Autres écrits
Le manuscrit 2007 de la Bibliothèque interuniversitaire de santé (recueil Peÿrilhe)

Ce recueil est une véritable mine d’or pour les recherches sur Guy Patin. [1] Il est conservé et a été récemment restauré par la Bibliothèque interuniversitaire Santé (sise dans les locaux de l’Université Paris-Descartes, 12, rue de l’École-de-Médecine, Paris vie, près du carrefour de l’Odéon).

Composé de 440 feuillets, son sommaire complet et son contenu intégral sont accessibles en ligne. J’en ai extrait 513 des 1 598 lettres que contient notre édition, soit près du tiers. Elles se répartissent en :

Les 451 lettres latines actives du ms 2007 de la BIU Santé sont des brouillons ou parfois des copies, mais bien moins souvent, à en juger sur leurs ratures, et sur leurs additions dans les interlignes et dans les marges. Comme il l’a mentionné ici et là dans ses lettres, Patin tenait à garder une trace précise de ce qu’il avait écrit : pour ne pas accabler ses correspondants de redites ; mais aussi et peut-être surtout pour conserver le souvenir des ouvrages qu’il leur avait demandés, envoyés ou promis, et un compte exact des dettes que lui et ses amis devaient régulièrement purger en règlement de ces échanges (coût des livres achetés et de leur port). En outre, si Patin entendait et parlait fort bien le latin, il ne le maîtrisait sans doute pas au point d’écrire une lettre entière dans cette langue, du premier jet et sans la surcharger de corrections. À voir le volume connu de sa correspondance, le cabinet de Patin devait être encombré d’une impressionnante quantité de lettres reçues, mais aussi de copies et de brouillons de lettres qu’il avait envoyées. La petite partie qui nous en reste est ce que contiennent le ms 2007 de la BIU Santé et le recueil Montaiglon du Collège de France (qui ne contient que six lettres). [1][2]

Trente-cinq des 449 lettres latines actives manuscrites du ms 2007 de la BIU Santé ne sont pas autographes : affaibli par une indisposition de santé, Patin les a dictées à l’un de ses proches (probablement un de ses enfants ou de ses étudiants) ; je n’ai pas fait l’effort de les classer par type d’écriture, mais ce travail mériterait d’être fait. Sa plus longue interruption de plume a duré d’octobre 1661 à mai 1662, due à une possible fièvre typhoïde avec séquelles rhumatismales. [2][3]

Les deux copies conservées à la Bibliothèque du Collège de France

La valeur inestimable du ms 2007 de la BIU Santé n’a pas échappé à nos prédécesseurs : le Collège de France en conserve les copies dans deux recueils manuscrits reliés (non disponibles en ligne) ; ayant accès aux originaux, je n’y ai pas recouru pour établir notre édition.

Le véritable joyau patinien de la Bibliothèque du Collège de France est son manuscrit Montaiglon. [13]

De merveilleuses surprises

Au fil du temps, à ces deux grandes collections parisiennes, se sont ajoutées la bienveillance et la sagacité de nos lecteurs : ils ont mis et mettront encore au jour des lettres oubliées dans des fonds du monde entier. Toutes ces découvertes sont répertoriées avec immense gratitude dans notre Journal de bord (Actualité du site). Chacune d’entre elles peut sembler un petit caillou sans valeur, mais toutes prennent l’éclat du diamant quand elles sont serties dans notre édition, qui les explique et qu’elles enrichissent. Notre corpus ne sera malheureusement jamais complet, comme voudrait faire croire son titre, car un océan séparera toujours ce qui a été de ce qui est aujourd’hui connu ou conservé.

Histoire du ms 2007 de la BIU Santé

Quatre pièces introductives du manuscrit fournissent l’essentiel de ce qu’on peut savoir de certain à son sujet et permettent d’identifier Jacques-François Devilliers comme étant l’ordonnateur de la première des deux copies qui en sont conservées au Collège de France (MF 1025, supra). [14]

  1. Lettre autographe de Bernard Peÿrilhe [ms 2007 de la BIU Santé, fo 1 ro] :

    « Paris ce 16 fructidor an 4me de la République française une et indivisible. [15]

    Le Citoyen Bernard Peÿrilhe [14] au Citoyen Thouret. [16][15]

    Je destinais à l’École de Santé le ms autographe des lettres latines inédites de Guy Patin ; je m’empresse de le lui offrir. Ne pouvant, à raison de ma longue maladie, assister à ses séances, je vous prie, citoyen directeur, de le présenter de ma part à nos collègues. La Bibliothèque de l’École est le dépôt naturel où doit se trouver la correspondance de cet homme fameux avec les plus savants médecins étrangers de son siècle.

    Une copie de ces lettres existait dans la bibliothèque de M. Devilliers, médecin de la Faculté de Paris : il la fit faire, il y a dix ou douze ans en 1785, sur ce ms, que je me fis un plaisir de lui communiquer ; [17][16] je ne présume pas qu’il en existe d’autre.

    Salut et fraternité.

    B. Peÿrilhe. »

  2. Cette lettre est suivie [ms 2007 de la BIU Santé, fo 1 vo], ou plutôt précédée (car il a pu y avoir inversion du feuillet lors de la reliure du recueil) par deux notes rédigées par deux plumes distinctes.

    • La première, écrite dans le sens de la longueur, a été biffée dans sa moitié gauche (transcrite ici entre accolades). Elle introduit la lettre que j’ai transcrite ci-dessus :

      « {Lettres originales} de Guy Patin
      {données à l’École} de Santé par le
      {Pr Bernard} Peÿrilhe avec cette
      {lettre de consigne.} »

    • La seconde note, écrite dans le sens de la largeur et en partie surchargée par la partie biffée de la première, trace un portrait de Guy Patin, inspiré par l’Avis au lecteur de Vigneul-Marville :

      « On a dit que l’habillement de Guy Patin, son chapeau, son collet, son manteau, son pourpoint, ses chausses, ses bottines, tout entier jusques à son chapeau faisait injure à la mode et le procès à la vanité.

      Sa latinité mérite d’autant plus d’être remarquée qu’en parlant la langue latine il avait des manières de s’exprimer si singulières et si originales, que lorsqu’on savait qu’il devait présider à quelque thèse, tout Paris accourait pour l’écouter.

      On a remarqué que Guy Patin avait dans le visage l’air de Cicéron et dans l’esprit le caractère de Rabelais. »

  3. Le fo 2 ro du ms 2007 de la BIU Santé est un billet autographe de Jacques-François Devilliers à Bernard Peÿrilhe. [16] :

    « Comme j’ai trouvé un nid où il y a des mss de G. Patin, et que je dois les aller examiner incessamment avec quelqu’un qui m’introduira chez le possesseur, il faudra que j’aie en poche la table de toutes les lettres qui appartiennent à M. Peÿrilhe. Celle des huit premiers cahiers est faite ; mais je prie M. Peÿrilhe d’aveindre [18] les 9e et 10e, non pas pour emporter le 10e, mais afin que j’y puisse prendre les adresses et les dates des lettres ; ce qui sera l’affaire d’un quart d’heure, de manière que mon copiste n’empêchera rien faute d’avoir fini. [19] M. Peÿrilhe obligera son serviteur

    De Villiers, D.m.P.

    Ce 14 juillet. » [20]

  4. Le fo 2 vo du ms 2007 de la BIU Santé, est une lettre autographe du même au même :

    « Monsieur,

    Mr Dantu [21] qui a bien voulu se charger de déchiffrer le Guy Patin et qui s’en acquitte bien, vous en remettra le second cahier. Je vous prie de lui confier le troisième. Excusez-moi pour cette fois-ci ; je me proposais de vous souhaiter le bonjour ce matin, mais j’ai couché à Argenteuil et je ne suis rentré qu’à 2 heures.

    Il a déjà perdu un jour et je désire éviter qu’il n’en perde deux, car il est en bon train. Je me propose de vous en remercier incessamment et suis avec le sentiment de la plus sincère estime,

    Monsieur,

    Votre très humble et très obéissant serviteur
    De Villiers, D.M.P.

    Paris ce 9 mai 1785 à 3 h.

    Je n’ai pu non plus vous voir ce matin, parce que je suis resté au lit, et ce n’est absolument que d’aujourd’hui que mon rhume horrible commence à prendre un bon tour. »

Rapport de Pierre Suë sur le contenu détaillé du ms 2007 de la BIU Santé

Pierre Suë [22][17] est l’auteur de l’introduction autographe qui présente le ms 2007 [fo 4 ro ‑16 vo], intitulé :

« Rapport
sur plusieurs manuscrits
de Guy Patin, donnés
pour la Bibliothèque de l’École
de santé de Paris par Bernard Peÿrilhe, un
des professeurs de cette École,
fait dans l’assemblée du 29 nivose
an ve de la Rép., et le 18 janvier 1797 (v.s.), [23]
par Pierre Suë, professeur-bibliothécaire. »

Dans la transcription qui suit, j’ai modernisé la ponctuation et l’orthographe, et ajouté des annotations aux quelques-unes de Pierre Suë.

« Les manuscrits autographes de Guy Patin, dont Peÿrilhe, un de nos collègues, a fait présent à l’école, le 8 fructidor de l’an ive de la République, [24] et dont elle m’a chargé de lui donner une notice détaillée, peuvent être divisés en trois parties ou sections qui contiennent : la 1re, des lettres latines de Guy Patin, adressées à différents savants de l’Europe ; la 2e, des lettres de plusieurs de ces savants et autres à Guy Patin ; la 3e, des consultations latines du même, des traités particuliers et quelques autres objets qui seront détaillés. Nous allons vous présenter, suivant leur ordre, l’analyse de chacune de ces sections.

§ i. Lettres latines inédites de Guy Patin

Tout le monde connaît les lettres familières françaises de Guy Patin, ce fameux médecin qu’on disait avoir, dans le visage, l’air de Cicéron et, dans l’esprit, le caractère de Rabelais. On sait que ces lettres, [fo 4 vo] imprimées pour la première fois en 1683, en un volume, en forment maintenant sept : savoir cinq, édition de 1725, et deux, édition de 1718. Les deux derniers volumes ne contiennent que des lettres adressées par Guy Patin à Charles Spon, médecin de Lyon, [18] qu’une conformité d’inclinations, de sentiments, d’humeur et de génie pour la critique unissait avec Patin, quoiqu’ils ne se soient jamais vus ; [25][19] d’où était résulté un commerce littéraire qui n’a cessé qu’à la mort de celui-ci, Spon lui ayant survécu. M. Hazon dans sa notice des hommes les plus célèbres de la Faculté de médecine de Paris a donné les détails les plus étendus sur la vie de Guy Patin : [26][20] “ homme, dit-il, d’une rigide probité, le censeur de son siècle, dont le nom ne s’effacera jamais dans la postérité, sans cependant avoir beaucoup figuré dans la pratique de la médecine ” ; “ ses lettres et ses réponses, dont sans doute, ajoute M. Hazon, il tenait un double, ont été imprimées à Amsterdam en 1665 in‑8o, 7 vol. ”. Il y a certainement ici erreur de date, car aucun bibliographe ne fait mention que des lettres de Guy Patin aient paru de son vivant, et tous s’accordent à en fixer à l’année 1683 la première édition en un volume, 13 ans après sa mort.

Les nouvelles lettres écrites en latin sont au nombre de quatre cent soixante, elles commencent au 28 mars 1652 et finissent au 4 avril 1669, date de la dernière. Elles présentent une correspondance suivie avec les plus savants médecins étrangers de son siècle, avec Thomas Bartholin, Diemerbroeck, Horstius, Lotichius, Meibomius, Plempius, Schefferus, Schoockius, Wepferus, Volckamer, van Horne, et autres ; mais surtout avec Vander Linden qui seul a reçu de Guy Patin soixante et dix lettres dans l’espace de tem[ps] que nous avons désigné. Ce fut aussi à cette époque, [soit] en 1657, que Vander Linden dédia à Guy Patin [sa] [fo 5 ro] nouvelle édition de Celse. [21] Dans sa préface, il lui témoigne la plus vive reconnaissance, comme à son bienfaiteur et comme à son ami, à cause des fréquents suppléments que Guy Patin lui avait fournis pour sa grande entreprise de Scriptis medicorum[22] Il lui adresse les vœux les plus obligeants. [27]

Le recueil des lettres latines de Guy Patin forme dix cahiers, dont le dernier paraît incomplet car la dernière page indique une suite que nous n’avons pas. Il paraît que le manuscrit de ces lettres était connu depuis longtemps car il en est fait mention dans la préface de l’édition en trois volumes des lettres françaises, : on < y > annonce une édition d’un volume de lettres latines d’une diction belle, sans fard, énergique et concise, avec un bel et savant éloge de Guy Patin, composé par M. Teveneau, médecin de Nevers. [28][23]

Peÿrilhe nous apprend sans sa lettre à notre collègue Thouret, [16] par laquelle il le prie de présenter de sa part pour la Bibliothèque de l’École le susdit manuscrit de Guy Patin, Peÿrilhe, dis-je, nous apprend qu’une copie de ces nouvelles lettres existait dans la bibliothèque de feu M. Devilliers, médecin de la Faculté de Paris, très versé dans la littérature médicinale, qu’il fit faire cette copie en 1783 sur le manuscrit que nous avons. Peÿrilhe ajoute qu’il présume que c’est la seule copie qui existe.

Mais malheureusement on ignore ce qu’est devenue cette copie ; j’ai fait, pour découvrir où elle a passé, toutes les recherches nécessaires. Je me suis adressé aux deux libraires Maquignon et Barrois, qui ont fait la vente des livres de M. Devilliers : je leur ai demandé s’ils avaient trouvé cette copie parmi ses papiers, si elle avait été vendue ; ils m’ont répondu n’en avoir eu aucune connaissance.

[fo 5 vo] Cependant une lettre et un billet, l’une du 9 mai 1785, l’autre du 14 juillet suivant, adressés à Peyrilhe par Devilliers, et que j’ai trouvés confondus avec les lettres de Patin ne laissent aucun doute sur l’existence de cette copie. Dans sa lettre, Devilliers s’exprime ainsi : “ M. Dantu, qui a bien voulu se charger de déchiffrer le Guy Patin et qui s’en acquitte bien, vous en remettra le second cahier. Je vous prie de lui confier le troisième. Il a déjà perdu un jour et je désire éviter qu’il n’en perde deux, car il est en bon train… ”

Le billet de Devilliers est plus expressif et annonce, de plus, la découverte d’un autre manuscrit dont on ignore également la destinée. “ Comme j’ai trouvé, dit Devilliers, un nid où il y a des manuscrits de Guy Patin et que je dois aller examiner incessamment avec quelqu’un qui m’introduira chez le possesseur, il faudra que j’aie en poche la table de toutes les lettres qui appartiennent à M. Peÿrilhe. Celle des 8 premiers cahiers est faite ; mais je prie M. Peÿrilhe d’aveindre le 9e et le 10e, non pas pour emporter le 10e, mais afin que j’y puisse prendre les adresses et les dates des lettres, ce qui sera l’affaire d’un quart d’heure, de manière que mon copiste n’empêchera rien faute d’avoir fini. ”

D’après le texte de cette lettre et de ce billet, il est bien évident qu’indépendamment de la copie des lettres latines de Guy Patin faite sous les yeux de Devilliers, il existait une table des huit premiers cahiers de ces mêmes lettres, plus un autre manuscrit de Guy Patin. [29] Il est bien étonnant que Peÿrilhe, en se prêtant à la copie du manuscrit dont il était possesseur, ne se soit pas fait donner une copie des tables annoncées ; il est bien étonnant qu’il n’ait pas joint à son manuscrit des renseignements qui, sûrement, lui ont été donnés par Devilliers sur le nouveau manuscrit dont il parle, et chez le possesseur [fo 6 ro] duquel il dit avoir été introduit, les libraires n’ayant pu à cet égard nous donner aucun éclaircissement ; mais je pourrai les avoir de notre collègue Peÿrilhe, lorsque sa santé lui permettra de revenir parmi nous. Peut-être que le nouveau manuscrit dont parle Devilliers, et qu’il annonce seulement devoir aller examiner incessamment, est la suite des lettres que nous avons et du dixième cahier qui, comme nous l’avons déjà observé, est incomplet. Voici au surplus un fait qui pourra donner quelque éclaircissement, principalement sur le nouveau recueil des lettres latines de Guy Patin. L’abbé Goujet, qui a publié en 1758 des mémoires historiques et littéraires sur le Collège de France, s’exprime ainsi à l’article de ce médecin, tom. iii, page 183. “ Je connais, dit-il, un grand nombre d’autres lettres de lui (de Guy Patin) toutes latines, depuis le 7 juin 1639 jusqu’au 4 avril 1669, qu’il serait, selon moi, beaucoup plus important de donner au public, qu’il ne l’était de le charger de cette multitude de lettres françaises, dont on n’a répandu que trop d’exemplaires. ” “ Peut-être, ajoute l’abbé Goujet, que celui qui les possède ne les tiendra pas toujours renfermées. ” [3]

On voit, par ce passage, que l’abbé Goujet fait remonter au sept juin 1639 l’époque des premières lettres latines de Guy Patin, tandis que la première date de celle que nous avons n’est que du 28 mars 1652. Ce qui prouve qu’il y a dans notre manuscrit une lacune très considérable, qui serait antérieure aux premières lettres que nous possédons, au lieu que la lacune paraît être postérieure à l’époque de 1669, puisque c’est le 10e cahier des lettres qui est incomplet. Quoi qu’il en soit, l’époque définitive de ces lettres est la même dans notre manuscrit que celle que leur assigne l’abbé Goujet, le 4 avril 1669. Nous aurions seulement [fo 6 vo] désiré que l’abbé Goujet fût entré dans quelques détails plus circonstanciés sur les lettres latines qu’il dit connaître et qui probablement sont les mêmes que celles que nous avons. [30] Si l’on se déterminait à publier les lettres latines de Guy Patin, il ne faudrait pas manquer d’y joindre d’autres lettres du même, soit latines, soit françaises, éparses dans des recueils où elles sont ignorées et ensevelies. Telle est la lettre à Simon Paulli imprimée à la tête du Quadripartitum botanicum du même Paulli in‑4o, 1667, édition de Strasbourg, [6] telles sont treize lettres latines et françaises à Chrétien Utenbogard, médecin, et qui sont insérées dans les Clarorum virorum epistolæ ex museo Johannis Brant, in‑8o, Amsterdam, 1702, [7] et quelques autres encore ailleurs. La perte de la copie faite sous les yeux de Devilliers est d’autant plus fâcheuse que le manuscrit, sur lequel elle a été faite, est des plus difficiles à déchiffrer. J’avoue n’avoir pu lire le contenu d’une seule lettre, et des personnes accoutumées à lire les écritures les plus difficiles et à qui j’ai fait voir le manuscrit n’ont pas eu plus de succès que moi. En vain donc exigeriez-vous que je vous rende compte du contenu de chacune de ces lettres. Je suis pourtant venu à bout avec du temps et de la patience d’en déchiffrer quelques-unes. Il ne m’a pas paru qu’elles renfermaient en général des anecdotes, des particularités qui ne peuvent avoir de mérite et d’intérêt réel que pour le temps où elles ont été écrites. Au surplus, la lettre suivante de Guy Patin à son fils, qui peut servir de préface et d’explication à tout le recueil, vous donnera à peu près l’idée des matières qui y sont traitées. […] [31]

[fo 7 vo] Cette Lettre écrite par Guy Patin à son fils ne peut être regardée comme servant de préface à son recueil de lettres latines que parce qu’elle se trouve placée à la tête de ce recueil. Car 1o elle est sans date, 2o elle n’annonce que des cahiers sans parler en aucune manière des lettres écrites, 3o elle n’annonce que vaguement et sans aucun détail, sans aucune nomenclature, les matières traitées dans les lettres latines, excepté ce qui regarde les jésuites. La lecture seule de ces lettres peut donc instruire véritablement de ce qu’elles contiennent. Celles que j’ai pu lire m’ont convaincu 1o qu’elles étaient écrites avec le même goût, le même arrangement et la même méthode que les lettres françaises, qu’elles contenaient comme celles-ci des anecdotes qui ne sont piquantes que par leur méchanceté, que la plume caustique et mordante du satirique médecin, qui déchirait également ses amis et ennemis, ne respectait ni les individus ni les corps entiers, pas même le gouvernement et la religion.

Une seconde conviction que j’ai acquise par la lecture de quelques-unes de ces lettres, c’est qu’on peut en porter le même jugement qu’a porté des lettres françaises un des premiers écrivains de ce siècle, quand il a dit dans son Siècle de Louis xiv en parlant de Guy Patin et de ses lettres : “ Ce recueil [fo 8 ro] de lettres a été lu avec avidité parce qu’elles contiennent des anecdotes et des nouvelles que tout le monde aime, et des satires qu’on aime davantage. Il sert à faire voir combien les auteurs contemporains qui écrivent précipitamment les nouvelles du jour sont des guides infidèles pour l’histoire. Les nouvelles se trouvent souvent fausses ou défigurées par la malignité. D’ailleurs, cette multitude de petits faits n’est guère précieuse qu’aux petits esprits. ” [32][24]

Quand la lecture des nouvelles lettres de Guy Patin ne prouverait pas qu’on peut porter d’elles le même jugement que Voltaire a porté des lettres françaises, il suffirait, pour se convaincre de la vérité de ce jugement, de lire la lettre dont nous avons parlé plus haut, que Patin adresse à son fils. Vous vous rappelez qu’il y dit, en propres termes, que ses nouvelles lettres contiennent quelques points bien libres et bien délicats touchant la religion et le gouvernement des princes, qu’il recommande à son fils de ne les jamais montrer à personne, de ne jamais dire qu’elles sont écrites de sa main. Vous avez vu qu’il avoue s’être toujours repenti de les avoir prêtées à trois de ses amis, qu’il veut enfin que son fils les brûle plutôt que de les jamais prêter à personne.

Un tel jugement porté par l’auteur lui-même ne peut paraître suspect et il prouve que, dans la rédaction de ses lettres latines, Guy Patin a apporté le même esprit de causticité qui règne constamment dans ses lettres françaises. [33]

À l’égard du style des lettres latines dont nous venons de parler, dans le peu que nous en avons lu, nous avons reconnu un style pur, correct, quelquefois même élégant. On n’en sera pas étonné lorsqu’on saura que tous les auteurs qui ont parlé de Guy Patin s’accordent à dire que sa latinité était universellement goûtée, que sa manière de s’exprimer dans cette langue, quoique singulière et originale, attirait aux actes de la Faculté [fo 8 vo] un grand concours de monde, surtout d’étrangers, qui venaient en foule pour l’écouter lorsqu’ils savaient qu’il devait présider à quelque thèse.

Encore un mot sur Guy Patin, avant de finir cet article, il s’agit de sa bibliothèque. [25] Elle était composée suivant Monsieur Hazon de dix mille volumes tant manuscrits qu’imprimés : Patin l’appelait Lumen oculorum meorum et laborum solatium[34] Le père Louis Jacob, dans son Traité des plus belles bibliothèques, édition de 1644, loue, page 551, [26] celle que Patin avait formée, pour le choix et le nombre des livres. Elle fut vendue et dissipée après sa mort, ayant été l’occasion d’un procès au sujet d’un écrit qu’il avait signé imprudemment et que lui surprit, en 1669, son fils Robert. [27]

§ ii. Lettres écrites à Guy Patin par des savants étrangers

Ces lettres, au nombre de soixante, toutes en français, excepté quatre, ont été écrites principalement dans le courant des années 1656 et 1657. [35] Il y en a 19 de Spon, le médecin de Lyon dont nous avons parlé dans l’article précédent, et six de < André > Falconet[28] le père de celui qui est mort en 1762 et qui a laissé une bibliothèque de cinquante mille volumes, dont onze mille, sur la médecine seulement, ont passé dans la Bibliothèque nationale. [36][29] Les autres lettres sont de Plempius, [30] le Père Bourdelot, [31] Saumaise, [32] Musnier, [33] Schoockius, [34] etc. [37] Le contenu de ces lettres est ou des nouvelles du temps, ou des réponses à des lettres de Patin, ou des avis que ces savants lui demandent sur des matières particulières, ou enfin des livres qu’ils lui demandent ou sur l’achat desquels ils le consultent. Parmi ces soixante lettres, je n’ai trouvé de vraiment curieuses et intéressantes que celles de Spon et de Falconet. Vous allez en juger par des extraits de quelques-unes.

[fo 9 ro] Comme elles étaient pêle-mêle, il a fallu que nous les classions. Nous avons cru en conséquence devoir les arranger par ordre chronologique ou de dates. Nous vous observerons d’abord que celles de Spon sont en général très érudites, ressemblent beaucoup à celles de Guy Patin pour le style et pour le fond, à l’exception cependant qu’elles sont bien moins mordantes. Elles contiennent beaucoup d’anecdotes littéraires ou médicinales, qui portent avec elles un caractère de véracité qu’on ne reconnaît pas toujours dans celles de Guy Patin.

Dans une première lettre du 17 décembre 1651, datée de Middelfart [35] et écrite à Patin par Bourdelot, connu d’abord sous le nom de l’abbé Michon et devenu depuis médecin de la reine Christine de Suède, [36] ce médecin écrit à Patin “ qu’il fera valoir hautement le mérite de la Faculté de Paris. Ils ne font, dit-il, ici la médecine que par recette, je les mènerai par raison et par méthode, et aurai toujours notre École devant les yeux. ” [38]

Parmi les six lettres de Falconet, il y en a une, celle du 13 août 1658, [39] qui mérite une attention particulière parce qu’elle contient deux faits d’anatomie dignes de remarque. Dans le récit que fait Falconet de la mort de M. le duc de Candale, [37] décédé à Lyon après onze ou quatorze jours d’une fièvre ardente maligne avec inflammation de tous les intestins, [38] il observe qu’à l’ouverture du cadavre on a surtout remarqué que le cœur était “ flétri, mol et ayant trois taches < sic pour : marques > livides proches du ventricule gauche ”. [39] “ Il ne s’est jamais vu, ajoute Falconet, un ravage pareil à celui qui existait dans la plus grande partie des viscères et des parties molles < sic pour : nobles >. ” On soupçonnait, dit-il, du poison ; mais comme nous n’en avons trouvé “ aucun signe évident, nous n’en sommes pas demeurés d’accord ”. Falconet fait à ce sujet [fo 9 vo] la remarque que les grands sont plus sujets que d’autres à être empoisonnés : il cite, entre autres exemples, celui du cardinal de La Valette, [40] oncle du duc de Candale, qui fut, dit-il, empoisonné en Piémont. “ Ce n’est pas, ajoute<-t>-il, que Pallida mors æquo pulsat pede/ Pauperum tabernas regumque turres. ” [40][41]

Le second fait anatomique est plus singulier et plus rare : “ Et puisque nous sommes sur les corps morts, dit Falconet dans la même lettre, il faut que je vous fasse part d’une < rare > observation que je fis ces jours passés en l’ouverture du corps d’un enfant de quatre ans. J’observai avec ceux qui étaient présents qu’il avait cinq rates en cinq viscères distincts et séparés. ” [41][42] On trouve dans les observateurs beaucoup d’exemples de rates très volumineuses, très squirreuses, [43] et même pétrifiées, comme celle que Littre fit voir en 1700 à l’Académie des sciences, qui était entièrement pétrifiée et qui pesait une once et demie. [42][44] La multiplicité des rates dans le même sujet n’est pas si commune. Haller en cite plusieurs exemples dans sa grande physiologie, tome vi, page 387. [43][45] Mais les observations des anatomistes à cet égard sont-elles bien exactes ? Winslow, qui fait mention de ce fait, appelle des “ espèces de rates ” celles qu’on regardait comme surnuméraires. [44][46] Bertrandi dans son traité du foie les appelle succenturiati lienes, des rates succenturiales. [45][47] D’autres les ont regardées seulement comme des appendices. Mais aucun n’a dit comme Falconet qu’elles fussent des viscères distincts et séparés. Patin, dans sa 177e lettre du 1er mars 1758, [46] écrivant à Falconet, lui marque, au sujet de ce fait : “ Votre observation de cinq rates distinctes trouvées dans un corps que vous avez fait ouvrir est fort belle et bien singulière. Je lui donnerai place en bon lieu, tant à cause de vous que pour sa rareté. ”

Dans sa première lettre du 24 novembre 1656, [47] Spon déplore la mort de René Moreau, [48] médecin de la Faculté de [fo 10 ro] Paris qui réunit en sa personne les qualités d’homme politique, de praticien célèbre, d’écrivain laborieux et d’éditeur. Il y a certainement du mérite, mais qui n’est pas assez prisé, à ressusciter et faire valoir les écrits des autres, lorsqu’ils sont bons. C’est ainsi que Moreau rajeunit l’École de Salerne [49] dont il recueillit les préceptes d’après Mollandin et Gilles de Corbeil ; [50] auxquels préceptes, il ajouta les commentaires de Villanova, [51] de Crellius, et les siens ; et comme le texte était en vers, il en ajouta de sa composition plus élégants que les premiers. [48] Spon vante beaucoup la bibliothèque laissée par Moreau parce qu’elle contenait surtout beaucoup de manuscrits grecs et latins. [52] M. Baron nous apprend, dans sa notice des hommes les plus célèbres de la Faculté, [53] que Fouquet, pour lors procureur général du Parlement de Paris, acheta dix mille livres tous les manuscrits de Moreau, mais qu’après sa disgrâce, ils furent dispersés par la vente, ou autrement. [49][54]

“ Pour mieux témoigner mes regrets sur la perte de ce confrère estimable, je viens, écrit Spon à Patin, de composer tout à l’heure une épitaphe latine en son honneur, que je vous envoie. ” Nous la rapportons ici, parce qu’elle ne se trouve pas ailleurs.

Moræi salve umbra mei, salve umbra beata,
Quasque offert lacrymas Sponius, accipito.
Hæ vice lustralis tibi sint asperginis, ima
nostri manantes pectoris e latebra.
Verum, heu ! quid satago lacrymarum effundere rivos ?
Quid placidos maneis questibus ango meis ?
Luctus abi : meliore sui nam parte superstes
Moræus, cujus nescia fama mori
[50]

René Moreau avait été le maître et l’ami de Guy Patin, qui fit les deux vers suivants placés au bas de son portrait dans les Écoles de la Faculté :

Exprimit ars, Morelle, tuam sub imagine frontem :
exhibet ingenium Bibliotheca tuum
[51][55]

[fo 10 vo] À l’occasion de la mort de la femme du médecin Meyssonnier, [56][57] connu surtout pour un ouvrage intitulé Cours de médecine, qui a eu plusieurs éditions, et dont il est bien étonnant qu’Éloy ne dise pas un mot dans son Dictionnaire historique de médecine, édition in‑4o en 4 vol. de 1778, [52][58] à l’occasion, dis-je, de la mort de cette femme, Spon nous apprend qu’elle “ s’est laissé mourir hors de la maison de son mari pour être en mauvais ménage avec ledit pèlerin qui ne l’a point voulu voir ni assister à sa dernière heure, et que le médecin qui l’a traitée l’a tuée en lui faisant prendre six onces de vin émétique, [59] ce qui a fait passer son mari pour un barbare, un dénaturé et un triple vilain de n’avoir pas eu plus de tendresse pour sa compagne ”.

Spon nous apprend encore qu’un certain M. Ravaud [60] a acheté à Paris pour deux mille livres les manuscrits de Cardan, [61] et il estime qu’en les joignant à ce qui alors était déjà imprimé de cet auteur, le tout mis ensemble fera autant de volumes in‑fo, qui ont paru à Lyon en 1663 sous le titre Cardani opera omnia, que le Theatrum vitæ humanæ[62] qui en a sept. Spon a effectué lui-même cette espèce de pronostic, qu’il portait en 1656, car on sait qu’il a recueilli et publié tous les ouvrages de Cardan en dix volumes in‑fo, qui ont paru à Lyon en 1663 sous le titre Cardani opera omnia[53]

La lettre de Spon du 13 mai 1659 contient une observation anatomique et chirurgicale qu’il regarde comme unique, faute d’avoir connu les auteurs qui en avaient rapporté de semblables. Il s’agit d’une imperforation de naissance de la vulve à une femme de trente-trois ans, mariée depuis onze. [63] Ce fut pour moi, dit Spon, “ un étrange spectacle de voir l’opérateur percer avec une lancette dans le milieu de l’intervalle, ubi nulla ne minima quidem rima apparebat[54] qui était non membraneux, mais charnu, de l’épaisseur de deux pouces en travers ; après quoi il plongea son scalpel dans ce trou en deux fois ou reprises, etc. Voilà, dit Spon en finissant, une observation qui [fo 11 ro] mérite d’être mise sur vos tablettes, aussi bien que sur les miennes puisque j’en ai été témoin oculaire. ”

Que cette observation, unique pour Spon, lui ait paru extraordinaire, que l’opération et ses suites aient été pour lui un sujet d’admiration, à la bonne heure ! Nous ne pouvons le blâmer de trouver admirable ce qu’il n’avait jamais vu, ce dont il n’avait jamais entendu parler, ce qu’il n’avait jamais lu ; mais nous le blâmons, et avec raison, de ce que, sans rien trouver à critiquer dans l’opération qui a eu le succès le plus heureux, il vilipende l’opérateur, se déchaîne contre lui, le traite de cruel, de barbare, l’appelle crudelis barbarusque tonsor[55] Comment l’eût-il donc traité s’il n’avait pas réussi ?

Je passe aux matières qui composent la 3e section des manuscrits de Guy Patin.

§ iii. Pièces qui composent la 3e partie des manuscrits de Guy Patin

Ces pièces sont au nombre de sept. Nous allons vous les faire connaître chacune en particulier.

  1. Le premier article est composé de 19 consultations latines rédigées par Guy Patin sur différentes maladies médicinales : [64] quelques-unes sont aussi signées de Piètre, [65] de Riolan, [66] de Courtois, [67] ses confrères. La plupart n’ont pas de date ; cependant, on voit, par celles qui en ont, qu’elles ont été données de 1632 à 1643. Vous croyez bien qu’étant de l’écriture de Patin et à peu près du même temps que ses lettres latines, ces consultations ne sont pas plus aisées à lire, et que la tournure, l’arrangement des mots, les abréviations étant les mêmes, il faut une étude particulière, assidue et longtemps continuée pour les déchiffrer. [56][68] Je suis venu à bout d’attraper le sens de quelques-unes, dont je vais vous rendre compte.

    • La première est sur une espèce d’impuissance qui vient, comme [fo 11 vo] s’exprime Patin, a frigidis et minimum arrigentibus[57][69] Il propose à ce sujet plusieurs remèdes échauffants et donne le conseil d’éviter avec soin les farineux, parce qu’ils procurent, dit-il, beaucoup de vents et empêchent l’érection.

    • La dixième consultation est sur une dysenterie et un écoulement de sang provenant de l’ouverture d’une hémorroïde. [70][71] Sa rédaction n’offre rien de particulier, non plus que la onzième qui indique les moyens de guérir une mélancolie sympathique. [58][72][73]

    • Mais la plus curieuse, la plus intéressante de ces consultations est celle qui n’appartient pas à Guy Patin puisqu’elle est signée Melatius et a pour date quinto Idus Sextilis 1595 ; [59] c’est la dix-huitième. Le sujet est sur des convulsions spasmodiques et sympathiques dont était attaqué un grand trésorier de France dans toute la partie gauche du visage, et qui commençaient sur la paupière supérieure. Je crois devoir mettre sous vos yeux le texte même qui contient les détails de cette maladie, afin qu’on puisse la comparer avec une autre dont nous parlerons. Voici donc la description morbifique tracée par l’auteur de la consultation.

      Illæsa et omnino ex præscript<o> < naturæ > se habente parte faciei dextra, depravate admodum < vero > sinistra inordinateque movetur. Mox enim inopina<ntem> adoritur palpebræ superioris motio illa involuntaria ; jam ala naris ejusdem lateris similiter contorquetur. Mox labii superioris simul regio convellitur. 1o Palpebra, 2o naris pinna, 3o labrum superius consequenter vellicantur. Quandoque palpebra sola, quæ semper initium facit, quandoque duobus aliis subordinate sequentibus, et aliquando fulguris instar tribus una concurrentibus, motus fit illi <inv>olenti. Musculi ergo sint diversi oportet, quorum motus ita varie, nec uno et eodem modo < et > momento torquentur. [fo 12 ro] Atque hæc de musculis. Auris etiam sinistræ tinnitibus rugientibusque flatibus plerumque, sed non ita assidue vexatur. Obstruitur etiam instrumentum sensus odoratus, ad processum mamil<l>arem vel ossis ethmoidis sinistram partem{. Sinistram partem}, cum obscura illi sit odoramentorum perceptio, et mucosi excrementi fiat inter<cep>tio. Hæc sunt de quibus conqueritur vir clarissimus. Cætera bene se admodum habens, cum omnibus præterea probe fungatur corporis f<u>nctionibus. [60][74]

      L’auteur de la consultation fait dépendre la cause première de cette maladie d’une humeur qui vient, selon lui, du cerveau et des vents qui s’insinuent dans les vaisseaux. Il l’attribue aussi à l’obstruction de la rate, etc. Il paraît cependant avoir entrevu la cause directe, car il ajoute ensuite, causæ tam dificilis affectus investigatio me in genere nervoso reponanda est ; [61] mais il divague et se perd dans l’explication qu’il veut en donner. Il ne s’égare pas moins dans l’application des remèdes : il propose les antiépileptiques, les eaux minérales de Pougues dont il donne l’histoire et l’analyse. [62][75] Il parle cependant de remèdes pyrotiques que conseillaient des médecins et des chirurgiens, [76] ut per pyroticum, dit-il, data porta spiritus ille flatuosus egrederetur[63] Il nous apprend, en même temps, que les gens de l’art n’étaient pas d’accord sur le lieu de l’application du pyrotique. Quant à lui, il est d’avis d’appliquer le cautère [77] à la région moyenne de la suture lambdoïde, vers l’endroit du cerveau d’où naît la iiie paire de nerfs, qu’il regarde, à cause de leur distribution dans les muscles où elles ont lieu, comme la cause des convulsions spasmodiques et sympathiques. Il conseille, si cela ne suffit pas, d’appliquer le cautère sur l’origine même des muscles au grand angle de l’œil vers le tarse ou vers l’articulation de la mâchoire inférieure. Après avoir prescrit le régime et quelques autres remèdes, Mœlantius ou Merlantius, comme porte la signature, finit en disant : nisi istius Modi remediis cessarit malum, per me licet [fo 12 vo] Vertatur in medicorum opprobrium[64][78]

      Si on ne considérait l’affection chronique et idiopathique, [79] dont il est question dans cette consultation, que relativement à son siège, à ses attaques, à la manière dont elles se montraient fulguris instar[60] dit l’auteur de la consultation, il serait aisé de se méprendre et de reconnaître dans cette maladie celle connue sous le nom de tic douloureux, si bien décrit dans le dernier volume des Mémoires de la Société par notre collège Thouret, et dans l’ouvrage ex professo qu’a publié M. Pujol, en 1787, sur cette matière. [65][80] Mais ici il n’est question ni de douleurs ni d’élancements, qui sont les signes caractéristiques du tic douloureux. On parle bien de vibrations momentanées qui, comme des traits électriques, se font suite dans tout un côté de la face et rayonnent en différents sens ; mais elles sont sans douleur et, dans le tic, ces vibrations sont toujours accompagnées d’élancements douloureux.

      Si on ne peut reconnaître le tic douloureux dans la description morbifique dont nous parlons, peut-on y reconnaître mieux le raptus caninus dont Cælius Aurelianus, [81] auteur à peu près contemporain de Galien, [82] a seul parlé distinctement, livre ii, chapitre ii de ses Maladies chroniques, et qui est une espèce de ris involontaire, une contraction de la bouche, contractio oris repentino motu veniens et recedens, suivant sa propre expression ? [66][83] Cette dernière maladie spasmodique et idiopathique de la face a plus d’analogie que la précédente avec celle décrite dans la consultation. Cependant, celle-ci est sans douleur et le raptus caninus, en même temps qu’il est convulsif, est douloureux. Elle nous paraît donc avoir bien plus de ressemblance avec cette espèce de spasme cynique non douloureux dont parle Cartheuser dans sa [fo 13 ro] Pathologie, et qu’il décrit comme une affection chronique. [67][84] Au surplus, comme il est de fait, et c’est un principe avoué par tous les pathologistes, que dans les maladies nerveuses on remarque souvent des bizarreries, dont il n’est pas possible de rendre raison, comme Galien a observé il y a déjà bien longtemps, que la même cause appliquée sur les mêmes nerfs y excitait quelquefois une paralysie de mouvement et d’autre fois une paralysie de sentiments ; comme enfin, dans certaines maladies en apparence très dissemblables, telles que l’apoplexie et l’épilepsie, [85][86] il y a des rapprochements de symptômes, des manies si peu variées et qui se marient si intérieurement, que dans certains sujets il est difficile de distinguer celle des deux qui l’emporte sur l’autre, je n’ose pas prendre sur moi de décider la nature précise de la maladie spasmodique décrite dans la consultation. Je la regarderai simplement comme un tic convulsif non douloureux. [68][87] Revenons à l’exposition des articles de la 3e section du manuscrit de Guy Patin.

  2. Le second article est un discours français qu’il a prononcé dans une assemblée de la Faculté contre Philippe Chartier, [88][89] un de ses membres qui plaidait contre elle au sujet de sa radiation du tableau des docteurs de la Faculté. [90] Ce discours est sans date, mais il paraît qu’il est relatif à la très célèbre dispute sur l’antimoine qui, comme on sait, a eu lieu vers le milieu du siècle dernier. Ce discours peut donc être placé vers l’an 1666, car ce fut le 29 mars de cette année que se tint la fameuse assemblée de la Faculté où quatre-vingt-douze docteurs, sur cent deux qui composaient l’assemblée, furent d’avis de mettre le vin émétique au nombre des remèdes purgatifs. Un arrêt du Parlement du 10 avril suivant, [91] tout à fait contradictoire avec celui qu’il avait rendu cent ans auparavant dans la même cause et par lequel il avait défendu l’usage de l’antimoine conformément au décret rendu [fo 13 vo] alors par la Faculté, [92] un nouvel arrêt, dis-je, conforme aussi à la nouvelle décision de la Faculté, permit l’usage de l’antimoine. [69]

    La grande querelle sur la préférence des anciens sur les modernes, ou de ceux-ci sur les premiers, était alors dans toute sa vigueur et avait principalement semé la division dans la Faculté. Guy Patin, grand partisan des anciens, avait pour adversaires tous les disciples des modernes. Les malades, victimes alors de ce double fatalisme, ne pouvaient-ils pas être comparés à l’homme, entre deux âges, courtisé par deux femmes, dont la plus âgée arracha tous les cheveux noirs et la plus jeune tous les cheveux blancs, de façon que le pauvre homme resta chauve ?

    La nouvelle dispute sur l’antimoine bien loin de rapprocher les deux partis ne fit que les aigrir davantage. À tous les reproches généraux que pouvaient se faire les sectateurs d’Hippocrate et de Galien, que la différence d’opinion divisait, ils ajoutèrent des accusations particulières et des personnalités qui compromirent la dignité doctorale, qui excitèrent des haines que ne purent assoupir ni le décret de la Faculté ni l’arrêt du Parlement. Le temps seul vint à bout de les éteindre parce qu’il en fut de cette querelle comme de toutes les autres disputes de corps où le combat finissait toujours faute de combattants.

    Guy Patin, un des plus acharnés docteurs à la proscription de l’antimoine fut inconsolable de la décision de la Faculté. On connaît son martyrologe de l’antimoine, [93] véritable poison selon lui. Comme Philippe Chartier, contre lequel il prononça le discours que nous avons sous les yeux, était des plus chauds partisans de ce remède, on ne doit plus être étonné qu’il le traite mal dans ses lettres et qu’il termine son discours en concluant que la Faculté l’avait avec raison rayé de son tableau, comme elle avait fait en 1609 à l’égard de <Le> Paulmier [94] qui, par la même raison [fo 14 ro] et pour s’être servi du remède malgré les décrets et arrêts, fut rayé du tableau des docteurs par un décret confirmé par un arrêt du Parlement. Il est bon d’observer que le Philippe Chartier dont il est ici question est le fils de celui à qui nous devons l’entreprise de l’édition complète in‑fo, 13 volumes, des ouvrages d’Hippocrate et de Galien, pour laquelle il dépensa, dit-on, cinquante mille écus, ce qui le ruina ; encore n’a-t-il vu imprimés de son vivant que les 10 premiers volumes. [70][95]

  3. Deux cahiers latins de Guy Patin : l’un sur le laudanum et l’opium, [96][97] l’autre sur la manne, [98] tels qu’il les a dictés à ses écoliers au Collège de France, [99] où il remplissait une place de professeur d’anatomie et de pharmacie, ayant remplacé en 1655 Riolan le fils qui, pour obliger son ami, donna volontairement sa démission. [71][100][101] Patin parle dans le premier cahier de Vander Linden comme de son ami intime. Il dit lui avoir fait part, lorsqu’il était professeur en médecine à Leyde, de plusieurs recherches, fruits de ses études et de ses veilles. Cela n’étonnera pas si on se rappelle ce que nous avons dit plus haut que, parmi les lettres latines de Guy Patin, il y en a soixante-dix adressées à Vander Linden seul. [27] Il expose dans ce premier cahier ses réflexions et son sentiment particulier sur l’usage de l’opium chez les Turcs et chez les juifs, ainsi que sur la ciguë bue par Socrate, [102][103] qu’il ne croit pas avoir été le pur suc de ciguë, mais un composé de ce suc avec celui de pavot, cum succo papaveri[72] qu’on appelle l’opium des Grecs. Sa conclusion est que l’opium en général ne doit être employé en médecine que dans l’extrême nécessité, qu’avec beaucoup de prudence, dans les douleurs intolérables, dans les veilles immodérées et continuelles, qui mettent la vie du malade en danger. Il ajoute que ce médicament [fo 14 vo] devient même alors mortel, encore plus que la maladie, s’il n’est pas administré par un médecin habile, expérimenté et qui connaisse bien ses effets suivant ses différentes doses. Patin avertit à la fin ses écoliers de faire dans l’exercice de la médecine un usage très modéré, non seulement de l’opium et du laudanum, mais encore même de tout médicament narcotique composé dont il est la base. [104] Il fait en même temps l’énumération de ces espèces de médicaments.

    Dans son cahier sur la manne, Patin en fait connaître les différentes espèces, et il s’étend surtout sur celle des Arabes, qui ne fut pas inconnue à Galien, [105] quoiqu’il ne parle, ainsi que Dioscoride, [106] que de celle des grecs qu’on appelle Manna thuris[73][107] Il développe ensuite les ruses et les fraudes des pharmacopoles à l’égard de cette substance considérée comme médicament. Il cite à ce sujet, avec éloge, Simon Piètre [108] et René Moreau, ses confrères, qui, selon lui, proscrivaient l’usage de la manne dans le traitement de l’hydropisie. [109] Il prétend que la manne qui nous vient d’Italie [110] n’est que de la scammonée [111] réduite en poudre très fine et mêlée, pour la déguiser, avec le miel et le sucre. [112][113]

  4. Dans cet article il est question d’une consultation de médecine écrite en latin par Zacharie Tonnelier sur la dysenterie. [114] Elle est adressée à M. Cornu, avocat, beau-père de Tonnelier. Sa date est de janvier 1593. Elle a beaucoup d’étendue et n’est pas sans mérite, surtout par rapport au temps où elle a été rédigée. Nous n’avons trouvé ni dans Haller ni dans les autres biographes aucun renseignement sur ce médecin qui peut-être n’a rien écrit, ou dont les bibliographes n’ont pas connu les ouvrages. Il n’est d’ailleurs cité dans aucun des plus fameux catalogues de médecine, ni dans celui de Falconet ni dans celui de Baron, les deux plus complets que nous ayons dans le genre. [74]
  5. Le cinquième article présente la copie d’un traité que Guy Patin a passé le dimanche vingt-six [fo 15 ro] novembre 1651 avec Rigaud marchand libraire à Lyon, [115] pour l’impression d’un manuscrit de médecine intitulé : Caspari Hoffmani tractatus de calido et spiritibus, de humoribus et de partibus similaribus solidis. Ce traité est fait à la charge par Rigaud d’imprimer le manuscrit sur bon papier, et d’en rendre à Paris, franc de port, à Guy Patin, cinquante exemplaires, de lui renvoyer le susdit manuscrit original aussitôt après son impression, et de laisser à son option la dédicace du dit livre. [75][116]

    Il n’est pas étonnant que Guy Patin se soit chargé de faire imprimer les ouvrages d’Hofmann, puisqu’il avait pour lui, comme le prouvent ses lettres, une grande estime, quoique, dans le même temps, Thomas Bartholin, en correspondance avec Patin, <se> chargeât d’injur<i>er le même Hofmann et l’appelât le chien d’Altdorf, hargneux et mordant. Hofmann étant mort le 3 novembre 1648, il paraît qu’avant sa mort il avait envoyé à Patin les ouvrages latins indiqués plus haut et que celui-ci les jugea dignes de l’impression, ainsi que le prouve le traité passé avec le libraire de Lyon. Voici sur ces ouvrages deux notes bibliographiques qui nous ont paru bonnes à connaître.

    1. Celui de Partibus similaribus solidis, qui fut imprimé in‑4o en 1667, sur le manuscrit livré à Rigaud par Patin, l’avait déjà été sous le même format en 1625 du vivant d’Hofmann ; mais celui de 1667 est plus correct et contient en outre beaucoup d’additions.

    2. L’ouvrage de Calido innato et spiritibus n’avait jamais été imprimé et le fut en 1667, sous le format in‑4o, par Rigaud, avec le titre Syntagma et sur le manuscrit livré à ce libraire par Patin. [76]

    Il paraît, par une note qui est en bas de la copie du traité passé avec Rigaud, qu’on ne l’a inséré parmi les manuscrits dont nous donnons ici l’analyse que comme pièce de comparaison pour constater la véritable signature de Guy Patin. [75]

  6. [fo 15 vo] Cet article est composé d’un manuscrit latin intitulé : Francisci Ulmi pictaviensis Doctoris Medici De Liene libellus, Lutetiæ excusus 1578 ; denuo editus e Bibliotheca Gasp. Hoffmani[117][118] Il y a à la tête et à la fin de ce manuscrit des épigraphes en vers grecs et latins à la louange d’Ulmus et de Caspar Hofmann. La dernière est de Johann Georg Volckamer, [119] étudiant en médecine, medicinæ candidatus, et porte pour titre in recusum libellum de usu lienis, Cl. Hoffmani 1639. En 1478 et non 1518, comme le dit Haller, François Ulmus, natif de Padoue et professeur d’anatomie à Paris, a publié dans cette ville un petit livre in‑8o en latin sur la rate, dont nous parlerons plus bas. [77] N’ayant pu me le procurer, pas même à la Bibliothèque nationale, où cependant il existe, mais où on <n’>a pu le trouver, je ne puis dire si le manuscrit que j’ai sous les yeux et qu’on dit tiré de la bibliothèque d’Hofmann est la copie du texte d’Ulmus ou un commentaire d’Hofmann. Ce médecin a publié sur l’usage de la rate un traité qui a eu quatre éditions : les deux premières, in‑8o, de 1613 et 1615, la 3e et la 4e, l’une de 1639 et l’autre de 1664, qui sont jointes à deux d’autres traités, l’un sur l’usage du cerveau et l’autre sur les humeurs ichoreuses, de ichoribus. Les bibliographes ne font mention que des trois premières éditions qui ont paru du vivant de l’auteur. Haller et Portal [120] n’ont connu que celles-là et paraissent avoir égaré la dernière. Elle est dans notre Bibliothèque et ne se trouve pas à celle nationale. Elle est à la vérité sans date, mais d’après l’épître dédicatoire adressée à Guy Patin par Schefferus (Sébastien) [121] et datée de Francfort-sur-le-Main les calendes de février 1664, il est aisé de conjecturer qu’elle n’a paru que dans le cours de cette année ou au commencement de la suivante. Cette dernière édition, indépendamment des corrections, contient plusieurs additions qui ne sont pas dans celle de 1639 et qui sont annoncées dans une lettre d’Hofmann à Schefferus [122] du mois d’août 1640. [78] [fo 16 ro] Le 24e et dernier chapitre du traité d’Hofmann est consacré à réfuter le système d’Ulmus sur la rate. Ses arguments sont communs, dit-il, et tout à fait oratoires, omnia et omnino oratoria atque communia ejus argumenta, et ne peuvent être admis par quiconque est versé dans la logique, nec possunt ab allo logicen perite admitti. Voici à quoi se réduit le système d’Ulmus : de même, dit-il, que le foie élabore le sang pour le ventricule droit du cœur, de même la rate élabore celui pour le ventricule gauche ; en conséquence, il se fait et se prépare dans la rate un sang artériel, et pour le cœur et les artères. [79] Hofmann fait à ce sujet cette question : lorsque la rate manque, d’où le ventricule gauche reçoit-il du sang, et dans l’état naturel, par quelle voie le sang va-t-il de la rate au cœur ?

    Si Hofmann réfute victorieusement le système d’Ulmus sur l’usage de la rate, celui qu’il y substitue n’est pas plus vraisemblable. Si le système d’Ulmus est chimérique et répugne aux lois constantes de l’économie animale, celui d’Hofmann, calqué sur celui d’Aristote, [123] est aussi contraire à ces mêmes lois, surtout depuis la découverte du célèbre Harvey ; [124] on ne croira pas plus, avec Hofmann, qu’un chyle aquosolacté soit attiré des intestins vers la rate, s’y perfectionne et serve à sa nourriture, et que le superflu se dissipe par la sueur, par la voie des urines, plus qu’on ne croira, avec Ulmus, que le sang est perfectionné dans la rate au moyen du suc gastrique, qu’il passe par l’aorte pour se distribuer dans le ventricule gauche du cœur et, de là, dans les artères, après s’être mêlé avec l’air. [fo 16 vo] Quelque grand que fût le mérite de Caspar Hofmann, quelque grande que fût son érudition, Haller a réduit l’un et l’autre à sa juste valeur quand il a dit, en parlant de ce médecin, malgré sa grande réputation, qu’on remarque, en général, que ses ouvrages lui donnent un air d’érudition qu’il ne doit qu’à ses lectures car, de même, ajoute-t-il, qu’il a parlé d’anatomie sans avoir manié le scalpel, il a aussi beaucoup écrit sur la pratique sans avoir vu des malades. [80]

  7. Le dernier article ou la dernière pièce du manuscrit de Guy Patin n’est intéressante qu’en ce qu’elle constate d’une manière positive la date de sa mort, sur laquelle, au surplus, tous les bibliographes sont d’accord. C’est un exemplaire de son billet d’enterrement, derrière lequel on lit une note manuscrite qui apprend que Guy Patin est mort le mercredi 30 mars 1672 à 11 heures du soir, âgé de 77 ans, à la suite d’une péripneumonie, le 7e jour de sa maladie, [125] ayant conservé la connaissance jusqu’au dernier moment de sa vie. La même note ajoute qu’il fut enterré le lendemain à Saint-Germain-l’Auxerrois, sa paroisse. [81][126]

Tels sont les détails dans lesquels j’ai cru devoir entrer sur les lettres et autres manuscrits de Guy Patin qui ont été donnés pour notre bibliothèque par le c. [82] Peÿrilhe, notre collègue. J’ai joint à ces détails des remarques bibliographiques qui, peut-être, vous auront paru fastidieuses, mais je les ai crues nécessaires pour vous mettre à même de mieux apprécier les différents manuscrits dont vous m’avez chargé de vous rendre compte et dont la lecture dans une de vos assemblées eût consumé un temps considérable, qui pouvait être mieux employé. La difficulté en outre de déchiffrer ces manuscrits eût rendu cette lecture impossible. L’École jugera sans doute convenable de joindre ce rapport aux manuscrits.

Suë, professeur-bibliothécaire
de l’École de Santé de Paris. » [83]


1.

Vnotre bibliographie (première section, Manuscrits de Guy Patin).

2.

V. notes [1], lettre 717, et [2], lettre latine 197.

3.

Le Mémoire historique et littéraire sur le Collège royal de France ; par M. l’abbé Claude-Pierre Goujet, chanoine de S. Jacques-l’Hôpital à Paris, associé des académies de Marseille, d’Angers, de Rouen, et l’un des honoraires de la Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres d’Auxerre (Paris, Augustin-Martin Lottin, l’aîné, 1758, in‑4o) est divisé en trois tomes. La notice sur « Gui Patin, professeur en médecine, 1654-1672 » est dans le 3e tome (pages 63‑66). J’ai corrigé les quelques fautes de copie qu’il y a dans la transcription de l’extrait cité. J’y ai maintenu entre parenthèses les additions du manuscrit, et inséré entre accolades les parties imprimées qui y ont été supprimées.

Claude-Pierre Goujet (Paris 1697-ibid. 1767), prêtre très attaché au jansénisme du xviiie s., a publié de nombreux mémoires historiques et bibliographiques, dont plusieurs ont suscité les critiques de ses contemporains.

4.

Ces deux dates correspondent à la série complète des lettres latines écrites par Guy Patin qui se trouvent dans le ms BIU Santé no 2007 : ce sont les lettres latines 3 à 474 de notre édition.

5.

Le médecin Bernard Peÿrilhe, comme on verra plus bas (v. infra note [16]).

6.

V. note [1], lettre latine 468, pour la « Botanique en quatre parties » de Simon i Paulli ; la lettre de Guy Patin qui y est transcrite est la lettre latine 359 de notre édition.

7.

Vnotre bibliographie (deuxième section, Éditions imprimées).

8.

Téveleau est une transcription fautive de (François) Teveneau, médecin de Donzy : deux lettres dans le ms BIU Santé no 2007 qui, dans notre édition, sont la passive datée du 25 février 1657 et l’active datée du 21 juin 1661.

V. infra note [28], pour la mention d’un éloge de Guy Patin par Teveneau.

9.

V. note [2], lettre 744, pour les Epistolæ [Lettres] de Gabriel Naudé (Genève, 1667) ; elles ne contiennent aucune lettre échangée avec Guy Patin.

10.

Antoine-René Voyer de Paulmy, marquis d’Argenson (1722-1787), était arrière-petit-fils de René (v. note [6], lettre 184). Secrétaire d’État à la Guerre de Louis xv, éminent bibliophile et membre de l’Académie française, il a laissé un portefeuille qui est conservé par la BnF (cote Ms‑6324), mais dont la description ne mentionne aucune lettre de Guy Patin.

Jean Baptiste Paulin d’Aguesseau (Paris 1701-ibid. 1784), fils de Henri François d’Aguesseau (Limoges 1668-Paris 1751, chancelier de France de 1717 à 1722) et petit-neveu de François (v. note [2], lettre 577), avait été reçu conseiller au Parlement de Paris en 1722 (Popoff, 398a). La vente de sa très riche bibliothèque, qu’il avait héritée de son père, s’était déroulée du 14 février au 2 mai 1685. Le Catalogue des livres imprimés et manuscrits de la bibliothèque de feu Monsieur d’Aguesseau, doyen du Conseil, commandeur des Ordres du roi, etc. Disposé par ordre de matières ; avec une table des auteurs (Paris, Gogué et Née de la Rochelle, 1785, in‑4o) mentionne Guy Patin dans les auteurs de « Lettres manuscrites originales, écrites tant en latin qu’en français et adressées à M. Gassendi » (article 3483, page 227) ; la seule que contienne notre édition est celle du 29 juin 1655, qui a été imprimée dans les Opera omnia de Gassendi (Lyon, 1658).

Un membre de la famille Thy de Milly (de prénom inconnu), vivant à cette époque et apparenté aux d’Aguesseau, était docteur en théologie, vicaire général de l’évêque de Marseille, abbé commendataire de l’abbaye de Lassée en Brignon, diocèse de Poitiers, puis chanoine de Saint-Quentin (Dictionnaire de la noblesse, 1775, tome x, page 138).

En dépit de tout le soin que j’y ai mis, je ne garantis pas que ma transcription de ce paragraphe soit absolument fidèle.

11.

La thèse intitulée An totus homo a natura morbus ? est intégralement transcrite, traduite et commentée dans Une thèse de Guy Patin : « L’homme n’est que maladie » (1643).

Les « Lettres et réponses de savants hommes, tant médecins que philosophes » (en remplaçant medicis et philosophis, par medicorum et philosophorum dans le titre annoncé) correspond à une réédition (Rotterdam, Rudolph a Nuyssel, 1665) du recueil de Jan van Beverwijk (Beverwijk b de notre bibliographie) ; elle ne contient pas d’autre lettre de Guy Patin que la latine 6 (13 mars 1644) de notre édition.

12.

Achille Chéreau (Bar-sur-Seine 1817-Paris 1885), docteur en médecine en 1841, bibliographe et historien, fut nommé bibliothécaire de la Faculté de médecine de Paris en 1877. Il a été l’un des plus éminents spécialistes de Guy Patin au xixe s. et a nourri l’espoir de procurer une édition complète de ses lettres.

V. note [a], lettre latine 366, pour une trace bien identifiable laissée par un copiste du ms BIU Santé no 2007.

13.

V. supra note [1] pour le manuscrit Montaiglon, et infra note [17] pour la datation et l’histoire du premier des deux recueils que je viens de décrire, ainsi que pour son ordonnateur (et auteur de sa note), Jacques-François Devilliers.

14.

V. infra note [17].

15.

La date républicaine correspond au 2 septembre 1796 du calendrier grégorien. Je félicite, admire et remercie Marie-France Claerebout, relectrice de notre édition, pour être parvenue à déchiffrer et développer l’abréviation « R[épublique] fr[ançaise] une [et] ind[ivisible] ».

16.

Panckoucke a donné les biographies et les bibliographies détaillées de Bernard Peÿrilhe (Perpignan 1737-ibid. 1804), qui écrivait distinctement son nom avec un tréma sur l’y (sans doute pour signifier qu’il convenait de le prononcer Peillerile, et non Périle), et de Michel-Augustin Thouret (Pont-l’Évêque 1748-Meudon 1810). Tous deux ont été d’éminentes personnalités de la Faculté de médecine de Paris pendant la Révolution (alors appelée École de santé, puis de médecine).

17.

L’Encyclopédie méthodique fournit une biographie détaillée de Jacques-François Devilliers (Saint-Maixent 1727-1790), médecin, bibliophile et écrivain français.

J’ai transcrit plus bas (paragraphe 3) deux lettres de Devilliers à propos de la copie qu’il a fait faire de la correspondance latine de Guy Patin. Leur écriture est la même que celle de la note qui termine le premier des deux recueils que conserve la Bibliothèque du Collège de France. La copie dont il est question ici, réalisée en 1784-1785, est donc celle qui y porte la cote MF 1025.

18.

Aveindre : « tirer quelque chose d’un lieu où on l’avait enfermée, d’une place où on l’avait mise » (Furetière).

19.

Ne provoquera aucun dérangement en traînant pour accomplir la tâche dont je l’ai chargé.

20.

Sans indication d’année : Jacques-François Devilliers, « D.m.P. » [docteur en médecine de Paris], en était à inventorier les lettres latines de Guy Patin ; sa lettre suivante, datée du 9 mai 1785, parle de leur transcription ; on peut donc supposer que ce billet a été écrit le 14 juillet 1784, et que le copiste a pu commencer son travail dans les semaines suivantes.

Le ton peut laisser planer un doute sur le destinataire du billet, mais la fin le désigne, me semble-t-il, comme étant Bernard Peÿrilhe, « possesseur » du manuscrit dont Devilliers analysait alors lui-même le contenu. Comme on verra plus loin (v. infra note [29]), le bibliothécaire Pierre Suë a interprété différemment les faits et conclu à l’existence d’une autre copie manuscrite des lettres latines.

21.

Ce courageux copiste n’a laissé aucune trace que j’aie su trouver dans les dictionnaires onomastiques et biographiques.

22.

Le médecin et chirurgien Pierre Suë (Paris 1739-Vincennes 1816) écrivait son nom avec un tréma sur l’e final. D’abord professeur au Collège royal de chirurgie, il fut nommé bibliothécaire et professeur de bibliographie médicale de l’École de Santé de Paris lors de sa création, en 1794. Il devint titulaire de la chaire de médecine légale en 1808.

23.

Vieux style (v.s.), c’est-à-dire grégorien : après avoir été nouveau au xviie s. (par rapport au calendrier julien, v. note [12], lettre 440), ce style calendaire était alors devenu vieux par contraste avec le nouveau, républicain, alors en vigueur depuis le 6 octobre 1793 (15 vendémiaire, an ii).

24.

V. supra notes [16], pour Bernard Peÿrilhe, et [15], pour sa lettre datée du 16 fructidor an iv (2 septembre 1796). Il avait apparemment fait don de son manuscrit à la Bibliothèque huit jours plus tôt (8 fructidor, 25 août). Pierre Suë avait pu travailler un peu plus de quatre mois sur le rapport détaillant son contenu.

25.

Charles Spon avait assisté à une thèse que Guy Patin avait présidée en décembre 1627 à Paris (v. note [4], lettre 79), mais Pierre Suë ignorait ce détail qui n’est apparu pour la première fois que dans l’édition de Paul Triaire (1907).

En revanche, dans les éditions publiées au xviiie s., Suë n’avait pas bien lu la lettre à Spon du 14 mai 1649, ni celles des 24 mai et 16 août 1650, où Patin se remémorait leur rencontre de juillet 1642 à Paris (v. notes [15], lettre 176, [29], lettre 229, et [32], lettre 240).

26.

Jacques-Albert Hazon (Paris 1708-ibid. 1779), docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1734, a donné une biographie de Guy Patin (Hazon b, pages 112‑118). Lieux communs et approximations n’y font pas défaut. J’ai ajouté des guillemets aux passages que Pierre Suë lui a directement empruntés (pages 112 et 117).

27.

Dans son compte des lettres latines de Guy Patin à Johannes Antonides Vander Linden, Pierre Suë a, par mégarde, inclus celle du 16 avril 1665 à son fils, Hendrik Vander Linden.

V. notes [15], lettre de Charles Spon, datée du 28 décembre 1657, pour le Celse de Vander Linden (Leyde, 1657) avec sa dédicace à Patin, et [3], lettre latine 26, pour les trois éditions de ses deux livres de Scriptis medicis [des Écrits médicaux] (Amsterdam, 1637, 1651, 1662), dont Suë a égratigné le titre en les appelant « des Écrits des médecins ».

28.

Fin de la préface anonyme des Lettres choisies de feu M. Guy Patin… (Cologne, Pierre du Laurens, 1692, 3 volumes in‑12), pages * 4 ro et vo :

« Le prix des ouvrages posthumes est toujours relevé dans les préfaces. Celle-ci fait le contraire : le mérite de l’auteur est si singulier et si rare qu’il ne peut être connu que par lui-même ; on ne peut pas en donner une véritable idée, quand on dirait même que jamais homme n’a été si universel et qu’il a été le seul philosophe qui ait été savant dans la science du monde. Je n’en dirai pas davantage, vous renvoyant à l’Avis au lecteur qui a déjà paru, attendant de vous donner, dans l’édition des lettres latines, le bel et savant éloge qui a été composé par M. Teveneau, médecin de Nevers. »

L’éloge de Patin par Teveneau n’a laissé aucune trace que j’aie su trouver.

29.

En comprenant ainsi le contenu du billet et en lui donnant une date postérieure (14 juillet 1786) à celle de la lettre (9 mai 1785), Pierre Suë aboutissait à une interprétation différente de la mienne (v. supra note [20]), concluant à l’existence bien évidente d’une autre copie des lettres latines, réalisée au xviiie s., à laquelle Devilliers aurait eu accès.

Cela paraît invraisemblable quand on connaît, comme moi, le temps et l’effort requis pour accomplir une telle tâche. En outre, pourquoi un bibliophile averti, tel que Devilliers, se serait-il intéressé à voir la copie d’un manuscrit, alors que Peÿrilhe lui donnait accès à l’original qu’il possédait, en ayant sous la main un archiviste compétent, dénommé Dantu (v. supra note [21]), capable de le transcrire ?

V. supra note [17], pour l’identification du MF 1025 du Collège de France comme étant la copie unique réalisée au xviiie s. par Devilliers (1784-1785).

30.

Les deux lettres latines datées des 7 et 17 juin 1639, que Guy Patin a échangées avec François Citois, sont présentes dans l’actuel ms BIUS 2007. Elles ont dû y être ajoutées après la collation de Pierre Suë.

La distribution du recueil en dix cahiers n’est plus visible aujourd’hui, mais sa dernière lettre latine est bien celle du 4 avril 1669 à Jan van Horne. Sa fin (v. sa note [6]) laisse en effet supposer qu’il pouvait exister une suite à tout jamais perdue.

31.

Pierre Suë a ici intégralement transcrit la lettre dont j’ai fait l’Introduction au Borboniana manuscrit, ar c’est de ce texte qu’elle parle, et non de la correspondance contenue dans le recueil Peÿrilhe. Suë y a seulement ajouté (v. la note [a] de cette Introduction) une courte note marginale sur Nicolas de Bourbon le Jeune, qui n’apporte rien de plus que celle de notre édition (v. note [2], lettre 29).

Il est consternant de lire ici que cette lettre donne une bonne idée ce que contiennent les 451 lettres latines de Patin conservées dans le ms BIU Santé no 2007. Que Suë ait eu la navrante candeur d’avouer qu’il les commentait sans même être parvenu à les déchiffrer ne peut lui servir d’honnête excuse, car cela a engendré les nombreuses approximations, erreurs, bévues ou manques de pertinence qui entachent les jugements qui vont suivre. Prends garde lecteur ! Cave lector !

32.

V. note [a] des Avis critiques sur les Lettres de Guy Patin pour ce jugement de Voltaire, que Pierre Suë a presque intégralement transcrit.

33.

Tout cela est à tenir pour hautement spéculatif car : 1. cette lettre de Guy Patin à son fils (Charles ou Robert) n’est pas autographe et pourrait bien avoir été forgée ; 2. Patin n’y désignait pas clairement les brouillons de ses lettres latines contenues dans le ms BIUS 2007, et nul ne saurait affirmer que ce sont les cahiers dont il parlait, ni même que ceux-là, qu’il disait tenir pour des brûlots impies, lui aient jamais survécu (ou aient jamais existé).

34.

« la lumière de mes yeux et le délassement de mes labeurs » (v. note [29], lettre 532).

Pierre Suë se référait à deux passages de la biographie de Guy Patin par Jacques-Albert Hazon (v. supra note [26]).

V. note [5], lettre 108, pour l’avis du P. Louis Jacob de Saint-Charles, qui suit, sur la bibliothèque de Patin.

35.

Le compte exact des lettres passives contenues dans le ms BIUS 2007 est de 62 (56 françaises et 6 latines) ; elles sont datées du 17 juin 1639 au 7 février 1664.

36.

Ce généreux bibliophile était Camille Falconet (Lyon 1671-Paris 1762), docteur de la Faculté de médecine d’Avignon, puis de Paris (1709), membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1716. Il était fils de Noël (v. note [2], lettre 388) et donc petit-fils (et non fils) d’André Falconet, le plus prolifique correspondant de Guy Patin (440 lettres de notre édition, dont 8 passives).

37.

Lettres à Guy Patin de :

De nombreuses autres manquent à l’appel.

38.

Lettre datée du 17 décembre 1651 à Pierre Bourdelot ; v. sa note [6], pour Middelfart en Fionie.

39.

Sic pour 13 février 1658. Notre édition contient deux lettres supplémentaires d’André Falconet à Guy Patin, transcrites à partir des copies qui se trouvent dans le ms Montaiglon du Collège de France, datées du 20 juillet 1660 et du 15 mars 1661.

40.

« La pâle mort heurte du même pied les cabanes des pauvres et les châteaux des rois » (Horace, v. note [1], lettre 456) ; avec turres pour turris.

41.

Dans cette citation, Pierre Suë a remplacé « un enfant de quatre ans qui avait… » par « un enfant de quatre ans. J’observai avec ceux qui étaient présents qu’il avait… ».

42.

Éloy a donné une copieuse biographie de l’anatomiste Alexis Littre (Cordes 1658-1725), docteur régent de la Faculté de médecine en 1691. Son observation sur la rate figure dans l’Histoire de l’Académie royale des sciences. Année m. dcc (Paris, Gabriel Martin, Jean-Baptiste Coignard et Hippolyte-Louis Guerin, 1761, in‑4o, page 39, article vii) :

« M. Littre fit voir une rate d’homme entièrement pétrifiée. Elle tenait à tous les vaisseaux ou ligaments auxquels la rate tient naturellement, en sorte qu’on ne pouvait douter que ce ne fût ce viscère. L’homme avait 60 ans, il était mort d’une chute et l’on n’avait aucune connaissance qu’il se fût jamais plaint de la rate, ni d’aucun mal qui y eût rapport. Il était même très gai, quoique la rate ne fît en lui aucune fonction et que l’on croie communément qu’en purifiant le sang, elle contribue à la gaieté. {a} Cette rate pétrifiée pesait une once et demie. » {b}


  1. V. note [37], lettre 477, pour l’accumulation d’atrabile qui était à l’origine de cette croyance et qui est à l’origine du mot désopilant.

  2. Environ 50 grammes, soit le quart du poids ordinaire d’une rate humaine.

43.

Albrecht von Haller (Berne 1708-ibid. 1777), médecin et érudit suisse d’immense renom, a publié une quantité impressionnante d’ouvrages médicaux, scientifiques ou philosophiques. Sa bibliographie médicale occupe près de 11 pages dans le dictionnaire de Panckoucke. Elle est précédée de ce vibrant hommage :

« Depuis Galien, aucun médecin n’a écrit autant que Haller, aucun physiologiste n’a enrichi la science de faits positifs. Nous avons cru devoir n’omettre l’indication d’aucun des ouvrages de cet homme extraordinaire. »

Ses Elementa physiologiæ corporis humani [Éléments de physiologie du corps humain] (Lausanne, 1757-1766, 8 volumes in‑4o) sont ce que Pierre Suë appelait « sa grande physiologie ». La page 387 du tome vi correspond au livre xxi, section i, Lien [Rate], § ii, Numerus [Nombre]:

In homine etiam sæpiuscule vidi, in omento, sub liene veriori, glandulam olivæ figura, lividam, multo minorem, cætera similem veri lieni, quæ nescio quam inter glandulas lymphatici generis, et inter lienem analogiam faceret. Vidi a vase de lienalibus decedenti suspensum viderunt plurimi ante me Viri Ill.

[Assez souvent, chez l’homme, j’ai vu dans l’épiploon, sous la rate elle-même, une glande, de la taille d’une olive, bleuâtre, beaucoup plus petite qu’une rate normale, mais semblable à elle pour le reste. Je ne sais à quoi la rattacher, entre les petites glandes de l’appareil lymphatique {a} et la rate. J’ai vu et, avant moi, de nombreux personnages très illustres ont vu que cette glande est attachée par un vaisseau venant du pédicule splénique]. {b}


  1. Les lymphonœuds ou ganglions lymphatiques.

  2. Traduction anatomiquement plausible d’un latin grammaticalement improbable.

44.

Jacques-Bénigne Winslow, anatomiste et médecin franco-danois (Odense 1669-Paris 1760), docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1704, est l’auteur de l’Exposition anatomique de la structure du corps humain (Paris, Savoye, D’Houry, Vincent et Didot, 1776, 4 tomes in‑12 pour l’édition disponible sur Medica ; première édition à Paris en 1732). La rate est traitée dans le 3e tome (section vii, article xiv) ; Pierre Suë y citait le § 334 (page 441) :

« La figure de la rate n’est pas toujours régulière, elle varie aussi bien que de volume. Quelquefois elle a des scissures considérables dans la circonférence et dans les faces ; quelquefois elle a des appendices. J’ai même trouvé une espèce de petites rates particulières, plus ou moins arrondies, et séparément attachées à l’épiploon à quelque distance de l’extrémité antérieure de la rate ordinaire. »

45.

Ambrogio Bertrandi (Ambrosius Bertrandus ; Turin 1723-ibid. 1765), anatomiste piémontais, professeur de chirurgie à Turin : Dissertationes anatomicæ. De Hepate, et Oculo [Essais anatomiques. Du foie et de l’œil] (Turin, Philippus Antonius Campana, 1748, in‑4o). Le passage cité par Pierre Suë se trouve dans la note e de la page 12, à propos des veines de la rate :

Rarissime ipsi trunco splenico majori vasa brevia adjunguntur, quemadmodum non satis bene designant plures Anatomicorum icones, numero autem sunt minus constanti, modo enim 2., aut 3. interdum plures observantur, et cum jam a ventriculo irrepserint, ramusculis intermediis, anastomoses invicem per sæpe ineunt, ubi varices non raro vidimus in Lienosis, tum ipsis aliquando, etiam nonnulli rami adjungantur a succenturiatis, exiguis globulis, colore, atque structura parvos emulantibus Lienes, qui in interiori lienis facie circum eiusdem sulcum per sæpe occurrunt.

[Au tronc splénique principal s’adjoignent très rarement des vaisseaux courts, mais plusieurs planches d’anatomie ne le montrent pas assez bien. Leur nombre est toutefois variable : on en observe deux ou trois, voire plus. Comme ils se sont insinués depuis l’estomac, leurs anastomoses y retournent très souvent par de petits rameaux intermédiaires. Il n’est pas rare d’y voir des dilatations variqueuses chez les rateleux. {a} Il arrive aussi parfois, chez ces mêmes malades, que s’adjoignent quelques rameaux venant de lobules accessoires, {b} de faible volume, qui ressemblent, par leur couleur et leur structure, à de petites rates. Ils siègent le plus souvent sur la face interne de la rate, autour de son hile].


  1. Malades de la rate. Le réseau veineux particulier auquel on donne le nom de « système porte » (dont dépend la rate) draine le sang des principaux viscères abdominaux vers le foie. Les varices sont une conséquence de l’hypertension dite portale ; elle s’observe principalement dans la cirrhose (sclérose hépatique), qui est ainsi l’une des causes de la splénomégalie (augmentation du volume de la rate).

  2. Le vocabulaire médical moderne préfère « accessoire » ou « supplémentaire » à « succenturial » (terme attesté par Littré DLF qui dit que les « reins succenturiaux » sont un autre nom des capsules surrénales) pour traduire le mot latin succenturiatus, participe passé du verbe succenturiare, qui signifie primitivement « compléter une centurie de soldats ».

46.

Sic pour 1er mars 1658, qui correspond à la lettre française 518 de notre édition.

L’ébahissement de Pierre Suë devant l’observation d’André Falconet étonne car les rates surnuméraires sont une banalité qui était déjà bien connue au xviie s. Pour ne prendre qu’un exemple, dans son Manuel anatomique et pathologique (Paris, 1648, v. note [25], lettre 150), Jean ii Riolan écrivait déjà à propos de la rate (page 203 de la traduction française parue en 1672) :

« L’homme n’en a ordinairement qu’une, quoique l’on ait rencontré des corps où y en avait deux, et même trois. »

47.

Dans notre édition, la première lettre de Charles Spon à Guy Patin est datée du 21 novembre 1656.

48.

V. note [4], lettre 12, pour l’édition de la Schola Salernitana [École de Salerne] par René Moreau (Paris, 1625, réimprimée en 1672) : son titre contient les noms d’Arnauld de Villeneuve (Villanova) et de Crellius (Jakob Crell) ; Pierre Suë omettait Jakob Curio et l’énigmatique Costansonus, mais ajoutait un « Mollandin », dont le nom ne correspond à aucun auteur identifiable et me semble correspondre à une improvisation du scribe qui a transcrit le manuscrit.

Moreau avait dédié son livre au cardinal de Richelieu : telle est probablement la raison (discutable) pour laquelle Suë l’a qualifié d’« homme politique ».

49.

Hyacinthe-Théodore Baron (Paris 1707-ibid. 1787), docteur régent (1732) et doyen (1750-1754) de la Faculté de médecine de Paris, est l’auteur de la très précieuse Quæstionum Medicarum series chronologica [Liste chronologique des thèses médicales] (Paris, 1752, vnotre bibliographie) à laquelle notre édition doit tant.

Ce que Pierre Suë appelait sa « notice des hommes les plus célèbres de la Faculté » est l’abrégé de 22 pages que Baron a tiré de sa series chronologica sous le titre de Compendiaria Medicorum Parisiensium notitia, sive clarorum virorum, qui a sæculo circiter decimo quarto ad hunc usque diem in Facultate Medicinæ Parisiensi, vel Decanatum gesserunt, vel Baccalaureatus, Licentiatus aut Doctoratus gradum obtinuerunt, chronologica series [Court registre des médecins de Paris, ou série chronologique des hommes célèbres de la Faculté de médecine de Paris qui, depuis environ le xive s. jusqu’à ce jour, ont soit occupé la charge du décanat, soit obtenu le grade du baccalauréat, de la licence ou du doctorat] (sans lieu ni nom, 1752, in‑4o). On n’y lit rien de ce qu’écrivait ici Suë à propos de la bibliothèque de René Moreau. Je sais néanmoins gré à Suë, en me menant sur cette fausse piste, de m’avoir permis de rendre hommage à un médecin qui m’a beaucoup aidé dans la documentation de notre édition.

Suë a sans doute tiré de Guy Patin ses renseignements sur le rachat des livres médicaux de Moreau par Nicolas Fouquet (3e paragraphe de la lettre à Charles Spon datée des 16 et 26 février 1657).

50.

À l’exception de la ponctuation et des mots en lettres capitales, Suë a fidèlement copié les vers de Charles Spon. Je les ai traduits dans la note [6] de sa lettre datée du 21 novembre 1656. René Moreau était mort le 17 octobre précédent.

Bien que je l’aie mis entre guillemets, Suë n’a pas fidèlement transcrit le propos de Spon : « Cependant, recevez ce petit témoignage de mes regrets que je viens de fabriquer tout à l’heure. »

51.

« Moreau ! l’art [du graveur] fait voir ton aspect sous la forme d’un portrait, mais c’est une bibliothèque qui exhibera ton génie. »

Écrit sous le portrait gravé (non daté) de Moreau, ce distique est signé G. Patin, Doct. Med. Paris et dédié :

Ad nobilissimum eruditissimumque virum D.D. Renatum Moreau
Doctorem Medicum Parisiensem, Medicæ facultatis Decanum, et
Chirurgiæ Professorem regium
.

[Au très noble et savant M. René Moreau, docteur en médecine de Paris, doyen de la Faculté de médecine et professeur royal de chirurgie]. {a}


  1. Moreau avait été doyen de la Faculté de 1630 à 1632, ce qui permet de dater approximativement son portrait. Dans cette période, Patin n’avait été honoré d’aucun autre titre académique que celui de docteur régent.

52.

Ce coup de griffe de Pierre Suë visait son contemporain Nicolas François Joseph Éloy (Mons, Hainaut 1714-ibid. 1788), médecin pensionnaire de sa ville natale et auteur du Dictionnaire historique de la médecine ancienne et moderne… (Mons, 1778, vnotre bibliographie), auquel j’ai si souvent recouru pour documenter notre édition.

À croire tout le mal qu’il a écrit sur le compte de Lazare Meyssonnier, Guy Patin aurait sans doute félicité Éloy de l’avoir omis dans ses biographies. Suë citait :

Le Cours de médecine en français, contenant le Miroir de la beauté et santé corporelle, par M. Louis Guyon, Dolois, sieur de la Nauche, {a}, docteur en médecine, et la Théorie avec un accomplissement de Pratique selon les Principes tant dogmatiques que chimiques ; avec une infinité d’Observations, Secrets, et Expériences, suivant la Doctrine, tant des Anciens que des Modernes Médecins, qui ont inventé et découvert la Circulation du Sang, les Veines Lactées, leurs Réceptacles, les Vases Lymphées {b}, et autres Nouveautés Anatomiques et Spagiriques : Inconnues auparavant. À l’usage des Médecins, Chirurgiens, Apothicaires, et autres ; et utile aux Communautés, Hôpitaux, et Maisons de Campagne {c}. Par M. Lazare Meyssonnier, Conseiller et Médecin ordinaire du Roi, et de S.A.R., Docteur de l’Université de Montpellier, et Professeur agrégé du Collège des Médecins de Lyon. Sixième et dernière édition, où sont jointes les Figures des Plantes nécessaires, et celles de l’Anatomie, pour se servir utilement de ce livre ; et augmentée d’un Discours de Maladies Vénéneuses qui manquaient à la précédente, et d’une méthode pour apprendre en bref la Médecine par l’usage de la Doctrine de l’Auteur mise à la fin. {d}


  1. V. note [27], lettre 97.

  2. Vaisseaux lymphatiques.

  3. Infirmeries militaires.

  4. Lyon, Daniel Gayet et Jacques Faeton, 1673, in‑4o illustré ; première édition en 1664 à Lyon ; ouvrage dont Guy Patin n’a pas parlé.

Suë ne semble pas s’être aperçu que le ms BIU Santé no 2007 contient une lettre (assez insensée) de Meyssonnier à Patin, datée du 1er août 1657 (fo 349 ro) ; il est vrai qu’il n’est pas évident d’en déchiffrer la signature.

Dans la suite du paragraphe, j’ai mis entre guillemets le passage de Spon (dans sa lettre datée du 21 novembre 1656) que Suë a condensé en le modifiant.

53.

Continuant à pérorer sur la lettre de Charles Spon datée du 21 novembre 1656, Pierre Suë s’est lancé dans une relation assez confuse de sa partie consacrée au projet de publier les « Œuvres complètes » de Cardan (Lyon, 1663, 10 volumes in‑fo, v. note [8], lettre 749) ; mais sans y avoir bien identifié le libraire-imprimeur lyonnais Marc-Antoine Ravaud (v. note [107], lettre 166) et le « [Grand] Amphithéâtre de la vie humaine » de Laurens Beyerlinck (Cologne, 1631, 8 volumes in‑fo, v. note [36], lettre 155).

54.

« où il n’apparaissait aucune fente, si petite que ce fût. »

Ayant renoncé à déchiffrer et traduire le latin de Guy Patin, qui est pourtant le plus éclatant et volumineux diamant du ms BIU Santé no 2007, Pierre Suë se réfugiait tristement dans ses fragments les moins ardus : il en venait à la 19e et dernière lettre (française) connue de Charles Spon (13 mai 1659), le correspondant de Patin dont l’élégante écriture est de très loin la plus facile à lire.

J’ai mis entre guillemets le passage que Suë en a extrait, en l’abrégeant et en y modifiant quelques expressions.

55.

« barbier cruel et barbare. »

De tels propos insultants pouvaient légitimement offusquer un chirurgien, tel qu’était Pierre Suë, mais il s’agit d’une pure invention de sa part : ils ne se lisent pas dans la lettre de Charles Spon ; ils ne se trouvent même nulle part (en français ou en latin) dans toutes les lettres de notre édition ou dans les textes que j’ai cités dans ses notes. Guy Patin a reproché leur ignorance et leur arrogance aux chirurgiens, mais jamais leur cruauté ou leur barbarie (ce qui eût été insensé de sa part).

Sans être beaucoup plus subtil que Suë, un autre chirurgien vexé, Henri Mondor (v. note [30] des Avis critiques sur les Lettres), a vivement fustigé Patin pour le peu d’estime qu’il avait pour la confrérie de Saint-Côme et aux barbiers de Paris.

56.

N’ayant pas été soigneusement lues et comprises au moment de la recension du manuscrit, les « consultations » ne sont pas correctement numérotées : leur nombre total n’est pas de 19, mais de 21 (dont une écrite en français) ; les pièces numérotées 9 et 13 en contiennent chacune deux distinctes.

Les consultants dont Pierre Suë citait les noms apparaissent dans :

En 2015, Anne-Sophie Pimpaud a publié, sur le site de la BIU Santé, Les consilia de Guy Patin, édition et commentaire, qui contiennent 20  de ces textes (mais en faisant deux documents distincts de la consultation 17 et de sa réponse).

Ma propre interprétation complète des 21 textes (transcription, traduction, commentaire et indexation), assez différente de celle que Pimpaud en a donnée, est insérée dans notre édition sous la rubrique Consultations et mémorandums (ms BIU Santé no 2007).

57.

Pierre Suë peinait vraiment à déchiffrer l’écriture de Guy Patin : le véritable titre de ce mémorandum 7 (fo 241 ro) est Consilium ad frigidos et minime arrigentes, que je traduis pudiquement par « Conseil aux hommes atteints de frigidité et de faible érection ».

Pierre Pic (Introduction, pages lvi) :

« Un bibliothécaire de l’École de Santé n’aurait dû rencontrer aucune difficulté à lire ces textes. S’il eût pris la peine de déchiffrer cette huitième pièce, il aurait vu qu’elle est intitulée : Consilium ad frigidos et minime arrigentes. Ce sont des Conseils aux hommes affaiblis. »

58.

Ces deux consultations sont :

59.

Sic pour quinto Idus Sextiles 1595 (9 août 1595). Le signataire de cette consultation est un dénommé Mælantius, que je ne suis pas parvenu à identifier. Anne-Sophie Pimpaud ne l’a pas incluse dans son édition (comme n’étant sûrement pas de Guy Patin).

Numérotée 18, c’est la 20e et avant-dernière pièce de la série (fo 253 ro‑255 vo). Longue de cinq pages et demie, elle porte sur un cas d’hémispasme de la face (v. note [1] de ce mémorandum) que, comme Pierre Suë, j’ai trouvé extrêmement intéressant. Il est impossible de savoir d’où cette observation est venue entre les mains de Patin, mais on comprend bien pourquoi il l’a conservée dans ses archives.

60.

« La moitié droite de la face ne présente aucune lésion visible et se comporte tout à fait selon l’ordre de la nature ; mais la partie gauche bouge anormalement et de manière fort désordonnée : d’abord, survient inopinément une secousse involontaire de la paupière supérieure ; puis l’aile du nez du même côté se tord de la même manière ; puis vient le tour de la lèvre supérieure. La paupière en premier, l’aile du nez en deuxième, la lèvre supérieure en troisième, sont ainsi attaquées tour à tour. Hors de toute volonté du patient, le mouvement atteint parfois la paupière seule, par où la crise commence toujours ; parfois elle est suivie par les deux autres parties ; et parfois, comme à la manière d’un coup de foudre, les trois parties se mettent toutes ensemble en mouvement. Il faut donc que divers muscles, dont les actions diffèrent à ce point, entrent individuellement en action, et non qu’ils se tordent d’une seule et même manière et sous une seule et même impulsion. Et voilà pour les muscles. La plupart du temps, mais moins constamment, le malade est aussi tourmenté par des tintements, des bourdonnements et des sifflements de l’oreille gauche. Il arrive encore que l’appareil et le sens de l’odorat soient obstrués, vers le processus mamillaire ou vers la partie gauche de l’os ethmoïde, avec perception brouillée des odeurs et écoulement bloqué de l’excrément muqueux par le nez. Voilà de quoi se plaint ce très distingué personnage. Pour le reste, il se porte fort bien, s’acquittant parfaitement de toutes ses autres fonctions corporelles. »

En me référant au manuscrit original, j’ai corrigé la transcription latine de Pierre Suë, en mettant entre crochets des mots que j’ai corrigés ou ajoutés (car omis), et entre accolades des mots à supprimer (car ajoutés par mégarde).

V. note [2] de l’Obervarion 20, pour le commentaire anatomique et pathologique de cette « description morbifique ». Elle frappe par sa précision sémiologique et fait immédiatement venir à l’esprit le diagnostic de spasme de l’hémiface (v. note [1] de ladite observation).

61.

Sic pour :

Causarum tam difficilis affectus investigatio uno in genere nervoso reponenda est.

[L’exploration des causes d’une si pénible maladie est exclusivement à mener dans le domaine nerveux].

62.

Les vertus des eaux ferrugineuses de Pougues (aujourd’hui Pougues-les-Eaux dans la Nièvre) ont acquis leur réputation au xvie s. Le Dictionnaire minéralogique et hydrologique de la France de Pierre-Joseph Buc’hoz (1772-1776, tome premier, pages 541‑564) en procure l’histoire et la description détaillées.

63.

Dans le manuscrit, la phrase complète est :

Restabat ex medicorum, chirurgorumque multorum sententia, ut per pyroticum data porta (ne periculum maius esset in mora) spiritus ille flatuosus egrederetur.

[De l’avis de nombreux médecins et chirurgiens, il restait (pour qu’un retard ne rendît pas le danger plus grand) à faire sortir cet esprit flatueux en lui ouvrant une issue à l’aide d’un pyrotique].

64.

Dans la source manuscrite, la phrase de conclusion complète est :

Summatim dicam nisi istiusmodi remedijs cessarit malum, per me licet vertatur in medicorum opprobrium.

[Je dirai, pour finir, que si ces remèdes n’ont pas mis fin au mal, que ma faute me couvre alors de l’opprobre des médecins].

V. note [13], [14] et [15] de l’Observation 20 pour les numérotations ancienne et moderne des nerfs crâniens, la suture lambdoïde du crâne et le cartilage tarse des paupières.

65.

Ex professo : « avec grande compétence ».

Pierre Suë citait ici :

66.

Cælii Aureliani, Siccensis, Medici Vetusti, Secta Methodici, de Morbis acutis et chronicis libri viii. Soli ex omnium Methodicorum Scriptis superstites. Jo. Conradus Amman M.D. recensuit, emaculavit, notulasque adjecit… [Les 8 livres des Maladies aiguës et chroniques de Cælius Aurelianus (qui a vécu trois siècles après Galien, v. note [3], lettre latine 71), natif de Sicca, médecin de l’Antiquité, de la secte méthodique. Seuls survivants des écrits de tous les méthodiques. Johann Conrad Amman (1669-1724, médecin hollandais originaire de Schaffhouse en Suisse), docteur en médecine, les a édités, corrigés et enrichis de notes…] (Amsterdam, Officina Westeniana, 1722, in‑4o). Le chapitre ii du livre ii des « Maladies chroniques » (page 367) est intitulé De canino raptu, quem Græci κυνικον σπασμον vocant [Raptus {a} canin, que les Grecs appellent spasme cynique] et commence par cette description :

In ista passione constitutos sequitur conclusio, sive contractio repentino motu veniens ac recedens sine ulla corporis turbatione, in utriusque labii ultimo fine, sive oris angulo, quem Græci χαλινον vocant ; ut etiam buccas adducat in posteriorem partem creberrime, tanquam ridentibus ; nunc palpebras, vel supercilia ac nares, ut etiam colla atque humeros rapiat, et ita patientes faciat commoveri, tanquam onus humeris bajulantes, transferendi ponderis causa. Differt autem a spasmo et paralysi musculorum, qui buccas conligant.

[Dans cette maladie, {b} le diagnostic provient de signes bien établis. Il s’agit d’une contraction qui apparaît en un transport soudain, puis disparaît sans aucune perturbation du corps. Elle atteint la commissure des lèvres, ou angle de la bouche, que les Grecs appellent le mors. {c} Très souvent, elle attire aussi les joues vers l’arrière du visage, comme chez les gens qui rient, ou encore les sourcils et les narines, jusqu’à entraîner aussi le cou et les épaules, secouant ainsi les patients, comme s’ils portaient une lourde charge sur les bras et voulaient s’en défaire. Elle diffère du spasme et de la paralysie des muscles qui maintiennent les joues].


  1. Littré DLF définit le mot médical raptus comme un « transport soudain des humeurs dans une partie ».

  2. J’ai traduit passio par « maladie » plutôt que par « souffrance » car, plus loin dans le chapitre, Cælius Aurelianus a réservé cette seconde acception au seul spasme. Un peu plus bas dans son commentaire, Pierre Suë a décrit le raptus caninus comme douloureux.

  3. Description que Pierre Suë a contractée en : contractio oris repentino motu veniens et recedens [contraction de la bouche qui apparaît en un transport soudain, puis disparaît].

Tout ce passage désigne les parties atteintes au pluriel, sans du tout laisser penser que, dans l’esprit de Cælius Aurelianus, le raptus n’atteint qu’une moitié du visage et du cou.

67.

Fundamenta pathologiæ et therap. de spasmo cynico [Bases de la pathologie et de la thérapeutique, du spasme cynique] (note de Pierre Suë), titre abrégé des :

Io. Friderici Cartheuser, Medicinæ Doctoris, eiusdemque in Universitate regia Viadrina Professoris publici ordinarii, Fundamenta pathologiæ et therapiæ, prælectionibus suis academicis accommodata. Tomus i. Potiora morborum genera morbosque capitis et pectoris continens.

[Bases de la pathologie et de la thérapie, que Io. Fridericus Cartheuser, {a} docteur en médecine, premier professeur public de cette matière en l’Université royale de Francfort-sur-l’Oder, a tirées de ses leçons académiques. Tome i, contenant les principaux genres de maladies et les affections de la tête et du thorax].


  1. Johann Friedrich Cartheuser (1704-1777).

  2. Francfort-sur-l’Oder, Johann Christian Kleyb, 1758, in‑8o ; tome i, section vii, chapitre ii (pages 501‑504), de Spasmo cynico et Risu Sardonio [Spasme cynique et Rire sardonique].

Pour Cartheuser, convulsio canina [convulsion canine], risus sardonius [rire (ou ris) sardonique], tortura oris [torture (contorsion) de la bouche] et spasme cynique forment une même entité pathologique, qui affecte une moitié de la face. Il ne les qualifie pas explicitement de chroniques et ne mentionne pas la douleur comme étant l’un de leurs symptômes. Voici sa définition du rire sardonique (note a, page 501) :

Risus Sardonius hæc affectio appellari creditur ab herba Sardonia, secundum traditionem in Sardinia primum inventa. Planta hæc vulgo Apium risus dicitur, et ranunculi venenati species est, quæ commesta spasmum hunc, mentisque alienationem producit.

[Le nom de cette affection qu’on appelle rire sardonique vient, croit-on, de la sardonia, plante que la tradition dit avoir été découverte en Sardaigne. Elle est vulgairement dite ache du rire ; {a} c’est une espèce de renoncule vénéneuse qui provoque ce spasme et une aliénation d’esprit quand on la mange].


  1. L’ache est une plate ombellifère qui ressemble au persil. L’Encyclopédie a fourni là-dessus quelques utiles compléments.

    • Sardoa ou sardoné :

      « Nom donné par les Anciens à la renoncule à feuilles d’ache, autrement dite apiastrum ; c’est un poison reconnu de tout temps pour tel ; mais Pline l’a confondu avec le baume sous le nom d’apiastrum, que les abeilles, {i} dit-il, recueillent en Italie. Le sardon a été nommé par les Grecs sardonia herba, parce que cette plante abonde dans l’île de Sardaigne, autrefois nommée Sardonia. »
    • Sardonien :

      « Maladie, est le même que ris involontaire et convulsif ; cette épithète vient au mot ris de l’herba sardonia ou sardoa, qui n’est autre chose que le ranunculus palustris, apii folio lævis, {ii} qu’on dit exciter une espèce de manie dans laquelle les joues sont retirées, de manière que l’on dirait que le malade rit ; c’est de là que vient l’expression proverbiale de ris sardonien pour ris forcé ; c’est avec raison qu’on le regarde comme un symptôme très dangereux, car il est suivi d’une mort subite et inattendue, {iii} déguisé sous la forme d’un ris faux et contre nature. »

      1. Apes en latin.

      2. Renoncule palustre, à feuille d’ache lisse.

      3. V. note [15], lettre 554.

      Ainsi défini, le rire sardonien ou sardonique évoque, par son évolution mortelle, le trismus du tétanos (dû à une toxine d’origine bactérienne, et non végétale, v. note [2], lettre 907).


68.

Dans la phrase précédente, Pierre Suë a rayé « mouvements » pour le remplacer par « manies ». Une manie (Littré DLF) était une « aliénation caractérisée par un délire général avec agitation, irascibilité, penchant à la fureur ». Cependant, je ne garantis pas l’exactitude du mot que j’ai transcrit car il n’est pas distinctement écrit.

La neurologie distingue aujourd’hui trois catégories d’affections (syndromes) touchant la moitié du visage (si on écarte l’épilepsie localisée, dite bravais-jacksonienne, spasme indolore de l’hémiface qui intéresse aussi ordinairement le membre supérieur du même côté) :

L’observation relatée dans le ms BIU Santé no 2007 correspondait à ce dernier diagnostic.

Le spasme cynique proprement dit, ou rire sardonique, contracte en même temps les deux côtés du visage, comme l’entendait Cælius Aurelianus (v. supra notes [66] et [67]). Apparenté au trismus (dont les causes sont locales ou générales), c’est une contracture qui touche principalement les muscles masticateurs (masséters) et n’évolue pas par accès intermittents (crises). Il est généralement douloureux.

La définition du spasme cynique dans le Dictionnaire de Trévoux est à oublier aujourd’hui car elle le confond avec l’hémispasme facial véritable : « convulsion particulière des muscles maxillaires qui tirent de côté la bouche, le nez et l’œil, et par conséquent la moitié du visage. On la nomme aussi contorsion de bouche. Il vient de kunikos, de chien, parce que cette convulsion imite la contorsion de gueule que les chiens font quand ils sont irrités. »

69.

Le seul titre de notre annexe sur le Procès opposant Jean Chartier à Guy Patin en juillet 1653 fait voir trois erreurs de Pierre Suë commentant les fos 261 ro‑ 264 vo du ms BIU Santé no 2007 :

  1. l’année, 1666 pour 1653 ;

  2. l’enceinte de la plaidoirie, qui ne fut pas la Faculté (où on discourait en latin), mais le Parlement (où on plaidait en français) ;

  3. l’opposant de Patin, Philippe Chartier (v. note [8], lettre 964) pour son frère aîné Jean, qui fut l’un des plus éloquents et virulents défenseurs du vin émétique d’antimoine (v. note [13], lettre 271).

70.

V. note [13], lettre 35, pour René Chartier (mort en 1654) et sa monumentale édition grecque et latine des œuvres complètes d’Hippocrate et Galien (Paris, 1638-1679).

Sauf à vouloir accabler Pierre Suë, tout ce qu’il a écrit depuis ma précédente note ([69]) est fondé sur les erreurs que j’y ai signalées et sur des lieux communs ; je me dispense charitablement d’en faire le commentaire détaillé.

71.

Jean ii Riolan ne « démissionna » pas de sa chaire royale (où Pierre Suë omettait la botanique) : en 1654, il vendit la survivance de sa charge à Guy Patin (v. note [29], lettre 372).

72.

« avec du suc de pavot ». V. notes [4], lettre 500, et [49], lettre latine 351, pour Socrate et sa condamnation à mort par la prise d’un poison auquel une tradition discutable a donné le nom de ciguë.

Notre édition contient la transcription intégrale, traduite et annotée, de la leçon de Guy Patin sur le laudanum et l’opium.

73.

« Manne d’encens », aussi dite des Grecs (v. note [26], lettre latine 351).

Notre édition contient la transcription intégrale, traduite et annotée, de la leçon de Guy Patin sur la manne.

74.

Dans sa lettre du 4 janvier 1633 (v. sa note [10]), Guy Patin a parlé de Zacharie Tonnelier, médecin qui exerçait probablement à Troyes, et de son long texte sur la dysenterie (Ms BIU Santé 2007, fos 426 ro‑438 vo). Claude ii Belin l’avait envoyé à Patin pour qu’il en obtînt l’impression, mais ce projet n’a pas abouti.

Sous le titre générique de Bibliotheca [Bibliothèque], Albrecht von Haller (v. supra note [43]) a publié quatre recueils bibliographiques : B. Botanica [B. Botanique] (1771-1772), B. Chirurgica [B. Chirurgicale] (1774-1775), B. Anatomica [B. Anatomique] (1774-1777), B. Medicinæ practicæ [B. de Médecine pratique] (1776-1788). Pierre Suë avait aussi vainement cherché Tonnelier dans le Catalogue de la bibliothèque de feu M. [Camille] Falconet [v. supra note [8]] (Paris, 1763) et dans la liste des médecins parisiens établie par Hyacinthe-Théodore Baron (v. supra note [27]).

75.

V. notes :

V. note [4], lettre latine 11, pour les Vindiciæ anatomicæ Revendications anatomiques] (Copenhague, 1648) de Thomas Bartholin contre Caspar Hofmann, qui avait rudement attaqué les travaux de Caspar Bartholin, père de Thomas. Je n’y ai pas retrouvé le propos exact que Pierre Suë lui prêtait. Le passage qui m’a paru s’en approcher le plus se lit aux pages 6‑7 de son livre (bien qu’il soit écrit dans le latin tortueux qui était ordinaire à Bartholin) :

Laudari enim meretur et ob insignem eruditionem, qua plerisque suis palmam præripuit, æstimari : Sed pro beneficiis nobis rependi largissima manu contumelias, id demum non ab eruditione traxit, sed mordaci genio, quem nunquam potuit edomare. Scilicet quemadmodum maximo superbit ingenio, ita maximam miscuit dementiam in amicissimos debacchantem, qualem Sennertum ubique gloriatur. Nulli tamen magis injurius. Cane pejus et angue falsum hoc amicitiæ nomen odit quicunque vel mica sinceri pectoris calet. Præter infelicem istum acerbi genij Disque iratis nati ductum, aliunde odium in Bartholinum crevit, si quidem non fallit augurium.

[Il {a} mériterait bien d’être loué et estimé pour sa remarquable érudition, qui a valu quantité d’honneurs à ses ouvrages ; mais en récompense, il a répandu sur nous de très libérales brassées d’injures, sans y être seulement entraîné par la science, mais par ce plaisir de mordre, dont il n’a jamais pu se départir. Parce qu’il s’enorgueillit d’un très grand génie, il a été jusqu’à tirer gloire d’avoir mêlé une immense déraison à ses emportements contre ses meilleurs amis, comme fut Sennert. Sans égal pour son injustice, pire qu’un chien et qu’un serpent, il tient pour faux ce nom d’amitié et déteste quiconque y nourrit la moindre miette de sincérité. En suivant, à la grande fureur des dieux, cette déplorable inclination d’un esprit acerbe, il a d’ailleurs fortifié sa haine à l’encontre de Bartholin, si l’augure ne me trompe].


  1. Caspar Hofmann.

76.

Pierre Rigaud n’a contribué en rien à la parution des manuscrits de Caspar Hofmann que Guy Patin a achetés à sa veuve et à leur fille après sa mort. Pierre Suë passait sous silence les Chrestomathies physiologiques et pathologiques, de loin le plus volumineux ouvrage d’Hofmann que Patin ait détenu, dont il obtint la publication en 1668, sous le titre d’Apologiæ pro Galeno libri tres… [Trois livres d’Apologie pour Galien…] (Lyon, Laurent Anisson, v. note [1], lettre 929).

V. notes :

Je conviens que la parution des livres d’Hofmann est difficile à démêler, mais on aurait pu s’attendre à mieux de la part de Suë qui prétendait bien connaître les écrits de Patin (où elle est omniprésente), et qui était professeur de bibliographie médicale de l’École de médecine de Paris et conservateur en chef de sa bibliothèque.

77.
Methodus studii medici, t. i, p. 362 (note de Pierre Suë). Cette référence renvoie à la Hermanni Boerhaave, viri summi, suique præceptoris, Methodus studii medici emaculata et accessionibus locupletata ab Alberto ab Haller… [Méthode pour l’étude de la médecine de l’éminent Hermann Boerhaave (1668-1738, professeur de médecine à Leyde), qu’Albrecht von Haller, son disciple, a corrigée et enrichie d’additions…] (Amsterdam, Jakob von Wetstein, 1751, 2 volumes in‑4o), note (a) au bas de la page 442 du tome i, au début du chapitre vii, De Splene [La Rate] :

Cum nihil valde compositi in eo viscere sit, pauci inter Anatomicos veteres peculiariter de eo scripserunt. […] Franciscus Ulmus Pictavensis, anatomes Professor Parisinus an. 1518. Lutetiæ parvum Libellum de Liene 8. edidit physiologicum potius quam anatomicum, quo sanguinem melioris notæ, arteriosum, in lieno pro corde præparari docet.

[Comme rien n’a été établi sur ce viscère, peu d’anciens anatomistes ont particulièrement écrit à son sujet. (…) Franciscus Ulmus, natif du Poitou, professeur d’anatomie à Paris, y a publié, en 1518, un petit livre in‑8o sur la rate, plus physiologique qu’anatomique, où il enseigne que la rate prépare pour le cœur le sang de la meilleure qualité, qui est artériel].

Confondant Pictaviensis [Poitevin] avec Patavinus [Padouan], Suë a tenu Franciscus Ulmus pour natif de Padoue, et a suivi von Haller dans son erreur quand il le disait à tort professeur d’anatomie à Paris, alors qu’il enseignait à Poitiers. Suë avait pourtant sous la main la lettre latine de Guy Patin à Christiaen Utenbogard, datée du 20 mars 1659 (ms BIU Santé no 2007, fo 79 ro), où il est question d’Ulmus et de son de Liene libellus [opusucle sur la Rate] (Paris, 1578). Dans sa note [6], j’en ai donné la référence exacte, avec une identification formelle de son auteur, François i Umeau (Ulmus), et un commentaire de cet article 6 de la 3e section du ms BIU Santé no 2007, que Suë s’échinait ici à analyser.

78.

Le baron Antoine Portal (Gaillac 1742-Paris 1832), docteur en médecine de Montpellier, professeur de médecine (1769) puis d’anatomie (1773) au Collège de France, premier médecin des rois Louis xviii et Charles x, fondateur de l’Académie de médecine (1820), a publié une Histoire de l’anatomie et de la chirurgie, contenant l’origine et les progrès de ces sciences (Paris, Didot le Jeune, 1770-1773, 6 tomes in‑8o). C’est une source de renseignements biographiques et bibliographiques à laquelle je n’ai pas recouru dans notre édition.

V. notes :

Dans les pièces introductives de cette dernière édition, la lettre à Wilhelm Ernst Scheffer (v. note [47], lettre 183), père de Sebastian, datée du 12. Cal. Aug. 1640 [21 juillet 1640], concernait bien les projets éditoriaux d’Hofmann (v. note [9], lettre latine 125), mais sans rapport avec des additions à ses traités parus en 1639.

79.

Quemadmodum hepar sanguinem conficit dextro cordis ventriculo, ita lien sanguinem facit pro sinistro, adeoque in liene sanguinis arterialis decoquitur et preparatur cordi et arteriis : source latine fournie par Pierre Suë, en note ; en y remplaçant decoquitur et preparatur par præcoquitur et præparatur, c’est la transcription exacte du propos de François Umeau que Caspar Hofmann a cité au début du chapitre xxiv de son propre traité sur la rate (pages 161‑162).

Je n’ai pas trouvé les deux fragments que Suë a cités et traduits juste avant celui-ci, mais Hofmann écrivait page 163 :

Et miretur aliquis jure, si Ulmus ex liene volebat deducere sanguinem quendam, cur non utraque manu acceptarit Aristotelis sententiam, lienem esse officinam sanguinis cujusdam ? At quomodo acceptare poterat, quam non intelligebat ? Cujus rei argumentum est, quod de vaporibus et flatibus tam multa affert quæ Aristoteles numquam somniavit.

[Chacun s’étonnera à juste titre qu’Umeau ait voulu faire venir de la rate un sang particulier ; mais pourquoi n’a-t-il donc pas applaudi la sentence d’Aristote disant que la rate est la fabrique du sang ? Comment pouvait-il l’approuver quand il ne la comprenait pas ? Voilà bien la preuve qu’en matière de fumées et de vents, il en a inventé bien plus qu’Aristote n’a jamais rêvé].

Hofmann défendait les conceptions d’Aristote sur la rate et mettait en pièces celles de Galien, que développait Ulmus. Les progrès de la médecine n’ont donné raison ni à l’un ni à l’autre. Tout cela est détaillé dans la note [6] de la lettre latine 120

80.

Sans préciser sa référence exacte à Albrecht von Haller, Pierre Suë plagiait ici les deux rudes phrases par lesquelles Nicolas François Joseph Éloy (v. supra note [52]) avait conclu (en 1778) son article sur Caspar Hofmann :

« On remarque, en général, que les ouvrages de ce médecin lui donnent un air d’érudition qu’il ne doit qu’aux fruits qu’il a tirés de ses lectures car, de même qu’il a parlé d’anatomie sans avoir manié le scalpel, il a beaucoup écrit sur la pratique sans avoir vu de malades. C’est le jugement qu’en porte le célèbre Haller. »

81.

V. l’Avis de décès de Guy Patin.

82.

Citoyen.

83.

Le mémoire d’Anne-Sophie Pimpaud se termine par une Annexe (pages 117‑120) décrivant la structure détaillée du ms BIU Santé no 2007, de la première à la dernière feuille (fo 440).

Pierre Suë (v. supra note [22]) mérite bien mieux que ma critique, objective mais implacable, de son Rapport sur le ms BIU Santé no 2007. Il l’a rédigé au cours du dernier trimestre de 1796, dans l’agitation politique du Directoire et sans les immenses facilités bibliographiques dont nous disposons aujourd’hui. Son portrait, peint en 1809 et pieusement conservé par la Bibliothèque, atteste de sa grande notoriété et de la profonde reconnaissance que lui doivent les médecins et les historiens.

Guy Cobolet, lointain successeur de Suë à la direction de la Bibliothèque et l’un des fervents promoteurs de notre édition, m’a transmis ces quelques lignes d’hommage :

« Pierre Suë est à la BIU Santé ce que John Shaw Billings est à la NLM : {a} des pierres milliaires, sans qui les fonds et nos collections patrimoniales ne seraient pas ce qu’elles sont et n’auraient jamais été.

Pendant 14 ans, Suë a fouillé les dépôts révolutionnaires de Paris, où il a repéré et emporté les livres confisqués qui lui semblaient nécessaires pour refonder la bibliothèque de la nouvelle École de Santé. Un travail de Romain ou de bénédictin, extraordinaire : il a repéré les meilleures éditions des textes anciens, et tout ce qui compte encore aujourd’hui dans la médecine occidentale jusqu’en 1800, au plan historique et patrimonial. » {b}


  1. La United States National Library of Medicine [Bibliothèque nationale de médecine des États-Unis] est rattachée aux National Institutes of Health [Instituts nationaux de la santé] (Bethesda, Maryland). Elle s’est développée à partir de la Surgeon General’s Library [Bibliothèque du Chirurgien général] que le chirurgien et bibliothécaire John Shaw Billings (1838-1913) a dirigée et considérablement enrichie de 1865 à 1895.

  2. Notre édition doit à Pierre Suë un grand nombre de liens qui renvoient vers les reproductions d’anciens ouvrages conservés par la BIU Santé.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Le manuscrit 2007 de la Bibliothèque interuniversitaire de santé (recueil Peÿrilhe)

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8128

(Consulté le 18/04/2024)

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