Autres écrits
Ana de Guy Patin :
Naudæana 2  >

Paris, 1701, pages 32‑64 [1]


1.

V. note [18], lettre 95, pour Flavius « Josèphe, auteur des Antiquités judaïques et de la Guerre des juifs ».

2.

« [Samuel Petit] est un misérable critique ».

V. notes :

Scaliger a souvent parlé de Josèphe dans sa correspondance (années 1584 à 1608). À titre d’exemple, voici ce qu’il en écrivait dans sa lettre à Jacques-Auguste i de Thou, datée de Leyde, le 17 novembre 1600 (volume iii, pages 523‑525 de l’édition de Genève, 2012) :

« Je vous ai écrit naguère par deux fois, et vous ai averti que quelques-uns de mes amis m’avaient prié de mettre la main au Josèphe, qui est si gâté qu’il n’y a nul (j’oserai bien dire) qui l’entende bien. Par ce {a} je vous suppliais par mes dernières de nous faire collationner un exemplaire imprimé de cet auteur sur ceux que le roi a en sa bibliothèque. {b} Je sais bien qu’il en y avait quatre, desquels l’un a été de feu mon père. {c} Il y a plus d’une page entière à dire au second in Apionem, où la lacune a été laissée ; mais Rufinus retient toute cette histoire en sa version, qui montre bien ce qui manque au grec. {d} Je ferais une belle édition si j’étais aidé des manuscrits, et la langue hébraïque nous y aiderait beaucoup. Sans l’assistance des manuscrits, je ne le veux entreprendre, combien qu’en lisant cet auteur par intervalles, j’aie corrigé d’étranges et lourdes fautes.

J’ai travaillé sur le Chronicon d’Eusèbe non pour l’amour du livre, car il n’est pas ce qu’on pense, mais pour les occasions qui s’entremettent de parler de choses qui méritent d’être mises en évidence ; mais je ne sais où je le ferai imprimer car mon bon ami Christophe Raffeling est aux abois de la mort, qui m’est un grand déplaisir. {e} Je vieillis fort, mais j’ai encore bon courage. » {f}


  1. C’est pourquoi

  2. Plusieurs ouvrages manuscrits de Flavius Josèphe, en latin et en français, sont disponibles en ligne dans la bibliothèque numérique Gallica de la BnF.

    « Collationner signifie ordinairement mettre une copie devant son original, et les comparer pour voir s’ils sont conformes » (Furetière).

  3. Jules-César Scaliger.

  4. Rufin d’Aquilée, auteur chrétien du ive s., a traduit du grec en latin les deux contre Apion, sur l’antiquité du peuple juif, où Josèphe répondait à ce grammairien d’Alexandrie (ier s.) qui avait critiqué ses Antiquité judaïques.

  5. Christophorus Raphelingius (Van Ravelenghien, 1566-17 décembre 1600) était l’imprimeur de l’Université de Leyde.

  6. Sans évidemment oser m’égaler au grand Scaliger, je partage, en l’appliquant à mon labeur sur Guy Patin, ce qu’il écrivait sur son projet de Josèphe et son Eusèbe : et l’irremplaçable valeur des sources manuscrites, et l’acharnement à éditer et à amender un auteur dont on n’approuve pas toujours et partout la valeur propre.


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 167 :‑168 :

« Le public n’aura pas sujet de regretter la perte de l’ouvrage de Scaliger sur Josèphe si l’illustre M. Boivin peut achever l’édition de cet historien qu’il a entreprise, {a} car outre qu’il ne lui manque aucune des qualités qu’un bon critique doit avoir, il pourra peut-être aussi profiter des lumières de Scaliger, à présent qu’on sait que l’exemplaire corrigé et noté par lui-même est entre les mains du savant M. Schurtzfleich de Wittemberg. » {b}


  1. Louis Boivin, dit l’Aîné (Montreuil-l’Argilé, près de Lisieux 1649-Paris 1724), avocat et homme de lettres, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1701, a travaillé pendant trente ans à éditer Josèphe, mais sans en venir à bout.

  2. Konrad Samuel Schurtzfleisch (1641-1708), historien et philologue allemand, professeur à l’Université de Wittemberg, était propriétaire d’une riche bibliothèque. Les Mémoires pour l’Histoire des sciences et des beaux arts. Janvier 1714 (Trévoux, Imprimerie de Son Altesse Séréinissime [Louis Auguste de Bourbon, duc du Maine, prince des Dombes], in‑12) en ont donné ce témoignage (article xli, Nouvelles littéraires, de Halle, page 545) :

    « M. Henri Leonard Schurtzfleisch fera paraître incessamment le troisième volume des lettres de feu son frère, Conrad Samuel Schurtzfleisch ; il a entre les mains un Josèphe dont les marges sont chargées de beaucoup de notes de la main de Joseph Scaliger. »

3.

« des femmes et des hommes illustres. […] il a écrit une histoire de Naples, parmi bien d’autres choses. »

Giulio Cesare Capaccio (Capmagna, Campanie 1550-Naples 1634), Julius Cæsar Capacius (corrompu en Lapacius dans le Naudæana imprimé), Urbis Neapolis a secretis et civis [secrétaire et citoyen de la ville de Naples], théologien, historien et poète, a publié une quantité d’ouvrages. Gabriel Naudé en citait deux :


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 168‑169 :

« Julius Cæsar Capacius ou Capaccio. Il était de Campagna dans la principauté citérieure au royaume de Naples. {a} François de la Rouvère, duc d’Urbin, lui confia l’éducation de son fils {b} et, pour récompense, le mit au nombre de ses gentilhommes : c’est la qualité que le Capaccio prend à la tête de son Traité du Prince imprimé à Venise en 1620. {c} Il mourut en 1631 in æta matura, dit le Crasso. {d} Ses deux principaux ouvrages, savoir l’Histoire de Naples et celle de Pozzuolo, ne sont pas de lui, mais d’un certain Fabio Giordano, si nous en croyons le Toppi, chez qui on peut voir une liste exacte des ouvrages du Capaccio. » {e}


  1. Bien que Vitry la qualifie ici de « citérieure » (c’est-à-dire ce côté-ci par rapport au nord), Campagna (Campanie, province de Salerne) se situe au sud de Naples, capitale du royaume des Deux-Siciles.

  2. Francesco Maria ii Della Rovere (1549-1631) fut le dernier duc d’Urbin de 1574 à sa mort, car celle de son fils Frederico Ubaldo (1605-1623, nommé duc en 1621) laissa le duché vacant et permit son intégration dans les États pontificaux (v. note [40] du Naudæana 3).

  3. Il Principe, del Signor Giulio Cesare Capaccio, Gentil’huomo del Serenissimo Signor Duca d’Urbino, Tratto da gli Emblemi dell’Alciato, con ducento, e più avvertimenti politici e morali. Utilissimi à qualunque Signore per l’ottima eruditione di Costumi, Economia, et Governo di Stati. Con due copiose Tavole, l’una de gli Emblemi, et l’altra delle cose più notabili. Al Serenissimo Frederic ii di Montefeltro della Rovere, Principe d’Urbino.

    [Le Prince, du Sieur Giulio Cesare Capaccio, gentilhomme du sérénissime seigneur duc d’Urbino. Tiré des Emblèmes d’Alciat, {i} avec plus de deux cents mises en garde politiques et morales. Très utile à tout homme désirant acquérir la meilleure connaissance des coutumes, de l’économie et du gouvernement d’un État. Avec deux copieux index, l’un des Emblèmes, et l’autre des matières les plus remarquables. Au sérénissime Frederico ii {ii} de Montefeltro della Rovere, prince d’Urbin]. {iii}

    1. V. note [19], lettre 229.

    2. Aussi prénommé Ubaldo.

    3. Venise, Barezzo Barezzi, 1620, in‑4o de 439 pages.
  4. « dans un âge avancé » : Elogii de Lorenzo Crasso (Venise, 1666, v. notule {c}, note [41] du Naudæana 1), pages 227‑230, avec un médiocre portrait de Capaccio.

  5. La Biblioteca Napoletana de Niccoló Toppi (Naples, 1678, v. notule {b}, note [68] du Naudæana 1) cite (pages 165‑166) la Neapoletana Historia et Puteolana Historia a Iulio Cæsare Capacio Neapolitanæ Urbis a secretis et cive conscripta. Accessit eiusdem de Balneis libellus [Histoire de Pouzzoles écrite par Giulio Cesare Capaccio, citoyen et secrétaire de la ville de Naples. Avec son opusculule au sujet de ses Bains (v. note [48] du Faux Patiniana II‑4)] (Naples, Constantinus Vitalis, 1604, in‑4o), mais avec ce commentaire :

    Queste due ultime opere Latine, che sono le più belle del Capaccio, sono fatiche dell’eruditissimo Fabio Giordano, che originalmente conservanti nella famosa Biblioteca de’ m.s. de’ Padri Clerici Regolari de’ SS. Apostoli di Napoli […]. Pietro Lasena, et il Tutini.

    [Ces deux derniers ouvrages latins, qui sont les plus beaux du Capaccio, ont été faits par le très érudit Fabio Giordano. Ils étaient originellement conservés dans la fameuse bibliothèque des manuscrits des pères clercs réguliers des Saints-Apôtres de Naples (…)].


4.

Joannes Franciscus Slingelandus (van Slingelandt), ecclésiastique catholique flamand, n’est guère connu que par ce qu’en a écrit le Naudæana.

Le cardinal Giovanni Francesco Guido di Bagno (v. note [12], lettre 59), dont Naudé fut le bibliothécaire en Italie, avait été nonce en Flandre en 1623.


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 169 :

« Joannes Franciscus Stingelantius. Il fallait dire Slingelandus. {a} Allatius lui a dédié sa dissertation de erroribus magnorum virorum in dicendo, imprimée à Rome en 1635. Slingelandus en partait alors pour revenir en Flandre. {b} Naudé lui a dédié aussi la Dissertation de J. Bapt. Doni de utraque pænula en 1644, où il le loue fort de ses belles connaissances et de la passion extrême qu’il avait pour tout ce qui se ressentait de l’Antiquité. » {c}


  1. « On a mis dans cette édition [1702-1703] Slingelantius » (Note de Vitry).

  2. Épître dédicatoire non datée (pages 2‑3) du Leonis Allatii de Erroribus Magnorum Virorum in dicendo Dissertatio Rhetorica. Ad clarissimum Ioannes Franciscum Slingelandum, Protonotarium Apostolicum, et Canonicum Duacensem [Essai rhétorique de Leo Allatius {i} sur les propos erronés de grands hommes. Au très distingué Johannes Franciscus Slingelandus, protonotaire apostolique {ii} et chanoine de Douai] : {iii}

    Hæc propterea tuis iuxta, ac meis amicis testata esse volui istiusce Libelli munere, quod Roma discedens, veluti Propemticon, accipies.

    [Outre qu’il témoigne de nos amitiés communes, voilà pourquoi j’ai voulu que tu acceptes l’offrande de ce petit livre, en guise de discours d’adieu, puisque tu quittes Rome].

    1. V. note [1] du Naudæana 1.

    2. V. note [19] du Patiniana I‑3.

    3. Rome, héritiers de Mascardi, 1635, in‑8o de 200 pages.
  3. Épître dédicatoire de Gabriel Naudé (de Paris, le 9 mai 1644) à la Ioannis Baptistæ Donii Dissertatio de utraque pænula [Dissertation de Johannes Baptista Donius sur les deux pénules] (Paris, Sébastien et Gabriel Cramoisy, 1644, in‑4o). L’érudit musicologue Giovanni Battista Doni (Florence 1594-ibid. 1647) avait prononcé sa dissertation sur les pèlerines des anciens Romains devant l’Academia Basiliana de Rome, le 13 septembre 1638.

    Les Epistolæ [Épîtres] de Naudé (Genève, Johann Hermann Widerhold, 1667, in‑12) contiennent une lettre latine (lxix, pages 516‑518) adressée à Franciscus Slingelandus, à Dordrecht, datée de Rieti (Latium), le 2 mars 1638, où il est principalement question de leur commun ami Jan van Beverwijk.


5.

V. la note [9], lettre 264, et le début de la lettre 873 pour Jules-César Bulenger (ou Boulenger), sa vie aventureuse et ses 13 livres d’Historiarum sui temporis [Histoires de son temps] (Lyon, 1617). Parmi plusieurs autres ouvrages, les six qui suivent montrent qu’il était bien plus savant historien et moins fripon que ne le laissaient penser Gabriel Naudé et Guy Patin.

  1. Iulii Cæsaris Bulengeri Iuliodunensis, de Theatro, Ludisque scenicis libri duo. Editio prima,

    [Deux livres de Jules-César Bulenger, natif de Loudun, sur le Théâtre et les Jeux scéniques. Première édition] ; {a}

  2. Iulii Cæsaris Bulengeri Iuliodunensis, de Tributis ac Vestigalibus populi Romani liber, in quo vectigalium regni Galliæ, et eorum qui vectigalibus præsunt, origo illustratur. Nunc primum in Germania editus ; sublatis mendis, quæ Tolosanam editionem deformarant,

    [Livre de Jules-César Bulenger, natif de Loudun, sur les Tributs et Impôts du peuple romain, qui met en lumière l’origine des impôts du royaume de France, et de ceux qui y sont préposés. Publié pour la première fois en Allemagne, en ôtant les fautes qui défiguraient l’édition de Toulouse] ; {b}

  3. Iulii Cæsaris Bulengeri Diatribæ, ad Isaaci Casauboni Exercitationes adversus Illustrissimum cardinalem Baronium. In duas partes divisæ. Cum Indice diatribarum, et materiarum locupletissimo,

    [Diatribes de Jules César Bulenger contre les essais d’Isaac Casaubon attaquant le très illustre cardinal Baronius. {c} Divisées en deux parties, avec une très riche table des diatribes et des matières] ; {d}

  4. Iulii Cæsaris Bulengeri Lodunensis, Doctoris Theologi, et in Academia Pisana Professoris, de Imperatore et Imperio Romano libri xiii. Quorum tres priores de Insignibus Imperii, Purpura, Diademate, Corona, Igne, Fortuna aurea, Imaginibus, Infulis, etc. Novem vero posteriores, De Dignitatibus et Officiis utriusque Imperii, occidentis et orientis, servato Imperatorum, a quibus officia quæque instituta sunt, ordine, tractatnt. Adiecta sunt pro cumulo, De officiis regni Galliæ tum magnæ Ecclesiæ Constantinopoleos, Appendices duæ, non illaudabiles,

    [Treize livres de Jules César Bulenger, natif de Loudun, docteur en théologie et professeur de l’Université de Pise, sur l’empereur et l’empire romain. Les trois premiers traitent des insignes du gouvernement, pourpre, diadème, couronne, éclairs, Fortune dorée, portraits, bandeaux, etc. ; les neuf autres, des dignités et charges des deux empires, d’Occident et d’Orient, mises au service des empereurs, avec ceux qui les ont instituées et dans quel ordre. On y a ajouté, pour compléter le tout, deux appendices non indignes de louanges sur les offices du royaume de France et de la grande Église de Constantinople] ; {e}

  5. De Pictura, Plastice, Statuaria libri duo. Ad Illustrissimum et Potentissimum Heroëm, Iustum Henricum Turnonium Comitem Rossilionæum. Auctore Iulio Cæsare Bulengero, Societatis Iesu Presbytero,

    [Deux livres sur la peinture, la sculpture, la statuaire. Dédié au très illustre et puissant Just Henri de Tournon, comte de Roussillon, {f} par Jules-César Bulenger, prêtre de la Compagnie de Jésus] ; {g}

  6. De Ludis privatis, ac domesticis veterum liber unicus…

    [Un livre sur les jeux auxquels se distrayaient les anciens, seuls ou en famille…]. {h}


    1. Tricassibus (Troyes), Petrus Chevillot, 1603, in‑8o de 507 pages illustré de quelques gravures.

    2. Tubingen, Johannes Alexander Cellius, 1618, in‑4o de 98 pages ; première édition à Toulouse, 1612, in‑8o.

    3. Londres, 1614, v. note [18], lettre 318.

    4. Lyon, héritiers de Gulielmus Rovillius (Rouillé ou Roville), 1617, in‑4o de 281 pages. Ces trois diatribes contre Casaubon pouvaient être à l’origine des médisances de Naudé et Patin.

    5. Lyon, héritiers de Guilielmus Rovillius, 1618, in‑fo de 756 pages.

      Cet ouvrage est dédié à Cosme ii de Médicis (1590-1621), grand-duc de Toscane de 1609 à sa mort, fils de Ferdinand ier (v. notule {a}, note [39] du Patiniana I‑2).

    6. Grand sénéchal d’Auvergne, mort en 1643.

    7. Lyon, Ludovicus Prost, héritier de Roville, 1627, in‑8o de 394 pages.

    8. Ibid. et id. 1617, in‑8o de 80 pages ; mêmes dédicataire et signature que le précédent.

Le Patiniana I‑1 (v. sa note [44]) contient un article similaire à celui-ci.

6.

Trium disertissimorum virorum Præfationes ac Epistolæ Familiares aliquot : Mureti, Lambini et Regii. Quibus propter argumenti similitudinem, doctissimi ac eloquentissimi viri Pauli Manutii præfationes adiunximus, cum indice copiosissimo

[Quelques préfaces et lettres familières de trois habiles orateurs : Muretus, {a} Lambinus {b} et Regius. {c} En raison de la similitude du propos, nous y avons ajouté les préfaces du très savant et éloquent Paulus Manutius, {d} avec un très riche index]. {e}

Muret a désavoué ce recueil dans les :

M. Antonii Mureti, I.C. ac Civis Romani Epistolæ.

[Lettres de M. Antoine Muret, jurisconsulte et citoyen romain]. {f}

Dans la première lettre (pages 1 vo‑2 ro), datée de Rome le 24 août 1579 et adressée Iohanni Nicotio, V.C. Consiliario Regio [au très distingué M. Jean Nicot, {g} conseiller du roi], Muret écrit :

Hoc autem æquiore animo passus sum extare aliquas epistolas meas, quod quædam multis iam abhinc annis editæ sunt pro meis, de quibus scribendis ego ne per somnium quidem unquam cogitavi. Confinxerat eas is ipse, qui tanquam a me ad se missas divulgaverat, homo eruditus ille quidem, sed improbus, et natura nocendi ac maleficiendi cupidus : cum plurima et maxima officia quibus a me affectus erat, summis iniuriis compensare vellet. Qua de re olim a me graviter obiurgatus, multis cum lacrimis a me veniam petiit, laqueo digna commisisse se fassus, cum ei sermoni Hadrianus Turnebus et Iohannes Auratus præsentes interessent. Sed mittamus hæc.

[J’ai aussi enduré avec calme de voir quelques lettres publiées comme miennes, voici de nombreuses années, alors que je n’ai jamais songé à les écrire, pas même en rêve. Celui qui les avait forgées est celui-là même qui les avait divulguées, en les disant reçues de moi : il s’agit certes d’un savant homme, mais malhonnête et par nature désireux de nuire et de médire, puisqu’il voulait récompenser de copieuses insultes les nombreux et éminents services que je lui avais rendus. Je l’en ai jadis sévèrement réprimandé et il m’en a demandé pardon dans un flot de larmes, avouant avoir commis une faute digne de la corde ; et ce en présence d’Hadrianus Turnebus et de Jean Dorat. {h} J’ai pourtant bien envoyé celles qui suivent]. {i}


  1. V. note [31], lettre 97, pour Marc-Antoine Muret et ses mauvaises mœurs, avant son exil volontaire à Rome.

  2. V. note [13], lettre 407, pour Denis Lambin.

  3. Ludovicus Regius (Louis ou Loys Le Roy, Coutances vers 1510-Paris 1577), savant prosateur et traducteur, a obtenu la chaire royale de grec du Collège de France en 1577. V. notes [28] et [29] du Borboniana 7 manuscrit pour de plus amples détails sur sa personne.

  4. Le nom de Paul Manuce, Paolo Manuzzio, mort en 1574 (v. note [16], lettre latine 38) laisse à penser que son fils, Alde le Jeune (v. note [38] du Patiniana I‑1) avait pu contribuer à cette édition.

  5. Paris, Ægidius Maugier, 1578, in‑8o de 549 pages.

  6. Paris, Robertus Coulombel, 1580, in‑8o de 198 pages, avec l’emblème des Alde, formé d’un poisson enroulé autour de la verge d’une ancre.

  7. V. note [24], lettre 1019.

  8. V. note [20], lettre 392, pour Adrien Turnèbe (Tournebœuf), professeur royal d’éloquence grecque et latine ; Johannes Auratus est le nom latin de l’helléniste Jean Dorat (v. note [30] du Borboniana 7 manuscrit), professeur royal de grec en 1560.

  9. Dans sa réponse (pages 2 vo‑4 vo), datée de Brie-Comte-Robert (capitale de la Brie française entre Melun et Créteil) le 30 septembre 1579, Nicot console Muret, mais sans révéler le nom de celui qui l’aurait trahi.

    Le recueil contient 19 lettres fort amicales de Muret à Paul Manuce.


7.

« Il avait pris la fuite devant le bûcher de la rigoureuse Toulouse ;
et voilà que ce Muret m’a vendu de la fumée. »

Plusieurs fois cité dans les ana, ce distique de Joseph Scaliger a été imprimé dans ses Poemata omnia [Poèmes complets] (Leyde, 1615, v. notule {c}, note [55] du Borboniana 2 manuscrit). V. note [19] de L’homme n’est que maladie, pour le mauvais tour que Marc-Antoine Muret avait joué à Scaliger en attribuant au poète comique latin Trabea six vers qu’il avait lui-même composés dans le style antique. Scaliger s’était laissé duper jusqu’au point de publier le prétendu poème dans la première édition de ses commentaires sur Varron (pour les supprimer dans la suivante).

Scaliger en a parlé dans sa lettre à Claude Du Puy, datée d’Abain (v. note [8], lettre 266), le 8 février 1576 (Ép. fr. x, pages 44‑45) :

« Monsieur Cujas {a} m’écrivit dernièrement que Monsieur Muret était mort et qu’on < le > lui avait écrit d’Italie. Je voudrais fort en savoir la vérité et vous supplie très humblement de m’en éclaircir, car je serais bien marri qu’il s’en fût allé plus tôt que je lui eusse rendu compte de ses vers d’Attius et Trabea. » {b}


  1. Jacques i Cujas.

  2. La longue note A de Bayle sur Trabea détaille toute cette affaire. Plusieurs passages des Lettres de Scaliger attestent de l’admiration qu’il vouait à Muret, notamment parce qu’il l’avait soutenu dans la querelle sur l’ancienneté de la famille de La Scala (de laquelle les Scaliger prétendaient être issus, v. infra note [13]).


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 169‑170 :

« On dit à la vérité que Muret était coupable du meurtre d’un homme, mais il y a quelque apparence que cet accident ne fut pas la véritable cause de sa fuite. M. Ménage en donne une autre raison, dont il dit avoir tiré la preuve du second volume des Registres Journaux de Toulouse. {a} Est-il permis de douter de ce fait après un témoignage si positif ? Outre que la peine du feu, dont Muret était assurément menacé, peut faire douter que ce fût pour le meurtre d’un homme qu’il fut obligé de s’évader. Cette affaire lui arriva en 1554. Hippolyte d’Este, cardinal de Ferrare, {b} le reçut dans sa famille. Il mourut à Rome le 4 juin 1585, âgé de 59 ans et deux mois. »


  1. « Antibaillet, tome i, pages 308 et suiv. » (note de Vitry).

    Ce rude passage se trouve aux pages 313‑314 de l’Anti-Baillet de Gilles Ménage (La Haye, Estienne Foulque et Louis van Dole, 1688, in‑12, tome premier) :

    « Muret aimait un jeune garçon de Dijon, qui avait été son écolier, nommé François Menge Fremiot. {i} […] Je veux croire que Muret aimait ce jeune garçon d’un amour honnête. Cependant, il fut accusé de l’aimer d’un amour déshonnête, ce qui paraît par cet extrait du second volume des Registres Journaux de la Ville de Toulouse : Cette année (1554) Marc-Antoine Muret, Limousin, qui a laissé de doctes livres à la postérité, et du depuis à Rome, orateur du pape, fut brûlé en effigie avec un Memmius Fremiot, de Dijon, pour être huguenot et sodomite, en la place Saint-Georges, par sentence des capitoux {ii} de Toulouse, confirmée par arrêt. Il n’y a point d’apparence que cette sentence des capitoux de Toulouse ait été confirmée par arrêt du parlement de Toulouse car, ayant été donnée par contumace et ordonnant le plus sévère des supplices, il ne peut pas y en avoir eu appel a minima {iii} de la part du procureur du roi. J’ai appris de Monsieur Baluze qu’il avait appris de Monsieur de Caseneuve qu’un conseiller du parlement de Toulouse, ami et admirateur de Muret, fut chez lui pour lui donner avis des poursuites qu’on faisait contre lui ; et que ne l’ayant point trouvé, il lui écrivit ce vers, Heu fuge crudeles terras, fuge littus avarum. {iv} Muret, sur cet avis, s’enfuit de Toulouse et s’en alla en Italie. »

    1. Poète latin français, surnommé Memmius Fremiotus, dont Ménage pense que le véritable prénom était Louis, Luc ou Lambert.

    2. Ou capitouls, magistrats municipaux de Toulouse.

    3. Procédure engagée par le ministère public quand il estime une peine trop légère (v. note [12], lettre 180).

    4. « Fuis, hélas, ces cruelles terres, fuis le rivage des cupides ! »
  2. V. note [32] du Borboniana 6 manuscrit.

8.

« ermite augustin, c’était un homme né pour sortir des ténèbres toutes les antiquités romaines et ecclésiastiques, il mourut à Palerme à peine âgé de 39 ans. […] hautement loué par Scaliger. »

V. note [2], lettre 117, pour Onuphrius Panvinius (Onofrio Panvinio). La même note cite une lettre de Joseph Scaliger qui disait grand bien de lui ; mais dans celle-là, comme dans la plupart des autres où il parle de Panvinio, son admiration était moins liée aux travaux de l’historien qu’à ses recherches visant à prouver l’ancienneté et la noblesse de la famille Scaliger (de La Scala, v. infra note [13]).

9.

Forli est la ville d’Émilie-Romagne où était né Girolamo Mercuriali (v. note [16], lettre 18.

Aucun biographe ne donne les dates extrêmes de la vie de Vincentius Baronius (Vincenzo Baronio, sans lien de parenté avec le plus célèbre cardinal Cesare Baronio, v. note [6], lettre 119), mais de nombreuses sources citent son unique ouvrage, intitulé :

Vincentii Baronii Meldulensis civisque, et Medici Foroliviensis, de Pleuripneumonia, nempe : De morbo ex costalibus membranæ, et pulmonis inflammatione conflato, pernicioso quidem, et frequentissimo, et a nemine hactenus observato. Libri duo. Ob varias quæstiones, quas continent, non minus lectu utiles, quam iucundi. Ad Eminentissimum ac Reverendissimum D.D. Ioan Franciscum ex Comitibus Guidiis a Balneo cardinalem, etc.

[Deux livres de Vincentius Baronius, natif et citoyen de Meldola, {a} et médecin de Forli, sur la Pleuropneumonie : soit une maladie vraiment pernicieuse et très fréquente, que personne n’a observée à ce jour, due à l’inflammation de la membrane attachée aux côtes {b} et des poumons. Ils ne sont pas moins utiles qu’agréables à lire, en raison des questions variées qu’ils contiennent. À l’éminentissime et révérendissime M. Giovanni Francesco, cardinal issu des comtes Guido di Bagno, {c} etc.] {d}


  1. En Émilie-Romagne.

  2. La plèvre dont les deux feuillets permettent au poumon de glisser sur les côtes.

  3. V. note [12], lettre 59.

  4. Forli, Io. Cimattius, 1638, in‑4o de 378 pages.

J’ai corrigé l’erreur du texte du Naudæana : Peripneumonia pour Pleuripneumonia. L’épître dédicatoire au cardinal est datée de Forli, le 4 janvier 1636. Dans les pièces liminaires, il y a une lettre de louanges à l’auteur intitulée Vincentio Baronio Philosophiæ et Medicinæ Doctori clarissimo, Gabriel Naudeus S.P.D. [Gabriel Naudé adresse toutes ses salutations à Vincentius Baronius, très brillant docteur en philosophie et médecine], datée de Massa Fiscaglia (Émilie-Romagne), le 29 avril 1634 (pages a2 ro‑[a3 ro]).

Je n’ai pas feuilleté la rare première édition (Forli, 1636, in‑4o), dont le titre était un peu différent :

De pleuripneumonia, anno 1623 et aliis temporibus Flaminiam aliasque regiones populariter infestante, ac a nemine hactenus observata, libri duo

[Deux livres sur l’Épidémie de pleuropneumonie qui a infesté la Romagne et d’autres régions, en 1623 et en d’autres temps, et que personne n’a observée jusqu’ici].

La pleuropneumonie étant une atteinte conjointe de la plèvre et du poumon sous-jacent, son caractère épidémique évoque au premier chef une grippe (infection provoquée par un Influenzavirus).


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 170‑171 :

« On prendra ici occasion de dire qu’il y a au devant de ce traité de Vinc. Baronius une lettre latine de Naudé, par laquelle il exhorte ce médecin à mettre au jour son ouvrage de peripneumonia, et que cette lettre a été oubliée parmi les autres ouvrages de Naudé qu’on a mis ci-devant. » {a}


  1. Catalogus omnium Operum Gabrielis Naudæi, Parisini, Eminentissimi cardinalis Mazarini Bibliothecarii [Catalogue de toutes les œuvres de Gabriel Naudé, natif de Paris, bibliothécaire de l’éminentissime cardinal Mazarin] (pagination séparée, pages 1‑12 du Naudæana de 1701).

10.

Séraphin Olivier-Razali (Lyon 1538-Rome 1609) avait joint à son patronyme celui de son beau-père, Francesco Razali, natif de Bologne et second mari de sa mère. Docteur de Bologne en droits civil et canonique, il fut l’un des douze auditeurs (juges) de la Sainte Rote romaine (v. note [33], lettre 342) de 1564 à 1604. Patriarche d’Alexandrie en 1602, il fut élu cardinal en 1604, et fut dès lors appelé « le cardinal Séraphin ».

Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou (livre cxxxi, règne de Henri iv, année 1604, Thou fr, volume 14, pages 286‑287), Le bâtard du Chancelier Olivier est fait cardinal :

« Il y eut cette année à Rome une promotion de cardinaux plus nombreuse qu’on ne l’avait vu jusqu’alors. Le pape {a} donna le chapeau à dix-huit personnes d’un mérite distingué ; entre autres à Séraphin Olivier, homme très recommandable par la candeur de ses mœurs et par son savoir. Il était fils naturel de François Olivier, qui avait exercé avec tant de gloire la charge de chancelier de France ; {b} c’est ce qu’on a ignoré jusqu’ici. On a su seulement qu’il était né à Lyon, et qu’il avait été élevé à Bologne, sa mère étant bolonaise ; en sorte qu’il passait en Italie pour être moitié français et moitié italien : la France et l’Italie concoururent également à le faire élever au cardinalat. Au moins, le pape voulut qu’on crût qu’il ne lui accordait le chapeau qu’à la recommandation du roi très-chrétien, honneur qu’il méritait d’ailleurs par sa vertu et la réputation qu’il s’était acquise à la cour de Rome, où il était depuis si longtemps. »


  1. Clément viii.

  2. Le Borboniana 10 manuscrit a repris ce passage : v. la première notule {a} de sa note [28] pour François Olivier, chancelier de France de 1545 à sa mort.

Jean du Bois-Olivier, moine célestin, portait en italien le nom d’abbate del Bosco. Né vers le milieu du xvie s., il s’était fait soldat au service du roi Henri iii, puis était revenu dans son ordre. Prédicateur du roi, il se fit surtout connaître pour ses sermons contre les jésuites et pour avoir été l’auteur présumé de l’Anticotton (1610) qui les accusait d’avoir fomenté l’assassinat de Henri iv (v. note [9], lettre 128). Il paya très cher sa vindicte contre la Compagnie de Jésus : en 1611, il eut l’imprudence de retourner à Rome et fut emprisonné au château Saint-Ange (v. notule {d}, note [46] du Naudæana 3), où il mourut en 1626. V. note [46] du Naudæana 3 pour d’autres informations sur ce surprenant personnage et pour ce qu’était l’Ordre des célestins auquel il appartenait. Il était éloquent et sincère, comme en témoigne son :

Ioannis a Bosco Olivarii Parisiensis, Abbatis Belliloci et Regiis Concionatoris. Oratio habita Romæ anno 1609. die 10. Martii, dum exsequiæ Seraphini Olivarii Galli, Amplissimi S.R.E. cardinalis, in Templo Sanctissimæ Trinitatis ad Montem Pincium, frequentia maxima Prælatorum, et interventu hominum summorum, curantibus Ilustriss. et Revenrendiss. Card. Delphino Veneto, et Excellentissimo Francisco Savaro, Brevis Domino, Christianissimi Henrici quarti, Galliæ Navarræque Regis, Oratore, celebrarentur. Ad Paulum v. Pon. Opt. Max.

[Oraison que Jean Du Bois Olivier, natif de Paris, abbé de Beaulieu {a} et prédicateur du roi, a prononcée à Rome le 10 mars 1609, pour les funérailles de Séraphin Olivier, amplissime cardinal français de la Sainte Église romaine, qui ont été célébrées en l’église de la très sainte Trinité-des-Monts au Pincio {b} par l’illustrissime et révérendissime cardinal vénitien Delfino, {c} et son Excellence François Savary, seigneur de Brèves, {d} ambassadeur de Henri iv, roi de France et de Navarre, en présence d’une très grande foule de prélats et d’hommes éminents. Dédiée au souverain pontife, le pape Paul v]. {e}

Le début de ce discours montre que son auteur était un fin lettré, et explique pourquoi il a attaché le nom d’Olivier au sien :

Si vitæ cursus a Seraphino Olivario S.R.E. Illustrissimo, et Reverendissimo cardinale, Gallo, summa cum laude confectus, pari splendore, copiaque orationis hodierno die repræsentari deberet : non video cur mihi uni potissimum ex tanto eloquentissimo virorum Gallorum, qui modo in Urbe versantur numero, id oneris fuerit subeundum, qui iam pridem sepositis eloquentiæ studiis, intermissoque eleganter dicendi usu, longe aliam studiorum rationem, meo magis ordini consentaneam sim sequutus.

At si ab eo imprimis homine suscipienda et tractanda fuerat huiusmodi narratio, qui ob beneficia a Seraphino cardinale accepta, eius virtutes in medium proferret. Equidem fateor hac in re neminem mihi fuisse præponendum : qui ob meam in Ecclesiam atque Chrisianissimum Regem ipsi exploratissimam et probatissimam fidem : summa benevolentia publicis tabulis Olivariæ genti et cognationi ab eo sum insertus, clarisque Olivariorum insignibus, et optivo cognomine donatus : itaut non immerito Tyberii antiquissimi Imperatoris imitatione Patri optimo et charissimo ipse unus præ cæteris debeam parentare.

[Une riche oraison doit aujourd’hui présenter et égaler en splendeur le déroulement de l’existence parcourue par Séraphin Olivier, illustrissime et révérendissime cardinal français de la Sainte Église romaine, avec un éclat égal au sien. Je ne vois pourtant pas pourquoi cette tâche n’a pas été confiée à l’un des Français de très haute éloquence qui vivent en bon nombre à Rome, bien plutôt qu’à moi, car j’ai depuis longtemps abandonné la pratique de l’art oratoire et l’habitude de parler avec élégance, pour poursuivre une autre voie d’étude avec le plein consentement de mon Ordre.

Néanmoins, si ce récit devait être entrepris et traité par un homme que Séraphin a comblé de ses bienfaits, il exposerait principalement ses vertus. En cela, je reconnais n’être inférieur à nul autre, car c’est à lui que je dois ma fidélité la plus solide et la mieux éprouvée envers l’Église et envers le roi très-chrétien : c’est son extrême bienveillance qui m’a valu d’être reconnu et officiellement adopté par la famille Olivier, en me permettant de porter ses brillantes armoiries et d’accoler son nom au mien. Tant et si bien que, mieux que tout autre et en toute légitimité, à l’imitation de l’antique empereur Tibère, {f} j’ai le devoir de rendre ce dernier hommage à celui qui fut mon très cher et excellent Père].


  1. Beaulieu-en-Argonne (actuel département de la Meuse).

  2. L’un des monts de Rome.

  3. Giovanni Delfino, nommé cardinal en 1604.

  4. V. note [19] des triades du Borboniana manuscrit.

  5. Rome, Bartholomæus Zannettus, 1609, in‑fo de 12 pages.

  6. Tibère, deuxième des douze Césars (v. note [3], lettre 17), était le fils adoptif d’Auguste, premier empereur romain.


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 171‑176 :

  1. « Le vrai nom de ce cardinal était Séraphin Olivier. Il y ajouta celui de Razzalius pour faire honneur à son beau-père, qui portait ce nom, et lui marquer en quelque sorte sa reconnaissance de la peine qu’il avait prise de l’élever dès son enfance. »

  2. « L’abbé du Bois. {a} Ce qu’on rapporte de sa vie dans cet article ne suffit pas pour nous le faire connaître, on peut y ajouter ces circonstances : avant que cet abbé eût quitté l’habit de célestin, il donna la Bibliothèque de Fleury, qui est un recueil de pièces anciennes, imprimé en 1605 à Lyon ; {b} peu de temps après, il se dégoûta de son Ordre et, avec la faveur de Henri iv, il s’en alla à Rome demander permission de changer de genre de vie ; s’étant fait connaître et même aimer du cardinal Séraphin, il en reçut plusieurs bienfaits ; car, outre la permission de se défroquer, qu’il obtint facilement, ce cardinal lui fit donner l’abbaye de Beaulieu par le pape Paul v, et l’adopta même en quelque façon en lui faisant prendre son surnom d’Olivier, que cet abbé ajouta toujours depuis à celui de du Bois ; il se disposait à partir pour revenir en France, après avoir fini ses affaires, lorsque le cardinal Séraphin vint à mourir, en 1609 ; il fit son orasion funèbre le 10 mars de la même année et la fit imprimer aussitôt à Rome in‑4o ; elle a depuis été ajoutée à la tête des œuvres de ce cardinal, mais il ne sera pas inutile d’avertir ici qu’elle n’y paraît que tronquée et qu’il faut l’avoir de l’impression in‑4o. Le Rossi dit que l’abbé du Bois se brouilla avec son mécène quelque temps avant la mort de ce dernier, et que la raison en était de ce qu’il s’emportait trop contre l’Ordre dont il était sorti. Ces discours trop libres, ajoute notre auteur, furent cause de sa perte, et obligèrent le pape à le faire enfermer dans le château Saint-Ange, où il mourut ; {c} mais ce fait ne me paraît pas assez prouvé, et on n’aperçoit rien dans la conduite du cardinal Séraphin envers l’abbé du Bois qui puisse faire soupçonner aucune rupture entre eux. Il y a plus d’apparence que ce qui lui attira cette disgrâce fut d’avoir voulu rendre les jésuites garants de l’assassinat de Henri iv, et d’avoir parlé avec trop peu de jugement de la Société et même contre la cour de Rome. Il se servit pour cela de l’occasion qu’il eut de prêcher à Paris (où il était revenu l’année précédente) dans l’église Saint-Eustache le jour de la Trinité de 1610 : n’ayant gardé aucune mesure dans ce sermon, on ne manqua pas d’en avertir la reine, qui lui sut fort mauvais gré d’avoir voulu exciter la populace contre ces pères. Ayant su que cette princesse était prévenue contre lui, il fit un petit discours, qu’il adressa aux bons François, {d} dans lequel, sous prétexte de se justifier, il revint encore à la charge et acheva de jeter son venin contre la Société ; mais on l’obligea bientôt à chanter une palinodie qui fut aussi publique qu’avaient été les injures. On la trouve dans une autre oraison funèbre de Henri iv qu’il prononça dans l’église Saint-Leu-Saint-Gilles le 23 juin 1610, et qui fut imprimée à Paris dans la même année sous ce titre : Le Pourtraict royal de Henri le Grand, etc. {e} Après ce désaveu public, il revint à la cour, où il ne resta pas longtemps car on trouva moyen de le faire envoyer à Rome en qualité d’agent extraordinaire de Louis xiii près du pape Paul v. Il arriva à Rome le 10 novembre 1611, et le lendemain, un capitaine des sbires le vint enlever et le mena dans les prisons de l’Inquisition. J’ai vu une Requête présentée à la reine par les parents de l’abbé du Bois, Sa Majesté entrant à Saint-Victor le samedi 14 janvier 1612, je crois que cet abbé ne survécut pas longtemps à cette Requête. Je finirai cet article par un passage du Rossi, {c} dans lequel il parle de la manie que notre abbé avait pour la pierre philosophale : Traditur Chymicæ imprimis arti fuisse addictus, sed vanitatis suæ pœnas rei familiaris damno solvisse. {f} Que de gens ont eu le même sort ! »


    1. « Nicius Erythræus, qui l’a appelé Olivarius a Bosco {i} a été cause que König en a fait deux personnes différentes, sous le nom de Joannes a Bosco et d’Olivarius a Bosco » {ii} (note de Vitry).

      1. Pages 144‑145 de la Pinacotheca de Janus Nicius Erythræus (Giovanni Vittorio Rossi, Cologne, 1643, v. notule {b}, note [22] du Naudæana 1), dont l’article suivant (pages 145‑147) est consacré à Seraphinus Olivarius.

      2. Cette méprise figure à la page 126 de la Bibliotheca vetus et nova, in qua Hebræorum, Chaldeorum, Syrorum, Araborum, Persarum, Ægyptorum, Græcorum et Latinorum per universum terrarum orbem Scriptorum, Theologorum, JCtorum, Medicorum, Philosophorum, Historicorum, Geographorum, Philologorum, Oratorum, Poetarum, etc., Patria, Ætas, Nomina, Libri, sæpius etiam Eruditorum de iis Elogia, Testimonia et Judicia, summa fide atque diligentia ex quotidiana Autorum Lectione depromta a prima Mundi origine ad annum usque m. dc. lxxiix. Ordine Alphabetico digesta gratissima brevitate recensentur et exhibentur a Georgio Matthia Königio, Græc Lingu. et Poes. in Acad. Altdorfina Prof. Publ. nec non Bibliothecario [Bibliothèque ancienne et moderne où Georg Matthias König (1616-1699), professeur public de langue grecque et de poésie, ainsi que bibliothécaire de l’Université d’Altdorf, recense et décrit, avec extrême fidélité et toute la diligence possible, issues de sa lecture quotidienne des auteurs, les écivains hébreux, chaldéens, syriaques, arabes, persans, égyptiens, grecs et latins du monde entier : théologiens, jurisconsultes, médecins, philosophes, historiens, géographes, philologues, orateurs, poètes, etc., avec leur pays natal, les dates de leur vie, leurs titres, leurs livres, et très souvent aussi les éloges, témoignages et critiques d’érudits personnages à leur sujet. Elle est rangée par ordre alphabétique et rédigée avec très louable brièveté] (Altdorf, Henricus Meyerus, 1678, in‑fo).

    2. Floriacensis vetus Bibliotheca Benedictina, Sancta, Apostolica, Pontificia, Cæsarea, Regia, Franco-Gallica. Ad Henricum iiij Christianissimum Franciæ et Navarræ Regem ac Mariam Medicinam Reginam. Cum utroque xysto ad diversos. Opera Joannis A Bosco Parisiensis, Cœlestini Lugdunensis, nunc primum e latebris emersa, ac antiquariorum usui exposita [L’ancienne Bibliothèque bénédictine de Fleury (abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire), sainte, apostolique, pontificale, impériale, royale, franque et française. Dédiée à Henri iv, roi très-chrétien de France et de Navarre, et à la reine Marie de Médicis. Avec deux promenades à l’intention de divers personnages. Ouvrage de Jean du Bois, natif de Paris, célestin de Lyon, sorti pour la première fois de sa cachette, et destiné à l’usage des antiquaires] (Lyon, Horace Cardon, 1605, in‑8o).

    3. « Pinacoth. i » (note de Vitry) : v. précédente notule {a} pour cette référence à Rossi, nom italien d’Erythræus, dont Vitry traduisait quelques propos.

    4. Cette adresse Aux bons François (feuille anonyme de 12 pages, sans non, ni lieu, ni date) commence ainsi :

      « Messieurs,

      Ces jours passé, la juste douleur du très cruel assassinat commis en la personne sacrée du grand Henri convia l’abbé du Bois-Olivier, Parisien, prédicateur, et très fidèle et loyal serviteur de cet incomparable monarque, de détester franchement les énormités d’un crime si exécrable, dans une des premières chaires de la capitale de ce royaume, où il prêchait les octaves du Saint-Sacrement, et où le peuple s’attend de l’ouïr encore pendant cet Avent prochain, s’il est en vie.

      En la vive appréhension du danger du roi Louis xiii, donné de Dieu, et de la reine Marie de Médicis, sa mère, aujourd’hui l’unique soutien de cette Couronne, au service desquels cet abbé s’est du tout voué et dédié, le contraignit de réfuter hardiment les pernicieux auteurs qui, par les appâts de leur éloquence très mal employée, ont mis en la main du désespéré parricide {i} le couteau qui trancha la vie de notre roi et, avec lui, ébranla bien fort celle de toute la France. »

      L’attaque et les menaces sont plus frontales encore pages 3‑4, sur ceux qui ont voulu fermer la bouche du prédicateur :

      « Et pourtant, ils prirent résolution de la clore, à quelque prix que ce fût ; et entre autres moyens qu’ils en trouvèrent, car ils en ont tenté et tentent encore plusieurs, qui ne leur réussiront pas si Dieu plaît, le plus prompt et assuré leur semblera être de rendre cet abbé odieux à la reine.

      Et se servant de l’occasion, sur ce {ii} qu’il avait réfuté Mariana, Becanus, Bonarsius, Ribadenera, Emmanuel Sa, et autres auteurs jésuites qui ont écrit trop injurieusement contre l’honneur de feu nos deux rois derniers décédés, {iii} ou traité trop indiscrètement et témérairement la question s’il est loisible de tuer les tyrans, ou dit autres choses qui préjudicient à l’indépendance de cette monarchie, qui ne relève que de Dieu et de l’épée, et en les réfutant, exhorte incidemment de tout son cœur les pères jésuites que, par ci-après, ils eussent très grand soin que jamais aucun auteur qui pût offenser la France, ne sortît en lumière avec le nom de leur Compagnie et approbation de leurs supérieurs, s’ils ne voulaient de gaieté de cœur s’exposer à des dangers que toute leur prudence, fortifiée de l’autorité de leurs confidents, {iv} ne saurait éviter. »

      1. François Ravaillac.

      2. Sous prétexte.

      3. Assassinats de Henri iii (1589) et de Henri iv (1610).

      4. Affidés.
    5. Le Portrait royal de Henry le Grand, quatrième du nom, Très-Chrétien roi de France et de Navarre, couronné de la Couronne de sa singulière Piété et Religion : Proposé à Messieurs de Paris en l’église paroissiale de S. Loup et S. Gilles le 23e jour de juin pendant qu’on y célébrait ses obsèques. Par Dom Jean du Bois Olivier Parisien, abbé de Beaulieu et prédicateur du roi. Dédié à la reine (Paris, Rolin Thierry, 1610, in‑8o).

      Une palinodie est une rétractation.

    6. « Il fut tout particulièrement adepte de l’art chimique, mais il a enduré le châtiment de sa vanité, au détriment des biens de sa famille » : conclusion du chapitre d’Erythræus (notule {a} supra).

      Vitry malmenait fort du Bois, sans même éprouver le besoin de mentionner l’Anticotton qu’on lui a attribué.


11.

Le marquis Virgilio Malvezzi (Bologne 1595-Castel Guelfo di Bologna 1654), érudit italien, a assuré des missions diplomatiques au service de la Couronne d’Espagne et publié, dans sa langue natale, de nombreux ouvrages historiques et politiques. Gabriel Naudé en citait six :

  1. Discorsi sopra Cornelio Tacito… Al serenissimo Ferdinando ii. Fran Duca di Toscana,

    [Discours sur Corneille Tacite… Dédié à Ferdinand ii, gran-duc de Toscane] ; {a}

  2. Il Romulo… [Le Romulus…] ; {b}

  3. Il Tarquino Superbo… [Le Tarquin le Superbe…] ; {c}

  4. Davide perseguitato… [David poursuivi…] ; {d}

  5. Il Ritratto del privato Politico Christiano estratto dall’originale d’alcune attioni del Conte Duca di S. Lucar, e scritto alla Cattolica Maesta Di Filippo iv il Grande…

    [Le Portrait du Personnage politique chrétien, tiré de quelques actions du comte-duc de Sanlucar, {e} écrit pour Sa Majesté catholique Philippe iv le Grand…] ; {f}

  6. Successi principali della monarchia di Spagna nell’ anno m. dc. xxxix

    [Principaux succès de la monarchie d’Espagne en l’an 1639…]. {g}


    1. Venise, Marco Ginammi, 1622 , in‑8o de 402 pages (et ibid. 1635).

    2. Bologne, Clemente Ferroni, 1629, in‑4o de 102 pages, pour la première de nombreuses éditions ; v. note [8], lettre 52, pour Romulus, premier roi légendaire de Rome.

    3. Ibid. et id. 1632, in‑4o de 124 pages.

      Tarquin le Superbe fut le sixième et dernier successeur de Romulus au vie s. av. J.‑C.

    4. Macerata, héritiers de Salvioni et Agostino Grisei, 1636, in‑12 de 177 pages (première édition Bologne, 1634).

    5. C’est la « vie » du comte d’Olivares, duc de Sanlucar, premier ministre du roi Philippe iv d’Espagne, de 1621 à 1643 : v. note [1], lettre 127.

    6. Macerata, héritiers de Salvioni et Agostino Grisei, 1635, in‑12 de 156 pages.

    7. Anvers, Plantin, 1641, in‑12 de 270 pages.


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 176‑177 :

« Le marquis Malvezzi avait fait imprimer dès 1635 sont Rittrato del privato politico Christiano estratto dall’ originali d’alcune attioni del Conte Duca di San Lucar : {a} c’est la vie de ce ministre conduite jusqu’en cette année 1635 ; l’auteur était entièrement dévoué aux Espagnols ; Philippe iv lui donna le titre de conseiller dans son Conseil de guerre. Le Malvezzi, pour ne pas paraître indigne de cet honneur, fit imprimer à Madrid en 1640 Los sucsessos principales de la Monarchia de España en la anno 1639, {b} ce que Nicolo Antonio n’a pas su : il parle seulement de deux autres ouvrages de ce marquis, qui concernent aussi la monarchie d’Espagne, et dont le dernier est un essai de l’histoire de Philippe iv. {c} Virgilio Malvezzi mourut à Bologne au mois d’août 1654. »


  1. V. supra notule {f}.

  2. V. supra notule {g} pour l’édition italienne (Anvers, 1641).

  3. Je n’ai identifié ni ce Nicolo Antonio ni le livre où il cite l’ouvrage que Malvezzi a publié sous un anagramme transparent : La Libra de Grivilio Vezzalmi, traducida de Italiano en lengua Castillana. Pesante las Ganancias, y las Perdidas de la Monarquia de España en el felicissimo Reynado de Felipe iv. el Grande [La Balance de Grivilio Vezzalmi, traduite de l’italien en langue castillane, qui pèse les gains et les pertes de la monarchie espagnole pendant le très heureux règne de Philippe iv le Grand] (Naples, Iacomo Gafaro, 1639, in‑12 de 233 pages, dont je n’ai pas trouvé d’édition italienne).

12.

« Il a beaucoup écrit. »

Melchior Guilandinus (imprimé Guillandinus dans le Naudæana) est le nom latin de Melchior Wieland, en allemand, Melchiorre Guilandino, en italien, ou Melchior Guilandin, en français. Voyageur, botaniste et médecin cosmopolite, il était né en Prusse (Borussus, ici imprimé Borustus), vers 1520 à Königsberg, et mourut à Padoue en 1589.


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 177‑180 :

« Le récit des aventures de cet auteur n’est pas exact. On pourrait le rectifier ainsi : {a} l’envie que Guilandin conçut, dès son jeune âge, de voyager ne se trouva pas satisfaite par la vue de l’Europe ; à peine le monde entier lui paraissait-il assez grand pour contenter sa curiosité ; heureusement pour lui, ses desseins furent secondés de la libéralité d’un noble vénitien qui lui fournit le moyen de parcourir l’Asie et l’Afrique ; content des découvertes qu’il fit sur les plantes dans ces deux vastes parties du monde, il se disposa à en aller faire autant en Amérique ; pour cet effet, il repassa d’Égypte en Sicile, dans le dessein de se rendre à Lisbonne, d’où il devait s’embarquer pour cette expédition ; mais dans le trajet qu’il lui fallut faire de Sicile en Portugal, son vaisseau fut arrêté près de Cagliari {b} par dix galères de corsaires. Après s’être battu sept heures entières et avoir repoussé deux fois les Barbares, il fallut céder au nombre. On les mena à Alger où on les fit servir sur les galères. Guilandin y était lorsqu’Assan, fils de Cheredin, dit Barberousse, avait le gouvernement d’Alger. {c} Il en fut enfin tiré par la libéralité de Gabr. Fallopius, professeur de botanique et de chirurgie à Padoue, {d} qui lui paya sa rançon. Il le dit lui-même : Verum satis tibi non erat (en s’adressant à Fallope) tot nominibus ad æternam gloriam contendisse, nisi etiam Melchiorem Guilandinum gravi ære obstrictum ex manibus Numidarum Maurorumque gratis redimeres. {e} Le Tomasini le dit aussi, [Præter Lectorem Simplicium eligebatur cultos Viridarii, inter quos recenset Gaspar Bohinus, Aloysium Anguillaram, secundum in ordine Præfectum, et Aloysium Anguillaram tertium. Prioris extat memoria sub Aloysii nomine libris publicis anni 1547,] qui etiam perhibent (scilicet publici) Anguillaræ anno 1561. viridarium relinquenti die xx. Septembris ejusdem anni successisse Melchiorem Guilandinum Borussum e vinculis Turcarum ære Fallopii liberatum. {f} Guilandin était à Padoue avant l’an 1577, il y mourut le 25 décembre 1586. {g} La querelle qu’il eut avec Scaliger est touchant le Papyrus Ægyptiaca. Ce dernier fit des remarques sur le Commentaire que Guilandin avait donné de trois chapitres de Pline dans lesquels il est parlé de cette plante. {a} Ces remarques de Scaliger sont imprimées avec ses opuscules. » {h}


  1. Vitry a fidèlement fondé son récit sur la référence qu’il cite : page 166 du Melchioris Guilandini Papyrus, hoc est Commentarius in tria C. Plinii Majoris de papyro capita ; multiplici rerum variarum cognitione refertus, recensente, et summariis, atque Indice Rerum Verborumque augente Henrico Salmuth [Le Papyrus : Commentaire de Melchior Guilandus sur les trois chapitres de Pline l’Ancien à propos du papyrus ; empli de multiples connaissances sur des choses variées, revu et augmenté de résumés, et d’un index des matières et des mots, par Heinrich Salmuth (1522-1576, père du médecin Philip Salmuth, v. note [5], lettre latine 146)] (Amberg, Schönfeld, 1613, in‑8o ; précédentes éditions à Venise, Antonius Ulmus, 1572, in‑4o, et à Lausanne, Franciscus le Preux, 1576, in‑4o).

  2. Capitale de la Sardaigne.

  3. Le corsaire ottoman Barberousse (v. note [13] du Patiniana I‑3), bey d’Alger, avait cédé ce gouvernement à Hassan Agha, qui l’occupa de 1534 1543, avec le titre d’amiral de la flotte ottomane. Selon les historiens modernes, il n’était pas le fils de Barberousse, mais un enfant sarde qu’il avait capturé pour le rendre eunuque et en faire son majordome.

  4. Gabriel Fallope, v. note [16], lettre 427.

  5. Page 208 du Papyrus de Guilandinus (référence fournie par Vitry) :

    « Mais il ne vous suffisait pas d’avoir obtenu la gloire éternelle à tant d’égards : vous avez en outre racheté à prix fort Melchior Guilandinus retenu prisonnier, en le tirant, sans frais pour lui, des mains des Numides et des Maures. »

  6. « Outre le lecteur des simples, était élu un conservateur du jardin. Parmi eux, Caspar Bauhin {i} recense Aloysius Mundella, {ii} qui fut le deuxième à en être l’intendant, et Aloysius Anguillara, {iii} qui fut le troisième. La mention du premier des deux figure sous le nom d’Aloysius dans les registres publics de l’an 1547 ;] ceux de 1561 relatent aussi qu’Anguillara laissa lui succéder, le 20 septembre de la même année, Melchior Guilandinus, natif de Prusse, que l’argent de Fallope avait libéré des chaînes des Turcs. » {iv}

    1. V. note [7], lettre 159.

    2. V. note [26], lettre 1020.

    3. V. note [13], lettre latine 351.

    4. Vitry a tiré cette citation (que j’ai complétée entre crochets, pour la rendre plus compréhensible, en supprimant sa parenthèse, devenue inutile) du Gymnasium Patavinum [L’Université de Padoue] (page 97) de Giacomo Filippo Tomasini (Udine, 1654, v. note [8], lettre 406).

  7. Le même Gymnasium Patavinum précise (page 305) que Guilandinus a commencé ses démonstrations de botanique au Jardin de Padoue en 1564, et les a poursuivies jusqu’en 1590.

  8. Animadversiones in Melchioris Guilandini Commentarium de Papyro [Blâmes sur le commentaire de Melchior Guilandinus à propos du papyrus], in Ios. Iusti Scaligeri Iulii Cæsaris a Burden filii Opuscula varia antehac non edita… [Divers opuscules inédits de Joseph-Juste Scaliger, fils de Jules-César de Burden…] (Paris, Jérôme Drouart, 1610, in‑4o, pages 3‑55).

    V. note [57] du Faux Patiniana II‑3, pour d’autres détails sur cette querelle.


13.

Robertus Titius (Roberto Titi, Sansepolcro, Toscane 1551-Pise 1609), philologue et professeur de droit à Bologne puis à Pise, a écrit des commentaires érudits sur plusieurs auteurs latins.

L’index de ses Locorum controversorum libri decem. In quibus plurimi veterum scriptorum loci conferuntur, explicantur, et emendantur multo aliter, quam hactenus a quoquam factum sit… [Dix livres de passages controversés, où sont réunies, expliquées et corrigées plusieurs citations des anciens auteurs, de manière fort différente de ce que quiconque en a écrit jusqu’ici…] (Florence, Bartolomæus Sermartellius, 1583, in‑4o) signale une douzaine d’endroits où il critique les interprétations de Joseph Scaliger. La plus rude attaque de Titi se lit au début du chapitre xvi du livre vii (pages 186‑187) :

Augyæ fimetum egerere velim, si tres illos poetas […] ab omni labe, quam ipsis nuper aspersit Iosephus Scaliger, vindicare coner, esset enim id labor vere Herculeus, adeo multa sunt, quæ homo ille nescio quo sinistro numine afflatus, in illis temere, atque audacter, cælum terra miscens demutavit : verum quoniam bono publico fieri video, ut sinceræ lectiones in optimis auctoribus conserventur, unum, atque alterum insigniorem locum, prout ii sese offerent, de tam multis excerpam, ipsosque a prava Scaligeri vel emendatione, vel explicatione, quantum potero, vindicabo.

[Je voudrais vider le fumier d’Augias {a} en entreprenant de venger ces trois poètes {b} (…) de toute la souillure que Joseph Scaliger a dernièrement répandue sur eux ; mais cette tâche serait vraiment herculéenne, tant cet homme, inspiré par je ne sais quelle volonté, mêlant le ciel à la terre, a altéré, à l’aveuglette et hardiment, quantité de leurs vers. Puisque je trouve opportun pour le bien public d’agir pour conserver intacte la lecture des meilleurs auteurs, j’extrairai néanmoins, entre bien d’autres, tel ou tel passage de Scaliger, selon qu’il s’offrira à moi, pour délivrer ces poètes des corrections ou des interprétations erronées dont il les a affligés].


  1. V. note [22], lettre 318, pour le neuvième des douze travaux d’Hercule qui consista à nettoyer les écuries d’Augias.

  2. Catulle, Tibulle et Properce.

Du château d’Abain (v. note [8], lettre 266), le 18 décembre 1585 (Ép. fr. lxvi, pages 207‑208), Scaliger écrivait à Claude Dupuy (v. note [5], lettre 181) :

« La présente sera encore pour vous remercier bien humblement une autre fois du livre de Robertus Titius, lequel j’ai lu non sans grande admiration, non seulement qu’un homme si ignorant et si présomptueux se soit trouvé en Italie, qui ait voulu mettre en lumière un livre plein de tel fatras, mais encore qu’il soit si dépourvu d’amis que nul ne l’ait averti de son erreur et détourné de publier sa honte par son œuvre. Il y peut avoir demi-douzaine de chapitres tolérables en ce livre, comme il n’y a personne de si déplorée ignorance auquel vérité ne lui échappe quelquefois ; mais quant au reste, ce n’est qu’ignorance, vanité, vanterie, calomnie. Je vous l’aurais tôt déchiffré si j’étais auprès de vous. Ce n’est qu’un âne. Il en veut à moi plus qu’à autre, qui est signe qu’il a trouvé en moi naturel dissemblable au sien. Je suis marri que je ne vous puis tracer maintenant, en peu de papier, de ses folies, pour les montrer à ceux de sa nation qui peut-être l’admirent, comme c’est une nation qui admire plus tôt une mouche de delà les monts, qu’un bœuf de deçà. {a} Mais peut-être que ceux qui ont intérêt en ceci ne le laisseront pas ainsi sans lui mettre la puce à l’oreille. Quant à moi, il y a longtemps que j’ai dit adieu à Titius, Carrio, {b} et tels babouins et souillons de cuisine, lesquels je mets tout en un sac avec Frégeville et le procureur de Lisle. » {c}


  1. Possible allusion à la moquerie de Jules-César Scaliger (« le bœuf de deçà ») sur la mouche que Virgile aurait fait clouer sur une porte de Naples (« de delà les monts ») : v. note [4] du Borboniana 7 manuscrit, notule {c‑2‑i}.

  2. Ludovicus Carrio (Louis Carrion, Bruges 1547-Louvain 1595), humaniste flamand, s’est notamment illustré par ses travaux sur Salluste.

  3. Jean de Frégeville, mathématicien d’origine albigeoise, n’est plus connu que pour deux traités de chronologie qu’il a publiés dans les années 1580.

    V. notes [10][11] du Borboniana 8 manuscrit pour François de l’Isle (Franciscus Insulanus) et sa querelle astronomique avec Scaliger.


Scaliger n’en répondit pas moins avec furie au livre de Titi par son :

Yvonis Villiomari Aremorici in Locos contreversos Roberti Titii Animadversionum Liber. Ad Nobilissimum Virum Andream Oessentum Quinpentonii et Burentelli dominum, Mœcenatem suum. Cum duplici Indice, altero auctorum utriusque linguæ, qui in hoc libro aut emendantur, aut illustrantur, aut a Titii censura prava, vel calumnia vindicantur : altero rerum, et vocum memorabilium in utraque lingua.

[Livre des blâmes du Breton Yves Villiomarus {a} sur les Passages controversés de Robertus Titius. Dédié à son mécène, le très noble M. Andreas Oessentus, {b} seigneur de Quinpentonius {c} et de Burentellus. {d} Avec deux index : l’un des auteurs des deux langues {e} que ce livre corrige, explique ou venge de la censure erronée et des calomnies de Titius ; l’autre des mots et des sujets mémorables en l’une et l’autre langue]. {f}


  1. Yves Guiomar, pseudonyme de Scaliger.

  2. André Ouessant, autre pseudonyme de Scaliger.

  3. Quimper.

  4. Lieu de fantaisie dont je n’ai pas trouvé le sens caché, sauf allusion masquée à la noble famille des Burden (v. infra).

  5. Latin et grec.

  6. Mamertus Patissonius, 1586, in‑4o de 196 pages ; réédité à Leyde en 1597. D’autres pamphlets littéraires suivirent ce virulent échange.

V. notes [10], lettre 104, pour un copieux commentaire sur le « Scaliger faussaire » de Caspar Scioppius (Mayence, 1607), et [31] de L’ultime procès de Théophraste Renaudot contre la Faculté de médecine de Paris, pour les antiques et nobles familles Burden et La Scala dont les Scaliger, père et fils, prétendaient être issus (et non des modestes Burdonius de Vérone). La note [57] du Faux Patiniana II‑3 ajoute aussi au débat.

14.

Les Additions et remarques du P. de Vitry (1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 180, éclairent fort opportunément cet article du Naudæana :

« Troile Sanelli. Lisez Troile Savelli. Voyez les remarques sur la Confession de foi de Sancy, chap. i, sur la fin où l’on parle de ce Troile Savelli, que l’on dit être le jeune homme que Sixte v fit mourir avant l’âge fixé par les ordonnances, et qui sua du sang à la mort. »

V. note [34] des Déboires de Carolus pour l’anonyme Recueil de diverses pièces servant à l’histoire de Henri iii (Cologne, 1666), qui faisait partie des livres saisis chez Charles Patin en 1667. Il contient une réimpression de la Confession catholique de Nicolas Harlay de Sancy, ouvrage anonyme paru en 1550 (v. note [38] du Faux Patiniana II‑6), attribué à Théodore Agrippa d’Aubigné (v. note [26], lettre 342).

La remarque citée par Vitry se trouve aux pages 58‑59 de la réédition du Recueil parue à Cologne, chez Pierre Marteau, en 1699 (tome second, in‑12). Elle porte sur un passage (page 46) qui concerne le pape Sixte Quint (1585-1590, v. note [45] du Naudæana 1), « qui fit trancher en sa vie quatre mille têtes », et que la Confession accusait d’avoir signé un pacte avec le diable (« l’Ambassadeur d’Enfer ») pour jouir d’un pontificat de sept ans :

« Souvienne-toi que l’an passé, voulant faire mourir le fils de… pour avoir…, {a} la justice te remontrant que par les lois elle ne le pouvait faire mourir devant seize ans, tu le fis pourtant mourir, et répondis que tu en donnais deux des tiens. »


  1. Le Naudæana a remplacé les points de suspension du Recueil en parlant d’une rixe mortelle entre Savelli et un neveu du pape Clément viii (1592-1605, v. note [2], lettre 47), mais il s’agit d’un anachronisme car les faits se sont déroulés en 1585, au début du règne de Sixte Quint.

Voici la remarque à laquelle renvoyait Vitry (pages 58‑59) :

« M. de Varillas le nomme Troile Savelli et dit que ce jeune homme n’avait que douze ans lorsque le pape Sixte cinquième le fit exécuter à mort en 1585. {a} Le Thuana rapporte aussi que Cicarella parle du supplice du jeune Savelli, sans le nommer, mais qu’il lui donne dix-neuf ans, nonobstant quoi cet auteur prétend qu’on ne pouvait le faire mourir justement, quoiqu’il eût tué un homme, parce que, suivant les lois, il fallait être âgé de vingt ans complets pour être punissable du dernier supplice : {b} aussi dit-on qu’il avait sué du sang à la mort, {c} montrant ainsi la violence faite aux lois en sa personne ; et que sa mère, le voyant mener au supplice, se précipita d’une fenêtre et se tua. {d} Brantôme dit que ce jeune homme avait accompagné à Rome l’ambassadeur d’Espagne, son oncle, qui était d’ailleurs extrêmement dans les bonnes grâces de Sixte cinquième. » {e}


  1. Antoine Varillas (v. note [5], lettre 566) : Histoire de Henri trois (Paris, Claude Barbin, 1694, in‑4o, tome 2, livre ix, bas de la page 19).

  2. V. notule {e}, note [42] du Borboniana 9 manuscrit, pour une mention de cette affaire dans l’Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou. Son récit a été repris pages 25‑26 du Thuana (1669, v. première notule {a}, note [57] du Faux Patiniana II‑3).

  3. V. note [1], lettre 809, pour la sueur sanglante.

  4. Thuana (v. supra notule {b}) :

    « Cicarella écrit bien l’exécution de ce jeune homme. L’on dit qu’il sua du sang à la mort, montrant la violence faite aux lois, et sa mère, le voyant mener au supplice, se précipita d’une fenêtre et se tua. »

  5. Les curieux pourront lire le récit de Brantôme (v. note [3], lettre 820) dans le tome 6 de ses Œuvres complètes, éditées par Ludovic Lalanne (Paris, veuve de Jules Renouard, 1878, in‑8opages 44‑45), pour constater qu’à l’évidence, il n’y parlait pas de Sanelli, mais d’une autre victime de la sévérité de Sixte Quint.

Le Borboniana 9 manuscrit (v. sa note [42]) et le Faux Patiniana II‑5 (v. sa note [59]) sont revenus sur cette sanglante anecdote : les antipapistes ont pu l’inventer, mais elle a été souvent imprimée.

15.

Gabriel Naudé, le principal introducteur du libertinage érudit en France, se montre ici plus sceptique qu’athée, et plus jongleur que penseur : la foison des écrits mettant en doute l’immortalité de l’âme et l’existence d’un Dieu à vénérer rituellement, le laisse sur sa faim, car ces livres ne démontrent rien, ils se contentent de questionner sans élaborer de réponses structurées en méthode de pensée.

Descartes (mort en 1650) s’était engagé dans cette voie, mais Naudé (mort en 1653) le dénigrait : « un homme de mauvaise mine, qui n’avait rien d’agréable […] il avait bien des visions dans sa tête qui sont mortes aussi bien que lui », lira-t-on plus loin (page 113 du Naudæana). Cela venait surtout du malaise que le cartésianisme inspirait aux libertins. Obsédés par la passion d’eux-mêmes, ils n’allaient pourtant pas résister à ses arguments, et il ouvrit bientôt la voie au système bien moins timide de Bento Spinoza (mort en 1677), qui poussa l’audace jusqu’à proposer de substituer ouvertement la raison aux religions révélées, en horrifiant la plupart de ses contemporains. V. note [33] du Naudæana 4 pour l’impuissance philosophique du libertinage.

16.

V. notule {a}, note [6], lettre latine 194, pour le philosophe, astronome et médecin italien Julius Cæsar Lagalla (Giulio Cesare La Galla), mort en 1624.

Fondé en 1303 par le pape Boniface viii (1295-1303, v. note [40] du Grotiana 2), le Studium Urbis [Collège de Rome] avait été installé au tout début du xviie s. dans le Palazzo della Sapienza, construit à cet effet, pour devenir La Sapienza, « La Sapience » en français. On y enseignait toutes les grandes disciplines académiques de l’époque (théologie et philosophie, droit et médecine). Elle demeure de nos jours la plus grande université d’Italie.

17.

« il souffrait d’un tabès dorsal ». Ce diagnostic surprend sous la plume de Gabriel Naudé. Le tabes dorsalis (mot féminin en latin) qualifie un tabès (atrophie, phthisis en grec) {a} de la moelle épinière dorsale. La dénomination a servi à désigner deux maladies, l’une moderne et l’autre antique.

  1. Ce fut aux xixe et  xxes. une des manifestations les plus redoutées de la syphilis tertiaire, {b} provoquant des douleurs atroces, dites fulgurantes, {c} de la partie inférieure du corps et une perturbation profonde de la marche (ataxie), puis une paralysie suivie de mort.

    En 1853, Moritz Heinrich Romberg en a donné la première description clinique complète, sous le nom de Tabes dorsualis, {d} suivi en 1858-1859 par Guillaume Duchenne de Boulogne, sous le nom d’ataxie locomotrice progressive. {e} En 1862, Jean-Martin Charcot et Alfred Vulpian en ont localisé les lésions anatomiques. {f} La cause en a été établie par Alfred Fournier vingt ans plus tard : De l’Ataxie locomotrice d’origine syphilitique (tabès spécifique). Leçons cliniques professées à l’hôpital Saint-Louis. {g} La découverte de la pénicilline, au milieu du xxe s. a fait disparaître le tabès.


    1. V. note [9], lettre 93.

    2. V. note [9], lettre 122.

    3. Décharges atrocement douloureuses parfaitement décrites par Alphonse Daudet (1840-1897), qui était atteint d’un tabès syphilitique et en mourut, dans La Doulou (édition princeps en 1930).

    4. Lerbuch der Nervenkrankheiten des Menschen, Alexander Duncker, Berlin, 1846, pages 794‑801.

    5. De l’ataxie locomotrice progressive, recherches sur une maladie caractérisée spécialement par des troubles généraux de la coordination des mouvements, Archives générales de médecine, 1858, pages 641‑652 ; 1859, 36‑62 ; 1859, pages 158‑181 ; 1859, pages 417‑451.

    6. Note sur un cas d’atrophie des cordons postérieurs de la moelle épinière et des racines spinales postérieures (ataxie locomotrice progressive), Paris, Victor Masson et fils, 1862, in‑8o de 27 pages.

    7. Paris, G. Masson, 1882, in‑8o de 396 pages.

  2. Dans l’Antiquité (ve s. av. J.‑C.), Hippocrate avait donné le même nom à une maladie qu’il a décrite dans son livre ii, § 51, Des Maladies (Littré Hip, volume 7, page 79) : {a}

    « Phtisie dorsale : {b} la phtisie dorsale vient de la moelle ; elle attaque principalement les nouveaux mariés et les gens abandonnés aux plaisirs vénériens ; ils sont sans fièvre, ont bon appétit et maigrissent. Si vous les interrogez, ils répondent que des espèces de fourmis leur semblent descendre de la tête le long du rachis ; {c} après la miction ou la défécation, ils rendent du sperme en abondance et aqueux ; ils n’engendrent pas, ils ont des pollutions nocturnes, soit qu’ils couchent ou non avec une femme. En marchant, et surtout en montant une côte, ils sont pris de gêne dans la respiration et de faiblesse. {d} La tête est pesante ; les oreilles tintent. {e} Au bout d’un certain temps, des fièvres fortes survenant, le malade succombe par la fièvre lipyrie. » {f}


    1. Référence embarrassante que tant Charcot et Vulpian que Fournier omise, ou préféré ignorer. Il convient néanmoins de comparer leur tabès dorsal et celui d’Hippocrate.

    2. Φθισις νωτιας (phthisis nôtias), tabes dorsalis en latin.

    3. Phénomène anodin qu’il serait sans doute fort exagéré d’assimiler aux douleurs fulgurantes du tabès moderne

    4. Le mot ασθενεια signifie « manque de vigueur » (Bailly), sans allusion à une instabilité (ataxie, αταξια) de la marche, si particulière qu’elle n’aurait guère pu échapper à un observateur aussi soigneux qu’Hippocrate.

    5. Fournier (1882, page 160), sur le tabès sépcifique :

      « Des troubles de l’audition s’observent dans un certain nombre de cas. Généralement ils n’affectent qu’une oreille. Ils se présentent sous la forme de bourdonnements, de bruissements, de sifflements, de dureté de l’ouïe, voire de demi-surdité. »

    6. L’écoulement séminal et les pollutions nocturnes laissent perplexe : elles font penser à une gonorrhée (v. note [11] du Traité de la Conservation de santé, chapitre viii), mais ne s’observaient pas dans le tabès moderne, qui se compliquait très communément d’incontinence et de rétention des urines.

    7. Lipyrie : variété de fièvre intermittente (λιπυρια, lipuria), « ardente, maligne, accompagnée d’une chaleur interne considérable, ou d’une inflammation érésipélateuse aux viscères, et en même temps d’un grand froid aux parties internes » (Trévoux). La fièvre n’est pas un signe courant du tabès syphilitique, mais peut émailler ses complications infectieuses, liées à l’alitement prolongé.

      Une revue complète des autres textes hippocratiques sur le tabès dorsal antique est détaillée ci-dessous.


Sachant cela, il faut en premier se demander ce qu’entendait Naudé, qui était médecin, en parlant à Guy Patin de tabes dorsalis vers 1642. Les descriptions de cette maladie n’encombrent guère les ouvrages médicaux des xviexviie s. {a} Je me contenterai de la référence qui m’a paru avoir résumé toutes celles que j’ai lues sur le sujet, à savoir les Omnia Opera practica [Toutes les œuvres pratiques] de Jacques Houllier, dans l’édition publiée à Paris en 1664, {b} livre i de Morbis internis [sur les Maladies internes], chapitre xxviii, De Phthisi [La Phtisie], dans les Io. Hautini Scholia et Observationes [Commentaire et observations de Jean Haultin], {c} De Speciebus tabis seu Phthiseos [Formes du tabès ou phtisie] (pages 205‑206) : {d}

Phthiseos seu tabis tres species ante ex Hipp. lib. de inter. aff. commemoravimus. Prima quidem fit a ferina seri biliosi acris, aut pituitæ falsæ putrefactæ et mordicantis, in pulmonem a capite destillatione. Secunda fit a labore, id est rapido aliquo intempestivo et diutino exercitio (id enim significat laboris nomen apud Hipp.) unde fit ut sanguis confertim sursum ad pulmonem erumpat, atque illic vel copia vas aliquod pulmonis rumpat, vel acrimonia exedat. Utramque speciem et attigit in Coacis ; Tabes (ait) periculosissimæ sunt a ruptione crassarum venarum, et a defluxu de capite ; et duæ hæ species faciunt phthoen proprie dictam, id est ulcus pulmonis, unde tabes fere lethalis. Tertia species dicitur dorsalis lib. de morbis, fol. 166. pag. 1. occulta et inconspicua lib. de locis in homine, fol. 74. pag. 1 Spinea eodem lib. folio 76. pag. 2. huius causas duas licet notare apud Hip. variis locis. Prima est, fluxio in medullam seu spinam procedens, textibus citatis de locis in homine. Fluxionis vero speciem exprimit lib. de inter. affect. fol. 207. pag. 1. dum ait medullam ipsis a sanguine plenam fieri. Ergo vel sanguis crassior et lentus in spinam medullamque influens, ipsius vasa obstruit, atque adeo totam medullam et spinam iusto nutrimento prohibet, quo fit ut ipsa extenuetur supra modum, suo defraudata genio, unde ossium omnium totius corporis sequitur extenuatio, quia quale est caput et spina, talis est reliquorum ossium compages, Hipp. lib. 6. Epid. sect. 6. ad finem, illa enim continent, hæc vero continentur. Adde quod obstructis spinæ nervis facultas animalis cum calore et spiritu partes non illustrat, ex quo marcidæ contabescunt. Potest et id efficere fluxio humoris acris et tenuis, edaci dente paulatim ipsam medullam exedens. Utriusque eiusmodi causæ ipse per me laboriosius exquisiveram facilem interpretationem, postea comperi apud Hippocratem ipsum lib. de inter. affect. fol. 208. pag. 1. et 2. Resiccatur (ait) medulla spinalis, maxime cum venulæ ad medullam tendentes fuerint obturatæ, itemque ex cerebro accessus. Propter corporis autem afflictionem, hæc patitur et ægrotat. Resiccatur etiam a venere. Hæc Hip. quo loco signa tabis dorsalis plenius exequitur. Cur enim tabescat et emacietur spinalis medulla ipsumque etiam dorsum, causam duplicem notat : unam, venarum ipsius constrictionem, cuius interventu ipsa medulla, et alimenti commeatu, et cerebri commercio privatur : alteram, intempestivum et effrenem coitum, quo spinalis medulla præsertim et maxime ressicatur et marcessit ; quia semper trahentibus a proximis quibusque vasis spermaticis, consecutione ad id quod vacuatum est, tanquam in choro in spinali medulla cessat attractio. Secunda est causa, vasorum spermaticorum a nimio et intempestivo et effreni coitu imbecillitas et laxitas, qua spermatica omni materia exhausta, ipsis iam etiam invitis sanguis continenter effluit successione ad quid quod vacuatum est ; quoniam sperma nihil aliud quam sanguis denuo elaboratus, ut et lac. Quo fit ut universum corpus suo defraudetur commeatu : cuius rei causa dorsum ac spinalis medulla incommoda potissimum sentiunt ; quod illic sit attractionis finis, illic sistatur attractio ; nam vasa spermatica inanita non desinunt attrahere, quoad spinalem ipsam medullam perventum sit ; non secus quam suctionis sensus per famem naturalem, licet fiat in omnibus venis et hepate, sentitur tamen in orificio tantum ventriculi, quia ilic sistatur attractionis finis ac suctio ; unde illic functionis sensus potissimum. In eo autem advertere oportet doctrinæ Hippocraticæ constantiam, sibi consentanea scribentis. Nam semen putavit esse maxime cerebrale, id est a cerebri medulla ac spinæ, ac per spinam potissimum defluere, tum propter substantiæ similitudinem, et spirituum quibus turget semen, a cerebro defluvium ; tum quod capitis partes a coitu laborent, quod in oculis statim cernitur ac genis. Quod et sensit Plato. […] Hac tabe Satyrus Grypalopes interiit lib. 6. Epidem. sec. 7.

[Nous avons précédemment cité les trois formes de tabès ou phtisie qui se trouvent dans le livre d’Hippocrate sur les Affections internes : {e} la première vient du brutal écoulement, depuis la tête vers le poumon, d’une sérosité bilieuse âcre, ou d’une fausse pituite putréfiée et mordicante ; la deuxième, du travail, c’est-à-dire de quelque exercice physique immodéré et prolongé (qui est le sens de ce mot dans Hippocrate), ce qui engendre une remontée brutale et massive de sang dans le poumon, dont l’acrimonie ronge le poumon, ou l’abondance provoque la rupture d’un de ses vaisseaux. Il traite abondamment de ces deux espèces dans ses Coaques : « Les tabès (dit-il) sont extrêmement dangereux, parce qu’ils rompent de grosses veines et qu’il s’agit d’un écoulement provenant de la tête » ; et ces deux espèces représentent la phtisie proprement dite, c’est-à-dire l’ulcération du poumon, qui engendre un tabès très souvent mortel. {f} Dans le livre <ii> des Maladies, fol. 166 ro, {g} il donne à une troisième espèce le nom de tabes dorsalis, qu’il appelle « phtisie larvée et cachée » dans le livre des Lieux dans l’homme, fol. 74. ro, {h} et « phtisie spinale » au fol. 76 vo du même livre. {i} Divers passages d’Hippocrate permettent de lui attribuer deux causes. La première est une fluxion intéressant la moelle ou épine, dans les textes que j’ai cités des Lieux dans l’homme. Il exprime véritablement cette espèce de fluxion dans le livre des Affections internes, fol. 207 ro < et vo >, quand il écrit que ladite moelle s’emplit de sang. {j} Ce sang fort épais et lent se jetant dans la moelle, obstrue donc ses vaisseaux, et prive à tel point la moelle épinière de son juste nutriment qu’elle s’amincit excessivement et se trouve frustrée du génie qui lui est propre ; s’ensuit un amenuisement de tous les os et de l’ensemble du corps, parce que telles sont la tête et l’épine dorsale, telle est la charpente des autres os (Hippocrate, livre vi des Épidémies, à la fin de la section 6), {k} parce que celles-ci contiennent, mais ceux-là sont contenus. {l} En outre, quand les nerfs de l’épine sont obturés, la faculté animale n’enrichit plus les parties de sa chaleur et de son esprit, ce qui les flétrit et les fait dépérir. L’écoulement d’une humeur âcre et subtile peut aussi causer cela en dévorant petit à petit, d’une dent rongeuse, la moelle elle-même. J’ai fort peiné, pour ma part, à chercher une explication à ces deux causes ; je l’ai plus tard trouvée dans ledit Hippocrate, au livre des Affections internes, fol. 208 ro et vo : « La moelle spinale (dit-il) se dessèche, principalement parce que les veinules qui se dirigent vers la moelle ont été obstruées, tout comme l’influx venant du cerveau. Elle souffre donc et tombe malade en raison de l’affliction du corps. L’activité vénérienne l’assèche aussi. » Au même endroit, Hippocrate complète entièrement les signes du tabès dorsal. {m} Il remarque deux causes au fait que la moelle spinale dépérit et s’amaigrit, tout comme fait le dos. La première est que d’une part, la constriction de ses veines prive la moelle de ses apports alimentaires et de ses échanges avec le cerveau ; et que d’autre part, le coït immodéré et effréné dessèche et flétrit particulièrement et principalement la moelle épinière, étant donné qu’il aspire tout le contenu des proches vaisseaux spermatiques vers ce qui est vide et, comme dans une ronde, la moelle épinière cesse de l’attirer. La seconde cause est la faiblesse et le relâchement des conduits spermatiques que provoque une copulation fort immodérée et effrénée : après que toute la matière spermatique a été épuisée, le sang continue à s’écouler, même involontairement, vers ces mêmes vaisseaux, du simple fait qu’il est attiré par le vide, et que le sperme n’est rien d’autre que du sang transformé, à l’instar du lait. Son approvisionnement se fait donc aux dépens du corps tout entier, et le dos et la moelle épinière en pâtissent tout particulièrement parce que là où réside l’attraction, là siège sa frontière : les conduits spermatiques une fois vidés ne cessent pas d’attirer à eux jusqu’au sang qui serait autrement parvenu dans la moelle épinière. Il n’en va pas autrement pour l’instinct de succion induit par la faim naturelle : bien qu’il provienne de toutes les veines et du foie, il n’est ressenti qu’à l’embouchure de l’estomac, car c’est là que résident la frontière de l’attraction et la succion, là qu’est principalement l’instinct de la fonction. Qui veille à la cohérence de ce qu’il écrit doit prêter attention à la cohérence de la doctrine hippocratique : il a pensé que la semence est éminemment cérébrale, c’est-à-dire qu’elle provient du bulbe cérébral et de la moelle épinière, et qu’elle s’écoule principalement par ladite moelle ; et ce à la fois en raison de la similitude de la substance et des esprits, contenus dans l’efflux cérébral dont s’enfle la semence, et en raison de la souffrance que le coït inflige aux parties de la tête, laquelle se perçoit aussitôt dans les yeux et les joues, comme l’a aussi pensé Platon. {n} (…) Satyrus Grupalôpêx succomba à ce tabès (livre vi des Épidémies, section 7)]. {o}

Sur cette dernière citation, Louis Duret a ajouté ce commentaire : {p}

Tertia quædam est phthiseos species apud Hippocratem ad finem sect. 8. lib. 6. Epid. in histor. de Satyro qui Grypalopex dicebatur, et lib. 2. de morbis. Quæ tabes νοτιας, {q} i. tabes dorsalis appelatur, et neogamis accidit, i. qui nuper uxorem duxerunt, et iis qui Venere abuti solent non uti, et venerem immoderate exercent. Lib. 1. de semine Galenus dicit exhauriri sperma ex testiculis deinde proiici ab ipsis testibus materiam spermaticam non præparatam quæ purus est sanguis. Sperma colliquamentum non est, sed benignum excrementum tertiæ coctionnis. Corpus autem laborans ab exhausto materiæ spermaticæ macrescit, defrudantur enim partes solidæ proprio alimento. Et hæc est pthisis notias. In satyro supra commemorato eam observavit Hippocrates. Ille anno ætatis 25. semen effundebat meiendo et dormiendo : tandem 30. ætatis anno factus est tabidus et interiit.

[Il y a dans Hippocrate une troisième sorte de phtisie, dans le livre vi des Épidémies, à la fin de la section 8, sur le satyre qui s’appelait Grypapôplêx, {o} et au livre ii des Maladies. {n} Ce tabès est appelé dorsal et survient chez les « néogames », {r} c’est-à-dire ceux qui viennent de prendre épouse, et chez ceux qui n’usent pas, mais abusent des rapports vénériens, et s’adonnent immodérément à la copulation. Au livre i sur la Semence, Galien dit que, une fois vidés de leur sperme, les testicules n’éjaculent plus qu’une matière séminale non élaborée, qui est du sang pur. {s} Le sperme n’est pas un colliquamentum, {t} mais un bienfaisant excrément de la troisième coction. Un corps dépérit toutefois quand il souffre d’un épuisement de la matière spermatique, car les parties solides sont privées de leur aliment propre. Tel est le tabès dorsal. Hippocrate l’a observé chez le satyre précédemment décrit : à l’âge de 25 ans, il répandait du sperme en dormant et en pissant ; à 30 ans, il devint tabide et mourut]. {u}


  1. Je n’ai rien trouvé sur le tabes dorsalis dans Celse (vers le ier s. de l’ère chrétienne), Galien (iie s., v. infra notules {o‑ iv} et {s}) ou Jean Fernel (xvie s.).

  2. À laquelle Patin a grandement contribué, v. note [14], lettre 738.

  3. Jean Haultin, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris mort en 1615 (v. note [19], lettre 181).

  4. Cette impressionnante exégèse hippocratique n’a été imprimée qu’en 1664 : elle ne figure ni dans la première édition des Hollerii opera omnia par René Chartier (Genève, 1623, v. note [9], lettre 131), ni dans les parutions séparées des deux livres de Houllier sur les maladies internes (Paris, 1572, v. note [10], lettre 11, et ibid. 1611),

  5. Haultin tirait toutes ses citations des œuvres complètes d’Hippocrate traduites en latin par Janus Cornarius (v. note [2], lettre 794), dans l’édition publiée à Lyon, Ant. Vincentius, 1555, in‑8o de 1 078 pages.

    Celle-ci vient des Affections internes, pages 206 vo‑207 vo ; Littré Hip, volume 7, § 10‑13, pages 189‑201. Les § 12‑13 portent sur le tabès dorsal ou « troisième phtisie ».

  6. Prénotions coaques, Lyon, 1555, page 436 vo ; Littré Hip, volume 5, § 430, chapitre xxi, page 681. Ces deux premiers tabès correspondent à ce qui est devenu la tuberculose pulmonaire, que les médecins (phtisiologues) ont appelée phtisie et surnommée « phi » (φ) jusqu’au siècle dernier.

  7. Lyon, 1555, loc. cit. : passage du livre ii des Maladies qui est cité dans le § 2 supra de la présente note.

  8. Lyon, 1555, loc. cit. : Quum vero in medullam fluxio contigerit, tabes occulta ac inconspicua oboritur [Quand la fluxion se produit dans la moelle, il survient un tabès larvé et caché] ; « phtisie cachée » dans Littré Hip, volume 6, § 10, page 295.

  9. Lyon, 1555, loc. cit. :

    Tabes spinea – Porro quum retro in spinam fluxio processerit, huic tabes fit ejusmodi. Lumbos dolet,, et anteriores capitis partes vacuæ videntur ipsi esse.

    Littré Hip, ibid. § 15, page 309 :

    « Tabès spinal – Quand le flux se porte en arrière sur le rachis, il se produit cette sorte de phtisie. Les lombes sont douloureuses et il semble au patient que le devant de la tête est vide. »

  10. Lyon, 1555, loc. cit. :

    Tabes tertia – Ab hac hæc patitur. Medulla ipsius spinalis sanguine plena fit. Tabescit autem similiter et a cavis venis. Hæ vero pituita hydropiformi, et bile replentur. Patitur autem eadem, ab utris tandem tabescat. Et homo statim niger fit ac subtimidus. Et partes sub oculis pallidæ fiunt. Et venæ in corpore pallidæ distentæ sunt, quædam valde rubicundæ…

    Littré Hip, volume 7, § 12, pages 193‑195 :

    « Troisième phtisie – En voici les accidents : la moelle dorsale devient pleine de sang et de bile. La consomption vient aussi des veines creuses, qui se remplissent d’un phlegme aqueux et de bile. Au reste les accidents sont les mêmes quel que soit le point de départ de la consomption. Tout d’abord le patient devient noir et un peu gonflé ; le dessous des yeux jaunit ; les veines du corps s’étendent avec une teinte jaune, quelques-unes même sont très rouges… »

    L’ictère (jaunisse) décrit par Hippocrate n’est pas un signe classique du tabès spécifique, mais la syphilis hépatique peut en provoquer un.

  11. Lyon, 1555, page 359 vo :

    Ossium naturam ex capite colligere oportet, deinde nervorum et venarum, et carnium, et aliorum humorum, et supernorum ac infernorum ventriculorum, et mentis, et morum, et eorum quæ per annum fiunt…

    Littré Hip, volume 5, § 14, page 331 :

    « [Apprécier] la nature des os d’après la tête, puis celle des parties fibreuses, des veines, des chairs, des humeurs, des ventres supérieur et inférieur, de l’intelligence, du moral, de ce qui arrive dans l’année… »

  12. Cette sentence sur l’interdépendance des parties corporelles n’est pas dans Hippocrate, je l’ai trouvée dans la traduction latine de L’Institution théologique de Proclus, {i} § lxvi, page lxxiii : {ii}

    Omnia entia sunt inter se tota, vel partes, vel eadem, vel diversa. Vel enim continent altera, reliqua vero continentur ab ipsis ; vel neque continent neque continentur. Et vel idem ipsis accidit atque iis quæ participant Unum, vel alia ab aliis discreta sunt.

    [Tous les êtres s’assemblent en un tout ou en parties, étant soit les mêmes, soit divers. Ou bien les uns en contiennent eux-mêmes d’autres qui sont contenus, ou bien ils ne contiennent ni ne sont contenus. Pareillement, il leur est échu soit d’être parties d’une Unité, soit d’être distincts les uns des autres].

    1. Proclus de Lycie ou de Byzance, philosophe néoplatonicen grec du ve s.

    2. Édition de Fr. Dübner, Paris, Ambroise Firmin Didot, 1855.
  13. Lyon, 1555, loc. cit. :

    Medulla spina cur arescat – Ressicatur medulla spinalis maxime, quum venulæ ad medullam tendentes fuerint obsturatæ, itemque ex cerebro accessus. Propter corporis autem afflictionem hæc patitur, et ægrotat. Resiccatur etiam a venere. Hæc igitur patitur. Dolor acutus incidit ipsi in caput, et in collum, et in lumbos, et in lumborum musculos, et in articulos crurum, ut aliquando flectere non possit. Et stercus non secedit, sed sistitur. Et urinæ difficultate vexatur. Hic in principio quidem morbi quietius degit. Quanto autem magis tempus morbo prologatur, tanto magis omnia dolet.

    Littré Hip, volume 7, § 13, page 201 :

    « [Pourquoi la moelle épinière se dessèche] – La moelle rachidienne se dessèche surtout quand les veines qui se rendent à la moelle et la voie qui mène hors de l’encéphale sont obstruées. C’est par la détérioration du corps que surviennent les accidents, et cette maladie ; les excès vénériens en sont surtout la cause. Voici les accidents : une douleur aiguë se fait sentir à la tête, au cou, aux lombes, aux muscles des lombes et aux articulations des membres inférieurs, au point que parfois le malade ne peut les fléchir. Les selles ne procèdent pas ; il y a constipation et dysurie. Le malade, au début, supporte assez paisiblement son mal ; mais plus le temps s’écoule, plus toutes les souffrances augmentent. »

    Le tabès hippocratique s’accompagne ici de vives douleurs axiales et des membres inférieurs, qui ne sont plus de simples fourmillements et s’accentuent peu à peu, accompagnées de troubles sphinctériens.

  14. Bizarre assertion dont j’ai vainement cherché la confirmation dans Platon, notamment dans Le Banquet, où il a beaucoup parlé des relations sexuelles.

    Suit la description du tabes dorsalis par Hippocrate dans le livre ii des Maladies, donnée au début de la présente note. Elle est fidèlement transcrite de bout en bout. À propos des « espèces de fourmis qui semblent [aux malades] descendre de la tête le long du rachis », Haultin ajoute seulement cette parenthèse : credo a spiritibus una cum spermatica aut catarrhosa materia sensim illabentibus [du fait, je crois, des esprits qui s’écoulent lentement en même temps que la matière spermatique ou catarrheuse].

    Ces fourmillements de l’épine dorsale pouvaient n’être que les symptômes d’une souffrance non spécifique de la moelle épinière, comme on la rencontre dans le myélites (inflammations de la moelle), telle que la sclérose en plaques. La notule {m} supra les transforme néanmoins en douleurs bien plus intenses.

  15. Lyon, 1555, loc. cit. :

    Satyrus pollutione mortuus est – Satyrus in Thaso cognomento Grypalopex vocabur, hic quum annorum vigintiquinque esset, sæpe per somnum semen effudit : et interdiu quoque fréquenter ipsi prodibat. Quum autem ad annum trigesimum pervenisset, tabidus fiebat, et mortuus est.

    Littré Hip, volume 5, § 29, page 355 :

    « (Pertes séminales.) {i} Satyre, à Thasos, {ii} avait le surnom de Grupalôpêx ; {iii} vers l’âge de vingt-cinq ans il eut de fréquentes pollutions nocturnes ; souvent aussi il éprouvait des pertes même pendant le jour ; vers trente ans il tomba en consomption et mourut. »; {vi}

    1. « Satyre est mort de pollution », dans la traduction latine de 1555.

    2. Île de la mer Égée.

    3. Ce surnom de γρυπαλωπηξ (grupalôpêx) est l’union de γρυπος (grupos), « crochu », et αλωπηξ alôpêx, « renard ».

    4. Les commentaires de Galien sur le livre vi des Épidémies d’Hippocrate ne font pas allusion à ce passage.
  16. Ce texte ne figure par dans les Opera de Houllier publiées à Paris en 1664 (v. supra 3e notule {b}), mais dans celles de 1611 (v. supra 3e notule {d}), pages 214‑215 de la Dureti in suam Enarrationem Annotatio [Annotation de Duret sur son propre commentaire] ; v. note [10], lettre 11, pour Louis Duret, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris mort en 1586.

  17. Sic pour νωτιας.

  18. Hellénisme (νεογαμος, « nouveau marié ») de pure parade.

  19. Ce propos me semble être une libre interprétation de ce qui est dit dans ce traité, où Galien compare le sperme au sang, et affirme qu’il en dérive directement (Kühn, volume 4, pages 529‑530). L’essentiel est que dans aucun de ses livres Galien n’a parlé du tabès dorsal et qu’il n’a pas commenté les livres d’Hippocrate sur les Maladies, où il est principalement décrit.

  20. Germe embryonnaire : « fluide extrêmement transparent que l’on observe dans l’œuf deux ou trois jours après l’incubation, et qui contient les premiers éléments du poulet. Il est enfermé dans ses propres membranes et séparé du blanc. Harvey l’appelle aussi oculus » (Dictionnaire universel de médecine de James Robert, 1747).

  21. Le Traité de la Maladie vénérienne, de ses causes et des accidents provenant du mercure, ou vif-argent. Dédié aux curieux. Par le sieur de la Martinière, médecin chimique, et opérateur du roi et de plusieurs princes, {i} sous-titré Traité de la Vérole, est nettement plus surprenant car son chapitre xi (pages 57‑64) est intitulé De la Maladie des nouveaux mariés, appelée Tabes Dorsalis. Il n’a pourtant de vaguement mémorable que son premier paragraphe :

    « Les nouveaux mariés qui n’ont jamais eu habitation avec femme, s’échauffant par trop de prime abord à l’accouplement charnel par le coït trop âpre, la moelle de l’épine du dos se sèche, causée de ce que les petites veines qui vont à icelle sont bouchées, comme aussi le passage d’où descend la matière du cerveau, qui fait que celui qui en est attaqué a une altération {ii} continuelle, avec une très grande débilité, et le pouls plus ému que de coutume ; et même quelquefois en a la fièvre. C’est pourquoi ignoramment l’on saigne tels malades contre la nécessité de la maladie, laquelle ne demande que des confortatifs. » {iv}

    1. Paris, chez l’auteur, 1664, in‑8o de 167 pages, par Pierre-Martin de la Martinière (Rouen 1636-Paris vers 1690), médecin et chirurgien qui mena une vie d’aventures et de grand voyages.

    2. Soif.

    3. Suivent trois observations de malades, dont deux guérirent sans encombre, mais le troisième mourut (pour avoir, selon la Martinière, été trop abondamment saigné et purgé).

Je ne puis omettre ce qu’Avicenne a écrit, {a} après Rhazès, {b} sur le tabes dorsalis {c} dans le Canon, livre iii, Fen 20, traité i, pages 372 vo‑373 ro {d} du chapitre 11, De nocumento coitus, et dispositionibus eius, et malitia figurarum [Nuisance du coït, ses manifestations, ses postures malfaisantes]. La description du malade atteint y est très proche de celle d’Hippocrate :

Et videtur ei, quod fit incessus formicarum in membris suis incipiens a capite suo usque ad finem dorsi. Et accidit ei tinnitus. Et multoties accidunt ei fere acutæ adurentes cum quibus moriuntur. Et quandoque adveniunt ei tremor, et debilitas nervorum, et vigilæ et prominentia oculorum ad exteriora etiam, sicut accidit in separatione animæ a copore : et accidit ei calvitium et ægritudines frigidæ, et dolor dorsi, et renum et vesicæ. Dorsum vero ignescit prius, quare attrahit materiam ad ipsum, et restringitur eorum natura. Et quandoque facit incurrere colicam : et facit accidere eis fœtorem, et fœtet eorum os, et carnes gingivarum.

[Il lui semble aussi que des fourmis lui marchent dans le corps, depuis la tête jusqu’au bas du dos ; ses oreilles tintent ; il éprouve souvent des brûlures très vives qui l’accompagnent jusqu’à la mort. Parfois surviennent un tremblement, une faiblesse des tendons, des insomnies, ainsi qu’une saillie des yeux hors de la tête, comme il arrive au moment où l’âme se sépare du corps. Il est affligé de calvitie, d’indispositions froides, et de douleur du dos, des reins et de la vessie. Le dos s’enflamme pourtant le premier, parce qu’il attire à lui la matière morbifique, dont la nature le resserre. {e} Parfois elle leur fait endurer la colique et les rend malodorants, avec une bouche et des gencives puantes].


  1. Au xie s. de notre ère, v. note [7], lettre 6.

  2. Un siècle avant Avicenne : v. note [24], lettre 101.

  3. Mais sans le nommer ainsi ni faire référence à Hippocrate.

  4. Édition latine de Venise, 1555, v. note [11], lettre 11. Vopiscus Fortunatus Plempius n’a pas édité le livre iii du Canon (v. note [39], lettre 369).

  5. Rien de tout cela n’est incompatible avec la syphilis et son tabès.

Cette copieuse mise en contexte était indispensable avant d’en venir au tabes dorsalis qui, selon Naudé, avait provoqué la mort de Giulio Cesare Lagalla, à Rome en 1624. {a} Deux relations autorisent à en savoir plus.

Le tabès dorsal hippocratique reste pour moi une énigme, qui mène à deux hypothèses principales, entre lesquelles je ne sais trancher. {a}

18.

Ces trois ouvrages de Giulio Cesare La Galla sont :


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 180‑181 :

« Julius Cæsar La Galla. On dit dans cet article que Procellatius a fait une vie de ce Napolitain. Il y a beaucoup d’apparence que celui entre les mains de qui le manuscrit du Naudæana est tombé s’est trompé assez grossièrement en lisant cet endroit : il ne faut point douter qu’il n’y eût Leo Allatius, dont cet heureux critique a fait un auteur nouveau sous le nom de Procellatius ; du moins est il sûr qu’Allatius est auteur d’une vie de La Galla, que Naudé fit imprimer à Paris en 1644, et qu’il dédia à son ami M. Patin. {a} La Galla était né en 1571 à Padula, ville de la Basilicate, au Royaume de Naples. {b} Il régenta {c} la philosophie d’Aristote pendant plus de trente ans à Rome. L’historien de sa vie n’a pu s’empêcher d’avouer, aussi bien que le Rossi, qu’il était un peu trop adonné au vin et aux femmes, ce qui lui suscita plusieurs affaires fâcheuses. {d} Il mourut le 14 février 1624. Ainsi, {e} je ne sais pourquoi on fait dire à M. Naudé qu’il ne lui a jamais entendu, etc. : Naudé avait-il été en Italie avant cette année 1624. » {f}


  1. Il s’agit d’une bévue des éditeurs du Naudæana : dans le manuscrit de Vienne (v. note [12] de l’Introduction aux ana), on lit en effet distinctement (page 26) Leo Allatius ; v. supra note [17], 5e notule {e}, pour sa Lagallæ Vita [Vie de La Galla] (Paris, 1644).

  2. La Basilicate est une région côtière et montagneuse du sud de l’Italie, anciennement nommée Lucanie, située entre les Pouilles, la Campanie et la Calabre. Ses deux villes principales sont Potenza et Matera.

  3. Enseigna.

  4. Pinacotheca de Rossi : {i}

    Sed amator mulierum, inimicitias graves capitalesque suscepit ; primum cum N, qui zelotypia coactus, sclopum in eum emisit, per angustum quendam aditum ac tenebris obsitum in procœtonem domini se conferentem ; sed sclopus displosus, ipso incolumi relicto, parietem feriit : deinde cum Pompeio Caimo contendit, quisnam priores, apud eas, partes habiturus esset : itaque obtrectarunt inter se, cum Caimus se illi præferendum diceret, quod nimis pulcher homo esset, atque ultro expetendus : in quibus inimicitiis, si, quæ ab utrique odiosa, ridicule et stulte facta sint, velim referre, longius ab incœpto trahar. Sed quamvis, cum se remiserat, nonnihil dissolute intemperanterque committeret, tamen, cum tempus posceret, laboriosus, gravis, ac studiis obsequens reperiebatur.

    [Étant amateur de femmes, il s’attira de graves et mortelles inimitiés. Ce fut d’abord avec N. qui, poussé par la jalousie, tira un coup d’arquebuse sur La Galla, après avoir pénétré dans son antichambre par une entrée dérobée et s’y être caché dans l’obscurité ; mais la balle avait frappé un mur sans le blesser. Ensuite, il se querella avec Pompeius Caimus {ii} pour savoir lequel des deux occuperait la première place dans les faveurs de ces dames ; aussi se dénigrèrent-ils l’un l’autre, Caimus disant qu’il devait être préféré, comme étant bien plus séduisant et bel homme ; mais j’allongerais trop mon récit si je voulais relater toutes les sottes et ridicules méchancetés que leurs rivalités les poussèrent à commettre. Quand La Galla se fut apaisé, bien que son comportement demeurât quelque peu dissolu et intempérant, on le vit redevenir travailleur, sérieux et assidu aux études, à mesure que son âge le lui imposait].

    1. V. supra note [17], 5e notule {b}.

    2. Pompeo Caimo, v. note [37] du Naudæana 4.
  5. Sans doute à prendre pour « Aussi ».

  6. Le premier séjour de Naudé en Italie date de 1626 (v. note [9], lettre 3).

19.

Drôle : « bon compagnon, homme de débauche prêt à tout faire, plaisant et gaillard » (Furetière).

Aujourd’hui bien mieux connu et étudié qu’au xviie s. (notamment grâce au précieux article du Wikipedia italien), Cecco d’Ascoli (Ciccus Esculanus ou Æsculanus) est le nom qu’avait adopté Francesco Stabili (Ancarano dans les Abruzzes 1269-Florence 1327). Entré à l’âge de 18 ans chez les moines camaldules d’Ascoli Piceno, dans les Marches, il pratiqua et enseigna plus tard la philosophie, la médecine, l’astronomie et la poésie à Florence et à Bologne. En 1326, comme médecin, Charles d’Anjou, duc de Calabre (1325-1327), le préféra à Dino del Garbo (dit Dino de Florence, 1280-1327). L’accusant d’hérésie pour ses pratiques occultes, l’Inquisition le condamna au bûcher ; avant de périr dans les flammes, il se serait écrié L’ho detto, l’ho insegnato, lo credo ! [je l’ai dit, je l’ai enseigné, je le crois !]. Gabriel Naudé citait les deux ouvrages les plus remarquables d’Ascoli :

Voici ce que Naudé a écrit d’Ascola (Ciccus), dans le chapitre xii, Des Génies que l’on attribue à Socrate, Aristote, Plotin, Porphyre, Jamblique, Ciccus, Scaliger et Cardan (pages 343‑346) de son Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement soupçonnés de magie de Gabriel Naudé (Paris, 1625, v. note [5], lettre 608) :

« La même raison qui m’a fait parler de ces anciens philosophes dans ce chapitre m’oblige encore de ne passer sous silence trois auteurs modernes que l’on dit avoir eu pareillement la conversation de leurs génies, {a} savoir Ciccus Esculanus, Scaliger et Cardan ; du premier desquels, si je traite en cet endroit, c’est plutôt pour maintenir la vérité que pour le mérite de sa personne, ou le fruit que l’on peut recevoir de ses livres, car le seul commentaire que nous avons de lui sur la Sphère de Sacrobusto {b} montre assez qu’il n’était pas seulement supestitieux, comme l’appelle Delrio, {c} mais qu’il avait aussi la tête mal timbrée, s’étant étudié d’observer trois choses en icelui {d} qui ne peuvent moins faire que de découvrir sa folie : la première, d’interpréter le livre de Sacrobusto suivant le sens des astrologues, mécromanciens et chiroscopistes ; {e} la seconde, de citer un grand nombre d’auteurs falsifiés, et remplis de vieux contes et badineries […] ; et la troisième, de se servir fort souvent des révélations d’un esprit nommé Floron, qu’il disait être de l’ordre des chérubins, {f} et qu’étant une fois, entre autres, interrogé ce que c’était que les taches de la Lune, il répondit brièvement, ut terra terra est. {g} […] À toutes lesquelles rêveries, quelle meilleure solution pourrait-on donner que de dire avec Lucrèce,

Quis dubitat, quin omne sit hoc rationis egestas ? {h}


  1. Naudé a fourni l’explication de ce mot au tout début de son chapitre xii (pages 303‑304) :

    « C’est une remarque de quelques personnes assez superstitieuses, dans le jésuite Thyræus, {i} que tous les enfants qui naissent aux jours des quatre temps {ii} apportent pour l’ordinaire avec eux leurs coiffes ou membranes, {iii} et peuvent bien plus facilement que les autres venir en la connaissance et familiarité des génies qui sont destinés pour leur conduite ; duquel privilège ceux-là se peuvent aussi vanter, suivant Ptolémée, qui ont la Lune pour dame de leurs actions, conjointe avec le signe du Sagittaire, ou celui des Poissons dans le thème de leur naissance ; ce qui pourrait donner occasion de croire que l’une ou l’autre de ces conditions s’est rencontrée sur la nativité de tous ceux pour lesquels nous dressons ce chapitre, vu que, suivant l’autorité de presque tous les auteurs, chacun d’iceux se peut vanter d’avoir été conduit dans le Temple de la gloire et de l’immortalité par l’assistance extraordinaire de quelque génie ou démon familier, qui leur était, comme parle Apulée, singularis præfectus, domesticus speculator, individuus arbiter, inseparablilis testis, malorum improbator, bonorum probator. » {iv}

    1. Petrus Thyræus, v. note [53], lettre 97.

    2. Premiers jours de chacune des quatre saisons de l’année.

    3. Un enfant naît coiffé quand il est expulsé en même temps que la délivrance, avec l’arrière-faix posé sur la tête (v. note [8] de l’Autobiographie de Charles Patin).

    4. « gouverneur particulier, gardien familier, arbitre personnel, inséparable témoin, réprobateur des mauvaises actions, approbateur des bonnes actions » (Apulée, À propos du dieu de Socrate, chapitre xvi).

  2. Sic pour Sacrobosco.

  3. V. note [54], lettre 97, pour le jésuite Martin Anton Delrio et ses Controverses et recherches magiques… (Paris, 1616).

  4. « s’étant appliqué à observer trois choses dans Sacrobosco ».

  5. Autre nom des chiromanciens, qui devinent à partir des lignes de la main. V. note [19] du Naudæana 3, pour les nécromanciens.

  6. « Esprit céleste [ange] qui, dans la hiérarchie est le premier après les séraphins. On les peint rouges pour signifier qu’ils sont enflammés de l’amour de Dieu » (Furetière). V. note [46] du Patiniana I‑4 pour celui, fort célèbre, qui hantait l’esprit de Socrate.

  7. « comme la terre est la terre. » Comprenne qui pourra…

  8. « Qui doute que tout cela est dénué de raison ? », adaptation très libre du vers 1211, livre v de La Nature des choses de Lucrèce : temptat enim dubiam mentem rationis egestas [car la déraison tâche de rejeter le doute].

V. note [63] du Naudæana 1, pour Cassiano dal Pozzo et sa somptueuse bibliothèque.

20.

Les juifs faisaient les frais du carnaval de Rome, alors le plus fréquenté et somptueux de la chrétienté. Dans son Journal de voyage Michel de Montaigne a donné une fameuse description de celui qui eut lieu en 1581 (édition établie par Alexandre d’Ancona, Citta di Castellon S. Lapi, 1889, in‑8o, pages 249‑252) :

« Le carême-prenant qui se fit à Rome cette année-là fut le plus licencieux, par la permission du pape, {a} qu’il n’avait été plusieurs années auparavant ; nous trouvions pourtant que ce n’était pas grand-chose. Le long des Cours, qui est une longue rue de Rome, qui a son nom pour cela, {b} on faisait courir à l’envi, tantôt quatre ou cinq enfants, tantôt des juifs, tantôt des vieillards tout nus, d’un bout de rue à autre. Vous n’y avez nul plaisir que de les voir passer devant l’endroit où vous êtes. Autant en font-ils des chevaux, sur quoi il y a des petits enfants qui les chassent à coups de fouet, et des ânes et des buffles poussés à tout des aiguillons {c} par des gens de cheval. À toutes les courses, il y a un prix proposé, qu’ils appellent el palo : ce sont des pièces de velours ou de drap. Les gentilshommes, en certain endroit de la rue où les dames ont plus de vue, courent sur des beaux chevaux la quintaine, {d} et y ont bonne grâce, car il n’est rien que cette noblesse sache si communément bien faire que les exercices de cheval. »


  1. Grégoire xiii (v. note [2], lettre 430).

  2. La via del Corso, ou Corso, est une avenue rectiligne et longue d’environ 1 500 mètres.

  3. Vivement aiguillonnés.

  4. « Pal, poteau ou jaquemart [mannequin en bois] qu’on fiche en terre, où l’on attache un bouclier, pour faire des exercices militaires à cheval, jeter des dards, rompre la lance » (Furetière).

21.

Soit une famille juive sur vingt, à tour de rôle.

22.

Chapitre xlviii (axiomes ii‑iii, page 325) du Thesaurus chronologiæ in quo universa temporum et historiarum series in omni vitæ genere ponitur ob oculos. Authore Johanne-Henrico Alstedio [Trésor de la chronologie de Johannes Henricus Alstedius, {a} où est mise sous les yeux la suite complète des temps et des événements en tout genre de vie] : {b}

ii. In conjuntionibus magnis sive revolutionibus planetarum, quibus illi ad initia redeunt, ut non est probanda superstitio vel scrupulosa diligentia, ita quoque laudanda non est negligentia, vel irrisio.

iii. Caput 12. Danielis debet nobis esse cynosura in explicatione numerorum propheticorum. Nam illud nos a templo secundo veluti manu ducit ad excidium ipsius : et ab excidio templi an. Christi 69 usque ad terminum dierum numerat primo annos 1 290 deinde 1 335, hoc est annos 2 694, connumeratis annis 69, qui effluxerunt a Christo usque ad excidium templi. Ab hac summa si subducantur mille anni Apoc. 20. perveniemus ad annum Christi 1694. Unde colligimus, septem phialas inde ab anno 1517 usque ad annum 1694 effundendas, ita nempe, ut interea temporis vasa iræ armentur, animentur et exanimentur, et vasa misericordiæ premantur et a pressuris liberentur, Judæis et gentibus ex remotis mundi angulis in unum collectis, ut postea sit florentissimus ecclesiæ status per 1 000 annos.

[ii. Ni superstition ni pointilleuse exactitude ne doivent être accordées aux grandes conjonctions ou révolutions des planètes, par lesquelles elles reviennent à leur position de départ, mais il ne faut ni les mépriser ni s’en moquer.

iii. Le chapitre 12 de Daniel doit nous servir de Petite Ourse dans l’explication des nombres prophétiques : {c} il nous conduit, comme par la main, depuis le Second Temple jusqu’à sa destruction ; {d} ensuite, depuis la destruction du Temple, en l’an 69 du Christ, jusqu’à la fin du monde, il compte d’abord 1 290 années, puis 1 335, {c} soit un total de 2 694 années, en y ajoutant les 69 qui se sont écoulées entre l’avènement du Christ et la destruction du Temple. Si nous ôtons de cette somme les 1 000 années que donne le chapitre 20 de l’Apocalypse, {e} nous parvenons à l’an 1694 après le Christ. Puisque sept phiales doivent se déverser entre l’an 1517 et l’an 1694, {f} nous calculons donc que pendant cet intervalle de temps les vases de la colère s’armeront, s’empliront et s’épuiseront, puis que les vases de la miséricorde s’exprimeront et se libéreront des contraintes : venus de tous les coins reculés du monde, juifs et gentils se rassembleront pour que, dès lors, la condition de la communauté humaine fleurisse parfaitement pendant 1 000 ans]. {g}


  1. Johann Heinrich Alsted, v. note [6], lettre 153.

  2. Herborn, Christoff Rab, 1624, in‑8o de 340 pages.

  3. Daniel (12:8‑13) :

    « “ Monseigneur, quel sera cet achèvement ? ” Il dit : “ Va, Daniel ; ces paroles sont closes et scellées jusqu’au temps de la fin. Un grand nombre seront lavés, blanchis et purifiés ; les méchants feront le mal ; les méchants ne comprendront point ; les doctes comprendront. À compter du moment que sera aboli le sacrifice perpétuel et posée l’abomination de la désolation : mille deux cent quatre-ving-dix jours. Heureux celui qui tiendra, et qui atteindra mille trois cent trente-cinq jours. Pour toi, va, prends ton repos ; et tu te lèveras pour ta part à la fin des jours. ” »

    L’étoile Polaire, qui indique le nord aux voyageurs, est située au bout de la queue de la Petite Ourse.

  4. Après la destruction du Premier Temple de Jérusalem par Nabuchodonosor en 587 av. J.‑C., fut aussitôt entreprise la construction du Second Temple, détruit en l’an 69 de notre ère par Titus, futur empereur romain (de 79 à 81).

  5. Apocalypse (20:1‑3) :

    « Puis je vis un Ange descendre du ciel, tenant à la main la clef de l’Abîme, ainsi qu’une énorme chaîne. Il maîtrisa le Dragon, l’antique Serpent, – c’est le Diable, Satan, – et l’enchaîna pour mille années. Il le jeta dans l’Abîme, tira sur lui les verrous, apposa des scellés, afin qu’il cessât de fourvoyer les nations jusqu’à l’achèvement des mille années. Après quoi il doit être relâché pour un peu de temps. »

  6. N’ayant pas trouvé d’autre sens à phiala que celui de phiale, coupe peu profonde et évasée (sans signification astronomique ou astrologique que j’aie su trouver), le fil de la démonstration arithmétique présentée par Alstedius m’a échappé à partir de cet endroit, où il passe des temps (en transformant allègrement les jours annoncés par Daniel en années) aux récipients. Cent soixante-dix-sept ans (1694 moins 1517) est une durée qui n’aboutit pas à un nombre entier quand on la divise par sept.

  7. À en croire Alstedius, tous les enfants de Dieu, juifs comme non-juifs (gentils), ont donc pu dormir tranquilles depuis 1694 et le pourront jusqu’en 2694…

23.

« sous prétexte et sous ombre de religion ».

24.

Pour ces trois cardinaux italiens, v. notes :

25.

J’ai réuni deux paragraphes qui sont aux pages 44 et 48 du Naudæana car ils concernent tous deux Giovanni Antonio Magini (Johannes Antonius Maginus, Antoine Mangin en français, Padoue 1555-Bologne 1617), mathématicien, astronome, géographe et surtout astrologue. En 1588, il avait été préféré à Galilée pour occuper la chaire de mathématiques de Bologne. Il a publié beaucoup d’ouvrages en latin et en italien, dont le plus renommé aujourd’hui est son Italia posthume (Bologne, 1620, v. infra note [26], seconde notule {b}).

Le commentaire « sur le livre d’Hippocrate des jours cirtiques et sur le légitime emploi de l’astrologie en médecine », que citait ici Gabriel Naudé, a pour titre complet : {a}

Io. Antonii Magini Patavini, Mathematicarum in almo Bononiensi Gymnasio Professoris, de Astrologica ratione, ac usu dierum Criticorum, seu Decretorium ; ac præterea de cognoscendis et medendis morbis ex corporum cœlestium cognitione. Opus duobus Libris distinctum. Quorum primus complectitur Commentarium in Galeni Librum Tertium in diebus Decretoriis. Alter agit de legitimo Astrologiæ in Medicina usu. His additur De annui temporis mensura in Directionibus : et de Directionibus ipsis ex Valentini Naibodæ scriptis

[Ouvrage de Johannes Maginus, natif de Padoue, professeur de mathématiques en la bienfaisante Université de Bologne, sur le raisonnement astrologique, et l’usage des jours critiques ou décrétoires, pour en outre identifier et soigner les maladies par la connaissance des corps célestes. Divisé en deux livres, dont le premier consiste en un Commentaire du troisième livre de Galien {b} sur les jours décrétoires ; {c} le second traite du légitime emploi de l’Astrologie en médecine, de la mesure du temps annuel dans les alignements, et des dits alignements d’après les écrits de Valentinus Naiboda]. {d}


  1. Venise, héritier de Damianus Zenarius, 1607, in‑4o de 240 pages.

  2. Naudé ou son narrateur confondait Galien avec Hippocrate, dont le corpus ne contient pas de traité sur ce sujet.

  3. Autrement nommés critiques (v. note [3], lettre 223).

  4. Valentin Naboth, 1523-1593, médecin et astrologue allemand.

26.

Les « thèmes natals » sont déduits de la configuration astrale au moment de la naissance, qui servait (et sert toujours) à tirer l’horoscope. Le thème céleste (aujourd’hui qualifié d’astral) était « la figure que dressent les astrologues, lorsqu’ils tirent l’horoscope. Il représente l’état du ciel à un certain point requis, c’est-à-dire, le lieu où sont en ce moment-là les étoiles et les planètes. Il est composé de douze triangles enfermés entre deux carrés, et on les appelle les douze maisons » (Furetière).


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 181‑182 :

« Qui ne dirait que Magin n’a mis au jour que les deux ouvrages dont on parle à cet endroit ? Ne devait-on pas empêcher le lecteur de s’y tromper, et l’avertir charitablement que cet illustre mathématicien en a composé plusieurs autres, dont il y en a même de traduits en français, comme [Brève] Instruction sur les apparences et admirables effets du miroir concave sphérique, [composée en italien par Jean-Antoine Maginus, professeur de mathématiques à Bologne, et] traduite par Jean-Jacques Boissier, Provençal, professeur de mathématiques à Paris, et imprimée en cette même ville en 1620 ? {a} On ne devait pas du moins oublier son Italie, que son fils Fabio fit paraître à Bologne en 1620, {b} puisqu’on ne voulait pas parler de ses Tables astronomiques du premier et des seconds mobiles, {c} de ses Éphémérides, {d} etc. »


  1. J’ai complété le titre, entre crochets : Paris, sans nom, 1620, in‑4o de 40 pages.

  2. Italia di Gio. Ant. Magini data in luce da Fabio suo figliuolo… (Bologne, Sebastiano Bonomi, 1620, in‑4o) : atlas de 40 pages de texte, enrichi de très nombreuses cartes géographiques.

  3. Deux ouvrages :

    • Tabulæ secundorum Mobilium cœlestium, ex quibus omnium syderum æquabiles, et apparentes motus ad quævis tempora præterita, præsentia, ac futura mira promptitudine colliguntur, congruentes cum observationibus Copernici, et Canonibus Prutenicis, atque ad novam anni Gregoriani rationem, ac emendationem ecclesiastici kalendarii accomodatæ. Secundum longitudinem inclytæ Venetiarum urbis…

      [Tables des seconds Mobiles célestes, où sont recueillis avec admirable diligence les mouvements réguliers et apparents de toutes les étoiles à tout moment, passé, présent et futur, en agrément avec les observations de Copernic et les Canons pruténiques, {i} et adaptées au nouvel ordre de l’année grégorienne et à la correction du calendrier ecclésiastique. Selon la longitude de la célèbre cité de Venise…] ; {ii}

    • Tabulæ generales ad primum Mobile spectantes, et primo quidem sequitur Magnus Canon mathematicus, seu Trigonometria nunc primum ab auctore ipso auctus, diligentissime castigatus, et in hanc novam formam redactus,

      [Tables générales concernant le premier Mobile, suivies pour la première fois du grand Canon mathématique, ou Trigonométrie, que l’auteur a maintenant lui-même augmenté, très soigneusement corrigé et rédigé sous une forme nouvelle]. {iii}

      1. Tables prussiennes de Reinhold, v. première notule {a}, note [62] du Naudæana 1.

      2. Venise, Damianus Zenarius, 1585, in‑4o de 1 454 pages de tables et 328 pages in Cœlestium Motuum Canones [sur les Lois des mouvements célestes].

      3. Bologne, héritiers de Ioannes Rossius, 1609, in‑4o exclusivement composé de quatre séries de tables.
  4. Ephemerides cœlestium motuum… Ab Anno Domini 1598, usque ad Annum 1610, secundum Copernici observationes accuratissime supputæ et correctæ ; ad longitudnem inclytæ Venetiarum Urbis…

    [Éphémérides des mouvements célestes… très exactement calculées et corrigées suivant les observations de Copernic, à la longitude de la célèbre cité de Venise…]. {i}

    1. Venise, Damianus Zenarius, 1599, in‑4o ; second volume, pour les années 1611-1630, ibid. héritier de Damianus Zenarius, 1612, in‑4o.

27.

V. note [28], lettre 291, pour Cesare Cremonini, professeur de médecine et de philosophie à Padoue, à qui le libertinage érudit semble devoir sa devise, Intus ut libet, foris ut moris est [Au-dedans comme il plaît à chacun, au-dehors comme veut le monde].

28.

Jacopo Zabarella (Padoue 1533-ibid. 1589), philosophe péripatéticien, professeur à Padoue, a été suspecté d’athéisme sur certaines de ses interprétations d’Aristote.

V. notes [15] de la Consultation 16 pour Arcangelo Piccolomini, professeur d’anatomie à Rome, et [13], lettre 106, pour Jacques i Cujas, le plus célèbre jurisconsulte français du xvie s.

29.

« Cremonini a écrit beaucoup de livres, en partie publiés, en partie inédits : sur la Chaleur innée et sur la semence, {a} une Apologie sur l’origine et la prééminence des membres. {b} En 1658, chez Johannes Dallæus, en français Daillé, ministre de Charenton, {c} j’ai vu de lui quatre ou cinq volumes in‑fo manuscrits qui attendent un mécène et un imprimeur. » {d}


  1. De Calido innato et semine pro Aristotele adversus Galeno [La Chaleur innée (v. première notule {a}, note [14], lettre 150) et la semence, pour Aristote contre Galien] (Leyde, Elsevier, 1634 et 1639, in‑8o), contre Pompeo Caimo (v. note [29] du Patiniana I‑2).

  2. Apologia Dictorum Aristotelis de origine et principatu Membrorum, adversus Galenum… [Apologie de ce qu’a dit Aristote sur l’origine et la prééminence des membres, contre Galien…] (Venise, Hieronymus Pintus, 1627, in‑4o).

  3. V. note [15], lettre 209, pour Jean Daillé, qui avait séjourné deux ans en Italie avant de devenir pasteur de l’Église de Charenton (v. note [18], lettre 146).

  4. Au cours du xviie s., outre les Tractatus tres… [Trois traités…] (Venise, 1644, v. note [22], lettre 348), il n’a paru qu’un seul autre ouvrage de Cremonini, sa Dialectica, addita in fine Operis singularum Lectionum Paraphrasi a Troylo de Lancettis, Auditore eiusdem [Dialectique, Troilo Lancetta (médecin vénitien), son disciple, y a ajouté une paraphrase de chacune de ses (80) leçons] (Venise, Guerilii, 1663, in‑4o).


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 182‑183 :

« Cæsar Cremoninus, né à Cento dans le Ferrarois, sur les confins de l’État de Modène, professa pendant 40 ans la philosophie à Padoue. Il mourut en 1631, âgé de 80 ans, non pas de peste, comme dit Imperiali, et après lui Freherus et M. Bayle, {a} mais d’une fluxion sur la poitrine : Non quidem peste, sed destillatione senio familiari occubuit, assure le Tomasini. {b} La manière dont on parle de Crémonin, pages 55 et 56, pourrait appuyer le sentiment de ceux qui disent que Crémonin niait l’immortalité de l’âme. » {c}


  1. Je n’ai pas fouillé les biographies de Cremonini données par Giovanni Imperiali (v. note [34] du Patiniana I‑2) et Paul Freher (v. seconde notule {b}, note [62] du Naudæana 1), mais j’ai regardé l’article de Bayle sur Crémonin (Dictionnaire historique et critique, 1702, volume 1, pages 978‑979) :

    « Ses leçons furent extrêmement estimées, mais ses livres imprimés eurent fort peu de débit. Il a passé pour un esprit fort qui ne croyait point l’immortalité de l’âme, et dont les sentiments sur d’autres matières n’étaient rien moins que conformes au christianisme. Il mourut de peste l’an 1630 et fut enterré au monastère de Sainte-Justine, auquel il avait laissé tous ses biens. »

    Ce passage est assorti de deux instructives notes (Y et YΔ).

  2. « Gymnas. Patav., lib. 4, pag. 451 », note de Vitry qui a emprunté deux lignes à la page indiquée du Gymnasium Patavinum de Giacomo Filippo Tomasini (Udine, 1654, v. note [8], lettre 406), dans un paragraphe donnant la liste des professeurs de Padoue morts de la peste au printemps 1631 :

    « [Cesare Cremonini, premier professeur de philosophie] ne mourut pourtant pas de peste, mais d’un catarrhe ordinaire aux vieillards. »

  3. Ces pages du Naudæana de 1702-1703 correspondent à un autre article du Naudæana de 1701 sur Crémonin, qui figure plus loin dans notre édition : v. notes [37][42] du Naudæana 4.

    La circonspection du P. de Vitry sur l’impiété du philosophe est ici remarquable.


30.

Maître du sacré Palais (L’Encyclopédie) :

« officier du Palais du pape, dont la fonction est d’examiner, corriger, approuver ou rejeter tout ce qui doit s’imprimer à Rome. On est obligé de lui en laisser une copie et, après qu’on a obtenu une permission du vice-gérant {a} pour imprimer sous le bon plaisir du maître du sacré Palais, cet officier ou un de ses compagnons (car il a sous lui deux religieux pour l’aider) en donne la permission ; et quand l’ouvrage est imprimé et trouvé conforme à la copie qui lui est restée entre les mains, il en permet la publication et la lecture : c’est ce qu’on appelle le publicetur. {b} Tous les libraires et imprimeurs sont sous sa juridiction. Il doit voir et approuver les images, gravures, sculptures, etc. avant qu’on puisse les vendre ou les exposer en public. On ne peut prêcher un sermon devant le pape, que le maître du sacré Palais ne l’ait examiné. Il a rang et entrée dans la congrégation de l’Indice, {c} et séance quand le pape tient chapelle, immédiatement après le doyen de la Rote (v. note [33], lettre 342). Cet office a toujours été rempli par des religieux dominicains qui sont logés au Vatican, ont bouche à cour, {d} un carrosse et des domestiques entretenus aux dépens du pape. »


  1. Le vice-gérant est l’évêque qui assiste le cardinal-vicaire, prélat à qui le pape a délégué le gouvernement de son diocèse (qui est celui de Rome).

  2. Équivalent, pour les livres laïcs imprimés à Rome, de l’imprimatur, autorisation réservée aux livres religieux et couvrant l’ensemble de la catholicité.

  3. La congrégation de l’Index ou de l’Indice, instaurée en 1564, à l’issue du concile de Trente (v. note [4], lettre 430), sous l’impulsion de la Réforme protestante, établit la liste des livres interdits (librorum prohibitorum) par l’Église catholique, à Rome et partout ailleurs.

  4. « Avoir bouche à cour, ou bouche en cour, avoir droit de manger à quelqu’une des tables entretenues par le prince » (Littré DLF).

V. notes :

31.

Joseph-Juste Scaliger (né en 1540, v. note [5], lettre 34), fils de Jules-César (1484-1558, v. note [5], lettre 9), n’a jamais parlé de sa mère dans sa volumineuse correspondance, latine comme française, où il a partout loué la mémoire de son père.

Les biographes donnent à cette femme le nom d’Andriette de La Roque Loubéjac. Jules-César, qui a passé la plus grande partie de sa vie à Agen (ville épiscopale de Guyenne, dans l’actuel département du Lot-et-Garonne), l’y avait connue en 1523, quand elle n’était âgée que de 13 ans. On ne sait rien d’assuré sur ses géniteurs. Elle était parente éloignée des Secondat de Montesquieu et des La Roche-Pozay, noble famille à laquelle appartenait Louis de Chasteigner de La Roche-Posay (v. note [8], lettre 266), qui fut écolier, ami et mécène de Joseph-Juste. D’abord refusé, comme étant de trop vile extraction, Jules-César, alors âgé de 45 ans, avait fini par épouser Andriette en 1529. Durant les 29 années que dura leur union, ils donnèrent naissance à quinze enfants, dont Joseph-Juste fut le dixième.

Le seul prélat dont j’ose susurrer le nom dans cette obscure affaire familiale est italo-français : Marc-Antoine de La Rovère (Marco Antonio della Rovere), évêque d’Agen (de 1519 à sa mort, à Turin en 1538), avait pris Jules-César Scaliger pour médecin en 1525 et permis son ascension sociale. Les deux Scaliger mirent tant de vanité et d’acharnement à anoblir leurs origines, et se firent tant d’ennemis qu’on ne saurait à qui se fier sur le récit de leur vie privée.

32.

V. note [11], lettre 18, pour Charles ier de Gonzague, duc de Nevers, né en 1580. Le Discours de ce qui s’est passé au voyage de monseigneur le duc de Nevers et principalement au siège de Bude en Hongrie, au mois d’octobre 1602 (Lyon, J. Pillehotte, 1603, in‑8o, pages 5‑7) raconte les circonstances de son entrevue avec Joseph Scaliger :

« Monseigneur le duc de Nevers, voyant, grâces à Dieu, la France en paix de toutes parts, le service du roi et le repos de ses sujets bien établi, particulièrement en la province de Champagne où il commande, pour ne pas tomber en oisiveté des armes, ennemie des grands courages, ains {a} rechercher de la gloire digne du sien et de son âge, se propose, avec la permission de Sa Majesté, partant de Paris le 15e de mars dernier, de se trouver, cette année 1602, en l’armée chrétienne ; et pour en gagner la saison, qui n’était lors assez avancée, {b} se résout d’aller enrichir ses yeux et son esprit de la vue des pays étrangers du côté de Septentrion, pour les ajouter à l’Italie et à ceux qu’il avait déjà vus. […] {c} De là vient à Leyde, et y reconnaît le docte Scaliger de notre France. » {d}


  1. mais.

  2. Pour passer le temps en attendant d’arriver en Hongrie : les troupes impériales ne devaient assiéger Bude (Buda, alors capitale de la Hongrie, aujourd’hui réunie à Pest), occupée par les Turcs, qu’en octobre 1602.

  3. Le duc visita d’abord la Flandre puis l’Angleterre, avant de passer en Hollande. Blessé durant la bataille de Buda, il dut rentrer en France.

  4. Jacques Gillot (v. note [22] du Borboniana 3 manuscrit) en a dit un mot dans sa lettre, datée de Paris le 15 février 1603, à Joseph Scaliger, à Leyde, en a dit un mot (Correspondence, tome 4, page 580) :

    « Monsieur de Nevers est de retour de ce grand voyage, auquel, entre les choses mémorables, il est marqué qu’il voulut vous voir pour votre grande réputation, par le discours de son voyage, fort bref, qui a été imprimé ici. »

V. notes :

33.

L’érudit et sulfureux Carlo Ferrante Gianfattori (Parme 1578-Rome 1639) s’est fait connaître par son double prénom, Carlo Ferrante (Carolus Ferdinandus). Il a fréquenté plusieurs académies savantes de Rome et de Crémone, où il a porté les surnoms d’Il Filosofo [Le Philosophe] et de Lo Scioperato [Le Fainéant], bien qu’il ait produit une grande quantité d’ouvrages, tant en italien qu’en français, publiés ou inédits.


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 183‑185 :

« Ferdinandus Carolus ou Ferrante Carlo était de Parme. Quoique ce que dit ici l’auteur du Naudæana convienne assez avec le portrait que Nicius Erythræus a fait du Carlo sous le faux nom de Zoilus Ardelio, {a} il faut néanmoins avouer que ce Parmesan a eu aussi ses partisans. On peut voir la liste des auteurs qui ont parlé de lui avec éloge dans Allatius. {b} Et le docteur Ranuccio Pico assure qu’il avait pour amis toutes les personnes considérables de la cour de Rome ; qu’entre autres, le cardinal Borghese le voulait avoir toujours près de lui, et l’engagea à écrire l’histoire de son oncle Paul v. {c} Il n’en fut pas de même de quelques autres savants de cette ville, qui se trouvèrent disposés à son égard à peu près de même façon que ceux de Paris témoignèrent l’être, environ le même temps, envers le fameux Montmaur. {d} On ne peut rien voir de plus diffamant pour la mémoire de notre Ferrante Carlo que ce qu’en rapporte le Rossi dans le portrait cité ci-dessus ; {a} et on a, parmi les poésies de Naudé de l’édition de 1650, une espèce de satire qu’il fit in Ferrantis Caroli obitum. {e} Cette mort arriva à Rome en 1641. Il devait avoir au moins 80 ans, s’il est vrai, comme dit Erythræus, qu’il étudia à Padoue sous Frédéric Pendasius, puisque nous savons d’ailleurs que Pendasius ne professa dans cette Université que depuis 1564 jusqu’en 1571. {a} Les principaux ouvrages de Carlo sont une description du Vatican et de la Bibliothèque de ce palais, l’histoire de Paul v, des éloges d’hommes illustres, etc. » {f}


  1. Sous le titre de Zoilus Ardelio [Zoïle (v. note [5], lettre latine 221) le Hâbleur], Janus Nicius Erythræus (Giovanni Vittorio Rossi, v. note [23] du Naudæana 1) a donné une acerbe biographie de Carlo Ferrante dans sa Pinacotheca imaginum [Galerie de portaits] (Cologne, 1643, v. notule {b}, note [22] du Naudæana 1), dont voici le début, un fragment intermédiaire et la fin (pages 240‑245) :

    Quo hujus imago oris, penitus oculis hominum subjiciatur, primum detrahenda est illi persona, quam sibi ipse imposuerat. Cum antea alio appellaretur nomine, mutande ejus causam, malevoli dicunt, fuisse inhonestum fratris vitæ exitum, qui in vinculis, laqueo sibi gulam fregerat : nam cum a Quæstoribus fidei, violatæ religionis crimine, damnatus esset, ac de more Triumviris rerum capitalium traditus, ut supplicio afficeretur, quo se illius acerbitati subduceret, occupaverat liberum mortis arbitrium. Ut igitur fratris infamiam, ad se redundantem, effugeret, vetus ab ipso nomen repudiatum ajunt, ac novum ascitum ; sed falso ; nam antea quam frater se interimeret, vocabatur hoc nomine. Hic, ex matris utero, animi vitia, quibus laborabat, attraxit : perpetuam videlicet arrogantiam, atque elationem animi non ferendam, et quamvis ingenii acumine et celeritate valeret, quamvis, cum Patavii Pendasio Philosopho operam dedisset assiduam ac diligentam, eruditione doctrinaque præstaret, quamvis, ut de quacunque re proposita docte eleganterque dissereret, multis rebus cognitis, penitusque in mediis iis artibus, de quibus sermo esset, retrusis atque abditis, summoque studio ac diligentia esset consecutus ; attamen nemo existimatimabat, esse tanti ulla materia, quanta insolentia hominis, quantumque fastidium. Omnes præ se contemnebat, neminem quidquam scire aut didicisse arbitrabatur ; atque interrogatus, cur in Academiam cardinal a Sabaudia non veniret, arrogantibus sane verbis respondit, nunquam se venturum in eum conventum, in eoque verba facturum, ubi neminem sui similem ingenio, doctrina et eruditione conspiceret. Neque erat Academiæ cuiquam magnopere optandum, immo minime ejus intererat in suorum eum numerum venire : nam homo factiosus, elatus insolens, aut eam dissolvebat, aut simultatibus discordiisque serendis perturbabat omnia, atque miscebat ; ac minimum abfuit, quin Academiam Humoristarum, cum maxime ingeniis hominum floreret, exitium ac pestem afferret. Cum de singulis, detrahendi gratia, maledice contumelioseque loqueretur, Gasparem vero Scioppium, qui in literaria Rep. in primis ordinibus numeratur, imi subsellii virum, atque inter literatos proletarios, ut ita dicam, referendum esse ajebat ; quem ille Scioppium, quoniam in quodam libello sua tempora, quasi literatis viris non amica, modeste reprehenderat, cœpit contumeliis omnibus lacerare, atque palam eum infantem, rudem, et omnino omnis eruditionis expertem atque ignarum asserere, minitarique, se libro edito ejus inscitiam palam omnibus facturum. At Scioppius misit illi, qui diceret, si sibi amplius molestus esset, non se pugnaturum cum eo eloquentiæ doctrinæque armis, sed dictis testium, ac sententiis judicum, in publicas tabulas relatis, quibus Bononiæ, malorum facinorum argutus, evictus, ac condemnatus fuisset ; his se armis curaturum, ut ejus projecta ad detrahendum bonis viris audacia infringeretur, ac retunderetur. His auditis, a scribendi contra illum sententia destitit, seque tantum intra verba continuit. Neque solum sibi principatum in literis arrogabat, sed capessendæ recteque administrandæ Reip. artem a se peti debere affirmabat, ac Regum et Rerump. omnium oratores noctu ad se domum, capite aperto, varia indutos veste, et Vulcanum in cornu conclusum gerentes, venire jactabat, ut suorum Regum mandata deferrent, ut ad ipsum de pace, de bello, de summa imperii referrent, et quod ipse de Rep. consilium daret, acciperent ; se vero jubere illos in cubiculum ibi proximum tantisper secedere, cum ipse scriptum, vel philosophicum, vel politicum, quod præ manibus haberet, absolveret ; eos autem ipsi dicto audientes esse […].

    Hæc cum in foris, in triviis, in plateis, in officinis, incensis et aculeatis verbis effunderet, fiebat, ut odissent eum homines odio plusquam Vatiniano. Quod suspicioni locum aperuit, fuisse eum non tam pituitæ copia peremptum, quam veneni vi, malevoli cujusquam scelere parati, sublatum ; idque, ut medici ajebant, persuadere videbatur odoris fœditas, ventris tumor, livores toto corpore fusi : verum id, quod parum nobis constat, in medio relinquimus, et ad alia transimus. Erat illi Pinacotheca, præ qua ceteras fœnum esse dicebat, tabulis pictis referta, quarum singulas ad auctorem, qui maxime sibi placeret, referebat, atque hanc Bonarotæ, illam Raphaelis, illam Titiani, illam Corrigii esse commemorabat : sed paucos post menses, quorum illis pictorum nomen primum accomodasset oblitus, novo modo loquebatur, et quam, verbi caussa, Raphaelis esse dixerat, Corrigio assignabat ; quam ad Bonarotam retulerat, Titiano tribuebat. In spectandis laudandisque virorum formis Græcissabat : nam ut quemque egregia forma aspiciebat, continuo consistebat, et admotis naso ocularibus, devorabat eum oculis, ejus manum apprehendebat, diu detinebat, ægre dimittebat ; sed non alio eos amore prosequabatur, quam quo Socrates Alcibiadem, Epaminondas Micythum, Catulus Roscium : sed hoc inter hunc atque illos intererat, quod honestus illorum amor unico tantum adolescente definiebatur, hujus vero castæ benevolentiæ fines se se latius diffundebant, et quicunque corporis forma præstabant, omnes ei erant Alcibiades, omnes Michyti, omnes Roscii, quod in eorum pulcritudine, veniens ab animo virtutis lumen, et honesti formam aspiceret. Sed admonitus, ne hac tam vulgari consuetudine suspicionem aliquam turpitudinis, Philosopho indignam, injiceret, respondebat, ne id posset contingere, a fele fuisse prospectum, qui sibi infanti in cunis pudenda abstraxisset, et in ventrem abstulisset […]

    De ejus morte, varie a variis narratur : alii enim pituita, largius ad os defluente, suffocatum, alii veneno, ut diximus, interceptum, alii vomitione puris et sanguinis, ex apostemate in interioribus corporis partibus concepta, exhalasse animam tradunt.

    [De ce visage, dont l’image l’expose tout entier aux yeux des hommes, il faut d’abord ôter le masque du personnage qu’il a voulu lui-même leur imposer. Il a initialement porté un autre nom, et la raison de ce changement, disent les mauvaises langues, a été la mort déshonorante de son frère : il s’est pendu dans la prison où les inquisiteurs l’avaient jeté pour crime d’impiété contre la religion, en attendant d’être traduit, comme veut la coutume, devant les juges des affaires capitales pour être soumis à la torture ; mais il s’est soustrait à la cruauté de cette épreuve en se donnant lui-même la mort. Pour fuir l’infamie de ce frère, qui retombait sur lui, il a donc, dit-on, rejeté son propre nom et s’en est adjoint un nouveau ; mais cela est faux, car il le portait déjà avant que son frère ne se fût tué. {i} Dès sa sortie du ventre de sa mère, il contracta les perversions d’esprit dont il souffrait, à savoir une perpétuelle arrogance et un insupportable orgueil. Nul doute qu’il jouît d’une intelligence acérée et agile ; nul doute qu’il fît preuve d’érudition et de méthode, quand il suivait assidûment et diligemment l’enseignement du philosophe Pendasius à Padoue ; {ii} nul doute qu’il dissertât savamment et éloquemment sur toute question qu’on pouvait lui soumettre, et l’emportât alors avec un zèle extrême, aussi élégant qu’exact, grâce à l’immense étendue de son savoir et à sa totale maîtrise des arts abstrus et obscurs sur lesquels il disputait ; néanmoins, cet homme n’avait d’estime pour personne, et ce sans autre raison que l’insolence et le dédain. Hormis lui-même, il méprisait tout le monde, jugeant que les autres ne savaient rien et n’avaient rien à lui apprendre. Un jour qu’on lui demandait pourquoi il ne fréquentait pas l’Académie du cardinal de Savoie, {iii} il répondit, avec insigne arrogance, que jamais il ne viendrait à ces réunions pour y prendre la parole car il ne s’y rencontrait personne qui l’égalât en intelligence, en méthode et en érudition. Il ne s’en souciait guère, mais aucune académie n’était fort désireuse de le compter parmi ses membres, car cet intrigant, cet insigne effronté, soit la dévoyait, soit y troublait et embrouillait tout en y semant rivalités et discordes ; et il s’en fallut de peu qu’il n’injectât la ruine et la peste dans l’Académie des humoristes, {iv} alors que le génie de ses membres lui donnait un plein épanouissement. Parlant toujours méchamment et calomnieusement de tous, pour arracher à chacun la faveur dont il pouvait jouir, il disait que Caspar Scioppius, {v} cet homme qui est à placer parmi les premiers sur le plus haut banc de la république des lettres, était, pour le dire poliment, à ranger parmi les écrivains triviaux. Comme Scioppius, dans un petit livre, avait modestement reproché à son siècle de n’être guère ami des hommes de lettres, il se mit à le déchirer de toutes sortes d’insultes, à le traiter publiquement d’enfant, de rustre absolument dénué du moindre savoir, en le menaçant sans relâche de publier un livre pour montrer son ignorance à tout le monde ; mais Scioppius lui envoya dire que s’il continuait à l’accabler, il ne le combattrait pas avec les armes de l’éloquence et de la science, mais avec les paroles des témoins et les sentences des juges, transcrites dans les registres publics, et qu’à Bologne, il serait inculpé, confondu et condamné pour ses méfaits ; qu’avec ces armes, il prendrait grand soin de rabattre et briser son audace à avilir les honnêtes gens. Ayant su cela, il renonça au dessein d’écrire contre Scioppius et ne se contenta plus que d’attaques orales. Il ne s’arrogeait pas seulement la primauté dans les lettres, il affirmait aussi qu’on devait le consulter sur l’art de diriger et d’administrer un gouvernement, et il se vantait que tous les ambassadeurs des rois et des républiques venaient en sa maison, la nuit, tête nue, vêtus autrement qu’à leur ordinaire et s’éclairant avec une lanterne, pour lui présenter les mandats donnés par leurs souverains, lui parler de paix, de guerre, de grandes affaires d’État, et recueillir ses avis sur toutes ces questions ; mais il les invitait à se retirer dans un cabinet voisin en attendant qu’il eût terminé la page du texte, politique ou philosophique, qu’il était en train de rédiger (…).

    Comme il inondait les places, les carrefours, les avenues, les boutiques de ces paroles enflammées et piquantes, {vi} il advint que certains nourrirent contre lui une haine plus que vatinienne. {vii} Cela donna lieu de soupçonner qu’il ne mourut pas tant d’un afflux de pituite que par la puissance d’un poison préparé par le crime de quelque malveillant : les médecins disaient que la puanteur qui émanait de lui, l’enflure de son ventre et les marbrures qu’il avait par tout le corps semblaient l’attester ; mais cela nous paraissant peu probant, nous laissons la question en suspens et passons à autre chose. La galerie qu’il possédait, en comparaison de laquelle, disait-il, les autres n’étaient que foin, était remplie de tableaux dont il se plaisait à connaître les noms de chacun des peintres, se gargarisant fort en disant que telle toile était de Michel-Ange, telle autre de Raphaël, du Titien ou du Corrège ; {viii} mais quelques mois plus tard, ayant oublié à qui il les avait précédemment attribuées, il en discourait différemment, donnant par exemple à Michel-Ange ce qu’il avait dit être de Raphaël, ou passant ainsi du Titien au Corrège. Il imitait les Grecs dans ses manières d’admirer et de louer la beauté humaine : quand il voyait quelqu’un de splendide prestance, il s’immobilisait incontinent et, après s’être ôté les lunettes du nez, il le dévorait des yeux, lui prenait la main, la serrait longtemps et ne la lâchait qu’à regret ; l’amour dont il les poursuivait n’était pas différent de celui de Socrate pour Alcibiade, d’Épaminondas pour Micythus, ou de Catulle pour Roscius, {ix} mais sa relation avec eux se limitait à son honnête admiration pour leur séduisante jeunesse, dont les bornes ne s’étendaient pas au delà de la chaste bienveillance ; pour lui, tous ceux qui avaient un beau corps étaient autant d’Alcibiades, de Michytus et de Roscius, parce qu’il voyait en eux l’éclat de la vertu émanant de l’esprit et l’image de l’honnête homme. Néanmoins, quand on le mettait en garde contre le soupçon de quelque turpitude indigne d’un philosophe, que pouvait alimenter une si vile habitude, il répondait, pour que cela ne se puisse dire, qu’étant enfant au berceau, un chat l’avait regardé et que ses parties honteuses s’étaient rétractées et lui étaient remontées dans le ventre. {x} (…)

    Diverses gens ont diversement raconté sa mort : les uns prétendent qu’il a été étouffé par un afflux massif de pituite dans la bouche ; les autres, comme nous l’avons dit, qu’il a été emporté par un poison ; et d’autres encore, qu’il a succombé à un vomissement de pus et de sang provenant d’un abcès qui s’était formé dans les parties profondes de son corps]. {xi}

    1. La copieuse biographie de Carlo Ferrante établie par le P. Ireneo Affo, frère mineur, dans son Memorie degli Scrittori e Letterati Parmigiani [Mémoire des écrivains et lettrés parmesans] (Parme, Imprimerie royale, 1797, in‑8o, tome v, pages 21‑54) date précisément le suicide de son frère Giulio du 25 août 1634, soit cinq ans avant la mort de Carlo Ferrante, qui avait alors abandonné le nom de Gianfattori depuis longtemps.

    2. Frederico Pendasio, mort en 1603, v. note [15] du Naudæana 4.

    3. Maurice de Savoie, v. note [10], lettre 45.

    4. L’Accademia degli Umoristi a été la plus célèbre et brillante académie savante et artistique de Rome au xviie s. ; fondée en 1600, elle fut dispersée en 1717.

    5. V. supra note [13].

    6. Contre la nullité des peintres, tant anciens que modernes, comparée au talent de celui dont il avait dirigé la formation.

    7. V. note [17], lettre 315.

    8. Carlo Ferrante avait excellent goût, les peintres qui faisaient la fierté de sa galerie jouissent toujours d’une inestimable renommée : Michel-Ange (Michelangelo di Lodovico Buonarotti Simono, 1475-1564), Raphaël (Raffaello Sanzio, 1483-1520), le Titien (v. note [41] du Naudæana 3), le Corrège (Antonio Allegri da Corregio, 1489-1534). Léonard de Vinci (1452-1519) manquait à ce panthéon pictural italien.

    9. Trois chastes couples masculins que formèrent dans l’Antiquité Socrate (v. note [4], lettre 500) et le bel Alcibiade, à Athènes (au témoignage de Platon), Épaminondas (v. notule {a‑i}, note [21], lettre latine 265) et Micythus, à Thèbes en Béotie (au témoignage de Cornelius Nepos, Vies des grands capitaines, xv, 4), l’acteur Roscius (v. note [132], lettre 166) et le poète Catulle (v. note [8], lettre 52), à Rome (au témoignage de Catulle lui-même).

    10. Ce conte à dormir debout fait toutefois penser que Carlo Ferrante était atteint d’une malformation sexuelle congénitale non féminisante, dont la forme la plus fréquente est la cryptorchidie (v. note [2], lettre latine 474) : état de castration naturelle aboutissant à un eunuchisme, qui rend certes stérile, mais n’abolit pas nécessairement tout appétit sexuel.

      L’allusion à l’homosexualité de certains libertins érudits célibataires (v. note [72] du Naudæana 1) était ici fort explicite.

    11. Soit une probable vomique, v. note [11], lettre 310.
  2. Pages 92‑98 des Leonis Allatii Apes Urbanæ… [Abeilles citadines de Leo Allatius…] (Rome, 1633, v. première notule {a} de la note [68] du Naudæana 1).

  3. Pietro-Maria Borghese (1599-1642), nommé cardinal en 1624, était le neveu de Paul v (Camillo Borghese, v. note [5], lettre 25). Cette vie, intitulée Breviarum actorum Pauli v [Abrégé des ates de Paul v], n’a pas été imprimée.

    Le dottore Ranuccio Pico (1568-1644), docteur en droit, secrétaire des ducs de Parme et bibliothécaire érudit, a publié plusieurs ouvrages d’histoire et de biographie en italien.

  4. V. note [5], lettre 96, pour Pierre de Montmaur et ce que Bayle a raconté de ses déboires mondains.

  5. « Sur la mort de Carlo Ferrante », épigramme transcrite et traduite dans la note [34] infra.

  6. Ireneo Affo (v. supranotule {a‑i}) date bien plus sûrement la mort de Carlo Ferrante en 1639, à l’âge de 60 ans. La bibliographie qui suit sa notice compte douze livres imprimés et cinquante manuscrits inédits. Sa description de la Vaticane est intitulée Templum Vaticanum (Rome, 1622, pour le premier de 3 volumes in‑fo).

34.

V. supra notule {a} note [33] (deuxième des trois fragments extraits de Giovanni Vittorio Rossi), pour une autre description du comportement ambigu (caressant) de Carlo Ferrante avec les beaux messieurs qu’il rencontrait.

Le dernier poème des Epigrammatum libri duo [Deux livres d’épigrammes] de Gabriel Naudé (Paris, 1650, v. note [14], lettre 240) est intitulé In Obitum Ferrantis Caroli [Sur la mort de Carlo Ferrante] (pages 62‑64) :

Carlus Romanæ nuper notissimus Aulæ
Ereptus nostris heu fugit ex oculis ;
Et fugiunt veneres pariter, lususque petulci,
Quos bibula cuncti cepimus auricula :
Maxima nempe mihi perierunt gaudia, vitam
Abstulit heu Carlo cum fera Parca meo.
Namque ego nunc memini, quoties mihi talia dixit
Verba, meæ fidus cultor amicitiæ,
Quo properas Naudæe, pedem vis sistere, mene
Principibus credis non placuisse viris ?

Cricquius ista tibi non dixit, qui mea sæpe
Magnis de rebus pectora consuluit.
Nempe meas tabulas quas Numum millibus emi
Centenis, voluit non semel aspicere ;
Sed populum tali fallendum censuit arte,
Ne mea dicta suis laudibus officerent.
Quin etiam Germanus avet mihi subdere colla,
Facta meis quondam libera consiliis.
Nec moror Hispanos, triplici aut diademate cinctum
Urbanum, et Paulum, Gregoriumque simul.
Quin monitis crevit Romana potentia nostris,
Et Venetos per me clara supervehitur.

Scioppius ista tamen non credit, Lurco nefandus,
Moribus impurus, turpior ingenio ;
Me quoque
Berninus dictis transfigit amaris
Et solis gratum prædicat Antinois :
Atque istis succensa lubens fax aulica ventis,
In mea stercoreis vocibus acta ruunt.
Sed teneras prima nondum lanugine malas
Vestieram, Scioppius quod mihi nullus erat,
Ipsum humilem, vili populo nugasque loquentem,
Turba molendini dixerit esse deum :
At mea suspensos proceres, Regesque trahebant,
Apta cothurnatis grandia dicta modis :
Nunc igitur divis, cum sim vicinior annis,
Me quoque divino quis neget ingenio ?
Centum ego sermones lectis componere verbis,
Et potui fama cum Cicerone frui.
Æmula quid referam tenero bis mille Catullo
Carmina, divinis emodulata sonis ?
Petri templa novis subvertat molibus audax

Berninus, calamo stant tamen illa meo.
Denique consiliis Reges se tradere nostris
Fama refert, factis sic licet illa minor.
Mene igitur Fungum, aut Bliteum, Naudæe, putasti,
Bernini, ut nequeam cernere flagitia ?
Ille laboratum gemina testudine templum,
Quo nihil immensus pulchrius orbis habet,
Tam male tractavit, laxa compage ruinam
Undique terribilem, quod pia saxa trahunt.
Iam licet obliquo fixas pede ferre columnas,
Fractaque Longino vulnera despicere ;
Nam metuenda magis nunc porticus alta minatur,
Et medium findens maxima rima tholum.
Flagitio mihi crede novo sed pœna paratur,
Cui par tormento crux nequit esse suo ;
Mortua
Bernini rabido nam membra dabuntur,
Ut Canis extincti dilaceranda Lupo.
Talia composito referebat pectore Carlus,
Sint licet exigua somnia digna fide :
Nam Scioppi pietas nulli non cognita seclo
Vivet, et eloquio est gloria certa suo.
Par quoque Vitruvio centum subnixa columnis
Ponere Berninus templa dicata Deo.
Denique non Carlo studiis dare tempus amœnis
Nobile cum vellet, defuit ingenium ;
Sed mens plena sui convicia ferre negabat,
Præcipue famam cum sibi detraherent.
Hinc dotes laudare suas, atque æmula fœdis
Nomina ludus erat spargere criminibus ;
Quæ nusquam cum vera forent, nec ista decenter,
Hæc mihi erant summæ iurgia lætitiæ.
At mors sæva meo potuisses parcere Carlo
Nec finem blandis ponere deliciis,
Invida sed postquam rapuisti gaudia nostra,
Fac precor ut tumulo molliter ossa cubent
.

[Naguère très célèbre à la cour de Rome, Carlo s’en est allé, hélas arraché à nos regards. S’en sont pareillement allés ses charmes et ses mordants badinages, dont nous avons tous abreuvé nos oreilles assoiffées. D’immenses délices m’ont quitté quand la cruelle Parque {a} a ôté la vie à mon cher Carlo. Je me souviens maintenant de ces maintes occasions où, fidèle adorateur de mon amitié, il m’a tenu ces propos :

« Où cours-tu donc, Naudé ? Veuille interrompre ta marche ! Ne me crois-tu pas capable de charmer les princes ? Créqui {b} ne t’en a pas dit autant, lui qui a souvent recueilli mon sentiment sur les grandes affaires : plus d’une fois il a bien voulu jeter un regard sur mes tableaux que j’ai achetés des millions ; {c} mais c’était une façon de tromper le monde, pour que mes avis ne fissent pas obstacle à la gloire qu’il en tirait. Qui pis est ! un Allemand souhaite me faire rendre raison de décisions qu’il a jadis librement prises sur mes conseils. Je ne te parle pas des Espagnols, ni de la tiare qu’on a posée sur les têtes d’Urbain de Paul et de Grégoire. {d} La puissance de Rome s’est accrue sur mes conseils et, grâce à moi, la voilà qui surpasse en éclat celle de Venise. Scioppius ne veut rien en croire, c’est un abominable glouton aux mœurs impures, rendu plus ignoble encore par son intelligence. Bernin me transperce aussi d’amères paroles et proclame ne chérir que de jeunes éphèbes, et par la torche courtisane qu’ils ont attisée de leurs souffles, leurs mots orduriers s’attaquent à ce que j’ai fait. Je n’avais pas trois poils au menton que, déjà, Scioppius n’était rien pour moi : c’était un médiocre qui racontait des sornettes au bas peuple, et la foule des ânes qui vont au moulin le disait être un dieu ; mais mes sublimes discours, composés à la manière des tragiques, subjuguaient déjà les puissants et les rois. Et maintenant que les années m’ont rapproché des dieux, qui nierait la sublimité de mon génie ? J’ai pu composer cent discours de première qualité et jouir d’une réputation égale à celle de Cicéron. Pourquoi mes deux mille poèmes, admirablement scandés, ne rivaliseraient-ils pas avec ceux du délicat Catulle ? Que Bernin, par d’imposants travaux, défigure hardiment les églises de saint Pierre, ma plume les arrête. Ne m’as-tu pas tenu, Naudé, pour méprisable ou imbécile quand je refusais d’admettre les horreurs qu’il commettait ? C’est lui qui a travaillé sur la basilique à double coupole, que rien n’égale en beauté par toute l’immensité du monde, mais il s’y est si mal pris qu’il a disjoint les pierres sacrées de ce vaste édifice qui s’en est trouvé menacé de terrible ruine ; ce qui laisse aujourd’hui contempler avec dédain les bandes de fer qu’il a fixées au pied des colonnes et l’entaille qu’y a creusée son Longin ; mais le voilà maintenant qui menace de bien pire avec un baldaquin qui ouvrira une immense crevasse au milieu du chœur. {e} Crois-moi quand je dis qu’il se prépare à être châtié pour cette nouvelle infamie, et son supplice n’aura rien à envier à la croix, car les membres morts de Bernin seront livrés à la fureur, et un loup déchiquettera les restes de ce chien. »

Carlo racontait ces choses qui lui sortaient du fond du cœur, elles sont dignes de foi, bien que ce ne soient que quelques-unes de ses extravagances : sans égal en notre siècle, l’honneur de Scioppius lui survivra, son éloquence lui assure la gloire ; pareil aussi à Vitruve, {f} appuyé sur cent colonnes, Bernin édifie des temples dédiés à Dieu. Et somme toute, Carlo n’a pas non plus manqué de génie : comme il le voulait, il a noblement consacré son temps à d’agréables études ; mais étant fort imbu de lui-même, il ne voulait pas supporter les invectives, surtout quand elles flétrissaient son renom. Voilà pourquoi il a lui-même loué ses mérites et s’est plu à répandre de hideuses accusations contre ceux de ses rivaux. Puisque je ne les tiendrai jamais pour vraies ni pour convenables, elles n’étaient pour moi que de bruyantes manifestations d’allégresse. Ô cruelle mort, que n’as-tu pu épargner mon cher Carlo, en n’imposant pas un terme à ses séduisants caprices ! Tu l’as jalousé, mais après avoir emporté notre joie de vivre, fais, je t’en prie, que ses os reposent paisiblement en sa tombe].



  1. V. note [31], lettre 216, pour la Parque Atropos qui personnifiait la mort en coupant le fil de la vie.

  2. V. note [13], lettre 39, pour Charles ier de Créqui, maréchal de France, et ambassadeur du roi à Rome en 1633.

  3. V. notule {a‑viii}, note [33] supra.

  4. Les papes Paul v (élu en 1605), Grégoire xv (1621) et Urbain viii (1623).

  5. Le dôme de Saint-Pierre, bâti par Michel-Ange au xvie s. (v. note [64] du Naudæana 1), se fendit en plusieurs endroits et faillit s’écrouler lors d’audacieux travaux, dirigés au siècle suivant par le cavalier Bernin (v. note [2], lettre 843) : ils visaient à creuser des niches dans ses quatre énormes piliers pour y loger de gigantesques statues, dont celle de saint Longin (centurion romain qui perça le flanc du Christ sur la croix), sculptée par Bernin lui-même. Il couronna son ouvrage par l’édification du célèbre baldaquin central à colonnes torsadées, achevé en 1633. Plus tard (1658-1667), il construisit la colonnade de la place Saint-Pierre.

  6. V. note [6] du Faux Patiniana II‑1.

35.

V. note [14], lettre 9, pour Fabio Colonna et son Phytobasanos [Histoire des plantes] (Naples, 1592). Il avait aussi publié, en deux parties :


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 185‑186 :

« Fabius Columna, de l’Académie des Lincei, {a} était, à ce que l’on dit, de l’illustre Maison des Collones. {b} Il eut pour père Girolamo Colonna, qui nous a donné les fragments d’Ennius {c} avec de savantes notes et qui mourut en 1586, âgé de 54 ans. Notre Fabius naquit à Naples et y passa la plus grande partie de sa vie. Son mérite ne se bornait pas à la simple connaissance des plantes : la jurisprudence n’avait rien de si difficile, ni les mathématiques rien de si curieux qu’il n’eût pénétré. La perspective {d} et la musique avaient pour lui des charmes qui le détournèrent souvent de ses autres études. C’est à cette heureuse inclination que l’on doit son traité de Sambuca Lincea, overo dell’Istromento Musico perfetto lib. 3, imprimé à Naples en 1618, {e} < quand > il avait environ 40 ans. Il vivait encore en 1626 puisque c’est en cette année qu’il fit son commentaire sur le traité de Recchus de Rebus naturalibus Novi Orbis, etc., qui fut imprimé en 1651. {f} Fabius Columna a donné aussi quelque chose sur les machines hydrauliques. » {g}


  1. Créée à Rome en 1603, et toujours active, l’Accademia dei Lincei, Académie les Lyncéens ou Lyncées, avait placé ses savants débats sous les auspices du lynx :

    « animal que la plupart des modernes croient fabuleux, que les Anciens on dit avoir une vue si subtile qu’il voyait à travers les murailles. […] On tient que c’est une fable fondée sur une autre qu’on fait de Lyncée, l’un des Argonautes, auquel les Anciens ont attribué si bonne vue qu’il voyait jusqu’aux enfers, et la Lune le premier jour qu’elle était dans la conjonction : ce qui est aussi absurde, vu qu’alors sa partie qui regarde la terre n’est aucunement éclairée du Soleil. Les Latins l’ont appelé lupa cervalis [loup-cervier], et ont cru que cet animal voyait en dormant. On dit figurément qu’un prince a des yeux de lynx lorsqu’il est si pénétrant dans les affaires, et qu’il a de si bons espions, qu’il découvre tous les secrets de ses ennemis et tout ce qui se passe dans son État. On dit aussi que nous voyons les défauts d’autrui avec des yeux de lynx pour dire que nous sommes bien clairvoyants en ces occasions » (Furetière).

  2. Famille romaine fondée vers le ixe s., les Colonna figurent notamment dans notre édition pour leur rivalité avec les Orsini (guerre des guelfes et des gibelins, v. note [31] du Naudæana 4) et pour le mariage, en 1661, du prince Colonna avec Marie Mancini, nièce de Mazarin (v. note [6], lettre 671).

  3. Q. Ennii Poetæ vetustissimi quæ supersunt Fragmenta, ab Hieronymo Columna conquisita, diposita et explicata, ad Ioannem Filium [Les Fragments qui nous restent de Quintus Ennius (v. note [7], lettre 33), très ancien poète, soigneusement recherché, édités et expliqués par Girolamo Colonna, à l’intention de son fils Giovanni] (Naples, Horatius Salvianus, 1590, in‑4o).

  4. « Science qui apprend les règles de faire des perspectives [représentations planes des reliefs] suivant les principes de l’optique, dont elle fait une partie. Il y a une perspective linéaire, qui enseigne le juste raccourcissement des lignes et des parties du bâtiment, qui se fait par voie géométrique ; l’autre, aérienne, qui dépend de l’art du peintre, qui fait l’application des couleurs et des ombres. Il y a aussi une perspective spéculaire, qui fait voir dans des miroirs coniques, sphériques, et de toute autre figure, des objets redressés qui paraissaient sur la toile irréguliers et fort confus » (Furetière).

  5. « La Harpe lyncéenne [référence à l’Académie citée dans la notule {a} supra], ou trois livres [de Fabio Colonna Linceo] sur le parfait instrument de musique » (Naples, Costantino Vitale, 1618, in‑4o), avec ce sous-titre explicite :

    Ne’ quali oltre la descrittione, et construttione dell’istromento si tratta : della divisione del’ Monacordo ; della proportione de tuoni, semituoni, et lor minute parti ; della differenza de tre Geni di Musica, de Gradi Harmonici et Chromatici ; et in che differiscano da quelli de gli Antichi l’osservati et descritti dall’ Autore ; con gli esempi di numeri, di musica, et di segni. Dedicati alla Santita di N.S. Papa Paolo v. Borghese. Con l’Organo Hydraulico di Herone Alessandrino dichiarato dall’ istesso Autore.

    [Dans lesquels, outre la description et la construction de l’instrument, sont aussi traitées : la division du Monocorde ; {i} la proportion des tons, des demi-tons et de leurs sous-divisions ; la différence entre les trois genres de musique ; les gradations harmoniques et chromatiques ; en quoi diffèrent ce qu’ont observé les Anciens et ce que décrit l’auteur ; avec les exemples de cadences, de musique, de partitions. Dédiés à la Sainteté de Notre Seigneur le Pape Paul v Borghese. {ii} Ainsi que, du même auteur, une présentation de l’Orgue hydraulique de Héron d’Alexandrie]. {iii}

    1. « Instrument pour éprouver la variété et la proportion des sons de musique : il est composé d’une règle divisée et subdivisée en plusieurs parties, sur laquelle il y a une corde de boyau ou de métal médiocrement tendue sur deux chevalets par ses extrémités, au milieu desquels il y a un chevalet mobile, par le moyen duquel en l’appliquant aux différentes divisions de la ligne, on trouve que les sons sont entre eux en même proportion que le sont les divisions de la ligne coupée par le chevalet. On l’appelle aussi règle harmonique, ou canonique, parce qu’elle sert à mesurer le grave et l’aigu des sons. On fait aussi des monocordes qui ont 48 chevalets immobiles, mais qui peuvent être suppléés par le seul chevalet mobile, en le promenant sous une nouvelle corde qu’on met au milieu, qui représente toujours le son entier et à vide, contre toutes les divisions qui sont sur les autres chevalets. Ptolémée examinait ses intervalles harmoniques avec le monocorde. On tient que Pythagore a été l’inventeur du monocorde » (Trévoux).

    2. Camillo Borghese, v. note [5], lettre 25.

    3. V. note [7], lettre latine 148, pour Héron. Ce traité occupe les pages 111‑116 (dernière du livre).
  6. V. note [5] de l’Observation vii sur les us et abus des apothicaires pour Nardo Antonio Recchi (mort en 1595) et sa traduction latine du Thesaurus de Francisco Hernandez « sur l’histoire naturelle du Nouveau Monde ».

    La première édition complète de ce monument (Rome, 1651) contient (pages 847‑899) les Fabii Columnæ Lyncei in Rerum Medicarum Novæ Hispaniæ Nardi Antonii Recchi Montecorvinatis Medici Regii Volumen Annotationes et Additiones [Annotations et additions de Fabio Colonna, Lyncéen (mort en 1650), sur le volume de Nardo Antonio Recchi, natif de Montecorvino (province de Salerne), médecin du roi, à propos des matières médicales de la Nouvelle Espagne] (épître dédicatoire datée de Naples le 1er juin 1628, et non 1626).

  7. Probablement la « Description de l’orgue hydraulique de Héron » figurant à la fin de la « Harpe lyncéenne » (v. notule {e‑iii} supra), car je n’ai pas trouvé d’autre ouvrage de Colonna sur ce sujet de physique.

36.

Fini Hadriani Fini Ferrariensis in Iudæos Flagellum ex Sacris Scripturis excerptum. [Finus Hadrianus Finus, natif de Ferrare, {a} le Fouet contre les juifs, extrait des Saintes Écritures]. {b}


  1. La suite de la présente note détaille l’identité de Finus.

  2. Venise, Petrus de Nicolinis de Sabio, 1538, in‑8o (huit feuilles par cahier, numérotées au seul recto, ce qui explique le format in‑4o que Gabriel Naudé et d’autres lui ont donné à tort) de 1 191 pages, en neuf livres avec un index).

    Un médiocre portrait de l’auteur, tenant son livre dans les bras, orne le frontispice, avec ces deux vers :

    Bis Finus : bis vivo : bis est mea imago superstes :
    Libro animi impressa est : corporis hac tabula
    .

    [Je suis deux fois Finus ; j’ai deux vies ; l’image qui reste de moi est double ; mon esprit est dans le livre imprimé ; cette gravure représente mon enveloppe corporelle].


Cet ouvrage d’exégèse biblique érudite, approuvé par les dominicains, est dirigé contre les interprétations que les juifs ont données des Écritures, mais non contre leur peuple. La dédicace d’un certain Alberto Savonarola, Ad librum [Au livre], n’en dissimule pas moins une vive hostilité à leur encontre :

I Liber interpide ad vipereos morsus impiorum Iudæorum, perfidorumque : ne timeas : indutus es enim armis Fini auctoris tui, tanti viri, qui finem contra ea, in quibus adversantur, imposuit : ita omnia exacte, docteque, quæ sciri, excogitarique possunt, enucleavit : ut aliena doctrina non sit opus : adeo rationabiliter, argute, et scientifice processit, ut Maledicta eorum curare non debeas. Constans ergo, ut bonus miles, esto : atque confessor Christianæ fidei nostræ, quæ in medio eorum gloriosa semper extitit immobilis. Et sicut alias nationes hæc fides nostra præcellit : ita tu dexteritate tua in laudem, et honorem cum domino tuo apud nostros et extortes præibis, i benedictus. Valeto.
Ego Albertus Savonarola manu propria subscripsi
.

[Va, livre intrépide, contre les morsures vipérines des juifs impies et perfides ! Ne crains rien car tu es protégé par les bras de Finus, ton auteur, qui a imposé d’en finir avec ce qu’il attaquait. Il a si soigneusement et doctement épluché tout ce qui peut être su et conçu qu’il n’y a plus besoin de la doctrine des autres. Il y a procédé si rationnellement, ingénieusement et scientifiquement que tu ne dois pas te soucier de leurs malédictions. Sois donc constant, tel un bon soldat, héraut de notre foi chrétienne qui, au milieu d’eux, s’est toujours montrée triomphante et inébranlable. Et, de même que cette foi qui est nôtre l’emporte sur celle des autres peuples, de même, grâce à ton habileté, avec notre Seigneur, tu tiendras, en louange et en honneur, le premier rang chez nous comme chez les exclus. Sois béni et va sereinement ton chemin !
Moi, Albertus Savonarola, {a} ai signé de ma propre main].


  1. Je n’ai pas trouvé de lien entre cet Alberto et Girolamo Savonarola (1452-1498), son bien plus célèbre frère dominicain qui dirigea la dictature théocratique de Florence de 1494 à sa mort (sur le bûcher des hérétiques).

D’autres pièces liminaires établissent que ce livre a été édité (et peut-être achevé) par Daniel Finus, fils d’Hadrianus. L’épître en vers intitulée Daniel Finus Ferrariensis ad Lectorem [Daniel Finus, natif de Ferrare, au lecteur] nous apprend que Hadrianus avait commencé à écrire son ouvrage en 1503 et mourut en 1517, âgé de 86 ans, sans l’avoir terminé. La dédicace de Daniel au prince Hercule ii d’Este, duc de Ferrare (de 1534 à 1559), datée de Ferrare le 25 août 1537, renseigne précisément sur sa famille :

Nam et Pater meus Finus ille ipse auctor hujus operis per annos sexaginta rationario fisci scripturarum Magister tanta cura, ac fide præsedit : ut non alius diligentius, et accuratius rem suam tractaverit, quam ille Principis, incredibilis enim fuit eius hominis ad res obeundas solertia. Quid Hieronymus frater meus ? qui et ipse per annos plus minus duo de quinquaginta eodem munere perfunctus est. Quod si de re mihi aliquid etiam fati licet, Nunc sane igitur annus quartus et quinquagesimus, ex quo primum variis procurationibus fisci, denique Magister scrinii publici, et rationibus ærarii Præfectus ætate iam prope affecta, ceu demum in portum provectus, in vestra benignitate conquiesco.

[Finus, mon père, est bien l’auteur de cet ouvrage, il a été pendant soixante ans premier maître des écritures comptables, charge qu’il a assurée avec plus de soin et de fidélité que nul autre, avec une incroyable habileté à régler les affaires du prince. Que dire de mon frère Hieronymus ? Pendant plus de quarante-huit ans, il a occupé le même office. S’il m’est permis de dire aussi un mot de moi, je suis maintenant âgé de cinquante-quatre ans, {a} durant lesquels j’ai d’abord assuré diverses procurations fiscales, puis j’ai été maître de la chancellerie, et enfin, déjà avancé en âge et ayant pour ainsi dire atteint mon port d’attache, comme président aux comptes du trésor, je trouve le repos à l’abri de votre bienveillance].


  1. Daniel Finus était donc né en 1483 ; la date de sa mort n’est pas connue.


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 187‑189 :

« Daniel Finus, etc. : ni cet article, ni celui qui est dans le Patiniana, page 110, {a} ne sont point {b} exacts : ce n’est point Daniel Finus qui a fait le Flagellum adversus Judæos, et l’Hadrianus Finus qui en est l’auteur n’était point un prêtre. Il n’est peut-être point de livre imprimé dont l’auteur dût être moins confondu que de celui-ci. On a pris toutes les précautions possibles pour faire paser son nom à la postérité : outre les éloges, tant en vers qu’en prose, qu’on trouve à la tête de l’ouvrage, et dans lesquels il y a quelques particularités de sa vie, on lit cette attestation à la marge de la préface, Finus Hadrianus Ferrariensis Fino genere satus scripturarum Ducalis Fisci Magister, ac genitor meus et hujus operis auctor fuit. Et ita ego Daniel Finus scripturarum Reipublicæ Ferrariensis Magister attestor et fidem facio. {c} cet ouvrage fut commencé en 1503 et, comme on nous apprend que l’auteur fut 14 ans à y travailler sans y pouvoir mettre la dernière main, on pourrait conclure qu’il mourut vers 1517. Cette époque néanmoins n’est pas si sûre que celle de son âge, qui était de 86 ans, quand il passa de ce monde à l’autre. Il laissa deux fils qui lui succédèrent l’un après l’autre dans le maniement et l’intendance du domaine du duc de Ferrare, qu’il avait tenue pendant 60 ans. Son fils Daniel fit imprimer le Flagellum adversus Judæos en 1538 à Venise. C’est un gros in‑4o dédié à Hercule ii, duc de Ferrare. On trouve parmi les lettres de Calcagnin quelques-unes adressées à ce Daniel, et dans les poésies du même auteur, il y a une espèce d’épithalame sur le mariage de la fille unique du même Daniel Finus. » {d}


  1. V. note [55] du Patiniana I‑3.

  2. Sic.

  3. Page c ii vo du Flagellum :

    « Hadrianus Finus, natif de Ferrare, issu de la famille Finus, procureur fiscal du duché, fut mon géniteur et l’auteur de cet ouvrage. Tel est le fidèle témoignage que j’en rends, moi Daniel Finus, chancelier de la République de Ferrare. »

  4. V. infra note [37] pour Celio Calcagnini.

    • Ses quelques lettres à Daniel Finus se trouvent dans la première partie de ses Opera aliquot [Quelques Œuvres] (Bâle, 1543) ; l’une d’elles (non datée, page 169) loue le Flagellum de son père, Hadrianus.

    • Son épithalame (ode nuptiale) Ad Danielem Finum est dans le premier des trois livres de ses Carminum, pages 185‑186 de leur édition parue à Venise en 1553 (Vincentius Valgrisius, in‑8o).

37.

Celio Calcagnini (Cælius Calcagninus, Ferrare 1479-ibid. 1541) était le fils naturel d’un protonotaire apostolique (v. note [19] du Patiniana I‑3). Éminent humaniste et diplomate italien, il avait été ordonné prêtre en 1509, après avoir servi dans les armées impériale et pontificale. Professeur de belles-lettres à Ferrare, hautement estimé par Érasme, il a influencé Rabelais et Clément Marot. Nombre de ses écrits ont été réunis dans les Cælii Calcagnini Ferrariensis Protonotarii apostolici, Opera aliquot [Quelques ouvrages de Celio Castagnini, natif de Ferrare, protonotaire apostolique] (Bâle, Froben, 1543, in‑fo).

Antoine Teissier, dans ses Éloges des hommes savants, tirés de l’Histoire de M. de Thou (Leyde, 1715, v. note [12] du Faux Patiniana II‑2), fournit des précisions complémentaires sur Calcagni (tome premier, page 240) :

« Sa vertu et son savoir obligèrent le duc de Ferrare de lui donner un canonicat dans cette ville-là. Sa prose ne mérita pas l’estime des gens de lettres, mais ses vers lui acquirent beaucoup de réputation, surtout ses élégies. Il eut la hardiesse de s’en prendre à Cicéron, et de blâmer son livre des Offices ; mais Majoragio {a} le défendit avec tant de force et d’éloquence que, si Calcagni eût été en vie lorsque cette apologie parut, elle l’aurait sans doute fait mourir de colère et de chagrin. Il avait une si forte passion pour les livres et pour la lecture qu’il y employait tout son temps et que, même, il voulut être enterré dans sa bibliothèque, comme cet avare qui voulut être inhumé dans son argent. L’Histoire ajoute qu’il la légua au public et qu’elle est maintenant dans le couvent des jacobins de Ferrare. »


  1. Marcantonio Majoragio (Antonius Majoragius), nom de plume que se choisit Antonio Maria Conte (Majoragio, Milanais 1514-1556), professait les lettres à Milan et fait l’objet de l’article qui précède dans les Éloges de Teissier (pages 236‑239) ; v. note [16‑1] du Patiniana II‑1 pour un complément de Teissier sur Majoragio.

Les traductions italiennes tirées de l’abondante production romanesque de Jean-Pierre Camus, évêque de Belley (v. note [9], lettre 72), prisée par les Italiens (v. note [18] du Naudæana 1), ont laissé peu de traces dans les catalogues.


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 189‑190 :

« Calcagnin était de Ferrare. Il eut un canonicat dans sa patrie, où il mourut en 1540, selon Leandro Alberti, {a} et fut enterré à l’entrée de la bibliothèque des dominicains de cette même ville, auxquels il avait laissé tous ses livres. Il fut envoyé en Hongrie vers 1518 pour faire revenir le cardinal Hippolyte d’Este, qui résidait dans son archevêché de Gran. {b} Je ne sais pourquoi M. Baillet n’a pas jugé à propos de parler de lui parmi ses poètes : il le méritait bien autant que plusieurs autres qu’il a fait entrer dans son recueil, et dont les poésies valent moins que les siennes. On pourrait croire que c’est à cause du libertinage qui règne dans quelques-unes de Calcagnin ; mais sur ce principe, quelle raison aurait-on eu d’y mettre Jovianus Pontanus, le Bembe et tant d’autres ? » {c}


  1. « Alberti descritt. d’Ital. a carta 344, edit. Venet. 1588 » (note de Vitry) : Descrittione di tutta Italia, di F. Leandro Alberti Bolognese… [Description de toute l’Italie par le Frère Leandro Alberti, natif de Bologne (1479-1552)… (Venise, Altobello Salicato, 1588, in‑8o), page 344 ro.

  2. Ippolito d’Este l’Ancien (1479-1520), oncle d’Ippolito le Jeune (v. note [32] du Borboniana 6 manuscrit), cardinal en 1493, s’était rendu en Pologne en 1518, pour assister au mariage de sa cousine, Bonne Sforza avec le roi Sigismond ier ; il en était revenu en passant par la Hongrie et la France. La notice des cardinals of the Holy Roman Church confirme qu’il a été archevêque de Gran (nom allemand d’Esztergom, ou Strigonie, en Hongrie), mais en précisant qu’il avait quitté ce siège en 1497.

  3. Le P. Vitry s’osait donc (timidement) à défendre la poésie libertine, v. notes  :


38.

« Ci-gît Actius, réjouissez-vous cendres ensevelies, maintenant qu’il est mort, son ombre vagabonde ne connaît plus la douleur. »

Jacopo Sannazaro (Naples 1458-ibid. 1530), célèbre et prolifique poète italien et latin, a été surnommé le Virgile chrétien. De toute sa production, les trois livres De partu Virginis [Sur l’enfantement de la Vierge] (Paris, Robert Estienne, 1527, in‑8o, pour l’une des premières éditions) connurent le plus grand succès. Dédié au pape Léon x, il a été traduit en français par Guillaume Colletet (v. note [5], lettre latine 12), sous ce titre : Les Couches sacrées de la Vierge, poème héroïque de Sannazar (Paris, Jean Camusat, 1634, in‑12).

Sannazaro était disciple de Giovanni Pontano (Jovianus Pontanus ; Cerretto di Spoleto 1426-Naples 1503), humaniste et homme politique qui servit la dynastie napolitaine d’Aragon jusqu’à sa chute, fondateur en 1471 et directeur de l’Académie napolitaine (Academia Panormitana) qui prit ensuite nom d’Academia Pontaniana [Académie pontanienne]. Sannazaro en devint membre sous le nom d’Actius Syncerus.

Frédéric ier d’Aragon (Naples 1451-Plessis-lès-Tours 1504), fils de Ferdinand ier, fut roi de Naples de 1496 à 1501. Chassé du trône en 1501 par son cousin, le roi d’Espagne Ferdinand ii d’Aragon, il s’exila en Touraine, en compagnie de Sannazaro, dont il était le mécène et l’ami. Le « jeune frère » de Frédéric pouvait avoir été son demi-frère bâtard, Ferdinand d’Aragon (avant 1480-1542), duc de Montalto (en 1507), mais je n’ai pas trouvé de confirmation solide qu’il soit jamais venu en France.

V. notes [22] et [23] du Naudæana 3 pour le mont Pausilippe, près de Naples.

Le sculpteur et architecte Girolamo Santacroce (Nola 1502-Naples 1537) a embelli de nombreuses églises napolitaines. Sannazaro fut inhumé dans l’église qu’il avait fait construire près de son palais de Mergellina.

V. infra note [39], seconde notule {c}, pour la très académique épitaphe qui fut finalement gravée sur la tombe de Sannazaro.

39.

Les Iacobi Sannazarii Opera omnia latine scripta, nuper edita [Œuvres latines complètes de Jacopo Sannazaro] (Venise, Alde, 1535, in‑4o) ont été rééditées à de très nombreuses reprises.

Il en existe au moins dix éditions lyonnaises parues entre 1536 et 1613. En feuilletant celle de 1581 (Antoine Gryphe, in‑8o), je n’ai trouvé aucune épigramme sur Sixte iv (Francesco della Rovere, 1471-1484).

Celle de Léon x (Jean de Médicis, 1513-1521, v. note [7], lettre 205) est à la page 184 :

Sumere maternis titulos cum posset ab ursis
Cæculus his noster, maluit esse Leo.
Quid tibi cum magno commune est Talpa Leone ?
Non cadit in turpes nobilis ira feras.
Ipse licet cupias animos simulare Leonis :
Non Lupus hoc genitor, non sinit Ursa parens.
Ergo aliud tibi prorsus habendum est Cæcule nomen :
Nam cuncta ut possis, non potes esse Leo
.

[Quand il eût pu emprunter son nom aux ours, notre Cæculus a préféré prendre celui de Léon. {a} À ton avis qu’y a-t-il de commun entre une taupe et un grand lion ? Une noble colère ne convient pas aux hideuses bêtes. Bien que tu désires feindre le courage du lion, tu n’as pas eu un loup pour géniteur, ton ourse de mère ne le permet pas. Cet autre nom de Cæculus te sied donc parfaitement car, bien que tu sois tout-puissant, tu n’as pas le pouvoir d’être lion].


  1. Léon x, Leo decimus, s’était choisi un prénom qui signifie « lion » en latin. Il était le second fils de Laurent de Médicis, dit le Magnifique (munificent) et de la très pieuse Clarisse Orsini, dont le patronyme dérive du latin ursus (féminin ursa) signifie « ours » (« ourse »).

    Dans le mythe antique, Cæculus (diminutif de cæcus, « aveugle »), « fils de Vulcain et de Préneste, fut conçu d’une étincelle de feu qui vola, de la forge du dieu, dans le sein de sa mère, et nommé Cæculus, ou parce qu’il avait de très petits yeux, ou parce que la fumée les avait endommagés. Parvenu à l’adolescence, il ne vécut quelque temps que de brigandages et finit par bâtir la ville de Préneste [aujourd’hui Palestrina dans le Latium] » (Fr. Noël). Léon x avait la vue très basse : son portrait, peint par Raphaël, le montre assis devant un livre, le regard éteint et tenant une loupe dans la main gauche.

Pour Alexandre vi (Rodrigo Borgia, 1492-1503, v. note [19], lettre 113), il n’y a que l’embarras du choix, puisqu’il est honoré de dix épigrammes, dont cette épitaphe (pages 175‑176) :

Fortasse nescis, cuius hic tumulus siet.
Adsta viator, ni piget.
Titulum quem Alexandri vides, haud illius
Magni est, sed huius, qui modo
Libidinosa sanguinis captus siti
Tot civitates inclytas,
Tot regna vertit, tot duces letho dedit,
Natos ut impleat suos.
Orbem rapinis, ferro et igne funditus
Vastavit, hausit, eruit :
Humana iura, nec minus cœlestia,
Ipsosque sustulit Deos :
Ut scilicet liceret (heu scelus) patri,
Natæ sinum permingere,
Nec execrandis abstinere nuptiis
Timore sublato semel.
Et tamen in urbe Romuli hic vel undecim
Præsidet annis Pontifex.
I nunc Nerones, vel Caligulas nomina,
Turpeis vel Heliogabalos.
Hoc sat viator : reliqua non sinit pudor.
Tu suspicare, et ambula
.

[Peut-être ne sais-tu pas qui est dans ce tombeau : arrête-toi, voyageur, et ne te chagrine pas. L’Alexandre dont tu vois le nom n’est pas celui qu’on a appelé le Grand, mais celui qui, comme pris d’une capricieuse soif de sang, a saccagé tant de célèbres cités et tant de royaumes, et a tué tant de chefs pour rassasier ses enfants. {a} Par ses rapines, par le fer et le feu, il a, de fond en comble, ravagé, anéanti, détruit le monde ; il a piétiné les droits humains comme célestes, et les dieux eux-mêmes, jusqu’à se permettre, lui père, de souiller le sein de sa fille {b} (quel crime !), sans jamais s’abstenir de ces haïssables accouplements qui me hérissent d’effroi. Voilà pourtant onze ans que ce pontife règne sur Rome. Va donc maintenant accuser les Nérons, les Caligulas ou les Héliogabales de turpitudes ! {c} En voilà bien assez, voyageur : la pudeur ne me permet pas de te dire le reste ; devine-le et va ton chemin].


  1. Avant d’être élu pape, Rodrigo Borgia avait eu trois ou quatre maîtresses qui lui avaient donné au moins cinq enfants dont les deux plus célèbres furent César et Lucrèce.

  2. Lucrèce Borgia (1480-1519) a été accusée d’amours incestueuses avec son père et son frère César.

  3. Caligula (37-41), Néron (54-68) et Héliogabale (218-222) sont les trois empereurs romains les plus fameux pour leurs vices et leur cruauté.


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 190‑191 :

« La vie de Sannazar, dont il est parlé dans cet article, est de Gio. Baptista Crispo de Gallipoli ; elle fut imprimée pour la seconde fois à Rome en 1593. {a} Sannazar était né en 1458, le jour de Saint-Nazaire, {b} et mourut à Naples en 1530, selon le sentiment de son historien, Crispo quoiqu’Angelo Costanzo dise que ce fut en 1532, et que Toppi recule cette mort jusqu’en 1533. Le P. Mabillon avoue qu’il y a 1530 sur son tombeau, mais que les savants croient qu’il fallait mettre 1532. {c} Quoi qu’il en soit, son corps fut transporté au couvent des servites, {d} qu’il avait fondés dans sa belle maison de Mergoglino, au pied du Pausilippe. Les vers satiriques qu’il a faits contre Alexandre vi, Léon x, etc., sont en quelques autres endroits, entre autres dans les Delitiæ Poetar. Italor. de Ranutius Gherus. » {e}


  1. Vita di Giacopo Sannazaro, descritta da Gio. Battista Crispo, da Gallipoli, di nuovo ristampata et accrescinta [Vie de Giacopo Sannazaro écrite par Giovanni Battista Crispo (vers 1500-vers 1598), natif de Gallipoli (Pouilles). Seconde édition augmentée] (Rome Luigi Zannetti, 1593, in‑8o, avec un portrait de Sannazaro sur le frontispice).

  2. Le 18 novembre.

  3. Angelo Di Costanzo (Naples vers 1507-ibid. 1591) a écrit une Historia del Regno di Napoli en 20 livres (L’Aquila, Gioseppe Cacchio, 1582, in‑fo), mais je n’y ai pas trouvé ce renseignement sur Sannazaro.

    Sannazaro dit Atto Sincero, figure dans la Biblioteca Napoletana (Naples, 1678, v. notule {b}, note [68] du Naudæana 1) de Niccoló Toppi, qui le dit mort en 1533, mais transcrit cette épitaphe du cardinal Pietro Bembo (v. remarque 1, note [67] du Naudæana 1), pages 34‑35 :

    D.O.M.
    Da sacro cineri flores, hic ille Maroni
    Sincerus Musa proximus, ut tumulo,
    Vix. an. lxxi. an. Dom. mdxxx
    .

    [Dieu tout-puissant,
    Fleuris les cendres sacrées de Sincerus qui, par sa Muse comme par son tombeau, fut tout proche de Virgile. {i}
    Mort en l’an de grâce 1530, il a vécu 71 ans].

    1. Virgile (Publius Vergilius Maro) mourut à Brindisi en 19 s. av. J.‑C. ; sur sa volonté, ses cendres furent transférées dans son domaine de Pouzzoles, non loin du Pausillipe.

    Vitry a traduit ce que Dom Jean Mabillon a écrit dans son Iter Italicum [Voyage d’Italie] (v. notule {c}, note [41] du Naudæana 1) après avoir vu le tombeau d’Actius Sincerus, sic enim alio nomine Sannazarius vocabatur [comme on appelait autrement Sannazarius] (page 112) :

    in sepulcro notatus est anno m d xxx. pro m d xxxii. ut periti censent.

  4. V. note [5] du Borboniana 6 manuscrit.

  5. Dans les Delitiæ CC. Italorum poetarum, huius superiorisque ævi illustrium, pars altera. Collectore Ranutio Ghero [Délices de 200 poètes italiens qui ont brillé en ce siècle et au précédent, seconde partie. Colligés par Ranutius Gherus (anagramme de Janus Gruterus, v. note [9], lettre 117)] (sans lieu, Jonas Rosa, 1608, in‑8o), les poèmes de Sanazzaro occupent les pages 602‑761.

40.

En 1637, deux ans après le début de guerre hispano-française, le pape était Urbain viii et débutaient déjà les négociations pour la paix de l’Europe, mais elle ne fut conclue, entre l’Espagne et la France, que par le traité des Pyrénées en 1659 (les traités de Westphalie en 1648 ne mirent fin qu’aux hostilités contre l’Empire germanique, c’est-à-dire la guerre de Trente Ans).

Les cardinaux italiens dont parlait Gabriel Naudé étaient :

Le duché de Ferrare, en Émilie-Romagne, avait été dirigé par la famille d’Este de 1471 à 1598, puis intégré dans les États pontificaux. Ferrare était le siège d’une Université et d’un évêché.

41.

V. notes [23], lettre 242, pour Franciscus Vallesius (Francisco Valles), et [4], lettre 245, pour sa « Méthode pour remédier » (Venise, 1589, première de plusieurs éditions), et [1], lettre 656, pour Ludovicus Mercatus (Luis Mercado).

La goutte de Philippe ii aiderait à y voir un peu plus clair dans les multiples « abcès » qui se vidèrent de son corps durant les derniers jours de sa vie (en 1598) : peut-être s’agissait-il de tophus goutteux (v. note [9], lettre 515), mais cela n’explique pas le bizarre grouillement de poux qui accompagna leur rupture (v. note [4], lettre 831).


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 191‑192 :

« Franciscus Vallesius était de Covarruvias. Il professa longtemps la médecine à Alcala. Sa grande réputation lui suscita quelques ennemis dans cette Université, qui le déférèrent à l’Inquisition, mais Philippe ii le tira d’affaire. Quoiqu’il ne soit pas pas facile de découvrir l’âge ou le temps de la mort de ce médecin, on peut néanmoins, sans trop risquer, faire remarquer que König s’est trompé assez lourdement lorsqu’il met sa mort en 1551. {a} Vallesius vivait encore en 1583, peut-être même en 1588 Un des ouvrages qui lui a fait le plus d’honneur est son traité de sacra Philosophia, dans lequel il explique tout ce qu’on trouve de physique dans les Livres sacrés. » {b}


  1. La Bibliotheca de Georg Matthias König (Altdorf, 1678, v. supra. notule {a‑ii}, note [10]) contient deux entrées sur Francisco Valles :

    • à Vallesius (Franc.) Covarruvianus, page 829, König écrit Anno 1551. obiit [il mourut en 1551] ;

    • à Covarruviis (Fr. Vallesius à), page 218, il ne donne que des indications sur sa carrière académique et ses ouvrages, sans date de décès.

    Les biographies modernes le font mourir en 1592.

  2. V. note [17] de la Leçon de Guy Patin au Collège de France sur la Manne pour la « Philosophie sacrée » de Vallesius (Francfort, 1600) qui traite de l’histoire naturelle dans la Bible.

42.

« Il fut le protecteur des savants pauvres ».

Fils d’un médecin prénommé Tommaso, Guglielmo Sirleto (Guardavalle, Calabre 1514-Rome 1585) avait étudié à Naples, puis était venu à Rome en 1540. Nommé cardinal en 1565, évêque de San Marco Argentano-Scalea (Calabre) en 1566, puis de Squillace (ibid.) en 1568.

43.

Guglielmo Sirleto avait été nommé bibliothécaire de la Vaticane en 1572. À la mort de Pie v, la même année (v. note [3], lettre 61), il avait participé au conclave qui aboutit à l’élection de Grégoire xiii (v. note [2], lettre 430). Toutefois, l’Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou donne une autre chronologie des faits (édition française de Londres, 1734, tome cinquième, livre xxxix, année 1566, pages 127‑128) :

« Le pape Pie iv étant mort à Rome le 13e de décembre de l’année précédente, {a} les cardinaux, après les neuf jours des obsèques, s’enfermèrent dans le conclave pour l’élection d’un nouveau pontife. Il y avait entre eux plusieurs factions. Celle qui avait pour chefs Charles Borromée et Marc Sittico d’Altemps, {b} fils des sœurs du pape défunt, passait avec raison pour la plus forte et la plus puissante. En effet, Pie iv, leur oncle, avait fait pendant son pontificat quarante-six cardinaux en différentes promotions ; et il n’y en avait que cinquante dans le conclave. Il y avait trois autres factions, dont les chefs étaient Alexandre Farnèse, Hippolyte d’Este et Ferdinand de Médicis. {c} Farnèse était à la tête des cardinaux créés par Paul iii, son aïeul. {d} Le cardinal d’Este était pour les Français, le cardinal de Médicis, pour les Espagnols. {e}

D’abord, les cardinaux donnèrent presque unanimement leurs suffrages au cardinal Jean Morone, {f} à cause de son mérite et de sa haute prudence ; mais lorsqu’on demanda à Michel Ghislieri, appelé le cardinal Alexandrin, {g} s’il était de ce sentiment, il pria qu’on lui accordât un peu de temps pour délibérer, jusqu’à ce qu’il eût dit la messe. Après l’avoir dite, il répondit qu’il ne pouvait donner sa voix au cardinal Morone à cause des soupçons qu’il avait fait naître sur sa conduite, et pour lesquels Paul iv l’avait autrefois fait mettre en prison. Le crédit et l’autorité du cardinal Alexandrin suspendirent d’abord, et empêchèrent ensuite l’élection de Morone. Le cardinal Borromée, qui l’avait proposé, voyant qu’on le rejetait, proposa aussitôt le cardinal Guillaume Sirlet, recommandable par sa profonde érudition et par l’intégrité de ses mœurs ; mais la haine secrète que le cardinal d’Altemps avait pour Borromée, qui était son neveu, {h} fut un obstacle invincible à l’élection de Sirlet. Et quoique d’Altemps eût souvent juré qu’il ne consentirait jamais à l’exaltation d’un moine au souverain pontificat, {i} néanmoins, pour faire voir le crédit et le pouvoir qu’il avait dans le conclave, par rapport à l’élection d’un pape, il jeta les yeux (ne pouvant faire autrement) sur le cardinal Alexandrin, dominicain, qui fut aussitôt élu par les suffrages du plus grand nombre des cardinaux, le 7e de janvier, deux heures avant la nuit. Pour faire plaisir aux cardinaux Borromée et d’Altemps, le nouveau pape, suivant le conseil du cardinal Colonne, {j} voulut être appelé Pie v ; et pour leur marquer sa reconnaissance, il fit donner à Annibal d’Altemps, qui avait épousé la sœur du cardinal Borromée, {k} 50 000 écus d’or, à titre de dot, et 10 000 à Frédéric Serbellon, leur parent, à titre de gratification, pour le récompenser de belles actions qu’il avait faites et des grands services qu’il avait rendus dans son gouvernement d’Avignon. » {l}


  1. V. note [5], lettre 965, pour le pape Pie iv, Giovanni Angelo de Medici (sans lien de parenté avec les Médicis de Florence). Le conclave délibéra du 20 décembre 1565 au 7 janvier 1566.

  2. V. note [20], lettre 183, pour Charles Borromée (canonisé en 1610), fils de Margherita de Medici, sœur de Paul iv. Le cardinal Sittico d’Altemps était l’Allemand Mark Sittich von Hohenems (1533-1595), nommé en 1561, fils de Chiara de Medici, autre sœur de Paul iv.

  3. Ces trois cardinaux de la haute noblesse italienne étaient : Alessandro Farnese (1520-1580), nommé dès l’âge de 14 ans (1534), Ippolito (Hippolyte) d’Este (1509-1572), nommé en 1538, et Ferdinando de Medici (1549-1609), nommé en 1563 (lui aussi à 14 ans).

  4. Alessandro Farnese, élu pape en 1534 sous le nom de Paul iii (v. note [45] du Naudæana 3).

  5. V. notes [32] et [33] du Borboniana 6 manuscrit pour le cardinal Hippolyte d’Este, et [9] du Borboniana 9 manuscrit pour le cardinal Ferdinand de Médicis, qui devint grand-duc de Toscane en 1587.

  6. Giovanni Girolamo Morone (1509-1580), nommé en 1542.

  7. Michele Ghislieri (le futur pape Pie v, v. note [3], lettre 61), dominicain natif d’Alessandria en Lombardie, avait été nommé cardinal en 1557.

  8. Charles Borromée était à la fois le cousin germain (par sa mère, v. supra notule {b}) et le neveu (par sa sœur, v. infra notule {k}) de Sittico d’Altemps.

  9. V. note [18] du Naudæana 4, pour la prévention des cardinaux romains contre l’élection d’un moine au pontificat.

  10. Marco Antonio Colonna (1523-1597), nommé en 1565.

  11. Ortensia Borromea avait épousé Jacob Hanibal von Hohenems en janvier 1565.

  12. Erreur de de Thou sur le prénom : en 1561, pour lutter contre l’hérésie protestante dans le Comtat-Venaissin, Pie iv avait confié le gouvernement d’Avignon à son cousin Fabrice Serbelloni ; prolongé dans cette charge par Pie v, il mourut en 1580.

44.

Pour Heinrich Cornelius Agrippa von Nettesheim, qui ne mourut pas à Lyon en 1534, mais à Grenoble en 1535 (v. note [13], lettre 126), Gabriel Naudé renvoyait à « Adamus dans les vies des hommes illustres », c’est-à-dire aux Vitæ Germanorum Medicorum [Vies des médecins allemands] de Melchior Adam (Heidelberg, 1620, v. note [2], lettre de Charles Spon, datée du 15 janvier 1658) ; celle d’Henricus Cornelius Agrippa y occupe les pages 16‑21, avec cette satire anonyme qui résume le personnage :

Inter divos nullos non carpit Momus :
Inter Heroas monstra quæque insectatur Hercules :
Inter Dæmones rex Erebi Pluto irascitur omnibus umbris :
Contra deflet cuncta Heraclitus :
Nescit quæque Pyrrhias, et scire se putat omnia Aristoteles :
Contemnit cuncta Diogenes :
Nullis hic parcit Agrippa :
Contemnit, scit, nescit, flet, ridet, irascitur, carpit omnia :
Ipse Philosophus, Dæmon, Heros, Deus et omnia
.

[Parmi les divinités, Momus {a} ne s’abstient de railler personne.
Parmi les héros, Hercule {b} poursuit tous les monstres.
Parmi les démons, Pluton, roi de l’Érèbe, {c} s’emporte contre toutes les ombres.
Héraclite {d} pleure sur tout.
Pyrrhion ne sait rien, mais Aristote croit tout savoir. {e}
Diogène méprise tout. {f}
Cet Agrippa emprunte à tous ceux-là :
il méprise tout, il sait tout, il ignore tout, il pleure sur tout, il rit de tout, il s’emporte contre tout, il poursuit tout, il raille tout ;
il est à la fois philosophe, démon, héros, dieu et tout].


  1. V. note [37], lettre 301, pour Momus, dieu de moquerie et du sarcasme.

  2. V. note [3], lettre de Reiner von Neuhaus, datée du 21 octobre 1663, pour Hercule (Héraklès ou Alcide) et ses Douze Travaux.

  3. V. note [16], lettre 514, pour Pluton (Orcus) dieu de l’Érèbe, c’est-à-dire des enfers.

  4. V. note [8], lettre latine 326, pour Héraclite d’Éphèse, le philosophe mélancolique.

  5. V. note [15], lettre 80, pour Aristote, le philosophe encyclopédique. Ma traduction a remplacé Pyrrhias par Pyrrhion (d’Élis), philosophe sceptique grec du ive s. av. J.‑C. qui mettait tout en doute.

  6. V. note [5], lettre latine 137, pour Diogène de Sinope, le philosophe cynique.

Gabriel Naudé a abondamment écrit sur Agrippa dans le chapitre xv (pages 400‑423) de son Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement soupçonnés de magie (Paris, 1625, v. note [5], lettre 608).

45.

« ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît » ; adage antique souvent employé, dont la première citation se lit dans l’Histoire Auguste (v. note [31], lettre 503), vie d’Alexandre Sévère (empereur romain de 222 à 235), chapitre li, § 7‑8 :

Clamabatque sæpius, quod a quibusdam sive Iudæis sive Christianis audierat et tenebat, idque per præconem, cum aliquem emendaret, dici iubebat : “ Quod tibi fieri non vis, alteri ne feceris. ” Quam sententiam usque adeo dilexit, ut et in Palatino et in publicis operibus prescribi iuberet.

[Il avait coutume de citer une maxime qu’il avait entendu formuler par des juifs ou des chrétiens et qu’il avait faite sienne ; et lorsqu’il infligeait à quelqu’un une punition, il ordonnait au héraut de la proclamer : « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît. » Il aimait tellement cet adage qu’il le fit graver sur le palais et les édifices publics].

46.

Gabriel Naudé recommandait de lire :

47.

La transcription du Naudæana manuscrit de Vienne (qui donne à ce marquis le nom de Mansoli) ajoute à cela :

« Il fut décapité en la prison et puis montré en public. On dit qu’il était parent de la reine mère. »


  1. Marie de Médicis (ce qui explique que Gabriel Naudé ait fait de Manzoli un Florentin).

Sans concorder parfaitement, trois sources jettent quelque lumière sur cette obscure et maudite affaire qui coûta la vie au dénommé Manzoli, à Rome vers 1637 (sous le pontificat d’Urbain viii, Maffeo Barberini).

  1. L’historien italien protestant Gregorio Leti (v. note [1], lettre 943), dans La juste balance des cardinaux vivants, dans laquelle la principale partie de leurs actions, leur naissance, leurs intérêts, leurs puissances, leurs richesses, leurs charges et dignités, leurs vertus, mérites et défauts sont représentés. Distingués en iv parties, sous les papes Paul v, Grégoire xv, Urbain viii, Innocent v. Traduit de l’italien, imprimé à Rome en 1650…, {a} en a fait une des « incivilités » des Barberins (page 48) :

    « Ils ont anéanti et avili la noblesse romaine, ayant fait trancher la tête au marquis Manzioli {b} Bentivoglio, qui avait été premier clerc de la Chambre, et puis, ayant quitté cette charge, s’était marié ; sous prétexte qu’il avait fait un livre contre la cour romaine, le laissant pour instruction à ses enfants, ils lui firent couper le col dans le Capitole. »


    1. Paris, Edme Pepingué, 1652, in‑12 de 258 pages.

    2. Sic.

  2. Dans son livre intitulé Il Bernini, la sua vita, la sua opera, il suo tempo… [Le Bernin (v. note [2], lettre 843), sa vie, son œuvre, son époque…] Stanistalo Fraschetti (historien de l’art, 1875-1902) cite dans la note 3, page 59, chapitre 7, ce précieux extrait du Diario di M. Antonio Valena : Cose notabili occorse in Roma dall’anno 1576 a l’anno 1648 [Journal de Marco Antonio Valena : Causes remarquables survenues à Rome de l’an 1576 à l’an 1648] (manuscrit conservé à la Bibliothèque vaticane, Vat. Capp. Lat. 63, page 1836), daté de 1635 :

    Fu tagliata la testa al March. Manzoli nobilis : Bolognese che fu Chierico di Camera per aver fatte Pasquinate. La mattina che gli fu tagliata la testa fu un temporale grandissimo con acqua e vento ; le torcie di cera che stavano appicciate al suo cataletto non si smorzarono per detto temporale, il servente e il compagno che l’accusarono furono appiccati, tutti quelli che s’intrigarono in d. causa morirono quasi tutti di mala morte ò poco camparono ; il Giudice dicono fosse avvelenato in una medicina, un ferraro che si esaminò fu ammazzato, il Colangeli fiscale di Campidoglio fu trovato una mattina sul suo letto molto brutto morto, dicevasi essere stato strozzato da’ Demonii, la sera stava benissimo, si burlava del Card. Gessi, che era morto il giorno, dicendo a che osteria allongerà questa notte ?

    [Le marquis Manzoli, très noble gentilhomme de Bologne, qui fut clerc de la Chambre apostolique, a été décapité pour avoir écrit une pasquinade. {a} Le matin où on lui trancha la tête, le temps était extrêmement pluvieux et venteux, mais les cierges placés sur son cercueil ne se sont pas éteints. Le valet et le compagnon qui l’avaient dénoncé furent pendus. Presque tous ceux qui étaient intervenus dans ce procès ont péri de funeste mort ou n’ont pas vécu longtemps après : le juge a, dit-on, été empoisonné par un médicament ; un forgeron qui avait témoigné a été assassiné ; un matin, alors qu’il allait parfaitement bien la veille au soir, le procureur fiscal du Capitole a été trouvé mort dans son lit, très brutalement étranglé, disait-on, par le démon ; le jour de sa mort, on se moqua du cardinal Gessi {b} en disant « Dans quel bouge va-t-il coucher cette nuit ? »]


    1. V. note [5], lettre 427.

    2. V. note [2], lettre 47, pour le cardinal Berlinghiero Gessi, président du tribunal suprême de la Signature apostolique de novembre 1633 à janvier 1639, mort le 6 avril suivant.

  3. Dans son livre intitulé Rome : a city out of print [Rome : une cité vue au travers d’imprimés épuisés] (University of Minnesota Press, 2001), Rose Marie San Juan a dépeint la vie quotidienne de Rome du xviie s. au travers de brochures, d’affiches, de guides ou de gravures. Dans sa note 43, page 258, elle cite un passage du Diario Romano (1609-1670) [Journal romain (1609-1670)] (ouvrage qui n’a été imprimé qu’en 1958) du chroniqueur romain Giacinto Gigli (1594-1671) relatant qu’un marquis Manzoli-Bentivoglio, originaire de Bologne, a été décapité dans la prison du Capitole, un 1er décembre (1636 ou 1637), pour une pasquinade contre Urbain viii, trouvée en sa maison ; il s’était proclamé innocent, mais deux témoins avaient convaincu le tribunal de sa culpabilité ; on s’étonna que plusieurs de ceux qui avaient participé à sa condamnation mourussent subitement dans les années suivant son exécution, dont un cardinal nommé Fabrizio Verospi, décédé le 27 janvier 1639.

48.

« Né le 24 juillet 1398, il vécut 81 ans, voire 83, selon d’autres. »

Franciscus Philelphus est le nom latinisé du byzantiniste Francesco Filelfo (François Philelphe en français ; Tolentino, Émilie-Romagne 1398-Florence 1481). Précurseur des humanistes de la Renaissance, il a grandement contribué à sortir de l’oubli les auteurs latins et grecs de l’Antiquité (v. infra note [49]).

49.

Gabriel Naudé, dissertant sur les contrées dont le peuple parle plusieurs langues, dans son Addition à l’histoire de Louis xi. Contenant plusieurs recherches curieuses sur diverses matières (Paris, 1630, v. note [17], lettre 238), a cité Fancesco Filelfo en exemple (pages 182‑183) :

« C’est pourquoi François Philelphe, qui entreprit quelque temps après le même voyage de Constantinople {a} (où il demeura neuf ans, et y épousa la fille d’Emmanuel Chrysoloras), {b} se vante glorieusement qu’il était le premier, non seulement de son temps, mais de toute l’Antiquité qui pouvait in omni dicendi genere, et versu pariter, et soluta oratione, tum Latine, tum etim Græce, omnia quæ vellet quam facillime et scribere et loqui. {c} Et pour cette raison, il y avait bien de l’apparence que ce rétablissement ne se fût guère avancé si, Constantinople venant à être prise et sacmentée {d} par Mahomet ii en 1453, {e} nous n’eussions pu dire encore une fois :

Græcia capta ferum victorem cepit et artes
Intulit agresti Latio
. » {f}


  1. Voyage qu’avait fait avant lui Giovanni Malpaghini (dit Jean de Ravenne, vers 1346-vers 1417), élève de Pétrarque.

  2. Emmanuel (ou Manuel) Chrysoloras (Constantinople vers 1355-Constance 1415), humaniste byzantin, a assuré de nombreuses missions diplomatiques en Occident pour le compte de l’empereur Manuel ii Paléologue, et contribué à divulguer la culture grecque en Italie et à y enseigner cette langue. Filelfo était trop jeune pour avoir bénéficié de ses leçons : il est arrivé à Constantinople en 1420 ; les biographes le désignent comme disciple du neveu d’Emmanuel, Jean Chrysoloras (Constantinople 1360-ibid. 1422), lui aussi savant diplomate impérial.

  3. « en toute manière de s’exprimer, vers comme prose, latin comme grec, écrire et parler de tout ce qu’on voulait, avec extrême facilité. »

  4. Saccagée.

  5. V. note [3], lettre 929, pour la prise de Constantinople par les Ottomans.

    Filelfo avait été l’un des derniers Italiens à séjourner longuement à Constantinople avant sa chute. Elle provoqua un exode massif des érudits byzantins et de leurs trésors vers l’ouest de l’Europe. Par ce « rétablissement » (la Renaissance), elle gagna considérablement en savoir littéraire et scientifique, surtout grec mais aussi latin.

  6. « La Grèce soumise soumit son vainqueur farouche et porta les arts au Latium inculte » (Horace, Épîtres, livre ii, épître 1, vers 156‑157).

Cet article du Naudæana mentionne cinq éminents personnages politiques du xve s. :


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 192 :

« Philelphe épousa la fille d’Emmanuel Chrysoloras. La principale raison qui l’engagea à ce mariage fut l’espérance qu’il eut de pouvoir apprendre insensiblement de sa femme la douceur et la finesse de la langue grecque, et de sa prononciation, ce qui lui réussit. Il en eut un fils, Marius, qui faisait bien des vers. On dit que Philelphe mourut en 1481. »


  1. Giovanni Maria (Gianmario) Filelfo (Pera, Beyoğlu sur la rive orientale du Bosphore 1426-Mantoue 1480) a eu une carrière d’écrivain latin et de diplomate italien. Il a beaucoup écrit, mais son seul ouvrage imprimé a longtemps été les M. Philelphi Epistolæ octoginta epistolarum genera complectentes, acriori lima nuper levigatæ : omni reiecta aspredine quarum singula genera in tria membra partita sunt. Quibus preponuntur eiusdem nonnulla artis Rhetorices precepta epistolari arti non parum utilitatis afferentia [Épîtres de M. Philelphus, qui embrassent 80 catégories de lettres (en prose), qu’il a adoucies avec une lime très affûtée pour en ôter toute aspérité. Chacune des catégories est divisée en trois styles (familiaris, familiarissimus, gravis [familier, très familier, sérieux]). Elles sont précédées de quelques préceptes rhétoriques sur l’art épistolaire qui l’enrichissent notablement] (Paris, Dionysius Rocius, 1511, in‑4o).

50.

Martius Galeotus (Marzio Galeotto), médecin érudit et humaniste italien (Narni, Ombrie, vers 1425-vers 1495, dans un lieu incertain). Il a consacré sa vie aux recherches et à l’enseignement, en Italie et en Hongrie.

Son principal mécène fut Matthias Corvin (ou Hunyadi) : fils de Jean, le héros de Belgrade en 1456 (v. note [35] du Patiniana I‑4), Matthias régna sur la Hongrie de 1458 à 1490, et établit la puissance de son royaume en Europe Centrale par de nombreuses guerres contre ses voisins autrichiens, polonais, vénitiens et ottomans.

Gabriel Naudé renvoyait aux pages 126‑130 de son Addition à l’histoire de Louis xi (v. supra note [49]) :

« Quant à Galeotus Martius, qui était originaire de la ville de Narni en Italie, c’était un homme consommé dans les bonnes lettres : grand critique, philosophe, médecin, astrologue, humaniste et orateur, comme en font foi ses livres de Doctrina promiscua, {a} de Homine, {b} de Dictis Matthiæ Regis, {c} de Censura operum Philelphi, {d} et de vulgo Incognitis, {e} desquels, combien que je n’en aie vu que les trois premiers imprimés (il faut néanmoins croire que le quatrième l’a aussi été, vu que Marcile, et quelques autres auteurs et bibliothécaires le citent fort souvent) et le dernier, rempli de fort doctes et curieuses maximes, desquelles on peut voir quelque échantillon dans Vadianus et La Popelinière, est maintenant gardé en la Bibliothèque du roi, où le docte et révérend père Mersenne m’a assuré de l’avoir plusieurs fois vu et feuilleté. {f} Outre ce, il était encore fort adroit au maniement de toutes sortes d’armes et, quoiqu’il fût de corpulence assez grosse, pesante et incommode, il surmonta néanmoins en un défi solennel et par combat réglé le plus habile luicteur {g} de son temps, comme Ianus Pannonius, évêque de Cinq-Églises, {h} a remarqué en cette épigramme :

Qualis in Æthola mœrens Achelous arena
Herculea legit cornua fracta manu.
Talis luctator Galeotto victus Alesus
Turpia pulvere signa reliquit humo.
Mathiæ Regi latiæ placuere palestræ
Risit Strigonia clarus ab arce, pater.
At te ne pudeat ludi cessisse magistro
Improbe ; Mercurius noster et ista docet
. {i}

C’est pourquoi Louis xi, ayant entendu parler d’un tel prodige de savoir, devint comme envieux de Matthias Corvinus, qui l’avait choisi pour maître et compagnon de ses études, et par une honnête émulation lui fit proposer de si grands avantages qu’il se délibéra enfin de {j} quitter la Hongrie pour mieux et plus pleinement savourer l’honneur et la réputation qu’il s’était acquis par ses mérites, et respirer avec toute commodité l’air de la France sous la faveur et la libéralité d’un si puissant roi. Mais, ô malheur étrange ! comme il fut arrivé à Lyon où le roi était l’an 1476, il se trouva si surpris par la soudaine rencontre qu’il en fit que, se précipitant de mettre pied à terre pour le saluer, il tomba de dessus son cheval avec telle violence qu’il se rompit le col et mourut sur la place. » {k}


  1. De Doctrina promiscua liber, varia multipicique eruditione refertus, ac nunc primum in lucem editus [Un livre sur la Doctrine mêlée, empli d’érudition riche et diverse, et publié pour la première fois] (Florence, Laurentius Torrentinus, 1548, in‑8o).

  2. De Homine libri duo… [Deux livres sur l’Homme…] (Bâle, Ioannes Frobenius, 1517, in‑4o).

  3. Libellus elegans… de egregie, sapienter, iocose dictis ac factis Matthiæ sereniss. Ungariæ regis, ad inclytum Ducem Ioannem eius Filium [Élégant petit livre… des dits et faits, remarquables, sages et plaisants, de Matthias, sérénissime roi de Hongrie ; dédié au célèbre duc Jean, son fils] (Vienne, Michaël Zimmermann, 1563, in‑8o).

  4. Le livre « sur la Censure des œuvres de Philelphus » n’a été imprimé qu’en 1932 (Leipzig) sous le titre d’Invectivæ in Franciscum Philelphum [Invectives contre Francesco Filelfo (v. supra note [49])].

  5. Le livre « sur ce qu’ignore le peuple » n’a été publié (en italien, Quel che i più non sonno) qu’en 1948 (Naples). Le manuscrit de la Bibliothèque royale est à présent en ligne dans la bibliothèque numérique Gallica de la BnF.

  6. V. notes [9], lettre de Claude ii Belin, datée du 4 mars 1657, pour Henri Lancelot de La Popelinière, note [5], lettre latine 477, pour Marin Mersenne, et [51] infra pour Marcile et Vadianus.

    Sans y parvenir tout à fait, ma ponctuation a essayé d’améliorer l’intelligibilité de cette interminable phrase.

  7. Lutteur, latinisme archaïque dérivé de luctator.

  8. Janus Pannonius (1434-1472), humaniste hungaro-Croate, était évêque de Pécs, ville de Hongrie qui portait en français le nom de Cinq-Églises.

  9. « Tel Achéloüs qui, se lamentant sur le sable d’Étolie, a ramassé les cornes que la main d’Hercule lui avait brisées, {i} Alesus, vaincu par Galeotus, a laissé sur le sol ses poussiéreuses et déshonorantes enseignes. Les luttes romaines ont plu au roi Matthias et cet illustre père a ri du haut de Strigonie. {ii} Quant à toi, n’as-tu pas honte de t’être laissé aller à te moquer malhonnêtement du maître ? C’est notre ami Mercure {iii} qui nous apprend tout cela. »

    1. Dans le mythe (Fr. Noël), Achéloüs, fils de l’Océan et de Thétys, disputait à Hercule les faveurs de Déjanire. Après avoir perdu plusieurs combats, Achéloüs se transforma en taureau et attaqua Hercule qui le terrassa de nouveau et lui arracha ses cornes. Ce combat s’est déroulé sur les rives du fleuve Thoas, en Étolie (au nord du golfe de Corinthe), qui a depuis reçu le nom d’Achéloos.

    2. Strigonie est l’ancien nom de la forteresse hongroise d’Esztergom (autrement nommée Gran).

    3. Le facétieux dieu messager (v. note [7], lettre latine 255).

  10. Il se décida enfin à.

  11. « Se rompre le col » était se briser le cou, et non le col du fémur.

    Une mort de Galeotus à Lyon en 1476, sous le règne de Louis xi (1461-1483) est en désaccord avec les autres biographies (v. infra notule {e}, note [52]).

    V. infra note [52], seconde notule {a}, pour le récit de sa mort par Pierius Valerianus, que reprenait ici le Naudæana.


51.

« Il a beaucoup écrit […] où il est prouvé qu’existent des antipodes. »

52.

« Voyez Vossius de Historicis Latinis, 2e édition, 1651, page 659, où il a rapporté les paroles de Jovius, qui disent peu de louanges, mais beaucoup d’âpretés contre Galeotus. Voyez au même endroit la plaisante réponse de Galeotus au gentilhomme vénitien qui le traitait de gros porc : je préfère être un gros porc qu’un bouc ; ce qu’il disait parce que l’épouse de ce noble était fort débauchée ; et depuis, les Italiens appellent boucs, c’est-à-dire porteurs de cornes, les maris de telles femmes. »

De Historicis Latinis Libri iii [Trois livres sur les Historiens latins] de Gerardus Johannes Vossius (Leyde, 1651, v. note [6], lettre 162), livre iii, pages 659‑660 :

Galeotus Martius Narniæ genitus fuit […]. Primum in Italia Bononiæ bonas literas docuit ; hinc in Pannoniæ privatis scholis idem egit. Post Matthiæ Corvini, Hungariæ regis, domesticus factus, atque epistolarum magister : idemque, ut videtur, præfuit studiis filii ejus, Johannis Corvini. Præfectus etiam fuit bibliothecæ Budensi. Acrius in eum stylum strinxit Franciscus Philippus : sed Joa. Pannonio, Quinque-ecclesiarum episcopo, carissimus erat, jam ab eo tempore, quo in Italia eadem studia sequebantur. […] Leander in Italia sua vocat excellentem oratorem, et philosophum : sed hoc in eo culpat, quod, dum plura, quam par est, scire laborat, a fide Orthodoxa in quibusdam declinarit.

Nempe (ut Pauli Jovii de eo verba retineam) scripsit etiam, et malo quidem infortunio, quædam in sacra, moralique philosophia. Nam ex ea lectione, cum omnibus gentibus integre, et puriter, veluti ex justa naturæ lege, viventibus, æternos cælestis auræ fructus paratos diceret : a cucullatis sacerdotibus accusatus, damnatusque est. Sed eum periculo celeriter exemit Xystus pontifex, qui in minori Fortuna ejus fuerat auditor, non sine gravi tamen contumelia. Nam in fero Veneto ad geminas columnas ad tribunal perductus est, ut, impetrata venia, se falsa scripsisse fateretur. Sed accidit, ut id judicium exortus in turba risus everteret, falso ac repentino Galeoti dicterio excitatus. Nam cum forte non ignobilis Venetus, e turba proximus, strigosa proceritate, et impudicæ uxoris probro insignis, traductum ludibrio præpinguem porcum appellasset : extemplo Galeotus, renidentique ore, Pinguis, ait, porcus, quam macer hircus, esse malo. Erat enim Galeotus usque adeo tumenti abdomine, ut cum sub vasto obesi corporis pondere, vel prægrandia jumenta fatiscerent ; rheda curuli veheretur : ac demum senex, ad montem Annianum circa Ateste, arvina suffocatus interiret.

[Galeotus Martius est né à Narnia (…). Il a d’abord enseigné les belles-lettres à Bologne, puis en a fait de même dans les écoles privées de Hongrie. Ensuite, il est entré à la cour de Matthias Corvin, roi de Hongrie, comme son premier secrétaire et, semble-t-il, comme précepteur de son fils, Jean Corvin, et bibliothécaire de Buda. Franciscus Philelphus a rudement attaqué son style, mais il était très cher à Janus Pannonius, évêque de Pécs, depuis qu’ils avaient étudié ensemble en Italie. (…) Leander, en son Italia, {a} l’a dit être un excellent orateur et philosophe, mais avoir fauté car, en travaillant, comme il devait, à savoir quantité de choses, il s’est parfois écarté de la foi orthodoxe.

De fait, (pour citer les mots de Paul Jove) {b} il a aussi la mauvaise fortune d’écrire parfois contre la philosophie morale et sacrée. Des moines l’ont accusé et condamné pour avoir dit que, selon lui, tous les peuples qui menaient une vie intègre et pure, conforme à la juste loi de la nature, se disposent à jouir éternellement du souffle céleste. Le pape Sixte, {c} qui avait été son auditeur quand il jouissait d’une moindre célébrité, le tira promptement de ce péril, mais non sans sévère réprimande : il fut conduit au tribunal de la farouche Venise, en vue de passer entre les deux colonnes ; {d} on l’amnistia sous condition qu’il reconnût avoir écrit des contrevérités. Il advint néanmoins que cette sentence tourna en un grand éclat de rire de la foule, provoqué par un sarcasme inopiné et improvisé de Galeotus : au premier rang se tenait un Vénitien de bonne naissance, grand et efflanqué, bien connu pour la conduite scandaleuse de son épouse débauchée, qui se moqua de lui en le traitant de gros porc ; sur-le-champ, Galeotus lui répondit dans un grand rire, « Je préfère être un gros porc qu’un bouc maigre ». Le fait était que Galeotus avait l’abdomen si proéminent que même les plus solides chevaux ployaient sous le poids d’une si énorme obésité, et qu’il devait se déplacer en carrosse. Devenu fort vieux, il serait mort, suffoqué par sa graisse, à Montagnana près d’Este]. {e}


  1. Descrittione di tutta Italia di F. Leandro Alberti Bolognese… [Description de toute l’Italie, par le F. Leandro Alberti natif de Bologne (historien et théologien dominicain, 1479-1552)…] (Venise, Giovanni Maria Leni, 1577, in‑8o).

  2. In Elogiis doctorum virorum [en ses Éloges de savants hommes] (note de l’imprimeur) ; fo 28 vo‑29 ro, édition de Venise, 1546 (v. note [18] du Traité de la Conservation de santé, chapitre  iii).

  3. Sixte iv (1471-1484, v. supra note [39]).

  4. L’Inquisition de Venise, réunie dans le palais des Doges, faisait exécuter ses condamnés à mort entre les deux colonnes monumentales de la Piazetta San Marco (petite place Saint-Marc). Ce procès suivit la rédaction du livre de Vulgo incognitis (v. supra notule {e}, note [50]) et eut lieu en 1477-1478.

  5. Montagnana, où résidait Galeotus, se situe à une quinzaine de kilomètres à l’ouest d’Este ; ce sont deux petites villes de la province de Padoue en Vénétie. Tout cela situe la mort de Galeotus loin de Lyon et longtemps après 1476 (v. supra notule {k}, note [50]) ; d’autres historiens disent qu’elle survint en Bohême au début des années 1490.


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 192‑ 193 :

« Pierius Valerianus est le seul auteur du temps qui ait rapporté ces circonstances de la mort de Galeotus Martius ; {a} en quoi même il est contredit par Paul Jove, qui assure que ce Martius, étant devenu si gros sur la fin de ses jours qu’il lui fallut une chaise pour le porter, fut enfin étouffé de sa graisse, et qu’il mourut à Montagnana dans le Padouan, aux environs d’Este. Puisqu’on a inséré dans cet article la réponse qu’il fit à un homme qui se moquait de son énorme grosseur, on pouvait ajouter que cette repartie interrompit la triste cérémonie, qu’on lui faisait faire dans la place publique de Venise, de se dédire de ce qu’il avait avancé en faveur de la loi naturelle dans ses livres de sacra et morali Philosophia, {b} et d’en demander pardon. »


  1. « In libro de litterat. Infelicit. » (note de Vitry) : v. note [23], lettre 164, pour Pierius Valerianus (Giampietro Valeriano Bolzani) et ses deux « livres sur l’Infortune des écrivains » (Venise, 1620). La mort de Galeotus Martius y est racontée à la page 30 du livre i :

    Is quidem suis clarior lucubrationibus, et magnorum Principum familiaritate magis celebris, quam nostro possit clarescere testimonio, cum a Francorum Rege Ludovico eius nominis undecimo accercitus ex Pannoniis, ubi Matthi Regis liberalite deliciabatur, Lugdunum ad salutandum Gallum Regem se conferret, forte illi factus ex intinere ante urbis potas obviam, dum magna vir corporis habitudine, pinguedineque et obesi ventris mole gravis ab equo se demittere ad terram vellet, id scilicet honoris Principi habiturus, suo ipsius tractus pondere ita corruit, ut adliso terræ capite, fractoque gutture statim expirarit.

    [Les fruits de ses veilles studieuses et sa familiarité avec les plus grands princes l’ont rendu fort célèbre, ce dont notre témoignage peut ainsi brillamment rendre compte : revenant de Hongrie, où il avait joui des libéralités du roi Matthias, il se rendit à Lyon pour saluer le roi de France, Louis xi ; il vint à le croiser par hasard devant les portes de la ville ; mais quand il voulut descendre de cheval pour faire honneur au souverain, l’énorme embonpoint de cet homme, sa gigantesque obésité et l’énormité de son ventre le firent rouler à terre où, emportée par son poids, sa tête heurta le sol, et il mourut sur-le-champ en se rompant le cou].

  2. Reprise du propos de Paul Jove « sur la philosophie morale et sacrée », transcrit et traduit ci-dessus.

53.

« dans la foi du Seigneur. »

54.

« Voyez l’Oraison de Christophe Longueil, Parisien, sur les louanges de Louis roi des Français, prononcé dans le couvent des frères minimes de Poitiers l’an 1510 (Paris, Henri Estienne). »


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 193‑ 194 :

« Comme il n’est personne qui ne sache quelle fut la naissance de Christoph. Longueil, et qu’on trouve partout les principales circonstances de la vie de ce savant, nous nous contenterons de dire ici que la harangue en question n’est point si rare depuis que Fr. Du Chesne l’a insérée dans le ve tome des Histor. de France, page 500. » {a}


  1. Vitry entendait simplement corriger l’erreur de pagination qui figure dans le Naudæana (page 45, au lieu de 500), et peut-être donner à tout un chacun la possibilité de lire cette Oratio féroce.

55.

« il était d’une séduisante intelligence. »

Trajanus Boccalinus (Trajan Boccalin, Traiano Boccalini, Rome ou Loreto, Marches 1556-Venise 1613) est surtout connu pour ses centuries satiriques intitulées Ragguagli di Parnasso [Nouvelles du Parnasse] (Venise, Giovanni Guerigli, 1617, in‑8o, deuxième édition, première édition en 1612 ; v. notes [26], lettre latine 35, et [7] du Borboniana 3 manuscrit pour deux traductions françaises). Ses opinions politiques étaient démocratiques, dirigées contre les pouvoirs abusifs des princes, italiens comme étrangers.

56.

Bayle surTrajan Boccalin :

« Cet homme, qui censurait toute la terre et qui trouvait tout à redire au gouvernement, fit voir que sa théorie et sa pratique s’accordaient fort mal ensemble, {a} car la juridiction qu’il exerça dans quelques lieux de l’État ecclésiastique ne fut nullement conforme à ses règles. On s’allait plaindre de lui à Rome ; ce qui < lui > fit faire des réflexions bien malignes, tant contre les avocats et les médecins, et contre les théologiens. {b} Ceux qui se sont contentés de dire qu’il méditait des Discours politique sur Tacite, lorsqu’il fut assassiné, n’étaient guère instruits des choses. » {c}


  1. Note de Bayle :

    « Voici ce que Nicius Erythreus en a dit : At qui se aliis Reip. bene gerendæ ducem ac magistrum profiteretur ac præstat, in iis oppidis, quorum illi administratio commissa fuerat, regendus, suis ipse præceptis non paruit, sed multa, ut ajunt, commisit, quæ ab illorum rationibus essent aliena. Quamobrem fiebat, ut Romam crebræ de ipsius injuriis querimoniæ deferrentur. {i} Il n’est que trop ordinaire que ceux qui composent des livres de politique, je dis de bons livres, fassent voir très peu de capacité lorsqu’il leur arrive d’être promus à de grandes charges : tant il est vrai que l’application des règles est plus malaisée que l’art d’en bien discourir ! »

    1. Giovanni Vittorio Rossi, Pinacotheca imaginum [Galerie de portraits] (Cologne, 1643, v. notule {b}, note [22] du Naudæana 1), Traianus Boccalinus, page 272 :

      « Il affirmait glorieusement aux autres qu’il était un guide et un maître en l’art de bien gérer les affaires publiques. Il ne se conforma pourtant pas à ses propres préceptes dans les cités dont on lui confia l’administration : il y accomplit, dit-on, bien des actes contraires à ce qu’ils prescrivaient. Cela fit qu’on vint amèrement se plaindre à Rome de ses violations du bon droit. »

  2. Nicius Erythræus (ibid.) :

    Quamobrem fiebat ut […] locus proverbio fieret, quo dicitur, tria esse hominum genera, qui nihil fere legibus, quas ipsi aliis imponunt, utantur nimirum Iuris consultos, medicos, atque theologos : nulli enim magis in negociis ab jure, ab æquitate, discedunt quam I.C. nulli tuendæ valetudinis rationem minus servant quam medici, nulli conscientiæ aculeos minus metuunt quam theologi. Itaque qui justitiam, valetudinem et conscientiam amittere satagunt, Iuris doctorum, medicorum, theologorumque amicitias cola<n>t : quod tamen de iis tantum intelligendum, qui ea studia non serio ac sedulo, verum in speciem, et dicis causa, profitentur.

    [Cela fit (…) qu’il en tira un proverbe disant que trois sortes d’hommes ne respectent à peu près aucune des règles qu’ils imposent aux autres, à savoir les juristes, les médecins et les théologiens : dans les affaires, nul ne s’écarte plus du droit et de l’équité que les juristes ; nul n’observe moins le bon régime de santé que les médecins ; nul ne craint les aiguillons de la consience moins que les théologiens. Voilà pourquoi ceux qui s’évertuent à s’affranchir de la justice, de la santé et de la conscience cultivent l’amitié des docteurs en droit, en médecine et en théologie ; cela ne concernant pas, bien entendu, ceux qui exercent sérieusement et consciencieusement leur métier, mais ceux qui ne le font qu’en apparence et pour la forme].

  3. Boccalini aurait été empoisonné par les Espagnols désireux de venger le mal qu’il avait dit de leur roi.

    Bayle reprochait à Moréri d’ignorer la parution des Commentarii di Traiano Boccalini Romano sopra Cornelio Tacito, come sono stati lasciati dall’ Autore. Opera non ancora stampata et grandemente desiderata da tutti li Virtuosi [Commentaires du Romain Traiano Boccalini sur Tacite, comme l’auteur les a laissés. Ouvrage qui n’avait pas encore été imprimé et que tous les gens vertueux désiraient] (Cosmopolis, Giovanni Battista della Piazza [Amsterdam, Blaeu, ou Genève, Tournes], 1677, in‑4o).



Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 194 :

« Ces commentaires de Boccalin sur Tacite, après bien des aventures, ont été enfin imprimés, et les libraires de Genève en ont déjà donné deux éditions. » {a}


  1. « M. Bayle, Diction. critiq., t. 1 » (note de Vitry) : renvoi à la note C de cet ouvrage, pages 620‑621, qui attribue à Gregorio Leti (v. note [1], lettre 943) l’édition de La Bilancia politica di tutte le opere di Traianno Boccalini parte seconda, nella quale si comprendono le Osservationi et considerationi politiche sopra il primo libro delle Storie di Cornelio Tacito, et sopra la Vita di Giulio Agricola scritta dal medesimo Auttore. Il tutto illustrato da gli avvertimenti del Cavalier Ludovico [sic] Du May [La Balance politique de toutes les œuvres de Traianno Boccalini : seconde partie contenant les Observations et commentaires politiques sur le premier livre de l’Histoire de Corneille Tacite et sur la Vie de Julius Agricola, du même auteur. Le tout est éclairé par les annotations du chevalier Lodovico Du May] (Castellana, Giovanni Hermanno Widerhold, 1678, in‑4o).

    Castellana pourrait être la ville de Civita Castellana dans le Latium, mais c’est plus sûrement un faux nom de Genève, où (ou près d’où) l’imprimeur Johann Hermann Widerhold a œuvré de 1674 à sa mort, en 1683 ; il était châtelain (castellanus) de Duillier, près de Nyon dans le Pays de Vaud.

    Bien que je n’en aie pas trouvé de solide confirmation ailleurs, Bayle semblait tenir Du May pour un pseudonyme de Leti, peu désireux qu’on lui attribue les audaces impies que contiennent ses notes sur cet ouvrage, que les critiques ont dites bien pires que celles de Boccalini.


57.

V. note [34], lettre 117, pour la pierre philosophale, procédé auquel, sans le nommer, Érasme a consacré son Colloque xxxiv, intitulé Alcumistica [L’Alchimie] (v. note [3], lettre 653). C’est un dialogue entre Philecoüs et Lalus, à propos d’un vieillard cupide, nommé Balbinus, qui se fait duper par un prêtre, charlatan faiseur d’or, avec ce propos de Lalus :

Urgente Balbino, ut rem aggrederetur : “ An non tenes, inquit, illud : Dimidium facti, qui bene cœpit, habet ? Magnum est bene præparare materiam. ” Tandem cœpit adornari fornax. Heic rursus erat opus novo auro, velut illecebra venturi auri. Siquidem ut piscis non capitur absque esca, ita aurum alcumistis non provenit, nisi pars auri admisceatur. Interea Balbinus totus erat in supputationibus, subducebat enim, si unica pareret quindecim, quantum esset lucri rediturum ex unciis bis mille : tantum enim decreverat insumere. Cum hanc quoque pecuniam decoxisset alcumista, iamque mensem unum atque alterum multum operæ simulasset circa folles et carbones, roganti Balbino, ecquid procederet negotium, primum obmutuit : urgenti tandem respondit, “ Sicut solent res præclaræ, quæ semper difficiles habent aditus ”. Caussabatur, erratum in emendis carbonibus : quernos enim emerat, cum abiegnis esset opus, aut colurnis. Ibi perierant aurei centum : nec eo segnius reditum est ad aleam. Data nova pecunia, mutati carbones. Iamque maiore studio res cœpta est, quam antea ; quemadmodum in bello milites, si quid secus accidit quam vellent, virtute sarciunt. Cum mense iam aliquot ferbuisset officina, et exspectaretur fœtus aureus, ac ne mica quidem auri esset in vasis (iam enim et illud omne decoxerat alcumista) inventa est alia caussatio, nimirum vitra, quibus usus fuerat, non fuisse temperata sicut oportuit. Etenim ut non ex quovis ligno Mercurius fingitur, ita non quibuslibet vitreis conficitur aureum. Quo plus erat impensum, hoc minus libebat desistere.

[Balbin le pressant de se mettre à l’œuvre : « Ne connaissez-vous donc pas, lui dit-il, le proverbe, Dimidium facti, qui bene cœpit, habet ? {a} L’essentiel est de bien préparer la matière. » Il s’occupa enfin à monter le fourneau. Pour cela, il fallait encore un nouvel or qui servît d’appât à l’or à venir, car, de même que le poisson ne se prend pas sans amorce, les alchimistes ne recueillent point d’or sans en débourser un peu. Pendant ce temps, Balbin était plongé dans les comptes : il calculait, si une once lui en rendrait quinze, quel profit il retirerait de deux mille onces, car il avait résolu d’en dépenser autant. L’alchimiste avait dévoré cette somme et, depuis deux mois, faisait semblant de se donner beaucoup de peine avec ses soufflets et ses charbons, quand Balbin lui demanda comment allait l’affaire. Il se tut d’abord, mais l’autre insistant, il lui répondit : « Comme vont les grandes choses, qui ont toujours des commencements difficiles. » Il prétextait qu’il s’était trompé dans l’achat de charbon, qu’il l’avait acheté de chêne lorsqu’il le fallait de sapin ou de coudrier. C’était une perte de cent écus d’or. On n’en recommença pas moins la partie ; une nouvelle somme ayant été remise, le charbon fut changé. On se remit à la besogne avec plus de zèle qu’auparavant : de même que les soldats, sur un champ de bataille, réparent à force de bravoure l’échec qu’ils ont éprouvé. Au bout de quelques mois, lorsque le laboratoire eut été en pleine activité et que l’on espérait un lingot d’or sans qu’une paillette existât dans les vases (car l’alchimiste l’avait tout mangé), celui-ci inventa un autre prétexte, à savoir que les verres dont il s’était servi n’avaient pas été confectionnés comme il fallait ; car, de même que tout bois n’est pas bon pour faire Mercure, toute espèce de verre ne convient pas pour faire de l’or. Plus on avait dépensé, moins on devait discontinuer]. {b}


  1. « Besogne bien commencée est à moitié faite » (Horace, Épîtres, i, épître 2, vers 40).

  2. Traduction de Victor Develay, tome 2, pages 109‑110.

58.

Vingt-troisième des Discours politiques et militaires de François de La Noüe (Bâle, 1587), intitulé De la Pierre philosophale (v. note [4], lettre 653), Qui est celui qui transforme vraiment les métaux (pages 480‑481) :

« Quoi qu’on sache dire, il y en a de si aheurtés {a} en leurs opinions qu’on ne leur saurait dissuader que la conversion des métaux ne soit possible. Vraiment, pour leur faire plaisir, je le croirai, mais ce sera de la façon que me dit une fois un disciple de l’art, à Paris, que le grand Alchimiste y procédait par ses fourneaux souterrains. Ce pauvre apprenti était un que je connaissais, qui avait soufflé en trois ans une belle maison sienne, accompagnée de mille ou douze cents livres de rente, ne lui étant resté que la peau et les os ; même le feu avait tiré non seulement la quintessence, {b} mais quasi toute l’essence des habits qu’il avait sur lui. Je lui dis, après l’avoir considéré :
“ Eh bien, mon petit maître, vous êtes maintenant en bon état pour apprendre à voler, car vous n’avez plus aucune chose qui vous charge et qui empêche votre légèreté.
– Il faut avoir pitié (me répondit-il) de ceux qui ont fait naufrage sans y penser.
– Certes aussi ai-je {c} puisque je vous vois être pénitent, {d} et l’aide de ma bourse ne vous sera déniée pour vous renfourner {e} en quelque légitime vocation. Mais dites-moi, sans feintise, {f} quelle clarté et certitude y a-t-il en vos préceptes ?
– Nos petits livrets, dit-il, sont pleins d’obscurité et d’énigmes, nos labeurs très longs, et nos dépenses continues ne produisent enfin que des avortons et des fantômes.
– N’avez-vous donc, lui répliquai-je, aucun exemple antique ou moderne d’aucun qui ait trouvé le secret ?
– Je n’en sache qu’un, dit-il, qui y soit parvenu.
– Je vous prie me dire qui il est.
– C’est, répliqua-t-il, celui-là.
– Mais qui ? Je n’ai garde de le connaître si vous ne me le nommez autrement.
– C’est celui-là.
– Comment ? vous voulez vous moquer de moi ?
– Il faut donc, ajouta-t-il, que je le vous déclare. C’est le saint Père, qui a fait connaître à tous nos souffleurs que ce ne sont que des lanterniers, {g} lesquels en plusieurs années ne font autre cas que multiplier leur tout en rien ; et lui, tous les ans, seulement en France, transmue et multiplie quarante livres de plomb qu’il envoie (qui peuvent valoir deux écus) en quarante mille livres d’or (qui valent six cent mille écus), puis en fait une attraction {h} jusques à Rome.
– Vraiment, lui dis-je, je vous donnerai dix écus davantage, dequoi {i} vous m’avez si bien éclairci votre cœur ; mais je vous conseille de ne tenir pas ce langage en cette ville, car vous seriez incontinent (par Messieurs de Sorbonne) déclaré hérétique à dix-sept carats et demi. ” » {j}


  1. Obstinés.

  2. V. notule {a}, note [69] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii.

  3. Je le crois bien.

  4. Repentant.

  5. Enfourner, c’est-à-dire « commencer une affaire » (Furetière) de nouveau.

  6. Feinte.

  7. Lanternier : « homme badin, importun, qui ne fait rien d’important, de considérable » (Furetière).

  8. Les fait venir.

  9. Parce que.

  10. Expression à rapprocher de : « On dit proverbialement qu’un homme est sot à 24 carats, pour dire qu’il est parvenu au plus haut point de sottise » (Furetière).

59.

« Tant est vrai le propos de de Thou qu’on lit au livre i de sa vie, page 12, et qu’il avait entendu d’un cardinal accoutumé à dire : “ Le respect qu’on a pour cette Cour n’est fondé que sur l’opinion des hommes et sur leur patience. ” »

V. note [27] du Borboniana 10 manuscrit pour un long extrait de ce passage tiré de l’autobiographie de Jacques-Auguste i de Thou, où il relate les propos adressés par le cardinal Prospero Santacroce à Paul de Foix (v. note [31] du Borboniana 3 manuscrit) en 1574.

Il est instructif de donner ici la transcription, plus explicite et irrévérencieuse (et donc censurée), de cet article dans le Naudæana manuscrit de Vienne :

« Mais quel remède y aurait-il à cela puisque les princes le veulent bien ? Voilà comment le pape fait profit de son secret, qui est tantôt eventé, per indulgentiam των μεδοντων ; adeo verum est illud Thuani quod legitur lib. 1o de vita sua, de Romanæ curiæ potentia dictum a quodam cardinal Prospero Santacrucio, pag. 13, Aulæ nostræ majestas stat tantum fama et patientia hominum. {a} Ce que le pape fait en Italie avec son secret, le cardinal de Richelieu le fait en France, qui, cum sit Aulicarum artium callentissimus, {b} tire tant d’argent qu’il veut de ce pauvre et misérable royaume. »


  1. « par l’indulgence des rois ; tant est vrai le propos de de Thou qu’on lit au livre i de sa vie, page 13, et que tenait un certain cardinal Prospero Santacrucio sur la puissance de la cour romaine : “ La majesté de notre cour repose uniquement sur sa réputation et sur la patience des hommes. ” »

  2. « comme étant le plus habile pratiquant des ruses auliques » (c’est-à-dire des ruses de la cour).

60.

« prouver l’incertain par le plus incertain » : formule attribuée à Ulrich Zwingli, humaniste et réformateur protestant suisse (v. note [44], lettre 183).

V. note [71] du Naudæana 1 pour d’autres propos de Gabriel Naudé sur Apollonius de Tyane (v. note [4], lettre 986).

61.

Pour la commodité de la lecture, j’ai regroupé ces trois paragraphes sur Apollonius de Tyane ; dans le Naudæana ils sont imprimés page 60, pour le premier, et pages 63‑64, pour les deux derniers.

Gabriel Naudé renvoyait ici à trois savants auteurs « modernes » qui ont donné foi au récit de Philostrate faisant d’Apollonius l’Antéchrist ou un magicien.

  1. La page 1052 des Annotationes in libros Evangeliorum [Annotations sur les livres des Évangiles] de Hugo Grotius (Amsterdam, 1641, v. note [2], lettre 53) appartient à son traité sur l’Apocalypse (ou Révélation) de saint Jean. Les commentaires de Grotius portent sur les passages (que j’ai mis en italique) de deux versets relatifs à la Bête.

    • 13:3 : « Une de ses têtes paraissait blessée à mort ; mais sa plaie mortelle fut guérie, et toute la terre, saisie d’admiration, suivit la bête. »

      Annotation de Grotius :

      Lapso Capitolio futurum multi crediderant ut tota simul idolatria, cujus ibi præcipua sedes fuerat, corrueret. Sed longe aliter evenit. Nam et Capitolium restitutum fuit, et eo ipso tempore nosci cœpit Apollonius.

      [Beaucoup avaient cru qu’une fois le Capitole détruit, {a} en même temps s’écroulerait toute forme d’idolâtrie, puisqu’il en était le siège principal ; mais il en advint bien autrement : non seulement le Capitole fut reconstruit, {b} mais, au même moment, Apollonius commença à se faire connaître].

    • 13:13 : « Elle opérait aussi de grands prodiges, jusqu’à faire descendre le feu du ciel sur la terre, à la vue des hommes. »

      Annotation de Grotius :

      Id factum et cum Apollonius nasceretur et cum simulacrum Achillis excitasset.

      [Cela est advenu, et parce qu’Appolonius est venu au monde, et parce qu’il a ranimé l’ombre d’Achille]. {c}


      1. Incendie du Capitole romain en l’an 69 de notre ère, lors de la guerre entre les empereurs rivaux, Vespasien et Vitellius.

      2. Reconstruction du Capitole par Vespasien dès l’an 75, et début de la notoriété d’Apollonius (ici tenu pour le restaurateur de l’idolâtrie).

      3. Allusion à trois chapitres appartenant au livre iv de Philostrate :

        • xi‑xii, « Apollonius à Troie. Visite à l’ombre d’Achille, qui lui ordonne de congédier un de ses disciples, Troyen d’origine, et de rendre honneur au tombeau de Palamède à Lesbos » ;

        • xvi, « Récit de son entrevue avec l’ombre d’Achille ».

        V. note [43] du Borboniana 7 manuscrit pour la prédiction de l’incendie du Capitole par Apollonius dans son entretien avec Vespasien.


  2. Le chapitre xv (page 193‑201), livre ii des Vates… [Devins…] de Pierre i Du Moulin (Leyde, 1640, v. note [9], lettre 407) est en partie consacré aux impostures d’Apollonius. La page 195, qui raconte quelques prodiges qu’on lui a attribués, m’a toutefois paru moins intéressante que la page 193, qui introduit et résume le personnage :

    Cum inclaresceret toto orbe Apostolorum doctrina, et esset miraculis illustris, Satan summus technarum artifex usus est opera quorundam Philosophorum, qui miraculis et vaticiniis populorum oculos in se converterent, ut a Christo averterentur. Inter quos longe eminet Apollonius Tyanæus Cappadox, Apostolis coævus. Cum enim sub Nerone floreret, vitam usque ad Traiani tempora produxit. Is quidem de Christo nullum verbum fecit, nec in religionem Christinam invectus est, sed miraculorum Christi et Apostolorum æmulus, et sublimis arcanæque sapientiæ assectator, aut potius affectator, usque adeo inclaruit, ut a multis haberetur Deus. Eum Porphyrius Christo-mastix opponebat Christo, ut miraculis parem.

    [Tandis que la doctrine des apôtres illuminait le monde entier et se rendait célèbre pour ses miracles, Satan, éminent maître en l’art des fourberies, a utilisé les œuvres de certains philosophes qui, au moyen de miracles et de prophéties, attirèrent sur eux les yeux des peuples pour les détourner du Christ. Apollonius de Tyane, en Cappadoce, contemporain des apôtres, est de loin le plus remarquable d’entre eux. Il a fleuri sous Néron et a vécu jusqu’au temps de Trajan. {a} Il n’a certes pas dit mot du Christ et n’a pas attaqué la religion chrétienne, mais il a cherché à égaler les miracles de Jésus et de ses apôtres ; et, comme sectateur, ou plutôt comme simulateur d’une sublime et secrète sagesse, il a tant brillé que beaucoup l’ont tenu pour Dieu. Porphyrius Christo-mastix {b} l’opposait au Christ, à tenir pour son égal en miracles].


    1. Néron a régné de 54 à 68, et Trajan, de 98 à 117.

    2. Littéralement « Porphyrion [roi des géants] qui fouette [mastigat] le Christ » : probable métonymie de Du Moulin pour désigner Satan.

  3. L’ouvrage de Maresius (Samuel Desmarets), contre Grotius, intitulé Concordia discors et Antichristus revelatus… [Accord discordant et l’Antéchrist révélé…] (Amsterdam, 1642, v. note [14], lettre 76) est composé de deux livres séparés, mais leurs pages 137 ne contiennent aucun passage concernant Apollonius. Il est néanmoins question de lui en plusieurs endroits du second livre. Les pages 367‑371 (chapitre x, § 9) y ont particulièrement retenu mon attention car elles éclairent le propos de Grotius rapporté dans la citation 1 supra :

    Dubitasse homines de vi Deorum lapso Capitolo, aut ideo nutasse Idolatriam, nemo dixit. Sed dubitarunt tunc homines de æviternitate Romæ, et illius finem adesse, ut sunt omina imperia suis revolutionibus obnoxia, crediderunt : Imo potius in Capitolii excidio Deorum vim et potentiam sunt venerati. Tacitus Hist. iv refet nihil æque quam incendium Capitolii ut finem Imperii adesse crederent Gallos et Germanos impulisse. Captam olim a Gallis urbem, sed integra Iovis sede mansisse Imperium. Fatali nunc igne, signum cœlestis iræ datum, et possessionem rerum humanarum transalpinis gentibus portendi, superstitione vana Druidæ canebant. Hoc-ne erat de vi Deorum dubitare, an potius illam præsentem et extraordinariam in illo lapsu venerari ? Sed demus Grotio sic volenti quia vult, dubitatum apud plerosque, lapso Capitolio, de vi Deorum, hancque fuisse plagam non Imperii quæ videretur ejus ruinam portendere, sed Idolatriæ, saltem ut sibi constet debebit docere hanc plagam sanatam, hunc scrupulum exemptum fuisse Capitolii ejusdem per Vespasianum restitutione. Quid ergo vulneri jam sanato potuerunt amplius conferre Appolonii miracula ? vel quid opus isto Chirurgo, postquam obducta plagæ cicatrix fuerat ? Populus plura colligebat indicia favoris numinum et imperii Romæ æternum mansuri ex Capitolii reparatione, qua ipsa Roma sibi visa est resurgere, quod et significarunt Vespasiani numismata, quam ex omnibus Apollonii præstigiis, etsi vere et publice ab illo, quæcunque istius generis falso narrantur, facta fuissent. Et cur plus efficaciæ habuissent Apollonii opera post restitutum Capitolium ad illam dubitationem auferendam, quam ea quæ fecerat ante Capitolium dirutum, vel sub ipsius lapsu, ad illam præveniendam ? Ecquæ vero nobis finget aut narrabit miracula Romæ ab eo edita, ex quibus populus male institutus, antea de diis suis desperans, vim aliquam illis inesse collegerit ? Nam quod puellam Romæ defunctam, ut loquar cum Eusebio in Hieroclem, ab obitu revocarit, cum sit factum hoc, vel ipsi Philostrato incredibile, nos quoque a nobis penitus excludamus. Id etiam quodcunque fuerit ad Neronis tempora pertinuit. Plurimum vero ad rem facit, quod jam diu ante Domitianum, ante Capitolium collapsum, nedum restitutum, ante Vespasianum, qui etiam fingitur supplex ab Apollonio petiisse, ut se faceret Imperatorem, innotuerat et inclaruerat iste agyrta sub ipso Nerone ; quia hoc evertit commentum Grotii de Magia e terra ascendente et Apollonio signis inclarescente demum post prioris bestiæ vulnus et inflictum et sanatum, id est Capitolium eversum et reparatum. Ad Vespasiani et filiorum ejus imperium pertinuisse præcipua Apollonii opera non verum est. Ex iis quæ retulerat Commentatio Grotii ista Vespasianum præcesserant, Arbor eum allocuta, Empusa ab eo fugata, Pestilentia sub habitu mendici obambulans oppressa Ephesi, quæ ut et cœtera vanitatis et falsitatis arguuntur ab Eusebio. Sed quod magis est, si præcipua opera Apollonii sub his tribus facta fuerunt, ad hos tres erit restringenda et eorum curriculum, quicquid virium exeruit Satan per Apollonium pro Idolatria et contra Christianos. Verum Vespasianus et Titus, nihil in Christianos sunt moliti propter Apollonium et illius prætigias ; Domitianus vero qui Christianis fuit infestus, Appolonium quem contempsit et plecti voluit, non habuit incentorem.

    [Personne n’a dit si la destruction du Capitole a fait douter les hommes de la puissance des dieux, et donc chanceler l’idolâtrie : ont-ils alors mis en doute l’éternité de Rome et cru la voir toucher à sa fin, puisque tous les empires sont exposés à des retournements ? ou n’ont-ils pas plutôt vénéré la force et la puissance des dieux quand le Capitole est tombé ? Au livre iv de ses Histoires, Tacite relate que rien n’aurait, plus que l’incendie du Capitole, mené à croire que l’Empire toucherait à sa fin, si Gaulois et Germains l’avaient provoqué. Jadis, disait-on, Rome avait été prise par les Gaulois ; mais la demeure de Jupiter était restée debout, et l’Empire avec elle. Ces flammes, par contre, le destin les aurait allumées comme un signe de la colère céleste et un présage que la souveraineté du monde allait passer aux nations transalpines : telles étaient les vaines et superstitieuses prédictions des druides. {a} Ne s’agissait-il pas, au travers de cet incendie, de mettre en doute la puissance des dieux, plutôt que de vénérer sa réalité surnaturelle ? Se laissant aller à croire ce qu’il voulait, Grotius a considéré que la chute du Capitole avait mis en doute la puissance des dieux chez la majorité des gens ; il a donc pensé qu’il ne s’agissait pas d’une plaie infligée à l’Empire, qui aurait paru annoncer sa propre ruine, mais d’une plaie infligée à l’idolâtrie. Ce faisant, il aurait au moins dû reconnaître que cette plaie a guéri et que Vespasien a levé tout encombre en reconstruisant le Capitole. Qu’est-ce donc que les miracles d’Apollonius ont pu faire de plus à une blessure déjà guérie ? Quel besoin a-t-on eu de ce chirurgien après qu’une cicatrice l’eut refermée ? Le peuple avait recueilli les nombreux indices montrant que la restauration du Capitole allait rétablir la faveur des divinités et l’éternité de Rome, que Rome elle-même semblait se relever : les médailles de Vespasien en ont témoigné bien plus éloquemment que toutes les supercheries d’Apollonius, pour autant qu’il ait véritablement et publiquement accompli tout ce qu’on a pu faussement lui attribuer. Pourquoi les œuvres d’Apollonius seraient-elles plus efficaces à lever ce doute après la reconstruction du Capitole que ne l’ont été à prévenir ce doute celles qu’il avait accomplies avant sa destruction ou pendant qu’il était en ruine ? Invente-t-on vraiment quand on nous raconte les miracles qu’il a faits à Rome, auxquels le peuple mal instruit aurait attribué quelque crédit car il avait alors perdu confiance en ses propres dieux ? Je cite Eusèbe contre Hiéroclés : De fait, nous refuserions absolument de croire qu’il ait ramené à la vie une petite fille morte, puisque Philostrate lui-même a tenu ce fait pour incroyable. {b} Cela, comme tout le reste, s’est passé au temps de Néron. En vérité, bien des arguments confirment que ce charlatan s’était déjà fait connaître et avait brillé sous Néron ; soit bien avant Domitien, avant la destruction et la reconstruction du Capitole, avant Vespasien, qui est supposé avoir supplié Apollonius de le faire empereur. {c} Cela renverse l’argument de Grotius sur une magie qui serait sortie de terre et d’un Apollonius qui n’aurait commencé à briller par ses prodiges qu’après la survenue et la guérison de la plaie subie par la première Bête, {d} c’est-à-dire après la destruction et la restauration du Capitole. Il n’est pas vrai qu’Apollonius a accompli ses principaux actes sous le règne de Vespasien et de ses fils. {e} Certains des faits que Grotius relate dans son commentaire s’étaient produits avant Vespasien : cet arbre avec lequel il a conversé, Empusa qu’il a mise en fuite, la peste dont il a étouffé Éphèse en rôdant sous un déguisement de mendiant, et autres contes dont Eusèbe a dénoncé l’ineptie et la fausseté. {f} Qui bien plus est, pourtant, si Apollonius avait accompli ses principaux actes durant le règne de ces trois empereurs, toutes les puissantes entreprises de Satan en faveur de l’idolâtrie et contre les chrétiens n’auraient dû se manifester que pendant leurs trois gouvernements consécutifs. En vérité, Vespasien et Titus n’ont rien machiné contre les chrétiens sous l’influence d’Apollonius ou de ses supercheries ; mais Domitien, qui fut hostile aux chrétiens, n’y a pas été incité par Apollonius car il l’a méprisé et a voulu le châtier].


    1. Dans son commentaire sur l’incendie du Capitole en l’an 69 de l’ère chrétienne, par les Romains eux-mêmes (v. supra première notule {a}), Tacite (Histoires, livre iv, chapitre liv) se remémorait l’invasion gauloise de Rome en 390 s. av. J.‑C. ; mais de célèbres oies avaient donné l’alerte et avaient empêché les assaillants de prendre le Capitole et de le détruire.

      V. notule {c}, note [14] des triades du Borboniana manuscrit, pour les druides.

    2. Critique d’Eusèbe de Césarée (v. note [23], lettre 535) contre Hiéroclès Sossianos (v. note [1] du Borboniana 6 manuscrit), à propos d’Apollonius : Eusebii Cæsariensis Episcopi liber contra Hieroclem, qui ex Philostrati historia comparavit Apollonium Tyanæum salvatori nostro Iesu Christo [Livre d’Eusèbe, évêque de Césarée, contre Hiéroclès qui, en se fondant sur le récit de Philostrate, a fait d’Apollonius de Tyane l’égal de Jésus-Christ, notre sauveur] (traduit du grec en latin par Zenobius Acciolus, natif de Florence, Cologne, Joannes Gymnicus, 1532, in‑8o, page 437). Bayle a résumé cette querelle religieuse dans la note A de son article sur Hiéroclès.

    3. Rappel chronologique : la destruction du Capitole (en 69) a suivi le règne de Néron (54‑68) ; Vespasien (69‑79) l’avait reconstruit en 75 ; Domitien a été empereur de 81 à 96 ; Apollonius, contemporain des apôtres de Jésus, aurait vécu près de cent ans.

    4. L’Apocalypse de Jean fait état de deux bêtes : la première est un dragon assimilé à Satan ; la seconde, une sorte de bouc, faux prophète thaumaturge qui se mit au service du dragon.

    5. Les Flaviens (Vespasien, Titus et Domitien) ont régné sur l’Empire de 69 à 96.

    6. Tous ces prodiges appartiennent à la légende d’Apollonius racontée par Philostrate et vivement contestée par Eusèbe. Seule Empusa mérite explication (Fr. Noël) : « spectre qu’Hécate envoyait, dit-on, aux hommes pour les effrayer ; c’était un fantôme féminin qui n’avait qu’un pied et qui prenait toutes sortes de formes hideuses. »

Ainsi donc, pour conclure cette digression, dont le bienveillant lecteur voudra bien me pardonner la longueur :

62.

Cette assertion isolée, sans relation avec ce qui précède ou ce qui suit, est la relique d’une rubrique fort mutilée du Naudæana manuscrit de Vienne :

« Je n’ai point vu de plus vieux manuscrits en lieu du monde qu’en la Bibliothèque vaticane à Rome. Il y en a in membra<na> in charta pergamena. {a} Il y a un Térence et un Virgile fort vieux. Le Térence a été à Bembus. {b} Il est écrit litteris uncialibus, < en > lettres capitales. {c} Le Virgile ne laisse pas d’y être extrêmement fautif, le 1er vers de la seconde églogue y est ainsi :

Formosum corydon pastor audebat Alexim. » {d}


  1. Je ne sais donner de sens à ce latin qu’en y changeant l’ordre des mots : in charta, in membrana pergamena, « en papyrus [v. note [8] du Naudæana 3], en parchemin [v. note [15], lettre 117] ».

  2. V. notes [67], remarque 1, du Naudæana 1 pour Bembus (Pietro Bembo), et [1], lettre 56, pour Térence, auteur latin du iie s. av. J.‑C.

  3. Aussi appelées onciales : « Les antiquaires [historiens de l’Antiquité] donnaient cette épithète à certaines lettres ou grands caractères dont on se servait autrefois pour faire des inscriptions et des épitaphes. Ce mot vient du latin uncia, qui était la douzième partie d’un tout et qui, en mesures géométriques, valait la douzième partie d’un pied, ou un pouce ; et telle était la grosseur de ces lettres » (Furetière).

  4. Bucoliques, églogue ii, vers 1 :

    Formosum pastor Corydon ardebat Alexin.

    [Le berger Corydon brûlait pour le bel Alexis].

    Les mauvais esprits pourront penser que Gabriel Naudé n’était tout de même pas allé regarder n’importe quel vers de Virgile.

63.

Maffeo Vegio, Mapheus (ou Maphæus) Vegius Laudensis (natif de Lodi, Lombardie 1407-Rome 1458), écrivain humaniste, a laissé de nombreux ouvrages écrits en latin. Gabriel Naudé en citait deux.

Le pape Martin v (numéroté iii, par erreur, dans l’édition imprimée), Oddone Colonna (Genazzano, Latium 1368-Rome 1431) a été élu en 1417.

V. notes [49] supra pour Eugène iv, et [5], lettre 969, pour Nicolas v.

Un notaire apostolique « reçoit et expédie des actes en matière spirituelle et bénéficiale, comme les résignations de bénéfices, concordats de permutation, etc. Il a une commission du pape confirmée et approuvée par l’évêque diocésain, et il est opposé à notaire royal » (Furetière).


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 194‑199 :

« Maphæus Vegius Laudanensis. Il fallait dire Laudensis, “ né à Lodi ” dans le Milanais en 1407. Il n’avait pas encore 16 ans, qu’il était auteur. {a} C’est ce qu’il nous apprend lui-même dans son poème intitulé Pompeiana, qu’il fit en 1423, dans lequel il dit :

                               tria lustra peregi,
Nunc alium volvens fatis ducentibus ævum,
Ætatis meta ista meæ
. {b}

Bien plus, dès l’année précédente, c’est-à-dire en 1422, il s’était diverti à composer quelques élégies et des épigrammes contre la vie champêtre. {c} Ces poésies furent imprimées avec d’autres en 1521, par les soins du fameux musicien Franchinus Gafurius, son compatriote : {d} ce qui n’a pas été su de celui qui a pris soin de la dernière édition de la Bibliothèque des Pères, {e} et qui n’aurait pas dû plutôt oublier ces poèmes de Vegius que quelques autres du même auteur qu’il a insérés dans le 26e tome de cette Bibliothèque. On peut voir, dans les historiens des écrivains ecclésiastiques et autres, {f} l’éloge de notre Maphæus. Il mourut âgé de cinquante et un ans en 1458 : les uns disent en 1457, et d’autres en 1459. En attendant qu’on soit éclairci de la vérité, il me suffira de faire ici deux ou trois remarques. La première < est > qu’il y a encore plusieurs pièces manuscrites de cet auteur dans les bibliothèques, qui mériteraient que quelque curieux se voulût charger du soin de les ramasser et de nous donner une édition complète de toutes les œuvres du Vegius. 2. Que son dialogue de amore veritatis a été traduit et paraphrasé en vers français par un nommé Du Val, qui intitula son ouvrage Le triomphe de Vérité, où sont montrés infinis maux commis sous la tyranie de l’Antéchrist, fils de perdition, tiré d’un auteur nommé Maphæus Vegius et mis en vers par Pierre Du Val, humble membre de l’Église de Jésus-Christ. Ce livre fut imprimé en Angleterre en 1522 in‑8o ; on peut juger par le titre que le traducteur n’a pas épargné le pape ni l’Église romaine. Ma troisième remarque sera sur une bévue de Franciscus Modius, jurisconsulte et fameux antiquaire de Bruges, qui crut donner en 1579 quelque chose de fort nouveau au public, que de faire imprimer un poème de notre Maphæus intitulé Astyanax, auquel il en joignit un autre du même auteur sur la Toison d’or. {g} Il ne put s’empêcher de se savoir bon gré à lui-même (pour ne rien dire de plus) d’avoir tiré de l’obscurité ces deux poèmes, et de les avoir fait paraître pour la première fois, car c’est ainsi qu’il s’en explique ; cependant, il y avait déjà eu deux éditions de l’Astyanax, que l’on avait publié plus de 60 ans auparavant, avec l’abrégé de L’Iliade, d’un Pindare de Thèbes, et quelques épigrammes de différents auteurs. La première édition est de Fano en 1505, elle fut procurée par Laurent Abstemius, bibliothécaire du duc d’Urbin, {h} à qui nous devons les fables et annotations critiques sur différents passages d’auteurs. La seconde se fit en la même ville en 1515, {i} il n’y a rien de différent de la première édition, sinon que le nom de Laurent Abstemius n’y paraît plus, et qu’un certain Franciscus Polyardus, qui a donné cette seconde, a eu soin d’en retrancher quelques épigrammes, entre autres celle-ci :

Jacobi Constantii Epigramma in quo Civitas Fani loquitur.

Servitio pressit Clemens me Sextus, et Inno-
centius, asseruit cura secunda Pii.
Sextus Alexander rursum servire coegit.
Asseruit rursum Tertius ecce Pius.
Fata igitur regnare modo quis deneget : osa
Cum fuerim a Sextis semper, amata Piis
. {j}


  1. « On pourrait l’ajouter aux Enfants célèbres de M. Baillet » (note de Vitry) : v. notule {b}, note [10] du Naudæana 1.

  2. « … j’ai parcouru trois lustres, {i} et me tourne maintenant vers l’autre âge qui décide du destin, où sera la fin de mon existence. » {ii}

    1. Trois périodes de cinq années.

    2. Vers tirés de l’ode intitulée Maphei Vegii Laudensis Pompeana [Pompéienne de Mapheus Veggius, natif de Lodi], et signée Ex Villa Pompeiana. Agri Laudensis. m.cccc.xxiii [De la villa Pompéienne. Dans la campagne de Lodi. 1423], dans une anthologie de divers auteurs, dont le titre est un sommaire détaillé, qui a paru à Turin en 1521 (Franciscus de Sylva, in‑4o), 13e‑15e vers de la page D vo.

  3. Dans la même édition de Turin, 1521, la Pompeiana est suivie de 24 Epigrammata in rusticos [Épigrammes contre les campagnards] (pages D ii ro‑[E iv vo]), que Veggius a datées de la villa Pompeiana, en 1422.

  4. L’anthologie poétique de Turin (1521) contient (pages [a iv vo]‑[e iii vo]) une Bartholomei Philippinei Gaphuriani Nominis assertoris, in Io. Vaginarium Bononien. Apologia [Apologie de Bartolomeo Filippino, assesseur de la réputation des Gaffurio, contre Gio. Vaginaro, natif de Bologne] en prose, qui défend la mémoire de Veggius (50 ans après sa mort), et où figurent deux dates (Milan le 14 décembre 1495, et sans lieu le 19 janvier 1497) et le nom de Franchinus Gaphurius Laudensis, c’est-à-dire le musicien Franchino Gaffurio (Lodi 1541-Milan 1522).

  5. Maxima Bibliotheca veterum Patrum, et antiquorum Scriptorum ecclesiasticorum. Primo quidem a Margarino de La Bigne, in Academia Parisiensi Doctore Sorbonico, in lucem edita. Deinde celeberrimorum in Universitate Coloniensi Doctorum studio, plurimis Authoribus, et Opusculis aucta, ac historica methodo per singula sæcula quibus Scriptores quique vixerunt, disposita. Hac tandem editione Lugdunensi, ad eandem Colonensem exacta, novis supra centum Authoribus, et Opusculis hactenus desideratis, locupletata, et in tomos xxvii distributa.… Tomus vigesimussextus, continens Scriptores ab ann. Christi 1300. ad ann. 1600.

    [La très grande Bibliothèque des Pères et des anciens écrivains ecclésiastiques. Elle a été publiée pour la première fois {i} par Margarin de La Bigne, docteur de Sorbonne en l’Université de Paris ; ensuite, {ii} par les soins des docteurs les plus célèbres de l’Université de Cologne, augmentée de très nombreux auteurs et opuscules, et distribuée suivant la méthode historique suivant le siècle où chaque auteur a vécu. La présente édition lyonnaise, enfin, conforme à celle de Cologne, est enrichie de plus de cent nouveaux auteurs et opuscules qui y manquaient jusqu’ici, et divisée en 27 tomes… Tome vingt-sixième contenant les écrivains des années 1300 à 1600]. {iii}

    1. En 1575, 9 tomes.

    2. En 1618-1622, 14 tomes.

    3. Lyon, chez les Anisson, 1677, in‑fo de 816 pages.

    Les œuvres de Mapheus Veggius y sont imprimées pages 1632‑1787, mais sans les pièces citées dans les notule {b} et {c} supra.

  6. « Epit. Gesner. p. 561. Sixtus Senens. lib. 4. Miræi auct. ad Biblioth. Eccles. pag. 270. Ghilini Theatr. part. 2 Baillet Jugem. tom. 4. part. 3. Du Pin 15. siècle » (note de Vitry que tout lecteur intéressé devra déchiffrer et exploiter sans mon aide).

  7. Maphei Vegii Laudensis Astyanax et Vellum sic pour : Vellus > Aureum, nunc primum edita, opera Francisci Modii Brugensis [L’Astyanax et la Toison d’or de Mapheus Vegius, natif de Lodi, publié pour la première fois par les soins de Franciscus Modius, natif de bruges] (Cologne, Maternus Cholinus, 1579, in‑8o).

  8. Pyndari Bellum Troianum ex Homero. Maphæi Veggii Astyanax. Epigrammata quædam [La Guerre de Troie que Pyndare (distinct du célèbre poète grec Pindare, v. note [3], lettre 530) a tirée d’Homère. L’Astyanax de Maphæus Veggius. Quelques Épigrammes (disparates)] (Fano, sans nom, 1505, in‑8o). L’épître dédicatoire de Laurentius Abstemius (Lorenzo Bevilaqua, 1440-1508) à Ramberto Malatesta, comte de Sogliano, est datée de Fano le 30 avril 1505. Fano est une ville des Marches, dans la province de Pesaro et Urbino.

  9. Je n’ai trouvé que la référence de cette édition : Fano, Hieronymus Soncinus, 1515, in‑8o.

    L’Astyanax et les quatre livres de la « Toison d’or » (Velleris aurei) figurent aussi aux pages 1764‑1773 de la Maxima Bibliotheca (26e tome, Lyon, 1677, v. supra notule {e}).

  10. « Épigramme de Jacobus Constantius, {i} où parle la cité de Fano.

    Clément vi m’a contrainte à l’esclavage, comme fit Innocent. {ii} La sollicitude de Pie ii {iii} m’a protégée. À son tour, Alexandre vi {iv} m’a soumise de force, et voici que Pie iii m’a secourue de nouveau. {v} Qui donc alors nierait que je suis le jeu du sort, puisque j’aurai été haïe par les vi, et aimée par les Pies ? » {vi}

    1. Littérateur natif de Fano qui a publié plusieurs ouvrages sur Ovide.

    2. Le pape Innocent vi (le Français Étienne Aubert,1352-1362) a succédé à Clément vi (le bénédictin français Pierre Roger, 1342-1352).

    3. Je n’ai pas su traduire autrement qu’en remplaçant secunda (qui est pourtant imprimé dans les trois versions que j’ai vues) par secundi.

      V. note [45] du Naudæana 3 pour le pape Pie ii (1458-1464).

    4. Rodrigo Borgia, pape de 1492 à 1503 (v. note [19], lettre 113.

    5. Pie iii, Francesco Todeschini Piccolomini a régné 28 jours en 1503

    6. Cette épigramme, qui joue sur les noms des papes pour s’amuser de leurs relations tourmentées avec la ville de Fano, conclut les pièces liminaires du recueil cité dans la notule {h} supra (Fano, 1505, page [A iv vo]).

      Son exhumation par le R.P. de Vitry atteste de son érudition littéraire, mais laisse perplexe quant aux intentions profondes de ce jésuite envers le Saint-Siège.


64.

« qui s’est immolé pour nous ».

Imola, une trentaine de kilomètres au sud-est de Bologne, et Brisighella, 26 kilomètres au sud-est d’Imola, sur les pentes de l’Apennin tosco-romagnol, sont deux petites villes d’Émilie-Romagne.

65.

« qui, pour nous, est né à Brisighello. »

La phrase exacte du Credo catholique est : Crucifixus etiam pro nobis, sub Pontio Pilato passus, et sepultus est [Crucifié pour nous sous Ponce Pilate, il a souffert sa passion et a été enseveli]. L’altération (immolatus pour crucifixus), qui n’existe nulle part ailleurs, laisse à penser que cette plaisanterie a été inventée par Gabriel Naudé ou par celui qui la lui a racontée (mais Naudé était trop bon latiniste pour s’y être laissé prendre). Toujours est-il que plusieurs savants auteurs l’ont ensuite prise pour du bon pain.

66.

Alfonso Ceccarelli (Alphonsus Ciccarellus ; Bevagna, Ombrie 1532-Rome 1583) fut d’abord médecin en diverses villes d’Ombrie, puis s’installa à Rome et consacra l’essentiel de son activité à forger des archives à très grande échelle : récits historiques, généalogies, documents administratifs, etc. La juridiction pontificale le mit en accusation et le condamna à mort ; il fut décapité sur le pont Saint-Ange, devant le château homonyme (v. notule {d}, note [46] du Naudæana 3), le 9 juillet 1583.

Leo Allatius (v. note [1] du Naudæana 1) a dénoncé ses graves et multiples impostures dans ses in antiquitatum Etruscarum fragmenta ab Inghiramio edita Animadversiones. Additur eiusdem Animadversio in Libros Alphonsi Ciccarelli, et Auctores ab eo confictos [Remarques contre les Fragments d’antiquités étrusques publiés (à Francfort, en 1637) par (Curzio) Inghirami (archéologue italien, 1614-1655). Avec, du même auteur, une Remarque contre les livres d’Alphonsus Ciccarellus, et contre ses apocryphes] (Rome, Mascardus, 1642, in‑12 de 360 pages). Allatius y a dressé la liste détaillée des supercheries de Ceccarelli sous la forme de deux index :


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 199‑200 :

« Alphonsus Ciccarellus, Alfonso Ceccarelli, était de Bevagna dans l’Ombrie. Les uns disent que ce faussaire fut pendu, ayant eu auparavant le poing coupé, et son cadavre ensuite jeté au feu ; d’autres assurent qu’il fut seulement condamné à perdre la tête. Ce fut après le mois de novembre 1580, Ceccarelli avait alors 48 ans. {a} Allatius a fait l’histoire des fourberies de cet homme ; et de peur que la postérité en fût trompée aux faux titres qu’il avait fabriqués, il a donné une liste exacte de tout ce que Ciccarelli avait composé, tant ce qui est imprimé que ce qui est resté manuscrit dans les bibliothèques d’Italie. Cette liste se trouve à la fin des remarques du même Allatius sur les < fragments des > antiquités étrusques d’Inghirami, de l’édition de Rome en 1642, in‑8o. » {b}


  1. Selon la biographie très complète fournie par le Wikipedia italien, Ceccarelli fut exécuté en 1583, âgé de 51 ans.

  2. Je n’ai vu cette édition, citée supra, qu’in‑12 et non in‑8o. Il en existe une plus ancienne in‑4o, parue à Paris, chez Sabastien Cramoisy, en 1640, mais elle ne contient pas la remarque d’Allatius contre Ceccarelli.

67.

Érasme convenait lui-même de sa bâtardise (v. note [3], lettre 44). Celle de Jérôme Cardan n’est qu’alléguée (v. note [96] du Faux Patiniana II‑7), tout comme celle d’Antonius Campanus (Giovanni Antonio Campani ; Cavelli, Campanie 1429-Sienne 1477) : prélat humaniste et écrivain latin, il jouit d’un grand renom sous les papes Pie ii (1458-1464, v. note [3], lettre 344) et Paul ii (1464-1471, v. note [15] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii), puis tomba en disgrâce.

La toute première édition de ses œuvres complètes par Michael Fernus {a} (Rome, Eucharius Silber alias Franck, 1495) est dite in‑fo, mais son format n’est pas identifiable car ses pages n’ont ni numéros ni signatures. Elle ne porte pas le titre d’Opera omnia : la cloche (campana en latin) de son frontispice lui sert de signature. Elle est entourée par le sommaire complet qui se conclut sur cette épigramme qui fait parler ladite cloche :

Pulsabar solida et toti notissima mundo
Per cœlum et terras fama vagata mea est.
Turbida tempestas rupit me sola Tyferni
Nubila dum sonitu rumpere posse puto.
Me miseram fulul rapiebant frustra metalli
Et qui curaret reddere nemo fuit.
Sed me iterum Fernus vigili sudore Michael
Iam tandem fudit præ pietate meus.
sint gratiæ domino
.

[Solide, je sonnais et j’étais la plus célèbre du monde entier ; ma réputation s’est étendue par le ciel et par les terres. Une furieuse tempête m’a brisée quand je croyais mon tintement capable à lui seul de rompre les nuées du Tifernus. {b} Les écailles de métal qu’elles m’ont arrachées m’ont laissée misérable et ébréchée, {c} et nul n’a pris soin de me réparer. Mais voici qu’enfin mon cher Fernus, {a} m’a pieusement refondue par son inlassable labeur. Grâces soient rendues au Seigneur].


  1. La vie de Michael Fernus Mediolanensis (Michele Ferno, natif de Milan, vers 1465-1513), juriste et ecclésiastique érudit, est mal connue. Il doit l’essentiel de son renom à son édition des œuvres de Campanus.

  2. Tifernus est le nom antique d’une montagne du Samnium (sud des Apennins), aujourd’hui appelée les monts (ou massif) du Matese, dans la province de Bénévent, qui culminent à 2 000 mètres.

  3. Traduction libre et contextuelle où j’ai été dérouté par le mot fulul : je n’ai su lui trouver qu’une origine arabe, dérivée du verbe falla « ébrécher la lame d’un sabre ».


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 200‑204 :

« À peine y a-t-il un mot de vrai dans tout cet article de < Naudé sur > Campanus. Ces prétendues circonstances de sa naissance illégitime ne sont point rapportées par Michel Fernus qui a écrit sa vie. {a} Il nous apprend seulement que Campanus était né de parents fort pauvres, qu’il perdit son père n’ayant encore que trois ans, et que cette perte fut bientôt suivie de celle de sa mère. Ses parents < adoptifs >, que la pitié avait obligés de prendre soin de cet enfant, l’employèrent de bonne heure aux emplois les plus vils de la vie rustique ; mais, remarquant en lui une envie extraordinaire d’apprendre, ils crurent ne pas devoir laisser perdre cette heureuse inclination. Ils le firent entrer au service d’un prêtre de Galluzzo qui le prit en affection et qui, après lui avoir montré le peu de latin qu’il savait, l’envoya à Naples pour y achever ses études. {b} Campanus eut le bonheur de profiter en cette ville des leçons du célèbre Laurent Valle. {c} Après y avoir demeuré six ans, il passa à Pérouse où il enseigna la grammaire. S’y étant acquis l’amitié du cardinal de Pavie, ce prélat l’engagea à suivre et le fit entrer, en qualité d’intendant ou de majordome, chez le cardinal Saxoferrato. {d} Son mérite le fit bientôt connaître de Pie ii, qui lui donna l’évêché de Crotone, et le lui changea quelque temps après pour celui de Teramo dont les revenus étaient plus considérables. Paul ii, qui succéda à ce pape lui fit aussi quelques biens et l’envoya en Allemagne avec le cardinal de Sienne qui y allait en qualité de légat pour exhorter les princes de ce pays à s’unir contre les Turcs. {e} Nous avons parmi les œuvres de Campanus la harangue qu’il fit pour les y engager. Revenu en Italie, Sixte iv le chargea du gouvernement de Todi, puis de celui de Foligno, et enfin, de celui de Molise ; mais Campanus ayant écrit une lettre un peu forte à ce pape en faveur des habitants de cette dernière ville, qui y étaient menacés de guerre par les troupes de Sa Sainteté, il eut ordre de se retirer. Quelque soumission qu’il voulût faire, il ne put le fléchir. Il se retira à Naples auprès du roi Ferdinand qui le fit son secrétaire. {f} La jalousie que quelques seigneurs de cette cour conçurent contre lui ne lui permit pas d’y faire un long séjour. Il s’en vint à Florence où il fit encore parler au Saint Père en sa faveur, mais inutilement ; ce qui le porta à un tel désespoir, ut cum Turcis vivere præstare contenderet. Quo si quando se contulisset futurum ut reliquis mortalibus sensa adaperiret. Multorumque perfidiam, libidinem, Christianorumque nequitiam, quando id inter eos non posset, et pietas tanta immanitate plecteretur passa, et reliquæ posteritati cognita faceret. {g} Mais son âge et sa dignité l’empêchèrent d’exécuter ce dessein indigne de lui. Il resta quelque temps à Teramo, qu’il quitta pour s’en venir à Sienne qu’il avait toujours aimée, en mémoire de son cher patron Pie ii. Ce fut dans cette ville qu’il mourut en 1477, le 15 juillet, âgé de plus de 50 ans. Son historien ne fait point entendre qu’il soit mort du haut mal. {h} Ce que nous venons de dire de Campanus est tiré de sa vie qui se trouve parmi ses œuvres, que Michel Fernus de Milan recueillit et fit imprimer à ses dépens, à Rome en 1495, in‑fo. {a} Ce volume contient des traités de morale, des oraisons, des lettres, la vie de Pie ii, l’histoire d’André Braccius, grand capitaine de Pérouse, {i} et huit livres d’épigrammes, entre lesquelles il y en a qui se ressentent de la licence du siècle. » {j}


  1. Dans la seconde édition (moins belle que la première de 1495, « à la cloche », mais foliotée) des Omina Campani Opera [Œuvres complètes de Campanus] (Venise, Bernardinus Vercellensis, 1502, in‑8o, dont la page de titre fournit le sommaire détaillé), la Io. Ant. Campani viri illustris Poetæ et oratoris clarissimi, per Michaelem Fernum Mediolanen. Vita [Vie de Giovanni Antonio Campani, homme illustre pour sa vertu, très brillant poète et orateur, par Michel Ferno, Milanais (v. première notule {a} supra)] y occupe les pages viiixvi.

  2. En latin, Campanus signifie originaire de Campanie. Galluzzo est le nom d’un château proche de Capoue.

    Peut-être Gabriel Naudé avait-il recueilli d’autres détails auprès des nombreux lettrés avec qui il avait conversé pendant son long séjour en Italie. Au moins son article mène-t-il à s’interroger sur le lien possible entre « naître dans les choux » et ne pas connaître ses parents.

    Se fondant sur les Éloges de Paul Jove et sur la Biblioteca Napoletana de Nicolo Toppi (Naples, 1678, v. notule {b}, note [68] du Naudæana 1), Bayle commence ainsi son article sur Campanus :

    « l’un des plus doctes prélats qui fussent en Italie au xve siècle, était fils d’une paysanne qui, se trouvant surprise du mal d’enfant tandis qu’elle travaillait à la campagne, accoucha de lui sous un laurier proche de Capoue. Il fut destiné à la garde des brebis ; mais comme il fit paraître beaucoup de génie, on le mit valet chez un curé de village qui lui enseigna un peu de latin. D’autres disent qu’il ne fut valet que du marguillier. »

  3. Lorenzo Valla (Laurentius Vallensis, Rome vers 1405-ibid. 1457), philosophe, philologue et littérateur humaniste.

  4. Le cardinal de Pavie était Giacomo Ammannati-Piccolomini (dit Jacopo di Pavia, 1422-1479), nommé en 1461 ; et le cardinal Sassoferrato était Alessandro Oliva (Sassoferrato, Marches 1407-1463), nommé en 1460.

  5. Crotone est en Calabre et Teramo, dans les Abruzzes. Le cardinal de Sienne était Francesco Todeschini-Piccolomini (Sienne 1439-Rome 1503), nommé en 1460, élu pape en 1503 sous le nom de Pie iii.

  6. V. supra note [39] pour le pape Sixte iv (1471-1484). Todi et Foligno (Fulginia dans la Vita Campani, incorrectement transcrit en Foliano par Lancelot) sont en Ombrie, et Molise est une ville des Abruzzes. Ferdinand ier d’Aragon (1423-1494) a été roi de Naples de 1458 à sa mort.

  7. Fo xii ro‑vo de la Vita Campani, où j’ai restauré la ponctuation originelle, moins ambiguë que celle de Vitry :

    « qu’il affirma préférer vivre chez les Turcs. Une fois qu’il s’y serait rendu, il découvrirait ses sentiments au reste des mortels : et la perfidie, et la perversité, et la débauche de nombreux chrétiens, quand cela ne pourrait exister chez eux ; et il ferait à tout jamais connaître combien sa piété a souffert d’avoir été châtiée avec tant de barbarie. »

  8. Épilepsie.

  9. Andrea Fortebracci, dit Braccio da Montone (Pérouse 1368-L’Aquila 1424), fut un fameux condottiere italien. Les De vita et gestis Brachii libri vi [Six livres sur la vie et les actions de Braccio] sont aux fos i rolvii ro des Opera omnia de Campanus (Rome, 1502), avec une pagination séparée.

  10. Les huit livres d’épigrammes latines de Campanus occupent la fin de ses Opera omnia, avec eux aussi une pagination séparée (fos i roxxvi vo).

68.

V. note [15] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii, pour Bartolomeo Sacchi, dit Platina (Platine en français), et son Historia de vitis Pontificum Romanorum [Histoire des pontifes romains] (Venise, 1579, et Cologne, 1600).

La vie de Platine, imprimée dans les pièces liminaires de l’édition de 1600, est suffisamment courte pour être intégralement transcrite :

Bap. Platinæ Vita ex libro Ioannis Trittemii Abbatis Spanheimensis, de Scriptoribus Ecclesiasticis.

Bap. [Bartholomæus] cognomento Platina, patria Cremonensis, Apostolicus quondam abbreviator, vir undecunque doctissimus, Philosophus et Rhetor celeberrimus, ingenio subtili et vehemens, eloquio disertus et mulcens, animo constans et validus, multas a Paulo Papa ii. calamitates sustinuit, adeo, ut bonis omnibus et dignitate spoliatus, post equulei suspensionem, in carcerem crudelissime detrusus, usque ad mortem ipsius Pauli detentus sit. Qui a Sixto mox liberatus, ad imitationem Eutrandi Ticinensis diaconi a Berengiaro Rege Italiæ similia passi, Pauli mores [et vitia] per antipodosim non insulse notavit. Scripsit enim ad Sixtum pontificem iv. De gestis Romanorum Pontificum librum [unum], De naturis rerum [Librum unum], Epistolarum ad diversos [Librum unum], et quædam alia. Moritur Romæ ex peste sub Frederico Imperatore iii. et Sixto Pontifice iv. Anno Domini m.cccc.lxxxi. indictione xiv.

Hæc Tritemius : Cæterum de proprio ipsius Platinæ nomine, controversiæ quoddam est, Baptistane sit, an Bartholomæus : nam vetustissima quæque exemplaria habent abbreviate scriptum, Bar. recentissima, Bap. Nos, ut quibus non satis constaret, utrum rectius esset, recentem lectionem secuti, veteris te admonitum volumus, ut sit de quo sententiam et ipse feras : tantummodo, ne fortuito aut temere per nos depravatum putetur.

[Vie de Bap. Platina, tirée du livre de Ioannes Trithemius, abbé de Spanheim, de Scriptoribus ecclesiasticis. {a}

Bap. (Bartholomæus), surnommé Platina, natif de la province de Crémone, {b} jadis abréviateur apostolique, {c} homme extrêmement savant en tous domaines, très célèbre philosophe et rhéteur, impétueux et de fine intelligence, orateur éloquent et agréable, constant et solide d’esprit, a souffert des nombreuses misères que lui a infligées le pape Paul ii : il l’a spolié de tous ses biens et de sa dignité ; après l’avoir attaché sur le chevalet de torture, il l’a jeté en prison avec grande cruauté, pour y être détenu jusqu’à la mort de ce pape Paul. {d} Sixte le libéra bientôt, mais Platina n’a pas sottement dénoncé les mœurs (et les vices) du pape Paul, contrairement à ce qu’avait fait Liutprand, diacre de Pavie, sur ce qu’il avait pareillement eu à souffrir de Bérenger, roi d’Italie. {e} Il a dédié ses écrits à Sixte iv : un livre sur les vies des pontifes romains, {f} (un livre sur la nature des choses, un livre de) lettres à diverses gens, et quelques autres ouvrages. Il mourut de la peste à Rome sous les règnes de l’empereur Frédéric iii et du pape Sixte iv, en l’an 1481, indiction xive]. {g}

Voilà ce qu’en a dit Trithème ; mais il existe quelque controverse sur le vrai prénom de Platine : était-ce Baptista ou Bartholomæus ? {h} Les plus anciens exemplaires l’abrègent en Bar., et les plus récents en Bap. Pour ceux qui ne seraient pas d’accord avec notre choix du prénom récent, nous avons voulu les aviser de l’ancien, de manière qu’ils puissent en prononcer leur propre sentence, et ne pensent pas, du moins, que nous l’avons corrompu au hasard et sans réfléchir.


  1. V. note [8], lettre de Claude ii Belin, datée du 31 janvier 1657, pour Jean Trithème, auteur du De scriptoribus ecclesiasticis collectanea [Recueil des Écrivains ecclésiastiques] (Paris, Berthold Rembolt, 1512, in‑8o). J’ai amendé ce texte [mots mis entre crochets] pour le rendre conforme à l’original (fo clxxxvii vo du livre de Trithème).

  2. Dans son article sur Platine, Bayle le dit natif de Piadena petite ville de la province de Crémone, en 1421, et étudie dans sa note A le lien entre le nom de cette cité et le surnom qu’il s’est choisi.

  3. « Employé de la chancellerie romaine chargé de rédiger et de réviser les lettres apostoliques, les brefs » (Grand Robert).

  4. Bayle a donné les motifs (félonie, crime d’État, puis hérésie platonicienne sur la mortalité de l’âme) de cette incarcération qui ne dura qu’un an, ce qui lui fait dire dans sa note G :

    « Quand un auteur a fait lui-même l’histoire de ses malheurs, il faut s’en fier à lui et ne pas croire qu’il ait besoin de nos amplifications. Trithème se devait régler à cette maxime et consulter la vie de Paul ii composée par celui dont il a donné l’éloge : il y eût appris la véritable durée de sa prison et ne l’eût pas allongée, et ne tromperait pas encore aujourd’hui beaucoup de gens. »

  5. Liutprand est un ecclésiastique italien du xe s., natif de Pavie, qui assura des missions diplomatiques et fut évêque de Crémone. Secrétaire de Bérenger ii, roi d’Italie en 950-951, il eut à souffrir de l’ingratitude et de la cruauté de son maître, dont il ne ménagea pas la mémoire dans les chroniques qu’il a écrites.

  6. V. note [15] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii pour ce livre célèbre car il a lancé la légende de la papesse Jeanne (v. notes [45] et [46] du Naudæana 4).

  7. Frédéric iii a régné sur le Saint-Empire de 1440 à 1493 et Sixte iv a été pape de 1471 à 1484. Selon Bayle, ce pontife aurait confié à Platine la charge de bibliothécaire de la Vaticane.

    On appelle indiction romaine une « époque ou manière de compter dont se servaient les Romains, qui contient une révolution de quinze années. Elle est encore en usage dans les bulles et récrits apostoliques. Au temps de la réformation du calendrier, en 1582, on comptait la dixième année de l’indiction qui était alors commencée, de sorte qu’en commençant à compter par dix depuis cette année où on est, et en retranchant quinze autant de fois qu’on le pourra de la somme entière, on aura l’année de l’indiction courante. On la trouve aussi en ajoutant trois au nombre des ans de grâce, et en retranchant quinze autant de fois qu’on pourra de la somme, le reste sera l’indiction » (Furetière). Je laisse à meilleur chronologiste que moi le soin de démontrer que 1481 était la 14e année de l’indiction du calendrier pontifical.

  8. En tête de son article, comme le montre ma correction, Trithème a donné à Platina le prénom de Bartholomæus, sans l’abréger.

La Baptistæ Sacci Cremonensis, ex vico Platina, vulgo appellati Platinæ, Historia inclytæ urbis Mantuæ et serenissimæ familiæ Gonzagæ, in libros sex divisa, et nunc primum ex augustissima Bibliotheca Cæsarea Vindobonensis a Petro Lambrecio, S. Cæs. Majestatis Consiliario Historiographo et Bibliothecario, in lucem edita, atque necessariis annotationibus illustrata [Histoire de l’illustre ville de Mantoue et de la sérénissime famille de Gonzague, par Battista Sacchi de Crémone, natif du village de Platina, communément appelé Platina : divisée en six livres et publiée pour la première fois, tirée de la très auguste Bibliothèque impériale de Vienne, par Peter Lambeck (Hambourg 1628-Vienne1680) conseiller historiographe et bibliothécaire de Sa Majesté le saint-empereur, qui l’a enrichie des nécessaires annotations] a paru à Vienne, chez Joannes Christophorus Cosmerovius, en 1675, in‑4o. Bayle a relaté l’histoire de sa publication dans la seconde colonne de sa note H.


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 204‑205 :

« On sait que l’Histoire de Mantoue composée par Platine a été imprimée en 1675 avec des notes de Lambecius. Voyez M. Bayle, Diction. Crit., où l’on trouvera mille choses curieuses et très recherchées touchant notre Platine. » {a}


  1. Pour éviter tout anachronisme, Vitry se référait ici à la deuxième édition du Dictionnaire historique et critique de Bayle (Rotterdam, 1702) : tome troisième, pages 2451‑2454. Les autres renvois à Bayle que contient cette note sont liés à la cinquième édition de son Dictionnaire (Bâle, 1738).

69.

Erycii Puteani Genealogia Puteana Bamelrodiorum Venlosensium ; ab origine urbis sive anno m.ccc.xliii. per utrum sexum deducta.

[Généalogie putéane masculine et fémininine des Bamelrodius de Venlo, {a} établie par Erycius Puteanus, {b} depuis l’origine de la ville, en l’an 1343]. {c}


  1. Venlo, en Gueldre (aujourd’hui province de Limbourg), sur les rives de la Meuse, se situe sur la frontière entre et les Pays-Bas et l’Allemagne.

  2. V. note [19], lettre 605, pour Erycius Puteanus (Éric ou Henri Dupuy, Eerijk ou Hendrik De Put ou van Der Putte, était né à Venlo en 1574, ce qui lui valait son surnom latin, Venlosensius. Il y ajoutait celui de Bamelrodius, en référence, dit-il page 14, au père de son trisaïeul Joannes Puteanus Bamelrodius, qui vivait au milieu du xve s., et dont le surnom aurait été une corruption de Bamerloe (toponyme ou patronyme dont il ne donne pas l’explication). Il a aussi employé les noms d’Honorius van Den Born (nom d’un village de Gueldre) et d’Ericio Puteano.

    Un portrait de l’auteur orne l’ouvrage, avec sa devise, σπουδλαιως ζην αριστον [vivre avec l’empressement des meilleurs].

  3. Louvain, Philippus Dormalius, 1630, in‑4o de 47 pages.


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 205 :

« Ce livre d’Erycius Puteanus fut imprimé à Louvain en 1630 sous ce titre : Genealogia Puteanæa Bamelrodium Venlonensium ab origine urbis, id est ab anno 1343. deducta. Puteanus avait publié en 1606 une dissertation sur son nom Erycius, {a} afin que la postérité fût parfaitement éclaircie de tout ce qui le concernait. »


  1. Erycii Puteani de Erycio nomine Syntagma. Item Iulii Paridis de nominibus Epitome [Traité d’Erycius Puteanus sur le nom Erycius. Avec le (très court) Abrégé de Julius Paris (auteur latin du iveve s.) sur les noms] (Hanau, Claudius Marnius et héritiers de Io. Aubrius, 1606, in‑8o de 44 pages).

70.

« il a éclairé de divers commentaires et annotations le traité de saint Bernard sur la Considération, adressé à Eugène, et ce livre a paru à Cologne, 1605, in‑12, comme dit la Bib. Belg., page 286. »

La Bibliotheca Belgica de Valerius Andreas (v. note [3], lettre 583, 2e édition revue et augmentée, Louvain, Jacobus Zegers, 1643, in‑4o) cite en effet cet ouvrage dans la bibliographie complète de Vossius qu’elle donne aux pages 285‑286 :

Sancti Bernardi Abbatis Clarævallis de Consideratione ad Eugenium Papam Tertium. Libri quinque ad veritatem octo manuscriptorum Codicum, Vaticanorum et aliorum Romæ repertorum recogniti, et emendati : necnon in capita redacti : suisque Argumentis ac Scholiis, variisque Lectionibus ubique illustrati, omnia studio, atque diligentia R.D. Doct. Gerardi Vossii Borchlonii Præpositi Tungrensi. Nunc primum in Germania impressi. Accessit denique pro coronide, Opusculum eidem S. Bernardo adscriptum, quod dicitur, Ad Quid Venisti.

[Cinq livres de saint Bernard, abbé de Clairvaux, sur la Considération, adressés au pape Eugène iii. {a} Par les soins et la diligence de Gerardus Vossius {b} natif de Borchloon, prévôt de Tongres, qui les a rétablis dans leur vérité et corrigés à partir des huit exemplaires manuscrits trouvés à la Vaticane et dans d’autres bibliothèques de Rome ; il les a aussi répartis en chapitres, et les a partout éclairés de ses démonstrations, de ses notes et de ses commentaires variés. Les voici maintenant imprimés pour la première fois en Allemagne. On y a ajouté en couronnement final l’opuscule attribué au même saint Bernard, intitulé Pourquoi es-tu venu ?] {c}


  1. V. note [36], lettre 524, pour saint Bernard de Clairvaux et pour la traduction française de ses livres de la Considération (Paris, 1658), qu’il avait écrit pour son disciple le pape Eugène iii.

  2. Gerardus Vossius (Vuskens), Borclonius, c’est-à-dire natif de Borgloon, ville flamande qui porte aussi le nom de Looz, dans la principauté de Liège (vers 1547-Liège 1609), était simplement homonyme de Gerardus Johannes Vossius (Voos, v. note [3], lettre 53), sans aucun lien familial avec lui. Ordonné prêtre, il a été nommé prévôt du chapitre de Notre-Dame de Tongres (dans la même principauté) en 1599. Vossius a passé plus de 25 années de sa vie à Rome pour se consacrer à plusieurs éditions religieuses érudites, dont les œuvres complètes de saint Éphrem le Syrien (théologien du ive s., saint et docteur de l’Église catholique) en huit tomes (dont le dernier a paru à Rome en 1597, avec réédition en un seul volume à Cologne, 1603).

  3. Cologne, Conradus Butgenius, 1605, in‑12 de 358 pages.


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 205 :

« Gerard. Vossius, ou Voskens, a donné plusieurs autres ouvrages au public. Le plus considérable est le St. Ephrem qu’il publia à Rome en 3 vol. in‑fo. {a} Il mourut à Liège en 1609, le 25 mars. Il était, à ce que l’on dit, parent du fameux Jean Gérard Vossius. » {b}


  1. Operum omnium Sancti Ephraem Syri Patris et Scriptoris Ecclesiæ Antiquissimi et Dignissimi, quotquot in insignioribus Italiæ Bibliothecis præcipue Romanis, Græce inveniri potuerunt : Tomus primus, nunc recens latinitate donatus, Scholiisque illustratus…

    [Tome premier de toutes les Œuvres qu’on a pu trouver de saint Éphrem le Syrien, {i} très ancien et digne Père et écrivain de l’Église, dans les plus riches bibliothèques d’Italie, surtout à Rome. Écrites en grec, les voici maintenant traduites en latin avec des notes explicatives…] {ii}

    1. Théologien du ive s. natif de Nisibe.

    2. Rome, Iacobus Tornerius, 1589, in‑fo de 276 pages ; les tomes suivants ont paru en 1593 et 1603.
  2. Mes modestes investigations n’ont pas abouti à la même conclusion.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Ana de Guy Patin : Naudæana 2

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(Consulté le 20/04/2024)

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