L. latine 436.  >
À Sebastian Scheffer,
le 6 septembre 1667

[Ms BIU Santé no 2007, fo 217 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Sebastian Scheffer, docteur en médecine à Francfort. [a][1]

Je ne suis pas sans m’étonner profondément de n’avoir eu aucune réponse à mes trois récentes lettres des 17e de juin, 15e de juillet et 4e d’août, dont je suis certain qu’elles vous ont été remises. Je vous écris donc de nouveau, pour la quatrième fois, en vue de vous avertir que les livres de Caspar Hofmann, [2] que vous m’avez envoyés dans un tonnelet il y a plusieurs mois, ont été interceptés et sont encore retenus, injustement et très illicitement, par deux libraires qui se déclarent directeurs de l’imprimerie. [3][4][5] J’ai certes engagé un procès contre eux, mais l’affaire n’est pas encore réglée, adhuc sub judice lis est[1][6][7] On y juge certainement fort peu de mon intérêt et de ma bonne foi, mais on y favorise à outrance, me semble-t-il, l’iniquité et le perfide acharnement de cette bande de fripons. [8] J’espère pourtant que, Dieu aidant, je serai délivré de ces entraves et récupérerai mes livres ; mais pour que rien de tel ne se reproduise à l’avenir et qu’une erreur passée ne s’augmente d’une nouvelle, je vous écris, aujourd’hui et en connaissance de cause, afin que vous avisiez vos libraires de ne plus m’envoyer de livres par la voie de Bâle, ni par quelque autre que ce soit, à moins que je ne leur aie préalablement indiqué comment me les expédier, et qu’auparavant ils n’en aient décidé avec moi et m’en aient donné les titres. Je voudrais aussi vous prier de vous enquérir du paquet que vous avez reçu pour moi, voici un an et plus, venant de M. Johann Theodor Schenck, professeur à Iéna ; [9] je serais profondément marri de sa perte. [2] Saluez je vous prie de ma part MM. les deux Horst, [10][11] Lotich, [12] Beyer [13] et Schönwetter. [14] Je leur demande de ne rien m’expédier sans m’en avoir d’abord avisé, et sans que je leur aie indiqué la voie à emprunter et l’homme dont je recevrai leur envoi sans empêchement de quelque nature que ce soit. Notre roi guerroie avec succès en Flandre ; [15][16] s’il continue sur le même pied, il semble que l’an prochain, nous aurons conquis les Pays-Bas espagnols grâce aux troupes victorieuses de Louis le xive[17] Dieu le veuille ainsi ! Je salue Pierre Mocquillon. [18] Vale.

De Paris, le 6e de septembre 1667.

Vôtre de tout cœur, Guy Patin.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Sebastian Scheffer, ms BIU Santé no 2007, fo 217 vo.

1.

« le procès est toujours pendant » (Horace, L’Art poétique, vers 78).

Ses trois dernières lettres (latines nos 430, 432 et 434) restant sans réponse, Guy Patin s’agaçait, une fois de plus, du silence épistolaire de Sebastian Scheffer. Il dura jusqu’en fevrier 1668 (v. la lettre de Guy Patin datée du 24 de ce mois-là) et ne s’expliquait sans doute pas par les entraves à la bonne circulation des courriers qu’engendrait la guerre de Dévolution, mais par sa gêne d’avoir mis Patin, à son insu (v. note [3], lettre latine 432), dans une situation fort embarrassante.

En effet, Patin ne cachait pas à Scheffer l’inquiétude et l’impatience que lui valaient la procédure engagée contre lui par le syndicat des libraires parisiens et la saisie douanière des livres contenus dans le premier tonnelet décrit dans la note [1] de la lettre latine 443, où se trouvaient 50 exemplaires des Opuscula medica [Opuscules médicaux] de Caspar Hofmann, qui venaient de paraître (Francfort, 1667, v. note [14], lettre 150) : v. note [2], lettre latine 434, pour leur confiscation.

2.

V. note [4], lettre latine 295, pour l’Historia plantarum generalis [Histoire générale des plantes] de Johann Theodor Schenck (Iéna, 1656), que Guy Patin attendait alors depuis plus de deux ans.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 217 vo.

Cl. viro D. Seb. Scheffero, Med. Doct. Francofurtum.

Quamvis antehac ter ad Te scripserim, nempe 17. Iunij, xv. Iulij,
et 4. Aug. mihiq. constet eas Tibi redditas fuisse, nec quidquam responderis, de quo ce[rte]
non parum miror : ecce tamen iterum scribo pro 4. vice, ut Te moneam libros illos vestros Casp.
Hofmanni
, ad me transmissos in modiolo ante plures menses, adhuc interceptos hærere atque in-
justè et iniquè admodum detineri à duob. Bibliopolis, qui se profitentur præfectos rei lib et
librariæ : in litem quidem adversus eos descendi, sed nondum est confectum negotium : adhuc sub j[udice]
lis est, qui de re mea et æquitate mentis minùs certè judicat, imò, nimis manifesté [ejus-]
modi nebulorum iniquitati et malignæ pervicaciæ præter æquum favere videtur : spero tamen me [cum]
Dei ope, ab ejusmodi impedimentis liberatum iri, et libros istos recuperaturum. Sed ne [in]
posterum tale quid recurrat, et vetus error novo cumuletur, ideo ad Te scribo h[odie]
et ex professo, ut à Te moneantur vestri Bibliopolæ, ne quid librorum posthac ad [me]
mittant per viam Basilensem, aut quamlibet aliam, nisi antè monitus fuerim, e[am]
viam quoque indicaverim per quam libri mittendi, priùs mihi destinati ac designati
fuerint. Te quoque rogatum velim, ut inquiras de ijs quæ pro me accepisti ante ann[um]
et suprà, ad me mittendis, à D. Io. Theod. Schenkio, Prof. Ienensis : de quorum jactura
graviter certè dolerem. Saluta quæso meo nomine utrumque Horstium, D. Lotichium,
Beyerum et Schonwetterum : à quib. quæso nihil ad me mittatur, nisi priùs antè monitus
fuerim, et viam indicaverim, ut et hominem per quem accipiam, absque ullo simili impedimento.
Rex noster feliciter bellum gerit in Flandria : si eodem pede pergat anno proximo, vide[tur]
Belgium ad nos transiturum, victricibus armis Ludov. 14. quod utinam contingat. Petr[um]
Moquillon saluto. Vale, Parisijs, 6. Sept. 1667. Tuus ex animo, Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Sebastian Scheffer, le 6 septembre 1667

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(Consulté le 20/04/2024)

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