L. latine 428.  >
À Sebastian Scheffer,
le 14 avril 1667

[Ms BIU Santé no 2007, fo 215 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Sebastian Scheffer, docteur en médecine, à Francfort.

Très distingué Monsieur, [a][1]

M. Öchs, votre compatriote, [2] m’a remis votre dernière, datée du 3e de février passé, et j’y réponds point par point. Je n’ai encore rien reçu de votre M. Schönwetter ; [3] je voudrais que vous le saluiez de ma part, mais j’espère que tous vos envois m’arriveront bientôt, sans me soucier de l’endroit où ils ont pu être arrêtés, que ce soit en raison de la peste ou de la guerre, pourvu qu’ils me parviennent enfin. Je souhaite voir là-dedans le paquet que M. Schenck [4] vous a transmis pour moi, ainsi que ce livre de Kornmannus, [5] et la nouvelle édition des Quæstiones medico-legales de Paolo Zacchias. [1][6] Dieu puisse couronner tout cela de succès. Pour nos lettres, quelle que soit la voie par laquelle vous avez reçu les miennes, tenez-vous-y bien, s’il vous plaît, pour me répondre à loisir ; ne vous souciez pas du reste car ainsi vos courriers me parviendront sans l’ombre d’un doute. J’ai remis les deux manuscrits, physiologiques et pathologiques, du très distingué Hofmann [7] à Laurent Anisson, [8] libraire lyonnais qui médite de les publier ; j’implorerai votre aide s’il ne fait pas ce qu’il a promis. [2] Nos travaux typographiques sont en effet extrêmement lents, en raison de cette pauvreté qui afflige le public ; encore aujourd’hui, [Ms BIU Santé no 2007, fo 215 vo | LAT | IMG] toute la France geint sous son joug ; et ce par l’abus, et même par les larcins, les fraudes et les impostures d’une foule de partisans, et surtout du premier d’entre eux qui mourut ici le 9e de mars 1661 ; j’entends cet empourpré italien, Jules Mazarin. [9] Avec le consentement de la reine mère, Anne d’Autriche, [10] il a tondu tout le royaume, avec excessives facilité, impunité et endurance ; mais je me plains en vain, puisqu’il n’existe aucun médicament contre une telle maladie. Dii meliora ! [3] Pour le Rabelais[11] je ne vous mens pas : encore dernièrement, j’ai ouï dire qu’on l’a imprimé en Hollande ; celui qui vous a raconté autre chose à mon sujet vous a abusé. [4] Je vous enverrai sans difficulté tout ce que vous voudrez venant de notre ville pour votre très chère épouse, [12] pourvu que vous me signifiiez ce que vous désirez et m’indiquiez par quelle voie je pourrai vous l’expédier ; mais je n’y entends rien aux coquillages, je vous prie donc de me donner leurs noms français. Que Dieu tout-puissant protège votre mignon petit garçon et Madame sa mère ! Ne vous souciez pas du prix, pourvu que je sache ce que vous voulez, car je sais depuis longtemps être lourdement en dette envers vous. Nous n’avons encore rien de certain sur la paix anglaise, tous en ont pourtant bonne espérance. [13] Pour les Opera Hofmanni, de Spiritibus, de Calido innato, de Humoribus, etc., j’en commande 12 exemplaires ; mais pour le livre de Medicamentis officinalibus, deux me suffiront. [14] J’en rembourserai le prix à M. Cocq, qui est ici en affaires avec M. Sebastian Switzer ; [15] tout comme celui des Icones doctorum virorum, une fois que je les aurai en mains. [5] Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

De Paris, le 14e d’avril 1667.

Vôtre de tout cœur, Guy Patin.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Sebastian Scheffer, ms BIU Santé no 2007, fos 215 ro et vo.

1.

Guy Patin dressait une liste des livres qu’il attendait, expédiés de Francfort par les soins de Sebastian Scheffer.

2.

Laurent Anisson (v. note [28], lettre 155) tint parole en publiant les Apologiæ pro Galeno libri tres… [Trois livres d’Apologie pour Galien…] (Lyon, 1668, v. note [1], lettre 929) qui contenaient enfin les Chrestomathies physiologiques et pathologiques de Caspar Hofmann.

3.

« Puissent les dieux nous réserver des jours meilleurs ! » (citation abrégée de Virgile, v. note [5], lettre 33).

4.

V. note [4], lettre latine 418, pour la réédition des Œuvres de Rabelais publiée par les Elsevier en 1666, et pour la fausse rumeur prêtant à Guy Patin le dessein d’en procurer une.

5.

Guy Patin attendait avec impatience les Opuscula medica [Opuscules médicaux] de Caspar Hofmann (Francfort, 1667, v. note [14], lettre 150), mais en se méprenant sur leur titre (Opera au lieu de son diminutif, Opuscula) et surtout sur leur contenu exact, qui consiste en trois parties ordinairement reliées en un seul et même volume :

  1. la réédition des deux livres « sur les Médicaments officinaux » ;

  2. le traité de Spiritibus et Calido innato [des Esprits et de la Chaleur innée] ;

  3. le traité de Paritibus similaribus [des Parties similaires (du corps humain, v. note [7], lettre 270)].

Les deux traités (dont Patin avait acquis les manuscrits) étaient jusqu’alors demeurés inédits, mais le troisième, de Homoribus [sur les Humeurs], n’y était pas et n’a jamais vu le jour. Au lieu des 12 exemplaires des deux traités (qu’il croyait être trois) et des 2 autres des « Médicaments officinaux », ici demandés à Sebastian Scheffer, leur éditeur, Patin allait en recevoir 50 du tout ! et ce à son grand dam car il eut à en subir de fâcheuses conséquences (v. notes [2], lettre latine 434, et [6], lettre latine 466).

V. note [1], lettre latine 308, pour les « Portraits de savants personnages », recueil intitulé Chalcographica Bibliotheca [Bibliothèque gravée], dont la 9e partie (Heidelberg, 1664) n’eut pas la suite que Patin espérait ; il n’eut donc jamais la fierté d’y voir figurer son portrait et son éloge.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 215 ro.

Cl. viro D. Seb. Scheffero, Med. Doctori, Francofurtum.

Postremas tuas accepi, Vir Cl. datas 3. Febr. hujus anni, per Ochsium vestrum, quibus ad
amussim sic respondeo. Nihil adhuc accepi à vestro D. Schonwettero, quem ex animo salutes
velim meo nomine : spero tamen brevi futurum ut tandem singula nobis reddantur, nec curo ubinam hæ-
serint propter pestilentiam aut bellum, modo tandem ad me deveniant : inter quæ videre cupio
quæ ad Te pro me transmisit D. Schenkius in fasciculo, ut et ipsum Kormannum : ut et novam
editionem Quæst. Medico-Legalium P. Zacchiæ. Deus bene fortunet omnia. Quod spectat ad literas
nostras, per quamcumque viam meas acceperis, eandem tenebis si placet, ut mihi pro libito
respondeas : cætera ne cures, mihi enim haud dubiè reddentur. Duo Manuscripta Cl. Hofmanni, Physio-
logica
nempe et Pathologica, commisi Bibliopolæ Lugdunensi, Laur. Anisson, qui de illis edendis
cogitat : quod si non faciat ut pollicetur, opem vestra implorabo : sunt enim lentæ admodum
Operæ nostræ typographicæ, propter egestatem illam publicam, sub qua etiamnum hodie

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 215 vo.

gemit universa Gallia, ab excessu, imò à furtis, fraudibus ac impostoribus tot publicanorum,
et præsertim eorum principis qui hîc obijt 9. Martij, 1661. Italum illum Purpuratum
intelligo, Iulium Mazarinum, qui annuente Regina Matre, A.A. nimis facilè totum regnum,
nimis impunè et nimis patienter explilavit. Sed frustra conqueror, cùm tanto morbo nulla sit Medicamenta. Dij
meliora. De Rabelæso verè loquor : audio illum nuper adhuc in Hollandia typis mandatum :
qui Tibi de me aliud retulit, falsum retulit. Quidquid volueris ex Urbe nostra, pro conjuge
tua dilectissima, facilè mittam, modò quid sit illud significes, et innuas per quam viam
mitti poteruntit, sed de cochleis illis marinis nihil novi : eas itaque si placet mihi designab[is]
nomine Gallico. D. Matrem et puerculum bellulum sospitet Deus Opt. Max. De pretio ne cures,
modò sciam quid velis : multa me Tibi debere jampridem novi. De pace Anglicana nihil
adhuc habemus certi : omnes tamen de ea bene sperant. De Operibus Hofmanni, 12. Exemplaria requi[ro]
de Spiritibus, de calido innato, de humoribus, etc. Quod spectat ad librum de Medicamentis Officina-
libus,
duo tamen mihi sufficient : pretium refundam Domino Cocq, qui hic agitat commercium cum
D. Seb. Scheffero : Switzero : ut pro Iconibus doctorum virorum, postquam habuero. Vale, Vir Cl.
et me ama. Parisijs, 14. Aprilis, 1667.

Tuus ex animo, Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Sebastian Scheffer, le 14 avril 1667

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1461

(Consulté le 29/03/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.