écoles de médecine, [4] notre Collège royal[6] quantité de disputations, de fréquentes dissections anatomiques, [7] le Jardin botanique royal, [8] l’apprentissage du français, Rueil, [9] Versailles, [10] Saint-Denis, [11] etc., mes leçons publiques, [12] auxquelles il a assidûment assisté. Il s’est encore produit bien d’autres choses qui lui ont distrait l’esprit : un méchant hiver, neigeux, extrêmement glacé [Ms BIU Santé no 2007, fo 199 vo | LAT | IMG] et long, et vous savez à quel point ce froid, que Virgile a qualifié de scélérat, [13] est ennemi des études ; et à tout ce qui a gêné son application au travail, il faut ajouter une santé fragile, etc. Voilà, je pense, tout ce qui doit servir d’excuses au peu de profit qu’il a tiré de son séjour. [2] J’espère qu’il fera une meilleure moisson à l’Université de Bâle, [14] et qu’il rencontrera plus de succès auprès de M. Bauhin, [15] qui fut mon collègue, voilà 40 ans, et demeure mon ancien ami. Sur ce souhait, je change de sujet. Concernant le privilège pour votre Schönwetter, [16] j’ai chargé mon fils Robert [17] de l’obtenir d’un secrétaire du roi et, comme il en a l’habitude, il s’en occupera et y parviendra ; je vous écrirai dès que l’affaire sera conclue. Il existe diverses éditions de ce livre des Quæstiones medico-legales de Paolo Zacchias, [18] publiées à Rome, Strasbourg, Amsterdam, Avignon ; mais la meilleure et la plus riche de toutes est celle de Lyon, 1661, en deux tomes chez Huguetan et Ravaud. [3][19][20] Dans le tome 2 de cette dernière édition, je voudrais que vous corrigiez une faute à la page 148, 2de colonne : il faut lire R. Moreau au lieu de Monreau ; [21] de même, aux pages 150 et 154, 156 et 159. Voilà tout ce que je vous demande, car René Moreau a été un homme d’immense mérite et un très éminent médecin, il fut aussi mon maître en l’an 1622. Ayez donc soin d’y substituer D. Renato Moreau, Doct. Med. Paris. ac Prof. regius[4] J’attendrai patiemment de Sebastian Switzer [22] l’argent de votre Beyer. [5][23] Mais dites-moi donc, je vous prie, comment se porte votre collègue Sebastian Scheffer. [24] Voilà bien longtemps que je n’ai reçu de ses lettres ; si ça ne vous importune pas, je vous prie de le saluer de ma part. Vale, très distingué Monsieur, et aimez de tout cœur celui qui est entièrement vôtre,

Guy Patin.

De Paris, le 26e de novembre 1665.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Daniel Horst, ms BIU Santé no 2007, fo 199 ro et vo.

1.

Une déchirure du manuscrit a emporté le dernier mot de la ligne. Je propose epistolam dans sa forme abrégée, epam, surmontée d’une ligature (avec élision, usuelle dans l’écriture de Guy Patin, des cinq lettres centrales, car la lacune est trop petite pour contenir le mot entier).

Dans notre édition, la précédente lettre de Patin à Johann Daniel Horst est celle du 3 juin 1665. Il y était notamment question des progrès que faisait le fils de Johann Daniel en chirurgie et en botanique ; mais depuis, Georg (alors âgé de 24 ans) avait inopinément quitté Paris, en laissant une mauvaise opinion à Patin. Il en avait fait part à Sebastian Scheffer dans sa lettre du 28 octobre 1665 (v. sa note [3]). Horst ayant écrit à Patin pour le remercier du fructueux séjour de son fils à Paris, son hôte se trouvait maintenant dans la délicate obligation de dire une partie de la triste vérité (que Horst ne semblait pas tout à fait ignorer, comme le montre sa lettre à Johann Caspar i Bauhin, datée du 25 juin 1666, qui est transcrite et traduite dans la note [3] de la lettre latine 377).

2.

V. note [3], lettre 456, pour le froid scélérat, sceleratum frigus, dans Virgile.

Dans son embarras à expliquer l’échec parisien du jeune Georg Horst, Guy Patin avait confusément mélangé quantité de prétextes, touchant tant aux lieux d’enseignement qu’aux distractions et au climat de Paris ; il noyait le poisson afin d’esquiver les vraies raisons qui pouvaient bien tenir au goût de l’étudiant pour l’amusement et la débauche, difficilement avouable à son père.

3.

Nouvelle édition en préparation du célèbre ouvrage (encore estimée de nos jours), intitulé :

Pauli Zacchiæ Romani, totius Status Ecclesiastici proto-medici generalis, Quæstionum medico-legalium tomi tres. Editio nova, a variis mendis purgata, passimque interpolata, et novis recentiorum Authorum Inventis ac Observationibus aucta, cura Joan. Danielis Horstii, diversorum SR.I. Principum Archiatri, et Collegij Medici Mœno-Francofurtani Senioris. Opus omnibus Medicinæ et Iuris utriusque peritis, nec non Tribunalium (Ecclesiastici, Civilis) Assessoribus maxime necessarium. Præter Indices Librorum, Titulorum et Quæstionum annexus est Index Rerum Notabilium locupletissimus. Cum Privilegio Sacræ Cæs. Majest. et Christianiss. Gall. Regis.

[Trois tomes des Questions médico-légales de Paolo Zacchias, premier médecin général de l’État ecclésiastique. Nouvelle édition purgée de diverses erreurs, interpolée en maints endroits, et enrichie des nouvelles découvertes et observations des auteurs plus récents, par les soins de Johann Daniel Horst, archiatre de divers princes du Saint-Empire romain, et ancien du Collège médical de Francfort-sur-le-Main. {a} Ouvrage extrêmement nécessaire à tous ceux qui pratiquent la médecine, et l’un et l’autre droits (civil et canonique), ainsi qu’aux juges des tribunaux (ecclésiastiques et civils). Aux index des livres, des titres et des questions, est ajoint un très riche index des sujets remarquables. Avec le privilège de Sa Sainte Majesté Impériale et du roi très-chrétien de France]. {b}


  1. Horst avait sollicité l’aide de Guy Patin pour obtenir le privilège royal détenu par les libraires lyonnais Jean-Antoine ii Huguetan et Marc-Antoine Ravaud, pour leur édition de 1661 (v. notes [10], lettre 568).

  2. Francfort, Joannes Baptista Schönwetterus, 1666, trois tomes in‑fo.

    Johann Baptist Schönwetter (1642-1672) appartenait à une dynastie de libraires-imprimeurs de Francfort.

    V. note [17], lettre latine 109, pour les autres éditions : Rome (1621-1635), Strasbourg (probablement pour Leipzig, 1630), Amsterdam (1651), Avignon (1655 et 1660) et Lyon (1661). Plus de sept autres ont paru depuis, aux xviie et xviiie s.

    V. note [1], lettre latine 387 pour le « Salut au lecteur »

4.

« M. René Moreau, docteur en médecine de Paris et professeur royal. »

En 1622, Moreau (mort en 1656, v. note [28], lettre 6), neveu par alliance du Grand Piètre (Simon ii), était âgé de 35 ans et avait trois ans d’ancienneté dans la Compagnie des docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris. Guy Patin, âgé de 21 ans, était étudiant en médecine (philiatre) de 2e année et suivait les enseignements de Moreau.

La première référence aux « Questions médico-légales » (édition de Lyon, 1661, second tome, page 148) renvoie au Consilium xi [la 11e Consultation] du livre x, concernant la dispense des jeûnes catholiques (durant tout le carême [v. note [10] du Naudæana 3] et tous les vendredis de l’année) qu’il faut accorder aux personnes malades ; Zacchias l’adresse Admodum Illustri atque Excellentissimo Viro, D. Renato Monreau Medico Parisiensi, ac Viro Clarissimo [Au très illustre et éminent M. René Monreau (sic pour Moreau), très distingué médecin de Paris]. Le Summarium [Sommaire] de cette consultation tient en quatre points :

  1. Ciborum, quibus in diebus ieiuniorum utimur, vitia [Défauts des aliments que nous consommons durant les jours de jeûne] ;

  2. Ova se convertunt in pravos humores, si stomachum pravis humoribus refertum offendant [Les œufs se transforment en humeurs mauvaises, s’ils indisposent un estomac empli d’humeurs mauvaises] ;

  3. Corpora debilia etiam à minimis erroribus in victu læduntur [Les corps affaiblis sont affectés par les écarts alimentaires, même minimes] ;

  4. Corpus ieiunitis affligere non licet in sanitatis notabile detrimentum [Il ne faut pas mortifier le corps par les jeûnes au détriment notable de la santé].

La même erreur, Monreau pour Moreau, se retrouve dans le même livre x, en tête des Consilia numérotés :

Johann Daniel Horst n’a pas corrigé ces erreurs dans son édition de 1666 (tome troisième, pages 17 et suivantes).

5.

Guy Patin attendait du libraire de Francfort Johann Beyer le remboursement de la somme (23 livres tournois et un sol) qu’il avait déboursée pour lui obtenir le privilège royal l’autorisant à rééditer les Observationes medicæ rariores [Observations médicales plus que rares] de Johann Schenck von Graffenberg (Francfort, 1665, v. note [2], lettre latine 354).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 199 ro.

Cl. Viro D. I. D. Horstio, Francofurtum.

Vir Cl.
Magnas, inquis, habes mihi gratias, quod tam fidelem […]
etc. Utinam majores mihi deberes, quas tamen nullas postulo : utinam
inquam, magis in hac Urbe profecisset dilectus Filius tuus, quamdiu
hîc apud nos vixit : per me quidem numquam stetit : sed votis meis
sæpius obstiterunt amplissimæ Civitatis lustrandæ summum deside-
rium, res quamplurimæ in ea videndæ, Aula regia, Senatus ipse, Pala-
tium, Schola Medicorum, Schola nostra regia, Disputationes multæ, disse-
ctiones Anatomicæ frequentes, hortus botanicus regius, linguæ Gallicæ
studium, Ruel, Versailles, S. Denis, etc. Prælectiones meæ publicæ, quib.
frequens interfuit ; sic et alia multa sæpius intervenerunt, quæ
ejus animum à studijs interpellarunt, turpis hyems, nebulosa, eáque
frigidissima,

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 199 vo.

frigidissima atque longissima, apprime nosti quantum studijs
sit inimicum frigus illud à Virgilio sceleratum dictum : adde
valetudinem parum firmam, inter studiorum impedimenta
reponendam, etc. ex quibus singulis excusandum illum puto si
minus in studijs profecit : majorem fructum spero accepturum in
Academia Basilensi, apud D. Bauhinum, veterem Amicum
et Collegam meum, ante annos 40. quod utinam succedat : et in
hoc voto desino. Quod spectat ad Privilegium pro vestro
Schonwettero, illud impetrandum commisit Robertus meus,
Secretario regio, qui ut moris est, rem ipsam curabit atque con-
ficiet : de ea conferta mox ad Te scribam. Istius libri, nempe P.
Zacchiæ Quæstionum Medico Legalium variæ sunt Editiones,
Romana, Argentinensis, Amstelodamensis, Avenionensis ; sed
omnium optima atque locupletissima est Lugdunensis, duob.
tomis, apud Huguetan et Ravaud, anno 1661. cujus Editionis tomo 2.
pag. 148. col. 2. emendari velim, et legi R. Moreau, pro
Monreau, et idem pag. 150. et 154. 156. 159. Hoc unum te rogo : fuit enim ille
Ren. Moreau vir dignissimus, et præstantissimus Medicus :
ut et præceptor meus anno 1622. ^ Cura igitur sic reponi, D./ Renato Moreau, Doct. Med./ Paris. ac Prof. regio. Vestri Beyeri pecuniam patien-
ter expectabo à Seb. Switzer. Sed dic quæso, quî valet tuus Col-
lega Seb. Schefferus ? jamdudum ab eo nihil accepi literarum :
eum quæso saluta meo nomine, nisi grave Tibi videatur. Vale, Vir Cl.
et ex animo dilige tuum ex asse,
Guidonem Patinum.

Parisijs, 26. Nov. 1665.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Daniel Horst, le 26 novembre 1665

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1413

(Consulté le 25/04/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.