L. latine 382.  >
À Claude Bachey,
le 10 décembre 1665

[Ms BnF no 9357, fo 363 ro | LAT | IMG]

Très cher ami, [a][1]

J’ai reçu votre très agréable lettre, où j’ai reconnu votre fidèle et constante bienveillance, dont je souhaite qu’elle dure et se pérennise. Vous sollicitez de moi une consultation médicale, et voici ce que je vous en suggère. [2]

Votre parent par alliance souffre d’un squirre hépatique ; [3] si cela se confirme, il est sans aucun doute en grand danger de mort, puisque la substance propre du foie est manifestement et irrémédiablement atteinte : suivra une ascite hydropique que nul secours de l’art ne saura guérir. [4] S’il existe pourtant des remèdes capables de soulager ce patient, s’il luit encore quelque espoir, qu’on le purge encore et encore, avec séné et moelle de casse, [5][6][7] et quelque sirop laxatif, au moins une fois chaque semaine. Je vous suggère la prescription qui suit.

Faites macérer pendant une nuit trois gros de séné dans deux onces de décoction de chicorée ; [8] le lendemain matin, ajoutez-y trois gros de moelle de casse dissous dans une once de sirop laxatif de roses (ou de fleurs de pêcher) ; [9][10] faites-en une potion que le malade prendra de très grand matin, sur un estomac vide, trois heures avant un bouillon, puis qu’il se rendorme là-dessus.

Abstenez-vous de la rhubarbe en raison de sa trop forte chaleur, [11] tout comme des poudres et de toutes les pilules, en raison de l’intempérie sèche qu’elles provoquent, etc. [12] Prenez garde à l’antimoine, de quelque façon qu’on le prépare, ainsi que de ce fameux vin énétique, qui est toujours empoisonné et mortifère. [13] Le patient se nourrira de bouillons, d’œufs à gober, de viandes en petite quantité ; [14] il pourra boire un peu de vin, mais vieux et fort dilué. [15] Je ne désapprouverais pas le lait d’ânesse à condition qu’on en dispose, que le malade ne l’ait pas en horreur et que le corps ait d’abord été entièrement purgé ; [16] on pourrait même le nourrir exclusivement de lait, à raison de six onces à boire toutes les trois heures, fraîchement tiré du pis. Puisse Dieu tout-puissant, qui guérit nos maladies, répandre sa force sur mon conseil.

Vale et aimez-moi.

Vôtre de tout cœur, Guy Patin.

De Paris, le 10e de décembre 1665.

Je ne mentionne aucun topique car il n’y a guère de secours à en attendre. [17] Néanmoins, pour ne pas sembler les omettre, on pourra utiliser un emplâtre de ciguë, [18] ou placer sur la partie affectée une fomentation de feuilles de ciguë macérées dans du petit-lait […]. [1]


a.

Lettre que Guy Patin a envoyée « À Monsieur/ Monsieur [Claude] de Bachey,/ docteur en médecine,/ à Beaune », Ms Bnf no 9357, fo 363 ro et vo, avec traces de pliage ; cachet détaché laissant une perforation circulaire au centre de la feuille.

1.

V. note [12], lettre 803, pour l’emploi de la ciguë par voie externe (en topique) dans le traitement des squirres. Quelle qu’en soit la cause (infectieuse, alcoolique, métabolique, etc.), la cirrhose est encore de nos jours une maladie très grave du foie : quand elle a atteint son plein développement, une transplantation hépatique est le seul moyen d’éviter la mort.

Les habitués des ordonnances de Guy Patin pourront s’étonner qu’il ait ici omis les saintes et omnipotentes saignées : il faut donc croire qu’il en connaissait les dangers et en usait avec quelque discernement ; le fait est qu’elle est dénuée de toute utilité et dangereuse dans la cirrhose, affection dont les saignements digestifs sont une des grandes complications.

La dernière ligne du post-scriptum, écrit verticalement dans la marge, est illisible car elle est cachée dans le pli de la reliure.

s.

Ms BnF no 9357, fo 363 ro.

Gratissimam tuam accepi, Vir amicissime, ex qua benevolentiam
tuam agnosco, fidam et constantem, quæ utinam diurnet atque perennet.
Consilium medicum requiris a me, habeas illud quod ecce suggero.

Affinis ille tuus qui laborat scirrho hepatis, in magno haud dubiè
versatur vitæ periculo, si sit confirmatus, cùm sit vitium manifestum
et inemendabilem in propria hepatis substantia : unde sequetur hydrops
ascites, nullo artis præsidio sanabilis. Si quæ tamen sint artes, quibus
æger ipse possit levari, si tumor ipse nondum sit tam durus et contu-
max, si quid spei adhuc affulgeat, sæpius atque sæpius repurgetur
ex foljis et medulla cassiæ, et syr. aliquo solutivo, per hebdomadam
unamquamque bis ad [mi]nimum. Formulam tibi subjiciam.

℞ decoct. cichor[eæ <℥>i]j. infund. per noctem fol. Orient ʒiij.
in colat. cras mane dissolu. med. cassiæ rec. extractæ ʒiij. syr. rosar.
solut. (vel de florib. mali persicæ) ℥j. fiat potio, sumat summo mane,
ventriculo vacuo, trib. horis ante jusculum, et superdormiat.

Absit rheum propter nimiam caliditatem : absint pulveres et omnes
pilulæ propter intemperiem siccam, etc. Cave ab antimonio, quandocumq.
paratum fuerit, ut et a famoso isto vino enetico, semper venenato
et mortifero. Vescatur jusculis, ovis sorbibibus, paucis carnibus ; pauco
vino utatur, eóq. veteri, ac dilutissimo. Lactis asinæ usum non
improbarem, si suppeteret, si æger ab eo non abhorreret, ac esset
corpus expurgatissimum : imò solo lacte vesci posset, quarta quaque
hora sorbendo ejus ℥vj. ab ubere recens accepti. Nostro consilio
utinam
vim suam infundat Ille qui sanat languores nostros Deus omnipotens.

Vale et me ama.

Tuus ex animo, Guido Patin.

Parisijs, x. Dec. 1665.

Topica nulla commemoro, à quibus nimirum vix est aliquid expectandum subsidij : ne tamen videantur omissa, usurpatur emplastrum de
Cicuta,
vel fotus instituatur ad partem affectam ex folijs cicutæ coctis in sero lactis, quæ postea etiam parti affectæ […]

Ms BnF no 9357, fo 363 vo.

A Monsieur
Monsieur de Bachey,
Docteur en Medecine,
A Beaune.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude Bachey, le 10 décembre 1665

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1415

(Consulté le 29/03/2024)

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