Autres écrits
Ana de Guy Patin :
Naudæana 4

Paris, 1701, pages 95‑120 (et dernière) [1]

Fin du Naudæana

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1.

Quand il tenait ces propos, exacts mais assez amers, Gabriel Naudé ignorait sans doute qu’il allait devenir bibliothécaire de Mazarin (v. note [6], lettre 53), après avoir brièvement été celui de Richelieu (mort en décembre 1642) : v. infra note [6].

V. note [8], lettre 42, pour son père, Pietro Mazzarini, qui voulut vite faire oublier qu’il avait débuté comme bonnetier à Rome (à en croire Naudé, qui était en général plutôt bien informé sur les affaires de cette ville).

Le Naudæana manuscrit de Vienne (v. note [12] de l’Introduction aux ana de Guy Patin) en dit plus sur cet intéressant sujet « des parents et des mœurs du cardinal Mazarin », vus par Naudé. Le contenu du supplément est curieusement anachronique et fort suspect d’être apocryphe, et même d’avoir été ajouté par le rédacteur du Naudæana :

« S’y fie qui voudra, il n’y a rien à gagner auprès de lui, non plus les uns que les autres. Chez lui æqua pars est descendentis ad prœlium et manentis ad sarcinas. {a} D’autres disent qu’il est fils d’un patenôtrier, {b} d’autres, d’un apothicaire de Calabre qui, ayant fait quelque fortune, vint demeurer à Rome. Il y a grande apparence qu’il ne vaut rien puisque le cardinal de Richelieu s’est tant servi de lui : il ne l’eût pas tant aimé s’il ne l’eût connu de méchante nature, ut se detestanda comparatione desiderabilem faceret, comme Tacite dit que fit Auguste en prenant Tibère pour son successeur à l’Empire, lib. 1 Annalium. {c} Sa mère est morte à Rome l’an 1644 et, quelques mois après, son père s’est remarié à une veuve de la famille des Ursins. {d} Il est homme voluptueux qui aime le jeu et ses plaisirs. Il joue fort finement et dupe merveilleusement, mais il est horrible avaricieux. Il ne donne rien à personne, aussi ne se fait-il point d’amis, faute de quoi il pourra quelque jour être ici accablé pour la haine que l’on porte aux étrangers qui ont tant de pouvoir en France. La reine le porte mais elle pourra l’abandonner quand elle verra que nos affaires iront de mal en pis. {e} Il est grand coyon {f} et fort timide, coyonissime. Il n’est ni politique ni entendu en nos affaires. Il a fait donner un chapeau de cardinal à son frère jacobin moyennant 800 000 ℔, que la signora Olimpia, belle-sœur du pape, {g} a touchées de notre argent. Ce < cardinal > est mort à Rome l’an 1648 : voilà les impôts de la France fort mal employés et la teinture d’un bonnet de moine bien chèrement vendue. Ce frate {h} est fort débauché et a encore moins d’esprit que son frère. Il est archevêque d’Aix en attendant la mort du cardinal de Lyon pour avoir son archevêché. » {i}


  1. « Celui qui livre bataille et celui qui reste près des bagages ont la même part du butin », précepte biblique énoncé par le roi David (Samuel 1, 30:24).

  2. Artisan qui fabrique des chapelets.

  3. « pour à se faire désirer par odieux contraste » (Annales, livre i, chapitre x) ; l’expression exacte de Tacite est : comparatione deterrima sibi gloriam quæsivisse [se chercher de la gloire par bien pire contraste].

  4. V. note [8], lettre 342, pour les deux mariages de Pietro Mazzarini : le premier vers 1600 avec Hortensia Buffalini, mère du cardinal ; le second en 1644 ou 1645 avec une princesse Orsini désargentée, prénommée Porzia. Cette année 1644 nous mène aux extrêmes limites chronologiques de ce qu’on peut s’attendre à lire dans le Naudæana.

  5. La reine régente Anne d’Autriche, avec annonce de la Fronde (qui débuta ouvertement à Paris avec les barricades d’août 1648). La fidélité de la reine pour Mazarin fut absolument indéfectible.

  6. Poltron.

  7. V. note [4], lettre 127, pour la scandaleuse Olimpia Maidalchini, belle-sœur du pape Innocent x (élu en 1644).

  8. Frère, moine (italien) : v. note [5], lettre 160, pour Michele Mazzarini, qui avait commencé sa carrière ecclésiastique chez les dominicains.

  9. Michele Mazzarini devint archevêque d’Aix en 1645, puis cardinal de Sainte-Cécile en 1647, et mourut le 31 août 1648. V. note [12], lettre 19, pour Alphonse-Louis du Plessis de Richelieu, frère du ministre et cardinal-archevêque de Lyon, mort en 1653.

    L’anachronisme flagrant (par rapport à la date supposée pour la rédaction du Naudæana) et le style incitent ici fortement à penser que Patin a lui-même étoffé ce commentaire.



Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 222 :

« Mazarin. Je m’étonne qu’on n’ait pas gardé davantage de vraisemblable. Est-il possible que M. Naudé qui, dans son Mascurat, {a} a peut-être péché par excès, pour avoir voulu remonter trop haut la généalogie de son maître, tombe ici dans une impertinence, laquelle, dans la bouche de {b} l’abbé Cajetan, a tellement excité sa bile et lui a fait vomir tant d’injures contre ce religieux et ses sectateurs ? »


  1. « Voyez le Mascurat, pages 44 et suiv. » (note de Vitry) : dans son Jugement de tout ce qui a été imprimé contre le cardinal Mazarin, ou Mascurat (Paris, 1649, v. note [127], lettre 166), Gabriel Naudé a longuement (pages 11‑52) défendu les nobles origines génoises de la famille Mazarin (v. note [8], lettre 342). Au passage (pages 47‑48), il a lancé des imprécations contre le bénédictin Constantino Gaetano (Cajetan), « moine crotté, rabougri, ratatiné, fol et enragé à médire de tout le monde » (page 45), avec qui il était en vive querelle sur l’auteur de L’Imitation de Jésus-Christ (v. note [32] du Naudæana 3) :

    « Et après ces témoignages si authentiques contre ce faussaire, pourra-t-on ajouter foi à cette belle métamorphose, qu’il lui a plu < de > faire, d’un gentilhomme bien né et assez accommodé des biens de fortune pour se contenter de la part que Dieu lui en avait faite, en un pauvre marchand chapelier, boutonnier et, qui plus est, banqueroutier, comme il a fait du père du cardinal ? {i} Mais quoi ! il se voulait peut-être venger de quelque différend qu’il avait eu avec le Père Jules Mazarin, jésuite, {ii} touchant la fondation de certains collèges en Sicile, puisque ledit père, au rapport d’Alegambe, Studia quædam erexit in Sicilia, {iii} où cet imposteur avait pareillement dessein d’en établir pour quelques religieux de son Ordre ; ou bien parce qu’il avait trouvé quelque Matarin, ou Mascarin, ou Marcasin, aux environs de Palerme, qu’il s’est imaginé de pouvoir faire passer pour Mazarin, ne plus ne moins {iv} qu’il changea, il y a plus de vingt-cinq ans, Gerson en Gersen, afin de faire croire au monde que les livres de Imitatione Christi de Thomas à Kempis, publiés anciennement par je ne sais quelle inadvertance sous le nom de ce fameux chancelier de Paris, Jean Gerson, avaient été faits par un abbé de l’Ordre de Saint-Benoît, nommé Jean Gersen. »

    1. Pietro Mazarini, cible favorite de nombreuses mazarinades.

    2. Oncle et homonyme du cardinal Mazarin, v. infra note [26].

    3. « a établi quelques collèges en Sicile », v. note [19], lettre 224, pour le jésuite Philippe d’Alegambe, continuateur de la Bibliotheca scriptorum Societatis Iesu [Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus] (Anvers, 1643).

    4. Ni plus ni moins.
  2. Racontée par.

2.

« et des mots creux… par la flamme et par le fer. »

La « réfraction du septenaire » était une dénomination ésotérique des sept couleurs de l’arc-en-ciel.

La résurrection de Lazare de Béthanie est la plus célèbre guérison miraculeuse opérée par Jésus-Christ. Le récit est dans l’Évangile de Jean (11:1‑44) et se conclut par ces phrases (38:44) :

« Frémissant de nouveau en lui-même, Jésus se rend au tombeau. C’était un caveau, avec une pierre par-dessus. Jésus dit : “ Enlevez la pierre ! ” Marthe, la sœur du mort, lui dit : “ Seigneur, il sent déjà : c’est le quatrième jour. ” – “ Ne t’ai-je pas dit, reprit Jésus, que si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? ” On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux en haut, et dit : “ Père, je te rends grâces de m’avoir exaucé. Je savais bien que tu m’exauces toujours ; mais c’est pour tous ces hommes qui m’entourent que je parle, afin qu’ils croient que tu m’as envoyé. ” Cela dit, il cria d’une voix forte : “ Lazare, viens ici. Dehors ! ” Le mort sortit, les pieds et les mains liés de bandelettes, et le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : “ Déliez-le, et laissez-le aller. ” »

Pour une critique de ce miracle, Gabriel Naudé se référait au :

Petri Pomponatii Mantuani summi et clarissimi suo tempore philosophi, de naturalium effectuum causis, sive de Incantationibus, Opus abstrusioris Philosophiæ plenum, et brevissimis historijs illustratum atque ante annos xxxv compositum, nunc primum vero in lucem fideliter editum. Adiectis brevibus scholijs a Gulielmo Gratarolo Physico Bergomate.

[Ouvrage de Pietro Pomponazzo, {a} natif de Mantoue, le plus grand et brillant philosophe de son temps, sur les causes des effets naturels, ou sur les Enchantements. Empli de philosophie fort occulte et illustré de courtes histoires, il a été rédigé voici 35 années et le voici fidèlement publié pour la première fois ; avec les courts commentaires que Guglielmo Gratarolo, {b} médecin natif de Bergame, y a ajoutés]. {c}

L’explication des miracles forme le septième point de l’argumentation développée dans le (chapitre 6, pages 87‑90) :

Quanquam aliqua quæ referuntur esse facta tam in historia legis Mosis quam legis Christi, superficialiter reduci possunt in causam naturalem, tamen multa sunt quæ minime in talem causam reduci possunt : veluti est de resurrectione Lazari quatriduani et iam fœtentis : de cæco a nativitate, illuminato : de saturatione tot mille hominum ex quinque panibus et duobus piscibus : de claudo a nativitate, restituto per Petrum et Joannem : de scaturitione fontis ex solo verbo : et sic fere de infinitis alijs, quorum nullum potest reduci in causam naturalem, neque immediate fuisse factum per aliquam rem creatam : diciturque ulterius ex sententia divi Thomæ in articulo 5. quæstionis de miraculis, nihil inconvenire duos effectus esse eiusdem speciei, quorum unus est factus ex miraculo, alter vero est factus per causas naturales : Nam ut ipse refert secundum Augustinum super Genesi, serpentes facti a Magis Pharaonis, facti fuerunt per causas naturales, ex procuratione dæmonum : facti autem a Mose, fuerunt facti, orationem Mosis intercedente, ex divina virtute, quanquam serpentes omnes illi essent similes. Quare et si qua reperiuntur facta in utrisque legibus, quæ etiam in causam naturalem reduci possunt : asserentibus tamen legibus illa esse facta ex miraculo, firmiter tenendum est illa fuisse vera miracula, aliqua vero eiusdem speciei non sint, sufficit Ecclesiæ catholicæ autoritas quæ spiritu sancto et verbo Dei regulatur, juxta illud Salvatoris, ero vobiscum usque ad consummationem seculi. Neque Plinius secundus in secundo libro naturalis historiæ cap. i. audiendus est, qui Mosem magicum et virum veneficum affirmat : minusque Suetonius Tranquillus respiciendus est, qui in libro de 12. Cæsaribus in vita Neronis scribit : Afflicti supplicijs Christiani, genus novæ ac maleficiæ superstitionis hominum. Nunquid autem ex omnibus ibi adductis possint aliqua reperiri quæ naturaliter etiam fieri possunt : quæ diligens inquisitor per seipsum faciliter potest discernere. Quod si quis etiam in eadem dubitatione ulterius inferret, ex votis homines non sanantur miraculo, sed ex vehementi imaginatione et consideratione infirmi habita de medico, vel ex aliquot alio huiusmodi, etiam per aliquem alium assignatorum modorum : ad hæc consimiliter dicendum est, quanquam hoc multoties contingit, non tamen semper : veluti in ægritudinibus incurabilibus secundum se, vel propter modum qui naturaliter fieri non posset, esto quod ægritudo esset sanabilis, quales fuerunt casus recitati et visi e divo Augustino, ut ipse refert in multis capitulis 22. de Civitate Dei : et breviter, quicquid habitum fuerit pro miraculo ab ecclesia, illud firmiter credendum est miraculum : et quod non habetur, etiam teneatur non miraculum : non enim aliquid ab Ecclesia catholica Dei determinatur nisi sit ex verbo Dei et spiritu sancto dirigente.

[Certaines choses que tant la Loi de Moïse que celle du Christ {d} disent s’être produites peuvent être aisément rattachées à une cause naturelle, mais il n’en va guère de même pour nombre d’autres, telles que : la résurrection de Lazare au quatrième jour, tandis qu’il empuantissait déjà ; l’aveugle-né qui a vu la lumière ; {e} les cinq pains et les deux poissons avec lesquels des milliers de gens ont été rassasiés ; {f} le boiteux de naissance guéri par Pierre et Jean ; {g} la source qui a jailli sur une seule parole ; {h} et presque une infinité d’autres, dont aucune ne peut être rapportée à une cause naturelle, ni avoir été directement provoquée par une créature quelconque. On dit en outre qu’au jugement de saint Thomas, à l’article 5 de la question sur les miracles, rien n’empêche que deux effets soient de même espèce, dont l’un survient par miracle, mais l’autre suit des causes naturelles. {i} De fait, il dit lui-même, suivant saint Augustin sur la Genèse, que les serpents que firent les mages du pharaon, le furent par des procédés naturels, et ce par la procuration des démons, tandis que ceux faits par Moïse le furent par la vertu divine, pour répondre à la prière de Moïse, quoique ces serpents fussent tous semblables. {j} Même s’il se trouve dans les deux Testaments des faits qu’il est possible de rapporter à une cause naturelle, ceux que j’en ai tirés sont pourtant bien miraculeux, et doivent être fermement tenus pour d’authentiques miracles, quand d’autres de même espèce ne le doivent pas. L’autorité de l’Église catholique y suffit, car elle est dirigée par l’Esprit Saint et par la Parole de Dieu, qui a dit : « Je serai avec vous jusqu’à la fin des temps. » {k} Il ne faut pas écouter Pline, en son Histoire naturelle, livre ii, chapitre i, quand il affirme que Moïse fut un magicien et un ensorceleur, {l} ni prêter attention à Suétone quand, dans ses Vies des douze Césars, il écrit dans celle de Néron : Afflicti supplicijs Christiani, genus novæ ac maleficiæ superstitionis hominum. {m} Ne se trouve-t-il pourtant pas, dans tout ce qu’on raconte, certains phénomènes qui peuvent survenir naturellement, et qu’un investigateur soigneux peut facilement découvrir de lui-même, s’il se met à douter en poussant jusqu’à se demander si un miracle guérit les hommes non pas en réponse à leurs prières, mais à l’exaltation de leur imagination et à la faible considération qu’ils ont pour leur médecin, ou par quelque autre phénomène de ce genre, et même par quelque autre modalité qu’on voudra ? À quoi il faut tout bonnement répondre que cela arrive très souvent, même si ça n’est pas toujours : ainsi, dans les maladies incurables, il adviendra que, soit en suivant leur propre cours, soit par une intervention contre nature, le mal s’avère curable, comme dans les cas que saint Augustin a lui-même lus et vus, ainsi qu’il le rapporte dans maints chapitres des 22 livres de La Cité de Dieu. En somme, il faut fermement croire qu’est miracle tout ce que l’Église a tenu pour tel, et ne pas croire être miracle tout ce qu’elle n’a pas tenu pour tel ; car l’Église catholique de Dieu ne fixe rien si elle n’y a pas été dirigée par la Parole de Dieu et par l’Esprit Saint]. {n}


  1. Pomponace v. note [10], lettre 20.

  2. Guglielmo Gratarolo, médecin et alchimiste italien (Bergame 1516-Bâle 1568).

  3. Bâle, Henrichus Petri, 1556, in‑8o de 349 pages ; avec, en exergue du titre, cette devise chère à Guy Patin : Felix qui potuit rerum cognoscere causas [Heureux qui a pu connaître les causes des choses] (Virgile, v. note [6], lettre 438).

  4. Dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament.

  5. Jean, 9:1‑12.

  6. Matthieu, 14:14‑21 et 15:32‑38 ; Marc, 6:34‑44 et 8:1‑9 ; Luc, 9:12‑17 ; Jean, 6:5‑14.

  7. Actes des Apôtres, 3:1‑4.

  8. Nombres, 20:1‑11.

  9. La question 105 de la Somme théologique de saint Thomas d’Aquin (v. note [24], lettre 345) traite des miracles, mais son article v ne contient pas le propos exact que Pomponace lui prêtait ici. L’article vii énonce cette définition :

    « Le mot miracle vient du mot admiration ; or, l’admiration a lieu pour l’homme toutes les fois que voyant des effets, il ne peut voir la cause. Ainsi, les éclipses furent des sujets d’admiration lorsqu’on n’en connaissait point la cause ; mais l’admiration qui s’épuise et disparaît avec la science n’est point digne d’un miracle, qui est toujours l’effet d’une cause incompréhensible, qui est, dis-je, l’effet de Dieu même. Donc, des choses qui arrivent en dehors des causes ordinaires et au delà de la connaissance sont de vrais miracles. »

    Ibid. Question 114, article iv :

    « Dans le sens propre que nous avons donné au mot miracle, les démons ni aucune créature n’en peuvent faire. Et en effet, le miracle n’est-il pas une exception aux lois de la nature qui enveloppent toute puissance créée ? Je sais qu’on appelle quelquefois de ce nom des faits qui excèdent les forces et les facultés humaines ; si on n’entend que de pareils faits, j’avoue que les démons peuvent faire des miracles, c’est-à-dire des choses qui étonnent l’homme parce qu’elles dépassent les limites de sa connaissance ordinaire ; mais, en ce sens, un homme peut aussi faire des miracles aux yeux des autres hommes.

    Cependant, quoique, au fond, ces prodiges ne soient pas de vrais miracles, il n’en faut pas déduire que ce ne sont que des illusions. Les grenouilles et les serpents que les magiciens de Pharaon produisirent par la puissance des démons étaient de vrais serpents et de véritables grenouilles, et non pas de pures visions. Tous les phénomènes qui accablèrent Job et sa famille étaient l’effet de la malice de Satan et tous étaient très réels, comme nous l’enseigne saint Augustin. »

  10. Dans L’Exode (7:1‑13), et non dans La Genèse, Dieu dit à Moïse et Aaron d’aller voir Pharaon : ce souverain leur demande d’accomplir un miracle devant lui ; comme leur avait ordonné Dieu, ils jettent leurs bâtons sur le sol, qui se transforment en serpents ; le pharaon appelle ses magiciens qui usent de leurs sortilèges pour en faire autant ; mais le serpent d’Aaron engloutit ceux des mages.

    Saint Augustin (La Cité de Dieu, livre x, chapitre viii) a commenté ce passage :

    « Mais combien furent plus grands encore les miracles que Dieu accomplit par Moïse pour délivrer son peuple de la captivité, puisqu’il ne fut permis aux mages du pharaon, c’est-à-dire du roi d’Égypte, de faire quelques prodiges que pour rendre la victoire de Moïse plus glorieuse ! Ils n’opéraient, en effet, que par les charmes et les enchantements de la magie, c’est-à-dire par l’entremise des démons ; aussi furent-ils aisément vaincus par Moïse, qui opérait au nom du Seigneur, Créateur du ciel et de la terre, et avec l’assistance des bons anges. »

  11. Matthieu, 28:20.

  12. La référence exacte est le chapitre ii du livre xxx au sujet de la magie et de ceux qui ont « infatué les esprits de cette attrayante chimère » (Littré Pli, volume 2, page 323) :

    Est et alia Magices factio,a Mose, et Jamne, et Jotape, Judæis, pendens, sed multis millibus annorum post Zoroastrum.

    « Il est une autre secte magique formée par Moïse, Jamnès et Jotapes, tous trois juifs, mais postérieurs de plusieurs millénaires à Zoroaste. »

    V. notule {b}, note [49] du Borboniana 1 manuscrit pour Zoroastre.

  13. « Il livra les supplices aux chrétiens, race adonnée à une superstition nouvelle et coupable » (livre vi, chapitre xvi).

  14. Le louvoiement de Pomponace autour des miracles, rédigé vers 1521, est bien digne du philosophe sceptique que l’Inquisition avait failli faire définitivement taire en 1519 pour ses doutes imprimés sur l’immortalité de l’âme (v. note [67] du Naudæana 1).

La dynastie médicale des Saporta, originaire de Lérida en Catalogne, prit souche en France dans la seconde moitié du xve s. avec Louis Saporta, docteur d’Avignon puis de Montpellier qui exerça à Marseille. Dulieu a suivi la trace de ses descendants, docteurs en médecine de Montpellier jusqu’au début du xviiie s.

Le seul de la famille à avoir pu prononcer, « environ l’an 1608 », un discours (non imprimé) sur le miracle de Lazare était Jean Saporta, fils d’Antoine, reçu docteur en 1572 et rapidement nommé professeur ; mais il mourut en 1605, deux ans après avoir été nommé vice-chancelier. Il n’a signé qu’un livre de Lue venerea [sur la maladie vénérienne (la vérole)] publié en 1620 par les soins de Henri Gras (Astruc, pages 246‑247).


Additions et remarques du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 163‑164 :

« Pomponace a voulu rendre une raison naturelle du miracle de Lazare ressuscité, etc. : il me semble qu’on ne trouve rien de semblable dans le traité de Pomponace ; au contraire, il a mis la résurrection de Lazare au nombre des miracles dont on ne peut rendre aucune raison naturelle : v. le traité de Incantationibus, cap. 6, pp. 87‑88, de l’édition in‑8o de Bâle en 1556, où Pomponace s’exprime ainsi, Quanquam aliqua quæ referuntur esse facta […] neque immediate fuisse factum per aliquam rem creatam. » {a}


  1. Citation que j’ai tronquée car elle est entièrement transcrite, traduite et commentée ci-dessus. Vitry s’est bien gardé de transcrire la suite, qui est beaucoup moins convaincante quant à la foi de Pomponace sur les miracles.

3.

« de pures sornettes. Seule la foi permet d’y croire fermement et elles n’ont besoin d’aucune démonstration. »

Je n’ai su trouver aucun livre latin qu’un médecin ait publié avant 1645 « sur la résurrection naturelle des morts ». La copieuse bibliographie de Petrus Aponensis, médecin italo-français du xiiie s. admiré par Gabriel Naudé (v. note [9], lettre 503), ne m’a notamment pas permis de résoudre l’énigme.

4.

V. note [16], lettre 98, pour Ferrante Pallavicino et son Divorce céleste, publié pour la première fois en italien en 1643, et traduit en français en 1644.


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 224‑226 :

« Ferrante Pallavicino. La mort funeste de cet auteur est rapportée par mille gens, mais je ne sache personne qui en ait dit tant de particularités que la relation suivante que l’on a trouvée manuscrite dans une des plus célèbres bibliothèques de Paris, ajoutée à la fin du volume intitulé Le Glorie de gli Incogniti di Padova. {a} La voici :

“ Carlo di Bresche conosciuto in Italia sotto il nome di Carlo di Morsi, fù figliuolo d’un Libraro di Parigi chiamato Pietro di Bresche. Costui sen’ andò al viaggo d’Italia servendo un Cavaliere, il quale essendo morto nel viaggo, Carlo sene venne da Roma à Venetia. Nel soggiorno che fece in Roma fù presentato a i Barberini, come huomo capace d’intraprendere cose di rilievo, ciò che conosciuto, gli fù commessa la ruina di Ferrante Pallavicino, mossi a tal risentimento i Barberini della Baccinata, Divortio Celeste, compositioni sue, et aggiustarono il prezzo del tradimento in tre mila doppie. Cosi sene venne Carlo a Venetia Azilo di Ferrante, dove ritrovatolo fece amicitia seco et strinsela di modo che vedendolo con dipositione di passare in Francia per fuggir l’insidie de’ suoi malevoli, gli esibì la sua compagnia. Caminarono dunque insieme sin a Orange città vicina a Avignone dieci miglia, di dove aviso Carlo al Vicelegato della preda, invitandolo a mandargli incontro gente. Il che esseguito, furono ambedue pigliati, condotti in Avignone, et carcerati. Carlo però essendolo solo pro formâ fù presto liberato et Ferrante ritenuto, processato et fatto morire. Ritornò Carlo poi a Roma, dove ricevene l’infame premio del suo diabolico tradimento, parte in quadri (i quali furono esposti a vendere in Parigi in una casa dimandata L’Hôtel de Fleury alhora Camera locanda tenuta da un certa donna di Bretagna chiamata M. Barillon nella strada des Bourdonnois) parte in contanti. Il cardinale Mazzarini frattanto portando impatientemente la morte del Pallavicino, al qual voleva del bene assai, fece dar ordine ad’un tale Ganducci Italiano di domesticarsi con Carlo. Il che fece cautamente, dett’ Emissario, simulando di vendere guanti, profumi, et altre galenterie, le quali barattava con Carlo per quadri ed’altra robba. Cosi avendo stabilito commercio con esso, era spesso da lui, che stava di casa in piazza Maubert ; dove essendo una mattina a buonissima hora andato per i loro negotii communi, si lamentò con Carlo di qualche ingiustitia fattagli da esso lui : ciò che negando Carlo, ch’ancora era in letto, mossegli l’altro la cagione del Petrosello, lanciatosi gli adosso, l’abbracciò seco, et piantogli un stile nelle reni. Sentendosi Carlo ferito, come forte et robusto si strinse col sicario, et dibattendosi cadorno ambedue per terra. Corsero al rumore quei di Casa, et trovato l’ustio serrato per de dentro via chiamarono la giustitia, la quale venuta et l’apertura fatta della porta vidde l’homicidio, fece cacciar prigione Ganducci nel petit Châtelet, mentre Carlo sene moriva. Il che riferito al cardinale Mazzarini diede ordine al Giudice criminale di liberare il carcerato et fù ubbidito. In questo modo fù rimunerato il scelerato del suo più che barbaro tradimento.” » {b}


  1. « La Gloire des Inconnus de Padoue », titre fautif et rendu incompréhensible de Le Glorie de gli Incogniti, o vero gli huomini illustri dell’Accademia de’Signori Incogniti di Venetia [La Gloire des Inconnus, ou les hommes illustres de l’Académie des Inconnus de Venise] (Venise, Francesco Valuasense, 1647, in‑4o), ouvrage anonyme consacré aux membres de l’Accademia degli Incogniti, académie vénitienne secrète de libres penseurs, active de 1630 à 1652, dont Pallavicino fut l’un des plus éminents adhérents (sa notice et son portrait occupent les pages 136‑139) ; les armoiries des Incogniti représentaient le Nil, depuis ses sources jusqu’à son delta (v. notule {d}, note [15] des Triades du Borboniana manuscrit), avec cette devise : Ex ignoto notus [Le connu issu de l’inconnu] (v. note [6], lettre latine 7).

  2. « Charles de Brêche, connu en Italie sous le nom de Carlo di Morsi, était le fils d’un libraire de Paris dénommé Pierre de Brêche. {i} Ce Carlo s’en alla voyager en Italie comme valet d’un gentilhomme qui mourut en chemin, et il se rendit de Rome à Venise. Pendant son séjour à Rome, il avait été présenté aux Barberini comme étant un homme doté d’une grande capacité à entreprendre, qui l’avait fait connaître ; et on le chargea de provoquer la perte de Ferrante Pallavicino, par ressentiment des Barberini à son encontre, pour la Baccinata {ii} et pour le Divorce céleste, qu’il avait alors fini d’écrire. Le montant du contrat fut fixé à trois mille pistoles. Carlo se rendit donc à Venise, au logis de Ferrante, où, l’ayant trouvé, il se lia d’amitié avec lui et le pressa de prendre des dispositions pour passer en France, en vue d’échapper aux fourberies de ses ennemis, en lui proposant de l’accompagner. Ainsi cheminèrent-ils ensemble jusqu’à Orange, ville située à dix milles d’Avignon, où Carlo alla aviser le vice-légat de la présence de leur proie, et l’invita à venir lui rendre visite ; ce qu’il fit, et tous deux furent pris, menés à Avignon et incarcérés. Pour Carlo, il ne s’agissait que d’une formalité et il fut rapidement libéré ; mais Ferrante resta en détention, fut mis en procès, condamné à mort et exécuté. {iii} De retour à Rome, Carlo reçut l’infâme récompense de sa diabolique trahison, en partie sous forme de tableaux (lesquels furent exposés pour être vendus, à Paris, dans une maison appelée l’hôtel de Fleury, qui était alors une taverne tenue par une certaine dame bretonne dénommée Barillon, dans la rue des Bourdonnais), {iv} et pour partie en argent liquide. Cependant, le cardinal Mazarin, à qui on apprit aussitôt la mort de Pallavicino, qu’il tenait en très haute estime, fit donner ordre à un certain Ganducci, Italien, de lier connaissance avec Carlo. Il s’y prit prudemment, se disant entremetteur et feignant de vendre gants, parfums et autres galanteries, et il échangea avec Carlo quatre ou cinq objets. Après avoir établi commerce avec lui, il alla souvent le voir en sa maison de la place Maubert. S’y étant rendu un matin de très bonne heure pour une affaire qu’ils avaient ensemble, il se plaignit d’une injustice que Carlo avait commise à son encontre ; Carlo, étant encore au lit, nia le fait et lui reprocha de se plaindre pour des riens ; alors, l’autre se jeta sur lui, le serra dans ses bras et lui planta un poignard dans les reins ; se sentant blessé, Carlo, qui était fort et robuste, étreignit le tueur, se débattit, et tous deux tombèrent à terre. Au bruit, ceux de la maison accoururent, mais trouvèrent la porte verrouillée de l’intérieur ; ils appelèrent la police qui, une fois sur place, ouvrit la chambre et découvrit le meurtre. Ganducci fut emprisonné au petit Châtelet, tandis que Carlo mourait. Ayant appris la nouvelle, le cardinal Mazarin ordonna au juge criminel de libérer le prisonnier et il fut obéi. Et voilà comment l’assassin fut payé pour sa trahison plus que barbare. » {v}

    1. Pierre de Brêche (ou Bresche, mort en 1652), libraire-imprimeur établi rue Saint-Jacques, puis rue Saint-Étienne des Grès (actuelle rue Cujas dans le ve arrondissement), a principalement publié des ouvrages de dévotion catholique.

    2. Baccinata overo Battarella per le Api Barberine. In occasione della mossa delle armi di N.S. Papa Urbano ottavo contro Parma. All’ Illustriss. e Reverend. Monsignor Vitellio Nunzio di sua Santità in Venetia [Baccinata ou Battarella pour les abeilles barberines. À l’occasion du mouvement des armées de Notre Sainteté le pape Urbain viii contre Parme. À l’illustrissime et révérendissime Monseigneur Vitelli, nonce de Sa Sainteté à Venise (et chargé des poursuites contre Pallavicino pour ses précédents écrits impies)] (sans lieu, Pasquino a spese di Marsorio [« Pasquin aux dépens de Marsorio », un de ses compères, v. note [5], lettre 127], 1642, in‑4o).

      Pierre-Louis Guinguené et Francesco Saviero Salfi, Histoire littéraire d’Italie (Paris, L.‑G. Michaud, 1835, tome quatorzième, page 50) :

      « On désigne, en Italie, par ce mot de Baccinata, la manière de rappeler, aux sons bruyants de l’airain, les abeilles sorties de leurs ruches pour se livrer des combats ; ce qui faisait allusion au mouvement militaire des Barberins, dont les armoiries étaient des abeilles ; et qui prirent la fuite au premier coup de fusil. L’auteur voulait faire sentir l’injustice cette guerre [v. note [40] des Naudæana 3] et l’abus qu’on faisait de l’autorité papale. »

    3. Arrêté vers février 1643, Pallavicino fut décapité à Avignon le 5 mars 1644.

    4. Ce luxe de détails visait à authentifier le témoignage du narrateur anonyme. La rue des Bourdonnais, aujourd’hui disparue, était parallèle à la rue des Lavandières (c’est-à-dire perpendiculaire à la Seine) en allant vers le Louvre.

    5. Cette relation manuscrite a été ajoutée à un exemplaire de Le Glorie de gli Incogniti que Vitry a recopiée. Elle ne figure pas dans l’ouvrage imprimé, qui donne une version non seulement fort abrégée, mais discordante de ces événements (pages 138‑139) :

      Conosciutosi poco sicuro in Venetia, scoprendo, che da tutte le parti gli venivano tese insidie, pensò à ritornare in Francia ; dove, dopo haver scorsa la Germania, s’era fermato alcuni mesi. Che però chiamato con lettere particolari dal cardinal di Richielù, che l’invitava à scriver l’historie, e à fondar’ in Parigi un’Accademia di lettere Toscane, risolè la partenza. Meditava il Pallavicino i mezi per esequirla con sicurezza, quando se gli offerte compagno Carlo di Morsy. Ostentava questi in Venetia richezze, e nobiltà, onde non poteva cader nell’animo, ch’egli sapesse, ò volesse tradire. Con tuttociò guidato Ferrante con varii, e spetiosi atificii ne’confini della Francia, il Morzy con esecrabile tradimento lo fece cadere nelle mani de gl’Ecclesiastici d’Avignone. Quivi aggiongendo al tradimento l’accusa, e presentando a’Giudici alcune scritture, che à sua istanza Ferrante haveva composte, gli fece perdere infelicemente la vita nell’eta d’anni 26.

      [Se sentant peu en sécurité à Venise, car il avait découvert qu’il y était menacé de toutes parts, il songea à repartir en France. Ayant traversé l’Allemagne, où il s’était arrêté quelques mois, il y reçut une lettre du cardinal de Richelieu qui l’invitait à venir écrire un ouvrage d’histoire et à fonder une académie de littérature toscane, ce qui le résolut à se mettre en route pour Paris. Tandis que Ferrante cherchait le moyen de voyager en sûreté, Charles de Morsy s’offrit de l’accompagner, en lui faisant étalage de l’opulence et de la notoriété dont il jouissait à Venise, et en lui ôtant tout soupçon de vouloir ou pouvoir le trahir. Ce fut ainsi que, par divers et spécieux artifices, le Morsy le guida jusqu’aux frontières de France, en Avignon, où, par odieuse traîtrise, il le fit tomber entre les mains des ecclésiatiques pontificaux ; et pour ajouter à sa trahison, il accabla Ferrante en présentant aux juges certains écrits qu’il avait rédigés sur sa demande, et qui lui firent malheureusement perdre la vie à l’âge de 26 ans].

      L’intervention de Richelieu, mort le 4 décembre 1642, n’est pas exagérément anachronique si on retient que Pallavicino a été incarcéré en Anvignon pendant 13 mois avant d’être exécuté, le 5 mars 1644, selon les biographies modernes.


5.

« il s’agit pourtant d’un pseudonyme ».

Claudius Berigardus est le nom latin de Claude Guillermet de Bérigard ou Beauregard (Moulins 1578-Padoue 1663). Docteur en médecine et en philosophie de l’Université d’Aix en 1601, il s’installa ensuite à Paris. Appelé en qualité de secrétaire auprès de Christine de Lorraine (1565-1637), grande-duchesse de Toscane, veuve de Ferdinand ier de Médicis (v. note [9] du Borboniana 9 manuscrit), il devint professeur de mathématiques et de botanique à Pise en 1628, puis enseigna la philosophie à Padoue à partir de 1640. « Il était très versé dans la langue grecque et dans la poésie latine » (O. in Panckoucke).

Berigardus a publié quelques ouvrages de philosophie et de physique, opposés aux idées nouvelles ; Gabriel Naudé citait ici le :

Circulus Pisanus Claudii Berigardi Molinensis, olim in Pisano, iam in Patavino Lyceo Philosophi primi paris, de veteri et Peripatetica Philosophia in octavum librum Physicorum Aristotelis. Serenissimo Joanni Carolo ab Hetruria dedicatus.

[Cercle pisan de Claudius Berigardus, natif de Moulins, premier pair de philosophie, jadis en l’Université de Pise, désormais en celle de Padoue, sur la philosophie ancienne et péripatétique, contre le huitième livre (et dernier) de la Physique d’Aristote (sur le mouvement). {a} Dédié au sérénissime Giancarlo {b} de Toscane]. {c}


  1. Dernier livre de la Physique, sur le mouvement

  2. Giancarlo de Médicis (1611-1663), cardinal en 1644, frère du grand-duc Ferdinand ii.

  3. Udine, Nicolaus Schirattus, 1643, in‑4o de 176 pages, livre divisé en 27 « cercles » (circuli, pour sections ou chapitres) ; trois autres volumes ont paru dans les années suivantes, et une autre édition a été publiée en 1661.


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 226‑227 :

« Claudius Berigardus. Je ne vois pas quel autre nom l’auteur du Naudæana entend que ce professeur de Padoue avait en France, mais je sais que Naudé l’appelle lui-même Belrigardus : c’est dans l’épître dédicatoire du traité de J. Bapt. Donius de utraque pænula. {a} M. de Beauregard régenta pendant 12 ans la philosophie à Pise. Depuis, il fut appelé à Padoue en 1639, où il professait encore en 1653 ; il avait alors au moins 62 ans. Un de ses neveux, Petrus Berigardus, né à Florence, a mis les Aphorismes d’Hippocrate en vers rythmiques et léonins. » {b}


  1. V. notule {c}, note [4] du Naudæana II‑2, pour la « Dissertation sur les deux pénules » de Giovanni Battista Doni (Paris, 1644) et son épître de Naudé, où il cite Belrigardum, que Doni était passé saluer à Padoue durant son retour de Flandre en Italie (page 7).

  2. Hippocratis Aphorismi Rythmici a Petro Berigardo Florentino Medicinæ candidato eiusdem Artis Amatoribus dedicati [Les Aphorismes d’Hippocrate en vers (latins) rimés par Petrus Berigardus, étudiant en médecine natif de Florence, dédiés aux amateurs de cet art] (Udine, Nicolaus Schirattus, 1645, in‑8o).

    V. notes [4], lettre 58, notule {d}, pour les vers dits léonins, et [7], lettre 86, pour les très célèbres Aphorismes (grecs) d’Hippocrate.


6.

V. note [11], lettre 152, pour Famiano Strada (jésuite mort en 1649), et ses deux décades « sur la Guerre de Flandre », parues pour la première fois en latin à Rome (in‑4o) chez les Corbeletti :

Ce passage procurerait de précieuses indications chronologiques s’il était crédible ; mais il ne l’est pas, comme le montrent deux extraits du Naudæana manuscrit de Vienne (v. note [12] de l’Introduction aux ana de Guy Patin).

  1. Son tout premier paragraphe, page 1 :

    « Monsieur Naudé, ayant été douze ans en Italie, est enfin revenu à Paris l’an 1642, le 12 mars ; et le 19, m’étant venu voir, il m’a appris ce qui s’ensuit. »

  2. Sa page 75, qui correspond au présent paragraphe du Naudæana imprimé, le propos est tout autre :

    « M. Naudé est revenu de son voyage d’Italie le samedi 20e de mars 1646, où il était allé un an auparavant y quérir les livres de son patron, le cardinal Mazarin, et ceux mêmes des siens qu’il y avait laissés en son dernier voyage de 1642. Depuis ce sien dernier retour, il m’a dit ce qui s’ensuit. »

    Jai vu Famianus Strada et l’ai laissé en bonne santé, Dieu merci, à Rome… »

Les héritiers de Corboletti mirent donc mis un an (et non cinq) à publier la seconde décade de Strada (1647).

Dans la mauvaise comme dans la bonne version de ce paragraphe, Marie-France Claerebout, la très vigilante et précieuse relectrice de notre édition, a noté que les jours de la semaine sont erronés : le 10 mars 1642 était un lundi et non un samedi ; et le 20 mars 1646, un mardi et non un samedi. Je l’en remercie grandement, car c’est sa remarque qui m’a mis la puce à l’oreille, et incité à vérifier la source manuscrite. Les deux dates qu’elle collige procurent en outre la preuve que le recueil du Naudæana s’est prolongé de mars 1642 à mars 1646, voire plus tard.

7.

V. notes :


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 227‑228 :

« Scioppius. Si l’âge de ce célèbre critique était bien marqué dans notre auteur, {a} on pourait conclure qu’en 1649, qui est l’époque la plus sûre de sa mort, il avait environ 79 ans. Placcius a donné une liste assez étendu des libelles que Scioppius avait faits contre la Société. » {b}


  1. L’auteur du Naudæana : Scioppius devait avoir « environ soixante et douze ans » vers 1648 (ce qui appartient à la période tardive du recueil de cet ana), il mourut l’année suivante ; je conviens qu’il y a de quoi s’y perdre en toute bonne foi.

  2. « Placcius, de anonym. detect. [sic pour script.] cap. 9, p. m. 67 » (note de Vitry).

    Vincent Placcius a établi cette liste dans l’article ccxlviii (Jesuitica, et Anti-Jesuitica [Ouvrages pour et contre les jésuites]), chapitre ix, pages 67‑68, de son De scriptis et Scriptoribus anonymis et pseudonymis Syntagma [Catalogue des auteurs qui ont publié anonymement ou sous un nom fictif] (Hambourg, 1674, v. notule {b}, note [38] du Naudæana 1). La note D de Bayle (tome 3, 1702) sur Scioppius a disserté sur sa haine insatiable de la Compagnie de Jésus.


8.

V. note [2], lettre 112, pour un bref résumé de la vie et des avanies d’Innocent x, Giambattista Pamphili, qui régna de 1644 à 1655.

9.

Charles ier, roi anglican d’Angleterre (régnant de 1625 à 1649, v. note [11], lettre 39), avait épousé en 1626 Henriette-Marie de France, catholique ostentatoire, fille de Henri iv (v. note [12], lettre 39). Depuis 1640, le royaume était embrasé par une guerre civile opposant le roi au Parlement, dont il avait cherché à supprimer les pouvoirs.

Charles voulait renforcer son parti en s’alliant les catholiques irlandais, avec l’aide de la reine, de Rome (où régnait, de 1623 à 1644, Urbain viii, Maffeo Barberini) et de l’Espagne. Le Parlement, craignant une conspiration papiste capable de le juguler, s’y était vivement opposé. La crise avait atteint son paroxysme en janvier 1642, quand le roi Charles, escorté de soldats, avait fait irruption dans la Chambre des communes afin d’y signifier lui-même son ordre de démettre cinq membres du Parlement pour trahison. Le scandale qui s’ensuivit le contraignit à quitter Londres pour Hampton Court, et la reine consort dut s’exiler pendant un an à La Haye (Plant).

Les cardinaux Barberins, Francesco Barberini (v. note [7], lettre 112) et son frère Antonio (v. note [4], lettre 130), étaient les neveux d’Urbain viii et jouissaient alors d’un très grand pouvoir temporel à Rome.

10.

« Quand ils prient, les Turcs mahométans ont le même sentiment à l’égard du pet. » {a}

La Terre sainte, ou Description topographique très particulière des saints Lieux, et de la Terre de Promission. Avec un Traité de quatorze nations de différente Religion qui l’habitent, leurs mœurs, croyance, cérémonies, et police. Un Discours des principaux points de l’Alcoran. L’Histoire de la vie et mort de l’Émir Fechrreddin, prince des Drus {b} Et une Relation véritable de Zaga Christ Prince d’Éthiopie, qui mourut à Rueil près Paris l’an 1638. {c} Le tout enrichi de figures. Par F. Eugène Roger, {d} récollet, missionnaire de Barbarie. {e}

Le chapitre vii, Des Commandements de la Loi de Mahomet, du livre ii, traite du jeûne diurne de ramadan (pages 229‑230) :

« Lorsque l’aurore s’approche, ils se saoulent jusques au crever, tant que celui qui le soir les avait avertis qu’ils pouvaient manger les avertisse qu’ils cessent, et que l’aurore paraît, les conviant à l’oraison, où ils ne font pas grand presse tout ce temps car, étant saouls de la sorte, ils ne pourraient pas faire leurs cérémonies sans s’exposer au hasard de lâcher quelque vent qui rendrait leurs prières et cérémonies infructueuses. C’est pourquoi la plupart vont garder le silence et se reposer jusqu’au soir, que toutes boutiques sont fermées et les rues toutes désertes. »


  1. V. infra notule {b}, note [12].

  2. Druzes (Trévoux) : « c’est une nation de Syrie, ennemie des Turcs, des Arabes et de tous les mahométans. Ces Druzes se disent chrétiens, quoiqu’ils n’observent point la religion chrétienne, et qu’ils ne soient point baptisés. Il est vrai cependant qu’ils reconnaissent Jésus-Christ pour le vrai Messie et le Rédempteur du monde, qu’il s’est fait homme et né de Marie sans blesser sa virginité, qu’il a été crucifié par la haine des Juifs. Ils croient un jugement, un paradis, un enfer, et que tous les Turcs et les Juifs sont damnés. Ils se disent issus des chrétiens latins qui se retirèrent dans les déserts au delà du Jourdain lorsque les Sarrasins se rendirent maîtres de la Terre sainte. Ils y demeurèrent longtemps sans prêtres pour les maintenir dans la religion ; et aujourd’hui, les seules marques qu’ils aient du christianisme sont les points de leur créance que nous avons rapportés, et les injures qu’ils vomissent contre Mahomet et ses sectateurs quand on leur dit qu’eux Druzes ne sont pas chrétiens. Quelques-uns néanmoins se font circoncire. Ils n’ont ni temples pour prier, ni ecclésiastiques pour les instruire, ni fête, ni cérémonie. Ils disent seulement de temps en temps quelques prières en deux mots : Dieu est grand, Dieu soit loué, Dieu me preserve. Ils ont une extrême horreur de l’usure. Ils sont fort humains et beaucoup moins vicieux que les Mores. Ils habitent une contrée appellée Drus, où ils sont environ six mille hommes capables de porter les armes. Ils ont entre eux une parfaite union, qui les soutient malgré leurs ennemis. Ils sont braves et bons guerriers, habiles aux exercices de la guerre, auxquels ils forment leur jeunesse avec beaucoup de soin. Leur langue est l’arabe, ils se vêtent comme les Mores, excepté que la plupart portent des turbans de soie noire ou rouge. Quoiqu’ils ne soient pas chrétiens, ils payent le même tribut que les chrétiens. Ce sont eux qui cultivent la plupart des vignes qui portent ces gros raisins de Damas, où ils les vont vendre aux Français et aux Vénitiens. Les Druzes ont eu leurs émirs, ou princes particuliers, qu’on disoit être fils d’un certain Maan, et qui prétendaient être issus de Godefroy de Bouillon. »

  3. V. note [9], lettre 40.

  4. Ce livre est à peu près tout ce qui est connu du franciscain Eugène Roger.

  5. Paris, Antoine Bertier, 1646, in‑4o de 440 pages, dédié à Nicolas ii de Bailleul, surintendant des finances (v. note [5], lettre 55).

11.

Emprunt au livre i des Essais de Montaigne, chapitre xx ou xxi, selon les éditions, De la force de l’imagination, à la fin d’un paragraphe consacré aux parties du corps qui n’obéissent pas toujours à la volonté, à commencer par le pénis :

« On a raison de remarquer l’indocile liberté de ce membre, s’ingérant {a} si importunément lorsque nous n’en avons que faire, et défaillant si importunément lorsque nous en avons le plus à faire, et contestant de l’autorité si impérieusement avec notre volonté, refusant avec tant de fierté et d’obstination nos sollicitations, et mentales et manuelles. Si toutefois, en ce qu’on gourmande sa rébellion et qu’on en tire preuve de sa condamnation, {b} il m’avait payé pour plaider sa cause, à l’aventure mettrais-je en soupçon nos autres membres, ses compagnons, de lui être allés dresser, par belle envie de l’importance et douceur de son usage, cette querelle apostée, {c} et avoir, par complot, armé le monde à l’encontre de lui, le chargeant malignement seul de leur faute commune. Car je vous donne à penser s’il y a une seule des parties de notre corps qui ne refuse à notre volonté souvent son opération et qui souvent ne l’exerce contre notre volonté. {d} Elles ont chacune des passions propres, qui les éveillent et endorment sans notre congé. À quant de fois témoignent les mouvements forcés de notre visage les pensées {e} que nous tenions secrètes, et nous trahissent aux assistants. Cette même cause qui anime ce membre anime aussi, sans notre su, le cœur, le poumon et le pouls, la vue d’un objet agréable répandant imperceptiblement en nous la flamme d’une émotion fiévreuse. N’y a-t-il que ces muscles et ces veines qui s’élèvent et se couchent sans l’aveu {f} non seulement de notre volonté, mais aussi de notre pensée ? Nous ne commandons pas à nos cheveux de se hérisser et à notre peau de frémir de désir ou de crainte. La main se porte souvent où nous ne l’envoyons pas. La langue se transit et la voix se fige à son heure. {g} Lors même que, n’ayant de quoi frire, {h} nous le lui défendrions volontiers, l’appétit de manger et de boire ne laisse pas d’émouvoir les parties qui lui sont sujettes, ni plus ni moins que cet autre appétit, {i} et nous abandonne de même, hors de propos, quand bon lui semble. Les outils {j} qui servent à décharger le ventre ont leurs propres dilatations et compressions, outre et contre notre avis, comme ceux-ci destinés à décharger nos rognons. Et ce que, pour autoriser {k} la toute-puissance de notre volonté, saint Augustin allègue avoir vu quelqu’un qui commandait à son derrière autant de pets {l} qu’il en voulait, et que Vivès, son glossateur, enchérit d’un autre exemple de son temps, de pets organisés suivant le ton des vers qu’on leur prononçait, ne suppose non plus pure l’obéissance de ce membre ; car en est-il ordinairement de plus indiscret et tumultuaire. {m} Joint que j’en sais un si turbulent et revêche qu’il y a quarante ans qu’il tient son maître à péter d’une haleine et d’une obligation constante et irrémittente, {n} et le mène ainsi à la mort. » {o}


  1. Peut-être une prude coquille, pour « s’érigeant ».

  2. Défaillance.

  3. Ce piège.

  4. Pressentiment de ce qu’on a plus tard appelé le système nerveux involontaire ou autonome, sympathique et parasympathique (v. notule {e}, note [6] de la Consultation 12).

  5. « Bien souvent, les mimiques involontaires de notre visage témoignent des pensées ».

  6. Sans le consentement.

  7. Parfois.

  8. Cuisiner, préparer un repas.

  9. L’érection.

  10. Le rectum et la vessie.

  11. Prouver.

  12. V. infra notule {b}, note [12].

  13. Tumultueux.

  14. Sans rémission (relâche).

  15. Dans le chapitre précédent des Essais, Que philosopher c’est apprendre à mourir, Montaigne disait que l’homme doit tenir toute circonstance de l’existence pour un rappel de l’instance permanente de sa mort.

Pour les pets, Montaigne se référait à deux passages des grands auteurs qu’il citait.

12.

« L’empereur Claude {a} songea, dit-on, à prononcer un édit autorisant à lâcher une vesse ou un pet {b} à table car il avait vu quelqu’un être incommodé de s’en abstenir par respect (Suétone dans la Vie de Claude, chapitre 32, page 274, édition de Plantin). » {c}


  1. V. note [6], lettre 215.

  2. La vesse est un « vent que lâche le derrière sans éclat, et qui est d’ordinaire fort puant », et le pet (crepitum ventris [bruit de ventre]), une « ventosité qui se forme dans le ventre, et qui en sort avec éclat » (Furetière).

    Le Dictionnaire de Trévoux y ajoute le borborygme (borborygmus) qui, outre son sens de gargouillement intestinal (v. note [5] du Mémorandum 20), désigne une ventosité qui « ne fait que peu de bruit et n’est pas fréquent ; et non seulement il a le son d’un liquide, mais il sort avec un peu d’humidité ».

  3. Cette référence bibliographique correspond presque exactement au C. Suetonii Tranquilli xii Cæsares, et in eos Lævini Torrentii Commentarius, auctior et emendatior [Les Douze Césars de Suétone, avec le commentaire, augmenté et corrigé, de Lævinus Torrentius (Liévin van der Beken, Gand 1525-Bruxelles 1595)] (Anvers, Officina Plantiniana, veuve Moret et [son fils] Jean, in‑4o, mais page 267 au lieu de 274).

    Dans ma transcription, j’ai respecté la plaisante coquille du Naudæana, où est imprimé « Patini. » pour « Plantini. ».

13.

« Les juifs ont pour coutume de tenir un pet lâché pendant la prière pour mauvais augure, mais un éternuement, pour bon augure. »

V. notule {a‑iii}, note [19], lettre latine 228, pour les avis de Montaigne et d’Aristote sur le même sujet.

14.

« la veille des nones de mai » (6 mai).

V. note [7], lettre 96, pour Cornelius Jansenius (Cornelis Janssen, catholique hollandais né en 1585, évêque d’Ypres en 1636), son Augustinus (Louvain, 1640, pour la première de nombreuses éditions), qui fonda la théologie janséniste, et son Mars Gallicus [Mars français] (1635 et 1636), qui attaquait la politique étrangère de Richelieu.

En me référant au manuscrit de Vienne, {a} j’ai corrigé la coquille qui est dans le Naudæana imprimé : 1622 au lieu de 1626, pour la censure de l’Admonitio ad Regem Christianissimum. Son titre complet est :

C.G.R. ad Ludovicum decimum-tertium Galliæ et Navarræ Regem Christianissimum Admonitio fidelissime, humillime, verissime facta, et ex Gallico in Latinum translata : qua breviter et nervose demonstrantur, Galliam fœde et turpiter impium fœdus iniisse, et iniustum bellum hoc tempore contra Catholicos movisse, salvaque Religione prosequi non posse.

[Avertissement de C.G.R. à Louis xiii, roi très-chrétien de France et de Navarre, fait avec les plus grandes fidélité, humilité et vérité, et traduite du français en latin ; où il est brièvement et vigoureusement démontré que la France a aujourd’hui honteusement et indignement conclu une alliance impie, et s’est engagée dans une injuste guerre contre les catholiques, et qu’elle ne peut se dire attachée à la religion salvatrice]


  1. V. note [12] de l’Introduction aux ana de Guy Patin.

  2. Augusta Francorum [Autun en Bourgogne], sans nom, 1625, in‑4o de 21 pages.

    Ce pamphlet virulent, qui irrita fort Richelieu, avait d’abord paru sous le titre d’Avertissement au roi très-chrétien (Francheville, sans nom, 1625, in‑4o).


L’identité de son auteur, C.G.R., reste une énigme non résolue.

15.

« Il a beaucoup écrit. »

Federicus Pendasius (Federico ou Federico Pendasio, Mantoue 1522-Bologne 1601 ou 1603) a professé la philosophie à Mantoue, Padoue puis Bologne. Appartenant au clergé séculier, il était intervenu dans les débats du concile de Trente (v. note [4], lettre 430), en 1561, où il accompagnait le cardinal de Mantoue, Ercole Gonzaga. Contrairement à Pomponace, cinquante ans avant lui (v. notes [67] du Naudæana 1, et [2] supra), Pendasius défendait l’immortalité de l’âme et l’interprétation chrétienne d’Aristote, en se fondant sur l’analyse critique des commentaires d’Alexandre d’Aphrodisée (v. note [3] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii). Hormis les deux livres cités dans la notule {c} infra, rien de tout ce qu’il a écrit n’a été imprimé, ce qui en fait aujourd’hui un quasi-inconnu : le précieux Scholasticon de Jacob Schmutz m’a procuré l’essentiel de ce que j’ai su trouver à son sujet.

Le Naudæana manuscrit de Vienne (v. note [12] de l’Introduction aux ana de Guy Patin) y ajoute néanmoins quelques autres renseignements :

« Fredericus Pendasius Mantuanus nobilis Peripateticiis, {a} était un grand personnage qui a été le maître de tous ces grands philosophes qui sont venus depuis lui {b} […] Il a écrit in octo libros Physicorum et de Cœlo. {c} Ce dernier livre est fort rare […] ; mais je pense qu’on a bien imprimé de ses œuvres sous le nom d’autrui, où ses écoliers ont méchamment et impudemment mis leur nom. »


  1. « natif de Mantoue, de grand renom parmi les péripatéticiens ».

  2. V. infra note [16].

  3. « contre les huit livres des Physiques et du Ciel [d’Aristote] » :

    • Federici Pendasii Mantuani Philosophi acutissimi, in Antiquissimo Bononiensium Gymnasio supremo loco unice profitentis. Physicæ auditionis texturæ Libri octo. Nunc primum in lucem editi. In quibus Aristotelis ars observatur. Vetus Græcorum doctrina restauratur. Arabum etiam, atque inter Latinos Primatum sensa expenduntur ; et difficilia quæque ac ardua explanantur. Cum Indice locupletissimo rerum memoria et notatu dignarum, serie Alphabetica in legentium gratiam ditati [Huit livres pour comprendre la teneur de la Physique, par Federicus Pendasius, philosophe très acéré, natif de Mantoue, premier professeur unique en la très ancienne Université de Bologne. Publiés pour la première fois, ils examinent le système d’Aristote, restaurent l’ancienne doctrine des Grecs, ainsi que celle des Arabes, pèsent soigneusement les pensées des plus éminents Latins, et expliquent tout ce qui est ardu et obscur. Ils sont dotés d’un très riche index rangé par ordre alphabétique, pour l’agrément des lecteurs] (Venise, Roberto Meietti, 1603, in‑fo de 210 pages), dédié Serenissimo Mantuæ Montisque Ferrari Duci, amplissimo ac iustissimo Vincentio Gonzagæ Domino clementissimo [au sérénissime duc de Mantoue et de Montferrat, le très grand et très juste Vincent de Gonzague, mon très indulgent seigneur] ;

    • Federici Pendasii Philosophi Mantuani de Natura corporum cœlestium [Sur la Nature des corps célestes, par Federicus Pendasius, philosophe de Mantoue] (Mantoue, sans nom, 1555, petit in‑4o de 115 pages), livre dédié au cardinal Ercole Gonzaga.

16.

V. notes [4], lettre 63, pour le médecin érudit Fortunio Liceti, et [28] du Naudæana 2, pour le philosophe Jacopo Zabarella.

Pendasius eut aussi pour éminent élève Cesare Cremonini (v. infra note [37]).


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 228‑229 :

« Fredericus Pendasius était de Mantoue. Je n’ai vu que deux ouvrages de lui. Le premier est un petit traité intitulé De corporum cœlestium Natura, et imprimé à Mantoue en 1555, in‑8o. L’autre est beaucoup plus considérable < et > a pour titre Physicæ auditionis texturæ, libri octo, publié à Venise en 1603, in‑fo. {a} Il semble, par les préfaces et les avertissements qui sont à la tête de ce dernier, qu’il en vit l’édition achevée et qu’il la corrigea même. Cependant, si nous en croyons celui qui a fait le catalogue des savants de Bologne, il était mort dès 1601 : Federico Pendasi da Mantua 1571, fù fatto Cittadino Bolognese. Lesse filosofia all’ordinario della sera, poi alla terza hora, sin al 1601, che morì d’età di…, {b} l’auteur n’a point achevé d’y mettre son âge, il devait être alors fort avancé. Nous avons déjà dit ci-dessus {c} qu’il professa à Padoue depuis 1564, jusqu’en 1571, qu’il fut appelé à Bologne, où il passa le reste de ses jours. Il eut un fils, Cesare Pendasi, qui professa aussi la philosophie dans cette dernière Université. » {d}


  1. V. supra notule {c}, note [15], pour les références complètes de ces deux ouvrages

  2. « Federico Pendasio, natif de Mantoue, fut créé citoyen de Bologne en 1571. Il professa la philosophie à l’ordinaire du soir, puis à trois heures de l’après-midi, jusqu’à l’an 1601, ou il mourut en la… année de son âge ».

    « Pasquali Alidosi nel Catal. de’Dottori Bolog. carta. 69 » (note de Vitry) : I Dottori Bolognesi di Teologia, Filosofia, Medicina, et d’Arti Liberali dall’anno 1000 per tutto Marto del 1623, di Gio. Nicolò Pasquali Alidosi [Les Docteurs bolonnais de théologie, philosophie, médecine et d’arts libéraux, depuis l’an 1000 jusqu’à la fin du mois de mars 1623, par Giovanni Nicolò Pasquali Alidosi (1658-1625)] (Bologne, Nicolo Tebaldini, 1623, in‑4o, page 69).

  3. « Page 185 » (note de Vitry) : v. notule {a}, note [33] du Naudæana 2.

  4. Cesare Pendasi, reçu le 30 janvier 1601, figure à la page 196 du catalogue d’Alidosi (1623) dans les Nomi, e cognomi de’Dottori viventi, per ordine di tempo del loro dottorato [Prénoms et noms des docteurs en vie, dans leur ordre d’admission au doctorat].

17.

V. note [131], lettre 166, pour Lucrèce à qui nous devons l’essentiel de ce que nous savons de l’épicurisme. Gassendi lui a rendu ce bref hommage dans ses huit livres De Vita et moribus Epicuri [Sur la Vie et les mœurs d’Épicure] (Lyon, 1647, v. note [1], lettre 147), page 65, livre ii, chapitre vi, Qui Successores, Sectatoresque Epicuri commemorentur [Les successeurs et disciples d’Épicure dignes de mémoire] :

Poeta nempe ille insignis, cujus sex libri de rerum natura hactenus superstites uberiorem, quam alias usquam, Epicuræ Philosophiæ explicationem continent, et qui videretur præsertim hoc loco esse celebrandus, nisi quotquot magni viri scripta ejus attigerunt, maximopere ipsum commendassent. Dictus nimirum illis estvir multæ artis, præstans elegantia, doctus, magnus, et alia.

[Cet insigne poète, dont les six livres De Natura rerum, qui, mieux que bien d’autres, nous sont parvenus dans toute leur beauté, contiennent l’explication de la philosophie d’Épicure. Ils me semblent devoir être ici vantés car leur valeur les recommanderait à elle seule, même sans tout ce qui y touche aux écrits du grand philosophe : il y est dit, entre autres, que c’était un homme d’immense talent, de brillante élégance, savant, éminent]. {a}


  1. Cette citation n’est pas extraite de Lucrèce.

L’Histoire naturelle de Pline l’Ancien décrit le monde où il vivait, en disant dans sa Préface à l’empereur Titus (livre i, Littré Pli, volume 1, pages 2‑3) :

Sterili materia rerum natura, hoc est vita narratur, et hæc sordidissima sui parte, plurimarum rerum aut rusticis vocabulis aut externis, immo barbaris etiam, cum honoris præfatione ponendis. Præterea iter est non trita auctoribus via, nec qua peregrinari animus expetat. Nemo apud nos qui idem tentaverit ; nemo apud Græcos, qui unus omnia ea tractaverit. Magna pars studiorum amœnitates quærimus; quæ vero tractata ab aliis dicuntur inmensæ subtilitatis, obscuris rerum tenebris premuntur.

« Matière stérile, la nature des choses, c’est-à-dire la vie, en est le sujet ; et encore dans ce qu’elle a de plus bas, exigeant souvent l’emploi de termes de la campagne, de mots étrangers, barbares même, ou qu’il est besoin de faire précéder d’une excuse. D’ailleurs, la voie où j’entre n’est pas familière aux auteurs, ni de celles où l’esprit aime à s’engager. Nul chez nous n’a fait cette tentative, nul chez les Grecs n’a embrassé seul tous ces objets. Nous cherchons en général les agréments de l’étude ; aussi, les œuvres qui passent pour traiter de choses infiniment ardues demeurent dans l’obscurité et dans l’oubli. »

Hormis ce dessein matérialiste général et son opposition aux superstitions religieuses (v. supra note [2], notule {j}), Pline me semble s’être plutôt amusé de l’épicurisme dans les deux passages où il l’a évoqué.

V. notes [2] supra pour l’aristotélisme subversif de Pomponace, et [30], lettre 6, pour Jérôme Cardan, son éclectisme et les caprices sceptiques de sa Subtilité.

18.

Sixte v, pape de très humble origine paysanne, était franciscain ; il a régné de 1585 à 1590 (v. note [45] du Naudæana 4). Il fallut attendre Clément xiv (1769-1774) pour voir un autre moine porter la tiare.

Gabriel Naudé et Pasquin (v. note [5], lettre 127) incitaient à croire simplement que la piété, l’ascétisme et la chasteté monastiques n’étaient guère de mise à Rome ; mais Le Magasin pittoresque (1836, quatrième année, première livraison, page 19) a fourni une explication inverse :

« Sixte v avait, comme on sait, commencé sa carrière dans l’Ordre des cordeliers. Un chapitre de cet Ordre s’étant assemblé sous son règne, il voulut bien y paraître, mangea au réfectoire et but avec ses anciens confrères à la santé des enfants de saint François. À l’issue du chapitre, Sixte ordonna que, deux jours après, les cordeliers se rendissent au Vatican pour lui baiser les pieds et lui demander chacun une grâce : la joie des cordeliers ne se peut exprimer. La jalousie tourmenta les autres moines, et passa même jusqu’aux cardinaux, qui n’étaient rien moins qu’accablés des bienfaits du pape. Aussi Pasquin dit-il ce jour-là que, sous le règne du grand pape, il valait mieux être cordelier que cardinal.

Au jour marqué, Sixte v parut sur son trône : un moine brouillon et querelleur lui demanda un bref d’excommunication contre tous ceux qui disputeraient contre lui ; un autre demanda qu’on lui donnât deux cellules dans son couvent, où il fût indépendant de son supérieur, de la règle, et même du pape. La folie des moines n’eut point de bornes : plusieurs demandèrent des pensions, des abbayes, des évêchés, et jusqu’au chapeau de cardinal. […] Tous les moines, au nombre de six cents, ayant défilé, le pape les fit tous assembler ; et après une sévère allocution, où il leur reprocha la folie et l’ambition de leurs demandes, il les congédia tous, honteux comme on peut l’imaginer. […] Ceux qui avaient porté envie aux cordeliers virent alors que le pape n’avait voulu que s’égayer à leurs dépens. Chacun applaudit ; Pasquin lui-même changea de langage, et dit que, s’il fallait essuyer des mortifications, il valait encore mieux les recevoir sous la pourpre que sous la bure. »

19.

« il s’émerveillait de tout ce qu’il voyait, […] : ce sont des hommes tout à fait admirables : ils se paient de paroles, ils se nourrissent de plantes, et ils se battent avec des pierres. »

Christoph Scheiner (Markt Wald, Bavière 1575-Neisse, Silésie 1650), entré dans la Compagnie de Jésus en 1597, enseigna les mathématiques, la physique, l’astronomie et l’hébreu à l’Université d’Ingolstadt de 1610 à 1617, tout en y obtenant un doctorat de théologie. Par ses travaux en optique et en astronomie, il contribua à la découverte des taches solaires, ce qui lui valut d’être pensionné par plusieurs princes allemands. Scheiner séjourna à Rome de 1624 à 1633, où il entra en querelle avec Galilée (v. note [19], lettre 226) pour accusations réciproques de plagiat sur leurs observations solaires. Le jésuite aurait, dit-on, témoigné à charge contre son ennemi lors du fameux procès qui aboutit à la condamnation du savant italien.

20.

L’Observation vii de Charles Guillemeau et Guy Patin abonde en remarques critiques sur les prétendues vertus thérapeutiques du bézoard (v. note [9], lettre 5) et sur les supercheries des escrocs qui le vendaient à prix d’or.


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 229‑230 :

« Le P. Scheiner. L’historiette que l’on nous débite ici touchant le prétendu bézoard ne porte pas avec foi un air de vérité : quelle apparence que deux jésuites eussent voulu en imposer aussi grossièrement à un de leurs confrères qui tenait un rang si considérable parmi les premiers mathématiciens de son temps et qui, par conséquent, faisait honneur à la Société ? Le P. Scheiner était né en Souabe près de Mindelheim. Si nous en croyons le P. Sotwel, il entra chez les jésuites en 1595 et mourut à Niessen, d’apoplexie, le 18 juillet 1650, courant sa 77e anné : je ne vois pas clairement comment accorder ce calcul. Tout le monde sait qu’il est le premier qui a découvert les taches du Soleil. » {a}


  1. Le jésuite anglais Nathaniel Bacon (1598-1676), sous le nom de Nathanael Sotvellus (Southwell ou Sotwel), a continué la Bibliotheca de Philippe d’Alegambe (Anvers, 1643, v. supra note [1], seconde notule {a‑iii}) : Bibliotheca Scriptorum Societatis Iesu… Recognitum, et productum ad annum Iubilæi m. dc. lxxv. [Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus… Revue et poursuivie jusqu’à l’année jubilaire 1675…] (Rome, Iacobus Antonius de Lazzar Varesius, 1676, in‑4o).

    Vitry a tiré ses renseignements de l’article sur Christophorus Scheiner (pages 144‑145) :

    Natione Germanus, gente Suevus, domo Waldensis prope Mindelhemium anno ætatis 20. in Societatem ingressus anno salutis 1595. quatuor in ea vota nuncupavit 31. Julii 1618. sacræ Linguæ, et scientarum Mathematicarum annis 14. Professor Ingolstadii, et Friburgi Brisgoyæ, et Collegii Nissensis in Silesia Rector fuit… Tandem annum agens septuagesium septimum, brevi apoplexia tactus, sed expiatus, et unctus, vitæ huius curriculum absolvit Nissæ die 18. Iulii 1650. is admirabile de Solis maculis et faculis Phænomenon, primus invenit Ingolstadii anno 1611. de quo edidit tacito nomine.

    [Allemand de nation, du pays souabe, il est né à Walden, près de Mindelheim. {i} Entré dans la Compagnie en 1595, à l’âge de 20 ans, il a prononcé ses quatre vœux {ii} le 31 juillet 1605. Il a enseigné l’Écriture sainte et les mathématiques pendant 14 années à Ingolstadt et à Fribourg-en-Brisgau, et a été recteur du Collège de Neisse {iii}… Enfin parvenu en sa a 77e année d’âge, il fut soudainement frappé d’apoplexie et acheva le cours de son existence terrestre le 18 juillet 1650 à Neisse, {iv} mais après s’être confessé et avoir reçu l’onction. Il fut le premier à découvrir, à Ingolstadt en 1611, le phénomène admirable des taches et facules du soleil, dont il publia anonymement la description]. {v}

    1. Walden, près de Mindelheim (Bavière), porte aujourd’hui le nom de Markt Wald.

    2. Les trois vœux monastiques (pauvreté, chasteté et obéissance) et le vœu, particulier au jésuites, d’obéissance particulière aux missions confiées par le pape.

    3. En Silésie, aujourd’hui Nysa, au sud-ouest de la Pologne.

    4. Comme remarquait Vitry, on aurait attendu la 75e ou 76e année d’âge, plutôt que la 77e.

    5. Facule, du latin facula (diminutif de fax, flambeau) : « nom que Scheiner, et les autres, après lui, ont donné aux taches qui paraissent sur le Soleil, à cause qu’elles paraissent et se dissipent de temps en temps. Le mot de facules ne se doit pas entendre des taches, mais des parties du disque solaire plus claires que le reste du corps, et qui paraissent après que les taches ont disparu, et au même lieu. Les facules paraissent sur la surface ou autour de la surface du Soleil » (Trévoux).

21.

Dans ce paragraphe, « Les Américains découvrirent à la comtesse… » est à prendre au sens de « Les Indiens d’Amérique montrèrent à la comtesse… ».

V. note [7], lettre 309, pour l’écorce du quinquina (Cinchona officinalis) : l’histoire de sa découverte, suivie par l’extraction de la quinine au xixe s., qui reste le médicament de premier recours dans le traitement de la fièvre intermittente du paludisme (malaria), là où le parasite (plasmodium) responsable n’y est pas devenu résistant.

Le récit classique, mais contestable, repris par Leonardo Guttierrez-Golomer (Revue d’histoire de la pharmacie, 1968, 199 : 187‑190), y fait intervenir les aborigènes Incas, Luis Jeronimo de Cabrera, comte de Chinchon (Madrid 1589-ibid. 1647), vice-roi du Pérou (v. note [1], lettre 478) de 1629 à 1639, sa seconde épouse, Francisca Henriquez de Ribera (morte en janvier 1641 pendant son voyage de retour en Espagne), le cardinal de Lugo (v. note [55], lettre 99) et quelques autres.

Le jésuite espagnol Bernabé Combo (Lopera, Andalousie 1582-Lima, Pérou 1657), auteur d’une Historia del Nuevo Mundo [Histoire du Nouveau Monde], écrite en 1654 et imprimée pour la première fois en 1890 (Séville, E. Rasco), aurait été le premier à expédier le quinquina à Rome, en 1632, d’où la Compagnie de Jésus se chargea de le faire connaître dans toute l’Europe.

Ce passage ne figure pas dans le Naudæana manuscrit de Vienne (v. note [12] de l’Introduction aux ana de Guy Patin) et me semble être une addition tardive du transcripteur. Le fait est bien que Guy Patin a constamment médit du quinquina, mais dans sa correspondance (car il ne l’a mentionné dans aucun de ses autres écrits), il en a parlé pour la première fois, comme d’une nouveauté, dans sa lettre du 8 avril 1653 à Charles Spon (paragraphe daté du 4 avril) :

« Il y a environ trois mois que quelques jésuites, tant de ceux de Lyon que d’autres qui venaient d’Italie, apportèrent ici une certaine poudre qui venait des Indes, d’une vertu admirable contre les fièvres quartes. Cette drogue fut incontinent en crédit […], mais tôt après, l’expérience manqua et ceux qui n’avaient pas voulu s’en servir en ont été loués. J’ai parlé hardiment contre cette nouveauté en plusieurs lieux où ces bons pères passefins en promettaient miracle et où elle n’a rien fait du tout. »

22.

Référence aux M. Annæi Senecæ Rhetoris controversiarum libri x [Dix livres des Controverses (plaidoyers contradictoires) de Marcus Sénèque le Rhéteur], seul ouvrage attribué à Sénèque l’Ancien (Cordoue vers 54 avant J.‑C.-39 après), père du bien plus célèbre Sénèque le Jeune (dit le Philosophe ou le Tragique, v. note [2], lettre 64). La Controversia viii du livre vi est intitulée Versus virginis vestalis [Le Vers de la vestale], avec cet argument :

Virgo Vestalis scripsit hunc versum : Felices nuptæ ; moriar nisi nubere dulce est. Rea est incesti.

[Une vestale écrivit ce vers : « Heureuses les mariées ! Je veux mourir s’il n’est pas vrai que le mariage est un bonheur. » On l’accuse d’avoir violé ses vœux de chasteté].

Ce texte, court et curieux, mérite d’être lu pour laisser à chacun le soin de comprendre ce que Gabriel Naudé pouvait vouloir dire en le citant (édition bilingue des Controverses et suasoires de Sénèque le Rhéteur par Henri Bornecque, Paris, Garnier Frères, 1902, tome premier, pages 289‑291) :

« Contre la vestale. {a} “ Heureuses les mariées ! ”, elle désire ce bonheur. “ Je veux mourir s’il n’est pas vrai que… ”, elle affirme ; “ le mariage est un bonheur ” : ou tu le sais par expérience, et c’est un serment, ou tu ne le sais pas par expérience, et c’est un faux serment ; ni l’un ni l’autre ne sont d’une prêtresse. – Devant toi les magistrats abaissent leurs faisceaux ; les consuls et les préteurs te cèdent le haut du pavé ; est-ce un trop faible salaire pour ta virginité ? – Une prêtresse doit jurer rarement et uniquement par Vesta, qu’elle sert. – “ Je veux mourir ”. Le feu éternel est donc éteint ? “ Je veux mourir ”. On t’a donc fait des propositions de mariage ? – C’est à toi que je m’adresse la dernière, Vesta : montre à ta prêtresse autant d’hostilité qu’elle te porte de haine. – Récite ce vers quand je te demande ce que c’est. – Quoi ! tu écriras un poème, tu attacheras aux vers la mollesse qui est dans tes pieds, et, par tes modulations, tu violeras la gravité que réclament les temples ? – Si tu veux à toute force louer le mariage, parle-nous de Lucrèce, écris des vers sur sa mort avant de faire un serment sur la tienne. – N’es-tu pas digne de tous les supplices, toi qui trouves une autre condition plus heureuse que le sacerdoce ? – “ C’est un bonheur. ” Quel mot expressif, quel mot sorti du fond du cœur d’une femme qui, non seulement connaît la chose, mais qui y a pris goût ! – Même s’il n’y a pas eu commerce charnel, celle qui le désire viole ses vœux de chasteté.

Thèse opposée. On lui reproche un vers, et encore pas tout entier. – On dit : “ Elle n’aurait pas dû écrire un poème. ” Il y a une grande différence entre un reproche et un châtiment. – On ne peut condamner une prêtresse pour avoir violé ses vœux de chasteté, si son corps n’est pas souillé. – Quoi ! tu t’imagines que les poètes ressentent ce qu’ils écrivent. – Elle a toujours vécu dans la vertu et la modestie ; ses habits n’ont rien de trop luxueux, sa conversation avec les hommes, rien de trop libre ; son seul crime, je vais vous l’avouer : elle a du talent. – Pourquoi n’aurait-elle pas le droit d’envier Cornélie, d’envier la mère de Caton ou celles dont les enfants servent les dieux ? » {b}


  1. V. note [8], lettre latine 103, pour les vestales.

    Bornecque précise que le sujet de cette controverse a été vraisemblablement inspiré par le récit suivant de Tite-Live (Histoire de Rome, livre iv, chapitre xliv, § 11‑12) :

    « La même année, Postumia, vestale, accusée d’avoir violé son vœu, eut à se justifier de ce crime dont elle était innocente. On l’avait soupçonnée parce qu’elle aimait assez l’éclat, avec une certaine recherche dans sa parure et un esprit plus libre qu’il n’est bienséant à une vierge. Après deux informations, on finit par l’absoudre et, de l’avis du Collège, le pontife suprême lui ordonna de s’interdire à l’avenir tous les jeux d’esprit et d’avoir une mise où l’on vît plus de réserve que de recherche. »

  2. Cornélie (Cornelia Metella), épouse de Pompée (v. note [1], lettre 101), est un modèle de femme savante, artiste et vertueuse ; Caton le Censeur (l’Ancien) a réuni toutes les qualités du « vieux Romain » (v. note [5] de Guy Patin contre les consultations charitables de Théophraste Renaudot).

    Une manière de comprendre la référence de Naudé à ce plaidoyer est d’y voir que la chasteté de l’esprit est distincte de celle du corps, ou, pour mettre les pieds dans le plat, que le libertinage de pensée n’implique pas celui des mœurs. En outre, ce qui compte le plus dans la vie est de faire de nobles enfants, qu’ils soient de chair ou de papier, pourvu qu’ils honorent Dieu.


23.

« Rien de mieux que la vie de célibataire » (Épîtres, livre i, vers 88).

24.

« Voyez… » : Gabriel Naudé recommandait quatre lectures ; leurs auteurs n’étaient pas tous libertins, tant s’en faut, mais ce qu’ils écrivaient jette une lumière assez crue sur deux facettes de cette école morale, partagées avec bien d’autres, mais volontiers passées sous silence, l’égocentrisme et la misogynie. {a}

  1. La Dan. Heinsii Dissertatio Epistolica, An viro literato ducenda sut uxor, et qualis ?… [Essai épistolaire de Daniel Heinsius, {b} l’homme de lettres doit-il prendre femme, et laquelle ?...] {c} est une lettre en prose de 37 pages, datée de Leyde le 1er juillet 1607 écrite à Jacobus Primerius, poète de Douai, qui se demandait s’il devait se marier. Elle se termine sur cette recommandation (page 37) qui place l’amour de la beauté devant celui de la fortune, s’il faut se résoudre à épouser :

    Nam si expectare potes, donec omnia ut oportet ibi erunt constituta, faxo lepidam puellam ex Anacreonte aut Homero eligas, cui dotem dabit Penia Platonis aut Idea. Nullus enim ibi usus erit nummi. Nunc autem quamquam in omnibus tuis, vena lenis et tersissimus elucet character, est tamen quidam in cutatis vestri regis et circumforaneo hoc auro, qui non paulo plus potest. Hæc res nobis fraudi est. Unum opto (ne perpetuo iocari me existimes) fidem ut habeas, homini non quidem erudito, sed qui aliquem, ni fallor, usum habet rerum atque experientiam. Quod ne sero intelligas, iterum atque iterum, suavissime Primerie, cave.

    [Car si vous pouvez attendre que tout soit bien arrangé comme il faut, choisissez alors une charmante jeune fille, telle que décrite par Anacréon ou par Homère, {d} et qu’aura dotée la Pénie ou l’Idéa de Platon, {e} étant donné qu’il n’y aura là aucun besoin d’argent. Pourtant, bien qu’aujourd’hui, parmi toutes vos qualités, brillent un cœur paisible et un caractère parfaitement irréprochable, personne, parmi les courtisans de votre roi et dans tout cet or qui circule, ne vous peut surpasser, si peu que ce soit. Cet argent sert à tromper. Je souhaite seulement (pour que vous n’alliez pas croire que je plaisante perpétuellement) que vous conserviez votre confiance en moi : je ne suis certes pas bien érudit, mais j’ai, si je ne me trompe, quelque habitude et expérience des choses. Une fois encore, mon cher Primerius, prenez garde de ne pas me comprendre trop tard]. {f}


    1. V. notule {d}, note [1], lettre 600, pour celle de Guy Patin.

    2. V. note [4], lettre 53.

    3. Leyde, Godefridus Basson, 1618, in‑12, opuscule de 140 pages contenant divers autres textes de Heinsius.

    4. Poètes grecs antiques, chantres de la beauté et de l’innocence des jeunes femmes : v. note [24] du Faux Patiniana II‑1 pour Anacréon, et [9], lettre 43, pour Homère.

    5. Pour dire, qui soit ou désargentée, ou intelligente :

      • dans le Banquet, Platon raconte qu’un jour Pénie, déesse de la pauvreté, « les dieux donnant un grand festin, celui des richesses, qui avait un peu trop bu, s’étant endormie à la porte de la salle, Pénie, venue là pour recueillir les restes du repas, l’aborda, lui plut, et en eut un enfant qui fut l’Amour » ;

      • Idéa figure simplement l’idée.

    6. En 1615, huit ans après avoir écrit sa lettre, Heinsius épousa la sœur de Jan Rutgers (v. note [18], lettre 201).

  2. Le début de « l’épître xxxi, première centurie, de Juste Lipse » à Theodorus Leewius (v. note [7] des Triades du Borboniana manuscrit), à La Haye, non datée, mais écrite en 1582 d’après l’ordre chronologique de l’Epistolarum selectarum Chilias [Millier de lettres choisies] (Avignon, 1609, v. note [12], lettre 271) en donne le ton (pages 36‑37) :

    Quin sæpe sic aff<l>i<t>cior, ut quemadmodum mulieres quæ uterum ferunt, ad omnia nauseant : sic mihi nec scribendi libido ulla sit, vec legendi. Mare quoddam mortuum esse aiunt, sine vento, sine motu : sic sæpe ego. Sed tu me excitasti ; præsertim illa parte epistolæ, qua consilium a me petis de summa vitæ. Deliberas de conjugio, aut cœlibatu. Difficile mihi sententiam interponere, præiudicio iam pæne devinctam. Vides enim quid ipse fecerim. Ita nisi a coniugio dixero, damnem me ipse necesse est aut inconstantiæ aut erroris. Sed seponam tamen paullisper eam cogitationem, et de tota re videbo quasi liber et exsolutus. Ac principio conjugium si qui damnet, impius sit in utramque legem, et civium et naturæ. Stare genus humanum non posse omnes scimus, sine viri mulierisque cœtu. Non ergo universe id quæris, credo, an conjugium probandum : sed strictius, an sapienti, an hoc tempore, an tibi. Sapientiæ studia et vitæ quietem si sequeris, nescio an ducenda uxor. Exempla veterum sapientum in utrumvis sunt : ratio magis est ut neget. Si enim liber animus Deo et sibi vacans, ad sapientiam et tranquillitatem requiritur : non video quomodo adsumenda illa cura, quæ noctes diesque adhæreat, angat, coquat. Si satis molestiæ in te tuisque cupiditatibus regendis, frænandisque : quid aliunde accersis, cui imperes et moderere ? Cymbam nostram difficulter gubernamus : ecce navim adiunctam volumus cum tot armamentis ? Et fero adhuc, si reges, sed quid si regere illa vult ? si fulmenta lectum scandunt, ut vetus verbum est, quid ? nonne bellum tibi non civile, sed familiare sumendum est de principatu ? At enim moderatam audientemque tibi speras. Ita censeo et opto, sed qua in re unquam magis spes et vota fefellerunt ? An ex composito illo vultu, oculis, verbis, toto corpore ad modestiam ficto, uxorem eliges ? crede mihi nulla fides. Proprium hoc et velut innatum illi sexui, ut crudæ adhuc et vix pueritatem egressæ simulent, fingant, fallant.

    [Pourquoi donc suis-je souvent si abattu que tout me donne la nausée, comme si j’étais une femme enceinte ? Je n’ai alors aucun plaisir à écrire ou à lire ; me voici, une fois encore, comme cette mer qu’on dit morte, sans vent ni mouvement. Vous m’avez pourtant tiré de ma torpeur, surtout quand, dans votre lettre, vous me demandez conseil sur l’essentiel de la vie : vous délibérez sur le choix entre hymen ou célibat. Il m’est difficile de prononcer un jugement vraiment impartial : voyez comme je fis moi-même ; aussi n’aurai-je rien à dire d’autre du mariage, hormis qu’il me faut le condamner comme une inconséquence et une erreur. {a} Je m’écarterai pourtant temporairement de cette pensée et examinerai librement, impartialement et complètement votre question. Pour commencer, qui condamnerait le mariage se montrerait impie à l’égard des deux lois, et celle de la société et celle de la nature : nous savons tous que le genre humain ne peut subsister sans l’union de l’homme et de la femme. Je crois néanmoins que vous ne cherchez pas à savoir si le mariage doit être approuvé de manière générale, mais, plus particulièrement, s’il s’agit, pour vous et aujourd’hui, d’un parti raisonnable. Si vous cherchez à étudier la sagesse et à mener une vie paisible, je ne sais si vous devez prendre épouse, car les enseignements des anciens philosophes vont à l’encontre de vos deux desseins, et le plus raisonnable est d’y renoncer. De fait, si un esprit libre, se consacrant à lui-même et à Dieu, a besoin de sagesse et de tranquillité, je ne vois pas comment il peut y parvenir, si nuit et jour, il se trouve absorbé, inquiet et préoccupé. Si vous avez déjà suffisamment de mal à maîtriser et à freiner vos propres désirs, pourquoi donc iriez-vous chercher à gouverner et à modérer ceux d’une autre ? Quand nous peinons à diriger notre propre barque, pourquoi voudrions-nous lui adjoindre un autre navire, avec tout son armement ? Je le comprends, bien sûr, si c’est vous qui tenez la barre, mais que dire si elle veut la prendre ? Ne devrez-vous pas alors engager une guerre, non pas civile, mais familiale, pour savoir qui gouverne ? Sans doute espérez-vous que votre femme sera docile et soumise, et c’est ce que je pense et vous souhaite, mais, en la matière, les espoirs et les vœux n’ont-ils pas été déçus plus souvent qu’à leur tour ? Ne choisirez-vous pas votre épouse sur la belle apparence de douceur que vous feront voir son visage, son regard, son discours, tout son corps ? Ne vous y fiez pas un instant, croyez-moi ! Le propre de ce sexe, ce qu’il a d’inné, c’est qu’encore immatures et à peine sorties de l’enfance, les femmes feignent, fabulent, trompent]. {b}


    1. V. note [7], lettre 753, pour le mariage de Lipse en 1574, qui fut infécond et qu’on a dit avoir été malheureux.

    2. Ma traduction a tenu compte de cet avertissement de Bayle sur la plume de Lipse : « C’est une chose étrange qu’un style latin aussi mauvais que le sien ait pu créer une secte dans la république des lettres » (en étayant son jugement d’une savante et distrayante note M). Guy Patin partageait cet avis (v. note [19], lettre 605).

  3. V. note [14], lettre 748, pour le poète Philipe Des Portes (ou Desportes), abbé de Tiron. Ses 25 Stances du mariage, rééditées dans Les premières œuvres de Philippe Des Portes. Au roi de France et de Pologne. Revues, corrigées et augmentées outre les précédentes impressions (Rouen, Raphaël du Petit Val, 1594, in‑12, 567‑573) sont une féroce défense du célibat. En voici la première et la dernière :

    « De toutes les fureurs dont nous sommes pressés,
    De tout ce que les cieux ardemment courroucés
    Peuvent darder sur nous de tonnerre et d’orage,
    D’angoisseuses langueurs, de meurtre ensanglanté,
    De soucis, de travaux, de faim, de pauvreté,
    Rien n’approche en rigueur la loi du mariage. […]

    Ô supplice infernal en la terre transmis
    Pour gêner les humains, gêne mes ennemis !
    Qu’ils soient chargés de fers, de tourments et de flammes ;
    mais fuis de ma maison, n’approche point de moi,
    Je hais plus que la mort ta rigoureuse loi,
    Aimant mieux épouser un tombeau qu’une femme. »

  4. V. note [29], lettre 203, pour Daniel Rampalle et ses Discours académiques (Paris, 1647), dont le cinquième est intitulé S’il se faut marier ou non. À Cléandre (pages 233‑279). Sa conclusion ne laisse aucune place au doute sur ses sentiments :

    « Ce lien, tout sacré qu’il est, serait rompu très souvent, presque aussitôt que noué, si les divorces étaient encore en usage, ou qu’il y eût une année de noviciat en cet ordre comme en tous les autres. Vous vous étonnerez, Cléandre, que j’en parle en ces termes, mais repassez en votre esprit toutes les souffrances et les inconvénients où s’exposent ceux qui s’épousent, et vous confesserez avec moi qu’il n’est que trop vrai qu’après la religion des capucins, celle des mariés est la plus austère. Que si vous en voulez prendre tout à la fois une sommaire idée, représentez-vous l’inconstance et les vanités d’une femme, les infirmités de son sexe, l’incertitude de sa fidélité, les chagrins de sa grossesse, les cris de l’enfantement, l’incommodité de ses couches, les importunes clameurs des petits enfants, le soin de leur avancement, la crainte de les perdre et le regret de les quitter. Et après tout cela, sondez jusques au fond de votre âme ; que s’il vous reste encore quelque volonté de vous marier, allez à la bonne heure {a} vous embarrasser dedans ces épines, car si l’appât d’une faible douceur vous ôte l’appréhension de tant de peines, vous méritez de les souffrir. »


    1. Avec tous mes souhaits.

25.

Cet article du Naudæana date de 1649 ; v. notes :

26.

Son homonyme, le cardinal Mazarin, principal ministre du royaume de France, fut immensément plus célèbre que son oncle, le R.P. jésuite Giulio Mazzarini (ou Mazzarino, Palerme 1544-Bologne 1622). Ce premier Giulio avait assuré l’ascension sociale de son frère cadet, Pietro (v. supra note [1]), en le faisant entrer au service des Colonna, et veillé à l’instruction de son neveu chez les jésuites de Rome. Paul Guth (page 10 de son Mazarin) dit que « ce Bossuet de Sicile […] étincela pendant quarante ans dans les plus fameuses chaires d’Italie. Sa voix de prédicateur passa les Alpes. » Trois de ses ouvrages ont en effet été traduits en français :

Partiales, mais méticuleuses et bien documentées, les Annales de la Société des soi-disant jésuites, ou Recueil historique-chronologique de tous les actes, écrits, dénonciations, avis doctrinaux, requêtes, ordonnances, mandements, instructions pastorales, décrets, censures, bulles, brefs, édits, arrêts, sentences, jugements émanés des tribunaux ecclésiastiques et séculiers. Contre la doctrine, l’enseignement, les entreprises et les forfaits des soi-disant jésuites, depuis 1552, époque de leur naissance en France, jusqu’en 1763 de l’abbé Jean-Antoine Gazaignes (Paris, sans nom, 1764, in‑4o de 852 pages, tome premier) procurent les preuves écrites de graves déboires que Giulio Mazzarini connut, dans les années 1570-1580, quand il s’éleva vigoureusement contre le rigoureux gouvernement de la Compagnie. L’argument en est résumé dans le préambule (pages 155‑156) de la Lettre de M. Antoine Jannotti de Montagnan, archevêque d’Urbin, écrite de sa propre main à saint Charles [Borromée], archevêque de Milan, touchant un jésuite scandaleux (datée du 25 août 1584) :

« Le règne d’Acquaviva, {a} loin de remédier aux abus, en introduisit de plus grands encore ; le despotisme fut porté à son comble. “ Et voilà, dit Mariana, jésuite, {b} la source de tous nos maux : la monarchie du général est à mon avis ce qui nous perd et nous accable. Ce n’est point parce que c’est une monarchie, mais parce qu’elle n’est pas bien tempérée : c’est une bête féroce qui ravage et qui renverse tout ce qu’elle touche ; singularis ferus depastus est eam. {c} Est-il en effet rien de plus déplorable et plus digne de compassion que d’entendre les plaintes que l’on fait de toutes parts ? Si nous ne mettons cette bête dans les chaînes, nous n’avons point de repos à attendre. ” À la vue de ces désordres, les plus grands hommes de ce siècle prédirent tous l’entière décadence de la Société. L’archevêque d’Urbin {d} le disait hautement, malgré l’affection particulière qu’il avait pour les jésuites. Il voyait, au grand scandale de la religion, le même Jules Mazzarin, jésuite, qui avait été ignominieusement chassé du diocèse de Milan, semer en 1584 (quatre ans après l’élection du général Acquaviva) le trouble et la division dans son diocèse, se liguer avec quiconque avait reçu quelque mortification de son tribunal, s’ingérer dans toutes les fonctions du ministère sans son approbation, porter son insolence même jusqu’à le menacer et lui dire, avec toute la hauteur d’un jésuite, qu’il avait fait la barbe à bien d’autres, {e} et qu’il pourrait bien lui apprendre à vivre. Quel monstre que ce prétendu religieux ! et ses excès pouvaient-ils demeurer impunis ailleurs que dans la Société des jésuites, où les charges sont très souvent le prix des plus grands crimes ? Ce qui fait dire à Mariana, jésuite, qu’il n’y a aucune société de voleurs qui puisse subsister sans justice et sans équité, et qu’on ne trouve point cette justice dans la Société de Jésus, puisqu’on n’y observe pas même la loi naturelle. L’archevêque d’Urbin gémissait sur les désordres du P. Mazzarin ; {f} et ne sachant quels moyens prendre pour les arrêter, il écrivit à saint Charles {g} et le supplia de lui marquer ce qu’il devait faire, voyant de pareils excès, et devant en attendre de plus fâcheux encore. » {h}


  1. Claudio Acquaviva, jésuite italien, fut le 5e supérieur général de la Compagnie de Jésus de 1581 à 1615.

  2. V. note [30], lettre 307, pour Juan Mariana, jésuite espagnol contestataire, et ses écrits contre les abus de la Compagnie.

  3. « Une seule bête sauvage l’a dévorée » (Psaumes 80:14).

  4. Note de l’auteur des Annales :

    « Antoine de Giannote de Padoue, qui fut fait évêque de Forli en 1563. Ughello {i} l’appelle Antoine Jannoti de Montagnana de Mantoue, chambrier apostolique. Il fut fait archevêque d’Urbin {ii} le 11 août 1578, et vice-légat d’Avignon ; delà, il passa à la vice-légation de Cologne, où il mourut en 1597. »

    1. Ferdinando Ughelli (1595-1670), moine cistercien (v. note [23], lettre 992) italien et historien ecclésiastique.

    2. Urbino, v. note [40] du Naudæana 3.

  5. « Faire la barbe à quelqu’un, pour dire lui faire affront, parce que c’était autrefois une peine fort ignominieuse de raser la barbe à quelqu’un, non seulement en France, mais même chez les Grecs et chez plusieurs autres nations ; d’où sont venues ces trois façons de parler : “ Je veux qu’on me tonde ”, ” Je lui aurai le poil ” et “ Je lui ferai la barbe ” » (Furetière).

  6. Note de l’auteur des Annales :

    « Alegambe, dans sa Bibliothèque des écrivains de la Société, {i} dit que le P. Jules Mazzarin, “ pendant quarante années de prédications dans les villes principales et les plus distinguées de l’Italie et de la Sicile, s’était acquis une gloire immortelle, et qu’il en a comblé la Société. ” »

    1. V. note [19], lettre 224.

  7. Charles Borromée, v. note [20], lettre 183.

  8. La suite des Annales donne la mesure du scandale provoqué par la rébellion du P. Mazzarini ; la Compagnie lui fit un procès et il échappa de peu à la prison.

Dans son Mascurat (Jugement de tout ce qui a été imprimé contre le cardinal Mazarin, Paris, 1650, v. note [127], lettre 166), Gabriel Naudé a été bien plus disert sur le compte du P. Mazarini et de sa famille (pages 49‑51) :

« Puisque tous ces moines et chevaliers n’attaquent la noblesse des Mazarins que par des ouï-dire, pourquoi ne me sera-t-il pas permis {a} de les défendre avec de pareilles armes, vu que, suivant la règle du droit, Nihil est tam naturale, quam eo genere quidque dissolvere, quo colligatum est ? {b} Et cela étant, je t’assure qu’ils n’auront point d’avantage sur moi, voire même que j’en aurai plutôt sur eux, à cause des faussetés, sottises et contrariétés dont leurs libelles sont tout farcis, dum habent animum, comme disait Plaute, falsiloquum, falsificum, falsijurium. {c} J’ai donc pris information, depuis quinze jours seulement, de tout ce que le sieur Bernardin, qui est le plus ancien serviteur italien que le cardinal ait en sa maison, pouvait savoir de la famille de son maître. Et après avoir conféré ce qu’il m’en a dit avec ce que je me suis pu souvenir d’en avoir appris à Rome, ou trouvé dans mes livres, on peut dire assez probablement que le grand-père du dit cardinal avait trois fils, dont les deux plus âgés prirent l’habit de religion, l’un en celle des jésuites, savoir le P. Jules Mazzarin, et l’autre sous la règle des capucins ; et que pour le troisième, {d} il l’amena à Rome lorsqu’il n’était encore âgé que de sept ou huit ans. […] Il est bien vrai que, pour ce qui est du jésuite, j’ai quelques circonstances assez probables pour croire qu’il n’était que frère naturel du sieur Pietro ; je sais aussi assurément que ce fut la seule cause qui empêcha Clément viii {e} de le nommer au cardinalat, comme il avait eu dessein de faire, pour modérer un peu la trop grande autorité d’un des principaux supérieurs de cette Compagnie. Or, comme il était le plus âgé des trois, aussi a-t-il été appelé le premier à jouir de la récompense que Dieu a préparée aux peines et aux travaux des gens de bien, car, après avoir prêché quinze ans à Bologne, avec plus d’applaudissement que personne n’avait jamais fait auparavant lui, demum in eadem urbe, repentina ictus apoplexia, quatriduo extinctus est, die 22. Decembris, anno salutis m. dc. xxii. ætatis lxxviii. Religionis lx. {f} Au reste, le cardinal doit à ce bon père que le nom des Mazzarin n’était point inconnu en France lorsqu’il y vint, en 1628, offrir son service au roi et au cardinal de Richelieu, car il y avait déjà plus de vingt ans que l’on y lisait neuf ou dix gros volumes in‑4o de ses ses prédications italiennes, tant sur le Sermon de Notre Seigneur in monte, {g} que sur le Colosse babylonien, et sur le Miserere et Gloria Patri, faites par ledit Jules Mazzarin, lequel avait des talents si avantageux pour la chaire que ceux qui n’ont pu entendre ses sermons ont été bien aises de les lire, et même de les faire traduire en français par deux différents interprètes, comme aussi en latin ; esquelles {h} deux langues ils ont déjà été imprimés tant de fois et en si diverses façons qu’ils sont maintenant communs à tout le monde. Itaque, comme ajoute Alegambe, in præcipuis ac celeberrimis Italiæ civitatibus, totos xl. annos de loco superiore verba faciens, magno auditorum concursu et plausu, immortalem sibi gloriam, et Societati decus comparavit. {i} Le même père enseigna aussi la théologie à Paris, Philosophiam Panormi, Parisiis Theologiam docuit, {j} et gouverna plusieurs collèges et maisons de son Ordre, Collegia Genuense et Ferrariense Rector, domum Panormitanam Præpositus administravit. {k} À quoi je puis encore ajouter, pour l’avoir appris à Rome de certains jésuites mes amis, qui le pouvaient bien savoir, qu’il avait fait plusieurs voyages et traité fort heureusement beaucoup d’affaires importantes avec les ducs de Parme, de Modène et d’Urbin ; et qu’il était tellement estimé et considéré à Rome qu’il ne se passait guère de jour sans qu’il reçût la visite de deux ou trois cardinaux, soit qu’ils lui désirassent parler ensemble, ou séparément. » {l}


  1. C’est l’imprimeur Mascurat qui parle au libraire Saint-Ange.

  2. « N’y a-t-il rien de plus naturel que de résoudre tout genre d’affaire en remontant à ses sources ? »

  3. « parce qu’ils ont l’esprit menteur, faux, parjure », Plaute, Miles gloriosus [Le Soldat fanfaron] (v. note [9], lettre latine 53), acte ii, scène 2, vers 191 : pour adapter sa citation au contexte, Naudé y a remplacé domi habet… [elle a au fond…] par dum habent… [parce qu’ils ont…], mais en oubliant alors de conjuguer le verbe au subjonctif (habeant). Par respect pour le latin de Naudé, je préfère conclure à une coquille d’imprimerie : dum habent… pour domi habent… [ils ont au fond…].

  4. Pietro, le père du cardinal ministre.

  5. Pontificat de 1592 à 1605 (v. note [2], lettre 47).

  6. « en cette même ville, il fut alors soudainement frappé d’apoplexie et s’éteignit en quatre jours, le 22 décembre 1622, en sa 78e année d’âge, qui était la 60e de son entrée en religion. »

  7. « sur la montagne ».

  8. Dans lesquelles.

  9. V. supra première notule {f} pour la source et la traduction de cette citation.

  10. « il enseigna la philosophie à Palerme et la théologie à Paris ».

  11. « il dirigea, comme recteur, les collèges de Gênes puis de Ferrare, et comme préfet, la maison de Palerme. »

  12. Naudé n’a rien dit des déboires du P. Mazzarini avec les supérieurs de sa Compagnie.


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 230‑231 :

« Naudé assure dans le Mascurat {a} que le P. Jules Mazarin eût été fait cardinal par Urbain viii sans ce défaut de naissance. {b} Il mourut d’apoplexie à Bologne le 22 décembre 1622, âgé de 77 ans, selon Naudé, ou de 78 ans, selon Alegambe. » {c}


  1. « Mascurat, pag. 50 » (note de Vitry) : v. supra.

  2. La bâtardise de Giulio Mazzarini, que le P. Vitry, son confrère, ne niait pas.

  3. Bibliotheca de Philippe d’Alegambe prolongée par Nathaniel Sotwel (Rome, 1676, v. supra notule {a}, note [20]), sur Iulius Mazarinus (page 534).

27.

V. note [43] du Naudæana 3, pour Melchior Inchofer (mort en septembre 1648), jésuite italien d’origine hongroise, ses affinités jansénistes et ses plausibles mésaventures au sein de la Compagnie de Jésus.

Il est en effet l’un des deux auteurs putatifs de l’anonyme Lucii Cornelii Europæi Monarchia Solipsorum… [La Monarchie des Nous-tout-seuls, de Lucius Cornelius, Européen…] (Venise, sans nom, 1645, in‑12 de 144 pages). L’épître dédicatoire est adressée à Leo Allatius (v. note [1] du Naudæana 1) par un dénommé Timothæus Cursantius (pseudonyme non démasqué), expliquant que Lucius Cornelius lui a confié l’édition du récit qu’il a rédigé au retour d’un voyage en Terre sainte. Fondé sur un conte fantaisiste composé de 21 chapitres, ce livre est un virulent pamphlet contre les jésuites, surnommés solipsi, néolatinisme joignant solus et ipse, « moi tout seul », « nous tout seuls » au pluriel.

Au siècle suivant, en a paru la version française : La Monarchie des Solipses ; traduite de l’original latin de Melchior Inchofer, de la Compagnie de Jésus ; avec des remarques, et diverses pièces importantes sur le même sujet (Amsterdam, Herman Uytwerf, 1754, in‑12 ; première édition id. et ibid. 1722, in‑16).

Le chapitre ii (Venise, 1645, pages 8‑13) résume l’ouvrage et en donne une juste idée ; il n’est pas sans rappeler le style romanesque (mais plus élégant) et le ton satirique (mais plus subtil) de l’Euphormion de Jean Barclay (Paris, 1605, v. note [20], lettre 80). Lucius Cornelius y fait en outre quelques confidences sur son propre compte, mais elle ne correspondent pas exactement avec la biographie du P. Inchofer :

Antequam narrare de Regno Solipsorum incipiam, delectabit paucis exponere, qui me turbo Europæ, imo toti huic hemisphærio abreptum, in incognitas plagas eiecerit. Natus in florentissimo Europæ Regno, ubi aves aquas findunt, vix pueritiæ metas egressus, Romam a parentibus studiorum causa sum missus. Clemens viii Pontifex, non multo post Iubilæum decimi sexti exeuntis sæculi edixerat. Hic, post humaniores litteras, prudentia juris imbutus, iuvenis admodum patrocinia causarum suscepi, et Purpuratis placui. Ad magna favor impellebat, nisi præposterum fatum incantasset.

Forte quaterni studiorum sodales extra Urbis portam, quæ ad Romanum portum, vetusta fama clarum viam commonstrat, ad ripam Tyberis amæna, et umbrosa semita inambulamus, animique causa varia serentes, mox nonnihil lassi prope ipsum fluminis alveum, frigidioris auræ captandæ gratia considemus. Hic de rerum sub Sole vicissitudinibus, de illustrium casibus, incertis humanorum eventis, dum non sine sale fabulamur : inopinos a tergo sentimus adesse ignoti vultus homines, putasses repente ex humo enatos, nisi diu ante in proximo fruteto latitantes nostras confabulationes observassent. Ut plene conspecti, non amplius levi, et suspenso, sed pressiori gradu fidentius aggrediuntur, sedentes, et blande satis adsalutant : quid verborum cedimus, rogant. Adductæ supra genua vestes, et pallia super humeros complicata, mentumque rasum, et nigra omnia funeratores notabant : mox tamen demissa ad talos toga, palliumque incompte explicatum Philosophos ostendebat, eius generis, quo tum Roma abundabat. Equidem animi pendens, magos, ariolosque mecum fingebam.

Ipsi tamen percepto nostri sermonis argumento, forum nacti, altius ordiuntur. Quærunt de patria, de genere, de censu : ubi intellexerunt Romanos partim, partim peregrinos, nobiles omnes, ac opulentos esse ; Tum de ætate parentum, officio, de numero fratrum, sororum, consaguineorum, agnatorum. Respondum ad singula, denique genus studiorum percunctati, ad nomen Iuris prudentiæ labra comprimere, nescio, quod torvum oculis, ac fronte præferre. Et senior ex illis, suspirabundus, o miseros, inquit, adolescentes, quibus laqueis compediti trahuntur ad Orcum : Ecquid vobis Iurisprudentia, quia divites, ac nobiles multis benefacere potestis, nemini damno esse, ut lucri cupiditate legulei solent ? Quin potius legibus Solipsorum, manus nobiscum datis, et potentissimi Monarchæ aulam sequimini, Regnum incomparabile visuri, possessuri. Hic ego suspicatus eius farinæ homines, qui allegoriis inescantes, ad claustra, et cucullum tractos vellent : Christiani, aio, omnes sumus, Evangelio credimus, Solipsos non novimus, nec nisi Christi Regis aulam quærimus, et diversis quamvis semitis Christum sequimur, sua cuique vocatio, et ductus spiritus, nisi vos aliter sentitis. Nos Deo, Patriæ, et nobis nati, vitam mortalibus communem ducturi sumus, donec in libertatem filiorum Dei plene adsciscamur, atque interim bonis ex alto datis iucunde fruimur.

At senior (Apogonites dicebatur) odoratus candidi animi errorem, fore usus, momento sumpta Melanorum recentioris instituti persona, compositoque cum suspiriis ad lachrymas vultu. O fili, inquit, non hæc vera vocatio, sed occulti hostis est dolosa impulsio, cave præcipites, ducens in bonis dies tuos. Christum sequi, mundum contemnere est, abnegare seipsum, et tollere Crucem suam, relictis patre, et matre, omni sanguinis affectu, rebus omnibus, etiam spe habendi. Hæc est vera vocatio, quam nos a Deo missi, vobis annunciamus. An putatis absque singulari Numinis providentia factum, huc accessisse ? cavete Spiriui Sancto tempore acceptabili restiteritis, non alias exaudiendi, pœnas in Orco æternum daturi. Hæc iste fictus animum, et pleraque ex Sacris Scripturis, qualia Christus Pharisæis exprobat, nonnulla etiam ex sanctis Patribus, illud maxime Hieronymi ; Per calcatum perge patrem, solum pietatis genus est, hac in re esse crudelem. Iam suspensi animis hærebant socii mutuo se intuiti ; quos ego velut fascinatos conspicatus, ad senem concita mascula bile ; desine, inquam, Barbitrunce Philosophe, huiusmodi incantamentis adolescentes irretire, sexcentis ego te Brocardicis obruam, si scripturam torquere pergas, ac ut me sors iuvet, ex subvulturio venatore faciam te momento piscatorem Tyberinum.

Sensit Apogonites, et torvo supercilio, pressisque labris nescio quid obscuri demurmurans, arrepto, quod socius ferebat, vidulo, pulverem improbum illico expedit, omnesque nos, ac me potissimum inspergit. Nec mora, soporifera vi ad ima tempora penetrante, in vertiginem actos, arctior, quam sanos solebat somnus complexus est ; Obiectæ incunctanter, non earum rerum species, de quibus, ut de Homero scribit Ennius, vigilantes sæpe cogitare, et loqui assuevimus ; verum quidquid vitæ in posterum agendæ series contineret, confusæ imagines exhibebant. nimius sim recensendo, quæ ego ipse vidi, nam sociorum alia scotomata, sed ea ipsa in historiam conjicienda sunt, ne prænarrata non sapiant, quando quæ de Regno Solipsorum dicturi sumus persimillima sunt somniis, vera tamen. Uno hic verbo delectat dicere ; dum soporati per frigentes calentesque aereas plagas, navi, curru, pegaso interdum vehimus, rapimur, totiesque aliis, atque aliis comitibus stipamur (nam bini illi, qui ad Tyberim Romæ incantarant, paulo post visi in turmam se se explicare, humana forma deposita, evanuerunt) tandem in Regia Solipsorum, evigilantes sistimur. Quod iter mihi, cum unius noctis spatium mentiretur, triennii curriculo postea a navigantibus definitum est
.

[Avant que je commence à parler du royaume des Nous-tout-seuls, il ne sera pas mal venu d’exposer brièvement qui, après m’avoir arraché à la cohue de l’Europe, et même de tout cet hémisphère, m’a fait partir dans des contrées inconnues. Je suis né dans le royaume le plus florissant d’Europe, où les oiseaux fendent les eaux. {a} Une fois sorti des confins de l’enfance, mes parents m’ont envoyé étudier à Rome. {b} C’était peu de temps après que le pape Clément viii eut proclamé le jubilé célébrant la fin du xviesiècle. {c} M’y étant initié aux belles-lettres puis à la jurisprudence, encore fort jeune, je me mis à plaider comme avocat et je plus aux juges. {d} La faveur m’aurait poussé à de grandes espérances si un sort contraire ne m’avait ensorcelé.

Un jour, avec trois camarades d’études, nous partîmes nous promener hors de la ville sur le charmant chemin ombragé, célèbre de fort longue date, qui mène jusqu’au port de Rome en longeant le Tibre ; nous discutions en sautant d’un sujet à l’autre, mais bientôt fatigués, nous nous assîmes tous ensemble près de la berge du fleuve, pour y chercher un air plus frais. Là, au soleil, nous nous mîmes à débattre, non sans ardeur, sur les vicissitudes des affaires, les procès célèbres, les incertitudes de la destinée humaine, quand nous sentîmes derrière nous la présence inopinée de gens dont le visage nous était inconnu. Vous les auriez dits tout à coup sortis du sol, si vous n’aviez su que, depuis un moment déjà, cachés dans un bosquet, ils épiaient notre conversation. Alors, sans plus se dissimuler et se montrant au grand jour, il s’approchèrent de notre groupe, d’un pas hésitant et fort lent, nous saluèrent aimablement et nous demandèrent de causer un peu avec nous. Le menton rasé et tout vêtus de noir, avec une robe retroussée jusqu’aux genoux et un manteau qui leur enveloppait les bras, ils ressemblaient à des officiants funèbres. {e} Pourtant, une fois qu’ils eurent déplié leur soutane jusqu’aux chevilles et négligemment ouvert leur cape, ils prirent l’allure de ces philosophes qu’on croisait alors en grand nombre dans Rome. {f} Ne sachant trop qu’en penser, je m’imaginai avoir affaire à des magiciens et à des diseurs de bonne aventure.

Ayant perçu le sujet de notre bavardage, qui portait sur les affaires courantes, ces gens entreprirent alors de s’y mêler. Ils nous interrogèrent pour savoir notre nationalité, notre origine, notre occupation. Quand ils eurent appris que nous étions soit romains, soit étrangers, mais tous riches et de noble extraction, ils s’enquirent de ce que faisaient nos parents et de leur âge, du nombre de nos frères, de nos sœurs, de nos cousins, et par mère et par père. Ayant dû répondre à toutes leurs questions, ils en vinrent enfin au métier que nous exercions ; mais au mot de jurisprudence, ils serrèrent les lèvres, avec je ne sais quoi de torve dans le regard et un léger froncement des sourcils. Le plus âgé d’entre eux dit alors, dans un profond soupir : “ Ô malheureux jeunes gens, qui traînez en enfer ceux qu’on envoie à la potence ! Pourquoi vous consacrer au droit, comme de vulgaires procéduriers, ordinairement mus par l’appât du gain, quand votre richesse et votre renom vous permettent de procurer des bienfaits à quantité de gens ? Pourquoi donc, suivant nos règles des Nous-tout-seuls, ne nous tendriez-vous pas la main, pour vous joindre à la cour de notre tout-puissant monarque, voir notre incomparable royaume et en devenir membres ? ” Me vint ici le soupçon qu’il s’agissait d’hommes de cette farine qui, en vous appâtant par leurs allégories, voudraient vous attirer en leurs cloîtres et sous leur capuchon. Aussi dis-je : “ Nous sommes tous bons chrétiens, nous croyons en l’Évangile, nous ne connaissons pas les Nous-tout-seuls, nous ne cherchons à courtiser aucun roi, hormis le Christ. Tel n’est pas votre avis, mais c’est lui que nous suivons, quoique par des chemins différents des vôtres : à chacun suivant sa vocation, guidé par l’Esprit. Nous sommes au monde pour servir Dieu, notre patrie et nous-mêmes, nous mènerons la vie ordinaire des mortels jusqu’à partager pleinement la libération des fils de Dieu ; et en attendant, nous jouissons agréablement des bonnes choses que nous donne le ciel. ”

Alors, le plus âgé (qui se nommait Apogonites) {g} flaira l’égarement d’une âme candide et, feignant en un clin d’œil d’être le plus jeune novice de sa noire Société, il se mit à pousser maints soupirs et à grimacer pour avoir l’air d’être au bord des larmes, disant : “ Ô, mon fils, telle n’est pas la véritable vocation ! Ce n’est que la fourbe impulsion de l’ennemi occulte. Prends garde de t’y précipiter en consacrant tes jours aux bonnes choses. Suivre le Christ, c’est mépriser le monde, c’est se renier soi-même et porter sa Croix, après avoir abandonné père, mère, tout attachement à sa famille, tous les biens de ce monde, et même toute espérance. Voilà la véritable vocation que nous vous annonçons, nous qui sommes les envoyés de Dieu. Penses-tu jamais y accéder sans l’aide de sa singulière providence ? Méfiez-vous d’avoir trop longtemps résisté à l’Esprit Saint : en ne changeant pas d’avis, ce sont les peines de l’enfer que vous subirez éternellement. ” Il chercha à nous fausser l’esprit par ces paroles, et bien d’autres qu’il tirait des Saintes Écritures, telles les réprobations du Christ à l’encontre des pharisiens, mais il citait aussi les saints Pères de l’Église, avec en particulier ces mots de Jérôme : Per calcatum perge patrem, solum pietatis genus est, hac in re esse crudelem. {h} Perplexes, mes camarades échangeaient des regards entre eux ; mais les voyant ainsi, comme fascinés, je fus pris d’une mâle colère contre le vieillard, m’écriant : “ Cesse donc, philosophe sans barbe, de séduire les jeunes gens avec tes enchantements ! Moi, je t’écraserai de six cents brocards si tu continues à tordre l’Écriture. Et pourvu que le sort vienne à mon secours, du grisâtre chasseur que tu es, je te transformerai en pêcheur du Tibre. ”

Apogonites comprit et, fronçant le sourcil, après avoir marmonné je ne sais quoi d’incompréhensible en serrant les lèvres, il s’empara d’un panier que portait un de ses compagnons ; il en tira aussitôt une méchante poudre et la répandit sur nous autres, et tout particulièrement sur moi. Sur l’instant, son pouvoir soporifique nous pénétra jusqu’au fond des tempes et, pris d’étourdissement, nous tombâmes dans un sommeil plus lourd qu’il n’est naturel. Des images confuses nous apparaissaient : non pas de celles qui se projettent immédiatement à l’esprit, telles qu’Ennius les a décrites à propos d’Homère, {i} et dont, une fois réveillés, nous avons souvent l’habitude de parler en nous les remémorant ; mais de celles qui contiendraient quelque présage de notre vie à venir. Je devrais relater ici ce que j’ai alors moi-même vu, car les rêves que firent mes camarades furent différents, mais ces descriptions viendront plus loin dans mon récit, le moment venu, et il ne serait pas sage de les relater maintenant : ce que nous dirons du royaume des Nous-tout-seuls a toutes les allures d’un rêve, mais est pourtant vrai. Je me contente ici d’écrire qu’étant endormis nous parcourûmes des contrées dont l’air était glaçant ou brûlant, voyageant tant en bateau ou en voiture qu’à dos de cheval ailé, chaque fois emportés de force et entassés par des membres de la Compagnie, changeant sans cesse, encore et encore (car ces deux qui nous avaient ensorcelés, perdirent leur forme humaine et disparurent peu après être sortis des rangs de leur bande) ; et qu’à la fin, en nous réveillant, nous nous sommes retrouvés dans le palais des Nous-tout-seuls. Je mentirais en disant que ce voyage ne dura que l’espace d’une seule nuit, car, pour les navigateurs que nous fûmes, il ne s’est achevé qu’après trois années d’errances]. {j}


  1. Le traducteur de 1754 ne s’est pas embarrassé de cette allégorie, et Nicéron lui en a tenu rigueur (tome xxxix, page 68) :

    « Dans le chapitre ii, l’auteur dit qu’il est né dans un pays, ubi aves aquas findunt. Le traducteur n’ignorait pas que les termes latins signifient “ où les oiseaux nagent ”. Cependant, il a passé cette phrase latine, sans la rendre en français ; ce qu’il n’aurait pas manqué de faire s’il avait su que Scotti a désigné par là la ville de Plaisance, lieu de sa naissance, où l’on voit des cygnes et d’autres oiseaux aquatiques, soit dans la rivière du Po, soit dans les marais. »

    Sans hésiter à être d’une ridicule mauvaise foi (dans quelle grande ville n’y a-t-il pas des cygnes sur les plans d’eau ?), Nicéron défendait avec ardeur la thèse attribuant à Giulio Clemente Scotti (Plaisance 1602-1669), jésuite défroqué (en 1645), la paternité de la Monarchia Solipsorum.

  2. Né en Hongrie, royaume dépendant du Saint-Empire, en 1584, le P. Inchofer fut envoyé par les jésuites à Messine et passa le reste de sa vie en Italie, au service de la Compagnie.

  3. Clément viii a régné de 1592 à 1605 (v. note [2], lettre 47) ; son règne fut marqué par la naissance du jansénisme.

    La quatorzième année sainte (v. note [7], lettre 31) fut célébrée en 1600.

  4. Les biographes du P. Inchofer l’ont fait intervenir dans divers procès en cour de Rome, mais sans dire qu’il était gradué en droit et qu’il avait été avocat. Scotti, quant à lui, était théologien, sans avoir jamais étudié le droit.

  5. Des croque-morts en langage familière moderne. V. note [6], lettre latine 83, pour d’autres détails sur la tenue vestimentaire des jésuites.

  6. V. note [48] du Grotiana 2 pour le manteau (pallium) des philosophes.

  7. Moins transparent que l’Acignius de Barclay (anagramme d’Ignacius, v. note [3], lettre 320), ce pseudonyme de dignitaire jésuite a été rendu par Apogenite dans la traduction française de 1754. La source en est sans doute grecque, dérivée d’απογενεσις (apogénésis), « action de quitter la vie » (dans le sens que la suite du récit fait entendre).

  8. Référence abrégée à saint Jérôme de Stridon (v. note [16], lettre 81), lettre au moine Héliodore, « pour l’engager à fuir le monde et à revenir dans le désert » (série vi, épître xiv, traduction de Benoît Matougues, 1838) :

    Licet parvulus ex collo pendeat nepos, licet sparso crine et scissis vestibus, ubera quibus te nutrierat, mater ostendat, licet in limine pater jaceat, per calcatum perge patrem, siccis oculis ad vexillum crucis evola. Solum pietatis genus est, in hac re esse crudelem.

    [Mais quelques caresses que vous fasse votre petit neveu ; quoique votre mère, avec ses cheveux épars et ses habits déchirés, vous montre le sein qui vous a nourri ; et que votre père, pour vous empêcher de sortir, se jette à terre sur le seuil de votre porte : passez par-dessus lui avec des yeux secs, volez, plutôt que de courir, pour vous ranger sous l’étendard de la croix ; car alors, la piété consiste à être insensible].

    V. note [14], lettre 83, pour les pharisiens.

  9. Fragments des Annales d’Ennius (v. note [7], lettre 33), livre i, vers incomplets 4 et 5 :

    … somno leni placidoque revinctus
    … visus Homerus adesse poeta
    .

    [… à son tout vaincu par un doux et paisible sommeil … il vit apparaître Homère, le poète].

  10. Ma traduction s’est seulement inspirée, par endroits, de celle qui a été publiée en 1754, car elle est verbeuse, lacunaire et souvent bien peu fidèle.

    Pour la dispute sur l’identité de Lucius Cornelius, je remarque ingénument, après avoir labouré six pages de sa prose, que le latin de cet auteur est fort barbare, ressemblant moins à celui d’un Italien, natif de Plaisance, qu’à celui d’un Austro-hongrois, natif de Kőszeg ; Nicéron (v. notule {a}supra) en est convenu, mais n’en a pas tiré la même déduction que moi :

    « Peu de lecteurs, ceux même qui lisent avec intelligence les auteurs de la belle latinité, sont en état d’entendre le jargon du prétendu Lucius Cornelius ; et ceux qui l’entendent, s’ils sont de bonne foi, conviennent que s’ils entendent les mots, souvent ils ne voient point le sens. C’est un aveu que le traducteur français a fait plus d’une fois. »

28.

Giulio Cesare Sachetti (Rome 1587-ibid. 1663) ne fut jamais « souverain pontife ». Issu d’une noble famille florentine et diplômé en droit, il avait tardivement reçu les ordres (1623) pour être immédiatement nommé évêque de Gravina (Pouilles). cardinal en 1626, il a assuré diverses charges pontificales de premier rang, mais le veto politique de l’Espagne l’empêcha d’être élu lors du conclave de 1655, qui fut favorable à Fabio Chigi (Alexandre vii).

29.

V. notes [28], [29] et [30] du Naudæana 3 pour le R.P. Constantino Gaetano et sa participation à l’inextricable querelle sur l’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ, qu’il affirmait être Giovanni Gersen.

30.

Le poète italien Cesare Caporali n’était pas modénois : né en 1531 à Panicale, dans la province de Pérouse, il se disait Perusinus ; il mourut à Castiglione del Lago (même province) en 1601.

Il avait débuté, de 1560 à 1565, au service du cardinal Fulvio Giulio della Corgna (Pérouse 1517-Rome 1583), chevalier de Malte, neveu du pape Jules iii et frère d’Ascanio i della Cornia, marquis de Castiglione del Lago, héros de la bataille de Lépante, mort deux mois après, en décembre 1571.

Caporali s’attacha ensuite à diverses cours italiennes, sans jamais parvenir à jouir d’une belle aisance financière. Cela pouvait expliquer son admiration pour Mécène, {a} auquel il a consacré un long poème en vers italiens, inachevé et publié après sa mort, par les soins de son fils Antimo :

Vita di Mecenate di Cesare Caporali, nell’ Accademia de gli Insensati di Perugia… All’Ill. et Ecc. Sig. Ascanio della Cornia Marchese di Castiglione. Seconda Impressione.

[Vie de Mécène, par Cesare Caporali, de l’Académie des Insensati {b} de Pérouse… À l’illustre et excellent seigneur Ascanio della Cornia, marquis de Castiglione. {c} Seconde édition]. {d}


  1. V. note [7], lettre 206.

  2. Les Insensati fondaient leurs raisons sur l’esprit, au delà de la barrière des sens.

  3. Ascanio ii della Cornia, neveu d’Ascanio i.

  4. Venise, Giov. Batt. Ciotti, 1604
  5. , in‑12 de 208 pages.


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 231‑232 :

« Caporali n’était point modénois, encore moins napolitain : il fallait dire que Pérouse était sa patrie. Sa vie de Mécène ne vaut pas, au sentiment des critiques, le poème qu’il fit contre la cour, et qu’il intitula Della Corte. {a} M. Baillet se trompe quand il assure que ce poète mourut vers la fin du pontificat d’Urbain viii : {b} l’épître dédicatoire que son fils Antimo Caporali adressa au marquis de Castiglione, en lui présentant la vie de Mécène, et qui est datée du 15 juin 1603, nous apprend expressément que son père était mort et qu’il n’avait pu achever ce poème ; {c} ce qui est confirmé et éclairci par le P. Oldoini, qui écrit que cette mort arriva en 1601 à Castiglioni. {d} Caporali avait alors 71 ans. Il avait été gouverneur d’Atri au Royaume de Naples, ce qui a suffi au Toppi pour l’insérer parmi les écrivains de ce pays. » {e}


  1. V. supra pour la Vita di Mecenate (Venise, 1604) de Cesare Caporali, qui a aussi été imprimée avec son Della Corte [De la Cour], et d’autres pièces, dans des Opere poetiche [Œuvres poétiques] (Macerata, Pietro Salvioni, 1616, in‑12)

  2. Introduction de l’article m. cccclii d’Adrien Baillet (v. notes [10], notule {b}, du Naudæana 1) sur Caporali dans ses Jugements des savants sur les principaux ouvrages des auteurs. Tome quatrième contenant les poètes (Paris, Antoine Dezallier, 1686, in‑12, quatrième partie, page 147). Le pape Urbain viii est mort en 1644 (v. note [19], lettre 34).

  3. Épître d’Antimo Caporali A l’Ill. et Ecc. Sig. e Patron mio osservandiss. il Sig. Ascanio della Corgna Marchese di Castiglione, etc. [ l’illustrre et excellent seigneur Ascanio della Corgna marquis de Castiglione, etc., mon très vénéré mécène], datée de Pérouse, de la Vita di Mecenate (Venise, 1604, pages a 2 ro‑vo).

  4. « Oldoini Athen. Aug. p. 64 » (note de Vitry) : Athenæum Augustum in quo Perusinorum scripta publice exponuntur studio Augustini Oldoini Societatis Iesu erectum [Athénée auguste où sont présentés les ouvrages qu’ont publiés ceux de Pérouse, dressé par les soins d’Agostino Oldoini (1612-1683), de la Compagnie de Jésus] (Pérouse, Laurentius Cianus et Franciscus Desiderus, 1678, in‑4o, pages 64‑65).

  5. Page 63 de la Biblioteca Napoletana (Naples, 1678, v. notule {b}, note [68] du Naudæana 1) de Niccoló Toppi.

    Atri est une ville de la côte adriatique des Abruzzes, région qui appartenait au Royaume de Naples.

31.

« Rends ton aigle à l’Empire, ta colonne aux Colonna, ton ourse aux Orsini : seule t’appartient la chaîne. »

Les Cesarini étaient une illustre famille de la noblesse romaine qui prétendait descendre de Jules César. Dans l’article qu’il lui a consacré, Moréri a expliqué ces deux vers qui touchent à la douteuse ascendance antique de cette lignée :

« Celle-ci, néanmoins, porte dans ses armes une aigle romaine, à cause de l’origine qu’elle se donne. Elle y a joint, outre cela un<e> ours<e> attaché<e> par une chaîne à une colonne. Autrefois, cette aigle était accompagnée d’un mouton ; mais depuis qu’un cavalier de cette famille, toujours attachée aux Colonna, chefs des gibelins, eut eu le dessus dans une escarmouche donnée près de Saint-Jean-de-Latran et se fut emparé d’un des drapeaux des Ursini, les chefs des guelfes, {a} les Cesarini, en mémoire de cette action, ont mis dans leurs armoiries un<e> ours<e> enchaîné<e> à une colonne ; ce qui donna occasion à la pensée suivante, qu’un bel esprit de ce temps-là mit en vers […]. {b}

À quoi un autre répliqua,

Ursinis Ursam, Columis reddo Columnam,
Reddo Aquilam Imperio, cuncta Catena ligat
. » {c}


  1. Gibelins et guelfes étaient les deux fameuses factions qui s’affrontèrent en Italie tout au long au xiiie s. pour savoir si le pays devait être dirigé par le Saint-Empire, ou par la papauté et la Maison d’Anjou.

    V. notes note [9], lettre 399, pour Saint-Jean-de-Latran, [6], lettre 671, pour l’illustre famille napolitaine des Colonna et son union avec celle du cardinal Mazarin (mariage de Lorenzo Onofrio Colonna avec Marie Mancini en 1661), et [39] (première notule {a}) du Naudæana 2, pour une brève mention du lien entre les Orsini (ou Ursini) et les Médicis.

  2. Moréri a ici transcrit le distique latin cité par Gabriel Naudé.

  3. « Je rends l’ourse aux Orsini, la colonne aux Colonna, l’aigle à l’Empire, mais une chaîne les lie tous les uns aux autres. »

Issu de cette noble famille, Virginio Cesarini (Rome 1595-ibid. 1624) génie précoce, mourut avant d’avoir rien publié. Il brilla surtout par ses poésies latines et italiennes, mais il maîtrisait l’ensemble des connaissances humaines de son temps : philosophie, poésie, mathématiques, astronomie, médecine, droit… Ami et défenseur de Galilée, il n’en était pas moins apprécié à la cour pontificale : le pape Urbain viii l’avait nommé camérier et l’aurait fait cardinal s’il avait vécu plus longtemps.

Justus Rycquius (Josse de Rycque, Gand 1587-Bologne 1627), chanoine de Gand, a partagé son existence entre les Pays-Bas espagnols et l’Italie. Il a rempli des charges de bibliothécaire, enseigné l’éloquence à Bologne et écrit une vie de Virginio Cesarini (imprimée à Padoue en 1629), dont je n’ai pas trouvé la référence exacte dans les catalogues que j’ai consultés.

L’In funere Virginii Cæsarini Oratio Alexandri Gottifredi e Societate Iesu. Ad S.P.Q.R. dum ei in æde Virginis Capitolinæ publico sumptu parentaret [Oraison funèbre de Virginio Cesarini, par Alessandro Gottifredi (v. note [40], lettre 469), de la Compagnie de Jésus. Au Sénat et au peuple romain qui a célébré ses funérailles, sur les fonds publics, en l’église de la Vierge capitoline (la basilique Santa Maria in Aracœli)] (Rome, Aless. Zanettus, 1624, in‑4o) a pour principal intérêt de s’ouvrir sur un opulent frontispice (avec l’aigle, la colonne, l’ourse et sa chaîne), qui présente les portraits de Virginio Cesarini et de Jean Pic de la Mirandole (v. note [53] du Naudæana 2), à qui tout Rome le comparait.

Le chapeau rouge que le pape avait destiné à Virginio aboutit sur la tête de son frère aîné, Alessandro Cesarini juniore (Rome 1592-ibid. 1644) : nommé cardinal en 1627, il devint évêque de Viterbe en 1636.


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 232‑233 :

« Virginio Cesarini était fils du seigneur Giuliano, duc de Cittanuova. Il naquit à Rome au mois d’octobre 1595, et mourut en avril 1624. Le cardinal Bellarmin {a} l’avait engagé d’écrire contre ces prétendus esprits forts qui nient l’immortalité de l’âme, et l’ouvrage était déjà commencé lorsque ce jeune savant mourut. Cette mort prématurée empêcha qu’Urbain viii ne le créât cardinal, comme ce pape l’avait résolu ; mais afin que sa famille ne perdît pas tout à fait les avantages qu’elle pouvait espérer du mérite extraordinaire de Virginio, il donna à son frère Alessandro Cesarini le chapeau qu’il lui avait destiné. On voit assez par là que c’est parler très improprement que de dire que Virginio Cesarini était parent du cardinal Césarin : s’exprime-t-on de cette manière quand on veut désigner deux frères ? Le P. Alexandre Gottifredi, jésuite, fit imprimer en 1624 une oraison funèbre sur la mort de notre Virginio, à la tête de laquelle on voit aussi son portrait opposé à celui de Pic de la Mirande. » {b}


  1. Saint Roberto Bellarmino, v. note [16], lettre 195.

  2. Vitry expliquait ici le prestige dont Virginio Cesarini a joui auprès de la cour pontificale, en raison de son opposition aux idées libertines, et confirmait que la vie de Cesarini écrite par Justus Rycquius était probablement une attribution erronée du Naudæana. L’article qui y est imprimé réunit maladroitement les deux que contient le manuscrit de Vienne (v. note [12] de l’Introduction aux ana de Guy Patin).

    • Page 6 :

      « Le cardinal Césarin d’aujourd’hui est de la famille de celui qui fut tué en Hongrie, nommé Julian, l’an 1444, en la défaite de Ladislas, roi de Hongrie et de Pologne, par le Grand Turc Amurat. {i} Celui-ci avait un frère nommé Virginio Cesarini, qui a été, à ce que disent les Italiens, le Picus Mirandulanus de son âge. Il était maître de chambre du pape. Il est mort à Rome de la vérole, âgé de 30 ans. »

    • Page 341 :

      « La famille des Césarins à Rome se dit tirer son origine d’un bâtard de Jules César. Il y en a eu 4 cardinaux qui, comme on peut voir dans Ciaconius de vitis Pontif. Edit. Rom. pag. 1116, 1329, 1424, 1975, portent pour armes une aigle, une colonne, un ours et une chaîne de fer. {ii} Ces armes sont belles à la vérité mais ils ont emprunté l’aigle de l’Empire, la colomne de la famille des Colonnes, et l’ours, de celle des Ursins. Pour la chaîne, elle vient à ce qu’on dit d’un de leur famille qui était général des galères du pape il y a quelques siècles […]. » {iii}

      1. Bataille de Varna remportée par Mourad ii contre Ladislas iii, le 10 novembre 1444.

      2. Ces quatre cardinaux Cesarini ont été Giuliano seniore (nommé en 1426), Giuliano juniore (1493), Alessandro seniore (1517) et Alessandro juniore (1627).

        Je n’ai pas trouvé l’édition des Vitæ et gesta summorum pontificum [Vies et actes des souverains pontifes] d’Alfonso Chacon (v. note [2], lettre 304) à laquelle se référait le Naudæana manuscrit de Vienne, qui les contenait tous les quatre. Dans celle de Rome, 1601, les armes d’Alessandro seniore sont à la page 1077 (image xxxii) : colonne surmontée d’un aigle, à laquelle est enchaînée une ourse.

      3. Suivent les deux distiques cités, traduits et commentés plus haut dans la présente note.

32.

V. notes :

33.

V. note [35], lettre 345, pour Jacques Picques, secrétaire de l’ambassade de France en Suède, au moment des obsèques de René Descartes, le 12 février 1650 à Stockholm.

Sainte-Beuve b (page 473) a émis une intéressante opinion sur le mépris de Naudé pour Descartes :

« Naudé appartient essentiellement à cette race de sceptiques et académiques d’alors, dont on ne sait s’ils sont plus doctes ou plus penseurs, étudiant tout, doutant de tout entre eux, que Descartes est venu ruiner en établissant d’autorité une philosophie spiritualiste, croyante dans une certaine mesure, et capable de supporter le grand jour devant la religion. À voir l’anarchie morale qui régnait durant le premier tiers du siècle, et l’impuissance d’en sortir en continuant la tradition, on apprécie l’importance de cette brusque réforme cartésienne à titre d’institution publique de la philosophie. Quant à l’autre espèce de sagesse plus à huis-clos et dans la chambre, qui ne s’enseigne pas, qui ne se professe pas, qui n’est pas une méthode, mais un résultat, pas un début ni une promesse, mais une habitude et une fin, et de laquelle il faut répéter avec Sénèque : Bona mens non emitur, non commodatur, {a} c’est-à-dire qu’elle est une maturité toute personnelle de l’esprit, on peut s’en tenir à Gabriel Naudé.

Nul, en son temps, ne l’a pratiquée mieux que lui et dans les vraies conditions du genre, à petit bruit, sans amour propre, sans montre, à l’abri des gros livres et comme sous le triple retranchement des catalogues ; car, avec lui, c’est derrière tout cela qu’il la faut chercher. »


  1. Bona mens nec commodatur nec emitur ; et puto, si venalis esset, non haberet emptorem ; at mala cotidie emitur [La sagesse ne s’emprunte ni ne s’achète ; elle serait à vendre, qu’elle ne trouverait pas, je crois, d’acheteurs. La folie, au contraire, en trouve tous les jours] (Lettres à Lucilius, épître xxvii).

Il serait cruel de s’attarder plus sur ce que Gabriel Naudé disait ici de Descartes ; sauf à ajouter que ses idées novatrices lui avaient valu le mépris du milieu académique parisien, encore fondamentalement aristotélicien, et que Guy Patin suivait l’avis de son ami Naudé (v. note [18], lettre 220).

34.

V. note [16] du Naudæana 1 pour le cardinal Francesco Maria Machiavelli (nommé en 1641), neveu du pape Urbain viii (mort en 1644) et lointain apparenté de Nicolas Machiavel (v. note [64], lettre 150), secrétaire de la chancellerie florentine (nommé en 1498) et penseur politique de tout premier ordre.


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 233 :

« Le cardinal Machiavelli mourut en 1653, âgé de 43 ans. Il était neveu du cardinal Magalotti. » {a}


  1. Lorenzo Magalotti (v. note [40] du Naudæana 2) était aussi oncle des deux cardinaux Barberini, Antonio et Francesco.

35.

« Le de Cruciatibus Martyrum de Gallonius a été publié à Paris chez Cramoisy en 1660, in‑4o » :

De Sanctorum Martyrum Cruciatibus Antonii Gallonii Rom. Congreg. Oratorii Presbyteri Liber. Cum figuris Romæ in ære incisis per Ant. Tempestam, et aliis eiusdem argumento libellis. Ex Musæo Raphaelis Tricheti du Fresne.

[Livre d’Antonius Gallonius, prêtre de la Congrégation de l’Oratoire à Rome, sur les Crucifixions des saint martyrs. Avec des gravures sur bronze dessinées par Antonio Tempesta {a} et d’autres opuscules sur le même sujet. Tiré de la collection de Raphaël Trichet du Fresne]. {b}


  1. Florence 1555-Rome 1630.

  2. Paris, Claude Cramoisy, 1660, in‑4o de 322 pages ; v. note [8] du Faux Patiniana II‑1 pour Trichet du Fresne.

Cette addition tardive est sûrement postérieure à la rédaction originale du Naudæana ; en outre, ce paragraphe ne figure pas dans le manuscrit de Vienne (v. note [12] de l’Introduction aux ana de Guy Patin).

Antonius Gallonius (Antonio Gallonio, Rome 1556-ibid. 1605) bénéficie d’une courte rubrique dans le Dictionnaire de Bayle. Comme Gabriel Naudé, il y résume la biographie de Gallonius à son titre ecclésiastique et cite ses trois principaux ouvrages hagiographiques :

  1. Vita beati P. Philippi Nerii Florentini, Congregationis Oratorii fundatoris, in annos digesta…

    [Vie du bienheureux P. Philippe Néri, {a} fondateur de la Congrégation de l’Oratoire, présentée dans l’ordre chronologique…] ; {b}

  2. Trattato de gli instrumenti di martirio, e delle varie maniere di martoriare usate da’ gentili contro christiani, descritte et intagliate in rame,

    [Traité des instruments du martyre et des divers moyens que les païens ont utilisés pour torturer les chrétiens, décrits à l’aide de gravures] ; {c}

  3. la mention « en faveur de la question de savoir si saint Grégoire a été moine » résume le propos du livre intitulé :

    Apologeticus liber… pro assertis in Annal. Eccles. de Monachatu S. Gregorii Papæ, adversus D. Constantinum Bellottum Monachum Cassinatem. Cui accedit Responsio de iisdem ad alium eiusdem Ordinis monachum.

    [Apologie… en faveur de ce qui est dit dans les Annales ecclésiastiques {d} sur le monachisme du pape saint Grégoire le Grand, contre dom Constantinus Bellottus, moine du Mont Cassin. {e} Avec une Réponse sur le même sujet contre un autre moine du même Ordre]. {f}


    1. Mort en 1595, officiellement béatifié en 1615 et sanctifié en 1622, v. note [44] du Naudæana 3.

    2. Rome, Aloysius Zanettus, 1600, in‑4o de 269 pages, pour la première de plusieurs éditions en italien et en français.

    3. Rome, Ascanio et Girolamo Donangeli, 1591, in‑4o de 159 pages, avec d’épouvantables illustrations) ; traduit en latin, De SS. Martyrum cruciatibus… liber, quo potissimum instrumenta et modi, quibus iidem Christi martyres olim torquebantur, accuratissime tabellis expressa describuntur [Livre sur les tortures des saints Martyrs… où sont très expressément décrits, à l’aide de gravures méticuleusement dessinées, les instruments et les moyens jadis employés pour supplicier lesdits martyrs du Christ] (Rome, Imprimerie de l’Oratoire, 1594, in‑4o, pour la première de plusieurs éditions, dont celle de Paris, 1660, mentionnée au début de la présente note.

    4. De Baronius (Cesare Baronio, v. note [6], lettre 119.

    5. V. deuxième citation, note [19] du  Naudæana 3 pour le pape Grégoire le Grand, et le monastère bénédictin du mont Cassin.

      Constantinus Bellottus avait publié :

      Gregorius Magnus Instituto Sanctis. Patris Benedicti restitutus. Opus tribus Colloquiis distinctum.

      [Grégoire le Grand rétabli par la Règle du très saint Benoît. {i} Ouvrage composé de trois colloques]. {ii}

      1. La discussion entre Baronius, Bellottus et Gallonius portait sur le monachisme de Grégoire le Grand est sur son adhésion à la Règle de saint Basile ou à celle de saint Benoît.

      2. Brescia, Polycretus Turlinus, 1603, in‑8o de 300 pages.

    6. Rome, Imprimerie vaticane, 1604, in‑4o de 117 pages.


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 233‑234 :

« Ant. Gallonius était de Rome. Il mourut en 1605. {a} On peut ajouter au catalogue de ses ouvrages que M. Bayle a donné les suivants : Istoria delle sante Vergini Romane con varie annotationi e con alcune Vite brevi de’santi parenti loro, e de’gloriosi Martiri Papia e Mauro soldati Romani in Roma, 1591, in‑4o ; Istoria della vita e martirio de’gloriosi santi Flavia Domitilla Vergine, Nereo et Achilleo et altri, etc. {b} La première édition du traité de Cruciatibus Martyrum se fit à Rome en 1591, in‑4o. L’ouvrage, qui était premièrement en italien, fut ensuite traduit par l’auteur même et imprimé avec des additions en 1594 dans la même ville. Après quelques autres éditions, qu’on fit en différents endroits, de ce traité curieux, enfin, M. Trichet du Fresne en procura une à paris en 1659, qu’il dédia à M. Fouquet. » {c}


  1. « Voyez Mandos. Biblioth. Rom. » (note de Vitry) : Bibliotheca Romana seu Romanorum Scriptorum Centuriæ. Authore Prospero Mandosio, Nobili Romano Ordinis Sancti Stephani Equite [La Bibliothèque romaine, ou les Centuries des écrivains romains, par Prospero Mandosio (1643-1724), noble romain, chevalier de l’Ordre de Saint-Étienne] (Rome, Igniatius de Lazzaris, 1682, in‑4o, centurire 5, 77, page 339).

  2. La brève note A du Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle (1702) sur Gallonius ne cite pas les deux ouvrages, que Vitry a pris dans la Bibliotheca de Mandosio ; leurs titres exacts et complets sont :

    • Historia delle Sante Vergini Romane con varie annotationi e con alcune vite brevi de’santi parenti loro, e de’gloriosi Martiri Papia e Mauro soldati Romani,

      [Histoire des saintes Vierges romaines, avec diverses annotations et quelques brèves vies de leurs saints parents, et des glorieux martyrs Papia et Mauro, soldats romains] ; {i}

    • Historia della vita e martirio de’gloriosi santi Flavia Domitilla Vergine, Nereo, et Achilleo, e piu altri, con alcune Vite brevi de’Santi parenti di S . Flavia Domitilla, et alcune Annotationi.

      [Histoire de la vie et du martyre des glorieuses vierges saintes Flavia Domitilla, Nérée et Achillée, et plusieurs autres, avec quelques brèves vies des aints parents de sainte Flavia Domitilla, et quelques annotations]. {ii}

      1. Rome, Ascanio et Girolamo Donangeli, 1591, in‑4o de 350 pages.

      2. Rome, Luigi Zannetti, 1597, in‑4o de 31 pages.
  3. L’épître dédicatoire du livre de Gallonius « sur les Crucifixions des martyrs » (Paris, 1660, v. supra) est longue de deux pages et intitulée : Amplissimo Illustrissimoque Viro DD. Nicolao Fucquetio Regis supremo senatu Procuratori, et summo Ærarii Gllici Præfecto, Vicecomiti Melodunensi et de Vaux, etc. Raphael Trichetus du Fresne [Raphaël Trichet du Fresne au très puissant et illustre M. Nicolas Fouquet (v. note [7], lettre 252), procureur général du Parlement et surintendant des finances de France, vicomte de Melun et de Vaux, etc.]

36.

Giambattista della Porta (Vico Equense, près de Naples 1535-Naples 1615) est un érudit qui a consacré l’essentiel de ses recherches et de ses très nombreux ouvrages à l’occultisme et aux différentes formes de la magie, en voulant distinguer la divinatoire de la naturelle. Il jouit tôt d’un grand renom, comme en atteste la visite que lui fit Jacques-Auguste i de Thou pendant son voyage à Naples en 1574 (v. le second extrait cité dans la note [22] du Naudæana 3). Éloy l’a dit médecin et lui a consacré une notice détaillée.


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), page 206 :

« B. a Porta. {a} Tout le monde sait que ce célèbre Napolitain passa presque toute sa vie à la recherche des secrets de la nature et à étudier à fond l’astrologie judiciaire et la physionomie. On dit même qu’il réussissait assez bien dans ses prédictions, ce que l’on trouve par l’exemple du grand capitaine Spinola, {b} à qui il conseilla de suivre le parti des armes, après avoir consulté les astres et les traits de son visage. Il mourut à Naples le 4 février 1615, âgé de 70 ans. On trouvera dans Bibliothèque napolitaine une liste exacte de ses ouvrages. » {c}


  1. Baptista a Porta est le nom latin de Giambattista della Porta.

  2. Ambroglio Spinola Doria, v. infra  notule {a‑iv} note [43].

  3. Gio. Battista de La Porta : page 139 de la Biblioteca Napoletana de Niccoló Toppi (Naples, 1678, v. notule {b}, note [68] du Naudæana 1).

37.

Un tiercelet est au sens propre le mâle de certains oiseaux de proie, comme le faucon, dont la taille est inférieure du tiers à celle de la femelle. Au sens figuré, le mot servait à marquer son mépris pour un « homme qu’on prétend [estime] être fort au-dessous de ce qu’il croit être » (Académie). L’emploi de ce vocable surprend ici, appliqué à Cesare Cremonini (mort en 1631), professeur de philosophie et médecine à Padoue, l’un des pères, sinon le père, de ce qu’on a appelé le libertinage érudit (v. note [28], lettre 291), car Gabriel Naudé entendait en dresser un vibrant panégyrique. Sans doute voulait-il (maladroitement) dire que Cremonini était un Aristote en modèle réduit (« un parfait abrégé »), qui n’avait rien perdu des admirables talents de son maître à penser.

Pompeius Caimus (Pompeo Caimo, Udine 1568-Tissano 1631), docteur en médecine et philosophie de Padoue, enseigna d’abord à Rome, puis fut appelé à prendre la chaire de médecine théorique de Padoue en 1624. Caimus a peu publié en médecine : un traité en trois livres sur la chaleur innée (Venise, 1626, v. note [29] du Patiniana I‑2), et un autre en deux livres sur les fièvres putrides (Padoue, 1628) ; son purisme galéniste lui valut une vive et longue querelle avec Cremonini, qui écrivit contre lui pour défendre le point de vue d’Aristote (Leyde, 1634, v. notule {a}, note [29] du Naudæana 2).

V. la notule {b} de cette même note [29] pour l’Apologia de Cremonini « sur la prééminence des membres [à comprendre comme la supériorité de l’homme sur les autres animaux] » (Venise, 1627), elle aussi en faveur d’Aristote contre Galien et Pompius.

38.

« Il était dénué de toute piété, et voulait pourtant qu’on le tînt pour pieux. »

Aucune bibliographie de Cremonini ne recense ces « brillantes considérations sur l’âme », dont Alcide Musnier (Muscino dans le Naudæana imprimé) avait parlé à Gabriel Naudé. Le titre de ce livre n’étant que supposé, il s’agit probablement des Tractatus tres [Trois traités] (Venise, 1644, v. note [22], lettre 348), recueils posthumes de leçons données par Cremonini, dont le troisième, de facultate appetitiva [sur l’instinct naturel], touche aux fonctions de l’âme, distinguées en sensitive, instinctive et végétative (lectio xiii), mais je n’y ai pas vu de déclaration remarquable sur son immortalité.

Le Gabrielis Naudæi Tumulus [Tombeau de Gabriel Naudé] (Paris, 1659, v. note [11], lettre 324) contient un éloquent témoignage posthume de l’amitié que lui vouait Musnier (page 61) :

Æternaturæ Memoriæ
Gabrielis Naudæi,
Parisini,
Europæ Phœnicis,

Litabat hoc Acrosticho Ioannes Alcidius
Musnier
, Phil et Medicus Lotharingus,
Civisque Genuensis
.

Gangis in extremis ubi Phœnix inclitus oris
Aeternos renovat Sole patente dies :
Bajulat ille sui languens alimenta sepulchri,
Restituitque novum fertilis urna decus.
Inter odorati redolentia fercula busti
Emoriens avis hæc, non perit, imo parit :
Læta petit lethum, repetitque : sed æmulus alter
Naudæus Phœnix, haud redivivus obit.
Ah scelus ! haud redivivus obit ? quis credat iniquas
Volvere Parcarum tam fera pensa manus ?
Desine, vivit adhuc Naudæus, et auspice Phœbo
Ædificat fatis viva trophæa suis.
Vivet in æternis, quas protulit undique, chartis,
Sicque sui magna parte perennis erit
.

[À la mémoire éternelle de Gabriel Naudæus, natif de Paris, phénix de l’Europe, Jean-Alcide Musnier, philosophe et médecin natif de Lorraine et citoyen de Gênes a consacré cet acrostiche. {a}

À l’embouchure du Gange, le fameux Phénix renaît éternellement de ses cendres en s’exposant au soleil : languissant, il porte sur son dos les aliments de son propre sépulcre, et l’urne féconde le rétablit dans sa splendeur. Cet oiseau qui meurt ne disparaît pas parmi les odorantes dépouilles de son bûcher parfumé, car il s’y régénère au contraire ; il est heureux de voir et revoir venir la mort. {b} Naudé n’est pourtant pas l’égal de Phénix : il meurt mais ne ressuscite pas. Ah quel crime ! Meurt-il vraiment sans ressusciter ? Qui croirait les iniques mains des Parques capables de filer si cruelle laine ? {c} Cesse de te lamenter, Naudé est encore vivant, et vois comme de bon augure que Phébus utilise ses restes pour édifier des trophées pleins de vie. {d} Il vivra pour l’éternité par les livres qu’il a publiés de toutes parts, et c’est ainsi que la plus grande part de son être nous restera pour toujours].


  1. Étant en prose, ma traduction n’a pas reproduit l’acrostiche gabriel naudæus, formé par les premières lettres de chaque vers latin.

  2. La première lettre de son acrostiche menait Musnier à préférer le Gange (v. notule {a}, note [22], lettre 197) au Nil pour nicher son Phénix, mais restait autrement fidèle à sa légende (Fr. Noël) :

    « Oiseau fabuleux dont les Égyptiens avaient fait une divinité. Ils le peignaient de la grandeur d’un aigle, avec une belle huppe sur la tête, les plumes du cou dorées, les autres pourprées, la queue blanche, mêlée de plumes incarnates, et des yeux étincelants comme des étoiles. Lorsqu’il voit sa fin approcher, il se forme un nid de bois et de gommes aromatiques, qu’il expose aux rayons du soleil, et sur lequel il se consume. De la moelle de ses os naît un ver, d’où se forme un autre Phénix. Le premier soin du fils est de rendre à son père les honneurs de la sépulture : il forme avec de la myrrhe une masse en forme d’œuf, la creuse, y dépose le corps enduit de myrrhe, et porte ce précieux fardeau à Héliopolis, dans le temple du Soleil. C’est dans les déserts d’Arabie qu’on le fait naître, et on prolonge sa vie jusqu’à 500, 600 ans. Sur les anciens monuments, c’est un symbole de l’éternité, et chez les modernes, de la résurrection. »

  3. V. note [31], lettre 216.

  4. Tous les poèmes d’hommage qui composent le Tumulus.

39.

« Au-dedans comme il plaît à chacun, au-dehors comme veut le monde » : devise des libertins érudits (v. note [9], lettre 60), dont on peut sans doute attribuer à Gabriel Naudé la divulgation en France (v. note [12], lettre 463).

40.

Être à deux de jeu, c’est être à égalité.

Julius Castellanus (Giulio Castellani, Faïence 1528-Rome 1586), humaniste ecclésiastique, avait entamé sa brillante carrière comme précepteur des enfants de Cosme ier de Médicis, grand-duc de Toscane (de 1537 à 1574). Installé à Rome en 1577, il y enseigna la philosophie à la Sapienza jusqu’à sa mort. Dans ses De humano intellectu libri tres [Trois livres sur le discernement humain] (Bologne, Alexander Benaccius, 1561, in‑fo), il s’est rangé à l’audacieux avis de Pomponace sur l’immortalité de l’âme (v. note [67], lettre Naudæana 1).

V. supra note [17] pour Épicure et Lucrèce.

Parmi quantité d’autres ouvrages, Cardan (v. note [30], lettre 6) est auteur d’un Liber de Immortalitate animorum [Livre sur l’Immortalité des esprits], {a} où il pèse soigneusement les opinions des anciens auteurs sur ce sujet, avec cette conclusion ambiguë (page 308 et dernière) :

Hæc autem etsi non ad pietatem perfectam accedunt, non tamen ab ea, quantum reliquæ Philosophorum opiniones, discrepant : in fine vero maxime conveniunt : nam cum lucem habeamus a Deo, atque potiorem nostri partem mentem, illius, non corporis actionibus invigilare decet, plus Deum nostri autorem, qui nobis tam ingens donum dedit, amantes, quam nos ipsos, id est corpus, filios, divitias, potentiam, honores : nam vere nosmet diligere, est Deum diligere, si mentem nostram diligimus et qui Deum diliget, semet ipsum necessario diligit : lucem vero nobis affinem, ut nosmet tanquam indissolubili vinculo, et sempiterno ævo coniunctam, ab eodemque fonte splendoris, et bonitatis nobiscum proficiscentem, atque hoc vere proximum diligere est, ac ut semper ipsum. Quare hic finis est beatitatis nostræ in hac vita, divinis frui, divinisque coniungi, et post mortem perfectissima quiete gaudere.

[Bien que toutes ces considérations ne s’approchent pas de la parfaite piété, elles ne s’en écartent pourtant pas autant que les autres opinions des philosophes. Elles finissent même par s’accorder tout à fait avec elle : puisque Dieu nous procure la lumière et l’esprit, qui est la plus puissante partie de nous-mêmes, nous ne devons pas nous appliquer aux actions du corps, mais aimer Dieu qui nous a créés, qui, dans sa toute-puissance, nous a accordé ce don, et l’aimer bien plus que nous-mêmes, c’est-à-dire, que notre corps, nos enfants, nos richesses, notre pouvoir, nos honneurs : nous estimer véritablement, c’est estimer Dieu ; si nous honorons notre esprit et s’il estime Dieu, alors il s’honore aussi nécessairement lui-même ; c’est honorer la lumière qui nous est intimement unie, à laquelle nous sommes attachés comme par un lien indissoluble et pour l’éternité, qui nous est procurée par la même source de splendeur et de bonté, vraiment proche et toujours elle-même. En cette vie, notre béatitude a pour dessein de jouir des divins bienfaits, de nous y unir, et de bénéficier, après la mort, du plus parfait repos].


  1. Lyon, Sebastianus Gryphius, 1545, in‑8o de 308 pages.

41.

« des deux ordres », temporel et spirituel.

V. note [21], lettre 97, pour Giulio Cesare Vanini et son Amphitheatrum æternæ providentiæ [Amphithéâtre de l’éternelle providence] (Lyon, 1615), livre qui réfute en cinquante exercitations les principaux auteurs athées de l’Antiquité (épicuriens, stoïques, péripatéticiens, Cicéron, etc.) et les plus récents promoteurs du scepticisme (Averroès, Machiavel, Pomponace, Cardan, etc.), tout en détaillant soigneusement leurs arguments. La dernière est assortie d’une longue ode à la toute-puissance de Dieu et à son omniprésence, qui se conclut sur cette strophe :

Decus, iubarque et lumen amabile,
Et lumen almum atque inviolabile
Tu summa summarum, quid ultra ?
Maximus, optimus, unus, idem
.

[Gloire, étoile, lumière adorable, bienfaisante, invulnérable, tu es le sommet des sommets, et quoi de plus ? Tu es à la fois le plus grand, le meilleur, l’unique].

Il faut aller chercher dans ses quatre livres de Admirandis Naturæ Reginæ Deæque Mortalium Arcanisr [sur les admirables secrets de la Nature, reine et déesse des mortels] (Paris, 1616, v. même note [21]) les propos qui ont fait monter Vanini sur le bûcher de Toulouse en 1619. Entièrement consacrés à l’histoire naturelle des éléments, des animaux et des hommes, ils sont composés de 60 dialogues entre trois personnages, Julius Cæsar, Alexander et Tarsius ; avec ce brillant bouquet final, qui résume parfaitement le libertinage fort salé de l’ensemble (pages 494‑495) :

Alex. Laborum tuorum præmium iam consecutus es : æternitati nomen iam consecrasti. Quid iucundius in extremo tuæ ætatis curriculo accipere potes, quam hoc canticum et superest sine te nomen in orbe tuum.

I.C. Si animus meus una cum corpore, ut Athei fingunt, evanescit, quas ille ex fama post obitum delitias nancisci poterit ? forsitan gloriolæ voculis, et fidiculis ad cadaveris domicilium pertrahetur ? si animus ut credimus libenter et speramus, interitui non est obnoxius, et ad superos evolabit, tot ibi perfruetur cupedijs, et voluptatibus, ut illustres, ac splendidas mundi pompas, et laudationes nec pili faciat. Si ad purgatorias flammas descendet, gratior ei erit illius orationis, Dies iræ, dies illa, mulierculis gratissimæ, recitatio, quam omnes Tulliani flosculi, dicendique lepores, quam subtilissimæ et pene divinæ Aristotelis ratiocinationes. Si Tartareo (quod Deus avertat) perpetuo carceri emancipatur, nullum ibi solatium, nulam redemptionem inveniet.

Alex. Ô utinam in Adolescentiæ limine has rationes excepissem.

I.C. Præterita mala ne cogites, futura ne cures, præsentia fugias.

Alex. Ah.

I.C. Liberaliter suspiras.

Alex. Illius versiculi recordor.

Perduto è tutto il tempo
Che in amar non si spende.

I.C. Eia quoniam inclinato iam die ad vesperum perducta est disputatio (cuius singula verba divino Romanæ Ecclesiæ oraculo, infallibilis cuius interpretes a Spiritu sancto modo constitutus est Paulus v. Serenissimæ Burghesiæ familiæ soboles, subiecta esse volumus, ita ut pro non dictis habeantur, si quæ fortisan sunt, quod vic crediderim quæ illius placitis adamussin non consentiant) laxemus paulisper animos, et a severitate ad hilaritatem, risumque traducamus. Heus pueri, lusorias tabellas huc afferte, sed quid lætus obmurmuras ?

Tars. Ovidii versus canebam.

Parva sedit ternis instructa tabella lapillis,
In qua vicisse est continuasse suos.

Alex. Ô Faustum, et Felicem hunc diem !

Tars. Plaudamus igitur.

Alex. Plaudite.

Finis.

[Alex. Tu as déjà obtenu la récompense de tes peines, tu as déjà immortalisé ton nom pour l’éternité. À la fin de tes jours, que peux-tu entendre de plus agréable que cette incantation : “ Tu as quitté ce monde, mais subsiste ton nom ” ?

J.C. Si mon esprit s’évanouit en même temps que mon corps, comme s’imaginent les athées, quels délices pourra-t-il tirer de son renom après la mort ? Les chuchotements et les petites lyres de la gloriole monteront-ils peut-être jusque dans mon tombeau ? Si, comme nous le croyons et espérons volontiers, l’esprit n’était pas sujet à l’anéantissement et s’envolait dans les cieux, il ne jouirait pas tant ici-bas des friandises et des voluptés, il ne devrait faire aucun cas des brillants et splendides honneurs de ce monde, ni de ses louanges. S’il descend dans les flammes purificatrices, la récitation de cette prière, Dies iræ, dies illa, {a} si chère aux femmelettes, lui sera plus agréable que tous les charmes et tout le beau style de Cicéron, et que les extrêmes subtilités, presque divines, des raisonnements d’Aristote. S’il est condamné à la perpétuité infernale (Dieu m’en garde !), il n’y trouvera aucun soulagement ni aucune rédemption.

Alex. Ô comme j’aurais souhaité entendre ces arguments quand j’allais sortir de l’adolescence !

J.C. Ne pense pas aux péchés que tu as faits, ne te soucie pas de ceux que tu feras, oublie ceux que tu commets aujourd’hui.

Alex. Ah…

J.C. Soupire donc tant que tu voudras.

Alex. Je me rappelle ce distique :

Perduto è tutto il tempo
Che in amar non si spende
. {b}

J.C. Puisque vient le soir, après une journée passée à disputer (nous voulons soumettre chacune de nos paroles au divin oracle de l’Église romaine, dont le Saint-Esprit a établi Paul v, rejeton de la sérénissime famille Borghese, {c} comme l’infaillible interprète), détendons-nous donc un peu l’esprit, et passons de la gravité à l’hilarité et au rire. Holà, les enfants, sortez donc vos tables de jeu ! Mais que murmures-tu là gaiement ?

Tars. Je disais les vers d’Ovide :

Parva sedit ternis instructa tabella lapillis,
In qua vicisse est continuasse suos
. {d}

Alex. Ô la belle et heureuse journée !

Tars. Applaudissons donc !

Alex. Oui, applaudissez !

Fin]. {e}


  1. « Il est venu, le Jour de la colère » : premières paroles du célèbre cantique grégorien qu’on récite lors des funérailles catholiques.

  2. « Celui qui ne s’est pas consacré à aimer a perdu tout son temps », Le Tasse (v. note [5] du Faux Patiniana II‑1), Aminta (1573), acte i, scène 1.

  3. V. note [5], lettre 25, pour le pape Paul v, Camillo Borghese, qui a régné de 1605 à 1621.

  4. « Chacun jette trois cailloux sur la tablette ; a gagné celui qui est parvenu à les faire se toucher l’un l’autre » (Tristes, livre ii, vers 481‑482).

  5. Voilà bien une prose qui fait comprendre ce que signifie « sentir le fagot » (v. notes [3] et [6], lettre latine 27).

    V. notes [3] et [4] du Patiniana I‑2 pour d’autres informations sur les « Dialogues » de Vanini.


42.

Gabriel Naudé concluait son éloge du libertinage athée par cette série d’auteurs antiques, tous sceptiques et admirateurs des puissances de la Nature, et tous mis à l’Index de l’Église de Rome.

43.

Jean-François-Paul de Gondi, alors coadjuteur de l’archevêque de Paris, {a} a parlé du cardinal Pancirole {b} dans ses Mémoires (automne 1650, pages 668‑670) :

« M. le cardinal Mazarin avait été autrefois secrétaire de Pancirole, nonce extraordinaire pour la paix d’Italie ; il avait trahi son maître et il fut même convaincu d’avoir rendu compte de ses dépêches au gouverneur de Milan. {c} Le pape Innocent {d} m’en a dit le détail, qui vous ennuierait. Pancirole, ayant été créé cardinal et secrétaire d’État de l’Église, n’oublia pas la perfidie de son secrétaire, à qui le pape Urbain avait donné le chapeau par les instances de M. le cardinal de Richelieu, {e} et il n’aida pas à adoucir l’aigreur envenimée que le pape Innocent conservait contre lui depuis l’assassinat de l’un de ses neveux, dont il croyait qu’il avait été complice avec le cardinal Antoine. {f} Pancirole, qui crut qu’il ne lui pouvait faire un déplaisir plus sensible que de me porter au cardinalat, le mit dans l’esprit du cardinal Innocent, qui agréa qu’il prît commerce avec moi. Il se servit, pour cet effet, du vicaire général des augustins, qui lui était très confident et qui passait à Paris pour aller en Espagne. Il me donna une lettre de lui ; il m’expliqua sa créance ; il m’assura que si j’obtenais la nomination, le pape ferait la promotion sans aucun délai. {g} Ces offres ne firent pas que je me résolusse à la demander, ni même à la prendre ; mais elles firent que, quand les autres considérations que je vous ai rapportées ci-dessus tombèrent sur le point de l’éclat que la cour fit contre moi après la paix de Bordeaux, {h je m’y laissai emporter sans comparaison plus facilement que je n’eusse fait si je ne me fusse cru assuré de Rome ; car l’une des raisons qui me donnait autant d’aversion à la prétention du chapeau était la difficulté de fixer la nomination, parce qu’elle peut toujours être révoquée ; et je ne sache rien de plus fâcheux, en ce que la révocation met toujours le prétendant au-dessous de ce qu’il était devant que d’avoir prétendu ; elle a avili La Rivière, {i} qui était méprisable par lui-même, et il est certain qu’elle nuit à proportion de l’élévation. Quand je fus persuadé que je devais penser au chapeau, je serrai les mesures que j’avais jusque-là plutôt reçues que prises. Je dépêchai un courrier à Rome, je renouvelai les engagements ; Pancirole me donna toutes les assurances imaginables. J’y trouvai même une seconde protection qui ne m’y fut pas inutile. Mme la princesse de Rossane était depuis peu raccommodée avec le pape, dont elle avait épousé le neveu, après avoir été mariée en premières noces au prince de Sulmonne. Elle était fille et héritière de la Maison des Aldobrandins, avec lesquels la mienne a eu dans tous les temps, en Italie, beaucoup d’unions et beaucoup d’alliances. Elle se joignit pour mes intérêts à Pancirole, et vous en verrez le succès. » {j}


  1. Futur cardinal de Retz (1652), v. note [18], lettre 186.

  2. Giovanni Giacomo Panciroli, mort à Rome le 3 septembre 1651, v. note [3], lettre 112.

  3. Note de Simone Bertière :

    « Mazarin avait accompagné à Milan le nonce extraordinaire Gian Francesco Sachetti {i} pour régler le conflit opposant, autour de la place forte de Casal, deux prétendants au duché de Mantoue et au marquisat du Montferrat, respectivement appuyés par la France et par l’Autriche. {ii} Devant l’aggravation de la situation, le pape {iii} avait envoyé, pour remplacer Sachetti, le cardinal Panciroli. Profitant de l’intervalle, Mazarin, resté en fonction, avait pris contact avec le célèbre Spinola, {iv} gouverneur de Milan pour le compte des Espagnols, outrepassant ainsi son mandat. Au terme d’une série de négociations très complexes, pour lesquelles il reçut d’ailleurs l’aval du pape et de Panciroli, le diplomate improvisé eut la gloire de s’interposer entre les armées ennemies devant Casal et de mettre fin à la guerre (26 octobre 1630) : {v} coup d’éclat dont son supérieur immédiat, le nonce Panciroli, ne dut pas manquer d’être jaloux – et fondement de sa faveur auprès de Richelieu. »

    1. Frère cadet du cardinal Giulio Cesare Sachetti (v. supra note [28]).

    2. V. note [11], lettre 18, pour cette guerre de succession de Mantoue et du Montferrat, à laquelle prétendaient deux membres de la famille de Gonzague, Charles ier, soutenu par la France, et Ferdinand, soutenu par les Habsbourg.

    3. Urbain viii (Maffeo Barberini, 1623-1644).

    4. Ambroglio Spinola Doria (1569-1630).

    5. V. note [6], lettre 53.

  4. Innocent x (1644-1655).

  5. Créé cardinal le 16 décembre 1641, Mazarin avait reçu le bonnet à Valence le 26 février 1642, mais ne reçut jamais le chapeau rouge (non plus que la prêtrise ni le diaconat).

  6. Note de Simone Bertière :

    « Le neveu en question, fils aîné de la signora Olimpia Maidalchini, belle-sœur du pape, avait été assassiné en Allemagne, près de Cologne, et, selon le P. Rapin, Mazarin fut soupçonné d’avoir eu part à ce meurtre. »

    V. notes [4], lettre 127 pour Olimpia Maildachini, belle-sœur et trop influente maîtresse du pape Innocent x, [8], lettre 825, pour le P. René Rapin, et [4], lettre 130, pour le cardinal Antoine (Antonio Baberini), neveu d’Urbain viii et promoteur de Mazarin.

  7. Note de Simone Bertière :

    « Le roi de France avait, depuis le concordat de Bologne, en 1516, le privilège de nommer les cardinaux français ; le pape procédait ensuite à leur promotion, qu’il pouvait hâter à son gré ou différer. »

    V. note [24], lettre 286, pour la promotion du coadjuteur au cardinalat le 19 janvier 1652.

  8. Anticipation de Retz sur ses mésaventures ultérieures : son arrestation le 19 décembre 1652 (v. note [37], lettre 299) ; son emprisonnement à Vincennes ; paix de Bordeaux, qui mit fin à la Fronde à la fin de juillet 1653 ; transfert du cardinal au château de Nantes en avril 1654 après son refus de renoncer à l’archevêché de Paris (v. note [8], lettre 345) ; évasion le 8 août suivant (v. note [3], lettre 364).

  9. En 1655, le pape refusa de donner les bulles de l’évêché de Langres à Louis Barbier, abbé de La Rivière (v. note [5], lettre 27), mais il l’obtint l’année suivante (v. note [1], lettre 391).
  10. Olimpia Aldobrandini (1623-1681), princesse de Rossano, seule héritière de la fortune familiale, veuve du prince Paolo Borghese en 1646, avait épousé l’année suivante l’ex-cardinal Camillo Pamphili, fils d’Olimpia Maidalchini (v. supra notule {d}).

    J’ai respecté les digressions de Retz, pour sa célèbre plume et pour l’intérêt de ses tribulations.


44.

Pour humblement commenter ce que le Naudæana disait de ces géants antiques, je me contente de rappeler leur chronologie : Socrate (ve s. av. J.‑C., v. note [4], lettre 500) a formé Platon, qui a eu pour disciple (rétif) Aristote, dont l’élève le plus renommé a été Alexandre le Grand. Les philosophes chrétiens du premier xviie s. tenaient encore Aristote pour leur maître à penser et résumaient Platon à ses rêveries ésotériques (v. note [15], lettre 80).

Cardan (xvie s., v. note [30], lettre 6) a eu la même ambition encyclopédique qu’Aristote, mais a suivi bien d’autres courants en se laissant aller à force divagations sceptiques et « subtiles ». V. notes [32] et [33] du Naudæana 1, pour la perplexité de Naudé devant l’inconstance des options philosophiques et religieuses de Cardan (v. supra note [40]).

45.

Guillaume Postel (Barenton, près d’Avranches 1510-Paris 1581), érudit polyglotte ésotérique, possédait, entre maints autres, le titre de bachelier en médecine. Il avait entamé un noviciat chez les jésuites de Rome en mars 1544, mais Ignace de Loyola l’avait congédié en décembre 1545 à cause de son indiscipline. « Il incarna l’esprit de la Cabale philosophique de la Renaissance, et s’en servit pour créer un système personnel conciliant le christianisme, le judaïsme et la philosophie arabe » (Alexandrian, page 114). Postel a passé le plus clair de sa vie à voyager au Proche-Orient et en Europe, et à écrire quantité de livres emplis de ses rêveries. Nicéron lui a consacré un volumineux article (tome viii, pages 295‑356).

De 1535 à 1581, Postel a été titulaire de la chaire royale de mathématiques du Collège de France, (Claude-Pierre Goujet, tome second, pages 14‑20, v. note [3] du Manuscrit 2007 de la Bibliothèque interuniversitaire de santé).

Les Très merveilleuses Victoires des femmes du nouveau monde, et comme elles doivent à tout le monde par raison commander, et même à ceux qui auront la monarchie du monde vieil. À Madame Marguerite de France. À la fin est ajoutée La Doctrine du Siècle doré, ou l’évangélique Règne de Jésus, Roi des Rois {a} sont l’un des plus fameux ouvrages de Postel. La dédicataire de ce livre consacré à la Mère Jeanne est la duchesse de Berry (1492-1549), sœur du roi François ier, diplomate et femme de lettres. Postel introduit sa « Grand-Mère Jeanne » dans le chapitre v, Particulières Histoires des Sages-Femmes (pages 16‑18) :

« Mais sur toutes les créatures qui onc {b} furent, qui sont, ou qui seront, a été en cette vie admirable la très sainte Mère Johanna, qui est Ève nouvelle, laquelle par 30 ans ou environ a été en continuelle méditation spirituelle et mentale ; et quasi autant de temps à ministrer aux pauvres malades à l’hôpital, ayant cure de femmes et d’hommes malades, de filles et enfants orphelins ; de laquelle j’ai vu choses si miraculeuses et si grandes qu’elles excèdent tous les miracles passés, sauf ceux d’Adam nouveau, Jésus, mon père et son époux. Son exercice a principalement été à Venise lès Saints-Jean-et-Paul, {c} et auparavant à Padoue. Et quant à parler du savoir féminin, si très grand et éminent était en elle. Quant aux choses divines, avec toutes les doctrines secrètes, et depuis plus de trois mille ans cachées et propres des 72 auditeurs de Moïse, à tous les Latins du tout inconnues, et en livres écrits en hébreu compris, icelle, qui n’apprit onc {a} le latin, ni grec, ni hébreu, ni autre langue ou lecture, me savait tellement ouvrir et déclarer quand je tournais le Zohar, livre très difficile et contenant l’ancienne Doctrine évangélique {d} en latin, qu’il n’y avait lieu {e} que, quelquefois dix jours devant que je trouvasse, elle ne m’eût clairement exposé ; et pour montrer assurément que c’était non pas elle seule, mais l’esprit de Jésus mon père qui en icelle parlait, disait ainsi, il signore dice cossi. {f} Ainsi, outre qu’elle me révéla innumérables secrets des Écritures, elle me prédit aussi choses principalement touchant la destruction du règne de Satan et de la restitution de celui de Christ qui doivent advenir, et entre les autres, que je devais être son fils aîné ; ce que, à la vérité, je n’ai jamais entendu ni cru jusqu’à ce que, sensiblement, sa substance et corps spirituel, deux ans depuis son ascension au Ciel, est descendu en moi, et par tout mon corps sensiblement étendu, tellement que c’est elle, et non pas moi, qui vit en moi. Il est pour tout certain que de la substance de son esprit est au Ciel décrété et déterminé, que tous les hommes qui jamais furent, par la corruption de l’Ève vieille, corrompus, occis et contre Dieu forgés, étant plutôt damnés que nés, seront restitués et remis en leur entier, comme moi, selon les raisons qui après se verront aux sacrées conclusions. {g} Car il faut qu’à tous Jésus soit Père mental et Jeanne, Mère spirituelle, Adam nouveau et Ève nouvelle, deux en une spirituelle chair. »


  1. Paris, Jean Ruelle, 1553, in‑fo ; avec réimpression au xviiie s. de l’édition originale de Paris, Jean Gueullart, 1553, in‑8o de 92 pages.

  2. Jamais.

  3. Près de la basilique San Zanipolo.

  4. Le Sefer ha-Zohar, écrit rabbinique rédigé en araméen au début de l’ère chrétienne ou au Moyen-Âge, est le maître ouvrage de la Cabale (v. note [27] du Borboniana 1 manuscrit), commentaire ésotérique du Pentateuque (Ancien Testament ou « ancienne Doctrine évangélique »).

  5. Passage.

  6. « voilà ce que dit le Seigneur. »

  7. Le livre se termine (pages 89‑92) sur les six Articles de l’éternelle raison, pour lesquels soutenir, et faire entendre et pratiquer, comme tous hommes devraient être morts, aussi faut que d’ores en avant un chacun mette les biens, la vie et l’honneur.

    V. notes [2], lettre 305, pour le livre que le R.P. Théophie Raynaud a consacré à cette affaire (Lyon, 1653), et [11] du Borboniana 6 manuscrit pour l’Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou sur Postel.


V. note [21], lettre 146, pour le Familier éclaircissement (Amsterdam, 1647) de David Blondel qui a battu en brèche l’existence de la papesse Jeanne, à tenir pour un conte inventé par Platina (Barthélemy Sacchi) au xve s., puis exploité à l’envi par les antipapistes (v. infra note [46] pour de copieux compléments sur le sujet). Le même Blondel a plus tard publié De Ioanna papissa [Sur la papesse Jeanne] (Amsterdam 1657, v. note [15], lettre 546).

V. notes [14] (citation 2) du Patiniana I‑1 pour le seul avis (favorable) connu (imprimé) de Saumaise sur la papesse Jeanne, dans ses livres de Primatu Papæ [sur la Primauté du pape], publiés à Leyde en 1645 (v. note [6], lettre 62), et [11], lettre 415 pour une lettre de Claude Sarrau à Saumaise le dissuadant de revenir sur ce sujet fort scabreux.

Un avis de Joseph Scaliger sur la papesse Jeanne se lit dans le Secunda Scaligerana (page 397) :

Joannis viii. Fœminæ Papæ historiam illam a Platina descriptam veram esse non putat : vocem fœminæ facile dignosci quantumvis virilem et masculam.

[Jean viii. Il ne croit pas que cette histoire d’une femme pape écrite par Platina soit vraie : la voix d’une femme se distingue fort aisément d’une voix virile et masculine].

Blondel, Saumaise et Scaliger étaient calvinistes : les huguenots n’étaient donc pas unanimes sur cette fable.

46.

Florimond de Raemond (Raymond ou Rémond, Agen 1540-Bordeaux 1601), avocat et magistrat bordelais catholique, a publié quelques livres d’histoire dirigés contre le calvinisme. Il a correspondu amicalement avec Juste Lipse (v. notule {c}, note [7], lettre 753). Son Anti-papesse, publiée pour la première fois anonymement sous le titre d’Erreur populaire de la papesse Jane (Bordeaux, S. Millanges, 1587, in‑4o), a connu de nombreuses éditions. Le chapitre xxxi (et dernier), pages 254‑255, se conclut sur ce verdict sans appel (édition de Paris, Abel L’Angelier, 1607, in‑8o) :

« Ainsi, cette Chimérique Papesse étant coulée des mains de ses premiers pères et auteurs, nue, simple, sans artifice, sous le sauf-conduit d’un seul ouï-dire, nous avait été depuis envoyée si déguisée et travestie qu’il était très difficile, après qu’un chacun lui a eu donné un trait de sa main, < de > lui lever le masque, afin de faire voir au jour son imposture, si pièce à pièce je ne l’eusse démontée et mise à nu, comme j’ai fait afin que, honteuse, elle s’aille cacher sans oser désormais paraître. Je ne plaindrai point la peine que j’ai eue en l’amas de ces curieuses recherches si je connais que, par la vérité de mes écrits, on connaisse la fausseté de cette fable ; et si je suis cause que vous voyez l’imposture de ce conte, comme vous êtes cause que l’on voit ce que j’en ai écrit. {a} Ce mensonge est si apparent de soi, et j’y pense y avoir apporté tant de lumière que j’accuserai la faiblesse de votre vue si vous ne le voyez à clair. Je dirai que vous faites comme ceux qui, se cillant les yeux en plein midi, soutiennent qu’il est nuit, ou que vous êtes de la race d’Herpaste, {b} folle de Sénèque, laquelle ayant perdu la vue ne se pouvait pourtant persuader d’être aveugle, criant sans cesse après son gouverneur, qui la laissait sortir pour voir la clarté du soleil, que la maison de son maître était devenue obscure. Si vous n’y voulez voir, ne vous en prenez pas à moi, qui vous ai mis en plein midi, n’ayant autre fin plus désirée qu’à dessiller vos yeux et, combattant l’incertitude de ceux de l’autorité desquels vous vous couvrez, représenter l’occasion et source de cette fable. Tenez-la désormais pour telle, sous la parole et caution de tant de graves auteurs que je vous ai mis en avant. Après lesquels, si vous vous écartez tant soit peu, si vous abandonnez votre croyance, si vous vous montrez si faciles et ployables à la moindre ondée qui vous pousse, je pourrai avec vérité dire que c’est quelque mauvaise affection qui vous porte et fait tenir pour véritable ce qui se dément de soi-même. »


  1. Note de l’imprimeur : « L’auteur s’adresse à ceux qui lui ont donné occasion d’écrire sur ce sujet. »

  2. Sic pour Harpaste, Sénèque le Jeune, Lettres à Lucilius, épître l :

    Harpasten, uxoris meæ fatuam, scis hereditarium onus in domo mea remansisse. Ipse enim aversissimus ab istis prodigiis sum ; si quando fatuo delectari volo, non est mihi longe quærendus: me rideo. Hæc fatua subito desiit videre. Incredibilem rem tibi narro, sed veram : nescit esse se cæcam; subinde pædagogum suum rogat ut migret, ait domum tenebricosam esse. Hoc quod in illa ridemus omnibus nobis accidere liqueat tibi.

    [Vous savez que j’ai gardé chez moi, comme une des charges de la succession, Harpaste, la folle de ma femme ; car, pour moi, j’ai la plus grande aversion pour de tels monstres ; et si je veux m’amuser d’un fou, je ne vais pas le chercher bien loin : je ris de moi-même. Harpaste a perdu tout à coup la vue ; voici un fait incroyable, mais très vrai : elle ne sait pas qu’elle est aveugle, et ne cesse de prier son guide de déménager : « Dans la maison, dit-elle, on ne voit goutte. » Nous rions d’elle, et autant puisse-t-il nous en arriver tous les jours !]

    Dans la cécité dite corticale, c’est-à-dire par atteinte du cortex cérébral occipital, et non des yeux ou des voies optiques, il peut y avoir anosognosie (ignorance du mal) : sans du tout être fou, le malade ne se rend pas compte qu’il a perdu la vue ; il dit voir, mais son cerveau a perdu la capacité d’interpréter les images qu’il perçoit.


Le P. Pierre Cotton, « Forézien de la Compagnie de Jésus, prédicateur ordinaire du roi [Henri iv] » (v. note [9], lettre 128), est auteur, parmi quantité d’autres ouvrages, de l’Institution catholique, où est déclarée et confirmée la vérité de la foi. Contre les hérésies et superstitions de ce temps. Divisée en quatre livres, qui servent d’antidote aux quatre de l’Institution de Jean Calvin (Paris, Claude Chappelet, 1610, in‑4o, avec un splendide frontispice dû au burin de Pierre Firens [1580-1638]). Le chapitre xiv du livre second (pages 443‑462) est intitulé De la prétendue papesse Jeanne. Une des versions du sujet est résumée page 445 :

« La fable donc, que l’on appelle histoire, porte qu’une pauvre fille allemande, ou anglaise, nommée Geliberte, s’étant laissé débaucher par un moine de l’abbaye de Fulde, en Allemagne, après avoir couru plusieurs universités, caché son sexe, changé son nom, pour prendre celui de Jean l’Anglais, en faveur de son ami qui était de la Grande-Bretagne ; le moine mort, elle se rendit d’Athènes à Rome, où elle enseigna publiquement ès {a} écoles, durant six ans, avec admiration de tous, causée de son grand savoir ; le peuple et le clergé furent tellement aveuglés, et trompés par ses déportements {b} qu’ils l’élurent pape après Léon iv ; {c} et sut si bien dissimuler son sexe qu’aucun ne s’en aperçut, jusques à ce que, par l’accointance d’un cardinal, elle accoucha en pleine procession générale, au milieu d’une rue et, à l’instant, rendit l’âme. Voilà en substance la teneur de l’histoire fabuleuse de laquelle, pour plus grande clarté, nous traiterons à la < manière > scolastique et avec la méthode de saint Thomas, proposant en premier lieu les preuves qui sont pour l’affirmative, puis celles qui sont pour la négative, et répondant finalement aux objections contraires. »

La cinquième (et plus célèbre) preuve avancée à l’appui de la papesse (pages 446‑447) est :

« extraite de la coutume que l’on dit être depuis ce grand scandale de faire seoir les papes, le jour de leur coronation, sur une chaire {d} percée pour examiner (qu’est-ce que n’ose controuver l’imposture !) leur sexe et sonder s’ils sont hommes. »

Cotton la réfute ainsi (pages 458‑459) :

« Quant est de la chaire percée, il n’y a que les esprits percés à jour de folie et malice qui se persuadent une telle absurdité. Vrai est que, comme toutes les fables ont quelque fondement en l’histoire, il y avait une chaire basse de pierre, où l’on mettait le nouveau pontife après son élection pour l’admonester qu’encore qu’il fût élevé au Siège de saint Pierre, il se devait souvenir de l’humilité de celui qu’il représentait, lequel se fit le moindre de tous, ores qu’il fût {e} le plus grand. Le rituel, livre premier, section 2, fait mention de deux chaires, où lesdits pontifes étaient colloqués {f} successivement, et là étaient admonestés que comme par leur promotion ils étaient rehaussés au faîte des dignités, un jour aussi ils seraient dégradés par la mort, qui est commune à tous. Et pour cela même en la première chaire, appelée d’aucuns Stercoraria, {g} non pour être percée, mais d’autant que le clergé chantait alors ce qui est écrit au premier des Rois, chapitre second, Suscitat de pulvere egenum et de stercore elevat pauperem, ut sedeat cum principibus, et solium gloriæ teneat. {h} Pour cette raison, donc, et pour lui servir de document {i} en cette chaire basse, on lui baillait les clefs, et en une plus éminente, incontinent après, il les remettait à un autre. Mais à quoi faire prennent peine les théologiens de reconnaître quatre sens, tant en la parole de Dieu que ès {a} actions et intentions de son Église, à savoir l’historique, le tropologique, {j} le mystique et l’analogique : puisqu’il plaît à Dive Réformation en ajouter et suivre plutôt un cinquième qui est diabolique ? » {k}


  1. Dans les.

  2. Bonnes mœurs.

  3. Léon iv, pape de 847 à 855, a été sanctifié. Son successeur, Benoît iii a régné de 855 à 858. La papesse Jeanne se serait intercalée, sous le nom de Jean viii ; mais le véritable pape de ce nom régna de 872 à 882.

  4. Chaise.

  5. Quoiqu’il fût.

  6. Placés (assis).

  7. Sella stercatoria est une expression néolatine dont le sens est transparent puisqu’il dérive de stercus (génitif stercoris), « excrément solide ».

  8. « Il retire l’indigent de la poussière, il relève le pauvre de la fange, pour le faire asseoir avec les princes et occuper un siège d’honneur » (Samuel, et non Rois, livre i, 2:8).

    C’est aussi lors de cette cérémonie qu’un officiant adressait au nouveau pape le célèbre Sic transit gloria mundi [Ainsi passe la gloire du monde] (v. notule {c}, note [118], lettre 166).

  9. Preuve.

  10. Figuré.

  11. Tout le monde sait que le diable (ou l’antipapisme protestant) a poussé la plaisanterie jusqu’à forger la formule liturgique qui fait rire, depuis des générations, mécréants et potaches : Duos habet et bene pendentes [Il en a deux et bien pendant(e)s].

    V. note [74] du Borboniana 4 manuscrit, pour un mauvais avis du cardinal Duperron sur cet ouvrage, qu’il ne trouvait guère à la hauteur de sa cible.


Je n’ai pas trouvé le livre du jésuite milanais sur la Papessa Giovanna.


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 234‑235 :

« On peut dire que cette fable de la papesse Jeanne a perdu à présent tout son crédit. Quoi qu’en ait voulu dire M. Spanheim, {a} il n’a pu empêcher que les savants de son parti et ceux en qui se trouve quelque bonne foi n’aient reconnu que rien n’était plus mal fondé que cette prétendue papesse. On attend même d’un illustre écrivain d’Allemagne, très connu dans la république des lettres, une réponse aux arguments de M. Spanheim, qu’il a promise. » {b}


  1. Friderici Spanheimii F. de Papa Fœmina inter Leonem iv. et Benedictum iii. Disquisitio historica. Qua ut Onuphrii, sic præcipue Allatii, Labbei, Blondelli, Launoii, Mabilloni, adversus Papissam præsidia excutiuntur.

    [Recherche historique de Friedrich Spanheim, le fils, {i} sur la femme qui fut pape entre Léon iv et Benoît iii, où sont renversées les arguments d’Onofrio contre ladite papesse, {ii} tout comme principalement ceux d’Allatius, Labbe, Blondel, Launoy et Mabillon]. {iii}

    1. V. notes [47] de l’Autobiographie de Charles Patin pour Friedrich ii Spanheim, et [11], lettre 16, pour Friedrich i, son père.

    2. Tous cités ailleurs dans notre édition, ces auteurs contestés par Spanheim sont : Onofrio Panvinio, Leo Allatius, Philippe Labbe, David Blondel, Jean de Launoy et Jean Mabillon.

    3. Leyde, Johannes Verbessel, 1691, in‑8o de 516 pages ; ce livre été traduit et abrégé : Histoire de la papesse Jeanne fidèlement tirée de la dissertation latine de Monsieur de Spanheim, premier professeur de l’Université de Leyde (Cologne, chez *****, 1694, in‑12 de 320 pages).

  2. Écrivain et livre que je n’ai pas identifiés.

47.

V. note [23], lettre 449, pour l’énigmatique livre « des trois Imposteurs », pamphlet anonyme athée et clandestin, apparemment écrit en 1538 et publié pour la première fois en 1598, qui excitait alors beaucoup la curiosité des milieux libertins (où on n’en parlait que par ouï-dire). Je n’en ai pas trouvé de trace imprimée certaine avant l’édition critique, latine et française, publiée par Philomneste Junior (Bruxelles, 1867).

Un ouvrage n’a sans doute pas innocemment repris ce titre pour s’attaquer aux thèses sceptiques d’Edward Herbert de Cherbury, {a} de Thomas Hobbes {b} et Baruch Spinoza : {c}

De tribus Impostoribus magnis Liber, cura editus Christiani Kortholti, S. Theol. D. et Professoris Primarii.

[Livre des trois grands Imposteurs, édité par Christianus Kortholtus, [d} docteur et premier professeur de théologie sacrée]. {e}


  1. De Veritate, prout distinguitur a Revelatione, a Verisimili, a Possibili, et a Falso. Cui Operi additi sunt Duo alii tractatus : primus, de Causis errorum ; alter, de Religione laici ; una cum Appendice ad Sacerdotes de Religione Laici, et quibusdam Poematibus. Autore Edoardo Barone Herbert de Cherbury in Anglia, et Castri Insulæ de Kerry in Hibernia, et Pari utriusque Regni.

    [De la Vérité, qui se ditingue de la Révélation, de la Vraisemblance, du Possible et du Faux. Ouvrage auquel aont été ajoutés deux autres traités : le premier, sur les Causes des erreurs ; le second, sur la Religion du laïc. Avec un Appendice contre les prêtres sur la Religion du laïc, et certains poèmes. Par le baron Edoardus Herbert {i} de Cherbury en Angleterre et du château de l’île de Kerry en Irlande, et pair des deux royaumes]. {ii}

    1. Edward Herbert (1582-1648), diplomate et philosophe rationaliste anglais.
    2. Londres, sans nom, 1645, in‑4o en deux parties de 250 et 124 pages.
  2. V. note [1], lettre 267.

  3. Mentionné dans la note [9], lettre 60.

  4. Christian Kortholt (1633-1694) professait à l’Université de Kiel.

  5. Kiel, Joachimus Reumannus, 1680, in‑8o de 294 pages.

V. note [1], lettre 62, pour Arnauld de Villeneuve (mort en 1313). Philomneste Junior a sèchement réfuté cette piste (page 77) : « Naudé, par une ridicule méprise, croyait ce Traité des trois Imposteurs d’Arnauld de Villeneuve, écrivain grossier et barbare. » Philomneste s’en explique de manière fort convaincante (pages 72‑73) :

« Le premier qui ait parlé du livre comme existant en 1543 est Guillaume Postel dans son traité de la conformité de l’Alcoran avec la doctrine des luthériens ou des évangélistes, qu’il nomme anévangélistes, {a} et qu’il entreprend de rendre tout à fait odieux, en voulant faire voir que le luthéranisme conduit droit à l’athéisme. Il en rapporte pour preuve trois ou quatre livres composés, selon lui, par des athées, qu’il dit avoir été des premiers sectateurs du prétendu nouvel évangile : id arguit nefarius tractatus Villanovani De Tribus Prophetis, Cymbalum mundi, Pantagruelus et novæ insulæ, quorum autores erant Ceneuangelistarum antesignani. {b} Ce Villanovanus, que Postel dit auteur du livre des trois Imposteurs, est Michel Servet, fils d’un notaire, qui, étant né en 1509 à Villanueva en Aragon, a pris le nom de Villanovanus dans la préface qu’il ajouta à une Bible qu’il fit imprimer à Lyon en 1542, par Hugues de La Porte, {c} et prenait en France le nom de Villeneuve, sous lequel on lui fit son procès, après avoir fait imprimer en 1553, à Vienne en Dauphiné, la même année de sa mort, son livre intitulé Christianismi restitutio, un livre devenu extrêmement rare, par les soins qu’on prit à Genève d’en rechercher les exemplaires pour les brûler ; {d} mais dans tous les catalogues des livres de Servet, on ne trouve point de livre De tribus Impostoribus. Ni Calvin, ni Bèze, ni Alexandre Morus, ni aucun autre défenseur du parti huguenot qui ont écrit contre Servet, et qui avaient intérêt de justifier son supplice et de le convaincre d’avoir composé ce livre, aucun ne l’en avait accusé. Postel, ex-jésuite, est le premier qui, sans autorité, l’a fait. »


  1. Guillaume Postel est le signataire de l’épître dédicatoire du : {i}

    Alcorani seu legis Mahometi et Evangelistarum concordiæ Liber, in quo de calamitatibus orbi Christiano imminentibus tractatur. Additus est libellus de universalis conversionis, iudicii ve tempore, et intra quot annos sit expectandum, coniectatio, ex divinis ducta authoribus, veroque proxima.

    [Livre de la conformité de l’Alcoran ou loi de Mahomet avec les évangélistes, qui traite des calamités qui menacent le monde chrétien. Avec un petit livre sur le moment de la conversion universelle ou jugement, et une conjecture sur le nombre d’années à attendre, tirée des divins auteurs, mais dont la survenue est très prochaine]. {ii}

    1. V. supra note [45].

    2. Paris, Petrus Gromosus, 1543, in‑8o de 123 pages.

    Postel y donne aux luthériens le nom de Ceneuangelistæ (pour sine euangelistis, « sans évangélistes », ou prédicateurs de la bonne nouvelle), que Philomneste a traduit par « anévangélistes ».

  2. « ce que montrent l’abominable traité de Villeneuve sur les trois prophètes, le Cymbalum mundi, Pantagruel et les nouvelles îles, dont les auteurs furent jadis les porte-drapeaux des anévangélistes » (page 72 du livre de Postel).

    V. notes [23] (notule {a}), lettre 449, pour la « Cymbale du monde » de Bonaventure Des Périers (1537), et [9], lettre 17, pour François Rabelais, son Pantagruel (1532) et son Cinquième livre (1564), que Postel appelait les « nouvelles îles ».

  3. Biblia sacra ex Santis Pagnini tralatione, sed ad hebraicæ linguæ amussim novissime ita recognita et scholiis illustrata, ut plane nova editio videri possit [La Sainte Bible, selon la traduction de Sante Pagnini (bibliste hébraïste dominicain italien, 1470-1541), mais si strictement et nouvellement conforme à la langue hébraïque, et éclairée de commentaires, qu’elle peut être parfaitement tenue pour une édition originale] (Lyon, Hugo a Porta, 1542, in‑8o), avec épître intitulée Michaël Villanovanus lectori S. [Michel Villanovanus salue le lecteur].

  4. V. note [49] du Procès opposant Jean Chartier à Guy Patin en juillet 1653, pour Michel Servet, son destin tragique et son « Rétablissement du christianisme » (Vienne, 1533), où il a décrit la petite circulation du sang avec une sidérante exactitude.

48.

« dans la nature des choses » (où que ce soit sur terre).

Quoique tous partiaux, de savants commentateurs ont heureusement éclairci ces deux passages.

49.

« dans ses Conseils et exemples politiques, livre i : “ Il en est pourtant qui ne se contentent pas de préférer l’impiété à la vie, mais qui l’expriment impudemment dans leurs paroles. Tel a été l’empereur Frédéric ii, disant toujours que trois insignes imposteurs ont dupé le monde. ” »

Le chapitre iv de ce livre de Juste Lipse {a} est intitulé De Impietate. Eius matrem Superbiam, aut Ferociam, sæpe et Vitiorum cumulum, esse [De l’Impiété. L’insolence ou la violence est sa mère, et elle est souvent un amoncellement de vices]. La citation de Gabriel Naudé forme le 2e paragraphe (pages 22‑23) :

Omitto veteres, apud quos veniam aliquam habuerit, in caligine errorum : apud Christianos qui potest ? Et sunt tamen, qui non vita solum eam præferunt : sed impudenter lingua exprimunt ; ut ille Fredericus ii. Imperator, cui semper in ore : Tres fuisse insignes impostores, qui genus humanum seduxerunt, Moysem, Christum, Mahumetem. Ô impure, ô impie ! te hoc dicere quod gentilium quidam olim, Christum magum fuisse et ex Ægyptorum adytis angelorum potentium nomina habuisse ?

[Je pardonne aux Anciens, car leur ignorance les excuse quelque peu ; mais peut-on en dire autant des chrétiens ? Il en est pourtant qui ne se contentent pas de préférer l’impiété à la vie, mais qui l’expriment impudemment dans leurs paroles. Tel a été l’empereur Frédéric ii qui avait toujours ces mots à la bouche : Il y a eu trois insignes imposteurs qui ont dupé le monde, Moïse, le Christ et Mahomet. Quelle impureté, quelle impiété ! Vous répéterai-je ce que jadis disait un païen : Le Christ était un mage, et il a usurpé le renom des puissants messagers sortis des temples égyptiens ?]. {b}


  1. Première édition à Anvers, 1605, v. note [27], lettre 449.

  2. Livre i, page 31 des Arnobii Disputationum adversus gentes libri septem [Sept livres d’Arnobe contre les nations] (Paris, 1605, v. note [2], lettre 126) :

    Magus fuit, clandestinis artibus omnia illa perfecit ; Ægytiorum ex adytis angelorum potentium nomina, et remotas furatus est disciplinas.

    [Ce fut un mage, il a tout accompli par arts secrets : il a usurpé le renom des puissants messagers sortis des temples égyptiens, et il a pillé leurs sciences cachées].


Polyglotte, poète, philosophe et érudit, Frédéric ii Barberousse (1194-1250) a été le plus puissant et brillant monarque de son siècle : empereur germanique (élu en 1220), roi de Sicile, d’Arles et de Jérusalem, il s’est signalé par son opposition au pouvoir pontifical et par son scepticisme religieux. En médecine, il a été le premier souverain à promulguer, en 1241, un édit autorisant la dissection des corps humains.

Sur la foi de ce que Lipse avait écrit en 1605, le Naudæana laissait entendre que le livre « des trois Imposteurs » (dont il mettait l’existence en doute) ne faisait que ressasser des doutes exprimés depuis le xiiie s., voire depuis la révélation des trois religions monothéistes.

Guy Patin a incité Hugues ii de Salins à lire ce chapitre de Lipse dans sa lettre du 9 mars 1657 (v. note sa note [27]).


Additions et corrections du P. de Vitry
(1702-1703, v. note [12] des Préfaces), pages 235‑236 :

« Le livre de tribus Impostoribus. On a inséré dans l’Hist. des Ouvr. des Sav., février 1694, p. 278, un extrait d’une dissertation de M. de La Monnoye {a} pour prouver que ce livre est une chimère et n’a jamais existé. {b} M. Simon, dans ses Lettres choisies, est aussi de ce sentiment. {c} On voit néanmoins des gens d’un bon jugement et d’une profonde érudition assurer le contraire. Le savant Morhof peut être mis de ce nombre, {d} qui ajoute qu’il semble que Cl. Berigardus avait eu entre les mains ce livre détestable. » {e}


  1. Bernard de La Monnoye, v. notule {b}, note [7], lettre 977.

  2. Histoire des ouvrages savans par Mons. B***, {i} docteur en droit. Mois de décembre 1693, janvier et février 1694. Seconde édition revue et corrigée (Rotterdam, Reinier Leers, 1697, in‑12, article xv, Extraits de diverses lettres, pages 278‑281 :

    « Je vous envoie, Monsieur, une dissertation de M. de La Monnoye {ii} touchant le livre des tois Imposteurs. […] Ce qui fait encore plus douter de ce livre, c’est la diversité des auteurs à qui on l’attribue. Muret a été l’un des plus soupçonnés. {iii} Les opinions différentes que l’on en a se détruisent mutuellement ; et cela fait conclure que l’on n’a jamais rien lu de ce livre que le titre. »

    1. Henri Basnage de Beauval (Rouen 1657-La Haye 1710) ; 24 volumes de ses Ouvrages des savans ont paru entre 1687 et 1709.

    2. Cette dissertation de La Monnoye figure dans les pièces justificatives du livre des trois Imposteurs édité par Philomneste Junior (Bruxelles, 1867, v. supra note [47]), pages 67‑84, suivie par une réponse de Peter Friedrich Arpe, écrite en 1768, pages 85‑94.

    3. Marc-Antoine Muret, v. note [31], lettre 97.
  3. Lettres choisies de M. [Richard] Simon [prêtre de l’Oratoire, 1638-1712], où l’on trouve un grand nombre de faits anecdotes de littérature (Amsterdam, Louis de Lorme, 1700, in‑4o) : première partie de la lettre xvi, de Paris le 3 mai 1684, à Monsieur Z.S., Le livre intitulé de tribus Impostoribus est une pure imagination, page 142.

  4. Danielis Georgii Morhofii, Polyhistor sive de notitia auctorum et rerum Commentarii. Quibus præterea varia ad omnes disciplinas consilia et subsidia proponuntur.

    [Le Polyhistor {i} de Daniel Georgius Morhofius, {ii} ou ses Commentaires sur la connaissance des auteurs et des choses. Où sont présentés des avis et des aides touchant à tous les savoirs]. {iii}

    livre i, chapitre viii, De Libris damnatis [Livres condamnés] page 71 :

    Inter damnatos primo loco numerantur scriptores Athei, qui doctrinam de Deo, de Christo, de immortalitate animæ exstirpatum eunt. Princeps in his liber ille famosus est de tribus Impostoribus. […] Hunc librum legisse, et ex eo quædam excerpisse videtur Claudius Berigardus in Circ. Pisani, part. 3. Circ. 3. p. 230.

    [Sont à compter en premier lieu parmi les condamnés les écrivains athées qui pensent avoir déraciné la doctrine qui touche à Dieu, au Christ, à l’immortalité de l’âme. Le célèbre livre des trois Imposteurs s’y place au premier rang. (…) Claudius Berigardus semble avoir lu ce livre et en avoir extrait quelques passages dans la 3e patie de son Circulus Pisanus, Circ. 3, page 320].

    1. Omniscient.

    2. Daniel Georg Morhof (1639-1691), historien et bibliographe allemand.

    3. Lübeck, Petrus Böckmannus, 1688, in‑4o de 557 pages.
  5. V. supra note [5] pour Claudius Berigardus et son « Cercle pisan » (Udine, 1643). Dans le 3e volume de la première édition, De veteri et Peripatetica Philosophia in Arist. libros de Cœlo [De l’ancienne et péripatétique philosophie dans les livres d’Aristote sur le ciel] (Udine, Nicolaus Schirattus, 1647, in‑4o), le passage cité par Morhof, se trouve à la page 24 du 3e cercle, Digressio prima de literarum sacrarum autoritate circa mundi originem [Première digression sur l’autorité des lettres concernant l’origine du monde] :

    Quoniam vero quidquid hodierno circulo de initio mundi dicturi sumus, petitur tam a veteri quam nova historia sacra, libet hic tantisper digredi ad depellendas quasdam dubitationes, quæ a profanis et impiis autoribus excitatæ sunt. Imprimis Mosem veteris historiæ scriptorem leprosum et magum ex Ægypto expulsum lepra atque aliis morbis virulentis infectis secum traxisse mentiuntur. {…] Tot viri sancti et Christus ipse Mosem secuti satis eum vindicant ab hanc calumnia, quidquid effutiat contra liber impius de tribus Impostoribus, omnia refundens in dæmonem potentiorem, cuius ope Magi alii aliis videntur præstantiores : quo etiam refertur illud fictum a Boccacio de tribus annulis.

    [Tout ce que je vais dire en ce cercle-ci sur le commencement du monde se réclame tant de l’Ancien que du Nouveau Testament, même si je m’y autorise quelques digressions visant à repousser certains doutes qu’ont agités des auteurs profanes et impies. En tout premier, ils mentent en disant que Moïse, qui a écrit le Pentateuque, fut un lépreux et un mage qu’on chassa d’Égypte, et qui a traîné après lui des lépreux et des gens qui étaient infectés d’autres maladies virulentes. (…) Quantité de saints hommes et le Christ lui-même sont venus depuis Moïse et l’innocentent de cette calomnie, en dépit de tout ce que le livre sacrilège des trois Imposteurs répand contre ce point de vue, en rejetant tout sur une plus puissante divinité, par le pouvoir de laquelle d’autres mages paraissent supérieurs aux autres ; et c’est aussi ce que rapporte le conte des trois anneaux qu’a inventé Boccace]. {i}

    1. V. note [13] du Naudæana 3 pour ce conte de Boccace dans le Décaméron (qui n’a pas de lien éditorial avec le livre des trois Imposteurs).

    Quoi qu’en dît Morhof, le propos de Berigardus (que j’ai traduit avec quelque indulgence pour sa syntaxe latine) n’établit pas qu’il a bel et bien lu le livre des trois Imposteurs : je ne suis pas parvenu à trouver ce qu’il en écrivait ici sur les détracteurs de Moïse dans l’édition publiée en 1867 par Philomneste Junior, qui est certes douteuse, mais la seule à laquelle il est possible de se référer aujourd’hui.



Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Ana de Guy Patin : Naudæana 4

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(Consulté le 24/04/2024)

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