Pages 101‑153 [sic pour : 151] [a][1]
Qu’un sentiment nouveau ne vous surprenne pas, dit Lucrèce, [42] qu’il ne vous épouvante point, laissez agir votre raison, servez-vous de la subtilité de votre esprit, embrassez la vérité si elle vous paraît, mais armez-vous contre l’erreur :
Desine quapropter novitate exterritus ipsa
Expuere ex animo rationem, sed magis acri
Judicio perpende, et si tibi vera videntur,
Dede manus, aut, si falsum est, accingere contra. [7][43]
Gens ratione furens et mentem pasta chimæris. ”
“ Nous avons ici un savant personnage, nommé M. Ménage, [45] à qui ce vers a tant plu qu’il a souhaité plusieurs fois d’en être l’auteur, jusque là qu’il aurait voulu donner le meilleur de ses bénéfices. Il ne laisserait pas de faire bonne chère avec ceux qui lui resteraient, car il en a beaucoup d’autres. C’est de lui que nous attendons bientôt le beau Diogenes Laërtius grec et latin [46] in‑fo de Londres, avec de beaux commentaires. Il n’y a plus que l’épître dédicatoire de M. Ménage à envoyer, mais j’ai peur que cela n’aille pas si vite. La fin des grands livres est toujours accompagnée de quelque empêchement, outre que les libraires nesciunt proparare et ejusmodi finem non intelligunt. [47] Plutarque [48] a dit que la dernière pierre, qui mit fin au temple de Diane à Éphèse, [49] fut trois cents ans à être trouvée, taillée et appliquée à ce grand bâtiment. ” J’ai lu aussi quelque part que ce qui est longtemps à faire doit durer longtemps. Les ouvrages nés pour l’immortalité ne se produisent pas tout d’un coup, leur perfection dépend de plusieurs années, et chaque année, le travail promet, ce semble, et leur vaut un siècle de gloire.
Je voudrais que quelque voyageur se fût avisé de faire la parallèle de Rome et de Paris. Pour moi, qui n’ai jamais vu cette ville, sans désirer d’aller à Rome, je vais décider d’une manière aussi juste qu’avantageuse en disant que si j’étais né Italien, j’aurais eu envie de venir voir Paris ; au lieu qu’après avoir vu Paris, ma curiosité ne m’a jamais fait former d’autres souhaits. [8]
Fecerit et postquam quidquid jubet ipsa medendi,
Norma, nisi valeat, subitoque revixerit æger,
Murmurat insipiens vulgus, linguaque procaci
Eloquitur de te convitia talia jactans :
Hei mihi quam stultum est medicorum credere nugis. [53]
Mais si l’on leur dit, ce n’est pas toujours leur faute, le mal est souvent au-dessus de l’art :
Non est in medico semper relevetur ut æger
Interdum docta plus valet arte malum. [54]
Les railleurs n’écoutent point de raisons, ils veulent rire à quelque prix que ce soit ; mais attendons ces rieurs, et nous verrons dans la suite qu’ils donneront sujet de rire aux médecins à leur tour, par l’empressement qu’ils montreront pour obtenir et pratiquer leurs ordonnances. [9][55]
Descendat tristem licet Atheus omnis in orcum,
Nullus in inferno est Atheus, ante fuit. [11][68]
On se trouve puni d’une manière à reconnaître un Dieu pour auteur de la vengeance ; il valait bien mieux ne point contester son existence dans le temps qu’il était encore permis d’implorer sa miséricorde. Vous trouverez cette réflexion belle pour un médecin. On nous accuse nous autres de n’avoir pas beaucoup de religion, je ne sais qui sont les hommes qui en ont. Pour moi, je suis simple dans ma créance, aveugle dans ma foi, nullement superstitieux, plus rempli de faiblesse que de malice ; mon esprit ne se révolte point contre les vérités essentielles ; il n’y a que mon peste de cœur qui s’avise de temps en temps de vouloir contredire les maximes de morale qu’il n’a pas le courage de suivre. Je travaille pourtant tous les jours à le mettre à la raison. Plaise à Dieu de m’en rendre maître ! [12][69]
« Comme vous soutenez seul tout le poids de tant d’affaires, que vous défendez cet Empire par vos armes, que vous l’embellissez par le bon exemple de vos mœurs, et que vous le réformez par vos lois, je ferais un tort considérable au public si j’occupais par un long discours des moments qui lui sont infiniment précieux. »Quum tot sustineas et tanta negotia solus,
Res Italas armis tuteris, moribus ornes,
Legibus emendes, in publica commoda peccem,
Si longo sermone morer tua tempora, Cæsar.
Un auteur ne se croit pas responsable du temps qu’il fait employer dans la lecture de louanges insipides ; je voudrais qu’on supprimât cet usage, aussi bien que celui des mauvaises harangues. Ceux qui les font perdent un temps considérable, et en font aussi perdre beaucoup à ceux qui les écoutent. [13]
Si consilium vis,
Permittes ipsis expendere numinibus quid
Conveniat nobis, rebusque sit utile nostris ;
Nam pro jucundis optissima quæque dabunt dii
Charior est illis homo quam sibi.« Si vous voulez suivre mon conseil, laissez aux dieux à juger ce qui nous convient et ce qui nous est de plus avantageux. Au lieu des choses qui peuvent ne nous être qu’agréables, ils nous donneront les nécessaires : ils aiment plus l’homme que l’homme ne s’aime lui-même. »
À vous l’avouer, je sens un grand plaisir en lisant une vérité si chrétienne, écrite par la plume d’un païen. Oui, les hommes ignorent l’art de régler leurs souhaits, ils se perdent dans de vastes projets, ils forment des demandes injustes et lassent le ciel par des vœux criminels. Ils mériteraient, pour être punis, que ce même ciel, dont ils contredisent les volontés équitables, permît l’exécution de leurs frivoles et mauvais désirs.
L’homme n’a véritablement raison que de former trois souhaits : avoir de la santé, jouir d’un peu de bien, posséder une grande sagesse. Je me contenterais fort de cette dernière ; mais comme je suis né pour la guérison des malades, ma profession m’engage à travailler à me bien porter ; à l’égard des richesses, je les compte pour peu de chose. Vous diriez que je parle en philosophe : n’est-ce pas bien fait d’écrire ce que l’on pense. [14]
La découverte mystérieuse des desseins des princes donne bien du prix à leur histoire ; mais il faut que cela soit fondé sur la vérité, et non sur l’imagination d’un historien qui affecte de deviner. [15]
Donec erunt ignes arcusque Cupidinis arma,
Discentur numeri, culte Tibulle, tui. [17]
« Lorsque le vin, dit-il, par sa violence et sa subtilité, a pénétré jusque dans l’intérieur, de sorte que la fureur s’est répandue dans les veines, l’homme sent ses membres pesants, ses pieds chanceler ; ses jambes s’embarrassent, sa langue bégaye, son esprit est noyé, ses yeux semblent flotter dans cette liqueur : ensuite, viennent les cris, les sanglots et les querelles. »Cum vini vis peneravit
Acris, et in venas discessit diditus ardor,
Consequitur gravitas membrorum, præpediuntur
Crura vacillanti, tardescit lingua, madet mens,
Nant oculi, clamor, singultus, jurgia gliscunt. [18]
Je crains que ce médecin buveur n’ajoute encore quelque chose à l’original car, avec le vin, il envie à jouer et à faire l’amour : où cela ne mène-t-il point un homme ?
Dives eram dudum, fecerunt me tria nudum,
Alea, vina, venus, per quæ sum factus egenus.
Un de ces trois vices est capable de perdre un homme : que feraient tous les trois joints ensemble ? [19]
Dure vir, imposito teneræ custode puellæ,
Nil agis, ingenio quoque tuenda suo.« Cruel mari, vous ne gagnez rien en donnant à votre femme un gardien perpétuel, chaque femme se doit garder par elle-même. »
On a rapporté un trait d’Athénée : [92] c’est quand il dit que Cotys, roi de Thrace, [93] était si jaloux de sa femme qu’un jour, poussé par la fureur de cette passion, il la fit scier toute vive par le milieu du corps. Quoi qu’il en soit, on est convenu qu’un peu d’attention (sans pourtant faire semblant de rien) ne gâte rien dans la conduite d’une femme. La question serait jolie de savoir s’il entre plus de fureur dans la jalousie d’une femme, ou dans celle d’un homme. J’ai connu des jaloux de toute espèce, et j’ai eu beau pénétrer les causes de cette maladie, il ne m’a pas été possible d’y trouver un remède. L’homme a recours au fer, et la femme au poison ; celui-là n’a que des intervalles, celle-ci n’en a point ; la jalousie des hommes est subite, dure peu, n’est terrible que dans des moments ; la jalousie des femmes est une passion née avec elles, stable dans ses sentiments, furieuse dans ses suites. L’amour seul inspire la jalousie aux hommes ; tout en inspire aux femmes, l’amour, la haine, des intérêts de beauté ou de jeunesse. Un mari n’est jaloux que de sa femme ; une femme l’est et de son mari, et de ses amants, et de ses rivales, et d’elle-même ; elle craint que son mari ne plaise trop, elle appréhende de ne pas plaire assez ; et dans le même temps qu’elle veut arrêter un cœur dont elle redoute l’inconstance, elle donne le sien, prête à se désespérer si l’amant à qui elle l’offre en cherche d’autres. Je pousserais cette matière bien plus loin, mais il ne faut pas que j’en dise tant ; mon fils Carolus augurerait mal de ma jeunesse, il croirait que je l’aurais passée dans les galanteries, qui seraient d’un trop mauvais exemple pour un nouveau marié comme lui. [20]
Semper formosis fabula pœna fuit,« On a toujours fait des contes fâcheux des belles personnes », et on affecte, ce semble, de les mortifier en leur refusant le titre de vertueuses. [22]
Tyndaris [114] Iliadem fama super æthera vexit :
Implet Odysseam [115] gloria Penelopes. [116]
Penelopes-Helenæ [117] morientur nomina nunquam :
Hæc quoniam voluit, noluit illa, rapi.
Le parallèle est beau, je me promets qu’il sera bien traité. [26]
Personne n’ignore son mérite. On est fort heureux de trouver des gens qui sachent précisément ce qu’ils valent et qui ne poussent point trop loin la bonne opinion d’eux-mêmes. [30]
Un temple où l’on croit que la guérison peut s’obtenir est toujours plus fréquenté qu’un autre. Les hommes ne reconnaissent et ne ressentent que les maladies du corps ; les passions, les vices de l’âme, les défauts de l’esprit, la corruption du cœur, tout cela ne les inquiète point. Si j’avais un conseil à leur donner, ce serait de demander la guérison de ces maux, plutôt que de faire des pèlerinages où la dissipation a plus de part que la religion. Assurément, je deviendrai saint car je m’accoutume si fort à moraliser qu’il n’y a plus moyen que je puisse me passer d’être un homme de bien. [31]
« Fuyez ceux qui sont curieux car, pour l’ordinaire, ils sont grands parleurs ; ces sortes de gens ont toujours les oreilles ouvertes ; or des oreilles toujours ouvertes sont peu propres à retenir les secrets qui leur sont confiés. »Percontatorem fugito, nam garrulus idem est,
Nec retinent patulæ commissa fideliter aures.
Je déteste les grands parleurs, et je ne comprends pas comment il y a des gens assez dociles et assez indulgents pour écouter tranquillement leurs longues histoires, leurs fausses confidences, leurs détails ennuyeux. Je voudrais qu’il fût permis d’imposer rudement silence à ces hommes indiscrets. Ma coutume avec eux est de ne pas dire un mot, et mon plaisir ne commence que lorsqu’ils disparaissent. [34]
Hisce diebus Cajo cuidam cæco oraculum <………>, comedes nucleos pini una cum melle per tres dies et convaluit. [36][165][166][167][168][169]
Fata vocant, moriorque libens : valeatis amici,
Regia siderei me vocat alta poli.
At tu, Christe, novæ qui nobis gaudia vitæ
Reddis, et in supera das regione locum :
Huic abeunti animæ placidam largire quietem,
Ne mihi sit precium mortis inane tui.
Me liquor ille, tuo stillans e vulnere sancto,
Abluat ; hos æstus, hanc levet ille sitim. [40][191][192]
Ce poète, à ce que l’on peut juger par le caractère qu’on lui donne et les sentiments qu’on lui fournit, avait plus de religion que bien des faiseurs de vers que je connais, gens illa admodum prava et impia. Pourquoi cela ? Je crois en avoir trouvé la raison : ils sont toujours parmi ces dieux de la fable, ils exposent leurs désordres, ils méprisent leur pouvoir imaginaire. Il est difficile de ne point tomber insensiblement dans l’impiété et dans la corruption quand on est obligé de décrire celle des fausses divinités ; et à force d’examiner ces dieux fabuleux, on s’accoutume à croire qu’il n’y en a point de véritable, ou à moins à craindre celui dont on ne s’embarrasse pas de contester l’existence. Les auteurs ne sont pas coupables de ces pernicieuses extrémités, oratot vir bonus dit notre maître Cicéron, < sic pour : Quintilien > [193] « la probité est le principal caractère de l’orateur » ; celui du poète est le mensonge, l’erreur, la superstition, l’idolâtrie, quelquefois l’athéisme.
Les poètes latins sont plus impies que les nôtres, les poètes d’aujourd’hui ne sont que libertins, mais cela mène bientôt à l’impiété. [41][194]
J’aime assez les gentillesses de nos poètes français, ils ont de beaux tours, qu’ils doivent à la lecture d’Ovide : il n’y en a pas un qui ne sache par cœur < son > De Arte amandi, [195] et toutes les galanteries qu’on admire aujourd’hui sont puisées dans cette source.
Je ne veux point mépriser les petits, je ne veux pas même les négliger, car ils peuvent devenir grands. Combien ai-je vu de gens fiers, obligés de faire la cour à des malheureux qu’ils avaient autrefois humiliés et dédaignés ? Il en est de ceux-ci comme d’un petit arbrisseau qui devient un grand arbre : « Quand il était jeune et faible, sa main pouvait < sic pour : leurs mains pouvaient > l’arracher et enlever ses racines ; peu à peu fortifié et devenu gros, il résiste aux secousses des plus forts. » Cette comparaison n’est pas de moi, elle est bien décrite par Ovide, dans le livre i des Remed. amor. : [196]
Quæ præbet latas arbor spatiantibus umbras,
Quo posita est primum tempore virga fuit ;
Tum poterat manibus summa tellure revelli :
Nunc stat in immensum viribus aucta suis. [42]
Hic mediis habitamus aquis, qui credere possit ?
Et tamen hic nullæ Douza bibuntur aquæ. ”
L’eau croupie des marais et l’eau salée de la mer ne se boivent pas comme l’eau de la Seine [201] et d’Arcueil : [202] ainsi on a le déplaisir d’être au milieu des eaux, sans pouvoir se donner le plaisir de boire. Ces messieurs les Hollandais sont de vrais tantales.
Artémise [208] voulut signaler sa douleur par un auguste monument : ce tombeau où étaient enfermées les cendres de Mausole [209] passa pour une seconde Merveille du monde ; six des plus fameux architectes avaient longtemps travaillé à la perfection de cet ouvrage qui devint le sujet d’une admiration universelle. Il n’y eut que le philosophe Anaxagore [210] qui dit froidement, quand il le vit : Voilà bien de l’argent changé en pierre. [45] Cette métamorphose est aujourd’hui fort commune : il y a des hommes qui ne s’appliquent qu’à tirer l’or et l’argent du sein de la terre, d’autres hommes passent leur vie à l’y faire rentrer.
Aspicias oculos mando, frontemque legentis :
Ex tacito vultu scire futura licet.
Quand celui à qui vous présenterez mon placet le lira, examinez bien, je vous prie, ses yeux et les mouvements de son visage, afin de connaître ce que j’en puis conjecturer ; car quoiqu’on dise que frons oculi, vultus, persæpe mentiuntur, [213] il est vrai aussi que très souvent in facie legitur homo. [47][214]
Uxores ego tres vario sum tempore nactus,
Cum juvenis, tum vir factus, et inde senex.
Propter opus prima est validis mihi juncta sub annis,
Altera propter opes, tertia propter opem. ”
Cela n’aurait pas le même agrément en français : le jeu de mots opus, opes, opem fait ici fort bien. Au reste, je plains beaucoup un homme, surtout un homme de lettres, qui est obligé d’épouser une femme pour l’affranchir de la disette. Qu’il aura de reproches à essuyer de sa part, et qu’elle lui fera souvent sentir qu’elle est l’auteur de sa fortune !
Est genus hominum, qui esse primos se omnium rerum volunt
Nec sunt ; hos consector, hisce ego non paro me, ut rideant,
Sed eis ultro arrideo, et eorum ingenia admiror simul.
Quidquid dicunt laudo ; id rursum si negant, laudo id quoque.
Negat quis ? Nego ; ait ? Aio. Postremo imperavi egomet mihi
Omnia assentari. Is quæstus nunc est multo uberrimus.
Les sottes gens qui se laissent ainsi prendre par les oreilles, ce sont des espèces de cruches que chacun peut prendre par l’anse, et les porter où il veut. Cependant, dans l’usage du monde, il faut mettre cette complaisance : flatter, approuver et admirer. C’est là le vrai lieu de la société. Voulez-vous rompre en visière aux gens ? l’honnêteté ne le permet pas. Tant pis pour ceux qui veulent être flattés mal à propos. [53]
Pascitur in vivis livor, post fata quiescit,
Cum suus ex merito quemque tuetur honos.
Ovid. Amor. li. i. [54]
Tous les savants conviennent que ce Scaliger était de l’illustre famille des Scaliger, princes de Vérone. [237] Il n’y a qu’un certain Augustin Niphus [238] qui, pour se venger de ce que cet excellent auteur n’avait pas parlé de son aïeul, Niphus, [239] aussi favorablement qu’il le désirait, inventa cette fable sur sa généalogie : il dit qu’il était fils d’un maître d’école de Vérone, appelé Benoît Burden, lequel étant allé demeurer à Venise, se fit appeler Scaliger, à cause qu’il avait une échelle pour enseigner. Il y en a qui attribuent l’invention de cette fable à Melchior Guilandin, [240] qui la publia par ressentiment de ce que Scaliger avait fait remarquer des fautes dans ses commentaires sur le traité < sic pour : les chapitres > de Pline de Papyro. [57]
Les jalousies des auteurs produisent de terribles divorces. L’invective ne manque jamais de succéder à leur dépit : ce sont ces maudites guerres personnelles qui font tant de tort à la république des lettres. Pour une critique ingénieuse qui paraît, il y en a cent qui sont insipides, mauvaises, pitoyables ; et pendant qu’on s’amuse à les faire, on néglige d’autres ouvrages qui seraient meilleurs, plus utiles et moins scandaleux.
Une erreur de l’imprimeur a décalé les numéros des pages 150 et 151, qui sont numérotées 152 et 153. Cette coquille ne touche que ces deux pages, la numérotation redevient fidèle ensuite (début du Faux Patiniana II‑4).
Cet article est un emprunt des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin à la :
Nouvelle histoire d’Abyssinie, ou d’Éthiopie, tirée de l’histoire latine de M. Ludolf. {a} Enrichie de figures en taille-douce. {b}
Livre deuxième, pages 158‑159, chapitre ix, De la souveraineté, des revenus, de la puissance et de quelques manières de la cour des rois abyssins :
« La manière dont mangent le roi et les seigneurs est encore plus dégoûtante que celle des particuliers, dont j’ai parlé au premier livre. {c} Ce sont des femmes qui apportent les plats sur la table. {d} Aussitôt qu’elles ont servi, l’on tire un rideau pour empêcher que personne ne voie le roi pendant qu’il demeure à table ; et effectivement, on a raison de le cacher dans cette action car, comme ils s’imaginent que c’est une chose au-dessous de la dignité royale que le roi porte lui-même les morceaux à sa bouche, il y a des pages qui rompent, ou plutôt qui déchirent la viande avec leurs doigts, faute de couteaux, et mêlant du pain avec la soupe, la portent à la bouche du roi, quelquefois en si grande quantité qu’elle lui sort de la bouche comme à de jeunes pigeons qu’on pense. » {e}
- Iobi Ludolfi alias Leutholf dicti Historia Æthiopica, sive brevis et succincta descriptio Regni Habessinorum, quod vulgo male Presbiteri Iohannis vocatur. In qua libris quatuor agitur i. De natura et indole regionis et incolarum. ii. De Regimine politico, Regum successione etc. iii. De statu Ecclesiastico, initio et progressi religionis Christianæ etc. iv. De rebus privatis, literatura, œconomia, etc. Cum Tabula Capitum, et Indicibus necessariis.
[Histoire éthiopienne de Iobus Ludolfus, autrement dit Leutholf, {i} ou brève et sommaire description du royaume de Abyssins, qu’on appelle, vulgairement et improprement, du Prêtre Jean. {ii} Elle traite en quatre livres : i. de la nature et caractère de la région et de ses habitants ; ii. du régimee politique, de la succession des rois, etc. ; iii. du statut ecclésiastique, du débur et progrès de la religion chrétienne, etc. ; iv. des affaires privées, littérature, économie, etc. Avec une table des chapitres et les index nécessaires]. {iii}
- Hiob Ludolf ou Job Leutholf (Erfurt 1624-Francfort 1704), orientaliste et philologue allemand.
- V. note [1], lettre 697.
- Francfort, Balthasar Christophorus Wustius, 1681, in‑4o de 38 feuilles, bilingue (latin et téhiopien).
- Paris, veuve de A. Cellier, 1684, in‑8o de 275 pages.
- Premier livre, chapitre x (pages 59‑60) :
« Les Abyssins vivent très malproprement ; car comme ils ne se servent ni de cuillers, ni de fourchettes, ni de couteaux, ils sont obligés de couper leurs morceaux et de les porter à la bouche avec les doigts. Leur goût est si particulier qu’ils arrosent souvent de fiel la chair qu’ils mettent sur la table à demi cuite, et ce ragoût fait en eux ce que ferait parmi nos plus délicats la moutarde la plus exquise. »- La vaisselle de terre n’est pas dans l’édition française, mais les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin l’ont prise dans l’édition latine originale (où ce fragment correspond au chapitre 12 du livre ii, par R 2 vo) :
Dapes a fœmina inferuntur, non in aureis vel argenteis vasis, sed fictilibus patinis latis, minimeque profundis, nec furto aut rapinæ obnoxiis. Ex argilla nigra fiunt, et operculis e stramine affabre factis, pictisque ceu pileis teguntur.[Des femmes apportent les mets, non pas dans de la vaisselle d’or ou d’argent, mais dans des plats en terre, fort peu profonds et qui n’incitent pas au vol ou à la rapine. Ils sont faits d’argile noire, avec des couvercles ou chapeaux en paille artistement tressée et décorés de motifs peints].
- Vieille orthographe de panser, dans le sens de soigner, nourrir.
Les passages de ces six articles mis “ entre guillemets anglais ” (suivant la règle que j’ai adoptée pour notre édition de L’Esprit de Guy Patin) sont tirés de sept lettres que Patin a écrites à André Falconet ou à Charles Spon :
- Il ne faut pas attribuer ces additions « originales » (non mises entre guillemets anglais) à Patin, mais aux rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin : v. note [10] du Faux Patiniana II‑2.
« Nous convoitons ce qui nous est défendu » : v. note [13], lettre 695, pour une citation de ce vers des Amours d’Ovide, mais sans rapport avec la censure d’un ouvrage.
Je n’ai pas identifié « M. A.T. ».
La seconde partie de cet article se lit presque à l’identique dans la Dissertation sur les libelles diffamatoires que Pierre Bayle a placée à la fin de son Dictionnaire historique et critique à partir de 1696 (tome 3, page 3098 de l’édition de 1702) :
« Presque en même temps, {a} Fabricius Vejento, auteur de quantité de libelles contre les sénateurs et contre le clergé de Rome, ayant été jugé par Néron même, ne fut que banni d’Italie. Ses livres furent condamnés au feu. On les rechercha depuis, et on les lut avec la dernière avidité pendant qu’il y eut du péril à le faire ; mais dès qu’il fut permis de les avoir, on ne s’en soucia plus. Convictum Vejentonem Italia depulit et libros exuri jussit, conquisitos lectitatosque donec cum periculo parabantur, mox licentia habendi oblivionem attulit. » {b}
- Après que Néron eut montré plus de bienveillance que le Sénat envers le préteur Anistius, « convaincu d’avoir publié des satires contre l’empereur ».
- « Vejento fut convaincu et [Néron] le chassa d’Italie et ordonna ses livres au feu ; ils furent recherchés et lus avec avidité tant qu’il y eut péril à se les procurer, mais bientôt la permission de les posséder les plongea dans l’oubli » (Tacite, Annales, livre xiv, chapitre l).
Dans le paragraphe précédent de sa Dissertation, Bayle a cité l’autre passage des Annales (iv, xxxiv‑ xxxv) sur la condamnation, sous le règne de Tibère, de Cremutius Cordus pour son ouvrage qui faisait l’éloge de Brutus, l’assassin de Jules César. Guy Patin a mentionné cette affaire dans sa lettre 369 (v. ses notes [7] et [8]).
Tout bien pesé, je crois que les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont emprunté leur article à Bayle, en l’introduisant par un vers d’Ovide qu’ils avaient pu lire dans une lettre de Guy Patin à André Falconet (v. supra note [3]).
Cet article transcrit fidèlement la fin du paragraphe daté du 24 juin dans la lettre que Guy Patin a écrite à Charles Spon le 29 juin 1663, avec ses trois passages latins :
Les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont emprunté leur article au Traité des Superstitions de Jean-Baptiste Thiers {a}, livre deuxième, pages 155‑156, chapitre v, Du maléfice, sur ce dont on ne peut pas douter que ce soit un maléfice :
« Que de faire ce qui s’appelle cheviller, {b} qui est un vice dont Pierre Massé, avocat, {c} parle en ces termes : On pratique aujourd’hui bien fort une espèce de maléfice qu’on appelle cheviller. Par icelui, on empêche les personnes de faire leur eau. J’en ai vu qui en sont morts parce qu’on n’avait pu trouver aucun remède ; lequel est, à ce que l’on dit, en la puissance seulement de ceux qui ont fait le charme et maléfice. Par icelui, ils enclouent aussi et font clocher les chevaux ; {d} ils empêchent les vaisseaux {e} pleins de vin, d’eau, ou autre liqueur, de pouvoir être tirés, encore qu’on y fasse une infinité de pertuis. »
- Paris, 1697, tome premier, v. note [27] du Faux Patiniana II‑2.
- « Il y en a qui usent de tels sortilèges qui empêchent l’homme et la femme de consommer le mariage, ce qu’on appelle vulgairement nouer l’aiguillette. Il y en a qui empêchent que l’homme ne rende son urine, ce qu’ils appellent cheviller » (Les Œuvres d’Ambroise Paré, Paris, 1628, v. notule {e}, note [16], lettre 7, Vingt-cinquième livre traitant des monstres et des prodiges, chapitre xxxi, De certaines maladies étranges, page 1046).
- Pierre Massé : De l’Imposture et tromperie des diables, devins, enchanteurs, sorciers, noueurs d’aiguillettes, chevilleurs, nécromanciens, chiromanciens et autres qui, par telle invocation diabolique, arts magiques et superstitions, abusent du peuple (Paris, Jean Poupy, 1579, in‑8o), livre i, chapitre 10 (référence fournie par Thiers).
- Un cheval est dit encloué quand il s’est enfoncé « un clou de rue » dans un pied, ce qui le fait clocher, c’est-à-dire boiter (Furetière). Les soins d’un maréchal (maréchal-ferrant) remédient à cet incident.
- Récipients, tonneaux.
Cet article contient deux références latines qui prônent la liberté de penser :
« Cesse, parce que la nouveauté t’épouvante, de rejeter mon raisonnement de ton esprit, mais aiguise-le à peser mes idées : si elles te semblent vraies, rends-toi ; ou si c’est fausseté, arme-toi pour me combattre. »
Voilà des arguments pour faire de Patin un « esprit fort », un prototype du libertinage érudit (v. note [9], lettre 60) ; mais ces propos sont-ils de lui ou des facétieux rédacteurs de son Esprit ? Je n’ai pas trouvé où ils sont allés chercher leurs commentaires de ces sentences : ni dans les écrits de Patin, ni ailleurs. Je suis simplement surpris de voir Patin, un des esprits les plus moutonniers de son temps, mettre en doute les décrets d’Hippocrate et de Galien, ses deux idoles antiques, et plus encore les placer aux côtés de René Descartes, qu’il a constamment et profondément méprisé.
L’Esprit de Guy Patin a emprunté ces deux articles à des lettres que Guy Patin a écrites à André Falconet.
Le commentaire final ne figure pas dans la lettre.
Cet article aurait pu venir de Guy Patin, mais les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin y adoucissent une vigoureuse diatribe de Jean Bernier dans ses Essais de médecine…, {a} chapitre iii, Du nom, de la définition et de la fin de la médecine, de la première partie (pages 13‑14) :
« […] le médecin n’aura-t-il pas fait son devoir quand il aura mis en pratique pour le bien du malade ce que lui enseigne l’art ? De là vient que les lois ne s’arment jamais contre lui pourvu qu’il ne paraisse ni malice ni ignorance dans sa conduite. C’est ce qui a fait dire à Lucien que la médecine étant si nécessaire aux hommes et, par conséquent, si digne d’estime, ceux qui la professent doivent jouir d’une pleine et entière liberté, {b} et qu’il n’est pas raisonnable qu’une science qui vient de Dieu et une puissance qui lui est consacrée soi<en>t sujette<s> à la dureté des lois humaines et à la peine des tribunaux. Et néanmoins, s’il en faut croire le caprice de bien des gens, le médecin doit toujours guérir ; et si la mort arrive, ce n’est jamais elle qui a tort, c’est toujours le dernier remède, quand ce ne serait qu’un verre d’eau, ordonné par le médecin.Fecerit et postquam quidquid jubet ipsa medendi,
Norma, nisi valeat, subitoque revixerit æger,
Murmurat insipiens vulgus, linguaque procaci
Eloquitur de te convitia talia jactans
Hei mihi quam stultum est medicorum credere nugis. {c}Car pour le malade et les assistants, qui ont souvent grand<e> part à tout ce qui arrive de funeste, on ne manque jamais à les disculper ; la raison a beau dire, et le poète a beau chanter :
Non est in medico semper relevetur ut æger
Interdum docta plus valet arte malum. {d}C’est une chanson pour ces gens-là. La Fortune, qui a bouché les oreilles et crevé les yeux de la plupart, {e} ne leur a délié la langue que pour dire hardiment tout ce qu’ils s’imaginent ; on dirait qu’on est obligé de les laisser conter tout ce qui leur plaît parce qu’ils sont forts en comptant, {f} et que l’argent, qui semble redresser les jugements de l’esprit, les rend toujours très contents d’eux-mêmes, tant il y a de peuple et de pauvres d’esprit parmi les richards : Quanto piu ricchi d’i fuori, tanto piu poveri di dentro. » {g}
- Paris, 1689, v. note [53] du Faux Patiniana II‑2.
- Lucien de Samosate (v. note [14], lettre 41) a longuement disserté sur l’art et la responsabilité des médecins dans son traité intitulé Le fils déshérité (Αποκηρυττομενος, Abdicatus) qui est la complainte d’un médecin déshérité par son père qu’il n’a pas su guérir de sa maladie.
- « Si le malade n’est pas guéri et rechute incontinent, après avoir accompli tout ce qu’ordonne la règle de soigner, alors le peuple insensé murmure, et dit effrontément en t’accablant de tous les blâmes : “ Pauvre de moi, qu’il est donc fou de croire les balivernes des médecins ! ” »
Ces quatre vers sont tirés d’un poème intitulé Medicina labor inexhaustus [La médecine est un labeur inépuisable], dans la deuxième partie, fo Eiii vo‑Eiiii vo :
Perisauli Faustini Tradocii de honeso Appetitu. Faustini Terdoceo {i} de Triumpho stultitiæ.[De l’honnête Désir de Faustinus Perisaulus, natif de Tredozio. {ii} Du Triomphe de la folie, de Faustinus Terdoceus]. {iii}
- Sic pour Terdoctus, « trois fois instruit (avec jeu de mots sur Tradocius) ?
- Faustino Perisauli (Tredozio, Émilie-Romagne 1450-Rimini 1523), membre du clergé de Rimini.
- Rimini, Hieronymus Soncinus, 1524, in‑8o de 8 feuilles (seconde édition).
- « Le médecin n’a pas toujours le pouvoir de guérir le malade ; le mal dépasse parfois les ressources de l’art » (Ovide, Pontiques, livre i, lettre iii, vers 17‑18).
- « Fortuna quem nimium fovet stultum facit [La Fortune rend fou celui qu’elle favorise trop] Publ. Mimus » : note marginale de Bernier, pour renvoyer à une des Sentences (ou Mimes) de Publius Syrus (v. note [9], lettre 511), dont le texte exact est Stultum facit Fortuna, quem vult perdere [La Fortune rend fou celui qu’elle veut ruiner].
- « parce qu’ils sont très riches ».
- « D’autant plus riches extérieurement, que pauvres intérieurement ». Une note marginale de Bernier attribue cette maxime à la Sapienza felic. del P. Bartholi ; La Sapienza Felice anche nelle Miserie [La Sagesse heureuse, même dans la misère] est le premier traité de la première partie du traité :
Dell’Huomo di lettere difeso, et emendato. Parti due. Del P. Danielo Bartholi della Compagnia di Giesu.[De l’Homme de lettres fortifié et corrigé. En deux parties. Par le P. Danielo Bartoli {i} de la Compagnie de Jésus]. {ii}
Ce que j’y ai lu de plus ressemblant est à la page 38 du premier chapitre, Il Savio Povere [Le Sage pauvre], où Bartoli s’inspire d’Apulée, {iii} mais sans viser particulièrement les médecins (sauf à en faire des philosophes naturalistes) :
Ma eccovi un eloquente Platonico, cui fosse per rimprovero, o per ischerno, fu opposta con una publica accusa, come o dishonorata, o colpevole la poverta. Se tu (risponde egli all’accusatore) fossi tanto Filosofo quanto ricco, intendereti ch’io povero son’il ricco, e tu ricco sei il povero.« On peut appliquer ici ce que dit si bien un disciple de Platon lorsque, dans une accusation formée publiquement contre lui, on lui reprocha sa pauvreté comme un déshonneur, et presque comme un crime. “ Si vous étiez autant philosophe que vous êtes riche, répondit-il a son accusateur, vous comprendriez que c’est moi qui suis riche dans ma pauvreté ; et que vous êtes pauvre avec toutes vos richesses. ” » {iv}
- Daniello Bartoli (Ferrare 1608-Rome 1685), prédicateur, littérateur et historien.
- Venise, Nicolo Pezzana, 1672, in‑12 de 300 pages (pour l’une des nombreuses éditions, dont la première a paru en 1645).
- Apologie, chapitre i : référence indiquée dans la marge.
- Traduction française du P. Delivoy, barnabite : « L’Homme de lettres », Paris, Herissant le Fils, 1769, in‑12o, tome i, pages 78‑79.
On lit aussi, dans l’introduction de la première partie (page 18) de Bartoli :
Questa e la misera sorte della virtu nel mondo. Per vene d’oro ch’ella chiuda in petto, quanto ricca e di dentro povera e di fuori.« Tel est le malheureux sort de la vertu dans le monde : quoiqu’elle porte dans son sein des veines d’or, elle paraît aussi pauvre qu’elle est riche. »
Ces deux articles viennent de lettres que Guy Patin a écrites à André Falconet :
Distique de John Owen intitulé Paradoxon [Paradoxe] : {a}
« Tout athée descend en l’obscur enfer, mais il ne s’y en trouve aucun, car tous ont changé d’avis. »
- Épigramme 90, livre troisième, page 202 des Epigrammatum (Amsterdam, 1647, v. note [41] du Borboniana 10 manuscrit).
Dans sa lettre du 20 février 1665 (v. sa note [5]), Patin écrivait à André Falconet « Platon a dit que jamais un homme ne mourut athée ».
Cet article proclamerait la bonne foi chrétienne de Guy Patin et son opposition à l’inexistence de Dieu, mais l’authenticité de ce texte est impossible à prouver.
Le latin d’Horace vient de ses Épîtres, livre ii, lettre 1, à l’empereur Auguste, vers 1‑4 (avec addition de tot dans le premier vers). La traduction qui la précède ici, mise entre guillemets français, enjolive le propos, mais en respecte le sens.
Guy Patin n’a pas ailleurs exprimé un tel dédain pour les épîtres dédicatoires : par exemple, dans tout un long paragraphe de sa lettre des 21-22 novembre 1652 (v. ses notes [43]‑[46]), il a expliqué à Charles Spon comment il convenait de revoir celle qui lui dédierait la réédition lyonnaise (1654) des Opera de Daniel Sennert (v. note [57], lettre 219).
Bien que situé dans l’année, à l’entrée « dans un temps où la morale est de saison » (soit, sans doute, le carême), cet article n’est pas tiré d’une lettre de Guy Patin qui figure dans notre édition.
Le latin de Juvénal (Satire x, vers 346‑350), poète que Patin prisait extrêmement, est suivi de sa traduction, mise entre guillemets français.
Les trois souhaits du dernier paragraphe ne sont pas réunis dans l’une des cent triades de Patin qui concluent le Borboniana manuscrit.
L’article du Grand Dictionnaire de Louis Moréri (Amsterdam, 1698, tome iv, page 401) sur Johann Sleidan {a} a principalement inspiré les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin. On y lit cet éclaircissement sur ses relations de jeunesse avec les Du Bellay :
« Il passa en France l’an 1527, n’ayant alors que douze ans, {b} et y servit les trois illustres frères de la Maison Du Bellay : Langey, le cardinal et le capitaine Martin. {c} Sleidan étudia avec eux, pendant qu’il les servait à porter leurs livres au collège. »
- V. note [2], lettre 474.
- Les biographies modernes s’accordent pour une naissance de Sleidan en 1506, à Schleiden (Luxembourg, alors territoire espagnol) : en 1527, il avait donc 21 ans, et non 12.
- Ces trois frères étaient les trois premiers fils de Louis Du Bellay (mort en 1522), mais en 1527 aucun d’eux n’était plus collégien depuis longtemps.
- Guillaume, sieur de Langey (v. note [18], lettre 925), était né en 1491.
- Martin (1495-1559), lieutenant général de Normandie, prince d’Yvetot et sieur de Langey après la mort de Guillaume, eut une brillante carrière militaire et diplomatique ; comme son frère aîné, il a laissé des Mémoires (Paris, Abel l’Angelier, 1582, in‑fo).
- Jean (Souday, Anjou 1498-Rome 1560) choisit la carrière ecclésiastique et devint le cardinal Du Bellay en 1535. Il joua un rôle éminent dans les affaires politiques et religieuses du royaume, évoqué dans les notes [54] du Borboniana 10 manuscrit, et [37] du Faux Patiniana II‑7. Sleidan fut longtemps son secrétaire.
Tous trois étaient cousins germains de Jean Du Bellay, père de Joachim, le poète (v. notes [14], lettre 739, et [42] du Borboniana 7 manuscrit).
J’ai cherché à élucider l’anachronisme de Moréri sur la jeunesse de Sleidan (v. supra notule {c}), que L’Esprit de Guy Patin a recopié sans se poser de questions.
« La France n’avait pas encore eu de négociation si dangereuse, ni si difficile dans toutes ces circonstances que celle-là ; {c} et ce fut autant par la nécessité que l’on eut de se servir de Langey {d} que par le choix du roi, qu’on lui déféra cet emploi. Il partit, tout mécontent qu’il était, et sans autre habitude en l’Allemagne que celle de l’historien Sleidan, qui lui avait porté ses livres lorsqu’il allait au collège, {e} et s’était depuis élevé par son mérite à la magistrature de Strasbourg. Mais Sleidan, quelque accrédité qu’il fût dans cette ville, ne pouvait faire autre chose pour Langey que de le cacher dans son grenier, parce que les Français y étaient en exécration, comme partout ailleurs en Allemagne. L’empereur avait persuadé à ces peuples grossiers que la France avait fait venir les Turcs en Hongrie pour ravager et conquérir ce beau royaume, qui était le boulevard {f} aussi bien que la frontière de l’Empire ; et qu’elle ne s’était tant de fois opiniâtrée à recouvrer le Milanais, sur lequel elle n’avait aucun droit, que pour ôter au corps germanique ce qui lui restait de puissance en Italie. »
- Paris, Claude Barbin, 1685, in‑4o de 612 pages.
- V. note [5], lettre 566.
- Il s’agissait de rallier les princes luthériens allemands aux intérêts de la France, contre ceux de l’empereur Charles Quint.
- Guillaume Du Bellay, v. notule {b} supra.
- J’ai mis en italique ce passage qui se rapporte aux dires de Moréri repris par L’Esprit de Guy Patin.
- Gros bastion et, par extension, « places fortes qui couvrent tout un pays, et qui en défendent l’entrée aux ennemis » (Furetière) ; devenu depuis une « promenade, large rue plantée d’arbres faisant le tour d’une ville (sur l’emplacement des anciens remparts) » (Robert).
Notitia rerum illustrium Imperii Romano-Germanici tripartita, sive Discursus iuridico-politico-historici ad instrumentum sive Tabulas Pacis, Osnaburgo-Monasteriensis. In quibus Aquilla Sacri Imperii, id est, Ius illius publicum antiqui, medii et junioris ævi, Negotia Belli, Pacis ac Fœderum : Regimen Seculare et Ecclesiasticum : Forma, Interesse Imperii, cum quoad ejus Caput, tum quoad Membra ex rei veritate curiose depingitur : Prætensiones et Controversiæ illustres nervose ac dilucide explicantur, multarumque aliarum Europeæ Rerumpublicarum Rationes et Arcana excutiuntur. per Philippum Andream Burgoldensem. Editio secunda…[Registre en trois parties des illustres affaires de l’Empire romain germanique, ou les Discours juridico-politico-historiques sur le traité ou les articles de la paix d’Osnabrück et Münster. {a} Où est dépeinte, avec soin et vérité, l’Aigle du Saint-Empire, c’est-à-dire les droits dont il a joui dans l’Antiquité, au Moyen-Âge et de notre temps, ses négociations de guerre, de paix et d’alliance, son régime séculier et ecclésiastique, l’organisation des parties qui le composent, depuis la tête jusqu’aux membres ; sont expliquées ses fameuses prétentions et dissensions, et épluchées les arguments et arcanes des autres affaires publiques de l’Europe, avec vivacité et clarté. Par Philippus Andreas Burgoldensis. {b} Deuxième édition…]. {c}
Les broderies historiques qu’on a reprochées à Sleidan y sont évoquées dans la première partie, en bas de la page 40, avec ce qu’en disait l’empereur :
Nihil tamen eorum quicquam mundus vidit, et constat Carolum ipsum de Sleidano dixisse : Aut proditores habemus Consiliorum, aut scriptor ipse familiaris spiritus revelatione ista didicit.[Nul au monde n’en a jamais rien vu, et Charles Quint lui-même en a attesté quand il a dit : « Ou bien nous avons des traîtres parmi nos conseillers, ou bien cet auteur a appris cela de l’esprit familier {d} qui lui est propre. »]
- Traités de Westphalie (1648).
- Philipp Andreas Oldenburger 1617-1678), jurisconsulte allemand.
- Freistadt, Æmilius Verus, 1669, in‑4o de 531 pages.
- v. note [46] du Patiniana I‑4 pour les esprits (génies ou démons) familiers de Socrate, Jean Bodin et quelques autres.
De nouveau, la source de cet article n’est pas Guy Patin : il vient des Essais de médecine… de Jean Bernier. {a} Pour éclairer l’emprunt des rédacteurs du Faux Patiniana, il est nécessaire de citer un plus long extrait du chapitre iv, De l’excellence de la médecine par elle-même, et par les grands personnages qui l’ont professée ou qui en ont fait estime (première partie, pages 26‑27), concernant le mythe contesté d’Hermès ou Mercure Trismégiste (v. note [9], lettre de Thomas Bartholin, datée du 18 octobre 1662) :
« Tant d’auteurs graves on donné de tout temps dans les Mercures égyptiens que, pour venir à notre temps, le fameux professeur en philosophie Franciscus Patricius, Romain, a non seulement cru qu’il y avait plusieurs Mercures, mais encore qu’un de ces Mercures était auteur d’une philosophie, que ce professeur a enseignée et dédiée au pape Grégoire xiii, et dont il a donné au public des extraits illustrés d’une fort belle préface, où il se déclare pour ces ouvrages, comme pour de véritables productions de l’esprit de Mercure dit Trismégiste […]. {b} Mais Patricius n’a pas été le seul de notre siècle qui ait pris l’affirmatif avec chaleur pour Mercure Trismégiste, puisqu’il y a environ quarante ans que Monsieur Padet, professeur en philosophie à Paris, se mit en tête d’enseigner la philosophie de Trismégiste, et donna au public non seulement un traité De Ente, sur ses principes, mais encore des extraits de tous les ouvrages qu’on lui attribue, qu’il fit imprimer en faveur de ses écoliers, avec une préface […]. {c}Cependant, J. Goropius Becanus, {d} savant philosophe et médecin du siècle passé, avait avancé qu’il n’y avait jamais eu de Mercure, et que tout ce qu’on a dit de ce personnage était fabuleux, mais par des raisons que Franciscus Patritius n’a pas laissées sans réponses. C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner si un des plus savants prélats de notre siècle {e} a su bon gré à Gorop. Becanus de son sentiment, et s’il a écrit que tout ce que les Égyptiens et les Grecs ont dit de Mercure doit être attribué à Moïse, tant à cause des convenances qu’il y a entre les noms de ce grand ami de Dieu et ceux de Mercure, qu’à cause de celles qui se trouvent dans les actions de l’un, et dans tout ce que les Égyptiens et les Grecs ont publié de l’autre […]. »
- Paris, 1689, v. supra note [9].
- Bernier citait ici dans la marge deux ouvrages du médecin et philosophe italien Franciscus Patricius : {i}
- Nova de universis Philosophia in qua Aristotelica Methodo, non per motum, sed per lucem et lumina, ad primam causam ascenditur. Deinde propria Patricii Methodo ; tota in contemplationem venit Divinitas : Postremo methodo Platonica, rerum universitas, a conditore Deo deducitur…
[Nouvelle Philosophie universelle, où la méthode aristotélicienne est élevée jusqu’à la première cause, non par le mouvement, mais par la lumière et les lumières. Ensuite, par la méthode particulière de Patricius, la Divinité tout entière est exposée à la contemplation. Enfin, par la méthode platonicienne, l’universalité des choses est déduite du Dieu créateur…] ; {ii}
- Magia philosophica… [La Magie philosophique…]. {iii}
- V. note [56] du Patiniana I‑1.
- Ferrare, Benedictus Mammarellus, 1591, in‑8o, dédié au pape Grégoire xiii (v. note [2], lettre 430). Cet ouvrage composite contient une édition bilingue (grecque et latine) commentée (102 pages) des :
Hermetis Trismegisti Libelli integri xx. et Fragmenta. Ascelpii eius discipuli Libelli iii.[Les 30 petits livres entiers et les fragments d’Hermès Trismégiste. Les 3 livres de son disciple Esculape].
- Hambourg, 1593 (v note [57] du Patiniana I‑1), ouvrage dont la plus grande partie recueille les traités d’Hermès, avec une préface apologique de Patricius (pages 89 ro‑107 ro).
- Eminentissimo cardinali Lugdunensi Alphonso Richelio, quam habuit d. Kal. Decembris ann. m. dc. xlvii. in Auditorio regio Cameracensis, Orationem, quodque inde affecit et dehinc perficiet, opus de Ente et partibus Entis, D.D.C. Petrus Padetius obsequentissimus Cliens et observantissimus. [Discours que Pierre Padet {i} a prononcé au Collège royal de Cambrai le 1er décembre 1647, qu’il a entrepris et qu’il achèvera ensuite, sur l’Être et les parties de l’Être, et qu’il a dédié à l’éminentissime cardinal Alphonse de Richelieu, dont il est le très dévoué et obéissant serviteur]. {ii}
- Johannes Goropius Becanus, Jan Geratsen van Gorp ou Bécan (Gorp 1519-Maastricht 1572), philologue flamand qui a contribué à la Biblia polyglotta d’Anvers, {i} fut aussi docteur en médecine de l’Université de Louvain, et servit en cette qualité les cours de Charles Quint puis de Philippe ii. Il a exposé ses opinions sur Hermès Trismégiste au début du livre i de ses Hieroglyphica [Hiéroglyphiques (Indéchiffrables)]. {ii}
- Le cardinal Baronius dans ses Annales ecclesiastici (v. note [6], lettre 119).
- Il aurait été surprenant que Guy Patin eût passé « de très agréables heures » à explorer tout ce fatras hermétique, mélange d’alchimie et d’ésotérisme.
Ovide, Les Amours, élégie xv, vers 27‑28 :
« Tant que l’arc et les feux seront les armes de Cupidon, on apprendra tes vers, vénéré Tibulle. »
Dans l’article qu’il lui a consacré (Amsterdam, 1698, tome 4, page 477), Louis Moréri a vanté l’élégance et la galanterie des Élégies de Tibulle, et son amitié avec Ovide ; mais sans citer ces deux vers, dont Michel de Marolles, abbé de Villeloin, {a} a donné une traduction plus libre et jolie que la mienne :
« Tant que les feux d’amour brûleront l’univers,
Du délicat Tibulle on apprendra les vers. » {b}
- V. note [72], lettre 183.
- Fin de La Vie de Tibulle, dans Les Élégies de Tibulle, chevalier romain, en quatre livres de la traduction de M.D.M. A.D.V (Paris, Guillaume de Luyne, 1653, in‑8o de 305 pages, édition bilingue latine et française).
Je n’ai pas identifié « M. C.R. » et n’oserais garantir l’attribution de ces propos à Guy Patin.
Ces vers de Lucrèce (De Natura rerum, livre iii, 476‑480) sont précédés de leur traduction, entre guillemets français.
Je n’ai pas identifié le médecin ivrogne de Montpellier, mais les Essais de médecine… de Jean Bernier {a} semblent avoir une fois encore directement inspiré les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin. Quant aux doutes sur les dieux médecins de l’Antiquité, Bernier écrit en effet (première partie, chapitre iv, pages 32‑33) :
« Il en faut penser de même manière du fameux Bacchus, car qu’y a-t-il de bien assuré touchant cette prétendue divinité de la médecine ? Tout ce qu’on en peut dire, c’est qu’encore que l’Antiquité ait attribué à un Bacchus égyptien quelques-uns des faits de Noé et de Moïse, les Grecs en ont encore fait un fils de Sémélé {b} qui fit, si on les veut croire, la guerre aux nations occidentales ; et qui crut peut-être, après les avoir domptées, qu’il manquerait encore quelque chose à sa gloire s’il ne passait pour “ aussi grand médecin que grand conquérant ”. Il est vrai que comme les poètes le crurent inventeur du vin, non seulement ils se servirent de son nom pour signifier le vin, qui est un souverain cordial, mais encore ils passèrent jusqu’à le diviniser. À quoi on peut ajouter que les Athéniens ayant consulté l’oracle d’Apollon sur quelques besoins, il leur ordonna d’adorer un Bacchus médecin, {c} et c’est sans doute pour cela que Plutarque n’a pas fait de difficulté de mettre Bacchus au nombre des médecins. »
- Paris, 1689, v. supra notes [9] et [16].
- Maîtresse de Zeus et mère de Dionysos (Bacchus des Romains), v. note [23], lettre 260.
- Mise en italique du passage que L’Esprit de Guy Patin a emprunté à Bernier.
Ce distique anonyme et son commentaire, sous une forme un peu différente, figurent dans la 70e triade du Borboniana manuscrit (v. sa note [38]) :
« J’étais naguère riche, mais trois choses m’ont plongé dans le dénûment : jeu, vin et luxure m’ont mis sur la paille. »
Cet article mêle diverses sources qui ne lèvent pas entièrement les doutes sur son authenticité.
Maarten van Heemskerck (Heemskerck, Hollande 1498-Haarlem 1574), peintre flamand, a surtout excellé dans l’art du portrait.
Cette historiette vient tout droit de l’article que lui a consacré Louis Moréri (Amsterdam, 1698, tome iii, page 124) ; mais, contrairement aux rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin, lui a cité sa source : l’Entretien iv (volume 1, pages 582‑583) d’André Félibien (Paris, 1688, v. note [5] du Faux Patiniana II‑7). Allez donc croire après ça que Guy Patin a réellement lu (ailleurs que dans son cercueil) le testament du peintre flamand !
Vers 26, livres ii, élégie xxxii (et non xxxi) de Properce : « La fable a toujours puni les belles personnes », dans une traduction plus littérale que celle fournie par L’Esprit de Guy Patin. Je n’ai pas trouvé de source à ce commentaire, qui pourrait être de Patin, dont la plume était pourtant ordinairement plus habile.
Diverses leçons de Pierre Messie, {a} gentilhomme de Séville. Mises de castillan en français par Claude Gruget, Parisien. Avec sept Dialogues de l’auteur, dont les quatre derniers ont été de nouveau traduits en cette quatrième édition. Revu de nouveau en cette dernière édition. {b}
Guy Patin aurait certes pu lire ce livre, mais les rédacteurs de son Esprit ont tout aussi bien pu emprunter leur article au chapitre xxv de sa seconde partie (pages 339‑340), Par quel moyen on peut tirer quantité d’eau douce de la mer, et pourquoi l’eau froide fait plus de bruit en tombant que la chaude, et si un navire porte plus sur l’eau salée que sur la douce :
« Aristote {a} et Pline {b} disent qu’il faut faire plusieurs vaisseaux de cire, creux par dedans, et les lier le plus fort qu’il sera possible, et qu’il n’y ait point de trou, ni aucun vent ; puis les mettre en des rets {c} ou autres choses semblables bien liés de longues cordes, et les tenir en la mer l’espace d’un jour entier ; ce fait, les retirer, et on trouvera en chacun de ces vaisseaux, quand on l’ouvrira, quelque quantité d’eau douce comme celle d’une fontaine. La raison pourquoi l’eau salée devient douce entrant en vaisseaux de cire est donnée par Aristote, et dit que la cire étant douce et poreuse, l’eau la peut pénétrer, et que la partie subtile de l’eau de la mer passe par à travers et s’adoucit, laissant la partie terrestre qu’elle avait, en la superficie de la cire. À la vérité, si cette chose est vraie (je dis si elle est vraie pource que je n’en ai fait épreuve), elle pourrait beaucoup servir en maintes nécessités qui s’offrent ordinairement. »
- Pedro Mejia (Pero Mexia ou Pierre Messie, Séville 1497-ibid. 1551), littérateur érudit.
- Rouen, Jean Berthelin, 1643, in‑8o de 1 032 pages.
- Météorologie, livre i, chapitre iii, § 35.
- Histoire naturelle, livre xxxi, chapitre xxxvii (Littré Pli, volume 2, page 359).
- Filets.
Pittoresque anecdote qui pourrait venir de la conversation de Guy Patin, mais ses écrits ne m’ont pas permis d’identifier « Monsieur D. T.L. ».
L’Esprit de Guy Patin a tiré ces trois articles de lettres que Guy Patin a écrites à André Falconet :
Quatrain de James Owen, intitulé Helena et Penelope [Hélène et Pénélope] : {a}
« Le renom de Tyndare {b} a transporté L’Iliade au-delà des nues,
La gloire de Pénélope {c} emplit L’Odyssée :
Jamais ne mourront les noms de Pénélope et d’Hélène. » {d}
- Épigramme 61, livre troisième, page 198 des Epigrammatum (v. supra note [11]).
- Tyndare, roi mythique de Sparte, avait épousé Léda qui enfanta des quadruplés : Castor et Clytemnestre, fécondés par Tyndare, et Pollux et Hélène, par Hercule (v. note [4], notule {a}, du Mémorandum 5).
- V. note [7], lettre latine 7, pour Pénélope, épouse d’Ulysse et modèle de fidélité conjugale.
- Owen cultivait le contraste entre deux femmes qu’Homère a immortalisées : la volage Hélène, dont l’inconduite provoqua la guerre de Troie, et la vertueuse Pénélope, qui attendit chastement le retour d’Ulysse dans sa patrie.
Je n’ai pas trouvé la pièce où le fils « de M. T.C. » a eu l’intention de commenter les vers d’Owen. Guy Patin n’a jamais cité ce poète dans ses lettres, mais son Esprit (c’est-à-dire les rédacteurs du Faux Patiniana) y puisait ici sa matière pour la cinquième d’un total de quinze fois.
Cet article ne vient pas d’une lettre de Guy Patin, mais il me semble authentique car son propos et ses références sont tout à fait dans son esprit et correspondent à ses lectures avérées.
Audio artem esse quamdam notariam, quæ hæc præstet, ut homo minimo negotio perdiscat omnes disciplines liberales.[J’apprends qu’il y a une espèce d’art notoire, {b} à l’aide duquel on peut acquérir sans peine toutes les sciences].
La citation de L’Esprit de Guy Patin se réfère à sa conclusion :
Des. Ad hæc, quum nihil audias nisi bene Latine loquentes ; quid obstat, quominus intra paucos menses ediscas Latine, quum illiterati pueri Gallicam, aut Hispanicam linguam discant, exiguo temporis spatio ?
Er. Sequar tuum consilium, experiarque num possit hoc ingenium Musarum jugo mansuescere.
Des. Ego aliam artem noriam non novi, quam curam, amorem, et assiduitatem.[Des. De plus, comme tu n’entends que des gens qui parlent bien le latin, qui t’empêche d’apprendre cette langue en quelques mois, puisque les enfants, qui n’ont aucune teinture de lettres, apprennent en fort peu de temps le français ou l’espagnol ?
Er. Je suivrai ton avis, et je verrai si mon intelligence pourra se plier au joug des Muses.
Des. Pour moi, je ne connais d’autre art notoire que le travail, l’amour de l’étude et l’assiduité]. {c}
- V. note [8], lettre 73.
- « On appelle art notoire, une science ou un art qui fait parvenir ceux qui le savent à la connaissance de toutes choses, de toutes les sciences, par infusion et sans peine, en faisant seulement quelques cérémonies. L’ignorance de la plupart des hommes, et la peine que les savants ont eue à apprendre ce qu’ils savent, montrent que le prétendu art notoire est chimérique et inconnu » (Trévoux).
Quintilien (v. note [4], lettre 244) en a fait l’art d’exercer sa mémoire et en a attribué la perfection à Simonides de Céos, poète grec du ve s. av. J.‑C. (L’Institution oratoire, livre xi, chapitre 2).
- J’ai mis en italique la réplique finale citée par L’Esprit de Guy Patin. Victor Develay a fourni une bonne traduction française de tout ce colloque (Paris, 1876, tome 3, pages 165‑169).
Monendi primo, curiositatem sciendi non necessaria, non modo non utilem, sed valde noxiam esse solere. Spiritum sapientiæ et intellectus a solo Deo expectandum : quo non qui volunt, sed quos placet, solet implere. […]Præterea tales admonendi sunt, subesse periculum superstitionis, et tentationis Dei. Nam qui scientiam quærunt, modis insolitis, utrique se periculo exponunt. Naturaliter scientiæ paulatim, successu temporis, lectione, auditione, et experientia acquiruntur (ut recte Aristoteles) : petere a Deo ut infundat, sicut Danieli et Salomoni fecit, est petere ut sine necessitate miraculum edat : quod est tentare Deum. Adhibere orationes, aut alia, ad hoc non instituta a Deo aut Ecclesia, est vanitatem quærere et mendacium diligere (ut ait Psalmista) et proinde superstitiosum. Orandus itaque Deus, et nobis simul naturali conatu elaborandum. Nam facientes Deus adjuvat. Periculum magnum est : ne arti memoriæ (quæ tradi potest præceptis locorum et cellularum ad hoc accommodatis) aliquid superstitionum artis Notoriæ admisceatur : hoc ergo ut caveant, monendi.
[Il faut d’abord les avertir que la curiosité de savoir des choses qui ne sont pas nécessaires est une habitude non seulement inutile, mais profondément nuisible. L’esprit de sapience et d’intelligence n’est à attendre que de Dieu : il a coutume de les procurer non pas à ceux qui le veulent, mais à ceux qu’il lui plaît. (…)
En outre, il faut leur rappeler que cela les expose au danger de superstition et de provocation de Dieu, car ceux qui cherchent à acquérir le savoir par des moyens insolites, s’exposent à ce double péril. Les sciences s’acquièrent naturellement petit à petit, au fil du temps, par la lecture, l’écoute des maîtres et l’expérience (comme l’a justement dit Aristote) : demander à Dieu qu’il nous les infuse, comme il fit pour Daniel et pour Salomon, {a} c’est lui demander de faire un miracle sans nécessité, et cela revient à provoquer Dieu. User de discours ou d’autres moyens que ni Dieu ni l’Église n’ont institués à cette fin, c’est poursuivre la vanité et chérir le mensonge (comme dit le Psalmiste), {b} et donc être superstitieux. Voilà pourquoi il faut prier Dieu, surtout pour qu’il nous fasse progresser dans l’effort naturel, car Dieu assiste ceux qui le font. Il y a grand péril qu’à l’art de mémoire (que peuvent transmettre les enceintes {c} des lieux et des cellules qui ont été aménagées pour ce faire) ne se mêle quelqu’une des superstitions de l’art notoire. Voilà pourquoi il faut les en prévenir afin qu’ils s’en gardent]. {d}
- Le prophète et le roi-prophète à qui Dieu est réputé avoir inspiré plusieurs livres de la Bible.
- Le roi David.
- J’ai tenu præceptis [préceptes] pour une faute d’imprimerie, à la place de præcinctis : les enceintes des monastères et des écoles où s’acquiert le savoir orthodoxe.
- Delrio distingue donc bien ici (comme ailleurs dans son livre) l’art de mémoire, louable manière d’étudier pour acquérir du savoir, conformément à la volonté divine, de l’art notoire, moyen artificiel, magique, démoniaque et condamnable de l’obtenir sans labeur.
Je ne pousserai pas mon acharnement à pourchasser les plagiats des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin jusqu’à dire qu’ils ont emprunté leur matière au texte de Louis Moréri sur l’art notoire (Paris, 1707, tome premier, page 380) : il cite Delrio, mais omet Érasme.
Ces deux articles viennent de lettres que Guy Patin a écrites à André Falconet.
« Vous verrez cependant aussi si vous pouvez venir en plein hiver. Nous le chasserons en faisant un bon feu, qui ne manquera jamais dans la chambre, que je décorerai exprès pour vous, mais elle n’aura pas de plus bel ornement que vous. »
Jean Fernel (1497 ou 1506-1558, v. note [4], lettre 2) était le médecin du xvie s. que Guy Patin admirait et respectait le plus. C’est pourquoi le ton quelque peu ironique de cet article m’a mis la puce à l’oreille ; et de fait, tous les éléments qu’il réunit se lisent dans le long article de Pierre Bayle sur Fernel (Dictionnaire historique et critique, Rotterdam, 1702, tome 2, pages 1227‑1230) :
L’église San Salvatore de Venise conserve toujours la toile (et non la fresque) de l’Annonciation que Le Titien (mort en 1576, v. note [41] du Naudæana 3) y a peinte vers 1560. Le doublement du verbe fecit, dans la signature qu’il y a apposée, « Titien l’a faite, il l’a faite », pouvait signifier : soit qu’il considérait son Annonciation comme achevée (parce que d’aucuns, ne la jugeant pas parfaite, la lui avaient renvoyée pour qu’il l’améliorât), soit qu’il l’avait lui-même peinte entièrement, soit qu’il la tenait pour son meilleur ouvrage. Un remplacement du second fecit par faciebat [l’avait faite] n’aurait guère rendu le sens plus clair, mais aurait peut-être été grammaticalement plus élégant (aux oreilles de ceux qui ne supportent pas les répétitions de mots).
Cet article est inédit, mais j’hésite à l’adopter pour un propos authentique de Guy Patin car il n’a jamais manifesté ailleurs d’intérêt pour les maîtres de l’art italien.
Le premier paragraphe de cet article plagie l’Essai de médecine de Jean Bernier, {a} première partie, chapitre iv, page 42, qui renvoyait lui-même (dans la marge) à la Description de la Grèce de Pausanias le Périégète, {b} livre ii, chapitre xxvii (traduction de M. Clavier, 1821) :
« Le bois sacré d’Esculape est entouré de montagnes de tous les côtés. {c} On ne laisse mourir personne dans l’enceinte sacrée, et on ne permet pas que les femmes y accouchent, ce qui s’observe également à Délos. Tout ce qui est offert en sacrifice, soit par un étranger, soit par un Épidaurien, doit être consommé dans l’intérieur des limites sacrées. Il en est de même à Titané. La statue d’Esculape est moins grande de moitié que le Zeus olympien d’Athènes. Elle est toute en or et en ivoire, et on voit par l’inscription qu’elle a été faite par Thrasymède, fils d’Arignotus et natif de Paros. Le dieu est assis sur un trône ; il tient un bâton d’une main, touche de l’autre la tête d’un serpent ; un chien est couché auprès de lui. Sur son trône, le sculpteur a représenté les exploits les plus mémorables des héros argiens, tels que le combat de Bellérophon contre la Chimère, et Persée coupant la tête de Méduse. {d} Un peu au delà du temple est l’endroit où dorment ceux qui viennent demander au dieu leur guérison […]. Il y avait autrefois dans l’intérieur de l’enceinte un grand nombre de cippes, {e} il n’en reste plus maintenant que six, sur lesquels sont inscrits des noms d’hommes et de femmes qu’Esculape a guéris, avec désignation de la maladie de chacun et de la cure ; le tout en dialecte dorien. […] Un sénateur romain nommé Antonin a depuis peu orné l’enceinte sacrée de divers édifices, qui sont le bain d’Esculape, le temple des dieux qu’on nomme épidotes, {f} celui d’Hygie, ceux d’Esculape et d’Apollon surnommés égyptiens. Le toit du portique qui porte le nom de Cotys était tombé et le reste de l’édifice qui est en briques crues s’en allait en ruines, c’est aussi Antonin qui l’a fait rétablir. Enfin, les Épidauriens qui habitent les environs du temple étaient très malheureux : nul abri où leurs femmes pussent accoucher ; leurs malades allaient mourir en plein air ; il y remédia en faisant bâtir un édifice où l’on porte les femmes en couche et les moribonds. »
- Paris, 1689, v. supra note [9].
- V. note [41] du Borboniana 8 manuscrit.
- V. note [5], lettre 551, pour Esculape. L’immense sanctuaire qui lui était dédié, dont subsistent d’importants vestiges, se situait à Épidaure, en Argolide, sur la côte orientale du Péloponnèse.
- V. notes [10], lettre 488, seconde notule {d}, pour Bellérophon et la Chimère, et [2], lettre de Reiner von Neuhaus datée du 21 octobre 1663, pour Persée et Méduse.
- Cippe : « petite colonne peu haute qu’on érigeait dans les grands chemins, ou ailleurs, et sur laquelle on mettait le plus souvent des inscriptions, ou pour apprendre les chemins aux voyageurs, ou pour conserver la mémoire de quelque chose » (Trévoux).
- « Dieux qui présidaient à la croissance des enfants » (ibid.).
Le commentaire moralisant sur les maux dont les pèlerins cherchent à obtenir la guérison n’est donc heureusement pas à tenir pour une authentique émanation de l’esprit de Guy Patin.
Lactance, {a} à l’endroit cité de ses « Institutions divines » :
Multi ergo ex iis, quia æternas esse animas suspicabantur, tamquam in cœlum migraturi essent, sibi ipsis manus intulerunt : ut Cleanthes, ut Chrysippus, ut Zeno, ut Empedocles, qui se in ardentis Aetnae specum intempesta nocte dejecit, ut, cum repente non apparuisset, abiisse ad deos crederetur[Nombre de ceux qui ont cru les âmes immortelles se sont tués eux-mêmes comme s’ils étaient assurés de monter au ciel, tels Cléanthe, Chrysippe, Zénon, {b} ou Empédocle {c} qui, une nuit d’orage, se jeta au fond d’un cratère ardent de l’Etna ; {d} et parce qu’il ne reparut plus depuis, on a cru qu’il avait été élevé au rang des dieux].
- V. note [16], lettre de Charles Spon, datée du 28 août 1657.
- V. notes [8], lettre 340, pour Zénon de Criton, fondateur du stoïcisme, et [16], notule {c} du Borboniana 2 manuscrit, pour le stoïcien Chrysippe de Soles. Cléanthe, successeur de Zénon, au iiie s. av. J.‑C. mit fin à ses jours à l’âge de 99 ans.
- Empédocle d’Agrigente est un philosophe présocratique et médecin grec du ve s. av. J.‑C. On lui attribue le fondement de la santé humaine sur les quatre éléments, devenus après lui les quatre humeurs corporelles (v. note [4], lettre de Jean de Nully, datée du 21 janvier 1656).
- V. note [1], lettre 958, pour l’Etna, autrement nommé mont Gibelle (Mongibello).
Diogène Laërce (Vies des philosophes illustres, livre viii) a donné les diverses versions de la mort d’Empédocle. Celle de Lactance correspond au § 69 :
« Hermippe dit qu’il avait soigné une femme d’Agrigente, du nom de Panthée, à qui les médecins ne donnaient plus aucun espoir ; et pour cette raison, il avait offert le sacrifice ; ses invités étaient plus de quatre-vingts.Hippobote dit que, s’étant levé, il s’était dirigé vers l’Etna et que, parvenu au bord des cratères de feu, il s’y était élancé et avait disparu, voulant renforcer les bruits qui couraient à son propos, selon lesquels il était devenu un dieu ; mais ensuite on l’a su, car une de ses sandales a été rejetée par le souffle – en effet, il avait coutume de chausser des sandales de bronze. À ce récit s’opposait Pausanias. » {a}
Le § 73 donne la dernière version, nettement plus prosaïque :
« Plus tard, tandis qu’à l’occasion d’une fête, il faisait route en char, en direction de Messine, il fit une chute et se brisa le fémur. Tombé malade à la suite de cela, il mourut à l’âge de soixante-dix-sept ans. Sa tombe se trouve à Mégare. » {b}
- V. supra note [31] pour Pausanias.
Hermippe de Smyrne est un écrivain et biographe grec du iiie s. av. J.‑C., et Hippobote, un historien de la philosophie, au siècle suivant.
- Mégare (distincte de la ville grecque homonyme, v. notule {a}, note [5], lettre latine 264) est le nom français de Megara Hyblæa, ancienne colonie grecque de Sicile, située sur la côte orientale, au nord de Syracuse.
Je n’ai pas trouvé de source à cet article, dont le contenu me paraît compatible avec la conversation de Guy Patin.
Ces articles abrègent l’essentiel de deux lettres que Guy Patin a écrites à André Falconet (que les éditions imprimées, seules disponibles, ont sans doute artificiellement séparées) :
Les vers 69‑70 de l’épître d’Horace citée par L’Esprit de Guy Patin sont précédés de leur libre traduction (entre guillemets français), qui peut se faire plus littéralement par :
« Fuis le questionneur, car il est aussi bavard, et des oreilles grandes ouvertes ne conservent pas fidèlement ce qu’on leur a confié. »
Le commentaire qui les accompagne n’est pas invraisemblable dans la conversation de Guy Patin, mais ne peut lui être attribué en toute confiance.
Le début de cet article, mis entre guillemets anglais, reprend, en supprimant quelques détails (comme le nom du valet meurtrier), la fin de la lettre que Guy Patin a écrite à André Falconet le 30 novembre 1666 (v. ses notes [3]‑[6]).
La suite est un commentaire probablement brodé par les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin, où « je consulte la politique » veut dire « je me range à la conduite ».
Cet article sur les attributs emblématiques d’Esculape {a} est un nouvel emprunt des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin aux Essais de médecine de Jean Bernier : {b} il résume les pages 43‑44 du chapitre iv, qui traitent la question dans de plus amples détails, que je laisse au lecteur intéressé le soin de découvrir.
<Le latin final, où j’ai ajouté, entre crochets, les points de suspension que le Faux Patiniana a omis, mais que Bernier a triplés pour signaler une très longue élision de sa citation, est emprunté aux :
Inscriptiones antiquæ totius orbis Romani in corpus absolutiss. redactæ. Cum indicibus xxv. Ingenio ac cura Iani Gruteri : auspiciis Ios. Scaligeri ac M. Velseri. Accedunt Notæ Tyronis Ciceronis L. ac Senecæ.[Inscriptions antiques de tout le monde romain, réunies en un corpus très complet, avec 25 index, par le talent et les soins de Janus Grüter, {c} sous les auspices de Joseph Scaliger et de M. Velserus. {d} On y a ajouté des Notes de Tiron, affranchi de Cicéron, {e} et de Sénèque]. {f}
Ce sont les quatre ex-voto grecs transcrits et traduits en latin à la page lxxi : {g}
Hisce diebus, Caio cuidam cæco, orcaulum < edidit. Veniret ad sacrum altare : et genua flecteret ; a parte dextra veniret ad lævam et poneret quinque digitos super altare ; et elevaret manum, et poneret, super proprios oculos. Et recte vidit, populo præsente ; et congratulante, quod grandia miracula fierent, sub Imperatore nostro Antonino.Lucio affecto lateris dolore, et desperato ab omnibus hominibus, oraculum reddidit deus. Veniret ; et ex tribomo tolleret cinerem, et una cum vino commisceret, et poneret supra latus. Et convaluit ; et publice gratias egit deo ; et populus congratulatus est illi.
Sanguinem revomenti Iuliano, desperato ab omnibus hominibus, ex oraculo respondit deus. Veniret ; et ex tribomo tolleret > {h} nucleos pini, et comederet, una cum melle per tres dies. Et convaluit ; < et veniens publice gratias egit, præsente populo.Valerio Apto militi, cæco, oraculum reddidit deus. Veniret ; et acciperet sanguinem ex gallo albo, admiscens mel ; et collyrium conficeret ; et tribus diebus uteretur, supra oculos. Et vidit ; et venit ; et gratias publice, deo >.
[Ces jours-là, à un aveugle nommé Caius, l’oracle < a révélé : « Qu’il vienne à l’autel sacré et s’agenouille ; qu’il se déplace de la droite vers la gauche et pose cinq doigts au-dessus de l’autel ; puis qu’il lève la main et la pose sur ses propres yeux. » Et il a vu clair, en présence du peuple et en se félicitant que de grands miracles se fissent ainsi sous notre empereur Antonin. {i}
À Lucius qui souffrait d’une douleur du flanc {j} et avait désespéré de tous les hommes, le dieu a rendu cet oracle : Qu’il vienne, qu’il prenne de la cendre du triple autel et la mélange à du vin et se l’applique sur le flanc. » Et il a guéri ; il a rendu publiquement grâce au dieu et le peuple l’en a félicité.
À Julianus qui vomissait le sang {k} et avait désespéré de tous les hommes, le dieu répondit par cet oracle : « Qu’il vienne, qu’il prenne du triple autel > des pignes de pin et qu’il les mange avec du miel trois jours durant. » Et il a guéri ; < et il est venu rendre publiquement grâce, devant le peuple réuni.
Au soldat aveugle Valerius Aptus, le dieu a rendu cet oracle : « Qu’il vienne et recueille le sang d’une poule blanche ; qu’il le mêle à du miel pour en confectionner un collyre, et se l’applique sur les yeux trois jours durant. » Et il a vu ; et il est venu rendre publiquement grâce au dieu >]. {l}
- V. supra note [31].
- Paris, 1689, v. supra note [9].
- V. notes [9], lettre 117, et [5] supra.
- V. note [5], lettre 34 pour Joseph Scaliger. M. Velserus est le nom latin de l’historien et philologue Markus Welser (Augsbourg 1558-ibid. 1614).
- Secrétaire et esclave affranchi (L. pour Liber) de Cicéron ; ses notes et celles de Sénèque le jeune développent les multiples abréviations employées dans les inscriptions.
- Heidelberg, Officina Commeliniana, sans date (1602-1603), in‑fo illustré en deux parties de1 179 et 200 pages (notes de Tiron et Sénèque), auxquelles s’ajoutent les copieux commentaires de Grüter.
- Ces ex-voto sont supposés provenir du temple d’Esculape dans l’île Tibérine (sur le Tibre, à Rome) :
Vidit, et ex Ioh. Metelli autographo descripsit Smetius. Hæc quidam, verbum verbo reddens, sic Latine vertit.[Smetius {i} les a vues et transcrites à partir de l’autographe de Johannes Metellus. {ii} Quelqu’un les a ainsi traduites, en les rendant mot pour mot].
- Cette paire de chevrons et la suivante délimitent les deux très longues omissions de Bernier.
- Antonin le Pieux a régné sur l’Empire romain de 38 à 161 (v. note [54] des Préceptes particuliers d’un médecin à son fils).
- Probable pleurésie, v. note [10], lettre 40.
- Hématémèse, v. note [5], lettre 410.
- V. note [12], lettre 698, pour le coq que le crédule convalescent sacrifiait à Esculape en remerciement de son heureuse intervention.
La raillerie sur la calvitie d’Esculape est une addition des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin, mais il est instructif de se demander pourquoi ils ont écrit qu’« on le dépeint chauve, parce que le médecin ne doit point laisser échapper l’occasion » : cette question m’a mené à trois sources insolites sur la calvitie, {a} qui consoleront peut-être ceux qui sont dépités d’en être atteints.
« On la représentait sous la forme d’une femme nue, et chauve par derrière, un pied en l’air et l’autre sur une roue, un rasoir d’une main et un voile de l’autre, et quelquefois courant sur le tranchant des rasoirs sans se blesser. »
- Alopécie, v. note [3] du Mémorandum 10.
- V. note [9], lettre 138.
« De Lysippus {b} suis l’ouvrage de prix,
D. Qui es-tu donc ? R. L’article du temps pris.
D. Pourquoi sur roue, aux pieds as-tu des ailes ?
R. Car toujours tourne, à tous vents faisant voiles.
Pourquoi tiens-tu rasoir ? R. Ce signe argue ? {c}
Que plus que nul tranchant je suis ague. {d}
D. Pourquoi derrière es chauve, et chevelure
As au devant ? R. Pour être prise à l’heure,
Afin que si on me laisse échapper,
On me puisse après aux crins happer.
Pour toi suis faite en tel art fantastique, {e}
Pour tous instruire, ouverte est la boutique. {f}[Commentaire (Prosopée)]
Occasion est le point du temps opportun à faire ou à voir les choses utiles ; lequel, quand il s’offre et est bien pris, tranche et dépêche ; aussi {g} omis, passe et s’en va soudainement, sans plus jamais pouvoir être recouvré. »
- V. note [19], lettre 229.
- Lysippe, sculpteur grec du ive s. av. J.‑C., est le créateur de la statue de Kairos qui a servi de modèle à tous les artistes antiques qui l’ont suivi.
- Te heurte-t-il ?
- Aiguisée.
- Imaginaire.
- L’atelier de l’artiste.
- Mais si.
« Esculape est le seul dieu qu’il ne soit pas interdit de représenter ; mais on le montre plus chauve qu’un pilon. À Épidaure, dira-t-on, il est chevelu : c’est que les Grecs s’inquiètent assez peu de la vérité, comme le leur reproche l’historien. En Égypte, chaque jour on voit Esculape ; on peut le consulter dans tous les lieux, à toutes les heures, sans attendre son bon plaisir. En effet on assure que les Égyptiens possèdent des secrets merveilleux pour évoquer les dieux ; ils savent, avec quelques paroles mystérieuses, faire venir à leur gré ceux des êtres divins que leur nature rend accessibles aux influences magiques. Ils peuvent donc, bien mieux que les Grecs, nous apprendre quelle est la vraie figure des dieux. »
« Comme la santé est un bien, et le plus précieux de tous, ne voyons-nous pas beaucoup de gens recourir au rasoir et aux pâtes épilatoires pour se débarrasser de leurs cheveux ? Ils espèrent que la calvitie va les préserver d’un grand nombre de maladies. Mais si l’ophtalmie, le rhume, les maux d’oreilles, et toutes les affections qui ont leur siège dans la tête, disparaissent quand nous sommes déchargés de cet incommode fardeau, n’est-ce pas déjà fort heureux ? Que sera-ce donc si du même coup nous guérissons nos pieds ou nos intestins ? Quand ces parties du corps sont malades, les médecins font appliquer ce qu’ils appellent des cercles ; or les cercles ne sont au fond rien autre chose qu’un épilatoire avec lequel on enlève les cheveux plus sûrement qu’avec le fer même. Il est tout simple, en effet, que la tête, comme une citadelle élevée, commande à tout le reste du corps, et lui envoie la santé ou la maladie. Nous autres chauves nous devons donc nous porter, non pas comme le commun des hommes, mais bien mieux, j’ose le dire. Voilà ce que signifie cet Esculape sans cheveux, tel que nous le représentent les Égyptiens. Ces statues nous avertissent, elles nous donnent la plus efficace de toutes les prescriptions médicales ; elles semblent nous dire que si nous voulons jouir d’une bonne santé, il faut imiter l’inventeur, le dieu de la médecine. Un crâne, exposé aux rayons du soleil et à toutes les intempéries des saisons, se durcit : ne vous étonnez pas si ce n’est plus une substance osseuse, mais du fer ; alors il peut braver toutes les maladies. […] Il existe autant de différence entre une tête chevelue et une tête chauve : elles ressemblent, la première, à l’arbre du marécage qui reste à l’ombre, la seconde, à l’arbre de la montagne en butte à tous les vents ; voilà pourquoi l’une est aussi fragile que l’autre est solide. »
- V. note [14] du Borboniana 6 manuscrit.
Cet article se réfère à l’Historia Maior [Grande Histoire] de Matthieu Paris, {a} continuée par son frère en religion, le chroniqueur anglais William de Rishanger, moine bénédictin de Saint-Albans (Hertfordshire), mort après 1312. Elle porte sur l’année 1260, sous le règne du roi Henri iii d’Angleterre (continuation, page 666, deuxième colonne, repères C‑D) :
Eodem tempore apud Theokesbery, quidam Iudæus cecidit in latrinas, sed quia tunc erat Sabbatum, non permisit se extrahi, nisi sequente die Dominica, propter reverentiam sui Sabbati, quamobrem Iudæum contigit mori in fœtore.[Au même temps, à Tewkesbury, {b} un juif tomba dans les latrines ; mais parce que c’était jour de sabbat, il ne s’autorisa pas à se sortir de là, non plus que le lendemain, dimanche, par respect de son sabbat ; il advint donc que ce juif mourut dans la puanteur].
- Paris, 1644, v. note [2], lettre 59.
- Tewkesbury (entre Gloucester et Birmingham) était le siège d’une abbaye bénédictine fondée au début du viiie s.
Guy Patin connaissait ce livre et aurait pu trouver plaisir à conter cette méchante raillerie sur le sabbat.
Les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont emprunté cet article au Traité des Superstitions de Jean-Baptiste Thiers, {a} livre v, page 417, chapitre vi, {b} dans une copieuse liste d’illustrations toutes plus burlesques les unes que les autres :
« Ne pas s’enivrer en buvant, pourvu qu’ils disent dès les premiers coups qu’ils boivent :Τρις δ’ αρ’ απ’ Ιδαιων ορεων κτυπε μητιετα Ζευς. »
- Tome premier, Paris, 1697, v. supra note [8].
- Intitulé : Que les phylactères ou préservatifs qui se font avec des paroles, soit qu’elles ne signifient rien ou qu’elles signifient quelque chose, sont superstitieux. Qu’ils sont condamnés par les conciles et les Pères. Exemples de divers préservatifs avec paroles. Des billets ou brevets. Qu’ils ne sont pas moins illicites que les autres préservatifs. Des lettres qu’on appelle de liberté. Qu’elles sont superstitieuses.
- L’Iliade, chant viii, vers 170 (dans un passage qui n’a rien à voir avec l’ivresse) :
« Trois fois des hauteurs de l’Ida, tonna le sage Zeus. »
Il va sans dire que je n’ai pas identifié « Monsieur Q.L.F. » dans les écrits de Guy Patin.
Ces trois articles viennent intégralement de lettres que Guy Patin a écrites à André Falconet, avec trois consternantes erreurs de transcription (imparfaitement corrigées dans l’édition de 1710, que j’ai rectifiées entre crochets) :
Jacobus Micyllus (Jacob Molseym ou Moltzer, Jacques Micylle ; Strasbourg 1503-Heidelberg 1558) a enseigné le latin et le grec dans diverses universités allemandes. Il avait emprunté son nom de plume au personnage de Μικυλλος (Mikullos) qui figure dans le dialogue de Lucain intitulé Ονειρος η Αλεκτρυων (Oneiros ê Alektruôn « Le Songe ou le Coq »). « Il a été un des meilleurs poètes < latins > qui furent de son temps en Allemagne » (Bayle).
Guy Patin n’a jamais parlé de Micylle. Cet article du Faux Patiniana a emprunté l’essentiel de sa première partie à l’addition d’Antoine Teissier aux Éloges des hommes savants tirés de l’Histoire de M. de Thou (Genève, 1683, v. note [12] du Faux Patiniana II‑2), sur Micylle (tome premier, pages 139‑140).
[La manière d’examiner les vers, composée pour l’usage et l’exercice des enfants…] ; {b}
Euripides Poeta Tragicorum princeps in Latinum sermonem conversus, adiecto e regione textu Græco : cum Annotationibus et Præfationibus in omnes eius Tragœdias, autore Gasparo Stiblino. Accesserunt Iacobi Micylli De Euripidis vita, ex diversis autoribus collecta : item De Tragœdia et eius partibus προλεγομενα quædam. Item, Ioannis Brodæi Turonensis Annotationes doctiss. nunquam antea in lucem editæ. Ad hæc, Rerum et verborum toto Opere præcipue memorabilium copiosus Index.[Euripide, le poète, prince des Tragiques, traduit en latin, avec en face le texte grec, et les annotations et préfaces de Gasparus Stiblinus {c} sur chacune des tragédies. On y a ajouté la Vie d’Euripide que Jacobus Micyllus a colligée à partir de divers auteurs, ainsi que quelques prolégomènes sur la tragédie et les parties qui la composent, ainsi que les très savantes annotations jusqu’ici inédites de Jean Brodeau, natif de Tours. {d} Avec un copieux index des matières et des mots particulièrement remarquables contenu dans la totalité de l’ouvrage] ; {e}
[D’Ovide, poète natif de Sulmone : les six livres des Fastes, les cinq des Tristes, les quatre des Pontiques et Contre Ibis. {f} Avec les Commentaires des plus doctes auteurs : Ant. Constantius natif de Fano, Paulus Marsus, Barth. Merula, Domitius Calderinus, Zarottus. {g} On y a ajouté les gloses de Vitus Amerpachius {h} et de Jacobus Micyllus, et les annotations extrêmement savantes de Philipp Melanchthon : {i} elles corrigent et expliquent les passages corrompus ou obscurs, et que les autres ont jusqu’ici peiné à comprendre, avec tant de soin que ceux qui étudient ces livres ne peuvent presque rien désirer de plus]. {j}
« Le destin m’appelle et je meurs de bon cœur. Adieu mes amis, la haute royauté du ciel étoilé me convoque ; mais Toi, Christ, qui nous accordes les joies d’une nouvelle vie, et nous donnes une place dans le séjour d’en-haut, attribue généreusement le repos paisible à cette âme qui s’en va, afin que le prix de ta mort ne me soit pas inutile. Que cette liqueur, qui s’écoule de ta sainte plaie, me lave, qu’il soulage ces fièvres, qu’il étanche cette soif ! » {d}
- Petrus Lotichius Secundus est le nom latin de Peter Lotich (ou Lotz) le Jeune (Schlüchtern, Hesse 1528-Heidelberg 1560), poète latin et médecin allemand. Il était grand-oncle de Johann Peter Lotich, correspondant de Patin, qui n’aurait sans doute pas manqué de mentionner cette parenté.
- Leipzig, Officina Vœgeliana [Atelier Vœgel], 1563, in‑8o de 242 pages, pour l’une de plusieurs éditions.
- Ils sont précédés (page 103) de ces deux vers parlant de Micylle :
Ergo ubi sensisset labi per viscera mortem,
Hæc dedit in mæsto verba suprema thoro.[Quand donc il sentit la mort envahir ses entrailles, il prononça ces paroles sur sa funèbre couche].
J’ai corrigé la transcription de L’Esprit de Guy Patin pour la rendre strictement conforme à la source originale.
- Lotich conclut son récit (mais non son élégie) avec ces deux vers :
Dixit, et in tenues migravit spiritus auras,
Et placidus clausit lumina victa sopor.[Il dit ces mots, et son esprit migra vers les cieux déliés, et un calme assoupissement ferma ses yeux défaits].
Étant donné l’emprunt qui le précède ce commentaire sur le libertinage des poètes, « ces gens par trop dépravés et impies », ne peut être attribué à Guy Patin : ce sont sans doute les élucubrations des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin, s’évertuant à faire croire qu’ils le font parler.
L’attribution de l’expression orator vir bonus (suivie de sa traduction entre guillemets français) est inexacte. Elle ne vient pas de Cicéron, mais de Quintilien (L’Institution oratoire, livre xii, chapitre premier) : {a}
Non posse oratorem esse nisi virum bonum. Sit ergo nobis orator quem constituimus is qui a M. Catone finitur orator vir bonus dicendi peritus.[On ne peut être orateur si on n’est homme vertueux. Que soit donc pour nous l’orateur, tel que nous l’avons caractérisé, cet orateur que Caton {b} définit comme un homme vertueux, aguerri en l’art de parler]
- V. note [4], lettre 244.
- Caton l’Ancien, dit le Censeur, v. note [5] de Patin contre les consultations charitables de Renaudot.
Vers 85-88 des Remèdes à l’amour, précédés de leur libre traduction, mise entre guillemets français, dont voici une version plus littérale :
« Cet arbre, qui offre ses vastes ombrages aux promeneurs, ne fut au début, quand on l’a planté, qu’une brindille ; des mains pouvaient alors l’arracher tout entier du sol ; mais le voici dans son immense épanouissement, enflé de sa toute-puissance. »
J’abandonne tout aussi volontiers aux rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin leur oiseuse digression sur Ovide.
Ces quatre articles viennent de trois lettres que Guy Patin a écrites à André Falconet.
Le commentaire n’est pas dans la lettre imprimée. Sa dernière phrase, sur le sang, la bile et les rides, est incompréhensible, sauf à la tourner autrement : « La médecine ne rajeunit personne, elle ôte du sang et de la bile, mais rides et années subsistent. »
Le commentaire de Patin, sur les avantages respectifs de la bière et du vin (v. sa note [14]), est plus distrayant que celui des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin, qui compare la bonne eau de Paris à celle, saumâtre, des Bataves.
Arcueil, en Île-de-France (Val-de-Marne) était réputée pour ses eaux (Trévoux) :
« C’est un village à une lieue de Paris au midi, ainsi nommé parce que Julien l’Apostat, {a} pendant le séjour qu’il fit à Paris, fit construire un aqueduc dans ce village pour conduire les eaux aux thermes de Julien, qui étaient où est aujourd’hui l’hôtel de Cluny, et où l’on en voit encore des restes. Du latin Arcus Juliani s’est fait Arcueil. Le superbe aqueduc qui s’y voit aujourd’hui a été construit par Catherine de Médicis, {b} et on voit encore auprès les ruines de l’ancien. »
- Au ive s., v. note [15], lettre 300.
- Construit entre 1609 et 1623, cet aqueduc puisait dans les sources de Rungis pour alimenter les jardins du palais du Luxembourg.
Patin n’a employé le mot tantale ni dans son sens propre (Tantale, v. notule {c}, note [25] du Borboniana 3 manuscrit) ni dans son sens figuré : « c’est un avare riche, qui se refuse tout, et qui est à lui-même inhumain. Cet homme est un tantale qui se laisse mourir de faim au milieu de ses richesses » (Trévoux).
Cet article détourne, au profit des hommes et aux dépens des femmes, le véritable sens du propos que Phèdre tient à son fils Hippolyte dans la tragédie de Sénèque le Jeune qui porte le nom de l’un ou l’autre de ces deux personnages (vers 607, acte ii, scène 3) :
Curæ leves loquuntur, ingentes stupent[Les peines légères sont disertes, les immenses sont muettes].
Il serait concevable qu’il s’agît d’une raillerie misogyne de Guy Patin si la suite (v. infra note [45]) n’en dissuadait pas le critique méticuleux et méfiant.
Cette anecdote puise dans deux autres sources antiques, qu’a aussi réunies l’article du Grand Dictionnaire de Louis Moréri (v. supra note [15]) sur le mot Mausolée (Amsterdam, Utrecht et La Haye, 1694, tome troisième, page 472).
Gentis Cariæ regina Artemisia virum suum Mausolum fato absumptum quantopere desideraverit leve est post conquisitorum omnis generis honorum monumentique usque ad vii miracula provecti magnificentiam argumentari : quid enim aut eos colligas aut de illo inclito tumulto loquare, cum ipsa Mausoli vivum ac spirans sepulcrum fieri concupierit eorum testimonio, qui illam extincti ossa potioni aspersa bibisse tradunt ?[La reine de Carie, Artémise, eut le plus vif chagrin de la perte de son mari. {a} Toute preuve de l’intensité de ses regrets serait faible après les honneurs de toute sorte qu’elle rendit à sa mémoire et la construction du monument que sa magnificence fit mettre au rang des Sept Merveilles. {b} Mais à quoi bon énumérer ces honneurs et parler de ce fameux tombeau ? Ne voulut-elle pas devenir elle-même le tombeau vivant et animé de Mausole, à en croire les témoignages selon lesquels, après la mort de son époux, elle en but les cendres mêlées dans un breuvage ?]
« Quand il vit le tombeau de Mausole, il dit : “ Un tombeau somptueux, c’est le fantôme d’une fortune pétrifiée. ” » {c}
- Artémise ii était l’épouse de Mausole, roi ou satrape de Carie (en Asie Mineure), mort en 353 av. J.‑C., immortalisé par son tombeau qui est à l’origine du mot mausolée. Il avait été construit à Halicarnasse, capitale de la Carie antique (v. notule {b}, note [6] du Faux Patiniana II‑1).
- Chronologiquement, le tombeau de Mausole a été la cinquième des Sept Merveilles du monde antique. Je ne sais pas expliquer pourquoi L’Esprit de Guy Patin le qualifie ici de « seconde Merveille du monde » (quand Moréri ne la numérote pas).
- Ταφος πολυτελης λελιθωμενης εστιν ουσιας ειδωλον.
Tous les commentateurs de Diogène Laërce ont remarqué qu’Anaxagore, mort en 428 av. J.‑C., n’a pu voir le tombeau de Mausole : ou bien cet apophtegme lui est attribué à tort, ou bien il l’a prononcé dans une autre occasion.
Cet article réunit donc trois citations antiques ; toutefois, bien que la première (celle de Sénèque le Tragique, v. supra note [44]) demeure « orpheline » (mais fort banale), je l’attribue tout entier et sans état d’âme aux rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin.
Cet article se réfère au début de la Declamatio cclxviii des Institutions oratoires attribuées à Quintilien, intitulée Orator, medicus, philosophus [L’Orateur, le médecin, le philosophe], avec cet argument :
Contendunt orator, medicus, philosophus de bonis patris, qui testamento eum heredem reliquerat, qui se probasset amplius prodesse civibus.[Un orateur, un médecin et un philosophe disputent des biens de leur père, qui avait désigné pour son héritier celui des trois qui se montrerait le plus utile aux citoyens].
La citation comparant les trois disciplines est ici d’abord donnée en français, puis en latin. Fort peu d’auteurs français l’ont employée avant L’Esprit de Guy Patin. {a} Je ne l’ai lue que dans la lettre xcvi de La Mothe Le Vayer, De la Maladie du roi. {b} Ce passage (tome second, page 814) a néanmoins pu inspirer Guy Patin ou les rédacteurs du Faux Patiniana :
« En me demandant des nouvelles du rétablissement de la santé du roi, vous me voulez engager dans des questions galéniques où je ne désire point entrer ; {c} me contentant de vous dire que tout ce qui s’écrit au désavantage de la médecine, par ceux qui ont pris à tâche de la décrier, se réfute, ou du moins est fort balancé par une infinité d’éloges que d’autres lui donnent. Car vous pouvez vous souvenir comme cet orateur romain la préfère à toutes les autres applications de notre esprit, qui ne sont ni si généralement nécessaires, ni si absolument utiles comme elle. » {d}
- Entre autres éditions, elle était imprimée pages 284‑287) des Fragmenta attribués à Quintilien (Cologne, Samuel Crispinus, 1617, in‑8o de 551 pages).
- Petits traités, dans les Œuvres (Paris, 1662, v. note [26], lettre 557).
- Le contenu de cette « lettre » de La Mothe Le Vayer ne permet d’identifier ni sa date ni son destinataire. On peut seulement supposer qu’il s’agissait de la maladie de Louis xiv survenue à Mardyck en 1658, qui déchaîna les passions entre adversaires et partisans de l’antimoine (v. entre autres, les notes [6], lettre 532 et [5], lettre 538).
- Suit la citation du Pseudo-Quintilien, avec sa référence donnée dans la marge : Quintil. decl. 168.
Guy Patin pouvait avoir aisément accédé aux Declamationes du pseudo-Quintilien et aux Petits traités de La Mothe Le Vayer. Il pourrait bien être l’auteur de ce commentaire où seul le mot gratuitement me surprend parce que : (1) Patin tenait à ses honoraires, sans jamais défendre, même ironiquement, la gratuité des soins (en dehors des consultations charitables de la Faculté) ; et (2) pour qualifier un succès médical, il utilisait ordinairement heureusement comme troisième adverbe, cito, tuto et iucunde.
Cet article évoque indéniablement l’esprit de Guy Patin : sa vie, tant publique que privée, a été émaillée de nombreux procès ; il aimait plaider lui-même sa cause quand il s’agissait de défendre la Faculté de médecine ; les trois références latines qu’il contient lui étaient familières.
« je te charge d’observer attentivement ses yeux et son front tandis qu’elle lira : son visage fermé peut faire connaître mon avenir. »
« très souvent, le front, les yeux, le visage mentent ».
« Il est comme la montre de l’horloge, qui marque les heures et moments du temps, étant les mouvements et roues cachés dedans ; et comme l’air qui reçoit toutes les couleurs et changements du temps, montre quel temps il fait, aussi dit-on l’air du visage, corpus animum tegit, et detegit, in facie legitur homo. »
- « le corps revêt l’esprit et le dévêt, on lit l’homme sur son visage ».
Taxile (Taxilès), raja de Taxila et satrape du Pendjab, au nord-ouest de l’Inde, s’allia à Alexandre le Grand (v. note [21], lettre 197) dans sa guerre contre Pôros, roi de Pauravas (bataille de l’Hydaspe, en 356 av. J.‑C). La relation de L’Esprit de Guy Patin est issue de Plutarque, Vie d’Alexandre le Grand, chapitre lxxix (traduction de Dominique Ricard, 1743) :
« Taxile possédait, dit-on, dans l’Inde, un royaume aussi grand que l’Égypte, très abondant en pâturages et en fruits excellents. C’était un prince sage, qui, étant allé trouver Alexandre, lui dit, après l’avoir salué : “ Qu’avons-nous besoin, Alexandre, de nous faire la guerre, si tu n’es pas venu pour nous ôter l’eau et ce qui est nécessaire à notre nourriture ? Ce sont les seules choses qui puissent forcer les hommes à combattre les uns contre les autres. Pour les richesses et les autres biens, si j’en ai plus que toi, je suis prêt à t’en faire part; si j’en ai moins, je n’aurai pas honte de recevoir de tes bienfaits et je les accepterai avec reconnaissance. ” Alexandre fut ravi de sa franchise, et lui dit en l’embrassant : “ Crois-tu donc, Taxile, que, pour ces belles paroles et ces témoignages de confiance, notre entrevue se passera sans combat ? Non, tu n’y auras rien gagné : je veux combattre avec toi jusqu’à l’extrémité, mais par des bienfaits ; et je ne prétends pas être vaincu en générosité. ” Il reçut de Taxile de riches présents, lui en fit de plus considérables ; et enfin, dans un souper, il lui porta pour santé mille talents d’argent monnayé. {a} Un pareil don déplut aux courtisans d’Alexandre, mais il lui gagna l’affection de la plupart des Barbares. »
- Pour le Dictionnaire de Trévoux, le talent d’or antique était estimé valoir 15 000 livres tournois (5 000 écus). L’équivalence donnée par L’Esprit de Guy Patin (environ 600 écus pour un talent) était nettement moindre, approchant plutôt du grand talent d’argent (1 333 livres ou 444 écus).
Le pilori était le « poteau qu’un seigneur haut justicier fait élever en un carrefour pour marque de sa seigneurie, où sont ses armes, et quelquefois un carcan. À Paris, c’est un petit bâtiment en forme de tour, avec une charpente à jour, dans laquelle est une machine tournante, où l’on attache les infâmes qu’on veut exposer à la risée publique. Il est placé au milieu des Halles, et est du domaine affecté à l’exécuteur de la haute justice » (Furetière).
Les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin voulaient dire que, « dans le siècle prochain », les plus insignes prévaricateurs (partisans) s’en tireraient à bon compte, pourvu qu’ils se soumissent entièrement au service du roi, après avoir subi la honte du pilori. Patin était certes fort amateur des Vies de Plutarque (où il a dit avoir appris à lire, dans sa lettre 106), mais eux détails me froissent dans cet article : il n’a jamais employé le mot pilori dans ses lettres et, de son vivant (en 1664), le tout-puissant Nicolas Fouquet fut condamné à être emprisonné à vie pour ses exactions.
L’avis se lit dans l’édition de la Schola Salernitana [L’École de Salerne] donnée par Zacharias Sylvius, {a} chapitre xxiii (page 161), De utilitate lotionis manuum [L’utilité de se laver les mains] :
Lotio post mensam tibi confert munera bina,
Mundificat palmas, et lumina reddit acuta.
Si fore vis sanus, ablue sæpe manus. Duæ hic referuntur commoditates ex lotione manuum a sumpto cibo. Primo namque manus ipsas puras atque mundas efficit. Deinde vero lumina etiam reddit acuta, hoc est, visus aciem excitat ; et hoc quidem non per se, sed ex accidenti. Manus enim instrumenta sunt, quibus purgantur oculi. Quare puras eas atque mundas esse convenit.[Une ablution après le repas te confère deux avantages : cela nettoie les mains et rend les yeux plus perçants. Si tu veux être sain, lave-toi souvent les mains.
Deux avantages sont ici attribués au lavage des mains après avoir mangé : tout d’abord cela rend les mains pures et propres ; ensuite aussi, les yeux plus perçants, c’est-à-dire accroît l’acuité visuelle ; et cela non pas directement, mais incidemment, car les mains sont les instruments qui nettoient les yeux ; il convient donc de les tenir pures et propres]. {b}
- Rotterdam, 1649, v. note [19], lettre 236.
- Quoi qu’en dît L’Esprit de Guy Patin, l’adjectif purus figure deux fois dans ce chapitre (qui ne figure pas dans les éditions latines données par René Moreau Paris, 1625 et 1672, v. note [4], lettre 12).
Guy Patin n’a parlé du lavage des mains comme d’une coutume « saine » ou « pure » ni dans ses lettres, ni dans ses écrits médicaux (notamment dans son Traité de la Conservation de santé). En revanche, Joseph Scaliger y a prêté attention (Secunda Scaligerana, pages 419‑420) :
Lavare manus. In his regionibus non lavant manus postquam minxerunt, redeunt ita ad mensam. Hautenus cum rogaretur rediens à lotio ut lavaret manus, noluit, dicens non esse fui moris. In Anglia fuimus in mensa Cancellarii, qui non lavans manus accedebat ad mensam ; nos petiimus aquam, ridebant, et afferebant parum aquæ, ut omnes intus lavaremus, et unusquisque de alterius sordibus participaret.[Se laver les mains. En ces contrées, {a} ils ne se lavent pas les mains après avoir pissé, et en reviennent directement à table. Si on propose à Hautenus {b} de se laver les mains quand il revient des latrines, il rit et dit que ça n’est pas son habitude. Étant en Angleterre à la table du chancelier, on ne se lavait pas les mains avant de s’y asseoir ; quand nous avons demandé de l’eau, ils se sont esclaffés et nous en ont apporté un peu, de sorte qu’en nous y lavant tous, chacun à son tour profita de la souillure de l’autre].
- Dans les pays du nord de l’Europe.
- Le Hollandais Janus Hautenus (van Hout), v. note [10] du Grotiana 1.
Je n’ai pas identifié « Monsieur D.B. ».
Cette anecdote sur l’assez obscur littérateur italien Sebastianus Maccius (Sebastiano Macci, Urbania 1558-1615) vient de l’éloge que Janus Nicius Erythræus lui a consacré aux pages 277‑279 de sa Pinacotheca [Galerie de portraits] : {a}
Nemini quidem noverim, tanta tum soluta oratione tum versibus, Latine scribendi facilitas et celeritas contigit, quanta in Sebastiano Maccio extitisse narratur. […] Quid verbis opus est ? tam multa in scribendo opera fecit, ut in dexteræ manus pollice atque indice, qua ab eis parte calamus adstringitur, ex assidua illius tractatione, duo quasi sulci alte impressi conspicerentur.[Que je sache, une si grande facilité et rapidité à écrire le latin, tant en prose qu’en vers, ne s’est, dit-on, vue chez nul autre que Sebastianus Maccius. (…) Qu’y a-t-il besoin de mots ? il s’est tant appliqué à l’écriture qu’on voyait sur le pouce et l’index de sa main droite, à l’endroit où on serre la plume, comme deux sillons profondément creusés par la pression qu’elle y avait appliquée].
- Cologne 1643, v. notule {b}, note [22] du Naudæana 1.
Bayle (1702, tome 2, page 1951) cite ce propos dans le court article qu’il a consacré à Maccius, pour remarquer que Louis Moréri l’a omis dans le sien (sur Maccio, Amsterdam, 1698, tome 3, page 400).
« À ma santé, à la vôtre, à celle de ma bonne amie et de tous les nôtres ! À la santé de qui n’est pas jaloux de moi, et de qui se réjouit de notre allégresse ! »
Ces deux articles sont tirés de lettres que Guy Patin a écrites à André Falconet.
L’intraduisible jeu de mots latin sur opus [le besoin], opes [les richesses (nominatif et accusatif pluriel de ops)], opem [l’aide (accusatif singulier de ops)] est un grand classique, et même une banalité du genre, ajoutée par L’Esprit de Guy Patin.
Térence, L’Eunuque, acte ii, scène 3, vers 248‑253 :
« Certaines gens veulent être les premiers en tout, et qui ne le sont pas ; je m’attache à eux ; je ne m’échine pas à les égayer, mais je ris de leurs bons mots, tout en m’extasiant sur leur génie. Quoi qu’ils disent, j’applaudis ; l’instant d’après, s’ils disent le contraire, j’applaudis encore. On dit non ? je dis non ; oui ? je dis oui. Enfin, je me suis fait une loi d’approuver tout. C’est le métier qui rapporte le plus aujourd’hui. »
Furetière :
Je n’ai pas identifié « Monsieur L.C. ».
Vers 39‑40 de l’élégie xv (livre i) des Amours d’Ovide :
« Vivant, on sert de pâture à l’Envie ; elle ne vous quitte qu’à votre mort,
et chacun est alors protégé selon la gloire qu’il s’est méritée. »
Guy Patin a cité le premier de ces vers dans ses lettres à Charles Spon du 8 décembre 1671 (v. sa note [12]) et à Johann Georg Volckamer du 25 février 1656 (v. sa note [3]), en l’appliquant à des rivaux envieux l’un de l’autre, mais leurs initiales ne correspondaient ni à « C.E. » ni à « C.S. ».
Cet article emprunte son latin à L’Héautontimorumenos de Térence (acte ii, scène 2) :
« et puis tu connais les manières des femmes, tantôt elles intriguent, tantôt elles se pomponnent, et voilà une année de passée ».
L’interrogation finale met la frivolité féminine sur le compte des hommes et de leur société, soit une pensée assez étrangère à la misogynie ordinaire de Guy Patin (v. notule {d}, note [1], lettre 600).
V. note [8], lettre 584, pour les deux livres de Jules-César Scaliger contre Érasme au sujet du style cicéronien (Paris, 1531 et 1537).
Joseph Scaliger, fils de Jules-César, l’en a justifié dans des termes aussi embrouillés qu’embarrassés (Secunda Scaligerana, pages 309‑310) :
« Mon père a fait une oraison contre Érasme, lequel depuis écrivit que mon père n’était point auteur de cette oraison, quia miles erat. {a} Mon père en fit une autre où il se mit fort en colère. Érasme, sachant qu’il la ferait imprimer, attira de ses amis, qui achetèrent tous les exemplaires qu’ils purent, pour les supprimer ; tellement qu’aujourd’hui on n’en trouve plus. Mon père depuis vit la folie qu’il avait faite d’écrire contre Érasme. La première oraison a été imprimée par les jésuites avec mon épître de la vie de mon père, mais détronquée {b} où ils ont voulu. Mon père avait écrit beaucoup d’épîtres contre Érasme, qui étaient imprimées, mais je les ai fait supprimer, et en ai les exemplaires céans, qui m’ont coûté 72 écus d’or, 36 doubles pistoles ; j’ai commandé à Jonas de les brûler après ma mort. Mon père attaqua Érasme en soldat. Depuis, après avoir étudié, il vit qu’Érasme était un grand personnage. Peut-être mon père n’avait pas lu ou n’entendait pas Érasme. Jamais papiste, luthérien ni calviniste n’a fait un meilleur livre, ni plus élégant qu’est la Paraphrase du Nouveau testament. {c} Encore que mon père ait écrit contre Érasme, si fais-je {d} grand cas d’Érasme : c’était un grand homme. {e} Ô la belle épître qui est écrite au commencement de ses Épîtres ! {f} […] Mais il faut que les grands hommes fassent une faute en leur vie, et ille in Dialogo Ciceroniano nugaciter lapsus. Cum postea Pater vidit reliqua Erasmi opera, vidit se errasse quod contra illum scripsisset : ut Marinus Episcopus Reatinus, qui Hieronymum edidit, dicit Erasmum fuisse Hellenismi ignarum, cum tamen nihil fuerit Erasmo doctius. » {g}
- « parce qu’il était soldat » ; Bayle a longuement commenté les arguments et la chronologie de cette dispute dans les notes I‑ M de son article sur Érasme. On y retrouve le détail des invectives de Scaliger.
- Châtrée. V. note [10], lettre 104, pour la lettre de Joseph Scaliger, écrite à Janus Douza en 1594, sur la vie de son père et sur sa famille.
- V. note [16], lettre latine 2.
- Je fais quant à moi.
- Note de l’éditeur du Scaligerana :
« Scaliger fait ici plusieurs fautes, parlant de la querelle de son père avec Érasme. M. Bayle les relevées dans son Dictionnaire et a donné un détail fort exact de toute cette affaire. Voyez les remarques (I) (K) (L) (M) de l’article d’Érasme. »- V. note [14], lettre 71, pour les 31 livres des Epistolarum d’Érasme, dont la première est son autobiographie.
- « et lui s’est sottement égaré dans son Dialogus Ciceronianus. {i} Quand, ensuite, mon père eut vu les autres ouvrages d’Érasme, il comprit qu’il s’était trompé en écrivant contre lui ; tout comme fit Marianus Victorius de Ricté, évêque d’Amerino, {ii} qui a édité saint Jérôme, quand il a dit qu’Érasme ignorait le grec, quand nul n’y a été plus savant que lui. »
Le propos sur Niphus se lit dans le Thuana, pages 11‑12 : {a}
« Étant à Padoue, Augustinus Niphus, neveu de ce grand philosophe Augustinus Niphus, {b} me parla de Scaliger, et me dit que la vérité était qu’il ne venait point des Scaliger de Vérone, et qu’il venait de Benedetto Bordone, qui demeurait à la strada della Scala à Venise, et l’assura qu’il < en > était ainsi. Comme j’en voulus parler à M. de Foix, {c} M. de Foix me dit que Niphus se plaignait fort de Julius Scaliger pour ce qu’il avait méprisé son oncle, et qu’il semait cette imposture de sa famille pour se venger de lui, et que ce qu’a écrit Scioppius {d} a pris son origine de Niphus, qui le disait à tout le monde. Ce fut en 1573 que Niphus me fit ce conte.Lipsius {e} disait sur ce débat de l’origine de Jules et Joseph Scaliger que ceux de Vérone devraient tirer leur origine de ceux-ci, à cause de leur doctrine, et qu’ils étaient plus nobles que Vérone entière. »
- Thuana sive Excerpta ex ore Jac. Aug. Thuani. Per F.F. P.P.
[Thuana ou les Propos de Jacques-Auguste i de Thou, {i} que par les F.F. P.P. {ii} ont recueillis de sa propre bouche]. {iii}
- Augustinus Niphus, philosophe italien du xvie s. (v. notes [7], lettre 108, et [25], lettre 484).
- Paul de Foix (v. note [31] du Borboniana 3 manuscrit), avec qui de Thou avait fait son voyage en Italie en 1573-1575.
- V. note [10], lettre 104, pour les virulentes attaques de Caspar Scioppius contre la noblesse des Scaliger.
En se fondant sur une notice de Michel de Marolles (v. note [72], lettre 183), dans ses Mémoires (Paris, 1656, page 256), un petit article du Dictionnaire de Moréri (Paris, 1718, tome 5, page 294) fait intervenir un certain Scipion Scaliger, chevalier de l’Escale dans l’Ordre de Malte et intime ami de Scioppius, qui dénonçait les fausses allégations des autres Scaliger sur leurs nobles ascendances.
- V. la lettre que Juste Lipse a écrite à Joseph Scaliger le 12 mars 1606, dans la dernière notule {c} de la note [26] du Grotiana 1.
Melchior Guillandinus avait commenté les trois chapitres de L’Histoire naturelle où Pline l’Ancien a parlé « du Papier » (Venise, 1572). {a} Joseph Scaliger y a vu de nombreuses erreurs et a rédigé des Notæ in Guillandinum [Notes sur Guillandin], qu’il fit circuler sans les faire imprimer. Plus tard, la querelle s’envenima, comme en témoigne (entre autres) ce passage de la lettre que Scaliger a écrite à Isaac Casaubon le 15 juin 1605 (Ep. Lat., lettre cviii, livre ii, édition de Leyde, 1627, pages 287‑288) :
Pater meus fratrem majorem natu habebat, nomine Titum. Ab eo ille distinguebatur cognomine “ a Burden ”. Nunquam enim Pater meus, aut in aula Maximiliani Cæsaris, aut in Italia alio nomine vocatus fuit, quam “ Iulius Cæsar a Burden ”, aut “ Comes a Burden ” : Itali vocabant eum “ Tonsum a Burden ”. Lilius Gregorius Gyraldus, familiaris Patris, mentionem ejus faciens in recentioribus Poetis, vocat eum “ Burdonium ” : si “Burdenium ” dixisset, verum dixisset. Neque aliter potuit. Est enim error Typographi. Hinc illæ lacrymæ. Fanaticus quidam Silesius Melchior Guilandinus, stirpium petitus, reliqua imperitissimus, quum intellexisset, me ab eo in iis, quæ de papyro disputaverat, dissentire, probe hanc injuriam se ulturum putavit, si nos insitios in genus Scaligerum proderet. Iuvit eum, et operas contulit porcus quidam Latinarum literarum professor Patavinus, qui ex illo loco Gyraldi persuasit illi, nos non Scaligeros, sed Burdonios esse. Quid fecit acutus Silesius ? finxit quendam Iulium Burdonem Benedicti civis Veronensis filium in Patavina Schola ad medicinæ gradum fuisse promotum. Hoc in vulgus sparsit, et hinc multa per Europeam exemplaria, quorum ego nullum habeo, vulgata sunt. Ex quo etiam adreptitius ille Robertus Titius “ Burdones ” cœpit crepare : et ne ullum mendacium esset, quod non in scriniis Societatum extaret, nunc in illo Amphitheatro pro “ Burdenio ”, “Burdonius ” audio. Cuius caussam tam illi omnium hominum improbissimi quam etiam probi ignorant. Utrum “ Burdonius ” an “ Burdenius ” vocandus sim, susque deque habeo. Nunquam negabo patrem meum “ a Burden ” vocatum fuisse : id est dominium quoddam in Carnia quod propatrui mei Bonifatii fuit, non patris mei. Et non semel a patre meo audivi id lingua Carnorum significare desertum. Neque solus pater meus se eo nomine Italis et Germanis notum fuisse sæpe prædicabat ; sed et seniores Ligures Taurini, qui cum eo in Nitiobrigas venerant, non aliter quam Iulium Scaligerum a Burden vocabant, ut ego testis sum.[Mon père avait un frère aîné prénommé Titus. Il se distinguait de lui par le surnom « de Burden » ; et que ce soit à la cour de l’empereur Maximilien {b} ou en Italie, il ne fut jamais appelé autrement que « Julius Cæsar de Burden », ou « le comte de Burden » ; les Italiens lui donnaient le nom de « Tonsus {c} de Burden ». En le mentionnant parmi les poètes modernes, Lelio Gregorio Giraldi, {d} qui était ami de mon père, l’appelle « Burdonius » : il aurait dit vrai s’il l’avait nommé « Burdenius » ; mais n’a pu faire autrement, car il s’agit d’une erreur de l’imprimeur. Hinc illæ lacrymæ ! {e} Melchior Guilandinus, fanatique Silésien en manque de racines, et du reste parfaitement ignorant, quand il eut appris que j’étais en désaccord avec lui sur ce qu’il avait écrit au sujet du papier, pensa être entièrement lavé de cette insulte s’il attaquait à notre insu la famille Scaliger. Un porc, professeur de littérature latine à Padoue, lui a procuré de l’aide en le persuadant, sur ce passage de Giraldi, que nous n’étions pas des Scaliger, mais des Burdonius. Et que fit notre subtil Silésien ? Eh bien, il inventa qu’un Julius Burdo, fils de Benedictus, citoyen de Vérone avait obtenu ses grades de médecine à la Faculté de Padoue. {f} Il divulgua son histoire et ensuite, de multiples copies en ont circulé par toute l’Europe, mais je n’en possède aucune. Là-dessus, ce satané Robertus Titius {g} a aussi commencé de criailler le nom de « Burdo » ; et pour qu’aucune menterie n’échappât aux registres des sociétés, j’apprends qu’il y a « Burdonius » à la place de « Burdenius » dans cet Amphitheatrum. {h} Ces plus malhonnêtes de tous les hommes, tout autant que les honnêtes gens, ignorent la cause de cette erreur. Peu m’importe {i} qu’on m’appelle « Burdonius » ou « Burdenius », je ne nierai jamais qu’on appelait mon père « de Burden » : c’est le nom de quelque seigneurie de Carnie, {j} qui appartint à mon arrière-grand-oncle Bonifatius, et non pas à mon père ; et je l’ai souvent entendu dire que dans la langue carnique, ce mot signifie « désert » ; souvent aussi, mon père m’a appris qu’il était le seul de ce nom parmi les Italiens et les Allemands ; mais quantité de vieux Ligures turinois, qui étaient venus avec lui à Agen, ne l’appelaient pas autrement que Julius Scaliger a Burden, ce dont je fus moi-même témoin]. {k}
- V. note [12] du Naudæana 2.
- Maximilien ier a régné de 1459 à 1519 (v. note [4], lettre 692). Jules-César Scaliger, né en 1494 (v. note [5], lettre 9) avait été l’un de ses pages.
- Le Tondu.
- Lelio Gregorio Giraldi (Ferrare 1479-ibid. 1552), littérateur érudit.
- « Et de là ces larmes ! » (Juvénal, v. note [32], lettre 197).
- Jules-César Scaliger est réputé avoir étudié la médecine à Turin, mais sa famille contestait qu’il eût été gradué à Padoue.
- V. note [13] du Naudæana 2 pour Roberto Titi et sa dispute avec Joseph Scaliger sur la poésie latine.
- Plus haut dans sa lettre, Scaliger a parlé de l’Amphitheatrum honoris, in quo Calvinistarum in Societatem Iesu criminationes iugulatæ [Amphithéâtre de la gloire, où sont confondus les crimes des calvinistes contre la Compagnie de Jésus] (Anvers, 1605), écrit sous pseudonyme par le jésuite Charles Scribani (v. note [8], lettre 128).
- Susque deque, « De bas en haut comme de haut en bas », est une locution latine qu’Érasme a commentée (adage no 283) en lui donnant le sens de « peu m’importe, je n’en ai rien à faire », que j’ai adopté pour ma traduction.
- Nord-ouest de l’actuel Frioul.
- La lettre de Scaliger s’achève sur une virulente diatribe contre les jésuites.
Les preuves ont été si bien brouillées des deux côtés que nul, à ma connaissance, n’a encore mis au jour la vérité dans l’insigne querelle sur la noblesse des Scaliger. Étant donné la jeunesse aventureuse de Jules-César et la mégalomanie avérée du père comme du fils, je pencherais plutôt pour une supercherie que l’un aurait forgée et que l’autre aurait soigneusement entretenue.