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Une thèse quodlibétaire de Guy Patin : « L’homme n’est que maladie » (1643)

Quæstio medica,
quodlibetariis disputationibus mane discutienda in Scholis medicorum die Jovis xvii Decembris,
M. Guidone Patin, Doctore Medico, et Censore Scholarum, Moderatore.

Estne totus homo a natura morbus ? [a][1]

Article i [Texte latin]

« Nul n’accepterait de recevoir la vie s’il savait ce qui l’attend, [1][2] car qui y accède, accède aussi au malheur ; il en va de la vie comme d’une pièce de théâtre : plus elle est longue, moins elle est bonne ; ce qui compte n’est pas sa longueur, mais la manière dont elle est jouée. [2][3] Le dernier jour est à l’égal du premier, puisque c’est dans la douleur que nous entamons la vie et la terminons. De l’un à l’autre, son déroulement n’est guère plus paisible : le sommeil nous la divise en deux moitiés, la première se passe dans un état semblable à la mort, ou dans la souffrance si le sommeil ne vient pas ; [3][4] et les tourments en occupent l’autre moitié. Des malheurs surgissent de tous côtés : partout la guerre et les embûches, sans jamais de trêve ; chaque jour, chaque heure nous bousculent. Le monde a été créé pour la seule faveur de l’homme, mais semble empli de haine à son encontre : ce qui nous y protège et nous soutient est aussi ce qui y engendre notre perte. Qui plus est, ce corps pourri, qui est le fardeau et le tourment de l’esprit, nous sied si mal que nous nous trouvons toujours en manque ou en excès de quelque chose, comme cela se produit chez ceux qui habitent un logis qui n’est pas le leur. [4] De là viennent les morsures répétées des douleurs et les maladies sans nombre qui s’insinuent en silence, ou qui attaquent et sévissent en rase campagne. C’est qu’en effet nous n’avons pas tant de diverses manières de vivre que d’être malades, et la mort nous frôle souvent pour ne nous terrasser qu’une seule fois. Comment se fait-il que, contrairement à la bonne santé, les maladies se transmettent à l’envi ? Ne peut-on douter que pour chacun la Nature soit moins une bonne mère qu’une impitoyable marâtre ? [5][5] Elle a octroyé la vie aux bêtes ; pour nous, elle y a ajouté l’esprit, mais à un cruel prix en échange d’un si grand don, car si les maladies du corps sont multiples, celles de l’esprit sont encore plus nombreuses ; il n’y a pourtant pas besoin d’aiguiser le fer ni de préparer un poison pour rompre le faible lien qui réunit le corps et l’esprit. [6][6] Le souffle léger des blessures externes nous débarrasse certes de la vie, et il nous semble alors presque naître quand nous mourons. Les maladies ne sont pas seules à nous affecter, leurs prodromes nous tourmentent aussi : le sommeil même, qui autrement est la meilleure partie de la vie humaine, fait aussi peser une lourde et dangeureuse menace sur les bien-portants, et il en va de pareillement de la veille prolongée, de l’amertume de bouche et de la perte d’appétit qui sont les fruits de l’impureté bilieuse ; les suées sont les signes d’une humidité excessive du foie ; tout comme la soif, qu’elle vienne de l’estomac ou du poumon. La lassitude nuit de plusieurs manières, puisqu’elle est triple dans le corps, et la médecine tout entière est nécessaire pour la chasser ; il y a aussi celle de l’intelligence, et celle-là n’est pas anodine, c’est même un châtiment impitoyable et le misérable tribut que doivent payer ceux qui passent leur temps assis devant des livres. [7][7] Même les hommes les plus robustes ne sont pas à l’abri du soupçon de maladie, ni au-dessus de tout risque ; ils ont aussi leurs incommodités, car la tempête est la même pour tous. [8][8] La bonne constitution des athlètes est elle aussi toute pleine de danger si on n’y remédie sans retard : [9][9] tout ce qui atteint un sommet court à sa perte. [10][10] Cette belle santé trébuche facilement ; et qui plus est, ceux qui ont bon teint doivent tenir leur belle apparence pour suspecte, comme font les gladiateurs de leur régime roboratif, [11][11] car ceux qui brillent au dehors sont souvent malsains au dedans. De grandes voluptés qui ne manquent pas de se mêler à de menus maux composent et parachèvent la pantomime de la vie humaine, sans exception d’âge : medio de fonte leporum surgit amari aliquid quod in ipsis faucibus angat ; [12][12] au milieu de la paix surgit la guerre, la maladie se jette sur les les mieux tempérés et la fièvre sur les plus robustes ; et si d’autres forces contrariaient les causes de la maladie, trop de félicité l’appellerait bientôt sur nous. [13] Jamais la bonne santé n’a élevé un homme si haut qu’elle ne le menace de tant de maux qu’elle ne l’a mis à portée d’en subir ; ne t’arrête pas à cette bonace : la tempête se lève d’un instant à l’autre ; le même jour, là même où les navires folâtraient, les voilà engloutis ; [14] la joie s’achève en chagrin. [15][13] En cela, hormis les maux graves que souvent nous endurons en femmelettes, nous souffrons très souvent selon notre opinion, et chacun n’est malade que dans la mesure où il se croit l’être. [16] Pourtant, ne raccourcit-on pas la vie en voulant retarder la mort ? L’homme est un animal aussi orgueilleux que fragile : comme s’il ne sentait pas qu’il devra s’en aller ou être emporté là où s’en vont toutes choses, il forme d’éternels projets et il espère pour lui et se souhaite la plus longue durée qu’une vie humaine puisse atteindre ; [4] et le plus triste est que plus la vie de l’homme est fragile, plus grandit en lui son désir de vivre ; de sorte que, comme chaque jour rapproche la mort d’un pas, l’insensé redoute si vivement le dernier que, si tu peux lui en coudre un de plus, il te l’achètera au prix que tu voudras. »

Article ii [Texte latin]

« Quantité d’incommodités dont nous souffrons ont leurs racines dans la semence, à partir de laquelle se forment les parties solides, et dans le sang menstruel, par lequel les parties charnues se maintiennent et se nourrissent. [17] S’y cachent aussi les germes des maladies et de la mort qui, à l’égal de ce qui leur a donné naissance, se façonnent et grandissent aussi vite que le corps. La contrariété des éléments tient à ceci que les causes de la vie sont aussi les voies de la mort et que, de même, les principes des maladies sont aussi ceux des corps. Bientôt pourtant, quoiqu’ils se mélangent initialement en parts à peu près égales, ils deviennent inégaux et s’affrontent en un violent combat, se déchaînant alors en et hors de nous ; tant qu’ils peuvent, ils mettent notre santé sens dessus dessous : l’origine du combat est donc dans les contraires. La semence engendre aussi la chaleur qui, d’une même main, nous protège et nous détruit ; et comme, par son effet, elle amenuise furtivement, mais fort avidement, l’humeur salutaire, la chaleur s’anéantit aussi elle-même ; de sorte que celui qui est l’auteur de la vie, l’est en même temps de la mort. Le sang maternel, où prédomine toujours quelque élément, nourrit les parties de notre corps, mais ce faisant, il les imprègne aussi de ses défauts ; et bien qu’il s’implante moins profondément dans le corps que la semence, nous reproduisons plus souvent les maladies maternelles que paternelles. De fait, la semence transmet presque toujours aux enfants les maladies et les caractères des parents, et presque aucun expédient ne peut ensuite les en expulser. La qualité de la semence est qu’elle transmet ordinairement plus qu’elle n’a reçu. C’est pourquoi les sots engendrent des sots, et ceux qui souffrent de goutte, [14] de calcul, [15] de phtisie, [16] d’épilepsie, [17] d’éléphantiasis, [18] de syphilis, [19] mettent au monde des enfants qui sont victimes des mêmes affections ; de sorte que, pour leur malheur, ils éprouvent les maux de leurs parents plutôt qu’ils n’en acquièrent les biens. Ces affections où il n’y a pas prescription de durée sont l’opprobre des médecins. Hippocrate et Galien n’ont ni décrit ni connu les papules qui sont si communes chez les femmes et les enfants ; ne rapportez leur origine à aucune composante du sang menstruel, ni à la qualité néfaste de l’air, ni à quelque vice du ciel ou de la saison qui s’acharne contre l’espèce humaine ou s’y est propagée : [18][20] de fait, c’est une putréfaction remarquable des humeurs qui engendre ces pustules ; elle leur permet de diffuser dans la peau, y dessinant des macules ou y soulevant des papules ; le mal siège néanmoins dans la profondeur des viscères. La maladie épargne non pas ceux qui ont perdu beaucoup de sang à la section du cordon ombilical, mais plutôt ceux à qui on a interdit l’usage de la bouillie pendant les deux premières années de la vie. [21] Le principal espoir de guérison réside en la saignée, qui emporte tous les suffrages si elle est exécutée avec rapidité, sûreté et hardiesse : soit au début de la maladie, même pendant l’allaitement, même et surtout en l’âge le plus tendre, tous les deux ou trois mois ; soit après l’éruption (qui, si elle est laborieuse, justifiera avant tout le bain d’eau tiède). [22][23] Vous prescrirez en vain la pierre de bézoard, qui est un scandale tant pour la médecine que pour le médecin ; [24] en vain aussi, ces distillations de reine des prés et de chardon bénit, [25] car ce qu’on en dit n’est que sornettes et verbiage ; en vain aussi, la décoction de lentilles ou le sudorifique ; [26][27] en vain encore, ces fameuses confections d’alkermès et d’hyacinthe, [28][29] qui n’ont pas été inventées pour rétablir la santé, mais qu’on a conçues pour l’esbroufe (comme si la médecine, qui est le plus éminent des arts, avait besoin de ce lustre frelaté qui lui est étranger), qui ne sont cardiaques à aucun titre, [30] dont l’étiquette peut éblouir mais sans qu’elles aient d’effet, ni plus de valeur pour traiter les malades que n’en ont les nénies de la pleureuse pour réveiller les morts. [19][31][32][33] Je tiens pour de l’or cette idée que d’être cordial ne tient à nulle autre qualité que d’égayer l’esprit. »

Article iii [Texte latin]

« Ce monde est tout entier empli de valétudinaires car y règne une multitude de malheurs. [34] De fait, les formes de maladies qui cernent l’homme de toutes parts sont si nombreuses qu’il a peine à s’en libérer un moment. Certaines, comme le gemursa, [35] apparaissent pendant certaines périodes, puis disparaissent ; et du temps de nos pères, sévissait en certaines contrées d’Europe un mal commun à l’Égypte qui, lorsqu’il avait jadis frappé les rois, était funeste pour le peuple car il avait pour remède inutile et cruel le bain fait de sang humain ; [20][36][37] ce qui n’était en vérité pas plus efficace que la castration ou le mercure, [21][38][39][40][41] idole tout à fait vaine de la folle race des chimistes. [42] Certaines maladies errent çà et là en une sinistre pérégrination : l’Amérique a ainsi amené aux Européens ce mal espagnol, redoutable fléau des débauchés ; et l’Europe, en retour, a envoyé la variole aux Indiens d’Amérique ; en échange de mauvais procédés. Chaque contrée a ses avantages particuliers, mais elle a aussi ses maladies particulières : ainsi en va-t-il des écrouelles qui infestent l’Espagne, [43] de la plique en Pologne, du scorbut chez les riverains de la mer Baltique. [22][44][45] Par la vicissitude des saisons, nous échangeons plutôt que nous ne conservons les maux que chacune d’elles engendre à son tour : l’hiver tue par son froid assassin, et le printemps, par un nombre infini de maladies ; l’été, par sa sécheresse excessive, sape les fondements de la vie ; l’automne, qui fait le profit de la cruelle Libitine, provoque, avec la venue des récoltes, les maladies les plus atroces. Quand elles devraient choyer la santé, les humeurs elles-mêmes la ruinent aussi bien souvent : ainsi les sanguins sont-ils sujets à la folie ; [46] les pituiteux, plus lents que l’âne et plus froids que l’hiver de France, ne sont rien d’autre que l’inutile fardeau de la terre ; [23][47][48] les mélancoliques sont malheureux, infirmes, opiniâtres, craintifs de ce qui est dénué de danger, enclos dans les ténèbres les plus noires et dans une prison aveugle, un déséquilibre de l’humeur noire les domine puissamment, on dit vulgairement qu’ils crucifient les médecins ; [49] seuls les bilieux, s’ils sont bien disposés de corps, sont vigoureux d’esprit, intelligents, solides, ce sont les meilleurs tempéraments[50] Pourquoi tant de diversité ? Il existe même une espèce de maladie où l’on meurt par la raison. [24][51] La nature en effet a même imposé certaines lois aux maladies : la fièvre quarte commence à peine au printemps, quand elle est automnale, elle dure l’année entière ou elle tue ; [52] la peste, qui dévaste la Mauritanie, épargne l’ouest de l’Éthiopie, bien qu’il y fasse extrêmement chaud ; elle atteindrait beaucoup moins les vieillards, comme Pline l’a vu en rêve ; [25][53] et quand elle frappe, quels qu’en aient pu être les symptômes, il ne faut jamais purger avant la coction ; [54] quiconque recourt aux amulettes pour la combattre, [55] aussi bien qu’aux agents doués de qualité occulte, [56] a moins besoin d’ellébore que des entraves d’Hippocrate. [26][57] Certaines maladies font rage chez les esclaves, d’autres chez les maîtres, comme la mentagra qui jadis affectait les nobles. [27][58] Mais à sexe distinct, maladies distinctes. Les hommes, je vous l’accorde, savent bien tout ce que peut provoquer un utérus, sans bien sûr l’éprouver eux-mêmes : les hémorroïdes sont parfois un mode de purgation pour les hommes, tandis qu’elles sont une maladie pour les femmes ; [59] la goutte les épargnait jadis, mais désormais elle leur est familière, parce qu’elles ont changé non pas de nature, mais de manière de vivre ; [60] de fait, par leurs vices, elles ont perdu l’avantage de leur sexe et parce qu’elles ont délaissé leur féminité, elles sont condamnées aux maladies des hommes. Certaines maladies intéressent le corps tout entier, comme les fièvres, qui viennent presque toutes de la bile, les unes se répétant cinq ou six fois en cycle, les autres chaque année à la date de l’anniversaire. Quelques maladies ne touchent que certaines parties du corps, qui en sont communément affectées : toutes sortes d’intempéries et de tumeurs, l’inflammation, [61] l’abcès, les plaies (l’onguent hopliatrique ne contribue en rien à leur guérison, pas plus que cette poudre sympathique des armées) [28][62][63] les tourmentent tour à tour ; sans compter les maux qui sont propres à chacune d’elles. Parmi les atteintes de la tête, il y a la céphalée, la phrénitis, [64] la mélancolie, le vertige, la léthargie, [65] la typhomanie, [66] l’extravagance, l’épilepsie, la paralysie, l’apoplexie. [29][67] Le remède efficace de celle-là est la saignée des veines jugulaires, [68] mais ni l’inhalation de tabac, [69] ni la fièvre provoquée, ni le vin d’antimoine, [70] qui est véritablement un poison infernal et meurtrier, invention barbare et mortelle de Paracelse et des charlatans, [71][72] dont la malfaisance n’évacue pas tant l’ordure qu’elle n’ouvre les veines et ne met les viscères en charpie ; de sorte que la faculté animale, qui y a son siège, subit ses méfaits plutôt qu’elle n’en tire de profit pour ses fonctions. Le cauchemar en fait accroire de bien des façons, mais surtout aux ignorants ; quelques sots l’attribuent stupidement aux spectres, aux vampires, aux ogres et aux contes de sorcières. [73] L’œil, miroir de l’esprit et minuscule partie du corps, souffre de tant de maladies qu’on est bien loin d’en avoir établi le nombre. Un ulcère putride, qu’on appelle ozène, siège dans le nez ; ceux qui en souffrent, tantôt s’affligent eux-mêmes de leur propre puanteur fétide, tantôt incommodent leur voisinage par leur repoussante haleine. Chez eux l’âcreté du pus ronge et consume les cartilages en une remarquable difformité et perfore souvent le palais après l’avoir érodé. Ce genre d’ulcère est d’ordinaire cancéreux, syphilitique, écrouelleux ou éléphantique. [30] Quoi qu’il en soit, ces pauvres et malheureux petits hommes ont besoin d’un traitement, mais avec un remède violent qui recourt au fer et au feu. J’ajouterai que les physiognomonistes veulent qu’un nez purulent imprègne l’esprit même de celui qui le porte, jusqu’à prendre pour axiome que la corruption des mœurs est la conséquence d’un nez pourri, ce qui est plausible ; en effet, à ce genre de nez qui parlent d’une voix aigrelette, c’est-à-dire odieusement et insupportablement, qu’on appelle partout des fripons, appartiennent les Ridicules, les Effrénés, les Néfastes, les Agités, les Vauriens, les Dissimulateurs, les Obscènes, les Trublions, [31][74][75][76] les menteurs, les perfides, les envieux, les délateurs, les scandaleux, les infâmes, les injurieux, les criminels, ceux qu’aucune vertu ne rachète, malades de vices et forts de leur seule débauche, pétris de faux-semblant, et voués par la Nature à la fraude et à la calomnie. Parmi toutes les maladies qui siègent dans la cavité du thorax, prenez garde à l’hémoptysie et à l’inflammation du poumon ; et l’hydropisie thoracique (qui se révèle pas les pieds tuméfiés,  et où celui qui s’appuie sur l’emploi des hydragogues pour la résoudre agit en bourreau et non pas en médecin), [32][77][78][79] l’angine véritable, [80] la pleuropéripneumonie, [81][82] l’empyème ne sont pas moins mortels si on ne saigne pas immédiatement. [83] Le tubercule cru, qui est irrémédiable par nature, et a pour signe révélateur un pouls intermittent et inégal, en toutes sortes d’inégalités, les palpitations du cœur [84] par caillot de sang, tout comme la phtisie et les vomiques purulentes provoquent des morts subites et la vieillesse sans testament. [33][85][86][87] Chez ceux qui ont le cœur splénétique, il y a souvent palpitation et mort subite. [34][88] L’estomac est en vérité accablé de nombreux symptômes, et de maladies qui ne le sont presque pas moins ; les empiriques, ignorants en l’art divin qu’ils professent, entreprennent vainement de soigner par les astringents celles qu’on attribue indistinctement à sa faiblesse, dénomination qui est vide de sens. [89][90] Le foie est un viscère fécond en humeurs, mais plus encore en maladies ; [91] c’est lui qui provoque le cruel rhumatisme, qui est presque plus redoutable qu’un chevalet de torture et que les sudorifiques exacerbent. Apprenez des hypocondriaques et des fous quelle est la puissance de la rate et combien de maladies elle engendre. [92][93] Un nombre presque infini de maux affectent l’utérus, divin caveau de la luxuriante nature, [35][94] où prédominent l’inflammation, le cancer, l’écoulement menstruel, l’avortement, l’ulcère et la métromanie, qui en mènent la bande ; [95][96] et aussi, ce qui dépasse presque tout ce qu’on peut croire, l’étranglement dû à un utérus mal disposé, dont la dyspnée suffocante, le gonflement de la gorge et les secousses des membres sont si effrayants que les sots et les crédules, qui jugent sans réfléchir, tiennent celles qui en sont saisies pour possédées du démon. [36][97][98] La pudeur ne permet pas de décrire ici les maladies des parties honteuses qui doivent faire grandement honte ; l’urètre lui-même, si c’est la verge qu’on entend par là, n’est vraiment pas exempt de maladies : quand le souffle d’une humeur néfaste les irrite, les glandes adjacentes répandent la gonorrhée virulente ; [99] de sorte que, pour cette raison, la saignée du bras les soigne de belle façon, même quand elles sont invétérées ; jamais elle n’a excité la vérole, quoique dégoisent de petits médecins ignorants. La Nature fait de l’homme un loup pour l’homme, mais avec la médecine, l’homme devient un dieu pour l’homme : [37] beaucoup de maux viennent à l’homme, mais de plus nombreux encore lui viennent d’autres animaux qui rôdent en lui et hors de lui ; le scorpion en tue certains, [100] la rage en tue d’autres ; et pourquoi ne pourrait-elle pas, comme chez le chien et le loup, s’engendrer spontanément à l’intérieur de l’homme ? [101] En vérité, il s’en blottit encore quelques autres en son propre sein : des petits serpents naissent de fait en ses veines, et presque partout des vers qui sont et pissés et mouchés. [38][102] Les poux mêmes ôtent la vie aux rois, aux philosophes et aux tyrans ; [39][103] des serpents, qui jaillissent du corps en grande quantité, en font parfois de même à d’autres gens. Voulez-vous savoir s’il existe aussi des maladies propres à chacun des âges ? C’est là l’étude de toute une vie. » [40]

Article iv [Texte latin]

« C’est un instant que la durée de notre vie, et même moins qu’un instant ; mais la Nature a divisé ce court moment en plusieurs périodes. [41] À peine conçu et entrepris, l’enfant provoque mille dégoûts chez la mère (qui a acheté au prix fort sa brève volupté) : pica, incube, spasme ; [42][104][105][106] et les femmes pures y sont plus facilement sujettes que les impures. Ô frêle origine de l’homme ! Souvent l’utérus lui sert de tombeau, et bien des fois l’exhalaison d’une chandelle mouchée suffit à causer l’avortement ; ainsi naissent les héros, [43][107] qui sont semblables en tout à ceux dont le corps se couvre parfois d’ulcères avant de mourir, par une prédominance de bile noire, comme il est arrivé jadis à Lysandre de Laconie. [44][108] Tandis que l’enfant est encore dans l’utérus, il émet des geignements comme si son affliction précédait ses misères. [45] Que ne doit-on pas craindre d’une sage-femme inexpérimentée lors de l’accouchement, et après la naissance, d’une nourrice étrangère ? Même si le lait de l’accouchée n’est pas sûr car il engendre la colostration du nouveau-né, [46][109][110] tout comme le lait d’une nourrice bilieuse provoque la lithiase. [47][111][112] La mère frôle la mort pour faire vivre ce fardeau tapi en ses entrailles. [48] Il est embarrassant de dire combien la noblesse de leurs enfants inspire aux hommes de gloire fort imméritée ; il est affreux, mais pourtant vrai, que parfois l’utérus même se démange et grouille de vers, de sorte que les tyrans partagent avec eux leur berceau d’origine, à la manière de jumeaux. Une fois né, l’homme est ordinairement comme l’herbe solsticiale : soit il est emporté au moment même où il apparaît ; soit le premier temps de sa vie l’inonde tant de larmes qu’on tient pleurer pour le propre du nouveau-né ; [49][113] immédiatement après, il fait l’expérience des lames nues, sans lesquelles pourtant il ne peut se maintenir en vie ; [50][114] Bientôt, des entraves, qu’on épargne même aux bêtes nées dans la domesticité, l’étreignent ; lui qu’un empire ne contentera pas. [51] Pensez-vous que dans notre vie la première partie soit la meilleure ? [52] L’être qui devra commander aux autres, ne sachant ni parler, ni se nourrir, ni marcher, mène cette partie de sa vie à quatre pattes. [51] Et pendant ce temps, les maladies n’épargnent pas de si jeunes corps ; bien au contraire, elles attaquent le bambin tout rouge encore au sortir de sa mère : [53][115] la fontanelle cesse de battre pour bomber ou s’affaisser, en cas d’achores, d’hydrocéphalie et de siriase ; [54][116][117][118][119] les oreilles coulent quand les glandes qui leur sont voisines sont écrasées par le gonflement des parotides, véritables et purs germes des enfants sourds ; leur apparition n’est presque jamais favorable aux malades, à moins qu’elles ne soient bilatérales, à l’instar des Dioscures qui annoncent d’habitude une heureuse navigation. [55][120][121] Encore incapable de mâcher les aliments solides, la bouche est en proie aux aphtes ; et le poumon, à la toux quinteuse, rauque et rebelle, due à une sérosité maligne et crue qui suinte des veines ; [56][122] le vomissement brise l’estomac ; les coliques sont un tourment pour le ventre, comme l’inflammation pour l’ombilic, et les insomnies et les terreurs pour l’esprit. Les convulsions, le prurit gingival, les fièvres et les diarrhées torturent l’enfant qui fait ses dents. [57][123] À un âge plus avancé, les amygdales s’enflamment, les vertèbres se déboitent, [124] des vers s’engendrent dans les intestins ; il faut les tuer avec les graines amères, acides, oléagineuses, ou avec de l’eau mercurielle, mais seuls les purgatifs les expulsent de l’intestin. Nul médicament n’est capable de briser la pierre vésicale ; [125] l’emploi des émétiques ou des diurétiques ne guérit pas l’asthme ; [126][127] quand elles sont ulcérées, les écrouelles sont à tenir pour malignes, contagieuses et incurables, à moins qu’une force majeure et métaphysique n’intervienne, à savoir les mains salutaires du roi très-chrétien[58] Le corps tout entier est en proie à la gale et aux furoncles, avec l’épaphérèse et l’épicrase pour seuls remèdes. [59][128][129][130] L’enfance est à ce point féconde en maladies que nul ne souhaite y retomber. N’est-ce pas aussi parce que la sagesse manque alors, elle qui n’est jamais précoce car elle vient juste avant que ne sorte la barbe ? Par elle sévissent les hémorragies et les fièvres prolongées, ainsi que les maladies qui ne se résolvent pas à cet âge, qui ont coutume de s’enraciner et de s’affermir. Cela ne concerne pas la belle croissance qui s’empare alors très prestement du corps ; pouvoir grandir, n’est-ce pas la preuve d’un inachèvement ? » [60]

Article v [Texte latin]

« Bien qu’elle soit la mieux tempérée et qu’elle ait déjà écumé les défauts de l’enfance, la période qui lui succède occasionne cependant les pires maux : épilepsie, parfois par ventosité ; consomption ; [131] crachats sanglants. Quand elles se sont répandues chez les hommes, la péripneumonie ravage le poumon, la pleurésie ravage le thorax, étant plus dangereuse quand elle siège à gauche, la diarrhée et la dysenterie ravagent l’intestin ; [132] fièvre ardente et choléra achèvent les tortures quand une bile violente s’est enflée sous la poitrine, qu’une urne de ciguë peinerait à éteindre ; [61][133][134][135] la phlébotomie et la boisson d’eau froide en sont les seuls et justes libérateurs. La vigueur des forces est-elle utile ? Il est difficile de dire sous quelle sorte de peau se cache une heureuse nature : de fait, la vigueur de l’esprit s’amenuise avec les forces du corps et s’émousse quand la puissance des membres est excessive, comme si être à la fois très sage et très robuste outrepassait la félicité humaine. [62] La production de bile noire proviendrait du déclin de l’âge ; ainsi la quarte n’est pas la moins infortunée des fièvres, sous prétexte qu’elle est entrecoupée par deux jours de rémission ; ce qui, comme a dit Favorinus, lui fait donner deux mères pour une marâtre ; tourment des jeunes hommes, elle provoque la mort des vieillards, et ce plus vite que la fièvre continue ; [63][136][137] c’est un mal opiniâtre et presque plus que charnel, que vous entreprendrez vainement de traiter par la frayeur, par la fraude, par le vomissement, ni même par l’emploi des purgatifs, si la suppuration ne survient pas ; c’est aussi pour cette raison que le sang, qui dans d’autres cas est rejeté en mousse par la bouche, s’écoule par l’anus, et ce principalement si le malade a abusé du vin pur. [138] Pendant ce temps, la vieillesse s’est furtivement approchée sans qu’on y ait pensé ; mauvaise marchandise que les mauvaises années, [64][139][140] elles planent sur nos têtes encore pleines des rêves de l’adolescence. [65] Il n’y a rien à espérer quand c’est la vieillesse qui mène au trépas ; contre elle seule il n’y a pas de recours. Quand elle nous a écrasés de tout son énorme poids, nul genre de mort n’est plus doux aux hommes, mais nul n’est plus lent ; [66] d’où vient qu’ils ne veulent ni vivre, ni mourir. [67][141] La haine de la vie et la peur de la mort les habitent, celui qui s’en obsède vit dans les palpitations perpétuelles du cœur, [68] surtout s’il est en une année climatérique, [142] que le sage redoute inutilement. Quanta senem circumveniunt incommoda ! [69][143] c’est alors qu’en effet l’amandier est en fleurs, la sauterelle est repue et le câprier donne son fruit ; [70][144] la mort procure au vieillard le repos, vivre est pour lui une sévère punition. La tête, sèche et vide de cervelle, [71][145] surcharge d’humeurs les parties voisines ; elle est en proie au vertige, signe précurseur de l’apoplexie qui, si elle survient, aboutit d’ordinaire à la paralysie. En senibus vitæ portio quanta manet ! [72][146] Ses sens s’émoussent, ses lèvres tremblent, et sa voix aussi, son visage est pâle, son nez coule comme aux petits enfants ; [73][147] si des lunettes ne viennent pas à son secours, chaque lettre lui paraît double quand il rouvre ses livres, le jour s’éteint quand la nuit n’est pas tombée ; [74][148] il perd l’odorat, l’ouïe, la marche ; comme au pâle et sinistre Euclion, [75] ses dents, chassées de leurs alvéoles, le font balbutier. Une mauvaise toux lui secoue la poitrine, et l’asthme aussi, qu’il convient d’appeler méditation de la mort, au même titre que la philosophie ; [76] le calcul torture les reins et leurs voies excrétrices ; la dysurie, la vessie (et si elle est opiniâtre, seule la taille du périnée la peut guérir) ; la goutte, les jointures ; la chiragre pierreuse et la podagre noueuse, les articulations ; et parfois même la panagre met sans relâche les malades au supplice. [77] Si le sang afflue au cœur en grande quantité, survient la syncope cardiaque des anciens auteurs, dont la victime suffoque subitement, de la même manière qu’un apoplectique ; nulle médecine n’a le pouvoir d’écarter ce fléau, non plus que les arts de Dardanus eux-mêmes ; [149] quand bien même Salus en personne le désirerait. [78][150][151] Le sang coagulé provoque aussi un prurit cutané et un impétigo malin. En somme, le corps entier ne cesse pas d’être tourmenté tant que le sentiment de la souffrance n’a pas été aboli par la douleur elle-même. [79] Voilà les prémices de la mort, voilà comment s’écoule la vie de ceux pour qui la vie tout entière est un châtiment. [80] Survient la démence, qui surpasse toutes les infirmités du corps : [81][152] de fait, les vieillards blâment la jeunesse, comme si la dernière partie de la vie était la lie de l’existence. [82] Peu nombreux, certes, sont ceux qui, ressentant l’injure du temps dans leur corps, ne la ressentent pas aussi dans leur âme ; et les yeux de l’esprit ne commencent à discerner précisément que lorsque ceux du corps faiblissent ; [83][153] mais chez bien des gens la vie s’allonge assurément sans profit pour eux ; [84] à tel point qu’ils en viennent à se haïr eux-mêmes, étant devenus un fardeau pour les autres ; et alors rien n’est plus désirable que l’approche de la mort, parce qu’elle est à la fois le terme et la délivrance de toutes les souffrances, et que nos maux ne lui survivent pas. [85] Elle est la meilleure invention de la nature, [86] elle met le point final aux misères, elle est la dernière ligne de la vie. Ainsi mourons-nous en naissant ; et la fin est-elle suspendue au commencement. [87]

Par nature, l’homme est donc tout entier maladie. »

Dédicace [Texte latin]

« Au très illustre et très intègre M. Jean Lesné, conseiller de premier rang en la Cour suprême de France. [88][154][155]

Archytas disait qu’un juge et un autel sont la même chose, car les affligés ont pareillement recours à l’un et à l’autre. [89][156][157] Mais, homme illustrissime, bien que je sois exempt de tout litige, j’implore pourtant votre aide, pressentant que l’issue de cette dispute médicale ne sera ni glorieuse, ni heureuse pour moi si vous ne m’accordez pas votre patronage. Pour espérer cela de vous, j’ai constaté de mes propres yeux votre affabilité, et surtout votre affection et votre singulière bienveillance pour les disciples des Muses, que partout vous embrassez, étant vous-même un océan d’érudition. Vous avez attitré à vous tout genre de vertus : qui donc, en effet, ne serait séduit par votre candeur d’esprit, votre extrême bonté de vie, votre admirable courtoisie, votre caractère intègre, généreux et tempéré de douceur en toute circonstance ? Vous ne manquez pas de posséder toutes ces brillantes qualités, car elles habitent entièrement votre famille et votre maison. Je ne parle ni de l’acuité de votre intelligence, ni de votre sagesse acquise par une grande habitude des affaires, ni des autres ornements de votre esprit, car j’aurais plus vite fait de vider toute l’eau de l’océan avec un petit gobelet, qu’entreprendre de les contenir dans l’espace de cette dédicace. Mais pour ne pas m’attarder sur vos remarquables mérites, dignes de louanges, en les exposant sur un plus modeste théâtre, qui n’admire pas votre fermeté de caractère, presque incroyable en ce Siècle de fer, mais tout à fait digne d’un Siècle d’or ? [158] En supposant que je n’en dise rien, jamais assurément la France ne la taira, elle qui eût naguère vivement désiré de nombreux hommes de votre trempe, c’est-à-dire dont jamais l’esprit ne s’abaisserait à la soumission ; mais notre pays a éprouvé à quel point elle en possédait peu. [90] Depuis longtemps, votre illustre nom et votre âme énergique, héritages des vertus de votre aïeul, s’étaient fait connaître des Français comme appartenant au meilleur défenseur du bien public. Mais de même que les épices exhalent plus puissamment quand on les pile et les écrase, de même les causes et les affaires épineuses attisent votre talent. Votre réputation commence à se répandre de loin en loin, et même à se propager par delà les frontières du royaume. Vous tentez certes de la dissimuler par tous les moyens ; mais quoi que vous fassiez, vous ne parviendrez jamais à la tenir dans l’ombre, à notre insu. C’est que les causes que vous avez si hardiment plaidées vous valent une gloire sempiternelle ; et tous ceux qui ont voulu résumer vos mérites ont proclamé d’une seule voix que vous êtes celui que recommanderait sa bonté, qu’embelliraient ses écrits, qu’innocenterait son intégrité. »

Commentaires (Loïc Capron)

La forme de cette quodlibétaire est typique de toutes les thèses médicales parisiennes de l’époque, [91][159] qui suivaient invariablement un plan en cinq articles : i. majeure, ii. sujet, iii. première mineure, iv. seconde mineure, v. conclusion. [92] La dédicace et son illustration étaient facultatives et augmentaient sensiblement le coût de l’impression (qui était à la charge du candidat). Le tout est imprimé sur le recto d’une grande feuille (format d’affiche, dit in‑folio plano). Comme il arrivait assez souvent, l’auteur n’en était pas le bachelier (Paul Courtois), mais le président (Guy Patin). [94] Évidemment rédigée en latin, elle est pimentée de quelques mots grecs, qu’on peut tenir pour simplement décoratifs, voire pédants, sachant que Patin ne maîtrisait pas cette langue. [160]

La thèse est le commentaire d’une parole de Démocrite dans Hippocrate : Ολος ο ανθρωπος εκ γενετης νουσος εστι, Totus homo ab ipso ortu morbus [L’homme n’est de naissance que maladie] ; [94][161][162] a Natura, dans le titre, est donc à comprendre comme voulant dire par le fait des « choses naturelles », qu’on opposait alors aux « choses non naturelles ». [163] Tel est bien le débat sans fin de l’étiologie : les causes des maladies (« choses contre nature ») sont-elles internes, c’est-à-dire liées à la constitution (équilibre des quatre humeurs) de chacun (conception hippocratique développée par Galien), ou externes, c’est-à-dire liées aux influences de l’environnement sur le corps humain (conception alors révolutionnaire de Paracelse et des paracelsistes) ? [95] En termes modernes, quels sont les rôles respectifs de l’inné (les « choses naturelles », relatives à la physiologie, qui composent le corps, et particulièrement les gènes) et de l’acquis (les « choses non naturelles », relatives à l’hygiène, qui composent l’environnement) dans la survenue des maladies ? Achevé en 2006, le décryptage du génome humain complet a relancé le débat : sa connaissance suffira-t-elle à nous procurer l’explication et la maîtrise de tous les maux humains ? Il y a une certaine parenté entre ce dilemme et celui de la grâce divine, où les catholiques s’opposaient alors pareillement sur la prédestination (l’inné) des jansénistes et le libre arbitre (l’acquis) des jésuites. [96][164][165][166] La thèse de Patin, tout en convenant du rôle que certains mauvais penchants de l’homme peuvent jouer dans la genèse de ses tourments, concluait affirmativement en faveur de l’inné (Natura) : Ita nascentes morimur, finisque ab origine pendet. Ergo totus homo est a Natura morbus [Ainsi mourons-nous en naissant, et la fin est-elle suspendue au commencement. Par nature (essence) l’homme n’est donc tout entier que maladie].

Ainsi résumée et placée dans une perspective moderne, la thèse de Patin aurait de quoi séduire les esprits curieux et à première vue, son immense retentissement ne surprendrait pas ; [97] même s’il est aujourd’hui impossible de partager sa conclusion qui, sans surprise, donnait résolument raison à Hippocrate et Galien contre Paracelse. Historiquement, la médecine était dans le long virage qui l’a fait passer en trois siècles (xvie-xviiie s.) du monde borné des quatre humeurs vitales à celui de la physiologie et de la pathologie scientifiques.

Néanmoins, à y regarder de plus près, les digressions de Patin ne mènent pas logiquement à sa conclusion sur l’essence principalement innée des maladies humaines.

La consternation s’ajoute à la déception en découvrant qu’en 1643, Patin n’étaie son raisonnement qu’avec des citations qu’il a presque exclusivement tirées d’auteurs latins anciens, principalement Pline le Naturaliste (l’Ancien) et Sénèque le Philosophe (ier s. de notre ère) : c’est, sans la moindre vergogne, l’antique médecine du premier farcie avec le stoïcisme du second, en y mêlant une drachme d’Hippocrate et un scrupule de Galien ; mais sans rien qui vienne des sommités médicales plus modernes, que pourtant Patin connaissait si bien et admirait tant (Jean Fernel, Louis Duret, Jacques Houllier, Daniel Sennert, etc.). [167][168][169][170]

Pour couronner le tout, le latin de Patin est en grande partie un assemblage de citations (lieux communs) ; ce qu’on appelait alors un centon ou une rhapsodie ; et encore n’ai-je pas la prétention d’avoir débusqué tous les fragments qu’il a extraits d’une trentaine de sources différentes et plus ou moins bien cousus ensemble. Siméon Courtaud a dénoncé ce procédé dans une lettre à Charles Spon datée du 16 avril 1647 ; [98][171] mais Patin en est ingénument convenu et s’en est même amusé. [99] Ce labyrinthe pour latinistes avertis ne dut pas peu contribuer au succès de sa docte diartibe ; en même temps que ses virulents assauts contre les chimistes, les charlatans, les empiriques, l’antimoine, les apothicaires, Paracelse ou Théophraste Renaudot, qui formaient le grand troupeau de ses bêtes noires ; et, ce qui est de loin le plus affligeant, contre tous les hardis novateurs du temps.

Pédant et cadenassé dans l’immobilisme des préjugés passéistes, ce navrant galimatias est aujourd’hui à tenir pour l’œuvre d’un facétieux histrion de la médecine. Ce sont les livres de William Harvey, de Jean Pecquet ou de Jean Chartier qu’il convient de lire pour se faire une meilleure idée de ce que fut vraiment le génie créatif du xviie s. dans ce domaine de la science. [100][172][173][174]

Quoi qu’on puisse en penser 375 ans après, la thèse de Patin remporta un éclatant succès : rééditée pour la 5e fois en 1645 et reproduite in-extenso dans un livre de Jan van Beverwijk, [101][175] elle a établi le renom de son auteur à Paris, mais aussi par toute la France et même toute l’Europe. Elle mordait, elle amusait et surtout elle rassurait en défendant la médecine dogmatique [176] contre les innovations des empiriques dont on mesurait alors bien mal la portée ; et le fait est que la question posée est toujours d’une chaude actualité et demeure un puissant aiguillon du progrès médical. Guy Patin resplendit vraiment là de toutes ses ambiguïtés, oscillant sans jamais se lasser entre le pire et le meilleur.

Il est aisé maintenant de comprendre pourquoi la visionnaire Dissertation contre l’usage de soutenir des thèses en médecine, avec un mémoire pour la réformation de la médecine dans la ville de Paris. Par M. Le François, docteur en médecine de la Faculté de Paris [102][177] (Paris, Guillaume Cavelier, 1720, in‑8o) s’en est si vivement prise aux thèses dans sa critique de l’enseignement prodigué par les facultés de médecine, par comparaison avec la manière d’apprendre le métier en pratiquant simplement auprès d’un maître (pages 8‑9 et 23‑24) :

« Si l’on s’y était bien pris, on aurait pu dans ce changement fixer davantage la médecine en la réduisant aux observations ; on aurait pu en bannir les vaines contestations que les médecins spéculatifs y avaient introduites ; on aurait pu employer de bons moyens pour travailler plus efficacement à la perfection de cet art ; mais bien loin de l’avoir mis dans un si bon état, on l’a jeté dans un plus mauvais qu’auparavant, en y réglant mal la manière d’instruire, de former et d’éprouver les médecins, avant que de les recevoir ; et ce qu’on a fait de pis, c’est d’y introduire l’usage de soutenir des thèses, puisque par là on y a perpétué les disputes et les contestations, on a donné plus de crédit aux systèmes, on a rendu la médecine encore plus variable qu’elle n’était, on en a augmenté la confusion, et l’on s’est détourné de la voie des observations qui seule a conduit à la découverte de tout ce que l’on connaît d’utile pour la santé.

Car ces thèses étant faites pour la dispute, on est obligé d’y insérer des opinions problématiques, dont la plupart son fondées sur des hypothèses de systèmes ; et comme la variété et l’instabilité de ces systèmes sont fort grandes, il arrive souvent qu’une thèse détruise ce qu’une autre a établi ; ainsi, au lieu que les exercices destinés à former les médecins devraient ne rouler que sur des connaissances qui ont pour fondement les observations qu’on a faite de ce qui était utile ou nuisible pour la santé, on s’y amuse à de vaines spéculations, qui sont l’âme de la dispute et, souvent même, l’on y soutient des maximes rejetées par la plus grande partie des meilleurs médecins ; ce qui engage dans une mauvaise pratique ceux qui se font recevoir, bien loin de les rendre plus capables d’exercer comme il faut la médecine. […]

Quand même la dispute des thèses roulerait, comme il arrive quelquefois, sur des vérités connues, ou sur des règles et des maximes de pratique reçues de la meilleure partie des médecins, on ne voit pas de quelle utilité elle pourrait être pour former ceux qui embrassent la profession de médecine ; car pour cela il ne faut que les obliger de bien apprendre les vérités et les règles de cet art. Il est inutile pour bien traiter les maladies qu’ils soient exercés à répondre aux objections qu’on fait contre ces vérités et ces règles ; mais il faut qu’ils sachent s’en servir à propos. D’ailleurs les disputes des thèses ne roulent que fort rarement sur ces vérités et ces règles, et chaque thèse n’en contient ordinairement que très peu ; ainsi, bien loin que les thèses servent à rendre les bacheliers capables d’exercer la médecine, cette sorte d’exercice les en détourne en les mettant dans la nécessité d’employer leur temps et leur application à apprendre des choses ou inutiles, ou dangereuses pour la pratique, et surtout à verbiager beaucoup, comme il est nécessaire pour briller dans la dispute ; ce qui fait qu’ils ne peuvent guère régler leurs études comme il faut pour savoir les vérités et les bonnes maximes de la médecine, dont la grande quantité demande leur application tout entière. »

Post-scriptum, cinq ans après

En novembre 2020, j’ai eu la curiosité de traduire et annoter entièrement l’autre célèbre thèse de Patin : sa cardinale sur la Sobriété disputée en 1647, où il a abordé le rôle de l’environnement dans la santé. Cette étude m’a doublement consterné :

S’il y fallait un argument supplémentaire, il est légitime de refuser à Patin l’entrée dans le panthéon médical de son siècle.


a.

« Question médicale,

qui doit être disputée dans les Écoles de médecine, parmi les thèses quodlibétaires, le matin du jeudi 17 décembre [1643], sous la présidence de
M. Guy Patin, docteur en médecine et censeur des Écoles. »

“ Par nature, l’homme n’est-il pas tout entier maladie ? ” »

Ceci est le texte latin intégral, avec une traduction en français (proposée pour la première fois à ma connaissance), de la thèse médicale de Guy Patin qui eut le plus de retentissement en France et en Europe, et dont son auteur tira le plus de fierté : réditée sept fois (Paris, Nicolas Boisset, 1647, in‑4o de 8 pages, pour la dernière), augmentée et corrigée, elle a aussi été reproduite dans plusieurs recueils médicaux du xviie s. (v. note [3], lettre 107). Quand ma transcription diffère du texte original de la thèse (reproduit en fac-simile), c’est que j’y ai introduit des additions ou des modifications venant des rééditions.

Le bachelier candidat était Paul Courtois Meldensis (natif de Meaux, v. note [5], lettre 265). Comme il arrivait souvent, le candidat n’avait pas rédigé lui-même sa thèse, mais seulement répondu sur le texte écrit par son président (v. note [1], lettre 1).

Les huit docteurs régents disputants (Domini Doctores disputaturi) étaient : Robert Debonnaire (natif d’Amiens, reçu en 1638), Martin iii Akakia (professeur royal, natif de Paris, 1599, v. note [12], lettre 128), Durand François Yon (natif de Paris, 1637, v. note [9], lettre 266), Léon Le Tourneurs (natif de Rennes, 1637, v. note [9], lettre 380), Nicolas Cappon (natif de Paris, 1637, v. note [30], lettre 399), Nicolas Richard (natif de Paris, 1637, v. note [28], lettre 293), Hermant de Launay (natif de Mantes, 1625, v. note [36], lettre 183), Philippe ii Hardouin de Saint-Jacques (natif de Paris, 1625, v. note [15], lettre 54) et Élie Béda des Fougerais (natif de Paris, 1624, v. note [27], lettre 155).

1.

Stratagema naturæ est, homines, nascientæ expertes ; vitam nemo acciperet si daretur scientibus [C’est un stratagème de la nature d’avoir privé les hommes de raison quand ils naissent ; nul n’accepterait de recevoir la vie s’il savait ce qui l’attend] (citation attribuée à Sénèque le Jeune).

2.

Quomodo fabula, sic vita : non quam diu, sed quam bene acta sit, refert : Sénèque le Jeune, v. notule {b}, note [17] des Leçons au Collège de France.

3.

Vitam nobiscum dividit somnus (Sénèque le Jeune, Lettres à Lucilius, épître cxvii).

Pars æqua morti similis exigitur aut pœna est, nisi contigit quies (Pline, Histoire naturelle, livre vii, chapitre li, § 3 ; Littré Pli, volume 1, page 307).

4.

Sénèque le Jeune (Lettres à Lucilius, épître cxx) :

Hoc evenire solet in alieno habitantibus. At nos corpus tam putre sortiti nihilominus æterna proponimus et n quantum potest ætas humana protendi, tantum spe occupamus, nulla contenti pecunia, nulla potentia.

[Ceux qui habitent un logis qui n’est pas le leur ressentent ordinairement cela. Mais si pourri que soit notre corps, nous n’en formons pas moins d’éternels projets, nous n’en espérons pas moins pour nous le plus longue durée qu’une vie humaine puisse atteindre, jamais désaltérés d’or, jamais rassasiés de pouvoir].

5.

Pline, Histoire naturelle, livre vii, chapitre i, § 1 ; Littré Pli, volume 1, page 279) :

Principium iure tribuetur homini, cuius causa videtur cuncta alia genuisse natura, magna, sæva mercede contra tanta sua munera, non ut sit satis æstimare, parens melior homini an tristior noverca fuerit.

« Il est juste de commencer par l’homme, pour qui la nature paraît avoir engendré tout le reste : mais à de si grands présents elle oppose de bien cruelles compensations ; et il est permis de douter si elle est pour l’homme une bonne mère, ou une marâtre impitoyable. »

6.

Valère Maxime (Faits et dits mémorables, livre ix, chapitre xii, ext. 1) :

Torqueant se miseri, quibus extingui quam superesse utilius est, in trepido et anxio consilio quanam ratione vita exeant quærentes : ferrum acuant, venena temperent, laqueos adprehendant, vastas altitudines circumspiciant, tamquam magno apparatu aut exquisita molitione opus sit, ut corporis atque animi infirmo vinculo cohærens societas dirimatur.

[Que les malheureux, pour qui mieux vaut être mort que vivant, se tourmentent en cherchant dans l’agitation et l’anxiété un moyen de sortir de la vie, qu’ils aiguisent le fer, composent un poison, prennent des nœuds coulants, cherchent de profonds abîmes, comme s’il fallait de grands apprêts et des efforts extraordinaires pour rompre l’union du corps et de l’âme qui ne tiennent l’un à l’autre que par un faible lien].

7.

V. note [3], lettre 802, pour les cinq derniers mots latins, sedentium ad libros miserum stipendium, que Guy Patin a empruntés à l’Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou (mais il parlait de la lithiase urinaire, et non de la lassitude).

Pour le début de sa phrase, Patin s’inspirait de Sénèque le Jeune (Hercule furieux, vers 1065-1067) :

Tuque, o domitor,
Somne laborum, requies animi,
pars humanæ melior vitæ
.

[Ô toi sommeil, dompteur de tous les maux, repos de l’esprit, meilleure partie de la vie humaine].

Jean Fernel a développé ces idées dans le chapitre xvii (Que le sommeil et les veilles sont souvent causes de maladies, pages 65‑67), livre i de sa Pathologie (v. note [1], lettre 36) :

« Or le sommeil est non tant un mouvement, comme une cessation du sens et de toute fonction animale, en laquelle ont accoutumé d’être assoupis non seulement les nerfs, les muscles et les membres, à la façon qu’ils le sont dans le repos, mais encore le cerveau et tous les sens ; de sorte que le sommeil est comme le soulagement de tous les travaux, le repos de l’esprit, et la meilleure partie de la vie humaine. {a} Il répare les esprits dissipés par les veilles, en subrogeant d’autres en leur place pour la continuation des fonctions accoutumées : il délasse les membres et les sens, conforte et augmente les fonctions naturelles, et principalement la digestion et la vertu rétentrice ; car alors la chaleur naturelle n’est point dispersée, mais se ramassant autour des viscères, elle devient plus vigoureuse, et s’emploie plus fortement à la cuisson de la viande et des humeurs qui sont crues. […]
Au reste, l’excès de sommeil obscurcit et appesantit les esprits, débilite et alentit toutes les forces des sens et de la raison, rabat la chaleur, empêche les fonctions naturelles, amasse des humeurs crues et pituiteuses, et des superfluités de toutes les façons. Tellement que le trop dormir refroidissant et humectant le corps, le rend plus lâche et plus pesant que ne fait le repos, et est une source de fluxions, et un séminaire de maladies, froides et longues. Il n’y a rien de si semblable à la mort que le sommeil, qui en est l’image et la représentation. Les veilles sont tout le contraire du sommeil car elles excitent les esprits et les sens, les rendent prompts, subtils et allègres, recréent et redressent les forces de toutes les parties, épandent également la chaleur par tout le corps, hâtent la distribution de l’aliment et des humeurs, et l’expulsion des excréments ; et ceux pourvu qu’elles soient modérées, mais les veilles excessives épuisent les esprits, dessèchent le corps, et surtout le cerveau. »


  1. La phrase latine originelle de Fernel (Medicina, Paris, 1554, Pathologia, livre i, chapitre xvii, page 27, lignes 12‑14) est : estque somnus omnium quasi quasi perfugium laborum, requies animi, pars humanæ melior vitæ (sans citation de la source dans Sénèque le Jeune).

8.

Virgile (Énéide, chant xi, vers 422-423) :

Sunt illis sua funera parque per omnis
tempestas
.

[Ils ont leurs morts, car la tempête est la même pour tous].

9.

Hippocrate (Aphorismes, livre i, aph. iii ; Littré Hip, volume 4, pages 459‑461) :

« Chez les athlètes, un état de santé porté à la dernière limite est dangereux ; demeurer stationnaire est impossible ; or, ne demeurant pas stationnaire et, d’autre part, ne pouvant plus marcher vers le mieux, empirer est la seule voie qui reste. Pour ces motifs, il faut dissiper cet état sans retard, afin que le corps recommence sur nouveaux frais la réparation ; il faut aussi non pas porter à l’extrême les atténuations [gymnastiques] (car il y a des risques), mais aller jusqu’au point compatible avec la constitution de l’individu soumis au régime. De même, les évacuations [médicales] poussées à l’excès sont dangereuses et, réciproquement, les réparations à l’extrême limite ont du danger. »

10.

Quicquid ad summum pervenit, ab exitu prope est (Sénèque le Jeune, Consolation à Marcia, chapitre xxiii, § 3).

11.

Tacite (Histoires, livre ii, chapitre 88) :

Singulis ibi Vitellius paratos cibos ut gladiatoriam saginam dividebat.

[Là, Vitellius distribuait des viandes apprêtées à chaque soldat, comme à des gladiateurs qu’on engraisse].

12.

« Du plein de la fontaine des délices surgit quelque chose à aimer, qui étreint au plus profond de la gorge » (Lucrèce, v. note [13], lettre 211).

13.

Sénèque le Jeune (Lettres à Lucilius, épître xci) :

Bellum in media pace consurgit et auxilia securitatis in metum transeunt […]. Sine hoste patimur hostilia, et cladis causas, si alia deficiunt, nimia sibi felicitas invenit. Invadit temperantissimos morbus, validissimos phthisis, innocentissimos pœna, secretissimos tumultus.

[Au milieu de la paix surgit la guerre et les secours qui rassuraient deviennent des objets d’alarme (…). Sans ennemi nous sommes en proie aux hostilités, et si d’autres forces contrariaient les causes de désastre, trop de félicité l’appellerait bientôt sur nous. La maladie se jette sur les mieux tempérés ; la phtisie, sur les plus robustes ; la punition, sur les plus innocents ; le tumulte du monde, ceux qui en sont le plus retirés].

14.

Sénèque le Jeune (Lettres à Lucilius, épître iv) :

Neminem eo fortuna provexit ut non tantum illi minaretur quantum permiserat. Noli huic tranquillitati confidere : momento mare evertitur ; eodem die ubi luserunt sorbentur.

[Jamais la fortune n’a élevé un homme si haut qu’elle ne le menace d’autant de maux qu’elle l’a mis à portée d’en subir. Défie-toi du calme présent : la tempête se lève d’un instant à l’autre ; le même jour, là même où les navires folâtraient, les voilà engloutis].

15.

Risus dolore miscebitur et extrema gaudii luctus occupat [Le rire est mêlé de douleur et la joie s’achève en chagrin] (Proverbes, 14:13).

16.

Sénèque le Jeune (Lettres à Lucilius, épître lxxviii) :

Omnia ex opinione suspensa sunt : non ambitio tantum ad illam respicit, et luxuria, et avaritia ; ad opinionem dolemus. Tam miser est quisque, quam credidit.

[Tout dépend de l’opinion : ce ne sont pas seulement l’ambition, la débauche et l’avarice qui se règlent sur elle ; nous souffrons aussi selon notre opinion. Chacun n’est malheureux que dans la mesure où il se croit l’être].

17.

Dans la formation de l’embryon, la fabrication des parties solides du corps humain (os, cartilage, ligaments) revenait alors au sperme (semence masculine) et celle des parties charnues (viscères), à l’ovule (alors inconnu, ce qui faisait considérer le sang menstruel comme une expression de la semence féminine, éliminée sous la forme des règles, quand elle n’avait pas été fécondée).

V. note [1] du Traité de la Conservation de santé, chapitre viii, pour de plus amples détails sur la menstruation et la semence féminine dans les conceptions médicales « pré-ovulatoires » du xviie s.

18.

Prenant la variole en exemple, Guy Patin niait ici le rôle de la contagion (à tort) et des influences astrales (non sans raison) dans le développement des maladies, privilégiant leur caractère inné et donc inévitable.

Dans sa Pathologie (v. supra note [7]), que Patin tenait pour l’un des plus grands livres de médecine, Jean Fernel a pourtant fait preuve de plus gand discernement, bien qu’il fondât son raisonnement sur des arguments très proches (pages 35‑38) :

« Le corps humain est quelquefois incommodé de soi-même, et par des principes intérieurs ; quelquefois il est intéressé par l’injure des choses qui sont hors de lui : de là procèdent les deux premiers et suprêmes genres des causes efficientes, dont les unes nous sont internes, et comme nées avec nous, lesquelles nous accompagnent dès le moment de la naissance ; les autres sont accidentelles et étrangères, qui nous attaquent par dehors après que nous sommes nés. Les internes sont ou naturelles, ou non naturelles ; {a} et tant les unes que les autres prennent leur origine ou de la semence, ou du sang de la mère. Les naturelles nous altèrent et changent peu à peu par le cours des temps et des âges, et nous mènent insensiblement à la vieillesse et à la mort. De ce genre sont et la contrariété des éléments dont notre corps est composé, et la vertu active de notre chaleur naturelle, par laquelle, bien que nous soyons sustentés et maintenus tant que nous vivons, nous ne laissons pourtant pas d’être semblablement altérés et minés avec le temps, les uns plus tôt, les autres plus tard, selon que le cours de la vie d’un chacun a été prescrit et limité, qu’encore à peine pouvons-nous accomplir suivant les lois de la nature. […] Maintenant quant aux causes étrangères et accidentelles, lorsqu’elles nous assaillent par le dehors après la naissance, elles en excitent souvent d’autres au dedans de nous. Par conséquent de toutes ces causes-là, les unes sont externes et les autres internes. Les internes sont subdivisées en antécédentes et en contenantes, ou prochaines. De façon qu’il y a en tout trois sortes de causes étrangères qui nous font devenir malades, savoir est, Externe ou évidente, Antécédente et Contenante. L’évidente est celle qui fait extérieurement de la violence au corps ou aux choses qu’il contient. La contenante est celle qui, résidente au corps, adhère et est immédiatement conjointe au mal. C’est pourquoi l’épée n’est pas la cause contenante de la plaie qu’elle fait, d’autant qu’elle ne réside pas dans le corps, bien qu’elle en soit fort proche et le touche de près. La cause antécédente est celle, laquelle étant dans le corps avant la contenante, produit et meut cette même contenante. De toutes ces causes, les évidentes sont premières et très nécessaires, et d’icelles proviennent toutes les autres. Ce sont elles que le vulgaire considère particulièrement, et qui seules onté été remarquées des plus anciens médecins, lesquels, comme dit Celse, retranchaient de leur art tout ce qui était obscur. »


  1. v. note [13] des Pièces liminaires du Traité de la Conservation de santé.

Sans doute découragé, tout comme nous, par les arcanes du raisonnement que Fernel tenait sur les causes extérieures, Patin se rangeait à l’opinion des anciens, en les considérant comme mineures ou triviales (à l’instar des blessures provoquées par un coup d’épée). On en était alors aux balbutiements de la contagion, entrevue par Fracastor pour la syphilis (v. note [2], lettre 6) ; mais là-dessus, la révolution microbienne du xixe s. a considérablement élargi l’étude des causes (étiologie), et donné aux causes acquises toute la place qu’elles méritent en complément des causes innées.

19.

V. notes [7] et [17], lettre 99, pour un commentaire de ce passage, qui emprunte à ce poème :

Here, si querelis, ejulatu, fletibus
Medicina fieret miseriis mortalium,
Auro parandæ lacrymæ contra forent.
Nunc hæc ad minuenda mala non magis valent
Quam nænia præficæ ad excitandos mortuos.
Res turbidæ consilium, non fletum expetunt
.

[Hier, si venait un remède aux plaintes, aux lamentations, aux pleurs, aux misères des mortels, les larmes devaient s’acheter au prix de l’or. Aujourd’hui, ceux qu’on emploie pour apaiser les maux ne valent guère mieux que les nénies de la pleureuse pour réveiller les morts. C’est de la sagesse et non des larmes que réclament les embarras de la vie].

Ces vers de Marc-Antoine Muret (v. note [31], lettre 97) viennent de son Poematum variorum liber primus [Premier livre de poèmes variés], stance lxi, Afficta Trabeæ [Vers attribués à Trabea]. Ils ont une plaisante histoire (Œuvres complètes de Rollin… par Émile Bères…, Paris, Auguste Desrez, 1837, tome troisième, page 231) :

« Joseph Scaliger, le plus habile critique de son temps, s’était vanté qu’on ne pouvait pas le tromper sur le style des Anciens. On fit courir six vers comme trouvés très récemment. […] Ces vers, qui sont admirables et qui ont tout l’air antique, éblouirent tellement Scaliger qu’il les cita dans son commentaire sur Varron comme un fragment de Trabea, découvert depuis peu dans son ancien manuscrit. Trabea, poète comique, vivait six cents ans après la fondation de Rome. Ces six vers étaient de la façon de Muret, qui joua ce tour à Scaliger, son rival et concurrent. »

V. note [7] du Naudæana 2, pour le distique acerbe que fit Scaliger pour répondre à Muret.

Quintus Trabea a réellement existé : c’est un poète comique latin du iiieiie s. av. J.‑C., dont les œuvres ont entièrement disparu, à l’exception de cinq vers cités par Cicéron dans les Tusculanes (livre iv, chapitre xxxi), à propos d’un jeune amoureux :

Lena delenita argento nutum observabit meum,
Quid velim, quid studeam. Adveniens digito impellam ianuam,
Fores patebunt. De Improviso Chrysis ubi me aspexerit,
Alacris ob viam mihi veniet complexum exoptans meum,
Mihi se dedet
.

[Séduite par mon argent, la maquerelle accomplira sur mon ordre ce que je voudrai, ce que je désirerai. Quand je viendrai toquer, la porte s’ouvrira. Dès qu’elle m’aura aperçu, Chrysis, viendra gaiement au devant de moi, attendant que je l’embrasse, et elle se donnera à moi].

20.

Pline, Histoire naturelle (livre xxvi, chapitre v ; Littré Pli, volume 2, page 197) :

Diximus elephantiasim ante Pompei Magni ætatem non accidisse in Italia, et ipsam a facie sæpius incipientem, in nare prima veluti lenticula, mox increscente per totum corpus, maculosa variis coloribus et inæquali cute, alibi crassa, alibi tenui, dura, alibi ceu scabie aspera, ad postremum vero nigrescente et ad ossa carnes adprimente, intumescentibus digitis in pedibus manibusque. Ægypti peculiare hoc malum et, cum in reges incidisset, populis funebre, quippe in balineis solia temporabantur humano sanguine ad medicinam eam. Et hic quidem morbus celeriter in Italia restinctus est, sicut et ille, quem gemursam appellavere prisci inter digitos pedum nascentem, etiam nomine oblitterato.

« Nous avons dit que l’éléphantiasis n’avait pas paru en Italie avant le temps de Pompée le Grand. {a} Cette maladie commence, elle aussi, d’ordinaire par la face : il se forme d’abord au nez une sorte de petite lentille ; puis la peau devient aride par tout le corps, marquée de taches de diverses couleurs, et inégale, ici épaisse, là mince, ailleurs dure et couverte d’aspérités galeuses ; à la fin, elle prend une teinte noire et presse les chairs sur les os ; les doigts se tuméfient aux pieds et aux mains. Ce mal est particulier à l’Égypte ; et il était funeste au peuple quand il attaquait les rois parce qu’on leur faisait alors, pour les guérir, des bains où entrait le sang humain. Au reste, cette maladie s’est promptement éteinte en Italie, ainsi que celle qu’on nommait anciennement gemursa. {b} Celle-là se logeait entre les orteils ; aujourd’hui le nom même en est oublié. »


  1. Au ier s. av. J.‑C.

  2. V. note [18], lettre 99.

V. note [16], lettre 674, pour le vers grec du Τραγοποδαγρα de Lucien de Samosate qui est cité au début de cet article : pollaï morphaï tôn athkhountôn, « les façons d’être malheureux sont nombreuses ».

21.

Girolamo Mercuriali, au livre iii (chapitre xx, page 76) de ses Variarum lectionum (v. note [3], lettre 534), a commenté l’emploi de la castration dans les traitement de la lèpre :

Aetius lib. 13, cap. 125 multa præclare de Elephanticorum victu memoriæ mandavit ; sed in duobus insigniter eum lapsum semper existimavi : in uno, dum caussam, qua castrati eo morbo non tentantur, assignare studuit ; in altero, dum elephantiasi correptos generandi gratia cum mulieribus aliquando consuetudinem habere consuluit. Quod in castratis larga fiat seminis generatio, atque non castrati utilem ac bonum humorem in eo ita absumant, ut illi à morbo ea ratione evadant, hi vero facilius capiantur, ridiculum sane est fateri ; sicuti absonum est, quos elephantiasis exercet multo abundare semine putare. In ijs enim, qui omne membrorum alimentum vitiatum et corrumptum habent, quomodo semen, quod ultimi ac utilis alimenti περιτηκωμα est, multiplicari possit, non video. Quare verior sese offert ratio, cur eunuchi ab eo malo immunes reddantur ; siquidem præcipua illius generationis occasio a caliditate et siccitate cum iecoris, tum universi corporis habitus dependet, et iccirco huiuscemodi affectio Ægypto familiaris traditur. Eunuchi vero frigidi atque humidi citra omnium controversiam fiunt : ut nemini arduum sit intelligere, hinc nasci, quod castrati non solum lepræ, verum etiam ulli alteri morbo a calido et sicco nascenti non facile subjiciantur. Consulere porro, ut laborantes lepra generandi gratia concumbant, est non modo male affectos iugulare, sed etiam reliquos peste inficere, morbosumque genus humanum reddere velle. Cur autem Elephantici usque adeo veneris appetitu stimulentur, non aliam caussam puto, nisi quia vasa ipsorum omnia multo et crasso flatu humoreve incocto replentur, qui tam genitalia ipsorum, quam ora satyris similia efficit : ob quo etiam σατυριασις et σατυριας a veteribus medicis tale mali genus nuncupatum invenitur.

[Aétius d’Amide, {a} livre xiii, chapitre cxxv, a écrit bien de brillantes choses sur les caractères des éléphantiasiques ; mais j’ai toujours pensé qu’il s’était manifestement trompé sur deux points : primo, quand il s’est appliqué à déterminer pourquoi les castrats ne sont pas sujets à cette maladie ; secundo, quand il a recommandé que les sujets atteints d’éléphantiasis prennent l’habitude de copuler de temps en temps avec des femmes. Il est parfaitement ridicule de déclarer que les castrats échappent à la maladie parce qu’ils produiraient une grande abondance de sperme, mais ne dissiperaient pas le bon et utile suc qu’il contient. Il est tout aussi faux de penser que ceux qu’afflige l’éléphantiasis débordent de sperme. Je ne vois pas en effet comment chez ceux-là, en qui tout ce qui nourrit le corps est vicié et corrompu, le sperme, qui est le déchet de l’aliment final et utile, pourrait s’accroître. Il existe une explication plus juste de l’immunité des eunuques à l’égard de ce mal : la principale circonstance de sa genèse provient de la chaleur et de la sécheresse tant du foie que du corps tout entier ; ce qui fait qu’on la dit commune en Égypte. Les eunuques sont incontestablement froids et humides ; nul ne peine donc à comprendre qu’il en découle que les castrats ne sont pas sujets à la lèpre, mais aussi à toute autre maladie due au froid et au sec. En outre, recommander de copuler à ceux qui souffrent de lèpre revient non seulement à tuer les patients, mais aussi à communiquer ce fléau aux autres, et à vouloir infecter l’espèce humaine. Je ne vois pourtant qu’une raison au fait que l’appétit sexuel des éléphantiasiques soit à ce point stimulé : c’est que tous leurs vaisseaux sont remplis d’une flatuosité abondante et épaisse ou d’une humeur crue qui, comme aux Satyres, agit autant sur leurs organes génitaux que sur leur apparence ; il se trouve d’ailleurs que les anciens médecins ont donné à ce genre de maladie le nom de satyriasis et de priapisme]. {b}


  1. V. note [4], lettre de Charles Spon, datée du 21 novembre 1656.

  2. V. première notule {e‑i}, note [33], lettre latine 154, pour la distinction entre ces deux sortes d’érection permanente.

22.

Le mal espagnol, plus ordinairement appelé mal italien (par les Français) ou male francese (par les Italiens), était la syphilis (v. note [9], lettre 122).

Guy Patin a ajouté la proposition sur le scorbut dans la seconde édition de sa thèse ; v. note [34], lettre 99, pour la plique des Polonais (v. note [2], lettre latine 224) et d’autres additions.

23.

ετωσιον αχθος αρουρης : paroles d’Achille déplorant sa propre impuissance après la mort de Patrocle (Homère, L’Iliade, chant xviii, vers 104).

Les pituiteux sont autrement nommés phlegmatiques et lymphatiques.

24.

(Pline, Histoire naturelle, livre vii, chapitre li ; Littré Pli, volume 1, pages 307) :

Atque etiam morbus est aliquantipser sapientiam mori. Morbis enim quoque quasdam leges natura posuit.

« Il existe même une espèce de maladie où l’on meurt par la raison. La nature a aussi imposé certaines lois aux maladies. »

Émile Littré a commenté la difficulté de ce passage (volume 1, pages 316‑317, note 28) :

« La note 69 de Guéroult {a} résume les interprétations diverses de cette phrase, très controversée : “ Il n’est peut-être aucun passage de Pline qui ait donné plus d’exercice aux commentateurs. Chacun a essayé d’interpréter à sa manière le mot sapientiam. Les uns veulent qu’il signifie ici frénésie ; selon d’autres, Pline n’a entendu parler que d’une maladie opposée à la sagesse, du délire, de la folie ; selon d’autres encore, il s’agit en cet endroit du suicide réfléchi. Plusieurs, peu satisfaits de ces explications, n’ont pas douté que le texte n’ait été altéré ; en conséquence, quelques-uns proposent de lire : Atque etiam morbus est aliquantis per sapientiam mori ; quelques autres : Morbus est aliquis sapientiam præmori ; ou bien : morbus est aliquis persapientiam morosis. Enfin, dans ces derniers temps, le docteur Goulin, mort l’an vii, professeur de l’histoire de la médecine à l’École de Paris, a proposé, dans le Journal de médecine, t. lxvi, 1784, de substituer senectutem à sapientiam ; de sorte qu’on lirait : Atque etiam morbus est aliquis per senectutem mori. C’est même une espèce de maladie que de mourir de vieillesse. Il s’appuie sur l’autorité de Térence, qui fait dire à un vieillard : Senectus ipsa est morbus ; de celle de Galien, qui a dit : Τουτο (γηρας) νοσον λεγουσις ενιον, Quelques-un appellent la vieillesse une maladie. Je conviens que ce sens est raisonnable ; que même il s’accorde avec ce qui précède et ce qui suit ; mais est-il permis, je ne dis pas de réformer, mais de changer ainsi le texte d’un auteur ? Pour moi, il me semble qu’il n’y a dans cette phrase aucun mot oublié ou corrompu. Je crois que Pline parle ici de cette sombre mélancolie qui souvent même conduit les hommes à la mort ; et le sens que je donne à ce passage me paraît s’accorder tout aussi bien avec ce qui précède et ce qui suit, et n’être pas moins digne du grave historien de la nature. ” Suivant moi, sapientia représente ce que les Grecs nommaient φρενες, dont la maladie était désignée par le nom de φρενιτις. Mori per sapientiam, c’est mourir par la maladie du siège de la raison. Cette interprétation me semble assurée par la première ligne du paragraphe suivant où il est dit que dans sapientiæ ægritudine le malade est affecté de carphologie, {b} d’évacuation involontaire de l’urine, etc. ; signes qui appartiennent aux fièvres avec délire. »


  1. Pierre-Claude-Bernard Guéroult (1744-1821), éditeur et commentateur de Pline.

  2. V. infra note [29].

25.

Senes minime sentire pestilentiam (Pline, ibid. supra note [24]).

26.

Pour dire qu’il faut être fou à lier (avoir besoin d’une camisole de force) pour recourir à de tels remèdes : v. note [51], lettre 99.

27.

V. note [2], lettre 449, pour la mentagra ou mentagre.

28.

L’onguent hopliatrique (du grec οπλον, arme, et ιατρικος, qui guérit) est une charlatanerie dénoncée dans le livre i (chapitre ix, page 74) du Systema Physicum, septem libris adornatum, et Anno Christi mdcvii. publice propositum in Gymnasio Dantsicano a Bartholomæo Keckermanno, SS. Theologiæ Licentiato, et Philosophiæ ibidem Professore, Editio prioribus omnibus auctior et correctior, cum indice rerum et verborum copioso ; cui accessere Tabulæ xlvii. totum Systema Physicum breviter delineantes et adumbrantes [Système physique divisé en sept livres, que Bartholomäus Keckermann, {a} licencié en très sainte théologie et professeur de philosophie au Collège de Dantzig, y a publiquement présenté l’an 1607. Édition plus complète et correcte que les précédentes, avec un copieux index des mots et des matières, auquel on a ajouté 47 tableaux décrivant et résumant brièvement le Système physique]. {b}

Unguentum illud hopliatricum licet fatendum sit habere multa naturalia ingredientia, inter quæ præcipue est calvaria hominis, exiccans et abstergens : tamen hoc demonstrari non potest, quod applicatio istius unguentis sit naturalis : nam unguentum illud non attingit ipsum vulnum immediate ; sed attingit gladium aut cultrum aut pugionem : quæ vero est convenientia applicationis istius ? cum pars affecta non inungatur in homine, sed instrumentum afficiens et mere activum (videlicet gladius) quod nec morbis est obnoxium, nec morti : si non est obnoxium morbis, nec est sanitatis subiectum : contraria enim sunt in eodem subiecto, sive privatio et habitus habent idem subiectum ; nam ut lapis non potest dici cæcus, ita nec gladius potest dici ægrotus.

[Bien qu’on doive le tenir pour asséchant et détergent, cet onguent hopliatrique contient de multiples ingrédients, dont le principal est du crâne humain. Ses propriétés ne se peuvent pourtant pas démontrer, même si son application est conforme aux lois de la nature : on ne le met pas directement sur la blessure même, mais sur le glaive, le couteau ou le poignard qui l’a causée. Quelle est donc la bonne manière de l’appliquer, puisqu’on n’oint pas la partie blessée de l’homme, mais l’instrument qui blesse et qui a été purement actif (à savoir bien sûr la lame), qui n’est soumis ni aux maladies ni à la mort ; et puisqu’il n’est pas sujet aux maladies, n’est pas non plus un sujet de santé ? Le même sujet possède en effet deux caractéristiques antagonistes : l’action et sa suppression. De la même manière qu’on ne peut dire d’une pierre qu’elle est aveugle, on ne peut dire d’une lame qu’elle est malade].


  1. V. note [18], lettre 181.

  2. Hanau, Petrus Antonius, 1617, in‑8o, avec un portrait de l’auteur.

    Les tableaux, à la fin de l’ouvrage, détaillent le contenu de chaque groupe de chapitres sous la forme d’un arbre.

Suit un raisonnement laborieux aboutissant à la conclusion que cet onguent, doté de vertus sympathiques, ne peut pas être de nature divine car il est contraire à la nature des choses ; il est donc de nature démoniaque, ayant d’ailleurs la réputation d’avoir été inventé par un mage italien de Parme, dénommé Anshelmus et qu’on qualifiait de saint.

Pour la composition de cet onguent et une façon plus précise de s’en servir, Keckermann renvoie son lecteur Franciscus Tidicæus (v. note [27], lettre 1020) ; lequel attribue ce remède à Paracelse dans la Digressio, in Mumiæ nonnihil, et hac occasione in unguenti, quod per inunctionem armorum vulnera sanat, quodque οπλοχριστον vocant, considerationem [Digression brève sur le baume de momie et, à cette occasion, sur l’onguent qui guérit les blessures par l’imprégnation des armes et qu’on appelle baume des armes] de son traité De Theriaca et eius multiplici utilitate, ac recta conficendi ratione… [De la Thériaque, ses emplois multiples et la bonne manière de la fabriquer… (Toruń, Andreas Cotenius, 1607, in‑4o, pages 278‑279) :

Sympathia vel compassio plurimum potest in humanis rebus operari : Capias ergo usneam super caput hominis vel os mortuum, expositum aëri, concretam, videlicet eius unc. ij., Axungiæ humanæ unc. ij., Mumiæ, sanguinis humani ana unciam semis, Olei lini drach. ij., Olei rosarum, Boli Armeni ana unc. i. Omnia simul in mortario terantur tam diu, donec subtilissimum inde fiat unguentum, quod in capsulam reponas, ut cum vulnus aliquod oblatum fuerit, lignum in sanguine vulneris intingas, ut sanguinolentum fiat, quod exiccatum unguento suprascripto prorsum intrudatur, et in eo relinquatur. Postmodum vulnus mane singulis diebus recenti linea fascia, lotio proprio patientis madefacta ligetur, et sanabitur, quantumcunque magnum fuerit, absque aliquot emplastro, sineque dolore. Poteris ad hunc modum curare distantem à te miliaribus decem aut viginti cum sanguinem ejus habueris. Prodest etiam ad alios dolores : uti dentium, et quorumvis damnorum sanguinolentum lignum hoc in unguentum trusum, et in eo relictum. Item si clavo pes equi per ferrarium fabrum læsus fuerit, ligno sanguine tincto, et in capsulam truso vel in unguentum, ibidemque relicto curabitur.

[La sympathie, {a} ou communauté de sentiment, peut produire quantité d’effets avantageux aux hommes : prenez donc deux onces d’usnée qui s’est figée sur la tête ou sur le crâne d’un homme mort, qui est resté longtemps exposé à l’air ; {b} ajoutez-y deux onces de graisse humaine, du sang humain et du baume de momie, {c} une once et demi de chaque, deux drachmes d’huile de lin, de l’huile de roses et du bol d’Arménie, {d} une once de chaque ; broyez le tout dans un mortier jusqu’à obtenir un onguent très délié, que vous mettrez dans une cassette. Quand quelque blessure aura été infligée, trempez un bout de bois dans le sang qui coule de la plaie, de sorte qu’il en soit bien humecté ; une fois sec, plongez-le entièrement dans l’onguent susdit et laissez-le baigner dedans. Ensuite, renouvelez chaque matin le pansement du patient avec de la toile imprégnée de sa propre lotion et, si grande que soit sa plaie, elle guérira, sans besoin d’autre emplâtre et sans douleur. Pourvu que vous vous soyez procuré son sang, vous pourrez le soigner de cette façon, même à distance de dix ou vingt milles. L’onguent est aussi utile contre d’autres tourments, comme les maux de dents, en y plaçant un bout de bois imprégné du sang de n’importe quel condamné et en l’y laissant baigner ; de même, si le maréchal ferrant a blessé le pied d’un cheval avec un clou, la plaie guérira en trempant un bout de bois dans le sang de l’animal et en le mettant dans la cassette avec l’onguent].


  1. V. notes [4], lettre 188, et [3], lettre latine 195.

  2. L’usnée est une moisissure qui a l’apparence d’une mousse verdâtre. Le bienveillant Alexandrian (page 310) a vu dans cette horreur paracelsiste un « pressentiment obscur de la pénicilline ».

  3. V. note [9] de l’observation x.

  4. V. note [8], lettre 611.

La poudre sympathique des armées était un remède du même genre, fondé sur la correspondance ésotérique entre un mal et son remède, dont maints auteurs ont écrit, comme Nicolas Papin (v. note [36], lettre 405), Lorenz Strauss (v. note [7], lettre de Charles Spon, datée du 23 avril 1658) ou sir Kenelm Digby (v. note [19], lettre 237).

Le lecteur intéressé par tous ces sujets, aussi étranges que flous, peut consulter le :

Theatrum sympatheticum auctum, exhibens varios authores. De pulvere sympathetico quidem : Digbæum, Straussium, Papinium, et Mohyum. De unguento vero armario : Goclenium, Robertum, Helmontium, Robertum Fluddum, Beckerum, Borellum, Bartholinum, Servium, Kircherum, Matthæum, Sennertum, Wechtlerum, Nardium, Freitagium, Conringium, Burlinum, Fracastorium et Weckerum. Præmittitur his Sylvestri Rattray, aditus ad sympathiam et anti-pathiam. Editio novissima, correctior, auctior, multisque parasangis melior.

[L’Amphithéâtre sympathique augmenté, présentant les travaux de divers auteurs : certes Digby, {a} Strauss, {b} Papin, {c} Mohyus {d} sur la Poudre de sympathie ; mais aussi Goclenius, {e} Robertus, {f} Van Helmont, {g} Robert Fludd, {h} Becker, {i} Borellus, {j} Bartholin, {k} Servius, {l} Kircher, {m} Matthæus, {n} Sennert, {o} Wechtler, {p} Nardi, {q} Freitag, {r} Conring, {s} Burlinus, {t} Fracastor {u} et Wecker {v} sur l’Onguent hopliatrique. Avec au début, l’introduction de Sylvester Rattray {w} à la sympathie et à l’antipathie. Édition très nouvelle, plus correcte, augmentée et extrêmement améliorée]. {x}


  1. Kenelm Digby, v. note [19], lettre 237.

  2. Lorenz Strauss, v. note [7], lettre de Charles Spon datée du 23 avril 1658.

  3. Nicolas Papin, v. note [36], lettre 405.

  4. Ericius Mohyus (Henri Mohy), médecin liégeois, auteur d’un ouvrage intitulé Pulvis sympatheticus… [Poudre de sympathie…] (1654).

  5. Rodolphus Glocenius (Wittemberg 1572-1621), médecin paracelsiste, professeur de physique et mathématiques à Marbourg.

  6. Jean Roberti (1569-1651) jésuite français, principal antagoniste du calviniste Glocenius.

  7. Jan Baptist Van Helmont, v. note [11], lettre 121.

  8. V. note [15] du Patiniana I‑4.

  9. Daniel Becker (Dantzig 1594-1655), professeur de médecine à Königsberg.

  10. Pierre Borel, v. note [35], lettre 387.

  11. Thomas Bartholin, correspondant de Guy Patin.

  12. Petrus Servius, v. note [42], lettre 101.

  13. Le jésuite Athanasius Kircher, v. note [65] des Déboires de Carolus.

  14. Philippus Matthæus a correspondu avec Patin.

  15. Daniel Sennert, v. note [21], lettre 6.

  16. Johann Conrad Wechtler est un médecin allemand du xviie s.

  17. Giovanni Nardi, v. note [9], lettre 283.

  18. Johann Freitag, v. note [12], lettre latine 43.

  19. Hermann Conring a correspondu avec Patin.

  20. Jacobus Burlinus, v. note [1], lettre latine 184.

  21. Jérôme Fracastor, v. note [2], lettre 6.

  22. Johann Jakob Wecker, v. note [20], lettre 1033.

  23. Médecin écossais du xviie s.

  24. Nuremberg, héritiers de Johann Andreas Endter et Wolfgang le Jeune, 1662, in‑4o ; première édition, ibid. et id. 1660, in‑12.

29.

Dans la langue médicale du temps, la phrénitis, ou frénésie, était un délire aigu avec fièvre intense, carphologie (agitation automatique et continuelle des mains et des doigts qui semblent chercher à saisir de petits objets), pouls petit et serré ; v. note [28], lettre 172, pour la typhomanie (coma vigil avec stupeur, agitation, fièvre et délire).

30.

Aujourd’hui, écrouelleux est à prendre pour tuberculeux, et éléphantique pour lépreux.

Avec les cancers (à prendre dans un sens moins spécifique que de nos jours) et la syphilis (gommes, v. notule {j}, note [19] du Borboniana 6 manuscrit), la tuberculose et la lèpre étaient et demeurent, les principales maladies capables de ronger le visage, et tout particulièrement les cartilages du nez et du palais. Ces lésions inspiraient horreur et dégoût, et excluaient le malade de la société, généralement tenu pour puni de ses débauches.

V. notule {b}, note [6], lettre 517, pour les vampires (nocturnos lemures) et les ogres (lamias).

31.

Qualificatifs latins dont les huit lettres initiales forment l’acrostiche Renavdot (v. note [32], lettre 98) ; v. note [1], lettre 102, pour rancidulo ore dans Martial.

Les physiognomonistes sont ceux qui pratiquent la physiognomonie (ou physionomie, v. note [12], lettre 307), « science, art qui enseigne à connaître la nature, le tempérament, l’esprit, les inclinations des hommes, par la considération du visage et de l’extérieur » (Trévoux).

32.

V. note [20], lettre 99, pour le commentaire de ce passage, avec références à Plaute et Joseph Scaliger sur les pieds tuméfiés (pulmonei pedes).

L’hémoptysie est un crachement de sang ; elle traduit ordinairement une affection sérieuse du poumon : pneumonie, tuberculose, cancer, embolie pulmonaire…

33.

Hinc subitæ mortes atque intestata senectus [De là viennent les morts subites et la vieillesse sans testament] (Juvénal, Satire i, vers 144) ; on appelle intestat celui qui est mort sans avoir laissé de testament.

V. le dernier paragraphe de la lettre à André Falconet datée du 14 février 1662, et ses annotations, pour ce que Guy Patin appelait un « tubercule cru » (aujourd’hui une embolie pulmonaire, qui est l’occlusion brutale d’une artère du poumon par un embol cruorique, ou détachement et migration d’un thrombus veineux périphérique).

Dans la phrase précédente, l’empyème était « un amas de pus dans le creux de la poitrine, qui y est coulé d’un abcès crevé. Il succède quelquefois à la squinancie [angine pharyngo-laryngée], à la peripneumonie, et le plus souvent à la pleuresie ; ou bien il s’engendre là d’un sang épandu de quelque veine ouverte, rompue et corrodée, qui vient à se pourrir. Il y a aussi un empyème bâtard qui procède d’une humeur pituiteuse et séreuse, qui par quelque conduit se rend à la poitrine, s’y pourrit et dégénère en une matière semblable au pus. L’empyème par succession de temps cause la phthsie » (Furetère).

34.

V. note [21], lettre 99, pour l’explication du cœur splénétique.

35.

Giulio Cesare Vanini (Amphitheatrum æternæ providentiæ… [Amphithéâtre de l’éternelle providence…], Lyon, 1615, v. note [21], lettre 97, Exercitatio xxxviii, page 265) :

Profecto matrix nobilissima, ac propemodum divina favissa est, in qua Naturæ thesauri conditi, ubi fuerit opus depromantur, et quæ iure optimo merita sit, ut alterum animal appelletur.

[La matrice est assurément très noble et un caveau quasi divin, où se cachent les trésors de la Nature, d’où il sera nécessaire de les tirer ; elle mérite très justement de porter le nom de seconde créature].

36.

L’étranglement (strangulatio ou strangulatus) de l’utérus est ce qu’on a plus tard appelé l’hystérie (v. note [14], lettre 97), telle que l’a bien définie Littré dans son Dictionnaire de médecine… :

« Maladie qu’on a supposé avoir son siège dans l’utérus. L’hystérie se manifeste par accès, dont le principal caractère consiste dans le sentiment d’une boule (globe hystérique) qui semble partir de la matrice, remonter vers l’estomac avec une chaleur plus ou moins vive, ou un froid glacial, et se porter ensuite à la poitrine et au cou, où elle produit une espèce détouffement et de stragulation. Si l’accès est fort, ces phénomènes sont suivis de perte de connaissance et de mouvements convulsifs, souvent très violents ; enfin, la circulation, la respiration et les autres fonctions organiques peuvent être suspendues. Souvent aussi, les malades se plaignent de douleurs violentes dans la tête […]. Lorsque l’on considère que c’est entre quinze et trente ans que les femmes sont sujettes à cette maladie, que les causes les plus ordinaires en sont un tempérament nerveux exalté par un amour contrarié, la jalousie, l’influence de lectures ou de conversations érotiques, en un mot tout ce qui peut déterminer une stimulation de l’appareil générateur, on admet volontiers l’opinion de ceux qui regardent l’hystérie comme un ensemble de symptômes résultant d’un état d’excitation et de souffrance de l’utérus, ou mieux des ovaires, et de la réaction de ces organes sur le système nerveux. »

37.

V. note [15], lettre 630, pour ces deux adages antiques.

38.

V. note [25],lettre  99, pour les petits serpents et les vers qui infestaient le corps humain.

39.

V. note [29], lettre 146, pour les poux et la phtiriase.

40.

Remove studia totam vitam tracta (sic pour tota vita tractata selon certains interprètes) [Laisse là ces études de toute ta vie] (Sénèque le Jeune, Lettres à Lucilius, épître xxvi).

41.

Sénèque le Jeune (Lettres à Lucilius, épître xlix) :

Punctum est quod vivimus et adhuc puncto minus ; sed et hoc minimum specie quadam longioris spatii natura derisit.

[C’est un instant que la durée de notre vie, et encore moins qu’un instant ; mais en outre, la nature s’est jouée de ce très court moment en lui donnant une apparence de longue durée].

42.

Pica : « appétit dépravé qui fait désirer des choses absurdes et incapables de nourrir, comme des charbons, des cendres, du plâtre, du sel, de la chaux, de la craie, du vinaigre, du poivre et infinité d’autres semblables. Le pica est fort ordinaire aux filles et surtout aux femmes grosses. Les hommes y sont plus rarement sujets. Il vient, suivant la plupart des médecins, des mauvais levains de l’estomac qui dépravent l’appétit : à quoi on peut ajouter le déréglement de l’imagination causé par de mauvais exemples ou par des préjugés ridicules » (Trévoux). Le pica existe encore de nos jours, tenu pour être à la fois une conséquence et une cause d’anémie par carence en fer.

Incube : « maladie qui est cause d’une oppression d’estomac si grande qu’on ne peut respirer ni parler. Elle se fait de nuit ordinairement. En cette maladie, les sens ne sont point perdus, mais étonnés, endormis et hébétés, aussi bien que l’entendement et l’imagination ; ce qui fait croire au patient que quelque ennemi se vient ruer sur lui, ou le sollicite à luxure. Les enfants sont sujets à l’incube, aussi bien que les personnes grasses et les gens de lettres, dont l’estomac a de la peine à faire la digestion. L’incube est cousin germain de l’épilepsie et de l’apoplexie car s’il dure longtemps, il dégénère en l’une ou l’autre de ces maladies » (Furetière).

Spasme : « convulsion qui cause un mouvement involontaire des nerfs, qui les fait retirer vers leur origine qui est le cerveau ou la nuque, et par conséquent des muscles et des parties qui sans cela agiraient selon notre volonté ; de sorte qu’il n’est pas en la puissance du malade d’étendre la partie affligée pendant l’accès, ou même tout le corps, si la convulsion est universelle. L’épilepsie est un spasme universel qui s’étend par tout le corps. Il y a des spasmes particuliers à chaque membre, qui ont des noms différents : celui de la bouche s’appelle spasme de chien, celui de la verge satyriasis [v. supra note [21]], etc. Le spasme ou la convulsion provient de réplétion, ou d’inanition ; celle-ci est incurable. Celle qui arrive après avoir pris de l’ellébore ou autre purgatif violent est mortelle. Il y en a qui proviennent de ventosités, de morsure de bêtes venimeuses, de la piqûre d’un nerf, de l’acrimonie des humeurs qui piquent l’estomac, des vapeurs de matrice, d’un froid excessif, etc. » (ibid.).

43.

Pline, Histoire naturelle, livre vii, chapitre v, § 3 ; Littré Pli, volume 1, pages 296) :

Miseret atque etiam pudet æstimantem quam sit frivola animalium superbissimi origo, cum plerisque abortus causa odor a lucernarum fiat extinctu. His principiis nascuntur tyranni, his carnifex animus !

« On est saisi de pitié, on est saisi de honte quand on songe combien frêle est l’origine du plus superbe des animaux. Voyez : l’odeur d’une lampe éteinte suffit souvent pour causer l’avortement. C’est ainsi que commencent les tyrans, et ces cœurs bourreaux des autres hommes. »

44.

V. note [37], lettre 99, pour le commentaire de ce passage.

45.

Sénèque le Jeune (Lettres à Lucilius, épître xcviii) :

Calamitosus est animus futuri anxius et ante miserias miser, qui sollicitus est ut ea quibus delectatur ad extremum usque permaneant.

[Malheureux est l’esprit inquiet de l’avenir et dont l’affliction précède les misères, et qui est agité par le souci de garder jusqu’à la fin de sa vie les objets qui lui plaisent].

46.

(Pline, Histoire naturelle, livre xxviii, chapitre xxxiii ; Littré Pli, volume 2, pages 270) :

Nunc prævertemur ad nostrum orbem, primumque communia animalium remedia atque eximia dicemus, sicuti e lactis usu. Utilissimum cuique maternum. Concipere nutrices exitiosum est ; hi sunt enim infantes, qui colostrati appellantur, densato lacte in casei speciem. Est autem colostra prima a partu spongea densitas lactis.

« Maintenant retournons au monde romain, et parlons d’abord des remèdes communs, mais excellents, que nous tirons des animaux ; par exemple, du lait. Le meilleur à chacun est le lait maternel. Il est très mauvais que les nourrices conçoivent : les enfants ainsi nourris se nomment colostrats, attendu que le lait se coagule en fromage dans leur estomac. On donne le nom de colostrum au premier lait après les couches, lequel forme un coagulum visqueux. »

Colostration (Gardien in Panckoucke) :

« Les auteurs dans lesquels se trouve cette expression désignent par là les maladies auxquelles les enfants sont sujets pendant qu’ils tètent le premier lait connu sous le nom de colostrum. {a} Les enfants qui prennent ce premier lait sont à la vérité quelquefois atteints de maladies, et plus spécialement de l’ictère. Mais ce serait une erreur de croire que cette indisposition, ainsi que toutes celles que l’on observe quelquefois dans les premiers jours de la naissance, sont produites par l’usage du colostrum. Loin de les produire, son emploi est au contraire le moyen le plus propre pour les prévenir. Il n’est aucun accoucheur qui n’ait observé que l’ictère est bien plus fréquent chez les enfants qui sont allaités par des nourrices étrangères, que chez ceux qui le sont par leurs propres mères. Plus le lait de la nourrice est ancien, plus les enfants sont exposés à être atteints de la jaunisse. La qualité purgative de ce premier lait dispense de recourir aux purgatifs que les médecins regardent comme nécessaires aux enfants qui sont confiés à des nourrices étrangères. » {b}


  1. V. note [1], lettre 440.

  2. Très commun chez le nouveau-né, l’ictère (jaunisse) physiologique du nouveau-né est généralement bénin et passager, lié à l’hémolyse (destruction des globules rouges sanguins) ; il peut de fait être en relation avec l’allaitement, mais connaît divers autres mécanismes.

47.

Hippocrate (Des Maladies, livre iv, Littré Hip, volume 7, page 601) :

« Quant à la lithiase, le principe de cette maladie est dans le lait, quand l’enfant tète un lait qui n’est pas pur ; or, le lait perd sa pureté chez la nourrice quand elle use d’aliments échauffants, et d’aliments et de boissons qui ne sont pas purs ; car tout ce qui est ingéré dans le ventre concourt à la formation du lait ; si la nourrice n’est pas bien portante, bilieuse, humide, sanguine ou pituiteuse, le lait devient mauvais pour l’enfant. »

48.

(Sénèque le Jeune, Lettres à Lucilius, épître cxxiv) :

Atqui quantulum interest inter eum, qui quum maxime vitam accipit, et illum, qui maternorum viscerum latens onus est ?
[Quelle distance y a-t-il pourtant entre celui qui ne fait que recevoir la vie, et ce fardeau tapi dans les entrailles maternelles ?]

49.

À force d’emprunter et d’endimancher son latin, Guy Patin devient difficile à suivre : on a laborieusement traduit sa phrase sur les vers utérins, sans certitude de l’avoir bien comprise.

Solstitialis herba est le nom que Pline (Histoire naturelle, livre xxvi, chapitre xiv ; Littré Pli, volume 2, pages 200) a donné au condurdum, qui pourrait être la saponaire, employée dans le traitement des scrofules (écrouelles).

Gemis, ploras, et hoc ipsum flere, nascentis est [Tu gémis, tu te lamentes ; pleurer est le propre du nouveau-né] vient de Sénèque le Jeune (Lettres à Lucilius, épître cii).

50.

À comprendre comme la section du cordon ombilical.

Dans le contexte héroïque de ce passage, les lames nues évoquent celles qu’on dégaina contre Jules César, préteur urbain, pendant le procès de Catilina et de ses complices en 63 av. J.‑C. ; Suétone (Vies des douze Césars, César, i, 14) :

manus equitum Romanorum, quæ armata præsidii causa circumstabat, immoderatius perseveranti necem comminata est, etiam strictos gladios usque eo intentans, ut sedentem una proximi deseruerint, vix pauci complexu togaque objecta protexerint

[la garde armée des chevaliers romains menaça de lui donner la mort : on pointa même des épées nues sur lui ; ses voisins se reculèrent ; quelques-uns seulement, le protégèrent en l’embrassant et le couvrant de leurs toges].

51.

Pline, Histoire naturelle, livre vii, chapitre i, § 3‑4 (Littré Pli, volume 1, pages 279) :

Ab hoc lucis rudimento quæ ne feras quidem inter nos genitas vincula excipiunt et omnium membrorum nexus ; itaque feliciter natus jacet manibus pedibusque devinctis, flens animal cæteris imperaturum, et a suppliciis vitam auspicatur unam tantum ob culpam, qua natum est. Heu dementia ab his initiis existimantium ad superbiam se genitos !

Prima roboris spes primumque temporis munus quadripedi similem facit. Quando homini incessus ! quando vox ! quando firmum cibis os ! quam diu palpitans vertex, summæ inter cuncta animalia imbecillitatis indicium !

« Après cet apprentissage de la lumière, des liens, épargnés même aux bêtes dans la domesticité, le saisissent et garrottent tous ses membres. Heureuse naissance ! le voilà étendu pieds et mains liés, pleurant, lui, cet être qui doit commander aux autres ! et il commence la vie par des supplices sans avoir commis autre faute que celle d’être venu au monde ! Quelle démence que de se croire, après de tels débuts, des droits à l’orgueil !

À la première apparence de force, par le premier bienfait du temps, il devient semblable à un quadrupède. Quand a-t-il la marche d’un homme ? quand la voix ? quand sa bouche est-elle capable de broyer les aliments ? combien de temps ne sent-on pas des battements au haut de sa tête, indice de la plus grande faiblesse entre tous les animaux ? » {a}


  1. v. infra note [54], pour la fontanelle qui cesse de battre chez le petit enfant.

52.

Sénèque le Jeune (Lettres à Lucilius, épître cviii) :

Quemadmodum ex amphora primum quod est sincerissimum effluit, gravissimum quodque turbidumque subsidit, sic in ætate nostra quod est optimum primum est.

[Comme le vin le plus clair est le premier qu’on puise de l’amphore, tandis que le plus épais et le plus trouble reste au fond ; de même, la meilleure partie de notre vie est la première].

53.

Juvénal (Satire vii, vers 194‑196) :

Distat enim quæ
sidera te excipiant modo primos incipientem
edere vagitus et adhuc a matre rubentem
.

[Le tout est de savoir quelle étoile t’accueille quand, tout rouge encore au sortir de ta mère, tu pousses les premiers vagissements].

54.

« Troisième espèce de teigne, les achores sont des ulcères de la tête qui s’étendent toujours, perçant la peau de plusieurs petits trous, dont il sort une ordure visqueuse. La cause prochaine des achores est une humeur âcre, séreuse, nitreuse et piquante, jointe à une humeur grossière » (Trévoux) ; c’est ce qu’on appelle aujourd’hui l’impétigo du cuir chevelu.

La siriase (du grec seirios, canicule, parce que les Anciens l’attribuaient à l’exposition de la tête à l’ardeur solaire) est l’ancien nom de la méningite des petits enfants : « elle consiste dans l’inflammation [v. note [6], lettre latine 412] du cerveau et de ses membranes, accompagnée de l’affaissement de la fontanelle ; le malade a les yeux cavés, une fiévre ardente, le corps pâle et desséché, et n’a nul appétit » (ibid.).

Interstices membraneux entre les os de la voûte crânienne (v. note [31], lettre 901), dont elles permettent l’expansion, les fontanelles du petit enfant se ferment durant les deux à trois premières années de la vie. La grande fontanelle du nouveau-né et du nourrisson, la plus antérieure et celle qui se ferme en dernier, est normalement battante (palpitans vertex) ; mais elle bombe et cesse de battre en cas d’hydrocéphalie (v. note [5], lettre 311) et de méningite ; son affaissement est un signe de déshydratation. Les fontanelles se ferment pendant la croissance, devenant les angles de jonction entre les sutures crâniennes (v. note [14] de l’Observation 20).

Sénèque le Jeune (Lettres à Lucilius, épître xx) :

Nemo nascitur dives ; quisquis exit in lucem jussus est lacte et panno esse contentus : ab his initiis nos regna non capiunt.

[Nul n’est riche à sa naissance ; quiconque vient au monde est contraint de se satisfaire de lait et de langes. Partant de là, on finit par ne pas savoir se contenter d’un empire].

55.

V. note [2] du mémorandum de René Moreau sur les parotides pour l’analogie entre les Dioscures, Castor et Pollux, et le gonflement des glandes parotides (parotidite).

56.

La coqueluche, v. note [26], lettre 99.

57.

Hippocrate (Aphorismes, 3e section, aphorisme no 24, Littré Hip, volume 4, page 497) :

« Voici ce qui arrive suivant les âges : chez les enfants petits et nouveau-nés, des aphtes, des vomissements, des toux, des insomnies, des terreurs, des inflammations [v. note [6], lettre latine 412] de l’ombilic, des suintements d’oreilles »

58.

V. note [10], lettre 274, pour les écrouelles et leur guérison miraculeuse par l’attouchement royal.

59.

L’épaphérèse est la saignée itérative ; v. note [17], lettre 80, pour l’épicrase.

60.

Crescere posse imperfectæ rei signum (Sénèque le Jeune, Lettres à Lucilius, épître lvi).

< Sapientia > quæ nunquam præcox vel si barbam anteeat [<La sagesse> qui n’est jamais précoce car elle vient juste avant que ne sorte la barbe] peut renvoyer à l’adage grec antique, Ante barbam doces senes [Avant d’avoir barbe, tu fais la leçon aux vieux (mis en latin)], qu’Érasme a commenté (no 2210) :

« Dans sa seconde Apologie, Apulée montre que cette sagesse, qu’on qualifie de précoce ou prématurée, n’est généralement pas du tout à tenir pour un heureux présage, quand il écrit ce vers sénaire, {a} célèbre et rebattu, de je ne sais quel poète (car il ne donne pas son nom) : Odi puerulos præcoci sapientia. {b} Ces sortes d’esprits précoces ne plaisent pas non plus à Quintilien, quand il dit qu’ils ne parviennent presque jamais à porter des fruits. »


  1. Iambique de six pieds (v. notule {a}, note [5], lettre 47).

  2. « Je hais les gamins prématurément sages. »

61.

Perse (Satire v, vers 143‑145) :

Quo deinde insane ruis ? quo ?
quid tibi vis ? calido sub pectore mascula bilis
intumuit, quam non extinxerit urna cicutæ
.

[Où veux-tu courir, insensé ? Où vas-tu ? Quel est ton dessein ? Une bile violente s’est amassée sous ta poitrine, qu’une urne de ciguë ne pourrait éteindre].

62.

Valère Maxime (Faits et dits mémorables, livre ix, chapitre xii, ext. 10) :

Possunt hi præbere documentum, nimio robore membrorum, vigorem mentis hebescere, quasi abnuente natura utriusque boni largitionem ; ne supra mortalem sit felicitatem, eumdem et valentissimum esse, et sapientissimum.

[L’exemple de ces deux hommes peut nous apprendre que l’excès de la force corporelle amenuise la vigueur de l’esprit, comme si la nature se refusait à nous dispenser ces deux avantages ensemble, et comme si être à la fois très sage et très robuste outrepassait la félicité humaine].

63.

V. note [40], lettre 99, pour cette addition et son commentaire.

64.

Juvénal (Satire ix, vers 128‑129) :

Dum bibimus, dum serta, unguenta, puellas
poscimus, obrepit non intellecta senectus
.

[Tandis que nous buvons, tandis que nous demandons des couronnes, des parfums, des filles, la vieillesse s’est furtivement approchée sans qu’on y ait pensé].

V. note [9], lettre 588, pour mala merx, mala ætas (Plaute).

65.

Sénèque le Jeune (Lettres à Lucilius, épître cviii) :

Quod fugit occupandum est. Hæc non cogitat ille qui grammatici oculis carmen istud legit, ideo optimum quemque primum esse diem quia subeunt morbi, quia senectus premit et adhuc adulescentiam cogitantibus supra caput est, sed ait Vergilium semper una ponere morbos et senectutem. Non, mehercules, immerito : senectus enim insanabilis morbus est.

[Il faut saisir ce qui fuit. Telle n’est pas la pensée de celui qui lit ce poème avec des yeux de grammairien : combien le début est ce qu’il y a de meilleur dans la vie ; parce qu’après viennent les maladies, parce que la vieillesse nous serre de près et plane sur nos têtes encore pleines des rêves de l’adolescence ; mais il observe que Virgile place toujours ensemble les maladies et la vieillesse et non sans raison bien sûr, car la vieillesse est une maladie incurable]. {a}


  1. Référence de Sénèque à la description des enfers (Orcus) par Virgile (Énéide, chant vi, vers 273‑277) :

    Vestibulum ante ipsum, primisque in faucibus Orci
    luctus et ultrices posuere cubilia curæ ;
    pallentesque habitant morbi, tristisque senectus,
    et metus, et malesuada fames, ac turpis egestas,
    terribiles visu formæ, letumque, labosque
    .

    [Devant l’entrée même, aux premières bouches d’Orcus, les pleurs et les soucis vengeurs ont posé leurs couches ; les pâles maladies et la triste vieillesse y habitent, et la crainte, et la faim, mauvaise conseillère, et l’indigence honteuse, figures effrayantes à voir, et le trépas et la peine].

Sénèque reprenait ensuite un adage de Térence (v. note [29], lettre 418).


66.

Sénèque le Jeune (Lettres à Lucilius, épître xxx) :

Sed iam plus illum degravat quam quod possit attolli ; magno senectus et universo pondere incubuit. […] Nihil habet quod speret quem senectus ducit ad mortem ; huic uni intercedi non potest. Nullo genere homines mollius moriuntur, sed nec diutius.

[Mais la charge des ans est trop forte pour qu’il (Bassus) s’en relève jamais ; la vieillesse l’a écrasé de tout son énorme poids. (…) Il n’y a rien à espérer quand c’est la vieillesse qui mène au trépas ; contre elle seule il n’y a pas de recours. Nul genre de mort n’est plus doux aux hommes, mais nul n’est plus lent].

67.

O mirabiles homines, qui nec vivere, nec mori volunt ! [Comme les hommes sont étonnants, qui ne veulent ni vivre, ni mourir !] (Épictète).

68.

Sénèque le Jeune (Lettres à Lucilius, épître lxxiv) :

Itaque, ut in hostili regione versantibus, huc et illuc circumspiciendum est et ad omnem strepitum circumgenda cervix ; nisi hic timor e pectore ejectus est, palpitantibus præcordiis vivitur.

[Aussi les voit-on, semblables à ceux qui se trouvent en pays hostile, avoir sans cesse l’œil ouvert, tourner la tête au moindre bruit ; qui n’a pas su bannir cette crainte de son esprit, vit dans de continuelles palpitations du cœur]. {a}


  1. V. note [5] de l’observation viii.

69.

« Que de désagréments entourent le vieillard ! » (Horace, L’Art poétique, vers 169, avec Multa au lieu de Quanta).

70.

L’Ecclésiaste (12:5) :

Florebit amygdalus, impinguabitur locusta, et dissipabitur capparis, quoniam ibit homo in domum æternitatis suæ et circumibunt in platea plangentes.

[L’amandier sera en fleurs, la sauterelle sera repue et le câprier donnera son fruit, tandis que l’homme s’en ira vers sa maison d’éternité et que les pleureurs défileront déjà dans la rue].

71.

Juvénal (Satire xiv, vers 56‑58) :

Unde tibi frontem libertatemque parenti,
cum facias peiora senex vacuumque cerebro
iam pridem caput hoc ventosa cucurbita quærat ?

[D’où pourras-tu prendre le front et le libre langage d’un père quand, vieillard, tu fais pis encore, et que ta tête, vide de cervelle, réclame depuis longtemps des ventouses ?].

72.

« Comme est légère la part du vieillard à la vie ! » (Maximien l’Étrusque, poète latin toscan du vie s., Élégie i, vers 16).

73.

Juvénal (Satire x, vers 198‑199) :

Una senum facies. Cum voce trementia membra
et iam leve caput madidique infantia nasi
.

[Les vieillards sont tous pareils : leur voix tremble, et leurs membres aussi ; plus de cheveux sur leur crâne lisse ; leur nez coule comme aux enfants].

74.

Maximien l’Étrusque (v. supra note [72], Élégie i, vers 145‑149) :

Si libros repeto, duplex se litera findit ;
Largior occurrit pagina nota mihi.
Claram per nebulas videor mihi cernere lucem ;
Nubila sunt oculis ipsa serena meis.
Eripitur sine nocte dies
.

[Si je reprends mes livres, chaque lettre me paraît double et ma page préférée me semble plus grande. Je crois voir un jour clair à travers la brume, car les nuages paraissent un ciel pur à mes yeux. Le jour s’éteint parfois quand la nuit n’est pas tombée].

75.

V. note [20], lettre 442, pour le vieil avare Euclion dans La Marmite de Plaute.

76.

V. note [2], lettre 661, pour l’asthme (suspirium) de Sénèque le Jeune, qu’il appelait préparation à la mort (meditatio mortis).

77.

La chiragre est la goutte de la main, la podagre celle du pied et la panagre celle du corps tout entier.

78.

V. note [31], lettre 99, pour une variante et le commentaire de ce passage mentionnant Dardanus.

Salus divinité romaine du salut et de la santé, était fille d’Esculape (v. note [5], lettre 551).

79.

Sénèque le Jeune (Lettres à Lucilius, épître lxxiv) :

Maximi dolores consistunt in macerrimis corporis partibus : nervi articulique et quidquid aliud exile est acerrime sævit cum in arto vitia concepit. Sed cito hæ partes obtupescunt et ipso dolore sensum doloris amittunt, sive quia spiritus naturali prohibitus cursu et mutatus in pejus vim suam qua viget admonetque nos perdit, sive quia corruptus humor, cum desiit habere quo confluat, ipse se elidit et iis quæ nimis implevit excutit sensum. Sic podagra et chiragra et omnis vertebrarum dolor nervorumque interquiescit cum illa quæ torquebat hebetavit ; omnium istorum prima verminatio vexat, impetus mora extinguitur et finis dolendi est optorpuisse.

[Les plus vives douleurs intéressent les parties les plus maigres du corps : les tendons et les articulations, ainsi que tout autre point délicat, se déchaînent quand ils ont engendré des lésions dans un espace confiné ; mais ces mêmes parties s’engourdissent promptement, et abolissent le sens de la souffrance par la douleur elle-même : soit que l’esprit vital, détourné de son cours naturel et dégénéré, perde la vigueur par laquelle il nous anime et nous donne le sentiment ; soit que l’humeur corrompue, ne trouvant plus à circuler, se recroqueville sur elle-même et frappe d’insensibilité les endroits où elle a afflué en excès. C’est ainsi que la podagre et la chiragre, {a} de même que toutes les douleurs des vertèbres ou des tendons, ont des intermittences lorsqu’elles ont émoussé les parties qu’elles tourmentaient : les premiers accès de toutes ces maladies sont douloureux ; mais leur violence s’épuise avec le temps et la souffrance qu’elles causent finit par l’engourdissement].


  1. V. note [4], lettre 553, pour deux amusants vers de Martial sur les gouttes du pied et de la main (podagre et chiragre).

80.

Maximien l’Étrusque (v. supra note [72], Élégie i, vers 209‑210) :

Hæ sunt primitiæ mortis ; his partibus ætas
Defluit, et pigris gressibus ima petit
.

[Voilà les prémices de la mort ; voilà comme notre vie s’écoule et descend à pas lents vers la tombe].

81.

Juvénal (Satire x, vers 232‑236) :

Sed omni
membrorum damno major dementia, quæ nec
nomina servorum nec vultum agnoscit amici
cum quo præterita cenavit nocte, nec illos
quos genuit, quos eduxit
.

[La démence surpasse toutes les infirmités du corps : on n’y connaît plus les noms de ses esclaves, ni le visage de l’ami avec lequel on a soupé la veille, ni les enfants qu’on a engendrés, qu’on a élevés].

82.

Sénèque le Jeune (Lettres à Lucilius, épître lviii) :

De hoc tamen quæremus, pars summa vitæ utrum fæx sit an liquidissimum ac purissimum quiddam, si modo mens sine injuria est et integri sensus animum juvant, nec defectum et præmortuum corpus est.

[Demandons-nous cependant si la dernière partie de la vie en est la lie ou, au contraire, ce qu’elle a de plus limpide et de plus pur, pourvu que l’intelligence soit sans défaut, que des sens intacts secondent l’esprit, et que le corps ne soit ni défaillant ni mort par anticipation].

83.

Platon (Le Banquet, 219a ; traduction de Victor Cousin, 1831) :

Η τοι της διανοιας οψις αρχεται οξυ βλεπειν οταν η των ομματων της ακμης ληγειν επιχειρη συ δε τουτων ετι πορρω.

[Les yeux de l’esprit ne commencent guère à devenir plus clairvoyants qu’à l’époque ou ceux du corps s’affaiblissent, {a} et cette époque est encore bien éloignée pour toi].


  1. Tunc mentis oculus acute incipit cernere, cum primum corporis oculus deflorescit.

84.

Sénèque le Jeune (Lettres à Lucilius, épître lviii) :

Paucos longissima senectus ad mortem sine injuria pertulit, multis vita sine usu sui jacuit.

[Une très longue vieillesse en conduit bien peu sans dommage à la mort ; quand chez bien des gens la vie s’allonge sans profit pour soi-même].

85.

Sénèque le Jeune (Consolation à Marcia, chapitre xix, § 5) :

Mors dolorum omnium exsolutio est et finis ultra quem mala nostra non exeunt, quæ nos in illam tranquillitatem in qua antequam nascemur jacuimus reponit.

[La mort délivre de toutes les souffrances, elle est la limite où nos maux s’arrêtent, elle nous replonge dans cette tranquillité où nous gisions avant de naître].

86.

Sénèque le Jeune (Consolation à Marcia, chapitre xx, § 1) :

O ignaros malorum suorum, quibus non mors ut optimum inventum naturæ laudatur expectanturque !

[Ô comme sont ignorants de leurs maux, ceux qui ne bénissent et n’attendent pas la mort comme étant la meilleure invention de la nature !]

87.

Proverbe latin.

88.

Troisième fils d’Aubin Lesné, maître en la Chambre des comptes, Jean Lesné (ou Laisné) avait été reçu en 1613 conseiller au Parlement de Paris, en la première Chambre des enquêtes ; mort en 1672, son blason était « d’azur à la salamandre d’or, au chef d’or chargé de trois trèfles de sinople » (Popoff, no 1505). Sans doute écrite par Paul Courtois, cette dédicace, ornée du blason susdit, est dans le style enflé et adulatoire qui était alors de mise pour ce genre d’exercice.

89.

Aristote (Rhétorique, livre iii, chapitre xi, § 5) :

« C’est ainsi qu’Archytas a dit : {a} “ Un juge et un autel sont la même chose, car vers l’un comme vers l’autre se réfugie l’homme qui a subi une injustice ”. »


  1. Archytas de Tarente (en Grande Grèce, v. note [67] du Faux Patiniana II‑1) est un politique et philosophe pythagoricien grec du ive s. av. J.‑C.

L’épître de Paul Courtois regorge de locutions empruntées aux classiques latins (Cicéron, Valère Maxime, etc.) ; mais on a renoncé à les relever pour ne pas surcharger d’annotations un texte qui n’en manque pas et qui n’est pas de Guy Patin (sans toutefois pouvoir affirmer qu’il n’y a pas mis tant soit peu la main).

90.

Probable allusion à la crise politique qu’Omer ii Talon a relatée au début de ses Mémoires (volume i, pages 8‑9) : dans les mois qui avaient suivi la journée des Dupes (11 novembre 1630, v. note [10], lettre 391), Richelieu avait contraint Gaston d’Orélans à fuir en Lorraine, affirmant que ses intrigues menaçaient la Couronne de guerre civile, et voulant, pour mieux assurer son emprise sur Louis xiii, semer la discorde dans la famille royale.

« M. le duc d’Orléans s’étant retiré de la sorte le dernier janvier 1631, M. le cardinal de Richelieu voulut {a} faire déclarer criminels de lèse-majesté ceux qui lui avaient donné ce conseil ; mais l’affaire ayant été partagée en opinions, le roi s’offensa infiniment de cet arrêt de partage  et après avoir maltraité le Parlement sur ce sujet, il chassa trois officiers : deux présidents des Enquêtes et un des conseillers, ainsi qu’il est fait mention dans le registre ci-attaché du 14 mars 1631. En ce même temps, le roi ayant été à Compiègne, la reine mère {b} voulut être au voyage, mais elle n’en retourna pas ; le roi la laissa dans le château de Compiègne, et mit des gardes entre Paris et Compiègne, afin de l’obliger de faire ce qu’elle fit deux mois après ; savoir est de se retirer en Flandres, et par ce moyen, faire ce que M. le cardinal de Richelieu désirait en effet, de quitter le roi et lui faire croire qu’elle était en bonne intelligence avec M. le duc d’Orléans. M. le cardinal de Richelieu était par ce moyen devenu le maître absolu dans le royaume, et n’avait plus rien à faire qu’à se garantir des inquiétudes de l’esprit du roi, qui était jaloux de son autorité et plein de soupçons, en telle sorte que dans l’événement {c}, le maître et le valet se sont fait mourir l’un l’autre {d} à force de s’inquiéter et de se donner de la peine. »


  1. Fort machiavéliquement.

  2. Marie de Médicis.

  3. À la fin.

  4. En mai 1643, pour le maître (Louis xiii), et en décembre 1642, pour le valet (Richelieu).

L’arrêt du 14 mai suivant (volume i, page 321), sous-titré Ce qui s’est fait au Parlement durant l’affaire de M. le duc d’Orléans, quand il se retira en Lorraine en l’année 1631, et qu’il y eut partage d’opinion pour savoir s’il serait déclaré criminel de majesté, et que sur ce, il y eut des officiers du Parlement exilés, commence par donner les noms des proscrits :

« Ce jour, les députés des chambres des enquêtes et requêtes du Palais ont dit, par Me Jean Le Clerc, conseiller en icelle, qu’ils ont été avertis qu’à Messieurs Pierre Gayant {a} et Jean-Jacques Barillon, {b} conseillers en icelle, et présidents en la première Chambre des enquêtes, et Jean Laisné, aussi conseiller en ladite Cour, a été envoyé mémoires de la part du roi pour eux retirer, savoir : ledit Gayant à Bourges, ledit Barillon à Clermont en Auvergne, et Laisné à Limoges. »


  1. V. note [6], lettre 127.

  2. V. note [24], lettre 39.

V. note [27] du Faux Patiniana II‑6 pour le Siècle d’or.

91.

V. note [1], lettre 1.

92.

V. l’alinéa 1 de la notice sur Baron dans la Bibliographie, pour le plan des thèses en cinq articles, et note [19], lettre 376, pour ce qu’étaient les propositions majeure et mineure d’un syllogisme en scolastique.

93.

V. note [11], lettre 3.

94.

Lettre d’Hippocrate à Damagète (Littré Hip, volume 9, pages 373‑375). De ses longues études et réflexions sur les Lettres, décrets, discours à l’autel, discours d’ambassade d’Hippocrate, Littré a déduit dans son Argument (pages 308‑309) « que ces pièces ne méritent aucune confiance, qu’elles sont apocryphes, et l’œuvre de faiseurs de pièces fausses. » Quoi qu’il en soit de son authenticité, cette lettre, où Hippocrate rapporte à Damagète une conversation qu’il a eue avec le philosophe Démocrite (v. note [9], lettre 455), a amorcé la méditation de Guy Patin :

« Ne vois-tu pas aussi que le monde est plein d’inimitié pour l’homme, {a} et a rassemblé contre lui des maux infinis ? L’homme n’est, de naissance, que maladie : {b} en nourrice, il est inutile à lui-même et demandant secours ; ayant grandi, il est méchant, insensé et remis à des maîtres ; adulte, il est téméraire ; sur le déclin, il est misérable, ayant semé par sa folie les maux qu’il recueille. Le voilà en effet tel qu’il sort du sein sanglant de sa mère. Puis les violents, pleins d’une colère sans mesure, vivent dans les malheurs et les combats ; les autres dans les séductions et les adultères ; d’autres dans l’ivresse ; ceux-ci à désirer ce qui est à autrui, ceux-là à perdre ce qui est à eux. »


  1. C’est Démocrite qui parle.

  2. ολος ο ανθρωπος εκ γενετης νουσος εστι.

Ce sujet n’était pas original ; il avait par exemple déjà été traité dans une thèse quodlibétaire que le bachelier Durand François Yon (qui faisait partie du jury de 1643, v. supra note [a]) avait disputée le 15 novembre 1635 sous la présidence de Michel Toutain (v. note [19], lettre 172) : Estne totus homo a nativitate morbus ? [De naissance, l’homme n’est-il pas tout entier maladie ?] (conclusion affirmative).

95.

V. note [7], lettre 7.

96.

V. note [50], lettre 101.

97.

V. supra note [a], et ce qu’en ont écrit Charles Patin et Jacob Spon dans la Préface de la première édition des Lettres (1683).

98.

V. note [56], lettre 348.

99.

V. la lettre de Guy Patin à Charles Spon du 18 janvier 1644.

100.

V. notes :

101.

Guy Patin a signalé la 5e édition de sa thèse dans ses lettres du 16 mars 1645 à Claude ii Belin et du 1er mars 1646 à Bernhard von Mallinckrodt.

V. note [3], lettre 107, pour les Epistolicæ quæstiones… [Questions épistolaires…] de Jan van Beverwijk (Rotterdam, 1644) où toute l’Europe savante a pu lire la thèse de Patin.

102.

Éloy :

« Le François (Alexandre), de Paris, prit le bonnet de docteur en 1708, dans la Faculté de médecine en l’Université de sa ville natale. Il s’est distingué par des ouvrages qui ne respirent que le bien public et la réforme de sa profession. Mais toutes bonnes qu’aient été ses vues, elles n’ont fait qu’une impression passagère : comme il ne fallait rien moins que le concours de l’autorité souveraine pour donner de l’activité à ses projets, ils sont demeurés sans effet, parce qu’ils n’ont point été goûtés du ministère. »

s.

Vitam nullus acciperet si daretur scientibus ; ad eam enim cui patet ingressus, patet et ad miseriam ; nec quo longior, melior, sed quomodo fabula, ita et vita : quam bene, non quam diu acta sit refert. Primo respondet ultimus dies ; utque illam a doloribus auspicamur, sic ab ea vi laborum ejicimur. Medii temporis cursus vix motu tranquilliore peragitur : hunc nobiscum dividit somnus, et pars æqua morti similis exigitur aut pœnæ, nisi contingit quies, reliquum tenent tormenta. Undique mala circumstrepunt, ubique bellum et insidiæ, nullibi induciæ, omnis dies, omnis hora nos mutat. Mundus in unius hominis gratiam factus, videtur odio in ipsum plenus, ut per ea perniciem creet, per quæ nos tuetur et sustinet. Quin et putre hoc corpus, animi pondus ac pœna, tam male convenit nobis, ut quod evenit in alieno habitantibus, semper aliquid supersit aut desit. Hinc crebri dolorum morsus et innumeri morbi, qui vel silentio subeunt, vel aperto Marte grassantur et sæviunt. Neque enim tam vario genere vivimus, quam ægrotamus ; et mors ut semel jugulet sæpe nos experitur. Quid quod non raro transferuntur morbi, nunquam vero sanitas ? Dubium quoque an Natura melior Parens, an tristior noverca fuerit ? brutis indulsit animas, nobis animum quoque ; sed sæva mercede contra tanta sua munera : nam ut multi sint à corpore morbi, adhuc tamen plures ab animo. Neque vero acuendum est ferrum aut temperanda sunt venena, ut partis utriusque infirmo vinculo cohærens societas dirimatur : levi quippe externarum injuriarum afflatu vita exuimur, peneque in id videmur nasci, ut vita defungamur. Nec a solis morbis afficimur : facessunt et negotium illorum prodromi : ipse somnus, alias pars humanæ melior vitæ, etiam valentibus aliquid grave et periculosum minatur, ut et pervigilium, oris amaror, et ανορεξια, biliosæ impuritatis propagines : sudores humidioris hepatis indices : necnon ipsa sitis, sive sit à Ventriculo, sive a Pulmone. Lassitudo multis modis nocet, quæ cum triplex sit corporis, et ad cujus depulsionem tota Medicina requiritur ; est et ingenii, nec illa levis, imo supplicium insolens, et sedentium ad libros miserum stipendium. Viri etiam robustissimi non carent morbi suspicione, nec sunt extra omnem aleam : et sua sunt illis incommoda, parque per omnes tempestas : Imo et ipsa Athletarum euexia periculi plenissima est, nisi statim solvatur : quidquid ad summum pervenit, ad exitum properat. Speciosa illa sanitas lubrica est : quin et ipsi bene colorati debent habere suspecta sua bona, ut et gladiatores suam saginam : qui enim foris splendent, intus sæpe sordent. Humanæ vitæ mimum componunt atque perficiunt grandia non minimis gaudia mixta malis : nullum tempus excipitur : medio de fonte leporum surgit amari aliquid quod in ipsis faucibus angat ; bellum in media pace consurgit, invadit temperatissimos morbus, validissimos febris ; et morbi causas si alia deficiunt, nimia sibi felicitas invenit. Neminem eo bona valetudo provexit, ut non tantum illi minaretur quantum permiserat : sed huic malaciæ ne sidito : mare momento vertitur : eodem die ubi luserunt navigia, sorbentur ; extrema gaudii luctus occupat. Ad hæc, præter solida mala quæ sæpe muliebriter ferimus, sæpius ad opinionem dolemus, et tam æger est quisque quam credit. Has tamen inter vitæ-ne an mortis moras ? homo æquè superbum ac caducum animal, quasi non sentiat ire se, vel rapi eò quò eunt omnia, sibi æterna proponit, et in quantum potest ætas humana protendi, spe ac votis occupat : quodque miserrimum, quanto illi vita fragilior, tanto ejus libido effusior : ut cum singuli dies tantumdem in mortem conferant, demens ultimum exhorrescat, eoque instante, ulteriorem, si quem possis assuere, omni pretio coemat.

t.

In semine, e quo partes solidæ fiunt, et in sanguine menstruo, quo constant alunturque carnosæ, suas habent radices tam multa quibus conflictamur incommoda, latentque morborum et mortis germina, quæ et paria his ex quibus orta sunt, faciunt, et cito cum corpore adolescunt. In illo viget repugnantia primordiorum, quæ ut vivendi causæ sunt, ita et viæ mortis ; nec minus morborum elementa, quam corporum ; ac licet in permistionem quodammodo paria venerint, brevi tamen, impari prælio sese vehementer exagitant ; et dum in nos intus forisque sæviunt ; sanitatem quam fecere subvertunt : adeo insita est ex contrariis origo. Est et a semine insitus calor, qui eadem manu nos fovet ac conficit ; et quia salutarem humorem sua efficientia furtim, sed avidius carpit, ipsum quoque se perimit : ita ut qui author est vitæ, idem sit et necis. Sanguis maternus, in quo et aliquod semper elementum regnat, dum corporis nostri partes alit, eas quoque suis vitiis imbuit : et quamquam ea levius quam semen in corpus inserat, maternos tamen affectus sæpius referimus quam paternos : fere enim parentum in natos abeunt cum semine mores et morbi, vix ullis deinceps machinis abigendi ; et quæ conditio est seminis, non raro plus reddit quam acceperit. Hinc fatui fatuos generant, et qui vexantur arthritide, calculo, phthisi, epilepsia, elephantiasi, syphilide, liberos edunt adeo similibus injuriis obnoxios, ut prius in sui perniciem experiantur mala, quam eorum possideant bona. Hæc sunt Medicorum opprobria, hi affectus, in quos temporis non est præscriptio. Ad eorum censum ne referas pueris et mulieribus familiares papulas, Hippocrati et Galeno indictas et incognitas, non ab ulla sanguinis menstrui portione, non a maligna aëris qualitate, nulloque cæli aut aëris vitio in humanam gentem sæviente vel propagato, sed ab insigni humorum putredine ortas, quæ licet sese tantum prodant in cute, quam vel describunt maculis, vel in pustulas attollunt ; nihilominus in alto malum est, et in visceribus sedet. Ab iis non sunt immunes quibus e resecto umbilico copiosus sanguis effluxit, sed potius quibus primo vitæ biennio pulticulæ usus substractus. Præcipua curationis spes posita est in phlebotomia, quæ vel ineunte morbo, etiam in lactentibus, imo et in tenellula ætate, bimestribus, trimestribusque, vel post eruptionem (quam si difficilis fuerit, apprime juvabit egelidæ aquæ balneum) cito, tuto et intrepide administrata fert omne punctum. Frustra propinaveris lapidem bezoardicum, tam artis quam artificis scandalum : frustra stillatitias illas aquas de ulmaria et carduo benedicto, de quibus quæ dicuntur, nugæ sunt, verbaque inania ; frustra decoctum lentium, vel hidrotica ; frustra et famosas illas confectiones de cocco baphico, et hyacintho, non tam ad valetudinem repertas, quam excogitatas ad pompam (quasi Medicina artium præstantissima, alieno et fucato illo splendore indigeret) nullo nomine cardiacas, titulo quidem speciosas, sed effectu inanes, quæque ad morborum curationem non magis valent, quam nænia præficæ ad excitandos mortuos. In hoc sensu aurum repono, nulla alia qualitate cardiacum, quam quod mentem exhilaret.

u.

Totus hic orbis valetudinarium est, sed in quo πολλαι μορφαι των ατυχουντων : quippe hominem tot undique circumstant morborum ideæ, ut ab ilis vix momento sit liber. Nonnulli certis sæculis prodeunt, occidunt, ut Gemursa ; et patrum memoria, certis Europæ regionibus cum Ægypto commune malum, quod cum olim in Reges incidisset, populis erat funebre, crudeli et inutili remedio, balneo ex humano sanguine parato : nec vero utilior ευνουχισµος, sed nec hydrargyrus, fatuæ Chymistarum gentis Idolum vanissimum. Quidam infausta peregrinatione huc illuc vagantur : sic luem illam Hispanicam, horrendum scortatorum flagellum, Europæis advexit India, Indis vicissim variolas misit Europa, altera alteri malas merces. Habet unaquæque regio privata commoda, sed habet et privatos morbos ; sic Hispaniam infestat struma, sic Poloniam plica, sic Balthici maris acccolas Scorbutus. Tempestatum vicissitudine morbos quos creant singulæ non tam deponimus, quam mutamus. Hyems scelerato frigore necat. Ver morborum infinito numero. Æstas immodoca siccitate, vitæ principia depopulatur. Autumnus, Libitinæ quæstus acerbæ, fructuum proventu morbos creat atrocissimos. Ipsi quoque humores quæ debent fovere sanitatem sæpenumero labefactant. Ita sanguinei desipientiæ obnoxii. Pituitosi asino tardiores et hyeme Gallica frigidiores, nihil aliud sunt quam ετωσιον αχθος aρουρης. Melancholici miseri, causarii, pertinaces, omnia tuta timentes, atris tenebris et carcere cæco conclusi, nigri humoris potenter dominantis ανωµαλια, vulgo Medicorum crucem figentes. Soli biliosi, si temperati corpore, mente valent, ingeniosi, fortes, optimi. Quid multa ? etiam morbus est aliquis per sapientiam mori : morbis enim quoque quasdam leges Natura imposuit. Vere vix incipit Quartana, quæ ubi est autumnalis, fere annua est, aut lethalis. Pestis, Mauritaniæ vastatrix, parcit Occidentali Æthiopiæ, licet fervidissimæ : minime senibus, ut somniavit Plinius : at ubi affligit, qualiacumque adfuerint symptomata, nunquam ante coctionem purgandum : eam quicumque amuletorum usu expugnare nituntur, aut occulta virtute agentibus, non tam veratro indigent, quam vinculis Hippocratis. Quidam in servitia sæviunt morbi, quidam et in proceres, ut mentagra olim nobilium pœna. Sed et qui separantur sexu, separantur et morbis. Viri esto sciant quantum possit unus Uterus, certe non experiuntur. Hæmorrhois viris interdum purgatio, interdum ut et mulieribus morbus est. His alias pepercit Arthritis, nunc familiaris, non mutata natura, sed vita ; scilicet beneficium sexus sui vitiis perdiderunt ; et quia feminam exuere, damnatæ sunt morbis virilibus. Ex morbis quoque aliqui totius sunt corporis, ut febres, fere à bile omnes, quarum aliæ quinto et septeno circuitu repetunt, aliæ quotannis natali die. Aliqui singularum sunt partium, quæ et communibus tentantur morbis, ut omni intemperiei et tumorum genere, inflammatione, abscessu, vulneribus (quorum medelam nihil promovet unguentum hopliatricum : nec militaris ille pulvis sympathicus) et seorsum quoque propriis exercentur affectibus. Inter Capitis vitia sunt cephalæa, phrenitis, melancholia, vertigo, lethargus, typhomania, fatuitas, epilepsia, paralysis, apoplexia, cui præsenti remedio est jugularium sectio, non tabacocapnia, non excitata febris, non vinum ex stibio vere stygium et tartareum venenum, inhumanum et lethale Paracelsi et Agyrtarum inventum, cujus maleficio non tam sordes eluuntur, quam venæ aperiuntur et viscera discerpuntur. Ita quæ in eo sedem habet facultas animalis non tot se prodit functionibus quod patet injuriis. Multis modis sed maxime imperitis illudit Incubus, quem inepti nonnulli in spectra, nocturnos lemures, lamias, et sagarum ludibria stolide rejiciunt. Oculus, animi index, pars tantula, tot sustinet morbos, ut nedum constet de numero. Nasum obsidet putre ulcus Ozæna dictum, quo qui laborant, ipsi tum sibi graveolent putiduli, tum vicinis tetri spiritus contagione molesti sunt. In illis puris acredo tenella ossa arrodit atque exedit insigni deformitate, exesumque palatum sæpe perforat. Ejusmodi ulcus fere carcinωdes est, aut venereum, aut strumosum, aut elephanticum : utut sit, miseri homulli medicina indigent, sed violenta, ferro et flamma. Plura dicam : animum ipsum ex Nasi purulentia infici volunt Physiognωmones, unde illis est axioma ; Corruptum Nasum sequitur corruptio morum, quod est probabile : ex isto enim Nasorum genere, qui rancidulo ore loquuntur, hoc est αηδως και δυσχερως, vulgo nebulones sunt, ridiculi, effrænes, nefarii, ardeliones, vafri, dolosi, obscæni, turbulenti, mendaces, maligni, invidi, quadruplatores, flagitiosi, infames, contumeliosi, facinorosi, nulla virtute redempti, a vitiis ægri solaque libidine fortes, industria ficti, et a Natura facti ad fraudem et calumniam. E tot affectibus qui Thoracis ambitu continentur, cave ab hæmoptysis et inflammatione pulmonis ; nec minus lethales sunt hydrops thoracicus (quem pulmonei pedes demonstrant, quemque hydragogωn usu tollere qui nititur, tortorem agit, non Medicum) angina vera, pleuroperipneumonia, empyema, nisi statim fiat sectio : crudum tuberculum, natura sua immedicabile, cujus index est pulsus intermittens et inæqualis in omni genere inæqualitatis ; Cordis palmos, a grumo sanguinis, ut et phthisis, et vomicæ putres, ab his enim subitæ mortes atque intestata senectus. Cor quibus lienosum est, salit sæpe, et momento interimit. Revera Ventriculus plurimis urgetur symptomatis, nec fere multo paucioribus morbis : at quæ illi passim tribuitur Imbecillitas, nudum et inane nomen est, cujus curationem frustra per adstringentia, moliuntur Empirici, divinæ artis quam profitentur ignari. Jecur viscus est fœcundum humoribus, magis vero morbis : ab hoc fere equuleo magis formidandus crudelis Rheumatismus, qui sudorificis exacerbatur. Quæ sit vis Lienis, quot morborum sit author, disce ex hypochondriacis et insanis. Uterum divinam luxuriantis Naturæ favissam pene infiniti male habent affectus, in quibus familiam ducunt atque supereminent, inflammatio, cancer, ροος γυναικειος, abortus, ulcus, µητροµανια ; quodque omnem prope fidem superat, strangulatus, adeo terrificus, ut eo correptæ, dyspnœa præfocante, faucium intumescentia, et membrorum concussione, a male morato Utero, stultis et credulis temere judicantibus falso putentur δαιµονιζεος. Pudendarum partium magis pudendos morbos, pudor hic non sinit adscribere ; vel ipsa Urethra, si fascini, sane non est morborum expers : adstites glandulæ gonorrhœam fundunt virulentam, ubi tetri virus afflatu inflammantur ; ut ea de causa huic etiam inveteratæ pulchre medeatur venæ sectio e brachio, quæ luem veneream nunquam excitavit, quidquid garriant imperiti Medicelli. Per Naturam homo homini Lupus, ut per Medicinam homo homini Deus : etiam homini multa a seipso mala ; sed et multa ab alienis animalibus intus forisque grassantibus ; quosdam enecat nepa, alios rabies, quæ ut in cane et lupo, quidni et sponte excitari possit in homine ? et vero etiam aliqua sinu suo fovet in perniciem : quippe nascuntur in venis dracunculi, fere ubivis vermes, qui et eminguntur et emunguntur. Ipsi pediculi Regibus, Philosophis et Tyrannis vitam adimere : aliis serpentes, qui interdum magna copia erumpunt e corpore. Scire vis an aliqui quoque sint ætatum morbi ? totam vitam tracta.

v.
Punctum est quod vivimus, vel puncto minus, et tamen Natura in tam angusto plures posuit gradus. Vix concepti et inchoati hominis signa sunt mille matris tædia (tam magno empta brevis voluptas) pica, incubus, spasmus et puræ mulieres id facilius sentiunt quam impuræ. O frivolam hominis originem ! sæpe Uterus ei pro tumulo est, et plerumque vel abortus causa fit odor a lucernarum extinctu ; his principiis nascuntur Heroës, nulla lege ab iis dissimiles, quibus interdum ante mortem erumpunt ulcera, qualia olim Lysandro Laconi, a nigræ bilis dominatu. Est et ubi velut ante miserias miser, in utero ejulantis vocem emittit. In partu quid non metuendum ab imperita obstetrice ? et a partu, quid non ab aliena nutrice ? quanquam nec tutum puerperæ lac, a quo fiunt colostrati infantes, quemadmodum a biliosæ nutricis lacte calculus. Ut hoc maternorum viscerum latens onus spiritum ducat, pene mater exspirat. Pudet referre quam immerito natalium nobilitate glorientur homines ; fœdum, sed tamen verum, nonnunquam ipse Uterus prurit ac ebullit vermibus, ut cum iis ceu cum gemellis, eadem sint Tyrannis ortus incunabula. Natus homo, Solstitialis velut herba solet, aut ostenditur simulque rapitur, aut primum vitæ tempus dat lacrymis tam juste cadentibus, ut hoc ipsum flere nascentis sit : strictos subinde gladios experitur ; imo nec sine his in vitam asseritur : mox quæ ne feras quidem inter nos genitas, illum excipiunt vincula, quem aliquando non capient regna. Vide an in ætate nostra quod optimum primum est ? fari, vesci, ingredi nescit animal cæteris imperaturum, et hanc vitæ partem quadrupedi similem facit. Neque interim tam teneris membris parcunt morbi, sed pusionem vel adhuc a matre rubentem adoriuntur. Palpitans vertex achoribus, hydrocephalo et siriasi premitur, aures humiditate diffluunt, quarum vicinas glandulas prava επιγενεσι opprimunt parotides, vera meraque βλαστηµατα των ενεοντων, vix unquam bonis ægrorum rebus apparentes, nisi geminæ fuerint, ut Dioscuri solent, prosperi cursus navigaturis prænuncii. Nondum firmum cibis os aphthis scatet, pulmo quintana tussi, ferina et contumaci, a sero maligno et ατεραµνω, e venis exsudante ; Ventriculus vomitu rumpitur, alvum vexant tormina, Umbilicum inflammatio, mentem vigiliæ et pavores. Dentientem torquent convulsiones, gingivarum pruritus, febres et diarrhœæ. Natu majori inflammantur tonsillæ, luxantur vertebræ, generantur in intestinis lumbrici, amaris seminibus, acidis, oleaginosis, aut Mercuriali aqua necandi, solis vero purgantibus ex alvo deturbandi ; in Vesica calculus, nullo λιθοντριπτω frangendus ; asthmata neque emeticorum, neque diureticorum usu curabilia : strumæ, quæ si ulceratæ fuerint, malignæ, contagiosæ et immedicabiles habendæ, nisi vis major et Metaphysica, nempe Christianissimi Regis salutares manus intervenerint : toto corpore scabies et furunculi, ad quorum medelam unica επαφαιρεσιστε και επικρασις. Pueritia adeo morborum ferax est, ut nullus optet ad eam reverti. An etiam quia tunc desideratur sapientia ? quæ nunquam præcox vel si barbam anteeat. Per hanc hæmorrhagiæ et febres diuturnæ affligunt, et qui morbi ea ætate non solvuntur, et inveterascere solent, et obfirmari : nec attinet quod tum maxime sequax corpus luculentum capiat incrementum : posse crescere, nonne imperfectæ rei signum est ?

w.

Quæ sequitur ætas licet temperatissima sit, ac iam pueritiæ vitia despumarit, pessimos tamen affectus invehit, cuiusmodi sunt morbus major, nonnunquam a flatu, tabes, cruentæ spuitiones. Cum in viros evasere, pulmo infestatur peripneumonia, thorax pleuritide, deterioris in sinistro latere ominis, alvus dysenteria, et diarrhœa : cruciant demum causus et cholera, cum sub pectore mascula bilis intumuit, quam vix extinxerit urna cicutæ ; quorum soli atque legitimi vindices sunt venæ sectio et frigidæ potus. An prodest illa virium firmitas ? tardum dictu, sub quanam cute lateat beatum ingenium ; nam et animi vigor cum corporis viribus minuitur, et nimio robore membrorum hebescit, quasi supra mortalem sit felicitatem, eundem et valentissimum esse et sapientissimum. Inclinante ætate bilis atræ sit proventus ; unde Quartana non minus infortunata, quia biduo medio intervallatur, et in qua µια µητρυια, δυο µητερες, ex Phavorino, cum sit juvenibus tormentum, senibus mors, eoque citius si continua fuerit ; malum contumax et fere plusquam corporeum, cuius curationem frustra suscipias pavore, maleficio, vomitu, imo nec purgantium usu, nisi præsente πεπασµω : ob id quoque sanguis, qui alias spumanti ore evomebatur, per anum fluit, idque maxime εκ της ακρατοποσιης. Interea obrepit non intellecta senectus ; mala merx, mala ætas, et adhuc juventutem cogitantibus supra caput est : nihil habet quod speret, quem illa ducit ad mortem, huic uni intercedi non potest. Cum universo pondere incubuit, nullo genere homines atrocius moriuntur, sed nec diutius : inde est quod nec vivere nec mori volunt : vitæ illos odium tenet, timor mortis, qui quoties mentem percutit, palpitantibus præcordiis vivitur, maxime si climactericus annus, sapienti nequicquam formidabilis. Quanta senem circumveniunt incommoda ! tunc enim floret amygdalus, impinguatur locusta, dissipatur capparis : mors illi est requies, vivere pœna gravis. Siccum et vacuum cerebro caput, subiectas partes humoribus obruit, tentatur et vertigine ; quæ ut præit apoplexiam ; ita hæc si solvatur, fere in paralysin desinit. En senibus vitæ portio quanta manet ! hebescunt sensus, cum voce trementia labra, in facie pallor, madidique infantia nasi ; si libros repetit, duplex se littera findit, eripitur sine nocte dies, nisi succurant oculi vitrei ; præmoritur odoratus, auditus, incessus, exangui et funereo Euclioni dentes suis excussi alveolis balbutiem pariunt. Thoracem quatit prava tussis, ut et suspirium, non minus æque quam Philosophia, meditatio mortis nuncupandum : renes et eorum ductus carnifex calculus, vesicam dysuria (quæ si contumax fuerit, sola sectione ad perinæum curabilis) artus διαθεσις ρευµαθωδης, articulos lapidosa chiragra, nodosa podagra ; imo interdum assiduo ægrorum cruciatu, παναγρα. Si sanguis copiosus Cor obruat, fit Syncope cardiaca veterum, a qua subito suffocatur animal, eodem modo quo Apoplectici : istam nulla valet Medicina repellere pestem, nequidem ipsæ artes Dardaniæ : imo nec ipsa Salus si cupiat. Etiam gelidus sanguis cutem urit pruritu, et maligna impetigine : totum denique corpus non ante torqueri desinit, quam dolore sensum doloris amiserit. Hæ sunt primitiæ mortis, sic illis defluit ætas, queis pœna est totum quod vivunt. Accedit omni membrorum damno major dementia : nam senibus exprobratur infantia, quasi pars summa vitæ, vitæ ipsius fæx sit : pauci quippe sunt qui cum sentiant ætatis iniuriam in corpore, non sentiant in animo, vixque tum mentis oculus acute cernit, cum corporeus deflorescit : at certe multis iners vita sine usu jacet sui : ita ut sibi sint odio, cæteris graves, tumque nihil optabilius, quam quæ est in propinquo Mors, omnium dolorum et solutio et finis, ultra quam mala nostra non exeunt ; optimum Naturæ inventum, unica tot ærumnarum clausula, et ultima vitæ linea. Ita nascentes morimur, finisque ab origine pendet.

Ergo totus homo est a natura morbus.

x.

Illustrissimo, integerrimoque viro D.D. Joanni Lesné in suprema Galliarum Curia Maioris Ordinis Senatori.

Dicebat Architas Iudicem et Aram idem esse proptereaquod afflicti pariter ad utrumque confugiunt. Ego vero, Vir illusstrissime, omni licet molestia vacuus sim, opem tamen imploro tuam, quia præsentio nec gloriosum, nec faustum mihi fore huius certaminis Medici exitum ; nisi me in tuam recipias clientelam. Id ut a te sperarem, fecit hactenus usurpata oculis affabilitas : magis vero amor atque benevolentia singularis erga Musarum Alumnos quos ubique complecteris, ipse eruditionis Oceanus. Invitavis et omne virtutum genus suis blande trahens illecebris : Quem enim ad se non rapiant rarus ingeni candor, summa vitæ comitas, civilitas mira, integri, liberales, et omni suavitate temperati mores ; quæ omnia non possunt non esse in Te splendida, cum sint tuæ genti familiaria planeque domestica. Non commemoro mentis acumen, collectam multo rerum usu prudentiam, et cætera animi tui ornamenta quæ si coner hoc orationis ambitu coercere ; citius totam Oceani aquam angusto exhauriam cyatho. At ne hæream circa ista minoribus quasi theatris proposita laudum insignia ; Quis non miretur tuam illam in hoc ferreo sæculo pene incredibilem, sed aureo plane dignam constantiam ? quam ut ego subticeam ; certe nunquam ipsa silebit Gallia, quæ cum nuper multos tui similes, id est qui nullam præ se ferrent fracti animi obedientiam, exoptaret ; experta est quam paucos haberet. Iampridem Gallis abunde innotuerat Tuum Illustre Nomen, et masculus ille animus, ut aviti spiritus successor, sic optimus boni publici propugnator. Sed ut aromata vehementius fragrant cum tunduntur fragunturque ; sic dum tua virtus negociis et rebus adversis exerceretur ; cœpit illius fama multo diffundi latius ac etiam longe extra ipsos regni limites propagari. Illam quidem Tu omni arte conaris tegere : Verum utcumque te gesseris ; nunquam efficies, quin uti nos vel invitos comitatur umbra : sic res a Te tam fortiter gestas sempiterna sequatur gloria : ac qui laudum tuarum summam facere voluerint, uno omnes ore prædicent Te illum esse quem commendet humanitas, expoliant literæ, absolvat integritas.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Une thèse quodlibétaire de Guy Patin : « L’homme n’est que maladie » (1643)

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(Consulté le 20/04/2024)

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