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Ana de Guy Patin :
Patiniana I‑1 (1701)  >

Paris, 1701, pages 1‑30 [1]


1.

V. notes :

Cet article du Patiniana imprimé ne vient pas du manuscrit de Vienne (v. note [12] de l’Introduction aux ana de Guy Patin).

2.

Jean-Louis Vivès, De Disciplinis libri xx [20 livres sur les Disciplines, répartis en trois tomes…], {a} Liber primus, de corruptarum artium causis in universum [Livre premier sur les causes des arts corrompus en général], sur les commentateurs d’Aristote confronté aux obscurités de sa pensée (page 57) :

Ut iam etiam vulgo inter eos non omnino, ut solent, inscite Aristoteles dicatur habere nasum cereum, quem quilibet quo velit, flectat pro libito.

[En sorte qu’entre eux ils disent ouvertement et non sans bonne raison, comme à leur habitude, qu’Aristote a un nez de cire : {b} quiconque le veut le tord à sa guise].


  1. Lyon, 1551, v. note [14], lettre 409.

  2. Cette formule proverbiale a été appliquée aux Saintes Écritures (par Martin Luther ou par Antoine ii Arnauld), ou aux lois.

Épicure est le philosophe dont Gassendi a le plus commenté et promu les idées (v. notes [9], lettre 90, et [1], lettre 147).

Il est impossible de dire qui, de Gabriel Naudé ou de Guy Patin, s’exprimait ici : tous deux étaient amis de Pierre Gassendi, comme en attestent les correspondances respectives des trois « libertins érudits » ; v. les Epistolæ Naudæi [Lettres de Naudé] (1667, six lettres à Gassendi), les Epistolæ Gassendi [Lettres de Gassendi] (Lyon, 1658, six lettres à Naudé), et maints passages de notre édition (qui ne contient toutefois qu’une seule lettre à Gassendi, sans aucune à Naudé). Ils se rencontraient notamment au sein de l’académie putéane (v. note [5], lettre 181) ou de leurs « débauches » de Gentilly (v. notes [2][6], lettre 159).

Cet article du Patiniana imprimé ne vient pas du manuscrit de Vienne.

3.

V. notes :

Cet article du Patiniana imprimé ne vient pas du manuscrit de Vienne.

4.

Cette assertion devint inexacte après 1629 car Urbain viii a nommé trois cardinaux jésuites durant son pontificat (1623-1644) :

Cet article du Patiniana imprimé ne vient pas du manuscrit de Vienne.

5.

Giulio Mancini (Sienne 1558-Rome 1630) n’avait pas de lien établi avec Michel Lorenzo Mancini, le beau-frère du cardinal Mazarin (v. note [44], lettre 458). Après avoir étudié la médecine et la philosophie à Padoue puis à Bologne, Giulio vint à Rome pour exercer à l’hôpital pontifical (Arcispedale) Santo Spirito in Saxia. Médecin d’Urbain viii dès son élection (1623), il fut nommé chanoine de Saint-Pierre et protonotaire apostolique (v. note [19] du Patiniana I‑3). Il a contribué au :

De Morbis cutaneis et omnibus corporis humani excrementis Tractatus, locupletissimi, variaque doctrina referti, non solum Medicis, verum etiam Philosophis magnopere utiles, ex ore Hieronymi Mercurialis, Medici clarissimi, diligenter excepti, atque in Libros Quinque digesti, opera Pauli Aicardii. Quibus accessit alius libellus De Decoratione Liber non solum Medicis, et Philosophicis ; verum etiam omnium disciplinarum studiosis apprime utilis, ex Hieronymi Mercurialis, Medicinæ practicæ ordinariæ in Gymnasio Patavino principem locum obtinentis explicationibus. A Iulio Mancino exceptus, et in capita redactus….

[Livre sur l’Ornement, {a} fort utile non seulement aux médecins et aux philosophes, {b} mais aussi à ceux qui étudient toutes les sciences. Tiré des explications de Girolamo Mercuriali, {c} titulaire de la première chaire de pratique médicale ordinaire en l’Université de Padoue. Édité et réparti en chapitres par Giulio Mancini…]. {d}


  1. Composé de 29 chapitres et décrivant les disgrâces qui peuvent enlaidir le corps humain, depuis l’obésité jusqu’aux mauvaises odeurs, et sur les manières d’y remédier (ou de s’en accommoder).

  2. Naturalistes (physiciens).

  3. V. note [16], lettre 18.

  4. Mort en 1607, élève de Mercuriali.

  5. >Venise, Paulus et Antonius Meietus, 1585, in‑8o de 76 pages, pour la première de plusieurs éditions.

Mancini s’est surtout fait connaître par ses talents d’esthète et de collectionneur de tableaux et de bronzes. Il en a donné d’utiles témoignages dans son Viaggio per Roma per veddere le pitture, che si ritrovano in essa [Voyage dans Rome, pour voir les peintures qui s’y trouvent] et ses Considerazioni sulla pittura [Considérations sur la peinture], références sur l’histoire de l’art baroque italien qui ont été publiées au xxe s.

Toutes ces références romaines aux trois ou quatre premières années du pontificat d’Urbain viii (1623-1644) laissent penser que cet article du Patiniana vient des conversations de Guy Patin avec Gabriel Naudé.

6.

Une trace très précise de ce litige se trouve dans la Lettre du sieur de St Clément à Monsieur D’Hozier, gentilhomme de la Chambre du roi, chevalier de l’Ordre de Sa Majesté, et juge général des Armoiries de France. Sur les Prédications faites à Grenoble par le sieur de Gaffarel (sans lieu ni nom, datée du 4 janvier 1642, in‑4o de 26 pages). Adressée à Pierre d’Hozier (v. note [13], lettre 655), c’est une ardente défense des sermons de Jacques Gaffarel (v. note [1], lettre 707) contre les attaques d’un chanoine de la collégiale Saint-André de Grenoble, jaloux du succès qu’y connaissaient les éloquentes et pieuses prédications de son rival dans cette ville « mi-partie », c’est-à-dire mi-catholique et mi-réformée, en faveur de la réconciliation des deux religions. Le chanoine en était venu à de sournoises attaques, qui le perdirent (pages 14‑16) :

« Pourrait-on croire qu’un ecclésiastique tel que ce chanoine eût eu assez de mauvais naturel de tirer, comme les araignées, du venin des plus belles roses ? Eût-on pu concevoir que celui que sa profession obligeait à pratiquer avec quelque perfection les vertus chrétiennes eût eu de la malice en un si haut point ? Étonnez-vous de ce que je vais vous en dire. Afin que ce bruit qu’il faisait sourdement courir fût fondé sur quelque chose qu’il pût prendre pour son garant, quand on trouverait étrange qu’il s’abandonnât à tels discours, il contrefit une lettre, dont il fit envoyer plusieurs copies en divers endroits, sous le nom d’un conseiller de ce parlement, à un sien confrère de Paris, portant que ce prédicateur avait prêché la doctrine des hérétiques sur le fait de l’Eucharistie, des indulgences, invocation des saints, culte des images et célibat des prêtres ; de sorte que cette lettre courant, il disait à ceux auxquels il parlait désavantageusement de M. Gaffarel, qu’il n’en parlait qu’après la voix publique, et après des lettres imprimées, ayant donné ordre (comme on a su) que cette lettre fût imprimée à Genève ; {a} dans laquelle (pour plus aisément le ruiner) il inséra malicieusement le nom de Monseigneur le cardinal-duc, {b} disant faussement et contre la vérité qu’en prêchant, il s’était avoué de son Éminence, et qu’il était son missionnaire. Et parce que ce chanoine craignait qu’on ne lui dît avec raison qu’il avait lui-même composé cette lettre et qu’il l’avait fait imprimer, il s’avisa de deux finesses : la première, d’y mettre que M. Gaffarel était jésuite, afin que, quand on lui voudrait objecter qu’il en était l’auteur, il pût le nier en disant que s’il l’eût faite, il n’y eût pas qualifié Gaffarel jésuite, sachant bien qu’il ne l’était pas ; et la seconde, d’y exprimer que M. de Grenoble {c} était en ces prédications, afin qu’il pût dire pareillement que ce n’était pas lui qui l’avait écrite, puisqu’il savait bien que ce prélat, pour lors, était à cent cinquante lieues de Grenoble, en l’assemblée du Clergé qui se tenait à Mantes. »


  1. Sous le titre de Lettre d’un gentilhomme Dauphinois écrite à un sien ami touchant une prédication faite dans la ville de Grenoble (1641).

  2. Richelieu.

  3. Pierre Scarron, évêque de Grenoble de 1620 à 1668.

La lettre de Saint-Clément est suivie de deux pièces, au complet avantage de Gaffarel, contrairement à ce que prétendait ici le Patiniana.

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (pages 4‑5), mais il me semble impossible de décider s’il appartient à Gabriel Naudé ou à Guy Patin.

7.

Stefano Pignatelli (Stephanus Pignatellus Perusanus, c’est-à-dire natif de Pérouse, Perugia en Ombrie 1578-Morlupo, près de Rome 1623) était fils d’un potier. Il s’était lié d’amitié, pendant ses études de droit, avec Scipione Caffarelli-Borghese (Rome 1576-ibid. 1633), neveu, par sa mère, du pape Paul v (v. note [5], lettre 25) qui, dès son élection au pontificat (1605), nomma Scipione cardinal, seulement dix jours après qu’il eut reçu les ordres sacerdotaux.

Dès lors connu sous le seul patronyme de son oncle, le cardinal Borghese, archevêque de Bologne de 1610 à 1612, accumula les charges et les bénéfices ecclésiastiques, et se constitua une immense fortune qui lui permit d’acquérir à Rome le vaste parc et d’y construire le somptueux palais dont l’ensemble porte aujourd’hui le nom de Villa Borghèse.

Pignatelli profita des largesses de son protecteur, qui fit de lui son majordome (Monsignor Stefano). Une note des cardinals ot the Holy Roman Church (traduite de l’anglais) explique la suite de leurs relations, qui illustre la toute-puissance du népotisme pontifical :

« Monsignor Stefano avait un si puissant ascendant sur le cardinal Borghese qu’il provoqua jalousie et envie parmi ceux de la curie : {a} ils divulguèrent des calomnies qui menèrent cardinaux et ambassadeurs à dénoncer au pape les méprisables vices du Monsignor, et il reçut l’ordre de quitter la Maison du cardinal Borghese. {b} Son bannissement plongea le cardinal dans une profonde mélancolie, et il sombra dans une longue et grave maladie. Il demanda au Monsignor de venir le soigner, ce qu’il fit avec tant de zèle et de diligence que le pape en fut ému et l’autorisa à reparaître à la curie. Après la guérison du cardinal, Monsignor Stefano fut ordonné prêtre. {c} Le cardinal lui obtint plusieurs bénéfices, une prélature et de prestigieuses charges ; il s’y acquit la confiance du pontife et le conseilla en d’importantes affaires. Craignant sa promotion au cardinalat, les ennemis de Monsignor Stefano se remirent sans fondement à dénoncer ses insignes vices au pape. Le cardinal Borghese défendit l’innocence de son ami en faisant valoir sa probité et la modération de ses mœurs, comme firent de nombreux cardinaux de haut renom qui, après sérieuse enquête, levèrent tous les doutes que le pape pouvait avoir à son encontre, et il fut nommé cardinal en 1621. »


  1. V. note [8] du Borboniana 1 manuscrit.

  2. En août 1619.

  3. Stefano Pignatelli fut sacré cardinal le 14 janvier 1621, Paul v mourut d’une attaque cérébrale le 28 du même mois.

Les indiscrétions romaines qu’il contient me font attribuer cet article du Patiniana à Gabriel Naudé ; il figure dans le manuscrit de Vienne (page 6).

8.

« subitement. »

Anselmo Marzato, né en 1543 à Monopoli, port de la côte adriatique italienne, à 43 kilomètres au sud-est de Bari (Pouilles), mourut dans le couvent de Frascati, près de Rome, en 1607. Il était entré en 1573 dans l’Ordre des frères mineurs capucins, où il prit le nom d’Anselmo de Monopoli, ou de Sorrento (Sorrente, ville de Campanie, d’où sa famille était originaire). Titulaire d’une maîtrise en théologie et philosophie, il s’acquit une grande réputation de prêcheur en Italie et en France. Ayant reçu le bonnet rouge en 1604, il fut dès lors connu sous le nom de cardinal Monopoli. Il participa aux deux conclaves de 1605 : en mars-avril, pour l’élection de l’éphémère Léon xi, puis en mai, pour l’élection de Paul v.

Cela résume la biographie de Fr. Anselmus Marzatus [Frère Anselmo Marzato] qui se trouve dans le tome quatrième (colonnes 362‑363, pontificat de Clément viii) de la continuation, par le P. Agostino Oldoini, jésuite, des Vitæ et gesta summorum pontificum… necnon S.R.E. cardinalium [Vies et actes des souverains pontifes… ainsi que des cardinaux de la sainte Église romaine] de Ciaconius (Alfonso Chacon, mort en 1599), publiée à Rome en 1677. {a} Elle se conclut sur ces deux paragraphes, d’où le Patiniana a extrait l’expression repentina morte :

Tusculi repentina morte extinctus est, non die 17. Augusti, ut scripsit Amydenius, sed pridie Kalend. Septembris 1607. Corpus non ibidem apud Fratres sui ordinis, ut laudatus Amydenius refet, sed Romam relatum in eius titulo sepulturam accepit.

cardinalis renunciatus vestem sui ordinis nunquam dimisit, induit cardinalium habitum, sed semper sine indusio ; somnum in paupere lecto sumebat, sui ordinis ieiunia ad unguem complevit ; Veneris, ac Saturni dies totius anni præter exiguum panis, et vini ieiunus exigebat. Inter domesticos recensuit duos sui ordinis viros qui mensæ inserviebant : famulos ægrotos invisebat, munificus in pauperes, et in omnes liberalis.

[Il est mort subitement à Tusculum, {b} non pas le 17 août 1607, comme l’écrit Amydenius, {c} mais le 31 de ce mois. Son corps n’a pas été enseveli au même endroit, parmi les frères de son Ordre, comme le relate l’honorable Amydenius, mais transféré à Rome, dans sa titulature. {d}

Une fois nommé cardinal, il n’abandonna jamais la bure de son Ordre ; il a adopté la manière de vivre des cardinaux, mais toujours sans s’habiller comme eux. Il dormait dans un lit de pauvre et observait scrupuleusement les jeûnes de sa règle, se contentant, tous les vendredis et samedis, toute l’année durant, d’un peu de pain et de vin. Pour toute domesticité, il avait engagé deux religieux de son Ordre qui le servaient à table. Il visitait les humbles malades ; il était munificent envers les pauvres, et généreux envers tout le monde].


  1. V. note [2], lettre 304.

  2. Nom latin antique de Frascati ; v. note [15], lettre 554, pour la mort subite.

  3. Théodore Ameyden (1586-1656) historien pontifical romain d’origine flamande.

  4. Le cardinal Monopoli était titulaire de l’église San Pietro in Montorio, sur le mont Janicule.

V. notes [11] infra pour le sinistre P. Hilaire de Grenoble et ses attaques contre la moralité du cardinal Monopoli, et [12], lettre 59, pour le cardinal Bagni (Gianfrancesco Guido di Bagno), dont Gabriel Naudé avait été le bibliothécaire à Rome, de 1631 à 1641 : cela justifie de lui attribuer cet article du Patiniana, mais le manuscrit de Vienne (pages 6‑7) n’en contient pas la suite (commentée dans les notes [9][11] infra).

9.

« Voyez Thuanus, Historiæ, tome 5, page 1117. »

Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou (Thou fr, livre cxxxi, règne de Henri iv, année 1604, volume 14, page 287), Duperron est élevé au cardinalat :

« Jacques Davy Duperron, {a} si connu par son profond savoir, eut part à la même promotion ; {b} ainsi que le frère Anselme Marzato, natif de Monopoli, religieux capucin. Son humilité fit beaucoup de résistance, et il refusa longtemps d’accepter une dignité brillante qui convenait peu, selon lui, à la vie cachée qu’il avait menée jusqu’alors. Il y consentit enfin malgré lui. »


  1. V. note [20], lettre 146.

  2. La même promotion de cardinaux que Séraphin Olivier (v. note [10] du Naudæana 2).

V. note [2], lettre 47 pour Clément viii, Ippolito Aldobrandini, pape de 1592 à 1605.

10.

Prolifique écrivain (poète, historien, auteur dramatique), Pierre Matthieu ou Mathieu (Pesmes, Franche-Comté 1563-Toulouse 1621), avocat à Lyon et historiographe du roi, a publié une Histoire de France et des choses mémorables advenues aux provinces étrangères durant sept années de paix du règne de Henri iiii, roi de France et de Navarre, divisée en sept livres (Paris, Jamet Métayer et Mathieu Guillemot, 1605, 2 tomes in‑4o, avec un somptueux frontispice). Le livre iii disserte, avec de pesantes digressions, sur la venue du légat pontifical à Paris en décembre 1600 pour célébrer le remariage de Henri iv avec Marie de Médicis (tome i, fo 320 vo) :

« Entre les gens doctes qui accompagnaient le légat, {a} étaient deux grands prédicateurs, un capucin, {b} et D. Paul de l’Ordre des théatins de Paul < sic > Carafe. {c} Le pape les lui avait donnés pour le conseiller en la négociation de la paix, comme personnes dont les conseils étaient épurés des passions contraires aux bonnes résolutions. »


  1. Le cardinal Pietro Aldobrandini (1571-1621), nommé en 1593, neveu du pape Clément viii.

  2. Le « P. Monopoli, commissaire général de l’Ordre des capucins » (note marginale de Matthieu, mais je n’ai pas vu où il a parlé de Monopoli « comme d’un saint »).

  3. Autre note marginale de Matthieu : « L’Ordre de la compagnie de l’amour de Dieu ou des théatins, institué par < Jean->Pierre Carafe, qui fut pape Paul iiii [v. note [9], lettre 317] » ; avec méprise sur le prénom de Carafa dans le corps du texte.

V. note [35] du Borboniana 4 manuscrit pour la ligueuse Guisiade de Pierre Matthieu (1589).

11.

V. note [2], lettre 581, pour l’Histoire des plus illustres favoris anciens et modernes (Leyde, 1659) par Pierre Dupuy (mort en 1651, v. note [5], lettre 181) était manuscrite et incomplète (Gallica) à la date de rédaction présumée du Patiniana, mais devait être bien connue de ceux qui fréquentaient l’académie putéane (v. la même note [5]), foyer du libertinage érudit parisien, tels Gabriel Naudé et Guy Patin.

Rédigée par Michel i de Marillac (v. note [45], lettre 216) et longue de 120 pages, la Relation exacte du lugubre assassinat du maréchal d’Ancre Concino Concini, le 24 avril 1617 à Paris, sur l’ordre de Louis xiii (v. note [8], lettre 89) occupe la fin de l’ouvrage. Le récit concernant le père Hilaire de Grenoble, ancien capucin dont le patronyme séculier était Du ou Le Travail se lit aux pages 71‑72

« Le mardi 2 mai, il y eut conseil à l’accoutumée […].

Le soir, sur les huit ou neuf heures, on fit emprisonner Le Travail, prêtre séculier du Dauphiné, ci-devant capucin nommé le Père Hilaire, délateur ou instigateur {a} du cardinal Monopoli à l’Inquisition de Rome ; {b} et ce fut pour une entreprise abominable qu’il avait eue sur la personne de la reine mère, {c} laquelle il voulut faire mourir d’une maladie douce, ce disait-il ; et s’il ne s’en pouvait assurer, la tuer plutôt d’un coup de pistolet, quand {d} il devrait être roué et tiré à quatre chevaux, {e} se promettant qu’il la pourrait faire traîner par le peuple comme le maréchal ; tant sa rage était exorbitante. Il s’en ouvrit au marquis de Bressieux, {f} à Monsieur de Luynes {g} et à un nommé L’Espinette ; lesquels en ayant averti le roi et la reine, le firent aussitôt suivre, observer et surprendre chez lui, à mesure qu’il en parlait au dit Bressieux, qui s’y était transporté par commandement exprès du roi et de la reine. Ce fut le chevalier du guet qui le prit et le mena au For l’Évêque, {h} d’où il fut traduit le lendemain de grand matin dans la Conciergerie du Palais, ayant été renvoyé au Parlement pour lui faire son procès. Il s’était ingéré dans l’entreprise contre le maréchal d’Ancre avec tel artifice qu’on avait été contraint de lui en faire part. {i} Car ayant proposé à Monsieur de Luynes qu’il pouvait se défaire du maréchal lui seul, se promenant dans le Louvre un jour que le roi serait à la chasse, et qu’il ferait en sorte que personne n’en saurait rien de vingt-quatre heures – ce qui le faisait bien soupçonner de magie –, il fut si effronté que de le dire au roi. On lui fit réponse que l’affaire était si importante qu’il y fallait bien penser, et tâcha-t-on de s’en défaire ; mais il y revint avec telle importunité et telle impudence qu’il dit que Luynes lui en avait fait la proposition. Enfin, il les mit en telle bredouille {j} qu’ils se laissèrent aller de lui découvrir l’entreprise, qu’ils ont depuis exécutée, afin de le tenir cependant en haleine. {k} Fâché donc de n’y avoir contribué, ce qu’il s’était imaginé, et de n’avoir eu l’honneur, lui seul, en son particulier, il voulut se signaler par cette insigne méchanceté, s’étant adressé d’une part au dit Bressieux, et après des serments exécrables pour le secret, donnant son âme à tous les diables, et sur sa part de paradis, après avoir dit que pour servir cet État il s’était fait capucin, puis huguenot, et enfin prêtre séculier ; qu’il était ruiné à cause de sa charge qu’il avait chèrement achetée ; qu’il n’en pouvait rien espérer du roi tant que la reine mère subsisterait, parce qu’on se défierait de lui ; ni de la reine mère, parce que c’était une ingrate princesse qui ne faisait rien pour les siens ; et que l’aidant à s’en défaire, par le moyen de quelque serviteur domestique, qui pourrait donner le boucon, {l} ou de quelques soldats de ses gardes, qu’il y pourrait introduire, il se rendrait recommandable au roi et en aurait toute sorte d’avancement ; parce que, disait-il, sans cela tout était perdu ; et que ce serait la bonne fortune de la France s’il le voulait croire ; et d’autre part, ayant dit au sieur de Luynes qu’il était irréconciliable avec ladite reine, qu’elle était italienne, qu’il était impossible qu’elle perdît le ressentiment de ce qui s’était passé ; que si lui ne l’empêchait de subsister, elle l’empêcherait lui, et le perdrait enfin :: qu’étant mère, elle se remettrait bien avec le roi, ou ferait quelque chose de pis, comme la reine Catherine, laquelle il disait avoir fait empoisonner le roi Charles son fils, {m} et autres choses semblables. » {n}


  1. Dénonciateur : « Un accusé poursuivi à la requête du procureur du roi, quand il est absous, a droit de l’obliger à nommer son instigateur, pour le faire condamner en ses dommages et intérêts » (Furetière).

  2. V. infra la lettre du cardinal d’Ossat.

  3. Marie de Médicis que certains religieux soupçonnaient (entre autres) d’avoir fomenté l’assassinat de Henri iv, avec la complicité du maréchal d’Ancre (Concino Concini, son supposé amant), des Guise et des jésuites.

  4. Quand bien même.

  5. Précisément ce qui finit par arriver arriver au P. Hilaire.

  6. Louis de Grolée de Mévouillon, marquis de Bressieux (en Dauphiné) depuis 1612, premier écuyer de Marie de Médicis.

  7. Le duc Charles de Luynes, qui hérita du marquisat d’Ancre et le renomma d’Albert (v. note [15], lettre 205).

  8. V. notes [53] du Borboniana 4 manuscrit pour le chevalier du guet, et [46], lettre 413, pour le For l’Évêque.

  9. Il s’était tant ingéré dans le projet contre le maréchal d’Ancre qu’on avait été contraint de l’y inclure.

  10. En tel désordre.

  11. Pour l’amuser en attendant l’exécution du complot contre Concini.

  12. Le poison.

  13. Charles ix, fils de Catherine de Médicis.

  14. Le récit de Marillac ne fait pas état de la sentence du Parlement, le 11 mai, suivie de l’exécution du P. Hilaire.

Bernard Dompner a reconstitué le passé biographique du P. Hilaire dans son Enquête au pays des frères des anges : les capucins de la province de Lyon aux xviie et xviiie siècles (Université de Saint-Étienne, 1993, pages 143‑144) :

« Né de parents hérétiques, ce religieux – dont le patronyme était Travail – étudia d’abord à Genève, puis à Padoue, où il se convertit. Entré dans l’Ordre à Chambéry, le père Hilaire se distingua par ses aptitudes intellectuelles : non moins doué en latin qu’en italien, il acquit de solides connaissances en droit canon, casuistique et controverse. “ Mais comme il avait son naturel toujours enclin à la liberté, peu à peu après sa profession, il s’émancipa facilement, faisant guère ou peu de compte de l’obédience, écrivant lettres sans licence, fuyant tant qu’il pouvait le chœur, l’oraison et la communauté des frères, recherchant de prendre eaux, bains et diètes sous couleur de quelque indisposition qu’il disait avoir. ” {a} À plusieurs reprises, il va à Rome où il intrigue en faveur de l’Espagne. À plusieurs reprises aussi, il est jeté en prison sur ordre du nonce ou de ses supérieurs. En général, il profite de complicités et s’échappe. Au cours de l’un de ses séjours italiens, il obtient la mise en accusation devant l’Inquisition du cardinal Monopoli, ancien général de l’Ordre. Après un premier repentir qui lui valut l’absolution de ses fautes par le chapitre provincial de 1605, il se montra plus libertin et revêche que devant. Gyrovague, {b} il fréquentait davantage les maisons nobles et les villes d’eaux que les couvents. Traduit une nouvelle fois devant le chapitre provincial à qui il promit “ qu’il ferait merveilles pour son amendement et qu’il mourrait saint ”, il ne changea nullement son mode de vie et fut finalement chassé en 1611. »


  1. Citation des Annales capitulaires des capucins, que B. Dompner a extraite de Théotime de Saint-Just, Les capucins de l’ancienne province de Lyon (1575-1660) (Saint-Étienne, Petit messager de saint François, 1951, tome 1, pages 119-126).

  2. Vagabond : gyrovague était le nom qu’on donnait, « dans les premiers temps de l’établissement du monachisme, à des moines qui passaient leur vie à courir de province en province, de cellule en cellule, ne restant que trois ou quatre jours dans le même endroit, et vivant d’aumônes » (Littré DLF).

Dans ses Lettres, le cardinal d’Ossat (v. note [9], lettre 37) a copieusement parlé des exactions du P. Hilaire à Rome en 1601 (Paris, Joseph Bouillerot, 1624, in‑12). Il y est question du cardinal Monopoli dans la lettre ccliv à Nicolas i de Neufville, seigneur de Villeroy (v. note [5] du Borboniana 8 manuscrit), datée de Rome, le 22 février 1601 (livre septième, ccliv, pages 629‑631) :

« Un capucin appelé frère Hilaire de Grenoble vint à moi le septième de ce mois, et me rendit une lettre de la main du roi, {a} du dix-neuvième d’octobre, par laquelle Sa Majesté me commandait de toute son affection de vouloir embrasser les affaires dont il me parlerait, à ce qu’il peut traiter tant avec Sa Sainteté {b} qu’avec le sacré Collège des cardinaux et autres prélats, qui sont les mêmes paroles de ladite lettre. […] Quand il estima avoir bien fondé envers moi, par ce que dessus, l’autorité qu’il avait auprès du roi, il me dit qu’il y avait quelques capucins italiens en France, soupçonnés d’avoir voulu tuer le roi, et que Sa Majesté désirait qu’ils sortissent du royaume, et qu’il voulait faire cela avec Monsieur le cardinal Sainte-Séverine, {c} protecteur de leur Ordre, sans en parler au pape, pour ne scandaliser sa religion, puisque la volonté du roi se pouvait accomplir à moins. Je lui répondis là-dessus qu’il n’aurait pas grande peine à cela ; que le pape et les généraux des ordres nous avaient toujours dit et écrit que, s’il y avait quelques religieux qui ne plussent au roi, ils les feraient incontinent sortir hors du royaume en les nommant, sans aucune expression de cause, de laquelle ils ne s’enquerraient nullement. En une chose s’arrêta-t-il plus qu’à nulle autre, et s’y échauffa terriblement, c’est qu’il avait entendu que le pape voulait faire cardinal le père Monopoli, capucin, que vous avez vu avec Monsieur le cardinal Aldobrandin, {d} et que si cela advenait, ce serait la ruine de leur ordre ; et fut longtemps à mépriser ledit Monopoli, ajoutant qu’il ne savait point cette nouvelle quand il était parti d’auprès le roi, que s’il l’eût sue, il eût fait faire par le roi ceci et cela ; mais qu’il pensait y être encore à temps, et ferait parler le roi si haut, si haut, que je ne pouvais m’imaginer autre chose, sinon que le roi dénoncerait la guerre au pape en cas que Sa Sainteté fît cardinal ledit père Monopoli ; me dit néanmoins qu’il n’en voulait point parler au pape directement ni expressément, mais qu’il lui dirait bien quelques choses appartenant au bien de leur Ordre, par lesquelles Sa Sainteté conjecturerait et conclurait en soi-même qu’il ne devait faire ledit Monopoli cardinal. » {e}


  1. Henri iv.

  2. Clément viii

  3. Giulio Antonio Santorio (1532-1602), archevêque de Santa Severina en 1566, cardinal en 1570, grand pénitencier apostolique de 1592 à sa mort.

  4. Allusion à la légation de Pietro Aldobrandini en France en 1600 pour le mariage de Henri iv avec Marie de Médicis (v. supra note [10], notule {a}).

  5. Avec d’autres, le P. Hilaire accusait Monopoli d’avoir été marié avant d’entrer dans les ordres, ce que nie sa biographie donnée The cardinals of the Holy Roman Church :

    In 1573, he entered the Order of the Friars Minor Capuchins, in te covent in Rugge, near Lecce, after having declined the invitation to mary a rich noble young woman from his city.

    [En 1573, il entra dans l’Ordre des frères mineurs capucins, au couvent de Rugge, près de Lecce (dans les Pouilles), après avoir décliné l’invitation à épouser une noble jeune fille de sa ville (Monopoli)].

12.

Iac. Augusti Thuani Historiarum sui temporis partis tertiæ, tomus secundus [Troisième partie, tome deuxième des Histoires de son temps, de Jacques-Auguste i de Thou] (Paris, H. Drouart, 1609-1614, 4 parties en 11 volumes in‑12), livre xxxix, règne de Charles ix (année 1566, pages 294‑295) :

Initio statim Pontificatus magna severitatis exempla edidit, præcipue in caussa relligionis, conquisitis passim per Italiam criminis huius suspectis et Romam attractis. […] Postea et Aonius Paleatius, cuius eruditionem singularem scripta ipsius testantur, eadem pœna affectus est Romæ, cum convictus esset, dixisse, Inquisitionem esse sicam distractam in litteratos.

[Pie v donna dès le début de son pontificat {a} de grands exemples de sévérité, principalement en ce qui concernait la religion, faisant chercher dans toute l’Italie, avec beaucoup de soin, et amener à Rome tous ceux qui étaient soupçonnés du crime d’hérésie. […] Aonius Palearius, dont les écrits font voir la grande érudition, eut le même sort, pour avoir dit que l’Inquisition était un poignard levé sur tous les gens de lettres]. {b}


  1. Pie v avait été élu le 7 janvier 1566 (v. note [3], lettre 61).

  2. Traduit dans Thou fr (volume 5, pages 131‑132) ; j’ai mis en exergue la citation empruntée par le Patiniana.

Aonius Palearius est le nom latin d’Antonio della Pagliara, ou Della Paglia, né à Veroli, dans le Latium en 1503, et mort à Rome, en 1570 pour les biographes modernes, mais en 1566 pour de Thou, le Patiniana et Bayle. Philosophe, théologien et littérateur humaniste italien, il a professé les belles-lettres à Sienne, puis à Lucques, et a connu un mémorable destin : à l’occasion de diverses disputes, il adopta progressivement et défendit courageusement certaines idées luthériennes : contre la munificence du pape et des cardinaux, contre l’Inquisition, et pour le libre accès du peuple aux Saintes Écritures. Outre ses recueils de lettres et de discours, Il a dû son renom à deux ouvrages.

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 7).

13.

V. notes [24] et [25], lettre 925, pour Marcellus Palingenius (anagramme de Pier-Angelo Manzolli) Stellatus [natif de Stellata, mais aussi l’Étincelant], autre Italien du xvie s. qui fut accusé de luthéranisme, mais qui semble n’avoir eu à subir que le bûcher posthume.

14.

« l’étude assidue ».

Le Patiniana signalait ici deux « paradoxes » (invraisemblances) contenus dans l’Apparatus [Introduction] des livres de Primatu Petri [la Primauté de Pierre], plus exactement intitulé de Primatu Papæ [la Primauté du pape], {a} de Claude i de Saumaise, {a} fils de Bénigne Saumaise. {a}


  1. Leyde, 1645, v. note [6], lettre 62.

  2. Né catholique en 1588 et converti au calvinisme vers 1623, v. note [11], lettre 51.

  3. V. note [2], lettre 119.

  1. La papauté de l’apôtre Pierre est vivement contestée en plusieurs endroits. La meilleure exposition des arguments historiques et géographiques se lit aux pages 3‑4 :

  2. Cur Roma ? Quia gentium caput erat, ut etiam caput in ea regnare Ecclesiæ posset, quamvis paucos Iudæos haberet, quorum Apostolatum susceperat Petrus, et Babylon plurimos, quæ messem huic Apostolo uberrimam suppeditasset. In urbe gentium imperatrice solium instruxit suæ potestatis, quamvis alteri Apostolo gentium esset Apostolatus demandatus, non in urbe Judæis refertissima quibus Evangelium adnuntiandum acceperat. Ergo, si vere volumus æstimare, non merito Petri debetur Papæ Primatus, sed urbis prærogativæ, quam Petrus et isto honore dignam duxit ut quia sedes esset Imperii civilis, quam sedem dici et esse voluerit supremæ potestatis Ecclesiasticæ. Si meritum Petri solum spectaretur, Antiochia de Primatu certare potuit cum Roma, quatenus et primum habuit Ecclesiæ suæ fundatorem Petrum priusquam Romam præsentia sua decorasset. Sed et Alexandria et Babylon de merito Petri æque possunt gloriari, et multo quidem justius quam Roma, quas ea priores adiit quam Romam, cum et Epistolam Babylone scripserit, nihil Romæ dictaverit. Sed ante omnes urbes Hierosolyma hoc meritum posset meritissimo jactare et eo prævalere, cui præterea et Christum ipsum possit adtexere, atque universam Apostolorum coronam una adjungere. Roma hoc præcipuum decus quasi jure suo abstulit ac cæteris præripuit, non alio nomine quam quod esset urbs Romani orbis prima. Illi igitur debetur sui, id est Romani Episcopi primatus, non merito Petri ; quo merito non solum pares esse sed etiam superiores aliæ plurimæ civitates videri possent, quascumque scilicet Ecclesiis et Episcopis prius instruxit Petrus quam Romam, ut eam omnium postremam adiit, si quidem adiit unquam. Hoc viderunt et patres Constantinopolitani Concilii primi, qui non aliam causam των νπρωτειων veteris Romæ agnovisse videntur quam quia sedes esset Imperii.

    [Pourquoi Rome ? Parce que, comme elle était la capitale du monde, le chef de l’Église pouvait aussi y régner, bien qu’il s’y trouvât peu de juifs, peuple dont Pierre avait entrepris l’apostolat ; {a} mais ils étaient bien plus nombreux à Babylone, {b} qui aurait fourni une bien plus abondante moisson à cet apôtre. Bien qu’il eût confié l’apostolat des païens à un autre apôtre, {c} il a établi le trône impérial de sa puissance dans la capitale du monde, et non pas dans une ville remplie de juifs à qui il avait la mission d’annoncer l’Évangile. Si nous voulons bien y réfléchir, la primauté du pape n’est donc pas due au choix de Pierre, mais à celui de la ville prédominante ; Pierre l’a établie comme digne de cet honneur : comme elle était le siège du pouvoir civil, il aurait voulut qu’on la dît être et qu’elle fût effectivement le siège de la puissance ecclésiastique suprême. Si seul avait compté le choix de Pierre, Antioche eût pu rivaliser avec Rome pour la primauté, étant donné qu’elle avait eu Pierre pour premier fondateur de son Église, {d} avant qu’il n’eût honoré Rome de sa présence. Il y a aussi Alexandrie et Babylone qui peuvent pareillement se glorifier du choix de Pierre, et certes à plus juste titre que Rome, car il s’y est rendu bien avant : quand il a écrit son épître de Babylone, il n’y a rien dit de Rome. {e} Mais devant toutes les autres villes, il aurait pu bien plus judicieusement porter son choix sur Jérusalem et la leur préférer : là il pouvait tisser le lien avec le Christ lui-même, et réunir en une seule la couronne apostolique universelle. Comme si cela lui revenait de droit, Rome a accaparé cet honneur suprême et l’a ravi aux autres villes, sur le seul fait qu’elle était la première du monde romain. Voilà ce à quoi lui est due la primauté de l’évêque romain, bien plutôt qu’au choix de Pierre : plusieurs autres cités pourraient sembler avoir égalé et même surpassé Rome en mérite, parce que Pierre y avait établi des églises et des évêques bien avant, et que Rome est la dernière ville où il s’est rendu, si même il y est jamais venu. Ce sont bien les pères du premier concile de Constantinople qui ont veillé à cela : ils semblent n’avoir reconnu la primauté de l’ancienne Rome que parce qu’elle était le siège de l’Empire]. {f}

    Un peu plus loin (pages 7‑8), une analyse philologique met en doute l’élection même de Pierre par le Christ :

    Apostolorum nomina in fundamentis sanctæ civitatis scripta habentur Apolcalypseos xxi. vers. xiv. Et murus civitatis habens fundamenta duodecim, in quibus erant nomina Apostolorum Agni. Hæc fundamenta, lapides fuere fundamentales, quod et infra significat, cum unum ex his fundamentis Iaspidem esse scribit, secundum Sapphirum, tertium Charcedonium, quartum Smaragdum, atque ita de cæteris. Omnium ex æquo Apostolorum duodecim illa fundamenta nomina habuerunt, et totidem quot Apostoli fuerunt. Ipse Paulus in Epistola ad Ephesios cap. ii. vers. xx. Ecclesiæ, hoc est fidelium superstructorum super fundamentum Apostolorum et Prophetarum meminit, cujus ædificii imum angularem lapidem quo tota structura continetur Christum esse docet. Non Petro hanc prærogativam dat ut solus pro fundamento habeatur Ecclesiæ, sed hoc commune habet cum reliquis Apostolis et Prophetis. Non ergo Petrus in his fundamentis quidquam habuit eximium aut præcipuum præter cæteros. Petra ipse Christus cui fundamento illa superstructura sunt, non Petra Petrus. Cum dixit ergo Christus, Tu es petrus et super hanc Petram ædificabo Eccelsiam meam, non Petrum visu aut tactu designavit, ut hariolantur hic docti quidam viri ; sed semetipsum tangebat hæc dicens. Δεικτικως ergo loquutus est, cum illa verba protulit, Et super hanc Petram id est super me. Ita etiam fecit cum dixit, Destruite hoc templum, et in tribus diebus id reædificabo. Talia multa exempla alibi collegi quibus hæc loquutio confirmatur. Si de Petro intellexisset, humani et vulgaris sermonis ratio postulabat, ut diceret, Tu es Petrus et super te ædificabo Ecclesiam meam. Cum vero dixerit, Tu es Petrus et super hanc Petram ædificabo Eccelsiam meam, de semet ipso qui Petra est, intellevit, et se tangendo Δεικτικως designavit. Hoc vero honoris tunc Petro habuit ut eum faceret cognominem Petræ cui inædificare voluit Ecclesiam suam, hoc est sui. Nec inane hoc nomen honoris videri potest, aut non satis magnum, quod per hoc Petro concessum fuit a Dei viventis filio cum ei cognomen dedit de nomine sumptum quod super omnia nomina.

    [L’Apocalypse, 21:14, attache les fondations de la cité sainte aux noms des apôtres : « Et le rempart de la ville repose sur douze assises portant chacune le nom de l’un des douze Apôtres de l’Agneau. » Comme il est dit plus loin, ces assises furent les pierres fondamentales, puisqu’il est écrit que la première d’entre elles est de jaspe, la deuxième de saphir, la troisième de calcédoine, la quatrième d’émeraude, et ainsi de suite. {g} Il y a eu autant d’assises que de noms donnés aux douze apôtres, sans exception d’aucun d’entre eux. Paul lui-même, en son Épître aux Éphésiens, 2:20, dit que l’édifice des fidèles est construit sur les assises des apôtres et des prophètes, dont il professe que le Christ est la pierre angulaire, sur laquelle repose toute la structure. Il ne confère pas à Pierre le privilège d’être tenu pour le seul fondement de l’Église, car il partage cet honneur avec les autres apôtres et avec les prophètes. Dans ces assises, Pierre ne l’emporte donc sur aucun des autres. Le Christ lui-même est la pierre qui sert de fondement à l’édifice, Pierre n’est pas cette pierre. Quand le Christ a dit « Tu es Pierre et sur cette pierre je construirai mon Église », {h} il n’a pas désigné Pierre en le regardant ou en le touchant, comme extravaguent aujourd’hui certains savants auteurs, mais en disant ces paroles, il posait sa main sur son propre corps. Il a donc parlé en se désignant lui-même quand il a dit « Et sur cette pierre », c’est-à-dire sur moi. Il en fit de même quand il dit : « Détruisez ce temple, et je le rebâtirai en trois jours. » {i} J’ai ailleurs recueilli quantité d’exemples semblables, qui confirment ce propos. S’il avait entendu s’adresser à Pierre, le langage humain ordinaire eût voulu qu’il dît : « Tu es Pierre et sur toi je bâtirai mon Église » ; quand il a dit : « Tu es Pierre et sur cette pierre je construirai mon Église », entendant parler de lui-même comme étant la pierre, et se touchant de sa main, il s’est désigné. Dès lors, la pierre sur laquelle il a voulu bâtir son Église, en la prenant comme son surnom honorifique, a servi pour désigner Pierre. {j} Et ce nom honorifique ne peut être considéré comme futile ou comme insuffisamment grand, parce que le fils de Dieu vivant l’a concédé à Pierre quand il lui a donné un surnom tiré du nom qui surpasse tous les noms].


    1. Au sens moderne d’évangélisation.

    2. V. notule {a}, note [28] du Borboniana 9 manuscrit.

    3. Dans le Nouveau Testament (Épître aux Galates, 2:7), la conversion des peuples s’est répartie entre Pierre pour les juifs (circoncis) et Paul, pour les païens (incirconcis).

    4. Proche de la rive nord-est de la Méditerranée, Antioche était une grande cité de l’antique Syrie : alors la troisième ville la plus peuplée de l’Empire romain, après Rome et Alexandrie (Égypte), c’est aujourd’hui Antakya, en Turquie, à l’ouest de sa frontière avec la Syrie.

      Le propos de Saumaise ne respectait pas la lettre des Actes des apôtres (11:25‑26) sur la fondation de l’Église d’Antioche par Barnabé, compagnon et ministre de Paul (Saul de Tarse) :

      « Barnabé partit alors chercher Saul à Tarse. Toute une année durant, ils vécurent ensemble dans l’Église et y instruisirent une foule considérable. C’est à Antioche que, pour la première fois, les disciples reçurent le nom de “ chrétiens ”. »

    5. Première épître de Pierre, adressée depuis Babylone aux communautés chrétiennes d’Asie Mineure.

    6. Le premier concile de Constantinople, en l’an 381, a été le deuxième concile de l’Église chrétienne, après celui de Nicée (en 325). Entre autres décisions doctrinales, les évêques d’Orient, réunis en l’absence de leurs frères d’Occident, y ont conféré le premier rang hiérarchique à l’évêque de Constantinople, « la nouvelle Rome », après celui de « l’ancienne Rome ». Peu après, en l’an 395, l’Empire romain d’Orient (byzantin) s’est séparé de celui d’Occident (dont le siège est demeuré à Rome). Le schisme religieux n’eut lieu qu’en 1054.

    7. Les versets 19‑20 du même chapitre de L’Apocalypse de Jean attribuent le nom d’une pierre précieuse à chacun des douze apôtres.

    8. Évangile de Matthieu, 16:18‑19, qui établit la primauté de Pierre sur les autres apôtres, dans le dogme catholique :

      « Eh bien ! moi je te dis : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux : quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour lié, et quoi que tu délies sur la terre, ce sera tenu dans les cieux pour délié. »

    9. La traduction protestante de Théodore de Bèze (mort en 1605, v. note [28], lettre 176) présente une nuance capitale dans l’emploi des pronoms (La Vie de Jésus-Christ, composée de toutes les Paroles des Évangiles…, Paris, 1669, F. Muguet, in‑12, page 157) :

      « Et moi je vous dis : Que vous êtes Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et que les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle. Et je vous donnerai les clefs du Royaume des Cieux ; et tout ce que vous lierez en terre, sera lié dans les Cieux ; et tout ce que vous délierez en terre, sera délié dans les Cieux. »

    10. Annonce par le Christ de sa propre résurrection (Jean, 2:19).

    11. Phrase latine difficile à débrouiller : Pierre est le surnom que l’apôtre Simon adopta après que le Christ l’eut désigné pour être la pierre sur laquelle il bâtirait son Église ; alors que Jésus, selon Saumaise, voulait parler de lui-même, quand il employait le mot « pierre », petra en latin, et πετρα en grec, langue originale des Évangiles, devenu « Pierre », Petrus et Πετρος, par antonomase.

      Dans la traduction (ou interprétation) de Bèze (v. supra notule {g}), les pronoms tranchaient beaucoup plus franchement le dilemme.


    Les audaces de Saumaise, dont ces deux extraits ne sont que des échantillons, ont heurté ses contemporains et expliquent pourquoi Guy Patin et bien d’autres ont changé le titre de ses livres de Primatu Papæ [de la Primauté du pape] en de Primatu Petri [de la Primauté de Pierre].

    La tradition chrétienne a établi saint Pierre comme le premier évêque de Rome (depuis dénommé pape). À titre purement spéculatif et hautement contesté par les historiens, Alfonso Chacon, dans ses Vitæ et gesta summorum pontificum, a Christo Domino… [Vies et actes des souverains pontifes depuis notre Seigneur le Christ…] (Rome, 1601, v. note [2], lettre 304), en se fondant sur la date présumée de la mort du Christ, a donné les années 33 à 64 pour la durée du « pontificat » de Simon Pierre (pages 23‑34).

  3. Une mention de la papesse Jeanne {a} couronne un virulent assaut contre la papauté à la page 201 :

    In eo regimine ubi nihil novandum est nec quidquam faciendum præter Evangelicam veritatem et Apostolicam auctoritatem, nihilque per vim agendum, non solum monarchia non est necessaria, sed etiam exitialis, ubi is admittitur Rector qui posse omnia se putans, etiam more humani ingenii ea plerumque vult quæ non debet. Cui malo tam sæpe ab uno metuendo quam vix cavendo parum videntur occurrisse qui infallibilitatem ei uni attribuerunt. Non infaillibilem per hoc reddiderunt, cum in mortalem hoc non cadat, sed errandi licentiam fumma cum auctoritate ac potestate conjunctam dederunt. Ita errores infinitos pro totidem fidei articulis ac dogmatibus nobis tradiderunt. Ita idolatria et tyrranide Ecclesiam impleverunt. Ita cum Deum pro homine facere conati sunt, Antichristum pro Christi vicario finxerunt. Ita adversarium Christi de ministro fecerunt. Cum tot nefarii, scelerati, etiam hæretici et idolatræ quidam Papæ extiterint, etiam ne istud non errandi privilegium hi omnes habuere ? Nec vana est aut ficta fabula de muliere meretrice, quæ sub viri viri habitu sedem Papalem inquinasse partu prodita est. Quam verissimam esse historiam nos ex pluribus exceptione majorum auctorum testomoniis confirmabimus, et quorundam etiam qui eodem sæculo quo illa Papissam pro Papa Ecclesiæ dedit, vixerunt.

    [Dans ce gouvernement où rien ne doit être conçu, ni quoi que ce soit exécuté, qui sorte de la vérité évangélique et de l’autorité apostolique, et où rien ne doit être accompli par force, nulle monarchie n’est nécessaire ; elle est même fatale, quand est admis ce souverain qui se croit doté de tous les pouvoirs, et qui veut aussi ordinairement ce qui ne doit pas suivre l’entendement humain. Ceux qui ont attribué l’infaillibilité {b} à ce seul être semblent n’avoir pas assez perçu le mal qu’il faut craindre de lui, ni à quel point il faut le redouter. Ce faisant, ils ne l’ont pas rendu infaillible, car cela ne peut échoir à un mortel, mais ils lui ont donné la liberté de se tromper, jointe à une autorité et à une puissance sans égales. Ainsi nous ont-ils transmis quantité d’erreurs touchant tout autant les articles de la foi que les dogmes. Ainsi ont-ils empli l’Église d’idolâtrie et de tyrannie. Ainsi, en ayant entrepris de faire prendre Dieu pour un homme, ont-ils transformé le vicaire du Christ en antéchrist. Ainsi ont-ils fait d’un ministre l’adversaire de Dieu. Quand certains papes se sont montrés parfaitement abominables, scélérats, et même hérétiques et idolâtres, ont-ils tous quand même possédé ce privilège de ne pas se tromper ? Et l’histoire qu’on raconte de cette putain qui, vêtue en homme, a souillé le siège papal en y accouchant, n’est ni une imposture ni une fiction. Nous l’établirons comme parfaitement authentique en nous fondant sur les nombreux témoignages d’auteurs éminents, dont certains même ont vécu à l’époque où fut donnée à l’Église une papesse au lieu d’un pape]. {c}


    1. V. notes [45] et [46] du Naudæana 4.

    2. V. note [2], lettre 741.

    3. Saumaise n’a pas honoré sa promesse. Peut-être songeait-il à le faire dans une seconde partie de ses livres de Primatu Papæ, mais elle n’a jamais vu le jour. Tout ce qu’on sait de plus sur son intention se trouve dans la lettre que lui a écrite Claude Sarrau en 1648, où il semble être parvenu à le dissuader de se prononcer sur cette hasardeuse question, en contrant les arguments de David Blondel (Amsterdam, 1647, v. note [21], lettre 146), qui tenait la papesse Jeanne pour une pure fable (v. note [11], lettre 415, et la note I de Bayle sur Blondel).

Le manuscrit de Vienne contient cet article du Patiniana et y ajoute un distique (page 8) :

An Petrus fuerit Romæ, sub judice lis est
Simonem Romae nemo fuisse negat.
Owenus
.

[Pierre a-t-il été à Rome ? La question est débattue, mais personne ne nie que Simon a été à Rome. Owen]. {a}


  1. Vers du poète protestant John Owen, cités dans le Borboniana 10 manuscrit (v. sa note [41]).

15.

« je le dirai néanmoins, mais à toi seul » (confidence à l’interlocuteur inconnu du Patiniana).

V. notes :

L’édition intégrale (Genève, 2012) de la Correspondance de Joseph Scaliger (mort en 1609, v. note [5], lettre 34) contient dix lettres qu’il a échangées en 1607-1608 avec Claude i Saumaise (né en 1588), tandis qu’il étudiait à Heidelberg.

16.

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 9).

Guy Patin a abordé le sujet « de la laideur du Christ » dans sa lettre du 3 septembre 1649 à Charles Spon (v. ses notes [15], [16] et [17]). Il y signalait la parution récente à Paris du livre De Forma Christi [Sur l’Apparence physique du Christ] du P. François Vavasseur (v. note [17] de ladite lettre). Ce bon père jésuite m’a épargné de fastidieuses recherches en y indiquant fort opportunément (page 60) les trois passages où Tertullien (v. note [9], lettre 119) a abordé ce sujet :

Tertullianus libro de idolatria, vultu, inquit, et aspectu inglorius. lib. adversus Iudæos, ne aspectu quidem honestus. lib. de carne Christi, adeo nec humanæ hosnestatis corpus fuit.

[Tertullien, {a} au livre de Idolatria, dit vultu et aspectu inglorius ; {b} au livre adversus Iudæos, ne aspectu quidem honestus ; {c} au livre de Carne Christi, adeo nec humanæ hosnestatis corpus fuit]. {d}


  1. Dans les trois citations de Tertullien qui suivent, j’ai recouru à la libre traduction française d’Antoine-Eugène Genoude (1852) et j’ai mis en exergue les passages cités par Vavasseur.

  2. Traité « De l’Idolâtrie », chapitre xviii :

    Quid ergo proficies, si suggestu quidem utaris, opera eius vero non administres ? Nemo in inmundis mundus videri potest. Tunicam si induas inquinatam per se, poterit forsitan illa non inquinari per te, sed tu per illam mundus esse non poteris. Iam nunc qui de Ioseph et Daniel argumentaris, scito, non semper comparanda esse vetera et nova, rudia et polita, coepta et explicita, servilia et liberalia. Nam illi etiam condicione serui erant : tu vero nullius servus, in quantum solius Christi, qui te etiam captivitate sæculi liberavit, ex forma dominica agere debebis. Ille dominus in humilitate et ignobilitate incessit domicilio incertus : nam filius, inquit, hominis non habet ubi caput collocet ; vestitu incultus, neque enim dixisset, ecce qui teneris vestiuntur, in domibus regum sunt ; vultu denique et aspectu inglorius, sicut et Esaias pronuntiaverat. Si potestatis ius quoque nullum ne in suos quidem exercuit, quibus sordido ministerio functus est, si regem denique fieri conscius sui regni refugit, plenissime dedit formam suis derigendo omni fastigio et suggestu quam dignitatis quam potestatis. Quis enim magis iis usus fuisset, quam Dei filius ? Quales et quanti eum fasces producerent, qualis purpura de umeris eius floreret, quale aurum de capite radiaret, nisi gloriam sæculi alienam et sibi et suis iudicasset ?

    [Toutefois, à quoi te servira de revêtir les insignes, si tu ne veux pas exercer le pouvoir ? Personne ne peut paraître sans taches sous un habit couvert de taches. Si tu prends une tunique déjà souillée par elle-même, il se peut que tu ne la souilles pas, mais à coup sûr elle te souillera. Toi donc qui allègues l’exemple de Joseph et de Daniel, sache-le bien, il ne faut pas toujours comparer l’ancienneté avec la nouveauté, la grossièreté avec la politesse, l’origine avec le développement, l’esclavage avec la liberté. Ces saints personnages, en effet, étaient esclaves ; toi, au contraire, « qui n’es l’esclave de personne, excepté du Christ », qui même t’a délivré de la captivité du siècle, tu devras te conduire d’après l’exemple du Seigneur. Ton maître a marché dans l’humiliation et l’obscurité, sans demeure certaine : « Le Fils de l’Homme, a-t-il dit, n’a pas où reposer sa tête », n’ayant que des vêtements grossiers ; autrement, il n’aurait pas dit « Voilà que ceux qui sont vêtus délicatement habitent le palais des rois » ; enfin, « sans gloire dans son visage et dans son extérieur », comme Isaïe l’avait encore annoncé d’avance. {i} S’il n’a jamais exercé aucun pouvoir, même sur ses disciples, auxquels il rendit les services les plus humbles ; il y a plus, si, connaissant bien sa royauté, il refusa d’être roi, il montra clairement aux siens comment il fallait en user avec l’élévation et le faste de la dignité, non moins que du pouvoir. À qui, je le demande, eussent-ils mieux convenu qu’au Fils de Dieu ? Que de faisceaux auraient marché devant lui ! Quelle pourpre aurait flotté sur ses épaules ! Quel diadème aurait brillé sur sa tête, s’il n’avait jugé que la gloire du siècle est chose étrangère à lui et à ses disciples].

    1. Isaïe 52:14.

  3. Traité « Contre les juifs », chapitre xiv :

    Duos dicimus Christi habitus a prophetis demonstratos, totidem adventus eius prænotatos : unum in humilitate, utique primum, cum tamquam ovis ad victimam deduci habebat et tamquam agnus ante tondentem sine voce sic non aperiens os, ne aspectu quidem honestus. Adnuntiavimus enim, inquit, de illo : sicut puerulus, sicut radix in terra sitienti, et non erat ei species neque gloria, et vidimus eum et non habebat speciem neque decorem, sed species eius inhonorata, deficiens citra filios hominum, homo in plaga positus et sciens ferre infirmitatem, scilicet ut positus a patre in lapidem offensionis et minoratus ab eo modicum citra angelos,vermem se pronuntians et non hominem, ignominiam hominis et abiectionem populi.

    [Les prophètes ont décrit sous de doubles images le double avènement de Jésus-Christ. Le premier devait se manifester au milieu des abaissements de toute nature. « Il sera conduit à la mort comme une brebis ; il sera muet comme l’agneau sous la main de celui qui le tond. » {i} Son aspect est méprisable. « Il se lèvera en la présence de Dieu comme un arbrisseau, comme un rejeton qui sort d’une terre aride. Il n’a ni éclat ni beauté. Nous l’avons vu ; il était méconnaissable, méprisé, le dernier des hommes, homme de douleurs, familiarisé avec la misère ; son visage était obscurci par les opprobres et les ignominies. » {ii} Son Père l’a établi comme une pierre de chute et de scandale. {iii} Il l’a placé pour un peu de temps au-dessous des anges. Pour moi, dit-il, je suis un ver de terre et non pas un homme. Je suis le rebut des mortels et le jouet de la populace »]. {iv}

    1. Isaïe 53:7.

    2. Isaïe 53:2-3.

    3. Isaïe 28:16.

    4. Psaumes 22 (21):7.

  4. Traité « Sur la Chair du Christ », chapitre ix :

    Denique verbis et factis tantum, doctrina et virtute sola, Christum hominem obstupescebant : notaretur autem etiam carnis in illo novitas miraculo habita. sed carnis terrenæ non mira condicio ipsa erat quæ cetera eius miranda faciebat cum dicerent, Unde huic doctrina et signa ista ? Etiam despicientium formam eius hæc erat vox : adeo nec humanæ honestatis corpus fuit, nedum cælestis claritatis. Tacentibus apud vos quoque prophetis de ignobili aspectu eius, ipsæ passiones ipsæque contumeliæ loquuntur : passiones quidem humanam carnem, contumeliæ vero inhonestam probaverunt. An ausus esset aliqui ungue summo perstringere corpus novum, sputaminibus contaminare faciem nisi merentem ? Quid dicis cælestem carnem quam unde cælestem intellegas non habes, quid terrenam negas quam unde terrenam agnoscas habes ? Esurit sub diabolo, sitit sub Samaritide, lacrimatur super Lazarum, trepidat ad mortem – Caro enim inquit infirma – sanguinem fundit postremo : hæc sunt opinor signa cælestia.

    [Enfin, si on s’étonnait que le Christ fût homme, c’était uniquement à cause de ses paroles, de ses actions, de sa doctrine et de sa puissance. On eût remarqué la chair dans laquelle il paraissait, comme une nouveauté et un prodige. Au contraire, c’étaient les qualités d’une chair terrestre, ordinaires par elles-mêmes, qui rendaient tout le reste si remarquable en lui, lorsqu’on disait : « D’où lui viennent cette doctrine et ces miracles ? » Ainsi parlaient même ceux qui n’avaient que du mépris pour sa personne. Tant s’en faut, en effet, qu’une clarté céleste brillât sur son visage, qu’il n’avait même aucun trait de la beauté humaine. Quand même les prophètes ne nous eussent rien appris « de son extérieur sans gloire », ses souffrances et ses ignominies parlent assez haut : ses souffrances racontent son humanité ; ses ignominies, l’abjection de son extérieur. Quel téméraire eût osé toucher, même du bout de l’ongle, un corps nouveau, ou souiller par des crachats une figure, à moins qu’elle ne parût le mériter ? Que viens-tu nous parler d’une chair céleste, toi qui n’as rien pour établir qu’elle est céleste ? Pourquoi nies-tu qu’elle ait été formée de terre, lorsque tu as de quoi montrer qu’elle était terrestre ? Elle a eu faim lors de la tentation du démon ; elle a eu soif à l’occasion de la Samaritaine ; elle a pleuré sur Lazare ; elle a tremblé aux approches de la mort, « car la chair est faible », est-il dit ; enfin elle a répandu tout son sang. Voilà, j’imagine, des signes d’une nature céleste !]


17.

« Certains Anciens ont dit que le Christ était lentigineux ».

Lentigineux, signifie avoir la peau couverte de taches de rousseur (lentigines) : v. note [2], lettre 422, pour les citations de Guillaume Baillou sur la mauvaise opinion qu’il se faisait de la santé des roux, et pour Furetière sur la haine et la crainte qu’ils inspiraient aux autres humains (car on croyait leurs taches dues à la lèpre).

La référence première est dans Isaïe (53:4) :

Vere languores nostros ipse tulit, et dolores nostros ipse portavit ; et nos putavimus eum quasi leprosum, et percussum a Deo, et humiliatum.

[Vraiment c’étaient nos maladies qu’il portait, et nos douleurs dont il s’était chargé ; et nous, nous le regardions comme un lépreux, {a} frappé de Dieu et humilié].


  1. Les traductions œcuméniques ont remplacé « lépreux » par « puni » ou « battu ».

La source exacte de lentiginosus est dans une addition au livre ii des Commentariorum in Ptolemæum de Astrorum iudiciis Libri iv [Quatre livres de Commentaires sur Ptolémée (v. note [22], lettre 151) au sujet de l’Astrologie judiciaire] de Jérôme Cardan (Opera omnia [Œuvres complètes], tome v, Lyon, 1663, v. note [8], lettre 749). Ce tome présente une irrégularité de reliure : deux pages contiguës sont numérotées 221‑222. Sur la première des deux est imprimée la Servatoris Genesis [Genèse du Sauveur] qui donne le bizarre et fameux horoscope du Christ (genitura Christi). On y lit page 222 :

Solem autem radiis suis mortem publicam decernere palam est, Saturni carpentum in ascendente, quod altitudinem, trigonum et finem ibi possideret, efficit illum mœstum et taciturnum. Adeo ut Iosephus dicat visum sæpius flere, ridere nunquam. Sed et ob id grandior ætate videbatur : spiritus enim tristis exsiccat ossa. Unde Iudæi existimabant illum quadragesimum annum excessisse, eum dixerint, Nondum quinquaginta annos habes, et Abraham vidisti ? Idem cum Venere faciebat maculosum in facie, ut Iosephus refert, dicens, lentiginosus in facie. Quod si a Deo omnia fuissent profecta, quorsum erat lentiginosum creari ? absoluta enim sunt omnia, quæ a Deo proficiscuntur.

[Il est évident que, par ses rayons, le Soleil confère une mise à mort publique. Le chariot de Saturne dans son ascendant, parce qu’il en posséderait la hauteur, le triangle et la limite, {a} en fait un homme sombre et taciturne ; à tel point que Josèphe {b} dit qu’on le voyait très souvent pleurer, mais jamais rire. Et voilà pourquoi il semblait plus vieux que son âge : la tristesse de l’esprit dessèche les os. Les juifs estimaient qu’il avait passé quarante ans et lui dirent : “ Tu n’as pas cinquante ans et tu aurais vu Abraham ? ” {c} Placé sous l’influence de Vénus, il présentait un visage taché, et Josèphe en dit qu’il avait le visage lentigineux. Si tout a émané de Dieu, dans quelle intention l’a-t-il créé lentigineux, puisque tout ce que crée Dieu est parfait ?] {d}


  1. Traduction littérale d’un passage dont le sens exact m’échappe.

  2. Flavius Josèphe, v. note [18], lettre 95.

  3. Jean, 8:57.

  4. V. infra note [18] (extrait 1), pour le commentaire de François i de La Mothe Le Vayer sur les spéculations de Cardan (qui semble avoir inventé sa citation de Josèphe).

18.

« Le cardinal d’Ailly et Cardan, dans son horoscope du Christ, ont écrit la même chose. D’autres ont dit qu’il avait la mine et le regard sévères et moroses ; il ne pouvait donc être beau. »

V. supra note [17] pour l’horoscope du Christ imaginé par Cardan. François i de La Mothe Le Vayer (v. note [14], lettre 172) a développé tout cela dans deux passages de ses œuvres.

  1. Petits traités en forme de Lettres écrites à diverses personnes studieuses (Paris, 1648, v. note [16], lettre 172), lettre xv, De la Beauté (pages 176‑177) :

    « Aussi Cardan, se fondant sur de semblables passages, a bien osé rendre des raisons astronomiques d’une vieillesse si avancée et d’un visage si austère, si desséché et si plein de taches qu’on le prend pour un lépreux dans le même lieu d’Isaïe que nous venons de citer : putavimus eum quasi Leprosum. {a} Car, encore que cela reçoive une explication figurée, j’aime mieux appuyer les présuppositions de Cardan d’une véritable prophétie que d’un faux texte de Josèphe, qui n’a jamais nommé, comme il l’assure Iesum lentiginosum. Au dire de Cardan, Saturne et Vénus, dans l’ascendant de cette précieuse Nativité, causèrent toutes ces disgrâces ; comme il {b} se trouve, dans d’autres parties de son thème, ce qui donnait à la géniture (pour user des termes de l’art) une santé si ferme et une beauté de corps si considérable. En cela, ce judiciaire {c} ne semble pas être d’accord avec Tertullien, {d} ni avec lui-même, qui n’a fait que suivre le cardinal Pierre de Alliaco, le Calabrais Tiberius Russilianus, {e} et quelques autres encore plus anciens dans une si hardie entreprise, où il fait voir, écrit au Ciel, tout ce qui touche la vie de Jésus-Christ, hormis, dit-il, sa naissance d’une Vierge. »


    1. « nous le regardions comme un lépreux » (Isaïe, v. supra note [17]).

    2. « bien qu’il » : La Mothe Le Vayer voulait montrer les inextricables contradictions auxquelles aboutissent tous les horoscopes.

    3. Astrologue.

    4. V. supra note [16].

    5. Pierre d’Ailly (Petrus de Alliaco, Compiègne 1351-Avignon 1420), cardinal nommé en 1411 par l’antipape jean xxiii, théologien, philosophe et astrologue, a écrit un très grand nombre d’ouvrages.

      Tiberius Russilianius est un obscur astrologue italien du xvie s., autrement nommé Tiberio Russiliano Sesto Calabrese.


  2. De l’Instruction de Monseigneur le Dauphin [le futur Louis xiv], à Monseigneur l’Éminentissime cardinal duc de Richelieu (Paris, Sébastien Cramoisy, 1640, in‑4o), là où il est question des horoscopes des astrologues (pages 295‑296) :

    « Si les Gémeaux, disent-ils, ascendants avec Mercure et Saturne dans le signe du Verseau, remplissent la neuvième maison, il est impossible qu’il ne naisse un prophète. Et Mars bien placé dans la même neuvième maison du Ciel, donne le pouvoir de chasser les démons du corps des possédés. C’est pourquoi ils ont bien osé faire l’horoscope de notre Seigneur, où Jérôme Colombe trouve que toutes ses vertus sont visibles ; {a} Cardan, que son genre de mort y est tout écrit, dans une mauvaise position de Mars ; et le rabbin Bechay, qui ne s’accorde ici nullement avec Cardan, que tout est plein de merveilles dans cette admirable géniture ; tant ce que nous avons déjà observé est véritable qu’ils font dire à leurs aphorismes ce que bon leur semble. Le juif Abraham se fondait aussi sur cette belle philosophie quand il prédisait la naissance du Messie en mil quatre cent soixante et quatre, assurant que puisque cette année aurait la même face du Ciel qui se trouva lorsque Moïse tira d’Égypte le peuple d’Israël, on verrait sans doute le Messie qui lui doit succéder, et qui n’était pas encore venu, selon sa créance. Albumasar {b} avait déjà assuré que la religion chrétienne finirait quatre ans devant, à savoir en mil quatre cent soixante. »


    1. Dans les Œuvres de La Mothe Le Vayer (Paris, 1662, v. note [26], lettre 557), tome premier page 127, « ils ont bien osé » est remplacé par : « Tiberius Russilianus et le cardinal d’Ailly, dit Petrus de Alliaco, après Albert le Grand, ont bien osé ».

    2. Je n’ai pas identifié Jérôme (Hiérosme) Colombe.

    3. Albumasar est le nom occidental d’Abou Mashar al-Balkhî, philosophe et astronome persan du ixe s. C’est « l’Arabe » mentionné à la fin de cet article du Patiniana ; Bayle le cite (avec d’autres comme Albert le Grand et Roger Bacon au xiiie s., ou Gabriel Naudé au xviie s.) dans la note Q de son article sur Cardan, qui commente ce propos : « On l’a blâmé justement de l’audace qu’il avait eue de faire l’horoscope de Jésus-Christ. »

Irénée, deuxième évêque de Lyon au iie s., saint, Père et Docteur (en 2022) de l’Église, est auteur d’un traité Adversus Hæreses [Contre les Hérésies]. Il est réputé avoir écrit que le Christ était laid (sur le témoignage de saint Polycarpe qui le tenait directement de l’apôtre Jean), mais je n’ai pas trouvé la référence exacte de cette citation.

19.

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 9).

En mars 1621, accusé de prévarication, Francis Bacon (v. note [21], lettre 352) avait été lourdement condamné et déchu de toutes ses fonctions. Les Letters of Sr Francis Bacon, Baron of Verulam, Viscount St. Alban, and Lord High Chancellor of England. Wrtitten during the Reign or King James the First… [Lettres de Sir Francis Bacon, baron de Verulam, vicomte de Saint-Alban et grand chancelier d’Angleterre. Écrites pendant le règne du roi Jacques ier (1603-1625, v. note [17], lettre 287)] (Londres, Benjamin Tooke, 1702, in‑4o) contiennent celle qu’il a écrite au roi le 30 juillet 1624, pour implorer sa mansuétude (lettre cxlvi, pages 297‑298) :

Most Gracious and Dread Sovereign,

Before I make my Petition of your Majesty, I make my Prayers to God above, Pectore ab imo, that if I have held anything for dear, as your Majesty’s Service ; nay, your Heart’s ease, and your Honour’s, I may be repulsed with a denial. But if that hath been the Principal with me, that God, who knoweth my heart, would move you Majesty’s Royal heart to take compassion of me and to grant my desire.

I prostrate my self at your Majesty’s Feet ; I, your Ancient Servant, now Sixty four years ild in Age, and three Years five Months old in Misery. Il desire not from your Majesty, Means, nor Place, nor Imployment, but only after so long a time of Expiation, au compleat and total remission of the Sentence of the Upper House, to the end that blot of Ignominy may be removed from me, and from my Memory with Posterity ; that I die not a condemned Man, but may be to your Majesty, as I am to God, Nova Creatura. Your Majesty hath Pardoned the like to Sir John Bennet, between whose case an mine, (not being Partial to my self, but speaking out of the General Opinion) there was as much difference, I will not say as between Black and White, but as between Black and Grey, or Ash-coloured ; Look therefore down, Dear Sovereign, upon me also in pity. I know your Majesty’s Heart is inscrutable for Goodness ; and my Lord of Buckingham was wont to tell me, you were the best Natured Man in the World ; and it’s God’s property, that those he hath loved, he loveth to the end. Let your Majesty’s Grace, in this my desire, stream down upon me, and let it be out of the Fountain and Spring head, and ex mero Motu, that living or dying, the Print of the Goodness of King James may be in my heart, and his Praises in my mouth. This my most humble request granted, may make me live a year or two happily ; and denied, will kill me quickly. But yet the last thing that will die in me, will be the heart and affection of

Your Majesty’s most humble, and true devoted Servant,

Fr. St. Alban.

[Très gracieux et redouté Souverain,

Avant d’exposer ma demande à Votre Majesté, j’adresse à Dieu très-haut, du tréfonds de mon cœur, cette prière : si autre chose m’a été aussi cher que le service de Votre Majesté, sans parler du bien de Son cœur et de Son honneur, alors qu’à sa guise, Elle m’oppose un refus ; mais si telle a été ma principale préoccupation, que Dieu veuille émouvoir le cœur de Votre Royale Majesté, afin qu’Elle me prenne en pitié et satisfasse mon désir.

Je me prosterne aux pieds de Votre Majesté, moi qui fus jadis Son serviteur, et qui ai atteint ma soixante-quatrième année d’âge, et mes troisième année et cinquième mois de misère. Je ne désire pas que Votre Majesté m’accorde de l’argent, une terre ou une charge ; mais seulement, après cette si longue période d’expiation, une complète et totale amnistie de la sentence prononcée par la Haute Chambre, afin que cette tache d’infamie soit lavée de ma personne, et de la mémoire qu’en gardera la postérité ; et que je meure non pas en réprouvé, mais en créature nouvelle, comme je le suis pour Dieu, et peut-être aussi pour Votre Majesté. Elle a ainsi pardonné à Sir John Bennet, dont le cas (sans me fonder sur ma propre partialité, mais sur l’opinion générale) était fort différent du mien, comme sont, dirai-je, non pas le noir et le blanc, mais le noir et le gris, ou le cendré. {a} Que Mon très cher Souverain veuille abaisser sur moi un regard de pitié. Je sais que le cœur de Votre Majesté est d’une bonté sans fond : Milord Buckingham {b} avait coutume de me dire que Vous étiez le mieux disposé des hommes au monde ; et c’est un privilège divin que d’aimer jusqu’à la fin ceux qu’on a un jour aimés. Pour satisfaire mon souhait, puisse la grâce de Votre Majesté ruisseler sur moi, en jaillissant spontanément comme d’une fontaine ou d’une source, de sorte que, jusqu’à ma mort, la bonté du Roi Jacques m’inonde le cœur, et Sa louange m’emplisse la bouche ! Si ma très humble requête est satisfaite, je pourrai vivre heureux pendant encore un an ou deux ; mais si elle est rejetée, j’en périrai promptement. Pourtant, la dernière chose qui mourra en moi sera le cœur affectueux du

très humble et sincèrement dévoué serviteur de Votre Majesté,

Fr. Saint-Alban]. {c}


  1. Note de l’éditeur, traduite de l’anglais :

    « En 1621, le Parlement avait accusé, convaincu et condamné Sir John Bennet, juge de la Prerogative Court, {i} pour avoir exigé des pots-de-vin et commis plusieurs indélicatesses dans l’exercice de sa charge. »

    1. La Prerogative Court exerçait à Londres à peu près les mêmes fonctions judiciaires (cour d’appel) que le Parlement à Paris (dont les fonctions législatives étaient bien mois étendues que celles du Parliament britannique, v. note [11], lettre 95).

  2. George i Villiers, v. note [21], lettre 403.

  3. Depuis sa condamnation en 1621, Bacon avait exercé comme simple avocat au barreau de Londres. Le roi Jacques mourut le 27 mars 1625. En mai suivant, deux mois après que Charles ier lui eut succédé, Bacon fut amnistié ; une charge de juge à la Court of Common-Pleas [Cour des plaids-communs] lui fut attribuée, et il l’occupa jusqu’à sa mort, survenue le 9 avril 1626 (Introduction des Letters, pages xix‑xx).

20.

Trois remarques peuvent aider à interpréter cette sentence qui frappe par son manque de hardiesse :

21.

V. note [13], lettre 467, pour Fra Paolo Sarpi. Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 10).

Le deuxième des Quatre dialogues (Francfort, 1604 [sic pour 1630], v. note [46] du Naudæana 2) d’Orasius Tubero (pseudonyme de François i de La Mothe Le Vayer), {a} est intitulé Le Banquet sceptique, entre Marcellus et Orasius, Diodotus, Divitiacus, Xenomanes, et Eraste, {b} avec cette citation de Cicéron (Tusculanes, livre v, chapitre xi, § 33) :

Nos in diem vivimus, quodcumque nostros animos probabilitate percussit, id (αδοξαστως) dicimus ; itaque soli sumus liberi.

[Nous, nous vivons au jour le jour. Nous professons (sans opinion préconçue) {c} tout ce dont la probabilité nous frappe l’esprit ; c’est pourquoi nous sommes les seuls êtres libres].


  1. « Le Vayer combine le latin et le grec pour trouver un équivalent antique des noms modernes. Selon ce système, Le Vayer ou “ le voyeur ”, “ celui qui voit ”, devient Orasius (οραν [oran]) ; Mothe n’est pas bien éloigné de “ motte ”, qui signifie “ bosse ” ou “ excroissance ”, en latin tuber, d’où Tubero » (Pintard a, pages 19‑20).

  2. René Pintard (ibid. pages 20‑24) a tenté d’identifier ces autres « libertins érudits ».

    • Marcellus était sans doute Guillaume Colletet (v. note [5], lettre latine 12) ; et Diodotus, Élie Diodati (v. note [1], lettre 72).

    • Divitiacus serait François Luillier, conseiller au parlement de Metz et maître des comptes à Paris (mort en 1652), père du poète Chapelle (v. note [8], lettre 715).

    • Xenomanes est un nom symbolique utilisé par Rabelais (Tiers Livre, chapitre xlix), pour désigner « le grand voyageur et traverseur de voies périlleuses ». « Il désigne, écrit Pintard, un voyageur tout récemment revenu à Paris et qui, par une journée de printemps, se rencontre avec ses doctes amis. […] Tant de souvenirs et de connaissances nous inciteraient à retrouver en lui un explorateur de marque, par exemple, le fameux Jean-Baptiste Tavernier » (Paris 1605-Moscou 1689, mentionné dans la note [14] de l’Observation vii de Guy Patin et Charles Guillemeau).

    • Après s’être demandé si Eraste ne désignait pas Jean-Jacques Bouchard (v. note [12], lettre 432), Pintard convient que cet « homme si fertile “ en propos de gaieté et de plaisir ”, […] garde son mystère ».

  3. La parenthèse grecque est une addition au texte de Cicéron.

La référence du Patiniana porte sur ce propos d’Eraste, au sujet des créatures fabuleuses (pages 129‑130) :

« Sur quoi, je ne puis me retenir de vous exposer ici la pensée d’un des plus sublimes et métaphysiques esprits de ce temps, {a} qui s’était persuadé que le genre humain était originaire de quelques tritons et femmes marines : {b} soit qu’il eût égard à l’opinion de Thalès, {c} qui tenait l’eau pour le seul élément de toutes choses,

ωκεανον τε θεων γενεσιν, και μητερα τηθυν ;
Oceanum divum genesim Tethymque parentem ; {d}

soit qu’il regardât les cataclysmes et déluges universels, après lesquels ne restant plus que les animaux aquatiques, il crut que, par succession de temps, ils se faisaient amphibies, et puis après, terrestres tout à fait. » {e}


  1. P. Paolo, note marginale indiquant qu’il s’agit de Paolo Sarpi.

  2. V. note [5], lettre 672, pour l’opinion d’Aristophane sur ces créatures dans Le Banquet de Platon.

  3. V. note [26], lettre latine 4.

  4. Homerus, note marginale indiquant l’auteur de la citation (Homère, L’Iliade, chant xiv, vers 201) : « l’Océan, origine des dieux, et leur mère Thétis ».

  5. Tout cela était loin d’être absurde, selon les conceptions modernes sur les origines de la vie animale terrestre.

22.

« et je tiens tout ce qu’on en a écrit pour sornettes et pures fictions. »

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 10).

23.

V. supra note [1], pour Jean Bodin, dont la Démonomanie avait paru pour la première fois à Paris en 1580 (v. note [25], lettre 97).

Pierre Le Loyer (Huillé, Anjou 1550-Angers 1634), « conseiller du roi au présidial d’Angers » est surtout connu pour ses Discours et histoires des Spectres, visions et apparitions des esprits, anges, démons, et âmes, se montrant visibles aux hommes. Divisés en huit livres (Paris, Nicolas Buon, 1605, in‑4o de 976 pages), dont les deux sous-titres résument le contenu.

  1. Auxquels, par les visions merveilleuses et prodigieuses apparitions, advenues en tous siècles et recueillies des plus célèbres auteurs, tant sacrés que profanes, est manifestée la certitude des spectres et visions des esprits, et sont baillées les causes des diverses sortes d’apparitions d’iceux, leurs effets, leurs différences, et les moyens pour reconnaître les bons et les mauvais, et chasser les démons.

  2. Aussi est traité des extases et ravissements ; de l’essence, nature et origine des âmes, et de leur état après les décès de leurs corps ; plus des magiciens et sorciers, de leur communication avec les malins esprits ; ensemble des remèdes pour se préserver des illusions et impostures diaboliques.

Dans la même veine démonographique, mais avec un œil moins complaisant, Pierre de Rosteguy de L’Ancre (Bordeaux 1553-Loubens 1631), conseiller au parlement de Bordeaux, a (entre autres) publié et republié :

24.

L’extraordinaire de la Gazette (no 117, du 10 octobre 1647), intitulé La Vie et la mort du maréchal de Gassion, est riche en renseignements sur Jean de Gassion, décédé à Arras le 2 octobre 1647, après une blessure reçue au siège de Lens (v. note [6], lettre 31).

Cet article du Patiniana imprimé ne vient pas du manuscrit de Vienne.

25.

V. notes :

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 14). Tous les détails qu’il contient supposent une fine connaissance des affaires ecclésiastiques romaines, que Gabriel Naudé possédait bien mieux que Guy Patin.

26.

V. note [4], lettre du 5 décembre 1641, pour le premier passage où Guy Patin a parlé du philosophe et médecin italien Fortunio Liceti, que Gabriel Naudé lui faisait apparemment découvrir par un courrier envoyé d’Italie. Liceti était natif de Rapello (30 kilomètres à l’est de Gênes, où existe un château dénommé Rocca Tirrena), en 1577 : cela date de 1641 cet article du Patiniana, qui figure dans le manuscrit de Vienne (page 16) ; il me paraît donc plutôt appartenir à Naudé qu’à Patin.

Liceti a publié quantité d’ouvrages dont Patin estimait bien plus les qualités aristotéliciennes que médicales.

27.

V. notes [26], lettre 113, et [20], lettre 237, pour les jugements mitigés de Guy Patin (si on en croit ses lettres et un manuscrit, peut-être apocryphe) sur « la Religion d’un médecin » de Thomas Browne (Londres, 1642, pour la première édition en anglais, et Leyde, 1643, pour la première édition en latin, la seule que Guy Patin était capable de lire). Le fond de cet ouvrage est sceptique, sinon athée, et Patin proposait ici astucieusement de rebaptiser « le Médecin de la religion ».

Les quatre volumes des Sir Thomas Brownes’s works including his life and correspondence [Œuvres de Sir Thomas Browne, incluant sa vie et sa correspondance], édités par Simon Wilkin (Londres, William Pickering, 1835) ne contiennent pas de traité « sur la maladie vénérienne » (vérole ou syphilis).

Ce passage reproduit ce que Guy Patin a écrit à Charles Spon dans sa lettre du 16 avril 1645 (v. sa note [10]). Il a aussi été repris dans le Faux Patiniana II‑1 (v. sa note [23]). Sans surprise, cet article ne figure pas dans le manuscrit de Vienne.

28.

« Un Pont a surpassé les eaux, les abus de boisson ont surpassé l’autre Pont, il a péri tremblant de fièvre, lui qui était un tremblement de terre. »

Passage repris mot pour mot dans la lettre de Guy Patin à Charles Spon datée du 22 août 1645 : v. sa note [7]. Sans surprise, cet article du Patiniana imprimé ne figure pas dans le manuscrit de Vienne.

29.

V. note [19], lettre 229, pour Alciat (Andrea Alciato) et ses célèbres Emblemata [Emblèmes] (Augsbourg, 1531, pour la première de très nombreuses éditions et traductions), plusieurs fois cité dans les lettres de Guy Patin. Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 23).

Le jurisconsulte Claudius Minos (Claude Mignault ou Missos, 1536-1606), natif de Dijon, a édité les Omnia Andreæ Alciati V.C. Emblemata, cum commentariis, quibus Emblematum aperta origine mens auctoris explicatur, et obscura omnia dubiaque illustrantur [Tous les Emblèmes du très célèbre M. André Alciat, avec des commentaires expliquant la pensée de l’auteur en mettant au jour l’origine des ses emblèmes, et expliquant toutes les obscurités et incertitudes qu’ils contiennent]. {a}

Au début du livre, la V.C. Andreæ Alciati I.C. Mediolanansis Vita, per Claudium Minoem iurisc. conscripta [Vie du très célèbre André Alciat, jurisconsulte natif du Milanais, écrite par Claudius Minos, jurisconsulte] ne précise pas sa date de naissance, mais parle ainsi de sa mort :

Is quanquam sano, vividoque habitu corporis a natura conformatus, quo tempore de minuendis laboribus, quos multos gravesque pertulerat, ob ætatem ingravescentem cogitaret neque dum excederet annum ætatis octavum et quinquagesimum dolore pedum primum leviter correptus, deinde paulo gravius et crebrius adeo ut continuæ febris symptoma illi morbo adiungeretur, paulatim confectus intra decem et quatuor dies, integris sensibus, animam Deo reddidit, ineunte anno Christiano, ad Romæ curiæ calculum, 1559. Ticini sepultus honorifice in basilica urbis, vir cui (ausim dicere) plus sua patria, quam ipse patriæ debeat.

[Sentant s’alourdir le poids des ans, bien que la nature l’eût doté d’une solide et saine conformation corporelle, il songea à réduire la cadence des nombreux et lourds travaux qu’il poursuivait alors. Ayant dépassé la cinquante-huitième année de son âge, il souffrit d’une douleur aux pieds, d’abord légère, puis de plus en plus forte et cruelle, jusqu’à ce qu’une fièvre continue vînt accroître les symptômes de cette maladie. Il s’affaiblit peu à peu et rendit son âme à Dieu au quatorzième jour, en ayant gardé la plénitude de ses sens, {b} au début de l’an 1559e de la chrétienté, suivant le calendrier de l’Église romaine. {c} On l’enterra en grande pompe à Pavie, dans la basilique de la ville, qu’il considérait comme sa patrie, plus (oserai-je dire) que ne l’était son pays natal].


  1. Paris, Jean Richer, 1589, in‑8o de 818 pages ; v. notule {g}, note [28] des Triades du Borboniana manuscrit pour une édition plus riche parue à Lyon en 1614.

  2. Brève description pouvant évoquer une occlusion aortique abdominale (de cause impossible à déterminer) avec ischémie (v. note [17], lettre 41) des deux membres inférieurs, suivie de gangrène, de surinfection et de mort.

  3. Manière de s’exprimer laissant penser que Minos était protestant et se référait avec réticence au calendrier grégorien (romain, nouveau style, v. note [12], lettre 440), et qu’Alciat mourut dans les tout premiers jours du mois de janvier 1559. Ce millésime surprend car toutes les biographies modernes la datent de 1550, pour une naissance en 1492. Le plus raisonnable me semble de conclure à une erreur d’imprimerie dans Minos : Alciat mourut au début de janvier 1550, dans sa 59e année d’âge ; ce qui mène à une naissance vers 1490 (mais le 8 mai 1492 pour les biographes modernes).

    Dans ma transcription du Patiniana, j’ai remplacé « Il est mort à Pavie l’an 1559, âgé de trente-huit ans » par : « Il est mort à Pavie l’an 1550, âgé de cinquante-neuf ans ».


Francesco Alciati ou Alciato (Milan 1522-Rome 1580) avait enseigné le droit à Pavie, où Charles Borromée (v. note [20], lettre 183) avait été l’un de ses élèves. Reçu cardinal en 1565, Alciati assista Borromée dans ses œuvres pieuses, notamment en étant le premier à diriger l’Oblat de saint Ambroise, congrégation de prêtres séculiers milanais devenue Oblat des saints Ambroise et Charles après la mort de Borromée en 1584.

30.

« Il a été jésuite et enseigna la rhétorique à Milan, à l’âge de 20 ans ; mais étant malade, il a alors quitté la Compagnie. »

V. note [47], lettre 216, pour Claude-Gaspard Bachet de Méziriac, qui ne vint jamais à bout de sa traduction française des œuvres de Plutarque ; celle de Jacques Amyot (Paris, 1565) restait la référence au xviie s. (v. note [6], lettre 116).

Cet article du Patiniana I‑1 est semblable à celui du Borboniana 1 manuscrit sur le même sujet (v. sa note [23]). Il figure dans le manuscrit de Vienne (page 24).

31.

La mort de la maréchale de Guébriant, Renée Du Bec-Crespin (v. note [32], lettre 224), situe en 1659 la rédaction de cet article du Patiniana, qui ne figure pas dans le manuscrit de Vienne.

Dans sa note F sur la maréchale, Bayle a critiqué la manière dont Benjamin Priolo {a} a relaté l’affaire de Brisach : {b}

« Cet historien raconte une chose qui n’est pas trop honorable pour cette dame. Il dit que durant les derniers troubles, Charlevois, qui avait commandé dans Brisach, se brouilla avec le gouverneur que la cour y mit (c’était M. de Tilladet), et qu’il poussa si bien sa pointe que le gouverneur fut obligé de quitter la partie. {c} Qu’alors, la maréchale de Guébriant, soit par avarice, soit par ambition, se fit de fête, {d} et voulant faire à la cour un grand mérite de la conservation de cette importante place, noua une intrigue pour perdre Charlevois. Qu’elle se rendit à Brisach accompagnée d’une fille qu’il aimait et que, comme il eut l’imprudence de sortir de la forteresse pour voir cette fille, il fut pris et amené à Philippsbourg. {e} Que ce manège attira sur la maréchale une grêle d’injures, qui l’obligea à se retirer à Bâle le plus vite qu’elle put, et que Charlevois s’entendit avec le comte d’Harcourt, {f} mécontent du gouvernement, et fit la paix à des conditions avantageuses ; de sorte que la dame se vit haïe des deux côtés et en mourut de chagrin.

On voit là un exemple de ce qui arrive presque toujours à ceux qui donnent des abrégés : ils omettent plusieurs circonstances, sans lesquelles un fait n’est qu’une petite masse brute et informe, comme l’éprouvent ceux qui, après avoir lu une histoire étendue, comparent l’idée qu’ils en ont avec celle qu’un abrégé leur en donnait. Ceux qui liront dans l’histoire de M. de La Barde {g} cette intrigue de la maréchale de Guébriant feront une épreuve de ce que je dis ; mais laissant à part les omissions de Priolo, il est certain qu’il y a deux faussetés dans sa narration.

La première consiste à dire que Charlevois sortit de Brisach pour voir la maîtresse que la maréchale lui amenait. Rien de plus faux : il n’avait que faire d’en sortir pour la voir, puisqu’elle y était à la suite de Madame de Guébriant. C’est d’ailleurs un embarras pour le lecteur que de voir que cette dame soit à Brisach et que la maîtresse de Charlevois, par le moyen de laquelle on veut le prendre comme à la glu, ne soit pas auprès de la dame qui conduit l’intrigue, et qui se sert si bien des intrigues de Catherine de Médicis. {h} Il est certain qu’elle y était, et que l’artifice qu’on employa pour attirer Charlevois dans l’embuscade fut de l’accoutume à s’aller promener en carrosse loin de la ville avec Madame de Guébriant, accompagnée de la maîtresse en question. Mais le jour de la capture, la maréchale, qui voulait être dans Brisach lorsque la première nouvelle y arriverait, supposa je ne sais quelle affaire, qui l’empêchait d’être de la promenade, et voulut néanmoins que toute la troupe qui la devait suivre s’allât promener. La seconde fausseté regarde la mort de cette dame : M. Priolo la fait mourir de chagrin dans un temps où la guerre civile n’était pas encore terminée ; mais il est sûr qu’elle ne se déconcerta point pour le mauvais succès de son entreprise de Brisach, et qu’elle continua ses intrigues à Bâle même, et se remplit la tête de vastes desseins pour se faire valoir auprès de la reine mère {i} et auprès du cardinal Mazarin ; en un mot, qu’elle n’est morte qu’en 1659, après avoir fait une si grande figure à la cour qu’elle devait être première dame d’honneur de la reine Marie-Thérèse. » {j}


  1. V. note [9], lettre 637.

  2. V. note [8], lettre 40.

  3. V. note [10], lettre 389, pour Gabriel de Cassagnet, sieur de Tilladet. Dubuisson-Aubenay a mentionné ses déboires avec Charlevois (ou Charlevoix, prénom inconnu), militaire qui frondait pour les princes, en deux entrées de son Journal des guerres civiles, pour l’année 1651 (volume 2) :

    • Le 1er juillet (page 82) :

      « Avis de Brisach que Charlevois, lieutenant qui jadis a été au maréchal de Guébriant, ayant gagné la garnison, s’est saisi du sieur de Tilladet, gouverneur, et l’a mis dehors, demeurant maître de la place. On y veut envoyer le marquis de Vardes. On dit que le duc de Mercœur y est allé le premier. »

    • Le 1er octobre (page 121) :

      « Le comte d’Harcourt, déjà gouverneur d’Alsace, achète par cent mille livres le gouvernement de Philippsbourg, au-delà du Rhin, au sieur de la Carrière. Cependant, la maréchale de Guébriant est ou va à Briscah, vers le lieutenant Charlevois, qui en a mis dehors le sieur de Tailladet, gouverneur en chef. »

  4. S’en mêla.

  5. V. note [4], lettre 111.

  6. V. note [4], lettre 29, pour Henri de Lorraine-Elbeuf, comte d’Harcourt, qui s’était alors rallié au parti du roi.

  7. Jean de La Barde, v. note [7], lettre de Charles Spon, datée du 20 mars 1657.

  8. « L’histoire remarque qu’elle se servait de la beauté de ses filles d’honneur pour faire donner les grands dans le panneau, selon ses besoins. Sa fille l’imitait en cela » (notule de Bayle) ; la fille de Catherine de Médicis était Marguerite de Valois, future reine Margot, première épouse de Henri iv.

  9. Anne d’Autriche.

  10. Reine de France après son mariage avec Louis xiv en juin 1660.

    Tout cela ne lave pas la maréchale des reproches qui ont pesé sur sa conduite.


Pour les autres lieux et personnes cités, v. notes :

32.

« Puisque, par amour, la Moret priait pour que les nuits fussent longues,
l’amour a exaucé ses vœux et lui en a accordé d’éternelles. »

Bayle a repris ce distique anonyme dans la note C de son article sur Alcmène, mère d’Hercule (v. note [3], lettre de Reiner von Neuhaus, datée du 21 octobre 1663), qui était le fruit mémorable de sa liaison adultérine avec Jupiter : le tout-puissant maître de l’Olympe avait pris tant de plaisir à sa nuit passée avec Alcmène qu’il en avait triplé la durée. Elle fut sa dernière maîtresse, car, dit le mythe, il renonça dès lors à s’accoupler avec des mortelles. La comtesse de Moret ne fut pas la dernière amante de Henri iv, mais ces deux vers établissent un parallèle (qui semble curieusement avoir échappé à Bayle) entre Hercule et leur fils, le vaillant comte de Moret, Antoine de Bourbon, bâtard légitimé du Vert Galant, né en 1607.

Sa mort est une pseudo-énigme historique : les biographes sérieux ont dit, comme Guy Patin, qu’il avait été tué lors de la bataille de Castelnaudary (1er septembre 1632, v. note [3], lettre 579), sans qu’on ait jamais retrouvé son corps. Toutefois, une note de l’éditeur du Patiniana sème le doute :

« On ne croit pas qu’il y fut tué, mais blessé seulement, et qu’il prit delà occasion de se retirer du monde, et se fit ermite sous le nom de frère Jean, où il a vécu longtemps après, et est mort en odeur de sainteté. Voyez la vie d’un Solitaire inconnu. »

De fait, La Vie d’un solitaire inconnu, mort en Anjou en odeur de sainteté, le 24 décembre 1691 (Paris, Urbain Coustelier, 1699, in‑12 de 334 pages) a raconté une tout autre histoire. Composée de trois livres, elle est attribuée au prêtre historien Joseph Grandet (1646-1724) : il a signé l’épître dédicatoire à l’évêque d’Angers (Michel Le Peletier), mais son nom ne figure ni dans la préface, ni dans le privilège.

Cette fable fait du comte de Moret le « Frère Jean-Baptiste, mort à l’âge de 90 ans dans l’ermitage des Gardelles, à deux lieues de Saumur ». Intitulé Il quitte l’armée et le monde. Occasion de sa retraite. Il embrasse la vie solitaire. il prend l’habit d’ermite et le nom de Jean-Jacques, le chapitre ii du livre i (pages 6‑11) procure de plus amples détails :

« Comme j’avais ouï dire qu’il était le comte de Moret, fils de Henri le Grand, aïeul de notre invincible monarque, {a} j’eus la curiosité, dans un de nos entretiens, de faire tomber le discours sur la bataille de Castelnaudary, qui se donna le premier septembre de l’année 1632, où M. le duc de Montmorency fut pris, {b} et où on prétend qu’Antoine de Bourbon, comte de Moret, fut tué. Il n’en fallut pas davantage pour faire parler ce bon vieillard, qui me dit en secret plusieurs particularités de ce combat, que les historiens n’ont pas rapportées ; mais entre autres choses, qu’étant entré dans le parti du duc d’Orléans, {c} il était à 30 pas de M. de Montmorency lorsque son cheval s’abattit sous lui, et qu’il fut arrêté prisonnier ; qu’alors il se souvint d’une prédiction qui lui avait été faite à la cour, qu’il s’embarquerait dans un parti dans lequel, s’il n’y prenait garde, il pourrait bien perdre la tête. Sur quoi, il se détermina à quitter le monde et se dit à soi-même (voici ses propres paroles) : “ Certes, je me mettrai si bas et me cacherai si bien qu’on ne viendra pas me chercher là où je serai. ” C’est pourquoi M. de Montmorency ayant été pris, et le reste de l’armée mis en déroute, il se sauva avec une douzaine de personnes de la première qualité, qui avaient suivi Monsieur {c} […]. Lorsque ces Messieurs furent en sûreté, il voulut attendre la nouvelle du sort de M. de Montmorency ; et ayant appris que l’arrêt de mort qu’on avait prononcé contre lui avait été exécuté dans la Maison de ville de Toulouse, notre solitaire crut que le temps d’accomplir son dessein était venu, et qu’il ne pouvait pas choisir une condition plus basse ni moins connue que celle d’ermite. Après qu’il m’eut fait ce petit récit, voyant bien qu’il s’était trop avancé, il changea de discours pour ne pas me donner le loisir d’y faire attention.

[…] En quelque lieu qu’il ait pris l’habit, il est constant qu’il embrassa l’Institut des ermites de la Congrégation de Saint-Jean-Baptiste, que le père Michel de Sainte-Sabine avait reformé à peu près dans le même temps que notre solitaire quitta le monde. »


  1. Louis xiv (dont une autre légende a prétendu que Moret était le père véritable).

  2. V. note [15], lettre 12, pour Henri ii de Montmorency, maréchal de France, sa rébellion contre Louis xiii et Richelieu, sa défaite à la bataille de Castelnaudary, suivie de son exécution à Toulouse, le 30 octobre 1632.

  3. Gaston d’Orléans, frère de Louis xiii et en lutte incessante contre le pouvoir royal, allié de Montmorency en cette malheureuse tentative.

33.

V. notes [2], lettre 579, pour le marquis de Vardes, François-René du Bec-Crespin, et [6], lettre 535, pour la comtesse de Moret, déguisée sous le nom de Casina, dans l’Euphormion de Jean Barclay.

34.

V. notes [8], lettre 23, pour « M. le Prince défunt », Henri ii de Bourbon, prince de Condé, mort en 1646, et [6], lettre 29, pour son échec au siège de Dole en 1636.

Cet article du Patiniana imprimé ne vient pas du manuscrit de Vienne.

35.

Guy Patin a conté la même historiette et copié la même épitaphe (attribuée à l’abbé de Laffemas, v. note [12], lettre 447) à la fin de sa lettre du 18 janvier 1637 à Claude ii Belin (v. sa note [12]). Cet article du Patiniana figure néanmoins dans le manuscrit de Vienne (page 10).

36.

Comme médecin, Giovan Battista Susio, né à Mirandola (Émilie-Romagne) en 1519, mort à Mantoue en 1583, s’est surtout illustré par le :

Ioannis Baptistæ Susii Mirandulani Philosophi ac Medici liber de sanguinis mittendi ratione. Nunc primum in lucem editus.

[Livre de Ioannes Baptista Susius, philosophe et médecin natif de Mirandola, sur l’indication de la saignée]. {a}

Il avait écrit ce livre pour défendre son feu maître Matthæus Curtius, {b} dont le recours trop libéral à ce remède faisait l’objet de critiques, fondées sur une interprétation différente des préceptes hippocratiques et galénistes. Il est surprenant que, dans ses lettres et dans ses autres écrits, Guy Patin n’ait jamais cité cet ouvrage qui allait tout à fait dans le sens de ses convictions ; mais la pique contre le vin émétique d’antimoine est bien dans sa veine.

Comme philosophe moraliste, Susio est surtout connu pour ses :

Tre libri della ingiustitia de duello, et di coloro, che lo permettono. Al l’invittiss. et chrisitianissimo Henrico Secondo re di Francia.

[Trois livres sur l’injustice du duel et de ceux qui le permettent. À Henri ii, tout à fait invincible roi très-chrétien de France]. {c}


  1. Sans lieu [Bâle], Petrus Perna, 1559, in‑8o de 74 pages.

  2. Matteo Curzio, v. note [39] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii.

  3. Venise, Gabriel Giolito de Ferrari, 1558, in‑4o de 198 pages.

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 15).

37.

« Paul Manuce, imprimeur de Venise, père d’Alde et fils d’Alde, était un très savant homme. On pense que cette famille des Manuce a disparu et s’est éteinte en Italie. »

V. notes [16], lettre latine 38, et [38] infra, pour les trois Manuzio, imprimeurs humanistes vénitiens dont les éditions étaient signées Alde (Aldi) : Aldo l’Ancien (mort en 1515), Paolo (1574) et Aldo le Jeune (1597).

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 16).

38.

« Voilà ce vers quoi nous marchons tous » (Ovide, Métamorphoses, livre x, vers 34).

Les Alde ont donné deux célèbres éditions de Cicéron, in‑8o :

Ce paragraphe sur l’extinction des Alde est confus, laissant croire que Paolo, sa fille, religieuse puis épouse débauchée, et un fils tombé dans l’oubli en ont été les derniers représentants. Tout cela paraît plutôt concerner Alde (Aldo) le Jeune (Venise 1547-Rome 1597) : dès son plus jeune âge, il avait commencé à travailler aux côtés de son père, Paolo, signant ses premières éditions en 1566 ; en 1574, il succéda à Paolo à la tête de l’imprimerie vénitienne, mais délaissa assez rapidement l’édition pour se consacrer à ses travaux érudits. Il s’installa définitivement à Rome en 1584. En 1595, il fut nommé correcteur de l’imprimerie pontificale, mais n’assura pas de charge officielle à la Bibliothèque vaticane. Le Dizionario Biografico d’Emilio Russo attribue à Alde le Jeune une fille naturelle, dont on ne connaît rien de certain, et une épouse dont il n’eut qu’une fille, morte en bas âge, mais pas de fils.

39.

« se consacrer aux Muses. »

V. note [23], lettre 164, pour Giampietro ou Pierio Valeriano (natif de Belluno [Bellune] en Vénétie) et ses deux livres « sur l’Infortune des écrivains » (Venise, 1620). Les trois autres ouvrages cités sont :

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 16).

40.

« Il a écrit sur quantité de sujets : en 1591 sur l’infini, sur les atomes et sur le vide. »

Denis Diderot, voyant en lui un précurseur, a consacré une entrée de L’Encyclopédie à Giordano Bruno (Jordanus Brunus, natif de Nola, près de Naples, 1548-Rome 1600), dominicain et philosophe réformiste :

« Cet homme singulier naquit à Nole, au royaume de Naples ; il est antérieur à Cardan, à Gassendi, à Bacon, à Leibniz, à Descartes, à Hobbes ; et quel que soit le jugement que l’on portera de sa philosophie et de son esprit, on ne pourra lui refuser la gloire d’avoir osé le premier attaquer l’idole de l’École, s’affranchir du despotisme d’Aristote et encourager, par son exemple et par ses écrits, les hommes à penser d’après eux-mêmes ; heureux s’il eût eu moins d’imagination et plus de raison ! Il vécut d’une vie fort agitée et fort diverse ; il voyagea en Angleterre, en France et en Allemagne ; il reparut en Italie ; il y fut arrêté et conduit dans les prisons de l’Inquisition, d’où il ne sortit que pour aller mourir sur un bûcher. Ce qu’il répondit aux juges qui lui prononcèrent sa sentence de mort, marque du courage : Majori forsan cum timore sententiam in me dicetis quam ego accipiam. {a}

Les écrits de cet auteur sont très rares, et le mélange perpétuel de géométrie, de théologie, de physique, de mathématique et de poésie en rend la lecture pénible. […]

Ses juges firent tout ce qu’il était possible pour le sauver. On n’exigeait de lui qu’une rétractation ; mais on ne parvint jamais à vaincre l’opiniâtreté de cette âme aigrie par le malheur et la persécution, et il fallut enfin le livrer à son mauvais sort. Je suis indigné de la manière indécente dont Scioppius s’est exprimé sur un évenement qui ne devait exciter que la terreur ou la pitié. Sicque ustulatus misere periit, dit cet auteur, renuntiaturus, credo, in reliquis illis quos finxit mundis, quonam pacto homines blasphemi et impii a Romanis tractari solent. {b} Ce Scioppius avait sans doute l’âme atroce ; et il était bien loin de deviner que cette idée des mondes, qu’il tourne en ridicule, illustrerait un jour deux grands hommes. » {c}


  1. « J’accepte la sentence que vous prononcez contre moi, peut-être avec grande frayeur. »

  2. « Ainsi périt-il misérablement brûlé, pour être renvoyé en ces autres mondes qu’il avait imaginés, à la façon dont les Romains ont coutume de traiter les blasphémateurs et les impies » : lettre de Caspar Scioppius (v. note [14], lettre 79) à Conrad Rittershusius (v. notule {b}, note [9], lettre latine 229), le 17 février 1600, jour même de l’exécution de Giordano Bruno.

  3. René Descartes (v. note [18], lettre 220) et Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) ; illustrerait est à prendre au sens d’« éclairerait ».

Le Patiniana citait le plus célèbre livre de Bruno : De l’infinito, universi et mondi [L’Infini, l’univers et les mondes] (Venise, sans nom [Londres, John Charlewood], 1584, in‑8o de 175 pages, divisé en cinq dialogues). L’atome et le vide ont figuré parmi ses sujets préférés de réflexion : « Il n’y a, selon lui, de plein absolu que dans la solidité de l’atome, et de vide absolu que dans l’intervalle des atomes qui se touchent » (Diderot).

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (pages 49‑50).

41.

Bayle a aussi conclu son article sur Brunus en disant que « d’habiles gens prétendent que M. Descartes a pris de lui quelques-unes de ses idées », avec cette note E :

« M. Leibniz cite un savant mathématicien qui a observé que M. Descartes supprime le nom des auteurs qu’il pille ; et que c’est à Jordanus Brunus et à Kepler {a} qu’il est redevable de ses tourbillons. Voyez le Journal de Leipzig de 1682, à la page 187. {b} Le savant M. Huet, évêque d’Avranches, a donné un long détail des pensées que ce Brunus a pu fournir à Descartes. Extitit inter novitios Philosophos Jordanus quidam Brunus Nolanus, quem Cartesianæ doctrinæ antesignanum jure dicas : adeo accurate omnem peopemodum ejus compositionem præsignavit in eo Libro quem de Immenso et Innumerabilibus inscripsit. » {c}


  1. Johannes Kepler, v. notule {e}, note [28], lettre 211.

  2. Acta Eruditorum anno m dc lxxxii [Actes des savants pour l’année 1682] (Leipzig, Christoph Gunther, 1682, in‑4o), article de G.G.L. (Godefroy Guillaume Leibniz), intitulé Unicum Opticæ, Catoptricæ, et Dioptricæ Principium [Principe unique de l’optique, de la catoptrique et de la dioptrique] (pages 185‑190), où Leibniz dit en effet (au bas de la page 187) que Bruno et Kepler « auront pointé du doigt » (digitum intenderint) ce que Descartes s’est plus tard approprié sur les vortices mundani [tourbillons de l’univers].

  3. « Parmi les nouveaux philosophes s’est en vérité distingué un certain Jordanus Brunus Nolanus, dont vous diriez à raison qu’il a été le précurseur de la doctrine cartésienne, tant il a préfiguré presque tout ce qu’elle contient dans son livre intitulé De immenso et innumerabilibus [L’immensité et l’infini (1591)]. »

    Bayle a ajouté la référence exacte de sa citation de Pierre-Daniel Huet (1630-1721) : Censura philosophiæ Cartesianæ [Censure de la philosophie de Descartes] (Paris, Daniel Horthemels, 1689, in‑12, page 215).


42.

« tant par le vin que par la luxure. »

V. notes [30], lettre 195, pour Dominicus Baudius (Dominique Baudier) et ses lettres, et [24] du Grotiana 2 pour ses débauches.

Pour « l’histoire qu’il a faite de la trêve », j’ai corrigé une bien fâcheuse coquille du Patiniana imprimé : 1602 pour 1609 ; il s’agit en effet de la trêve de Douze Ans signée à Anvers le 9 avril 1609 entre les Provinces-Unies et l’Espagne (v. notes [6], lettre 453, et [10], lettre 529). Baudius en a raconté les précédents et les pourparlers, et transcrit les 38 articles dans ses Libri tres de Induciis belli Belgici [Trois livres sur la Trêve de la guerre flamande] (Leyde, Ludovicus Elzevirius, 1613, in‑4o de 318 pages).

Cet article du Patiniana imprimé ne vient pas du manuscrit de Vienne.

43.

Ancillariolus figure dans cette amusante épigramme de Martial À Alauda (livre xii, lviii) :

Ancillariolum tua te vocat uxor, et ipsa
Lecticariola est : estis, Alauda, pares
.

[Ta femme t’appelle coureur de servantes, elle-même court les porteurs de litières. Vous vous valez bien, Alauda].

Le Dictionnaire de Trévoux définit ainsi le mot ancillariole :

« Mot forgé du latin ancillariorus. Il se trouve dans la Bibliothèque des gens de cour, {a} encore y est-il en italique ; il signifie, selon le Dictionnaire de Boudot, {b} un homme “ qui se plaît à caresser les servantes, qui en est amoureux ”. Guillaume Colletet {c} avait épousé trois servantes, il était ancillariolus. »


  1. François Gayot de Pitaval : Bibliothèque des gens de cour, ou Mélange curieux des bons mots de Henri iv, de Louis xiv, de plusieurs princes et seigneurs de la cour, et autres personnes illustres… (Paris, Théodore Le Gras, 1725, in‑12).

  2. Dictionarium universale Latino-Gallicum… [Dictionnaire universel latin-français] édité par le libraire-imprimeur parisien Jean Boudot, dont il existe de multiples éditions.

  3. V. note [5], lettre latine 12.

Le vin de Beaune, « vin des dieux » était (avec celui d’Aï) vinum Dei, « vin de Dieu », pour le même Baudius, dans les lettres de Guy Patin à André Falconet, le 5 décembre 1656 (v. sa note [10]), et à Charles Spon, le 18 janvier 1658 (v. sa note [6]).

44.

V. notes :

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 21).

45.

V. note [7], lettre 855, pour Ange Politien (Angelo ou Agnolo Poliziano), né à Montepulciano, près de Sienne, en 1454. Cette origine lui servit à forger son nom de plume. Les biographes lui attribuent le patronyme officiel d’Ambrogini, mais il semble fort acrobatique de transformer Angelo Ambrogini en « Jean Petit ».

V. notes [8], lettre 584, pour le Dialogus Ciceronianus [Dialogue cicéronien] d’Érasme, écrit en 1528 contre le style de Cicéron, et [3], lettre latine 331, pour les trois interlocuteurs qui y interviennent. Il est question de Politien dans cet échange de Nosoponus [N] avec Bulephorus [B] (édition de Leyde, Jean Maître, 1643, in‑12, pages 158‑159) :

[B]. Bene habet : unum, ni fallor, reperi, quem non reiicies, Angelum Politianum. Nam Marsilium Ficinum proferre non audeo.
[N]. Fateor,
Angelum prorsus angelica fuisse mente, rarum naturæ miraculum, ad quodcunque spiriti genus applicaret animum : sed nihil ad phrasim Ciceronis ; diversis virtutibus suspiciendus est.

[(B). Très bien : j’en ai trouvé un que, si je ne me trompe, tu ne rejetteras pas, c’est Ange Politien ; car je n’ose pas parler de Marsile Ficin. {a}
(N). Ange a été d’une intelligence absolument angélique, une rare merveille de la nature, quel qu’ait été le genre de réflexion auquel il a appliqué son esprit ; mais sans rien emprunter à la phrase de Cicéron ; on doit l’admirer pour ses diverses vertus].


  1. Humaniste toscan du xve s., v.  note [109] de la thèse sur la Sobriété (1647).

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 16).

46.

Ces deux articles ne figurent pas dans le manuscrit de Vienne. Ils ont été repris mot pour mot de deux lettres que Guy Patin a écrites à :

47.

« mais je ne sais pas exactement où et en quelle année ».

Étienne Dolet (Orléans 1508 ou 1509-Paris 1546), humaniste et imprimeur, paya très cher ses sympathies pour Calvin, dont l’Institution de la religion chrétienne a été publiée pour la première fois en français en 1541 (v. note [3], lettre 475).

Outre l’abondante production de son imprimerie, où figure l’une des toutes premières éditions, sinon la première (1533), du Pantagruel de Maître Alcofrybas Nasier, Dolet a rédigé de nombreux livres de philologie française et latine, dont un Dialogus de Imitatione Ciceroniana, adversus Desiderium Erasmum Roterodamum, pro Christophoro Longolio [Dialogue sur l’Imitation de Cicéron, contre Érasme de Rotterdam (v. supra note [45]), pour la défense de Christophe de Longueil (v. note [53] du Naudæana 2)] (Lyon, Sébastien Gryphe, 1535, in‑4o), où il fait discuter Simon Villanova (le précepteur de Dolet à Padoue) avec Thomas More (v. note [4], lettre latine 435).

Étienne Dolet s’est défendu de l’accusation portée contre lui pour luthéranisme dans ses :

Orationes duæ in Tholosam. Eiusdem Epistolarum libri ii. Eiusdem Carminum libri ii. Ad eundem Epistolarum amicorum liber.

[Deux Discours contre Toulouse. Avec : deux livres de ses Lettres ; deux livres de ses Poèmes ; un livre de Lettres que ses amis lui ont écrites]. {a}


  1. (Lyon, Gryphe, 1533, in‑8o de 247 pages.

Bayle a cité le Patiniana à la fin de l’article qu’il a consacré à Dolet. Il y commente ce passage du Patiniana :

« On a dit “ qu’il était bâtard de François premier, mais qu’il n’était pas reconnu tel ”. {a} Je ne saurais croire qu’il fût le fils de ce monarque : je sais bien qu’il était encore jeune lorsqu’il publia deux tomes in‑fo l’an 1536, mais je ne saurais me persuader qu’il le fût assez pour pouvoir être fils d’un homme qui était né l’an 1494. » {b}


  1. Notule 8 de Bayle :

    « C’est ce qu’il écrivit à Arnoul Ferron. Voyez sa xive lettre, à la page 35 de l’édition de Toulouse, in‑4o, 1620. »

    Cette référence ne correspond à aucun ouvrage que j’aie su trouver. Les Epistolarum libri ii [Deux livres de Lettres] de Dolet (Lyon, 1533, cités supra) en contiennent trois qu’il a écrites de Toulouse (sans indication d’année) à Arnoldus Ferronus, mais je n’y ai pas lu d’aveu sur sa royale bâtardise. Dolet y remerciait son ami de lui avoir concilié les bonnes grâces de Scaliger…

  2. Bayle ignorait apparemment que Dolet était né en 1508 ou 1509 : il avait donc passé 25 ans quand il publia le premier tome de ses Commentariorum linguæ latinæ [Commentaires de la langue latine] (Lyon, Sébastien Gryphe, 1536, in‑fo, second tome paru en 1538) ; quant au futur François ier, il n’aurait pas été un prince d’exception en engendrant un bâtard dans la belle vigueur de ses 14 ou 15 ans. Presque tous les critiques s’accordent néanmoins à réfuter cette légende.

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 17).

48.

Hypercriticus [Hypercritique] est le titre du livre vi des Poetices [Poétiques] de Jules-César Scaliger (Lyon, 1561, v. note [5], lettre 407), consacré aux poètes latins de son siècle. Il y traite Étienne Dolet d’athée dans ce passage (page 305) :

Doletus vero etiam Musarum carcinoma aut vomica dici potest. Nam præter quam quod in eo tam grandi corpore (ut ait Catullus) ne mica salis, quidem : vult insanum agere Tyrannum in Poesi. Ita suo arbitratu Virgilianas gemmas suæ inserit pici, ut videri velit sua. Ignavus loquutuleius, qui ex tessellis Ciceronis febriculosas quasdam conferruminavit (ut ipse vocat) orationes : ut docti iudicant, latrationes : putavit tantundem licere sibi in divinis opibus Virgilianis. Ita dum optimi atque maximi Regis Francisci fata canit : eius nomen suo malo fato functum est. Quodque tum illi, tum illius versibus debeatur, solus passus est Atheos flammæ supplicium. Flamma tamen cum puriorem non efficit : ipse flammam potius efficit impuriorem. In Epigrammatum vero colluvionibus atque latrinis illis, quid eius tibi sordes dicam ? Languida, frigida, insulsa, plenissima illius vecordiæ, quæ summa armata impudentia ne Deum quidem esse professa est. Quapropter quemadmodum summus philosophus Aristotelis in Natura animalium fecit, ut post ennarratas partes quibus constituuntur, etiam excrementorum faciat mentionem, hic ita eius legatur nomen, non tanquam poetæ, sed tanquam poetici excrementi.

[On peut même véritablement dire que Dolet est le cancer ou l’abcès des Muses. Hormis qu’il n’y a pas même en lui ni en tout ce grand corps le moindre grain de sel (comme dit Catulle), {a} le fait est qu’il se comporte en poésie comme un tyran insensé. Ainsi greffe-t-il sciemment à sa poix des bourgeons virgiliens, en voulant faire croire qu’ils sont de lui : c’est un bavard oiseux qui, en prenant des tasseaux de Cicéron, a composé ce qu’il appelle des discours, mais que les gens instruits tiennent pour des aboiements enfiévrés ; ce faisant, il a pensé se donner la valeur des divines beautés de Virgile. Ainsi a-t-il lamentablement tué sa réputation, quand il a chanté la destinée du très bon et très grand roi François. {b} Pour tout égard dû à ses vers et à sa personne, c’est en athée qu’il a souffert le supplice de la flamme ; {c} le feu ne l’a pourtant pas purifié, car c’est plutôt lui qui en a souillé les flammes. Que vous dirai-je de ses ignominies, contre ces égouts et ces latrines que sont ses épigrammes ? Elles sont molles, froides, insipides, débordantes d’extravagance et hérissées de cette impudence qui n’a pas même admis l’existence de Dieu. Aristote, cet immense philosophe, quand il a discouru sur la nature des animaux, a décrit les parties qui les constituent, sans même omettre leurs excréments : voilà pourquoi il faut lire ici de nom de Dolet non pas comme celui d’un poète, mais comme celui d’un excrément poétique]. {d}


  1. V. note [42], lettre 487.

  2. Francisci Valesii Gallorum Regis Fata. Ubi rem omnem celebriorem a Gallis gestam nosces, ab anno Christi m. d. xiii. usque ad annum ineuntem m. d. xxxix. Stephano Doleto Gallo Aurelio Autore.

    [La Destinée de François de Valois, roi de France. {a} Où vous apprendrez tout ce que les Français ont fait de remarquable depuis l’an 1513 jusqu’à la présente année 1539. Par Étienne Dolet, Français natif d’Orléans]. {b}

    1. François ier (1515-1547).

    2. Lyon, sans nom, 1639, in‑4o de 79 pages.
  3. Dans sa note C sur Dolet, Bayle a transcrit entièrement toute cette citation de Scaliger, qu’il a introduite en disant :

    « Ses vers latins ont paru à Gruterus dignes d’être insérés dans les Délices des poètes français, {i} et s’ils ne sont pas excellents, ils sont encore moins dans le degré d’imperfection où Jules-César Scaliger les représente. L’emportement de ce critique contre Dolet a quelque chose de si outré et, si j’ose le dire, de si brutal, qu’on ne saurait s’empêcher de croire qu’un ressentiment personnel dirigeait la plume de ce grand homme. Je citerai tout le passage : on y verra Dolet puni du dernier supplice, non pas pour ce qu’on appelait luthéranisme, mais pour athéisme. »

    1. Thesaurus criticus [Trésor critique] de Janus Grüter (Francfort,  volumes, 1602-1634, v. note [9], lettre 117).

  4. Dans la suite de sa note C, Bayle a ainsi expliqué la férocité de Scaliger :

    « Dolet s’ingéra de courir sur les brisées de Scaliger : il écrivit contre Érasme en faveur de la secte cicéronienne, {i} après que Scaliger eut soutenu cette cause. Il n’y a guère d’auteurs à qui un tel procédé soit agréable. On le regarde comme un dessein affecté, ou de surpasser le premier tenant, ou de lui ôter la gloire d’être le seul qui rompe un lance. On croit même que celui qui se vient mêler du combat, prétend que la cause a été mal soutenue, et qu’elle a besoin de secours. Si tel est pour l’ordinaire le naturel des auteurs, jugez quelle fut l’indignation de Scaliger quand il vit Dolet sur les rangs, et qu’il prétendit le surprendre dans plusieurs mauvais artifices. Il prétendit, entre autres choses, que les plus beaux ornements de sa harangue avaient été pillés par Dolet et placés dans un faux jour ; et pour ce qui est des louanges que Dolet lui avait données, il ne lui en savait point gré, elles vinrent après coup et de trop mauvaise grâce pour réparer la première offense. »

    1. Dialogus de Imitatione Ciceroniana de Dolet [Dialogue sur l’Imitation de Cicéron] (Lyon,1535, v. supra note [47]).

    On peut ajouter à cela l’orgueil démesuré et la méchanceté sans égale de Scaliger.


49.

Le livre i des Epigrammata [Épigrammes] de George Buchanan (v. note [11], lettre 65) en contient trois qui parlent d’Étienne Dolet (Poemata, Amsterdam, 1641, v. première notule {a}, note [11], lettre 65) :

  1. Page 374, In hominem vanum [Contre un imposteur] :

  2. Dum blitea insani compilas scripta Doleti,
    Et blateras nullo jurgia tincta sale,
    Quicquid agunt alii præ te contemnis, et uni
    Se tibi dat Phœbus, Pieridesque favent.
    Solus agas recte per me licet omnia ; sed dum
    Omnia te solo judice solus agas
    .

    [Tu déchires les méprisables écrits de l’insensé Dolet et tu balbuties des disputes qui ne sont teintées d’aucun esprit, tu méprises tout ce que les autres font avant toi : c’est à toi seul que Phébus confère du talent et que les Piérides {a} accordent leurs faveurs. Bien que tu me doives tout ce que tu fais de bien, tu juges ne devoir qu’à toi tout ce que tu fais]. {b}


    1. V. notes [8], lettre 997, pour Phébus (Apollon), et [4] (notule {g}), lettre latine de Reiner von Neuhaus, datée du 15 mai 1664, pour les Piérides.

    2. La cible de Buchanan (1506-1582) était moins Dolet qu’un poète qui le dénigrait, et qui se prenait pour le prince des écrivains, bien qu’il pillât les vers de ses contemporains. Jules-César Scaliger (1484-1558) pouvait bien être ce vaniteux…

  3. Page 378, In Dolætum [Contre Dolet] :

    Carmina quod sensu careant, mirare, Doleti ?
    Quando qui scripsit carmina, mente caret
    .

    [Êtes-vous surpris que les poèmes de Dolet manquent d’esprit ? Voilà ce qui arrive quand celui qui écrit des vers manque d’esprit].

    Le Patiniana en donne la transcription quelques lignes plus bas (v. infra note [51]).

  4. In St. Doletum [Contre Ét. Dolet] : {a}

    Verba Doletus habet (quis nescit ?) splendida ; verum
    Splendida nil præter verba Doletus habet
    .

    [Dolet a de brillants mots (qui ne le sait ?) ; mais en dehors de brillants mots, Dolet n’a rien].


    1. Cette troisième épigramme ne figure pas dans l’édition des Poemata dont disposait Guy Patin (Amsterdam, 1641, v. première notule {a}, note [11], lettre 65). Je ne l’ai vue que dans les Opera omnia [Œuvres complètes] de Buchanan, Tomus secundus, Pars prima [Second tome, première partie] (Leyde, Johannes Arnoldus Langerak, 1725, in‑4o), épigramme lxvii, page 376.

50.

« Naguère, tu te plaisais à dire les âmes mortelles ; mais désormais, Dolet, tu souffres qu’elles soient immortelles. »

Andreas Frusius est le nom latin d’André des Freux, écrivain et pédagogue jésuite français (Chartres vers 1515-Rome 1556), proche collaborateur d’Ignace de Loyola. Le Patiniana citait ici la 88e de ses Epigrammata in Hæreticos [Épigrammes contre les hérétiques]. {a} La 87e (même page), plus cruelle encore, est intitulée In Doletum [Contre Dolet] :

Nil homini præter famam superesse putasti
Et studium, ut fieres clarior, omne fuit.
Quam bene successit famosus namque Doletus,
Inter Christicolas ethnica scita probans.
Sique parum vixit clarus, clarissimus ille est
Mortuus, ut magnæ flamma corusca pyræ
.

[Tu as pensé que rien ne survivait en l’homme que sa renommée, et qu’étudier pour te rendre plus connu fut tout ce qui a compté pour toi. Le fait est bien que Dolet est parvenu à se rendre fameux en prêchant des opinions païennes parmi les christicoles. {b} Sa célébrité a duré peu de temps, mais sa mort l’a rendu bien plus célèbre, quand a étincelé la flamme du grand brasier].


  1. Brno [Tchéquie], Christophorus Haugenhofferus, 1615, in‑8o, de 111 pages, pour l’une de plusieurs éditions ; les épigrammes 87 et 88 sont à la page 42.

  2. Christicole : « adorateur du Christ, mot du langage des adversaires du christianisme ou des gens qui n’y appartiennent pas » (Littré DLF).

51.

Cet article du Patiniana est mal construit : sa fin, sans doute ajoutée par remords, comble deux lacunes du texte qui la précède.

52.

V. note [25], lettre 925, pour Marcellus Palingenius (déjà mentionné cette première partie du Patiniana, v. supra note [13]), son anticlérical « Zodiaque de la vie » (Amsterdam, 1628) et sa crémation posthume pour hérésie.

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 2).

53.

V. notes [7], lettre 9, pour Conrad Gesner, « le Pline de l’Allemagne », et quelques-uns de ses nombreux ouvrages, et [6], lettre 5, pour le charbon de la peste.

Cet article est dans le manuscrit de Vienne (page 17), mais le précédent, sur Gabriel Naudé, n’en vient pas et ne figure pas non plus dans une lettre de Guy Patin.

54.

V. notes [21], lettre 7, et [6], lettre latine 356, pour le médecin italien Prospero Marziano (mort en 1624) et ses commentaires sur les œuvres d’Hippocrate, incluant ses Aphorismes (Rome, 1626 pour la première de trois éditions).

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 20).

55.

Bartholomæus Riccius (Bartolomeo Ricci, Lugo 1490-Ferrare 1569), humaniste et poète italien, a notamment publié trois livres De Imitatione [Sur l’Imitation] (plusieurs éditions, dont une à Paris, B. Turrisanus, sous la marque des Alde, 1557, in‑16) et huit livres d’Epistolarum familiarum [Épîtres familières] (Bologne, sans nom, 1560, in‑8o). L’une d’elles (page 142 ro), datée de Ferrare le 15 mars 1556, est adressée à Jules-César Scaliger (1484-1558) : elle ne contient pas le propos ironique rapporté par le Patiniana, mais nous apprend que les deux hommes s’étaient connus à Venise 35 ans plus tôt, sans s’être jamais revus depuis ; en outre Ricci s’y désolait de n’avoir jamais reçu la moindre réponse à plusieurs lettres qu’il avait adressées à son ancien ami.

V. note [4], lettre 692, pour Maximilen ier s., qui régna sur le saint Empire romain germanique de 1508 à1519 et qui participa aux guerres d’Italie du nord contre les Français sous le règne de Louis xii.

Dans sa lettre du 1er avril 1653, Guy Patin écrivait à Charles Spon que selon Gilbert Génébrard et Caspar Scioppius, Scaliger avait été moine (v. sa note [7]). Personnage brillant mais extrêmement vaniteux, Scaliger a en bonne partie inventé sa noble naissance et les hauts faits de sa jeunesse, dont il a parsemé ses écrits (et qu’a repris son fils Joseph), pour en tirer gloire (v. note [5], lettre 9).

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (pages 18‑19).

56.

« l’un est natif de Sienne, l’autre de Dalmatie. »

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 19).

57.

Excellent helléniste, Francesco Patrizi, le Croate, a édité les :

Ioannis Philoponi breves, sed apprime doctæ et utiles expositiones. In omnes xiiii. Aristotelis libros eos qui vocantur Metaphysici. Quas Franciscus Patricius de Gæcis Latinas fecerat. Nunc primo typis excussæ in lucem prodeunt.

[Brèves mais très savantes et utiles exégèses de Jan Philopon {a} sur l’ensemble des 14 livres d’Aristote qu’on appelle Métaphysiques. Franciscus Patricius les a traduits du grec et publiés en latin pour la première fois]. {b}

Parmi un grand nombre d’autres ouvrages, Patricius a aussi publié une :

Magia philosophica, hoc est Francisci Patricii Philosophi Zoroaster, et ejus 320 Oracula Chaldaica, Asclepii Dialogus, et Philosophia magna Hermetis Trismegisti, Poemander, Sermo Sacer, Clavis, Sermo ad filium, Sermo ad Asclepium, Minerva mundi et alia Miscellanea. Jam nunc primum ex Biblioteca Ranzoviana e tenebris eruta et latine reddita

[La Magie philosophique de Franciscus Patricius, philosophe, qui contient : Zoroastre {c} et ses 320 Oracles chaldéens ; le Dialogue d’Esculape et la grande Philosophie d’Hermès Trismégiste, {d} son Pimandre, {e} son Sermon sacré, sa Clé, le Sermon à son fils, le Sermon à Esculape, la Minerve du monde et autres œuvres mêlées. Tirés pour la première fois des ténèbres de la bibliothèque de Henricus Ranzovius {f} et traduits en latin]. {g}


  1. Ioannes (Jean) Philopon est un grammairien, philosophe, théologien chrétien et auteur prolifique d’Alexandrie au vie s.

  2. Ferrare, Dominicus Mamarellus, 1583, in‑fo de 134 pages (dont je n’ai pas trouvé d’édition vénitienne).

  3. V. notule {b}, note [49] du Borboniana 1 manuscrit.

  4. V. note [9], lettre de Thomas Bartholin, datée du 18 octobre 1662.

  5. V. notule {c}, note [32] du Borboniana 3 manuscrit, pour cet écrivain et politique danois, dont ce livre contient un portrait, orné de son emblème :

    Dies mortis æternæ vitæ natalis est.
    Sementis est mors Unde vita pullulat
    .

    [Le jour de la mort est celui où naît la vie.
    La mort est l’esemencement d’où se propage la vie].

  6. Premier livre du corpus hermétique où Pimandre (Poïmandrès) est une allégorie de l’Esprit divin.

  7. Hambourg, Wolff, 1593, in‑8o de 506 pages.

58.

« le profit du profit qu’on a refusé » : « de l’intérêt d’être désintéressé. »

V. notes [10], lettre 86, pour Fabrice d’Aquapendente (Gerolamo Fabrizio), et [20] du Faux Patiniana II‑7 pour la source de cette anecdote.

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 21).

59.

« le sacrifice du profit qu’on a refusé » ou bien « la pénalité pour le profit qu’on a refusé. »

60.

« Il a beaucoup écrit. Nicolo Franco, natif de Bénévent, fin connaisseur en littérature grecque et latine, aida l’Arétin, qui ne savait pas le latin, mais le quitta parce que son salaire ne répondait pas à son travail ; puis il écrivit contre lui. Initié au ministère de l’Église, il retomba dans la maladie de médire et fut soumis au supplice. Il a écrit des lettres, des dialogues et des épigrammes latines. »

V. note [19], lettre 488, pour Teofilo Folengo, dit Merlin Coccaye (Merlinus Cocaius). Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (pages 21‑22).

Nicolo ou Niccolo Franco (Nicolaus Francus, Bénévent, Campanie 1515-Rome 1570), écrivain italien, a parcouru l’Italie pour mettre sa plume au service de divers maîtres. Le plus célèbre fut l’Arétin, {a} dont il devint le secrétaire en 1537 ; mais ils se querellèrent et se séparèrent en 1539. Franco provoqua le scandale en publiant en 1541 les Rime contro Pietro Aretino [Vers contre Pietro Aretino] et la Priapea [Priapée], recueil anonyme de sonnets licencieux et satiriques. {b} Condamné par l’Inquisition en 1558, il fut incarcéré quelques mois, et rédigea un virulent pamphlet contre le pape Paul iv : {c} Commento sopra la vita et costumi di Giovan Pietro Carafa che fu Paolo iv chiamato, et sopra le qualita de tutti i suoi et di coloro che con lui governaro il pontificato [Commentaire sur la vie et les mœurs de Giovanni Pietro Carafa, qui a pris le nom de Paul iv, et sur la qualité de tous ceux qui ont gouverné avec lui pendant son pontificat] (j’ai corrigé le Patiniana qui donnait Pie v pour cible de ce pamphlet). Pie iv {d} n’en prit pas gravement ombrage, mais son successeur, Pie v {e} traduisit Franco devant l’Inquisition, qui le condamna à être pendu sur le pont Saint-Ange. Sa biographie donnée par l’Encyclopédie Treccani conteste la rumeur selon laquelle il aurait été ordonné prêtre.

Les Dialogi piacevoli (1554) ont été mis en français :

Dix plaisants Dialogues du S. Nicolo Franco, contenant 1. Le Débat de Sannio et des dieux. 2. La Harangue d’un pédant en enfer ; 3. Les Alchimies et chimères pour acquérir renom. 4. L’Examen d’aucunes armes par Caron. 5. L’Œconomie d’un serviteur qui reprend son maître et la manière de faire argent. 6. Le Récit d’aucunes requêtes envoyées au ciel. 7. La Condamnation des âmes des poètes en enfer. 8. La Fontaine Caballine enseignant toutes sciences. 9. Le Débat du philosophe et du poète. 10. Le Poète qui se préfère au prince. Traduits de l’italien en français. {a}


  1. V. note [26], lettre 405.

  2. V. note [20], lettre 345.

  3. Mort en 1559, v. note [9], lettre 317.

  4. Pape de 1559 à 1565, v. note [5], lettre 965.

  5. Pape de 1566 à 1572, v. note [3], lettre 61.

  6. Lyon, Jean Béraud, 1579, in‑8o de 522 pages

C’est l’ouvrage qui a pu faire dire à Guy Patin (car il ne lisait pas l’italien) que Franco a été le « Rabelais d’Italie ». Un bon échantillon de son style se lit dans ce passage où Sannio blâme l’arrogance d’Esculape parvenu au faîte de sa gloire (premier dialogue, pages 57 ro‑58 ro) :

« Quand les mécaniques {a} parviennent à quelque degré, ils haïssent l’art qu’ils ont exercé. Devant que tu fusses dieu, tu ne faisais autre chose que médiciner, jusques aux chevaux mêmes qui passaient par tes mains ; et maintenant que tu es adoré, tu ne te soucies plus de médecine : tu ne veux plus faire ce métier puisque tu es devenu riche, de manière que tu as honte d’être médecin. Quand tu étais en terre, la médecine ne te semblait pas vile, comme elle est. À cette heure-là, tu n’avais mal au cœur des fistules, des chancres, de la vérole. Par Dieu, c’est une grande faute de donner matière de se faire grand à qui est excellent en son art, pource que quand on vient à celui-là on n’ose parler à lui. Les forfants {b} de poètes ont grand tort de t’avoir appelé le dieu épidaurien, le dieu asclépien, le dieu coronide, {c} pource que tu en es devenu fier et arrogant. Quand Minos te mit en prison, te contraignant de lui faire revivre son fils, qui était suffoqué en du miel, tu n’usas point de prééminence, mais, et par paroles et par la vertu des herbes, tu fis miracles ; {d} et maintenant, au besoin, {e} tu me veux tourner le dos. Ô la grande poltronnerie, vraiment naturelle à tous les médecins, qui veulent avoir les mains dorées ! Autrement, si n’est par force, ne daigneraient pas faire un pas pour un patient, mais je te connais Esculape. Ce n’est pas à dire que de mille lieues tu volasses aux étoupes et aux emplâtres, {f} car il est force que quiconque naît escarbot {g} se vautre et fouille toujours en la merde ; mais il y a bien un point, c’est qu’il y a à craindre que Jupiter ne te foudroie une autre fois, {h} te voyant à toute heure rendre la vie aux morts, de manière qu’étant ôté et effacé des lettres rouges du calendrier, {i} il te convienne retourner à tes Recipe pillularum fœtidarum, etc. {j} et faire la médecine comme autrefois. Tu es un sot (ne te déplaise) car tu devrais faire dresser tous les jours la tête aux défunts, pour être journellement foudroyé, et journellement canonisé pour un dieu, pource qu’au bout d’un an, tu deviendrais patriarche de ce ciel, de manière que le moindre de tes ferrements à médiciner {k} serait plus que le sceptre de Jupiter. » {l}


  1. Artisans.

  2. Coquins.

  3. Esculape était réputé fils de Coronis et d’Apollon.

  4. Ovide (Fastes, livre vi, vers 746‑754) a attribué à Coronides [le fils de Coronis] (Esculape) ce qu’Apollodore d’Athènes (douteux grammairien grec du iiie s. av. J.‑C.) a dit du devin Polyidos (Polyide) dans la fable de Glaucos (Glaucon), fils de Minos, roi de Crète (Bibliothèque, livre iii, chapitre 3, § 1) :

    « Glaucos, encore enfant, alors qu’il pourchassait un rat, tomba dans une jarre de miel, et mourut. Après sa disparition, Minos le chercha partout ; finalement, pour le retrouver, il recourut à la divination. Les Curètes {i} lui dirent que dans ses troupeaux se trouvait une génisse à trois couleurs ; que celui qui saurait comparer, de la manière la plus exacte, cette couleur à quelque chose d’autre, celui-là serait capable de lui ramener son fils vivant. Tous les devins furent convoqués. Polyidos, le fils de Coréanos, compara la couleur de la génisse au fruit de la mûre. On lui ordonna de rechercher l’enfant ; il le trouva, en suivant quelques signes divinatoires ; mais Minos lui répliqua qu’il devait lui remettre l’enfant encore vivant ; il enferma donc Polyidos avec le cadavre de Glaucos. Le devin ne savait vraiment pas quoi faire. C’est alors qu’il vit un serpent s’approcher du cadavre ; il se saisit d’un caillou et le tua, craignant pour sa propre vie s’il l’épargnait ; mais voilà qu’un deuxième serpent s’approche, il regarde le serpent mort, puis s’en retourne ; mais, peu après, il revient avec une herbe qu’il applique sur le corps du serpent mort. Comme cette herbe l’effleurait, le serpent revint à la vie. Polyidos resta stupéfait de tout ce à quoi il avait assisté. Aussitôt il prit cette herbe et la posa sur le cadavre de Glaucos, et l’enfant ressuscita. Minos eut à nouveau son fils, mais il ne voulut pas laisser partir Polyidos pour Argos, tant qu’il n’aurait pas enseigné à Glaucos l’art de la mancie. {ii} Contre son gré, Polyidos la lui enseigna ; mais au moment d’embarquer pour Argos, le devin demanda à Glaucos de lui cracher dans la bouche ; l’enfant obéit et, sur-le-champ, il oublia l’art de la divination. »

    1. Prêtres de Cybèle (Vesta, v. note [8], lettre latine 103).

    2. Magie divinatoire.

  5. Quand j’ai besoin de toi.

  6. V. note [69], du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii, pour les emplâtres. L’étoupe, autrement nommée charpie, était faite de « filets de vieille toile » et servait à panser les plaies.

  7. Scarabée, autrement nommé fouille-merde.

  8. V. la légende d’Esculape relatée par Fr. Noël dans la note [5], lettre 551.

  9. C’est-à-dire des saints du calendrier catholique.

  10. « ordonnances de pilules fétides, etc. »

  11. Instruments de chirurgie.

  12. Jolie diatribe qui n’a rien perdu de son actualité et qui put plaire à Patin, dont l’idéal médical était l’humble pratique de l’art, loin des honneurs, des prouesses et des fumeuses théories, juste bonnes à tromper les malades.

61.

« qui a beaucoup écrit. »

V. note [8], lettre 117, pour Marsilio Cagnati, « natif de Vérone », et les titres de quatre de ses ouvrages.

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 22).

62.

« Ô terribles procès, ô querelles furieuses des parties, etc. »

V. notes [7] et [9], lettre latine du 6 avril 1663, pour la méprise commise par Marck Zuerius Boxhorn (v. note [20], lettre de Samuel Sorbière écrite au début 1651) sur ces vers de Michel de L’Hospital (v. note [3], lettre 102), en les disant anonymes, dans ses « Poètes satiriques mineurs sur l’état corrompu de la république » (Leyde, 1633).

Cet article du Patiniana figure dans le manuscrit de Vienne (page 22).

63.

« En divers temps, je me suis trouvé trois épouses : comme jeune homme, comme homme mûr, et comme vieillard. La première s’est unie à moi pour le besoin de mes fougueuses années, la seconde pour ses richesses, la troisième pour me servir. »

V. note [6], lettre du 31 mars 1667 pour un copieux commentaire sur ce quatrain d’Étienne Pasquier (v. note [16], lettre 151) : Théodore de Bèze (v. note [28], lettre 176) ne fut par triumvir (trois fois mari), il n’eut que deux épouses.

Le manuscrit de Vienne (page 147) contient une version différente de cet article :

« Theodore de Bèze premier ministre de Genève mourut l’an 1605 dans le temps d’une éclipse de Soleil, à cause de quoi Ét. Pasquier fit ce distique :

Postridie eclypsis Solis Theodorus obivit :
Sol voluit tanto sole cadente pati
. » {a}


  1. « Théodore s’en est allé le lendemain d’une éclipse solaire : le Soleil a voulu souffrir qu’un si grand soleil se couche. »

    Ce distique figure dans les Stephani Paschasii Epigrammatum Lib. vii. Iconum Lib. ii. TumulorumLib. i [Sept livres d’Épigrammes, deux livres d’Images, un livre de Tombeaux d’Étienne Pasquier] (Paris, Jean Petit-pas, 1618, in‑8o, Tumulus 36, page 298), mais il est dédié à un nommé Diodorus, et non Theodorus.

    Théodore de Bèze mourut à Genève le 13 octobre 1605, une éclipse solaire eut bien lieu la veille, vers une heure de l’après-midi, durant un quart d’heure.


64.

Cet article ne vient pas du manuscrit de Vienne : il répète mot pour mot un passage de la lettre que Guy Patin a écrite à André Falconet le 29 décembre 1666 (2e paragraphe, v. ses notes [4] et [5]), sur la généalogie des Luynes-Chevreuse et sur l’assassinat de Concino Concini, marquis d’Ancre (v. supra note [11]).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Ana de Guy Patin : Patiniana I-1 (1701)

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(Consulté le 20/04/2024)

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