Evam detulit serpens, Proserpina Ditis
Capta dolo, vana spe specieque boni.
Exiit Eva parens paradiso, cur ? quia malum
Edit ; at in malo nesciit esse malum.
Inferno exisset, malum Proserpina si non
Edisset, taciti nescia virgo mali.
Eva fuit mortis, Proserpina præda Plutonis ;
Illa fuit Iovæ filia, et ista Iovis.
Utraque gustavit vetitum, pœnasque pependit ;
Hæc flores, fructus dum legit illa, perit. [3][15][16]
Rien ne serait plus capable de détromper de la vanité que la vanité même, car que possède-t-on qui fasse un parfait plaisir ? Une belle maison, de grands jardins, des meubles superbes, de beaux tableaux, ces curiosités rares et précieuses : tout cela contente une première fantaisie, procure un amusement pendant quelques jours, et bientôt on ne s’en soucie plus. Cependant, on s’est ruiné à se satisfaire, ou plutôt à vouloir se remplir, et jamais on n’en est venu à bout. Qu’un peu de modération est d’un grand secours, et que de grandes richesses enfantent de nouveaux désirs ! L’homme devient insatiable, et vit toujours mécontent. [4]
Concordes duo sunt in cœlo sidera fratres.
In terra unanimes vix reor esse duos. [11]
La fortune des libraires et des auteurs est assez différente : tel a fait un livre qui l’a enrichi personnellement, mais qui a ruiné le libraire ; tel autre ouvrage, au contraire, a enrichi le libraire, qui a ruiné l’auteur. Je ne croyais jamais le devenir, mais il me semble qu’après avoir longtemps lu et médité, il faut écrire et rendre au public ce qu’on tient de lui-même.
Cur podagra [59] insequitur juvenem te Martis [60] alumnum
Musarumque, senum quæ solet esse comes :
Error hic est morbi ; morum gravitate senilem
Te simul ac vidit, credidit esse senem. [16]
Omnia post obitum fingit majora vetustas,
Majus ab exequiis nomen in ora venit. [21][72]
Tous ces grands héros qu’Homère [73] nous fait tant valoir nous paraîtraient, je crois, bien petits s’ils étaient auprès de nous.
« Bariné, si vous aviez été punie une seule fois de vos serments, de telle sorte qu’une de vos dents en fût devenue noire, ou que vous en eussiez eu un ongle marqué, je vous croirais. »Ulla si iuris tibi pejerati
Pœna, Barine, nocuisset unquam,
Dente si nigro fieres, vel uno
Turpior ungui,
Credrem.
Les devins, les tireurs d’horoscopes, font fortune depuis qu’il y a des fils de famille qui désirent la succession de leurs pères, et des femmes qui ne sont pas contentes de voir leur mari en bonne santé. On donne dans toutes les superstitions qui flattent le désir que l’on a, et on ajoute sans peine beaucoup de foi à ces discours qui ne sont fondés sur rien. Il faut, ce < me > semble, qu’il y ait des gens de ce caractère : ils amusent la crédulité des personnes qui, sans cela, mèneraient une vie bien languissante.
Il y a d’autres superstitions auxquelles des esprits même très raisonnables ne peuvent résister : être un certain nombre à table, faire certains rêves, d’autres chimères semblables, les démontent et les inquiètent, sans que toutes leurs réflexions soient capables de les rassasier < sic pour : rasséréner >. C’est là une étrange faiblesse, pendant que des personnes d’un génie médiocre bravent tous les événements avec intrépidité. [22][76][77]
« Quand le bien n’est pas proportionné à notre état, dit Horace, [79] livre i, Ép. x, c’est comme un soulier qui nous blesse s’il est trop petit, et qui nous fait broncher s’il est trop grand. »Cui non conveniet sua res, ut calceus olim :
Si pede major erit, subvertet, et si minor, uret.
M. Q.N. n’aurait assurément pas tant fait de faux pas s’il avait eu moins de richesses : ses grands biens l’ont tellement dérangé qu’il ne sait garder aucune mesure dans sa conduite ; il souffrait lui seul quand il était pauvre, et il fait souffrir les autres depuis qu’il est riche ; il a dans ses mains de quoi se faire plaisir à lui-même et à tous ceux qui l’approchent ; et ce dequoi ne lui sert qu’à le tourmenter par des inquiétudes continuelles, et à le rendre insupportable également à ses supérieurs, à ses inférieurs et à ses égaux. [24]
« Il n’est pas vrai, comme quelques-uns disent, que la mémoire s’affaiblit dans tous les vieillards : [91] elle ne s’affaiblit que dans ceux qui n’ont pas soin de s’exercer, et qui ont peu d’esprit. Thémistocle [92] savait les noms de tous les Athéniens, croyez-vous donc qu’il les eût oubliés sur la fin de ses jours, et qui appelait L. Simmachus < sic pour : qu’il appelait Lysimachus > celui que se nommait Aristide ? Je sais non seulement les noms de tous ceux qui sont citoyens de Rome, mais je sais même les noms de leurs pères ; de sorte que, bien loin de craindre qu’en lisant les épitaphes, je me mette, comme l’on dit, en danger de perdre la mémoire. Cette lecture même me la rappelle. » [30]
Quod si deficiant vires, audacia certe
Laus erit : in magnis et voluisse sat est.
Properce.
M. ***, qui donne parfaitement dans les nouveautés, nous est venu trouver aujourd’hui avec ces deux vers à la bouche, après avoir donné de l’antimoine [93] à un de ses malades, sans < en > savoir le succès. Les médecins passent pour savoir de belles lettres ; mais s’ils rapportaient ce qu’ils savent toujours aussi mal à propos que celui-ci, leur érudition ne leur ferait pas grand honneur. [31]
Ista decens facies longis vitiabitur annis,
Rugaque in antiqua fronte senilis erit,
Injicietque manum formæ damnosa senectus,
Qua strepitus passu non faciente venit. [100]
Je conseillerais à nos poètes galants, comme par exemple à Ben… A.D.C., de traduire ces vers latins en beaux vers français, pour mettre sur la toilette de leurs belles. Ils contiennent un avis qui abaisserait peut-être un peu leur fierté ; mais la beauté porte avec elle une recommandation d’un trop grand crédit auprès des poètes pour espérer qu’ils suivent mon conseil. [33]
Immortales mortales si foret fas flere,
Fierent divæ Camœnæ Nævium poetam,
Itaque postquam est Orcho traditus thesauro
Obliti sunt Romæ loquier lingua Latina.« S’il est permis aux immortels de pleurer les mortels, les Muses répandraient des larmes à la mort du poète Nævius car, depuis qu’il est au tombeau, les Romains ont oublié la langue latine. » [34]
Le bon latin qui nous reste depuis la mort de ce poète a dû bien essuyer des larmes à ses Muses.
Hic jacet umbra, cinis, nihil. [36]
« Rien ne peut m’empêcher de vous apprendre ce que je pense de la mort, et je crois la connaître d’autant mieux que j’en suis plus proche. Je suis persuadé que vos pères, ces hommes illustres que j’ai tant aimés, n’ont point cessé de vivre, quoiqu’ils aient passé par ce que nous appelons la mort. Je crois qu’ils sont toujours vivants de cette sorte de vie qui seule mérite véritablement d’être appelée ainsi. En effet, tant que nous sommes dans les liens du corps, nous nous devons regarder comme des forçats à la chaîne, puisque notre âme, qui est quelque chose de divin et qui vient du ciel, comme du lieu de son origine, est jetée, pour ainsi dire abîmée, dans cette basse région de la terre, lieu d’exil et de supplice pour une substance dont la nature est céleste et éternelle. Je crois encore que nos âmes ne sont ainsi engagées dans nos corps qu’afin que ce grand ouvrage de l’univers ait des spectateurs qui puissent admirer le bel ordre de la Nature, le cours si réglé des corps célestes, et l’exprimer en quelque manière par le règlement et l’uniformité de leur vie. Quand je vois l’activité de nos esprits, la mémoire qu’ils ont du passé, leur prévoyance dans l’avenir, quand je considère tant d’arts, de sciences et de découvertes où ces mêmes esprits sont parvenus, je suis entièrement persuadé et je tiens pour très certain qu’une nature qui a en soi le fond de tant de grandes choses ne saurait être mortelle. Je remarque encore que l’esprit est quelque chose de simple, sans mélange d’aucune substance qui soit d’une nature différente de la sienne. Je conclus de là qu’il est indivisible et que, par conséquent, il ne saurait périr. Gardez-vous donc bien de croire, mes chers enfants, que je ne sois plus rien, ou que je ne sois nulle part, quand je vous aurai quitté. Ressouvenez-vous que quand nous vivions ensemble vous ne voyiez point mon esprit, et cependant vous croy<i>ez qu’il y en avait un dedans mon corps. Ne doutez donc point que ce même esprit ne subsiste après qu’il en sera séparé, quoiqu’il ne se marque plus à vos yeux par aucune action. Croyez-vous qu’on rendrait aux grands hommes l’honneur qu’on leur rend après leur mort, si leur esprit ne subsistait plus ? Pour moi, je n’ai jamais pu m’imaginer que nos esprits ne vivent qu’autant de temps qu’ils sont dans un corps, et qu’ils meurent quand ils en sortent ; ni qu’ils soient sans intelligence ni sans sagesse après qu’ils ont été dégagés d’un corps qui n’a pas < sic > lui-même ni sens ni raison. Je crois au contraire que quand l’esprit est dégagé de la matière, et qu’il se trouve dans toute la pureté et la simplicité de sa nature, il a alors beaucoup plus de sagesse qu’il n’avait avant ce dégagement. On voit que le corps meurt ; ce que deviennent les parties dont il est composé, on voit qu’elles retournent d’où elles ont été tirées ; mais on ne voit point l’esprit, ni quand il est dans le corps ni quand il en sort. Rien ne ressemble plus à la mort que le sommeil, or c’est pendant le sommeil que l’esprit fait le mieux connaître qu’il est quelque chose de divin. Que sera-ce donc quand il sera entièrement dégagé ? » [39][112]
Vina parant animos faciuntque caloribus aptos.
Cura fugit multo diluiturque mero. [122]
Tunc veniunt risus, tum pauper cornua sumit,
Tum dolor et curæ, rugaque frontis abit.
Tunc aperit mentes ævo rarissima nostro
Simplicitas, artes excutiente deo. [123]
Illic sæpe animos iuvenum rapuere puellæ,
Et Venus [124] in vinis ignis in igne fuit.
La morale, qui tend à corriger cette passion favorite des hommes pour le sexe, n’est point écoutée des jeunes gens ; les vieillards ont contracté une habitude trop forte et trop longue pour en profiter. Ainsi, vaines remontrances et de toutes manières, en tout temps inutiles leçons !
Ævo rarissima nostro simplicitas : on peut dire que la modération et la simplicité n’ont régné dans aucun siècle ; le nôtre ajoute beaucoup à la corruption des précédents ; les femmes sont plus ambitieuses que jamais, et les hommes n’ont point encore été si idolâtres des femmes ; si l’on se guérit de cette passion, elle ne trouve sa destruction que par la naissance d’une autre, qui ne comporte pas moins de faiblesses. [42]
Intolerabilius nihil est quam fœmina dives. [165]
Mademoiselle C.R. disait que < si > elle faisait des satires, « elle en dirait bien d’autres des hommes ». Je lui répondis que « Les femmes n’avaient qu’à se faire aimer des hommes pour les rendre autant ridicules qu’elles voudraient. » « C’est ce que nous faisons. », repartit-elle. « Hé bien, lui dis-je, cela suffit, vous ne pouvez faire de satire qui leur soit plus injurieuse que cette conduite. » [50]
Curia pauperibus clausa est, dat census honoris.
Census amicitias : pauper ubique jacet.
Ovid. [166][167]
Et la vertu, à quoi sert-elle ? Laudatur et alget. [51][168]
Quidquid avium volitat, quidquid piscium natat, quidquid ferarum discurrit, nostris sepelitur ventribus. Quære nunc, cur subito moriamur : mortibus vivimus. [53][175][176]
Felix Admeti conjux, [179] et lectus Ulyssis, [180]
Et quæcumque viri femina limen amat !
Prop. liv. ii, éleg. 6.
Quelque voyageur a prétendu que c’est pour parvenir à cette félicité que les Chinois [181] ont mis la beauté de leurs femmes dans la petitesse de leurs pieds : elles sont, dit-il, devenues les dupes de cette beauté imaginaire car, pour l’obtenir, elles se serrent tellement les pieds qu’à peine peuvent-elles tenir debout.
J’aime bien qu’une femme demeure chez elle quand c’est pour veiller aux affaires domestiques, bien régler la famille, et le reste qui ne se fait point ou qui se fait rarement. Mais quand c’est un effet bizarre qui la retient chez elle, les valets seront querellés, les enfants battus, le mari étourdi du bruit, et presque désespéré de l’inutilité des efforts qu’il redoublera pour entretenir la paix et le bon ordre dans sa maison. Je dis à une telle femme, ou ne < lui > demande pas que vous demeuriez chez vous ; ou je conseille à un tel homme de n’y guère demeurer, et surtout, de n’y faire jamais venir personne ; autrement, point de bonheur, ni pour l’un ni pour l’autre ! [55]
Difficile est tristi fingere mente jocum,
Nec bene mendaci risus componitur ore.
Tibul. livre 3, éleg. 6. [58][189]
Nos danseurs et chanteurs sont souvent dans un état violent car tel d’entre eux chante et rit, qui pleurerait volontiers s’il en avait la liberté.
Nuda sacerdotis docti bene credere inertem
Verba docent populum : vivere vita docet.
Ut decuit docuit qui re sua verba probavit ;
Plus malefacta nocent, quam bene dicta docent. [65]
Postquam morte captus Plautus,
Comœdia luget, sæna est deserta,
Deinde risus, ludus et jocusque et numeri,
Innumeri, simul omnes collacrymarunt. < sic > « Après la mort de Plaute, les ris, les jeux et les plaisirs furent dans la tristesse et versèrent des larmes, la scène étant toute déserte. »
Que cette pensée est usée depuis Varron ! On l’a représentée tant de fois et en tant de manières que je suis surpris qu’on ait encore depuis peu osé la faire servir. [66]
Guy Patin et ses contemporains utilisaient volontiers l’expression ejusdem farinæ, « de même farine », c’est-à-dire « du même tonneau », {a} mais les rédacteurs de son Esprit ont tiré mot pour mot leur article des Additions aux additions d’Antoine Teissier (tome second, page 413). {b} Une note marginale y renvoie à Melchior. Adam. in Vit. Iurisc. vit. Hier. Gerhardi [Melchior Adam, dans les Vies des jurisconsultes, {c} vie de Hieronymus Gerhardus]. {d} Cette vie occupe les pages 203‑211, avec cette remarque (page 210) :
Postremis vitæ annis commentarium Ioannis Brentii, quo Prophetiam Iesaiæ interpretatus est, diligentissime legit : adeo ut plerumque de nocte surgens, aliquot horas lectioni illi tribueret ; quin sic ejus lectione delectatus est, ut exemplar illud toties a se perlectum, etiam sepeliri secum voluerit.[Pendant les dernières années de sa vie, il a lu avec la plus extrême diligence le Commentaire de Ioannes Brentius, {e} où il a expliqué la prophétie d’Isaïe ; {f} à tel point qu’il se réveillait très souvent la nuit pour consacrer quelques heures le parcourir ; ce qui lui procurait tant de plaisir qu’il lut plusieurs fois l’exemplaire qu’il possédait, et aurait même voulu qu’on l’enterrât avec lui].
- V. notre glossaire.
- Éloges, Genève, 1683, v. note [12] du Faux Patiniana II‑2.
- Vitæ Germanorum Jureconsultorum et Politicorum [Vies des jurisconsultes et politiques allemands] de Melchior Adam (Heidelberg, 1620, v. note [27], notule {a}, du Grotiana 1).
- Hieronymus Gerhard (1518-1574) a enseigné le droit dans diverses universités d’Allemagne et conseillé plusieurs princes de l’Empire germanique.
- Johan Brentius (Brentz ou Brenten, 1499-1570), théologien allemand, fut l’un des plus éminents alliés et collaborateurs de Martin Luther dans la fondation de la Réforme protestante (v. note [15], lettre 97). Sous le nom de Jean Brentsen, son éloge, par Jacques-Auguste i de Thou, avec l’addition initiale de Teissier, se lit dans son recueil (tome premier, pages 364‑366).
Les œuvres complètes de Brentius en 7 volumes in‑fo ont paru à Tübingen, Georgius Gruppenbachius, 1588.
- Esaias Propheta, Commentariis explicatus, autore Ioanne Brentio.
Usus Prophetarum. i. Petri. i.
Reportantes finem fidei vestræ salutem animarum, de qua Salute exquisierunt atque scrutati sunt Prophetæ, qui de ventura in vobis gratia vaticinati sunt Scrutantes ad quem aut cuiusmodi temporis articulum significaret, qui in illis erat spiritus christi, qui prius quam acciderent, testabatur venturas in Christum afflictiones, et quæ has secuturæ essent, glorias, quibus et illud revelatum est, quod haud sibi ipsis, imo nobis ministrarent hæc etc.
Una cum Indice copioso in fine addito.[Le Prophète Isaïe expliqué par les Commentaires de Johannes Bentius.
La Pratique des Prophètes (Première Épitre de Pierre, 1) : {i}
« Vous êtes sûrs d’obtenir l’objet de votre foi, qui est le salut de vos âmes. Sur ce salut ont porté les investigations et les recherches des Prophètes, qui ont prophétisé sur la grâce qui vous est destinée. Ils ont cherché à découvrir quel temps et quelles circonstances avait en vue l’esprit du christ, qui était en eux, quand il attestait à l’avance les souffrances du Christ et les gloires qui les suivraient. Il leur fut révélé que ce n’était pas pour lui-même, mais pour nous, etc. »
Avec un index ajouté à la fin]. {ii}
- Versets 9:12 : le latin n’est pas celui de la Vulgate catholique de saint Jérôme, mais, à un mot près, celui d’Érasme (1515, Opera omnia, Petrus Vander Aa, 1705, in‑fo, tome sixième, colonnes 1042 et 1044) ; ma traduction française suit celle de l’École biblique de Jérusalem.
- Francfort, Petrus Brubacchius, 1555, in‑fo de 1 103 pages.
Cet article laisse le lecteur sur sa faim quant aux « trois sortes de gens qui donnent bien de l’occupation dans le monde ». Je ne lui ai pas trouvé de meilleure source que le texte de Platon sur l’anneau de Gygès (Γυγης), au début du livre ii de La République, commentant le récit d’Hérodote. {a} Aucun des détails fournis par L’Esprit de Guy Patin ne manque au récit de Platon, qui donne cette suite et cette morale au conte de Gygès : {b}
« Dès qu’il fut sûr de son fait, il fit en sorte d’être au nombre des messagers qui se rendaient auprès du roi. {c} Arrivé au palais, il séduisit la reine, complota avec elle la mort du roi, le tua, et obtint ainsi le pouvoir. Si donc il existait deux anneaux de cette sorte, et que le juste reçût l’un, l’injuste l’autre, aucun, pense-t-on, ne serait de nature assez adamantine {d} pour persévérer dans la justice et pour avoir le courage de ne pas toucher au bien d’autrui, alors qu’il pourrait prendre sans crainte ce qu’il voudrait sur l’agora, s’introduire dans les maisons pour s’unir à qui lui plairait, tuer les uns, briser les fers des autres et faire tout à son gré, devenu l’égal d’un dieu parmi les hommes. En agissant ainsi, rien ne le distinguerait du méchant : ils tendraient tous les deux vers le même but. Et l’on citerait cela comme une grande preuve que personne n’est juste volontairement, mais par contrainte, la justice n’étant pas un bien individuel, puisque celui qui se croit capable de commettre l’injustice la commet. Tout homme, en effet, pense que l’injustice est individuellement plus profitable que la justice, et le pense avec raison d’après le partisan de cette doctrine. Car si quelqu’un recevait cette licence dont j’ai parlé, et ne consentait jamais à commettre l’injustice, ni à toucher au bien d’autrui, il paraîtrait le plus malheureux des hommes, et le plus insensé, à ceux qui auraient connaissance de sa conduite ; se trouvant mutuellement en présence ils le loueraient, mais pour se tromper les uns les autres, et à cause de leur crainte d’être eux-mêmes victimes de l’injustice. »
- V. notule {e}, note [7], lettre latine 280.
- Traduction d’Émile Chambry, 1934.
- Le légendaire Candaule ou Sadyatte, roi de Lydie (en Asie Mineure, v. note [91] du Faux Patiniana II‑7) au viiie s. av. J.‑C.
- Aucun homme dont la vertu égalerait la dureté et l’éclat du diamant.
Proserpine ou Perséphone (Fr. Noël) :
« Fille de Cérès et de Jupiter, {a} fut enlevée par Pluton, dieu des enfers, {b} lorsqu’elle cueillait des fleurs, et malgré la résistance opiniâtre de Cyané, sa compagne. Cérès, affligée de la perte de sa fille, voyagea longtemps pour la chercher. Ayant appris le nom du ravisseur, elle demanda que Jupiter la fît revenir des enfers, ce que le dieu lui accorda, pourvu qu’elle n’y eût encore rien mangé. Esculape ayant déposé qu’elle avait mangé quelques grains de grenade, {c} Proserpine fut condamnée à rester dans les enfers, en qualité d’épouse de Pluton, et de reine de l’empire des ombres. »
- Cérès, déesse des moissons (v. note [18], lettre 539), était réputée sœur et épouse de Jupiter.
- V. note [16], lettre 514, pour Pluton, dieu des enfers (Orcus des Romains).
- V. note [5], lettre 551, pour Esculape, dieu de la médecine, dont le diagnostic semble à prendre pour une grossesse de Proserpine, fruit des ardeurs de Pluton.
« Pour un vain espoir et l’illusion de quelque profit, le serpent a emporté Ève, et la ruse de Pluton {b} a rendu Proserpine captive. Pourquoi son père chassa-t-il Ève du paradis ? Parce qu’elle avait mangé la pomme, mais elle ignorait que le malin s’y tenait. Vierge ignorante du mal caché, Proserpine serait sortie des enfers si elle n’avait pas mangé le fruit. {c} Ève fut la proie de la mort, {d} et Proserpine, celle de Pluton ; l’une était la fille de Iahvé, l’autre, celle de Jupiter. Toutes deux ont goûté au fruit interdit et en ont subi la punition : elles ont péri, l’une pour avoir cueilli un fruit, l’autre, des fleurs. »
- Épigramme 54, livre deuxième, page 184 (Amsterdam, 1647, v. note [41] du Borboniana 10 manuscrit).
- Dis (Ditis au cas génitif) est un autre nom de Pluton.
- Proserpine serait sortie des enfers si elle n’y avait pas mangé quelques grains de grenade.
- Une fois chassés de l’Eden, Adam et Ève devinrent « proies de la mort » parce qu’ils n’eurent plus accès à l’arbre de vie qui les rendait immortels.
« Il y en a qui apparient le sacrifice d’Isaac, {b} ou celui de Jephté, {c} à celui d’Iphigénie, {d} pour qui la fable substitue une biche. Comme cet autre conte de Baucis et Philémon, si bien narré dans le huitième livre de la Métamorphose d’Ovide, {e} semble avoir quelque conformité avec la sortie de Loth de sa ville, suivie de l’embrasement de Sodome et de Gomorrhe. {f} […] Voici comme un poète anglais a fait la réduction de ce que l’histoire d’Ève a de commun avec la fable de Proserpine. » {g}
- Œuvres, Paris, 1662, v. note [26], lettre 557.
- Célèbre épisode de la Genèse où un ange retient la main d’Abraham qui veut offrir son fils Isaac en sacrifice à Dieu.
- Dans le Livre des Juges, Jephté exécute sa fille en remerciement à Dieu pour avoir exaucé le vœu qu’il a fait avant de gagner la guerre d’Israël contre les Ammonites.
- V. note [30] de l’Autobiographie de Charles Patin pour Iphigénie, que Diane transforma en biche pour lui épargner le sacrifice auquel elle l’avait condamnée.
- Zeus et Hermès voyageant incognito, nul ne veut offrir leur offrir l’hospitalité ; deux pauvres vieillards, Philémon et Baucis, les accueillent avec bonté ; les dieux se vengent en détruisant la ville, mais épargnent le couple qui leur a donné asile et le couvrent de richesses.
- Dans la Genèse Dieu prévient Loth et sa famille de s’enfuir avant la destruction de Sodome et Gomorrhe.
- Après d’autres exemples, La Mothe Le Vayer se servait d’Owen (Audoïnus, cité dans la marge) afin d’expliquer pourquoi l’Église condamnait comme impies les comparaisons entre les vieux mythes païens et les récits chrétiens tirés de la Bible.
La paternité de cette réflexion morale est incertaine. Je ne lui ai pas trouvé d’antériorité, mais seulement une postérité : dans sa Jouissance de soi-même, {a} Louis-Antoine de Caraccioli {b} a repris l’intégralité de cet article en l’attribuant à « un philosophe » (page 321).
- Francfort, en Foire, 1759, in‑8o de 462 pages, « nouvelle édition revue, corrigée et augmentée », rédaction entamée en 1755.
- Ancien membre de la Congrégation de l’Oratoire (Paris vers 1720-ibid. 1803)
Les jeux auxquels s’amusaient les enfants ont éveillé ma curiosité.
« Alexandre Sévère se divertissait au combat des barbets avec de petits pourceaux ; {c} Valentinien, à faire des images de cire ; et Gallienus, des châteaux de pommes. {d} Que si nous voulons avoir autant de curiosité pour de semblables plaisirs que se sont donnés d’autres princes, nous ne les trouverons pas moins puérils et, comme on dit, moins innocents que ceux que nous venons de rapporter ce ces monarques grecs et romains. »
- V. note [58] du Borboniana 9 manuscrit.
- Œuvres, v. supra 3e notule {a}, note [3].
- Un barbet est un « chien à gros poil, et frisé, qui va à l’eau, et qu’on dresse à la chasse des canards » (Trévoux). V. note [45] du Naudæana 2, pour Alexandre Sévère.
- Gallien a régné sur l’Empire romain de 253 à 268 ; au chapitre xvi de sa Vie, L’Histoire Auguste a parlé de ses passe-temps :
Ac ne eius prætereratur miseranda solertia, veris tempore cubicula de rosis fecit, de pomis castella composuit.[Et pour ne rien oublier de ses trouvailles déplorables, au printemps, il faisait des chambres de roses et édifiait des châteaux de pommes].
Au xviie s., la principale source française de renseignements sur Basilide d’Alexandrie (ou Basilides), philosophe et théologien hérétique chrétien du iie s. était :
l’Histoire de l’Église, écrite par Eusèbe de Césarée. {a} Traduite par Monsieur Cousin, président de la Cour des monnaies. Dédiée au roi. {b}
Basilide figure dans le chapitre vii, De ceux qui publièrent en ce temps-là de fausses doctrines, du livre iv (pages 149‑151), sur le règne de l’empereur Hadrien : {c}
« Lorsque la lumière de la foi eut éclairé tous les peuples, et que les Églises commencèrent à briller comme des astres dans le monde, l’ennemi de la vérité et du salut, ne pouvant plus attaquer les chrétiens, comme autrefois, par la violence des persécutions, changea de méthode pour les perdre, et eut recours à la ruse, en suscitant certains imposteurs qui, d’un côté, faisant extérieurement profession de notre doctrine, abusaient des simples et les précipitaient dans l’abîme de l’apostasie, et empêchaient, de l’autre, par le désordre de leur vie, que les païens, qui ne connaissaient pas la pureté de notre foi et de nos mœurs, ne se convertissent à notre religion. Il fit sortir de Ménandre, qui était sorti lui-même de Simon, {d} un monstre à deux têtes et à deux gueules, qui répandit le venin de deux hérésies. C’est ainsi que je parle de Saturnin d’Antioche et de Basilide d’Alexandrie, dont l’un infecta la Syrie de ses erreurs, et l’autre, l’Égypte. Irénée {e} témoigne que Saturnin ne débita point d’autres impiétés que Ménandre, au lieu que Basilide y ajouta des fables extravagantes et monstrueuses, auxquelles il donnait l’apparence et le nom de mystères. Le même temps produisit de grands hommes qui défendirent la vérité de la doctrine que l’Église a reçue des apôtres. Nous avons leurs ouvrages entre les mains, et principalement la réfutation qu’Agrippa Castor {f} fit des impostures de Basilide, où il dit que cet hérétique avait composé vingt-quatre livres de commentaires sur l’Évangile, et qu’il avait introduit un prophète nommé Barcabas, un autre nommé Barcoph, et quelques autres qui n’ont jamais été, auxquels il avait donné de faux noms pour surprendre ceux qui admirent ces sortes de nouveautés. Il dit aussi qu’il enseignait qu’il était indifférent de manger des viandes offertes aux idoles, et de renoncer à la foi durant la persécution ; qu’il obligeait ses disciples à garder un silence de cinq ans, comme les pythagoriciens. {g} Enfin, il rapporte toutes ses autres erreurs et les réfute très fortement. Irénée témoigne que Capocrate, auteur de l’hérésie des gnostiques, {h} vivait dans le même temps. Ils ne débitaient point en secret, comme Basilide, les abominations de Simon : ils les publiaient ouvertement, et faisaient gloire de leurs enchantements, de leurs illusions et de leurs songes. Ils enseignaient ensuite qu’il n’y a point d’impuretés que ceux qui désiraient arriver à la perfection de leurs mystères, ou plutôt de leurs impiétés, dussent avoir horreur de commettre, et qu’il n’y a point d’autre moyen de plaire aux Princes du monde, comme ils les appelaient, que de se plonger dans les plus infâmes voluptés. »
- V. note [23], lettre 535, pour Eusèbe de Césarée.
- Paris, Pierre Rocolet et Damien Foucaut, 1675, in‑4o de 830 pages ; précédente traduction française par Claude de Seyssel parue à Paris en 1533. De nombreuses traductions latines avaient été publiées depuis les débuts de l’imprimerie ; l’édition de Joseph Scaliger (Thesaurus temporum [Trésor des calendriers], Leyde, 1606, et Amsterdam, 1658) était grecque, commentée en latin.
- Hadrien a régné sur l’Empire romain de 117 à 138 (v. note [40], lettre 99).
- Disciple de Simon le Magicien (v. note [10], lettre de Charles Spon, datée du 28 août 1657), Ménandre a fondé la première secte gnostique, dite des ménandriens, au ier s. de l’ère chrétienne.
- Saint Irénée de Lyon, v. note [18] du Patiniana I‑1.
- Agrippa Castor n’est connu que par ce qu’Eusèbe en a dit ici.
- V. notes [27], lettre 405, pour les pythagoriciens, et [31] du Faux Patiniana II‑4, pour ce que le silence qu’ils prescrivaient aurait coûté à la ville d’Amyclæ.
- Eusèbe considérait Capocrate d’Alexandrie comme le fondateur du gnosticisme. Les historiens ultérieurs n’ont pas entièrement partagé ce point de vue (Trévoux) :
« Ce Basilide était sorti de l’École des gnostiques, dont le chef était Simon le Magicien. Il croyait avec lui que Jésus-Christ n’avait été homme qu’en apparence, et que son corps n’était qu’un fantôme ; qu’il avait donné sa figure à Simon le Cyrénéen, qui avait été crucifié en sa place. Il permettait à ses disciples de renoncer à la foi pour éviter le martyre, parce que Jésus-Christ, disait-il, n’avait souffert la mort que par feinte. Il avait plusieurs opinions qui lui étaient communes avec les autres sectaires gnostiques, touchant le Père, qui seul était Dieu, touchant le νοος, ou entendement, le λογος, ou verbe, et les autres émanations. »
V. note [62] du Faux Patiniana II‑5 pour les préceptes sur lesquels Basilide a forgé sa maxime « Connais les autres, et que personne ne te connaisse ». Rien de tout cela n’écarte rigoureusement la possibilité que cet article de L’Esprit de Guy Patin vienne de la conversation de Guy Patin.
Cet article, dont j’ai uniformisé la concordance des temps de conjugaison, introduit Java dans notre édition (Trévoux, d’après le Dictionnaire géographique universel de Charles Maty, 1701) :
« Nom propre de l’une des îles de Sonde. Elle est dans l’Océan Indien, au midi de l’île de Bornéo, et au levant de celle de Sumatra, dont elle n’est séparée que par le détroit de la Sonde. Elle peut avoir deux cents lieues d’orient en occident, trente ou quarante du nord au sud. L’air ne peut y être que fort chaud, à cause de sa situation sous le septième degré de latitude méridionale. Il est cependant fort tempéré par la longueur des nuits et par les vents frais qui y soufflent de tous côtés. On y recueille quantité de poivre, de sucre, de benjoin et de riz. Il y a de fort bonnes mines d’or et de cuivre, et une montagne de soufre qui s’allume de temps en temps. On trouve sur ses côtes des huîtres qui pèsent jusqu’à trois cents livres. Ses villes principales sont Bantan, Batavia, ou Jaéatra, Materan, Jortan, Panarucan, Passarvan, Balambuan, Japara, Tuban, qui sont capitales d’autant de petits royaumes, autrefois dépendants les uns des autres, mais maintenant tributaires du roi de Bantan, ou de celui de Materan, qui est plus puissant que le premier, et qui prend le titre d’Empereur de Java. »
V. infra note [12], notule {e}, pour les anciennes mœurs anthropophages des habitants de Java. Le lieu n’y est pas exactement le même, mais cet article rappelle le chapitre xvii, Du royaume de Dragoiam, livre troisième de La Description géographique des provinces et villes plus fameuses de l’Inde Orientale, mœurs, lois et coutumes des habitants d’icelles, mêmement de ce qui est sous la domination du grand Cham, empereur des Tartares. Par Marc Paule, gentilhomme vénitien, {a} et nouvellement réduit en vulgaire français {b} (livre troisième, chapitre xvii, pages 101 ro‑vo) :
« Au royaume de Dragoiam {c} habitent gens brutaux et sauvages qui adorent les idoles et ont leur roi particulier, et le langage différent et séparé. Ils observent une coutume et usance que, quand aucun d’eux tombe en grande infirmité de maladie, ses voisins et parents assemblent les magiciens et enchanteurs, et s’enquièrent d’eux si le malade doit recouvrer guérison : à quoi ils répondent ce qu’ils en savent par la suggestion des diables ; et s’ils disent que le malade ne peut venir à convalescence, mais qu’il lui convient mourir de telle maladie, incontinent ils s’approchent du malade et lui ferment la bouche, en telle sorte qu’il ne puisse respirer ; ainsi le suffoquent et font mourir auparavant que la maladie l’ait grandement atténué, puis le divisent en pièces qu’ils font cuire, et le mangent en grande solennité, y assemblant tous les voisins et prochains parents du défunt. Car ils disent que si la chair était par longue maladie réduite à putréfaction, elle se convertirait en vers, lesquels finalement se consumeraient et mourraient de faim, dont l’âme du défunt souffrirait grièves {d} peines et tourments. Et au regard des os du défunt, ils les ensevelissent et enferment dans les creux des montagnes où les hommes ni bêtes ne puissent atteindre. Et s’il advient qu’ils prennent quelque homme d’étrange nation, {e} s’il n’a la puissance de payer sa rançon et se racheter par argent, ils le tuent et mangent. » {f}
- Nom francisé de Marco Polo, le célèbre voyageur du xiiie s.
- Paris, Étienne Groulleau, 1556, in‑4o de 246 pages.
- Altération probable d’Andrageri, sur l’île de Sumatra.
- Graves, lourdes.
- Quelque étranger.
- Guy Patin pouvait avoir lu ce chapitre sans avoir conservé un souvenir parfaitement fidèle de tous ses détails.
Jacques-Auguste i de Thou a honoré d’un bref éloge le théologien réformé suisse Johannes Volfius ou Wolfius (Johann Wolf, Zurich vers 1521-ibid. 1572). L’Esprit de Guy Patin a pris la matière de son article dans l’addition d’Antoine Teissier, {a} tome premier, pages 406‑408. « L’Index des noms grecs qui touchent à la géographie » et « L’Onomastique {b} physique et topographique » sont deux titres qui figurent dans la liste bibliographique de Wolfius donnée par Teissier, mais je n’en ai trouvé ni les lieux ni les dates de publication.
La remarque de Joseph Scaliger ne concerne pas Jean Wolfius, mais son homonyme et contemporain allemand, l’helléniste Hieronymus Wolfius, {c} dont Teissier a aussi publié et enrichi l’éloge (ibid. pages 538‑540). Il n’y parle pas de Scaliger, mais dans son édition suivante {d} (tome troisième, pages 274‑275), il renvoie à l’article du Secunda Scaligerana {e} sur « Arrian » (page 208) :
« Arrian de Wolphius est meilleur que celui Schegkius : {f} Wolfius a bien fait, c’était un gentil personnage docte en grec. »
- Genève, 1683, v. supra note [1].
- Répertoire de noms propres.
- V. note [29], lettre 348.
- Berlin, A. Dusarrat, 1704, trois tomes in‑8o.
- Amsterdam, 1740, première édition en 1666 : v. note [6], lettre 888.
- V. note [42], lettre 286, pour Arrian (Flavius Arrien).
Scaliger préférait l’édition latine des quatre livres des « Commentaires d’Arrien sur les disputations d’Épictète [son précepteur] » par Jérôme Wolf, parue dans l’Epicteti Enchiridion… [Manuel d’Épictète…] (Bâle, 1563), à celle de Jakob Schegk (Schorndorf, Bade-Wurtemberg 1511-Tübingen 1587), parue en 1554.
En outre, dans une lettre à Johannes Drusius, écrite le 17 juin 1604 (Ep. Lat., lettre ccxcv, page 598), Scaliger cite Hieronymus Wolfius parmi quelques autres réformés Græce eruditissmi [très savants en grec].
Cette fâcheuse mais instructive confusion entre les deux Wolfius dont a parlé Teissier dans ses Éloges est imputable à la négligence des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin.
Les saumons ne remontent pas le cours des rivières en automne (la Saint-Michel est fêtée le 29 septembre), mais au printemps. Le mâle et la femelle meurent presque toujours après s’être reproduits, et ne reviennent donc pas chercher leurs petits au printemps suivant la ponte.
Cet article copie mot à mot un passage du tome iv, chapitre x (pages 103‑104), Remarques générales sur ce qu’un voyageur peut voir en Angleterre, des :
Voyages historiques de l’Europe. Contenant l’origine, la religion, les mœurs, les coutumes et les forces de tous les peuples qui l’habitent, et une Relation exacte de tout ce que chaque pays renferme de plus digne de la curiosité d’un voyageur. {a}
- Paris, Nicolas Le Gras, 1694, in‑12 de 426 pages, dont l’auteur est Claude Jordan (v. note [33] du Faux Patiniana II‑5).
L’histoire du gros saumon qui passe de mains en mains est une pittoresque addition des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin.
Cet emprunt à l’édition de 1710 de L’Esprit de Guy Patin, corrige l’absurde « charmé des bonnes femmes » qui a été imprimé dans celle de 1709.
Le début de cet article, mais non le commentaire qui lui succède, provient de la lettre du 7 janvier 1661, v. ses notes [4] et [5] pour ses citations latines :
« Condition se dit des clauses, charges, ou obligations qu’on stipule en toutes sortes de contrats […]. Un marchand dit absolument “ Je vous vends à condition ”, pour dire : à la charge de reprendre la chose, si elle ne vous contente pas » (Furetière).
Distique de John Owen {a} intitulé Castor et Pollux : {b}
« Voilà deux frères dont les étoiles s’accordent dans le ciel.
Sur terre, je crains qu’il n’en existe que deux à s’entendre ainsi. »
- Épigramme 28, livre deuxième, page 180 (v. supra note [3]).
- V. note [2] du Mémorandum 5.
Cette nouvelle référence à Owen, dont la fréquence mène à penser que les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont écrit leur ana en feuilletant assidûment le recueil de ses Epigrammatum, est précédée de deux adages latins classiques.
“ Fratris ” autem vocabulum P. Nigidius, homo inpense doctus, non minus arguto subtilique ετυμω interpretatur : “ Frater ” inquit “ est dictus quasi fere alter ”.[P. Nigidius, {b} homme d’une science profonde, donne une interprétation étymologique non moins ingénieuse et subtile du mot frater : « Frater, dit-il, se prononce comme fere alter »]. {c}
La matière de cet article a été empruntée au seconde tome de :
L’Ambassade de la Compagnie Orientale des Provinces-Unies vers l’empereur de la Chine ou Grand Cam de Tartarie, faite par les sieurs Pierre de Goyer et Jacob de Leyser ; illustrée par une très exacte description des villes, bourgs, villages, ports de mer, et autres lieux plus considérables de la Chine. Enrichie d’un grand nombre de tailles-douces. Le tout recueilli par M. Jean Nieuhoff, {a} maître d’hôtel de l’ambassade, à présent gouverneur en Ceylan ; mis en français, orné et assorti de mille belles particularités, tant morales que politiques, par Jean Le Carpentier, historiographe. {b}
Seconde partie, chapitre xiii, pages 86‑87) :
« Il y a aussi un arbre fort étrange et merveilleux qui croît en quelques endroits de la Chine, que quelques-uns appellent Mauglé, ou le Figuier des Indes, parce que son fruit ressemble à nos figues. Il y en a qui l’appellent l’Arbre de Goa, à cause qu’il croît aussi en abondance dans cette île. Cet arbre pousse ses branches fort haut et fait un tronc bien gros ; puis après, il jette ses branches d’un côté et d’autre, desquelles sortent de petits filaments semblables à la goutte de lin, {c} qui sont jaunes tandis qu’ils sont frais ; lesquels étant parvenus jusques en terre, prennent racine et font comme un arbre nouveau. Car ils se font gros petit à petit, et deviennent comme des nouveaux pieds d’arbres, produisant aussi par la cime des branches, lesquelles rejettent aussi d’autres chevelures contre terre, et se multiplient tout de même, et ainsi consécutivement jusques à un nombre infini : tellement qu’un seul arbre, par ce moyen, peut couvrir la largeur d’un mille d’Italie ; {d} et ce ne sont pas seulement les branches basses qui jettent ces filaments, mais même les plus hautes, de sorte qu’un seul arbre peut faire une grande forêt. On reconnaît le père de tous ces arbres au tronc, qui est notablement plus gros que les autres. C’est sous ces arbres que les Indiens se retirent pour être à l’ombre : ils en font des grottes, des salles, des allées et des tabernacles tout voûtés, où ils ne se trouvent nullement incommodés des ardeurs du soleil. Les feuilles de cet arbre ressemblent à celles du coignier, {e} et sont vertes par-dessus et blanchâtres par-dessous, et couvertes de bourre, desquelles les éléphants sont fort friands. Son fruit est gros comme le bout d’un gros orteil, semblable à de petites figues, de couleur sanguine dehors et dedans, et plein de grains comme les figues communes, mais il n’est pas si agréable au goût. » {f}
- Leyde, Jacob de Meurs, 1665, in‑4o richement illustré en deux parties de 290 et 134 pages.
- Jan Nieuhof (1618-1672), diplomate allemand au service de la Compagnie néerlandaise des Indes, a passé sa vie à voyager dans le monde entier (dont ce périple en Chine, de 1656 à 1658) ; il fut porté disparu lors d’une escale à Madagascar.
- « Cassutha, herbariis vulgo Cuscuta, et Podagra lini, c’est une petite herbe qui croît parmi le lin, et le suffoque » (Jean Nicot).
- 1 490 mètres.
- Cognassier.
- Nieuhof a parlé de l’île de Java (v. supra note [6]) et des mœurs de ses habitants, disant page 51 :
« On remarque aussi qu’ils garnissaient jadis leurs tables des corps de leurs parents et amis et qu’ils en faisaient leurs meilleurs repas. »
Joachim Cureus ou Curæus est le nom latin du médecin allemand Joachim Scherr (La Curée en français), né en 1532 à Freystadt en Silésie (Schlesien), aujourd’hui Kozuchow en Pologne, mort à Glogau (Glogow) en 1573. Il était aussi historien et théologien luthérien. L’Esprit de Guy Patin résumait son éloge par Jacques-Auguste i de Thou et l’addition d’Antoine Teissier, {a} tome premier, pages 437‑438, en citant trois de ses ouvrages :
[Des sens et de ce qu’ils perçoivent, petit livre d’histoire naturelle de Joachim Cureus, natif de Freystadt, contenant la doctrine sur la nature et les différences des couleurs, des sons, des odeurs, des goûts et des qualités tangibles, et expliquant la raison pour laquelle les sens perçoivent et évaluent ces stimulations] ; {b}
[Annales du peuple de Silésie, contenant l’histoire de son origine, de son expansion et de ses migrations, et le récit des principaux événements qui sont survenus dans ses affaires ecclésiastiques et civiles, jusqu’à la mort du roi Louis de Hongrie et de Bohème. {c} Établies à partir des anciennes archives sacrées et profanes, et d’écrits plus récents] ; {d}
Consiliorum, et Epistolarum Medicinalium Ioh. Cratonis a Kraftheim, Archiatri Cæsarei, et aliorum excellentissimorum Medicorum, ac Philosophorum, liber tertius ; nunc primum labore et industria Laurentii Scholzii, Medici Vratislaviensis, in lucem editus. [Troisième livre des Consultations et épîtres médicales de Johannes Crato von Kraftheim, {e} archiatre impérial, et d’autres excellents médecins et philosophes ; publié pour la première fois grâce aux travaux et recherches de Lorenz Scholz, {f} médecin de Breslau]. {f}
Le commentaire sur les prêts de livres est une fioriture pseudo-authentique des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin, qui faisait écho aux plaintes du même genre que Guy Patin a souvent exprimées dans ses lettres.
Articles empruntés à trois lettres que Guy Patin a écrites à Charles Spon :
Sanchoniathon (écorché en Sancroniaton dans le texte imprimé) serait un auteur phénicien du 2e millénaire avant l’ère chrétienne dont des fragments ont été rapportés par Philon de Byblos, écrivain grec du ier s. Sanchoniathon a embarrassé les historiens de la théologie chrétienne car, si on tenait ses écrits pour authentiques, ses dogmes remettraient en question la primauté du judaïsme et de Moïse dans la révélation monothéiste.
Cet article de L’Esprit de Guy Patin a puisé sa substance dans le chapitre v, Abrégé de la théologie des Phéniciens, ou Cananéens, tirée du fragment de Sanchoniathon (iiie partie, premier traité pages 430‑439) de l’Histoire critique des dogmes et des cultes, bons et mauvais, qui ont été dans l’Église depuis Adam jusqu’à Jésus-Christ, où l’on trouve l’origine de toutes les idolâtries de l’ancien paganisme expliquées par rapport à celles des juifs {a} du théologien calviniste français Pierre Jurieu (1637-1713), avec cette introduction :
« Toutes les divinités et superstitions, dont nous aurons à parler dans la suite, pour l’explication de ce que dit l’Écriture Sainte des cultes idolâtres auxquels le peuple de Dieu s’est laissé aller, sont tirées de la religion des Phéniciens ou Chananéens, {b} et de celle des Égyptiens, peuples au milieu desquels ils vivaient, ou avec lesquels ils avaient grand commerce. C’est pourquoi nous avons besoin de savoir un peu quelle a été la théologie et la religion de ces peuples. Nous donnerons un échantillon de la religion des Égyptiens dans le traité du Veau d’or. Présentement, nous ferons un abrégé de théologie des Phéniciens, selon que nous le trouvons dans Eusèbe, {c} tiré d’une version que Philo Biblius {d} avait faite de l’ouvrage d’un nommé Sanchoniathon, qui était syrien et phénicien de nation. » {e}
- Amsterdam, François L’Honoré, 1704, in‑4o de 809 pages.
- V. note [19], lettre 309.
- Eusèbe de Césarée (v. supra note [5]) : Préparation évangélique [Ευαγγελικης Αποδειξεως Προπαρασκευη], livre i, Théologie des Phéniciens (édition française de M. Séguier de Saint-Brisson, Paris, 1846, tome premier, pages 34‑44.
- Nom latin de Philon de Byblos.
- Comme L’Esprit de Guy Patin, Jurieu conclut sa longue analyse en disant que Sanchoniathon a plagié Moïse, et non l’inverse.
Cet autre passage, sur l’étymologie sacrée (pages 433‑434), jette un peu de lumière sur l’explication abrégée et tronquée (au point d’en devenir incompréhensible) du Faux Patiniana :
« Sanchoniathon continue ainsi :“ Mais quand l’Esprit commença à devenir amoureux de ses propres principes, et qu’il commença à se mêler avec eux, cette union fut appelée désir. Et c’est là le principe ou la création de toute chose. Or l’Esprit ne connaissait point sa propre création, et de cette conjonction de l’Esprit se forma ιλυς, mot que quelques-uns disent être le limon, et les autres disent que c’est une certaine mixtion aqueuse, qui s’altère, se change, d’où viennent les semences de toutes les créatures et la génération de tous les corps. ”Cet Esprit qui anime la matière est assurément tiré de ce que Moïse dit et Spiritus uncubabat : {a} le mot hébreu signifie que l’Esprit embrassait le Chaos, le couvait, l’échauffait comme une poule fait ses œufs pour les rendre féconds.
L’Esprit se mêla avec ses principes, c’est-à-dire que l’Esprit de Dieu pénétra cette matière de toutes parts, l’agita et la remua. Cette union de l’Esprit avec la matière fut appelée désir ou cupidité, c’est-à-dire que cette action que l’Esprit déploya dans la matière, pour la rendre féconde, y versa les premières dispositions, semblables à celles que l’amour, ou la cupidité, introduit dans la matière, d’où ensuite se fait la génération.
L’Esprit ne connaissait point la création ou sa créature, c’est-à-dire qu’il ne voyait rien encore de parfait, car son action n’avait encore produit que des dispositions dans la matière. De cette conjonction se forma Μωτ. Ce Môt ne vient pas du ניוט des Hébreux, qui signifie “ mouvement ”, comme l’a cru Grotius. J’aimerais mieux le dériver d’un mot égyptien, Ma, qui signifie “ des eaux ” : c’est-à-dire que la première disposition que l’Esprit imprima dans cette matière produisit un corps aqueux et limoneux. Cela est clair, car il {b} interprète Μωτ par ιλυς, qui signifie “ du limon ”. Il a tiré cela de Moïse, qui ayant donné au Chaos le nom de terre, et la terre était dans sa forme et vide, dit que l’Esprit se mouvait, couvait, incubabat, puis il appelle, après l’opération de l’Esprit, cette masse eaux, et l’Esprit se mouvait sur les eaux, de cette mixtion aqueuse qu’il appelle Môt, ou ιλυς, il dit que toutes choses ont été créées ou engendrées, parce que Moïse, incontinent après avoir appelé le Chaos des eaux, entre dans le détail de la création, et dit comment chacune des créatures fut tirée du Chaos, ou de cette matière aqueuse et limoneuse. {c} Il est certain que dans la théologie des Égyptiens, ιλυς est un grand principe de toutes choses. »
- « et l’Esprit couvait », variante (calviniste) du verset 1:2 de la Genèse (Vulgate) :
Terra autem erat inanis et vacua, et tenebræ erant super faciem abyssi : et spiritus Dei ferebatur super aquas.[La terre était informe et vide ; les ténèbres couvraient l’abîme, et l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux].
- Sanchoniathon.
- Les versets suivants du chapitre 1 de la Genèse disent que Dieu créa successivement la lumière et les ténèbres, le firmament, la terre et les eaux, les végétaux, le Soleil et la Lune, les animaux, et enfin l’homme.
Quatrain de John Owen {a} intitulé Ad ætate juvenem, moribus senem [À un Jeune en âge mais vieux de mœurs] : {b}
« Ô podagre ! toi qui est la fille de Mars et des Muses, {c} pourquoi t’attaquer à un jeune homme, quand tu as tes habitudes chez les vieillards ? C’est une erreur de la maladie : voyant la maturité d’un vieillard dans la gravité de tes mœurs, elle t’a cru vieux. »
- Épigramme 88, livre premier, page 134 (v. supra note [3]).
- Étant donné le propos de l’épigramme, le titre aurait aussi pu dire morbis senem [vieux en maladies].
- La goutte, nommée podagre quand sa fluxion siège au pied (v. note [30], lettre 99), était surtout tenue pour une maladie des hommes mûrs qui s’adonnaient à la guerre (Mars) et aux études (Muses).
Je n’ai pas cherché le vaillant Romain que la mort a pris pour plus vieux qu’il n’était : la citation d’Owen signale une nouvelle supercherie des rédacteurs du Faux Patiniana ; Guy Patin connaissait trop bien le rôle de l’hérédité dans la goutte pour vanter l’esprit de ces vers.
Je n’ai pas trouvé réunis ailleurs les trois exemples historiques qui composent ce laborieux article, pour illustrer l’ingratitude des princes ; ils proviennent de deux sources.
Mnesteus, qui sciret Aurelianum neque frustra minari solere, si minaretur, ignoscere, brevem nominum conscripsit mixtis his, quibus Aurelianus vere irascebatur, cum his, de quibus nihil asperum cogitabat, addito etiam suo nomine, quo magis fidem faceret ingestæ sollicitudinis, ac brevem legit singulis, quorum nomina continebat, addens disposuisse Aurelianum eos omnes occidere, illos vero debere suæ vitæ, si viri sint, subvenire.[Mnesteus savait qu’Aurélien ne menaçait pas en vain et ne pardonnait pas s’il avait menacé. Il dressa une liste mélangeant les noms de gens contre qui Aurélien était vraiment exaspéré et d’autres qui ne lui inspiraient aucune animosité ; il y mit aussi son propre nom pour donner plus de poids à l’inquiétude qu’il voulait provoquer. Ensuite, il lut la liste à chacun de ceux qui y étaient nommés, en ajoutant qu’Aurélien avait décidé de les tuer tous et qu’ils devaient défendre leur propre vie, s’ils étaient hommes de courage].
- V. note [31], lettre 503.
- V. notule {a}, note [3] du Borboniana 6 manuscrit.
« Vous savez de quelle cruelle récompense le roi de l’ancienne Perse reconnut le péril où s’était mis celui qui lui rapporta son diadème ou bandeau royal qui était tombé dans la mer. Il y a je ne sais quoi de pareil dans la relation de Rhoë, d’un roi de Mandoa aux Indes Orientales. Il était tombé dans une rivière, d’où il fut retiré par un des ses esclaves qui le prit par les cheveux ; en récompense de quoi, il fit mourir cet officieux esclave, pour avoir eu la hardiesse de mettre la main sur sa tête. {b} L’Histoire de Zonare raconte que l’empereur de Constantinople, Basile, {c} fut suspendu par sa ceinture à la chasse, n’ayant pu éviter qu’un cerf poursuivi ne l’embrochât à cet endroit avec son bois ; sur quoi, un des siens qui ne voyait point de meilleur expédient pour le délivrer que de lui couper sa ceinture, le fit fort heureusement ; et cet empereur, pour l’en bien récompenser, le fit décapiter, à cause qu’il avait osé élever l’épée sur son prince. »
- Paris, 1669, in‑8o, v. 2e notule {b}, note [6], lettre 634.
- Mémoire de Thomas Rhoe, ambassadeur du roi d’Angleterre auprès du Mogol, pour les affaires de la Compagnie anglaise des Indes-Orientales, page 45 de l’édition française (Paris, T. Moette, 1696, in‑4o de 80 pages).
- Jean Zonare ou Zonaras est un historien byzantin du xiie s. Ce récit figure dans la traduction française de ses Histoires et Chroniques du monde (Paris, Jean Houzé, 1583, in‑fo de 989 pages), troisième livre, page 898, sur L’empire de Basile de Macedone [sic], c’est-à-dire l’empereur byzantin Basile ier, dit le Macédonien, qui régna de 867 à 886.
Les amateurs de coïncidences curieuses pourront voir que Zonaras a aussi narré la mort d’Aurélien (deuxième livre, page 764), en parlant de Mnesteus comme d’un « quidam nommé Heros ».
Reprise fidèle d’un propos de Diogène de Sinope, dit le Cynique (v. note [5], lettre latine 137), rapporté par Diogène Laërce (livre vi, chapitre 34), qui a prolongé la réponse du philosophe : « … au lieu de bander davantage mes muscles ? »
La première relation de cette historiette, souvent citée, se lit dans les :
Mémoires concernant divers événements remarquables arrivés sous le règne de Louis le Grand, l’état où était la France lors de la mort de Louis xiii, et celui où elle est à présent. {a}
Sa version (pages 126‑129) est mieux étayée et plus spirituelle que celle des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin :
« Le roi, après avoir ordonné ces choses, {b} pourvut encore à celles qui lui paraissaient le plus de conséquence, comme pouvaient être les gouvernements, dans quelques-uns desquels il y avait de certaines gens qui étaient entrés par la porte dorée plutôt que par leurs services ; car du temps du cardinal Mazarin, qui avait de l’argent pouvait prétendre à tout, et il n’avait garde de refuser personne, pourvu qu’il pût trouver son compte avec lui ; mais le roi, étant tout d’un<e> autre humeur, avait rendu l’argent à ceux qui en avaient donné ; et par le même moyen qu’ils étaient entrés en charge, il trouva le secret de les en faire sortir. Il y en eut un cependant qui, croyant qu’il y allait de son honneur à ne pas quitter son gouvernement, pria le roi de le lui vouloir conserver, et employa tant d’amis pour cela, qui remontraient à ce prince que sa famille, qui était assez considérable, s’en croirait déshonorée, qu’il ne voulut pas, à sa considération, le traiter si rigoureusement que les autres. Néanmoins, comme il apprenait tous les jours qu’il n’était pas capable de son emploi, il lui fit dire qu’il fallait absolument qu’il s’en défît : à quoi ce gouverneur ne pouvait consentir, croyant qu’après la parole que le roi avait donnée à ses amis, il ne voudrait pas le pousser à bout. Sur ces entrefaites, il se rendit à la cour et fit parler au roi dès le soir même qu’il fut arrivé. Le roi répondit que c’était une chose résolue, et dont il ne voulut point qu’on lui rompît la tête davantage ; mais ce gouverneur, ne se rendant pas encore pour cela, se préparait à employer tout le crédit des personnes qui pouvaient le plus auprès de ce prince ; quand le roi, pour se délivrer tout d’un coup de ses importunités, lui dit un jour une chose qui lui devait être bien sensible, mais qu’on trouva extrêmement spirituelle. Ce fut en allant à la messe, temps auquel les courtisans marchent devant et après le roi ; or, il arriva que ce gouverneur étant devant et fort près de sa personne, le bout de son épée donna dans les jambes du roi, et lui fit quelque douleur ; tellement que le roi, prenant cette occasion-là pour lui dire ce qu’il pensait, “ En vérité, lui dit-il, je suis bien malheureux, votre épée n’a jamais fait de mal qu’à moi ”. Le gouverneur, outré de ce reproche fait en si bonne compagnie, n’eut garde après cela de prétendre pouvoir conserver son gouvernement : il donna sa démission, et le roi en pourvut un autre en qui il pouvait prendre plus de confiance. » {c}
- Cologne, Pierre Marteau, 1684, in‑12 de 136 pages, mémoires attribués à Gatien Courtilz de Sandras (Montargis 1644-Paris 1712), mousquetaire puis prolifique écrivain.
- V. notes [6] et [7], lettre 683, pour la prise du pouvoir par Louis xiv, immédiatement après la mort de Mazarin.
- Les critiques, dont Pierre Bayle, ont vivement contesté la véracité de cette anecdote, mais aucun n’a identifié celui que L’Esprit appelait ici « V.G. ».
La citation latine, « À chacun de subir son destin », vient de Virgile (v. note [7], lettre 14).
Cet article aussi bizarre que pédant est un emprunt maladroit des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin à l’addition d’Antoine Teissier sur l’éloge de Joachim Camerarius l’Ancien {a} par Jacques-Auguste i de Thou ; {b} sa très longue bibliographie (première partie, page 449) inclut l’ouvrage intitulé :
In hoc Libello hæc insunt. De tractandis equis sive ιπποκομικος. Conversio Libelli Xenophontis de Re equestri in Latinum. Historiola rei nummariæ, sive de nomismatis Græcorum et Latinorum. Autore Ioachimo Camerario Pabergensi.[Ce petit livre contient : La manière de s’occuper des chevaux, ou hippokomikos ; La traduction en latin de l’opuscule de Xénophon {c} sur l’art équestre ; La petite histoire de l’argent, ou des monnaies des Grecs et des Latins. Par Ioachimus Camerarius, natif de Bamberg]. {d}
- V. note [22], lettre 352.
- Genève, 1683, v. supra note [1].
- V. note [86] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii.
- Tübingen, Ulrichus Morhardus, 1539, in‑8o de 141 pages.
La citation latine vient de Properce (Élégies, livre iii, i, vers 23‑24) :
« Après qu’elles ont disparu, l’antiquité représente toutes choses plus grandes, et dans ses éloges, la postérité accroît le renom. »
Je n’ai pas trouvé de source à cette réflexion sur l’antiquité (ancienneté) qui embellit le souvenir des gens et des choses, et rien ne permet de croire qu’il n’émane pas de Guy Patin.
La citation d’Horace (vers 1‑5 de l’ode citée) est précédée de sa traduction (entre guillemets français). D’antiques superstitions voyaient dans le noircissement d’une dent ou dans l’apparition d’une tache sur un ongle la marque d’un parjure ou d’un mensonge. Horace dénonçait les perfides infidélités de la belle Bariné, dont les attraits n’avaient pourtant pas été flétris par ces marques infamantes.
Le plus vraisemblable est que les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin rusaient ici habilement en inventant et commentant une frayeur enfantine de Charlot, surnom de Charles Patin, Carolus, le deuxième fils de Guy, soumis à l’examen d’une vieille praticienne de l’onychomancie, méthode de divination par l’examen des ongles. {a} Jean-Baptiste Thiers en a décrit la pratique exacte dans son Traité des Superstitions, {b} livre troisième, page 188, chapitre i, {c} en citant un manuscrit de son cru :
« Plus pour voir dans l’ongle, il faut racler l’ongle du pouce droit ou gauche de l’enfant en commençant par son extrémité, et finissant à la chair, avec un couteau ou un autre instrument neuf ; cet ongle ainsi raclé, vous le frotterez d’huile d’olive ou de noix, dans laquelle vous mettrez du noir à noircir ou de la suie de cheminée, en forme d’un miroir, ou de quelque autre chose resplendissante ; ensuite de quoi, vous direz cette oraison : Uriel, premier Séraphin, je te commande et conjure de par le grand Dieu vivant, par la virginité de la Vierge, par la virginité de saint Jean-Baptiste, par la virginité de cet enfant qui est devenu toi présent, de lui faire apparaître sans retarder tout présentement tout ce que je te demanderai et requerrai. Je te le commande encore par le pouvoir que Dieu m’a donné, par le saint Sacrement de baptême que j’ai reçu à l’église et par tout ce qui y est contenu. Il faut répéter ce que dessus par trois fois, et jusqu’à ce que l’on voie ce que l’on demande. » {d}
- Dans son Autobiographie, Charles Patin a dit qu’il était né coiffé, en dénigrant les prophéties liées à cette particularité (v. sa note [8]) : cela aurait pu inspirer autrement les brodeurs du Faux Patiniana.
- Tome premier, Paris, 1697, v. note [27] du Faux Patiniana II‑2.
- Intitulé De la divination…, v. notule {b}, note [53] du Faux Patiniana II‑4.
- Avec plusieurs autres de la même veine, cette pratique a été condamnée par le premier concile provincial de Milan, en 1565 (ibid. livre premier, chapitre v, page 39).
Dans le même ouvrage, Thiers a aussi disserté sur les superstitions sur :
Emprunt au chapitre iv, § 5, de la Vie d’Agricola (v. note [18] du Borboniana 7 manuscrit), précédé de sa traduction, entre guillemets français.
Les vers 42‑43 de l’épître citée d’Horace sont précédés de leur traduction entre guillemets français, avec « broncher » dans son sens premier de trébucher.
Dequoi (dequoy, mot mis en italique dans la source imprimée) est une soudure (crase) de « de » et « quoi » : « On dit qu’un homme a bien dequoi, pour dire, qu’il a bien du bien, qu’il a dequoi vivre, dequoi payer, etc. » (Furetière).
L’avare nouveau riche dénommé « M. Q.N. », n’est pas identifiable.
Le caméléon est un petit saurien arboricole, carnivore et insectivore, dont il existe de très nombreuses espèces (chamælæonidæ), dont les principales caractéristiques communes sont la capacité à changer de couleur, la longue langue protractile, et les yeux capables de bouger indépendamment l’un de l’autre. Tout cela en a fait l’objet de maintes légendes.
Mital ou Aventures incroyables, et toutefois, et cætera. Ces Aventures contiennent quinze relations d’un voyage rempli d’un très grand nombre de différents prodiges, de merveilles, d’usages, de coutumes, d’opinions et de divertissements. {b}Il y est plusieurs fois question du caméléon, notamment dans la relation xv, § ii (page 429), sur les divertissements qui suivirent un banquet :
« On nous mena d’abord dans une grande cour, où était un homme avec quelques biches pleines, et qui semblaient ne promettre rien d’extraordinaire. Cependant, on y eut très peu de temps après matière d’admiration et de frayeur. Cet homme envoya quérir un peu de bois de chêne, en fit du feu, puis prit un caméléon qu’il avait apporté dans une espèce de boîte à jour, lui coupa la tête, et mit cette tête dans le feu. Aussitôt qu’elle eut produit en brûlant de la fumée, et que cette fumée se fut élevée dans l’air, le ciel se couvrit d’un nuage noir et épais, un tonnerre effroyable se fit entendre, une pluie abondante inonda toute cette cour, la foudre tomba et toutes les biches façonnèrent en même temps. »
- L’un des deux compilateurs de L’Esprit de Guy Patin (v. note [27] du Faux Patiniana II‑4).
- Paris, Charles le Clerc, 1708, in‑12 en deux parties de 438 et 118 pages.
Jungemus illis simillima et peregrina æque animalia priusque chamæleonem, peculiari volumine dignum existimatum Democrito ac per singula membra desecratum, non sine magna voluptate nostra cognitis proditisque mendaciis Græcæ vanitatis. […] Caput eius et guttur, si roboreis lignis accendantur, imbrium et tonitruum concursus facere Democritus narrat, item iocur in tegulis ustum. reliqua ad veneficia pertinentia quæ dicit, quamquam falsa existimantes, omittemus, præterquam ubi inrisu coarguent eum : dextro oculo, si viventi eruatur, albugines oculorum cum lacte caprino tolli, lingua adalligata pericula puerperii.« Aux crocodiles nous joindrons des animaux très semblables, et pareillement exotiques. Et d’abord le caméléon, que Démocrite a jugé digne d’être l’objet d’un livre spécial, {a} et dont chaque membre est consacré. Nous avons lu, non sans un grand divertissement, ce livre, qui nous a découvert et dévoilé les mensonges et le charlatanisme des Grecs. (…) Démocrite raconte que la tête et le gosier du caméléon, brûlés avec du bois de chêne, déterminent la pluie et le tonnerre ; même effet avec le foie brûlé sur une tuile. Les autres particularités qu’il rapporte appartenant aux maléfices, nous les omettrons, bien que les regardant comme fausses, et nous ne continuons que pour faire voir le ridicule de ces choses : par exemple, l’oeil droit arraché à l’animal vivant efface avec le lait de chèvre les taies ; la langue, en amulette, {b} garantit des dangers de l’accouchement. » {c}
- Démocrite, le philosophe de la dérision (v. note [9], lettre 455), a abondamment écrit sur l’histoire naturelle. Tous ses ouvrages sont aujourd’hui perdus. Leur liste établie par Diogène Laërce ne contient pas de traité sur le caméléon.
- V. note [5], lettre 325, pour les remèdes préservatifs qu’on appelait amulettes.
- La liste s’allonge ensuite, mais le commentaire d’Aulu-Gelle (qui suit) me dispense de la transcrire tout entière.
Librum esse Democriti, nobilissimi philosophorum, de vi et natura chamaeleontis eumque se legisse Plinius Secundus in naturalis Historiæ vicesimo octavo refert multaque vana atque intoleranda auribus deinde quasi a Democrito scripta tradit, ex quibus pauca hæc inviti meminimus, quia pertæsum est. Accipitrem avium rapidissimum a chamæleonte humi reptante, si eum forte supervolet, detrahi et cadere vi quadam in terram ceterisque avibus laniandum sponte sua obicere sese et dedere. Item aliud ultra humanam fidem : caput et collum chamaeleontis si uratur ligno, quod appellatur “ robur ”, imbres et tonitrus fieri derepente, idque ipsum usu venire, si iecur eiusdem animalis in summis tegulis uratur. Item aliud, quod hercle an ponerem dubitavi, ita est deridiculæ vanitatis, nisi idcirco plane posui, quod oportuit nos dicere, quid de istiusmodi admirationum fallaci inlecebra sentiremus, qua plerumque capiuntur et ad perniciem elabuntur ingenia maxime sollertia eaque potissimum, quæ discendi cupidiora sunt. Sed redeo ad Plinium. Sinistrum pedem ait chamaeleontis ferro ex igni calefacto torreri cum herba, quæ appellatur eodem nomine chamaeleontis, et utrumque macerari unguento conligique in modum pastilli atque in vas mitti ligneum et eum, qui id vas ferat, etiamsi is in medio palam versetur, a nullo videri posse. His portentis atque praestigiis a Plinio Secundo scriptis non dignum esse cognomen Democriti puto.[Pline rapporte dans le vingt-huitième livre de son Histoire naturelle, que Démocrite, l’illustre philosophe, avait fait un livre sur la vertu et la nature du caméléon : il dit avoir lu ce livre, et rapporte aussi, comme extraites de l’ouvrage, des fables frivoles et révoltantes d’absurdité. En voici quelques-unes que j’ai retenues, malgré l’ennui qu’elles m’ont causé. Quand le plus rapide des oiseaux, l’épervier, passe en volant au-dessus du caméléon rampant sur le sol, celui-ci l’attire par une force inconnue, et le fait fondre ; alors l’oiseau se livre de lui-même aux autres oiseaux, qui le déchirent. Autre fait incroyable : brûlez la tête et le cou du caméléon avec du bois de “ rouvre ”, {a} aussitôt un orage éclate, et le tonnerre gronde. Le même effet se produit, si on brûle le foie de l’animal au haut d’un toit. Un autre prodige est si stupide et si ridicule que j’ai hésité à le rapporter, je ne le cite ici que pour montrer ce que je pense sur ce charme trompeur des récits merveilleux, qui séduit et égare ordinairement les esprits trop fragiles, et surtout ceux que possède une curiosité démesurée, mais je reviens à Pline : on brûle le pied gauche du caméléon, dit-il, avec un fer chaud ; on fait brûler en même temps une herbe qui s’appelle aussi caméléon ; {b} on délaye l’un et l’autre dans une liqueur odorante ; on recueille de ce mélange une sorte de gâteau qu’on place dans un récipient de bois ; celui qui le portera sera invisible à tous les regards. Je pense que ces fables, telles que rapportées par Pline, ne doivent pas être mises sur le compte de Démocrite].
- Chêne.
- Caméléon est le nom vulgaire qu’on a donné à l’houttuynie cordée ou poivrier de Chine, parce que ses feuilles sont tricolores, vert, blanc et jaune.
« Je dirai seulement que durant tout le temps que j’ai eu le caméléon, je ne lui ai jamais vu prendre de mouches, quoique je lui en aie présenté de toutes les sortes, et qu’enfin je ne lui ai rien vu manger, et je suis persuadée que l’air et les rayons du Soleil sont leur véritable nourriture. Je croirais volontiers qu’en leur pays, où la rosée est fort grande, ils pourraient darder leur langue le matin pour en tirer une petite humeur visqueuse ressemblant au suc du raisin, car aux pays chauds, la rosée est quelquefois comme de la manne fondue ; et en effet, on croit que la manne n’est que de la rosée épaissie. » {a}
- V. note [69], lettre 336.
- Tome second, page 496‑629, des Nouvelles conversations de morale, dédiées au roi (Paris, veuve de Sébastien Marbre-Cramoisy, 1688, in‑12 de 844 pages)
- V. note [7] de la Leçon du Collège de France sur la manne, pour la manne biblique. Mme de Scudéry n’avait probablement pas vu son caméléon projeter sa longue langue pour attraper des insectes derrière son dos.
Dans ses Diversités curieuses pour servir de récréation à l’esprit. Neuvième partie. Suivant la copie de Paris (Amsterdam, André de Hoogenhuysen, 1699, in‑12, page 18), Bordelon s’est moqué de vers latins anonymes disant que « le caméléon vit de l’air ».
Cicéron, s’adressant à Jules César (son adversaire politique) dans son Plaidoyer pour Ligarius (chapitre xii) :
Nihil est tam populare quam bonitas, nulla de virtutibus tuis plurimis nec admirabilior nec gratior misericordia est. Homines enim ad deos nulla re propius accedunt quam salutem hominibus dando. Nihil habet nec fortuna tua maius quam ut possis, nec natura melius quam ut velis servare quamplurimos.[Il n’y a rien de si populaire que la bonté, et de toutes tes vertus, nulle n’est plus admirable et agréable que la clémence. C’est en sauvant les hommes que les hommes se rapprochent le plus des dieux. Ta fortune ne possède rien de plus grand que le pouvoir de faire des heureux, et ta nature, rien de meilleur que la volonté de les conserver tels en grand nombre].
Cet article se lit presque à l’identique dans les Diversités curieuses (v. supra note [25]) de Laurent Bordelon (Paris, 1695, sixième partie, page 41).
Trévoux :
« les Anciens ont divisé les temps en quatre âges, qu’ils ont appelés : le Siècle d’or, c’était le règne de Saturne, les poètes l’appellent quelquefois le Siècle doré de Saturne et de Rhée ; {a} le Siècle d’argent, était celui de Jupiter ; les Siècles d’airain et de fer, ceux qui ont succédé à ces heureux siècles. Hésiode est le premier qui a fait la description de ces quatre siècles dans son poème intitulé Les Ouvrages et les jours. Ovide en a aussi donné une au commencement de ses Métamorphoses. {b} On a appelé le xe et le xie siècle, des siècles de fer et de plomb, parce que c’étaient des siècles d’ignorance et de grossièreté. »
- Le titan Saturne (Cronos des Grecs, v. note [31] des Deux Vies latines de Jean Héroard) et sa sœur Rhéa, qu’il épousa, ont engendré les principaux dieux de l’Olympe (dont Jupiter).
- V. notes [4], lettre 239, pour Hésiode, et [46] de L’ultime procès de Théophraste Renaudot contre la Faculté, pour Ovide et ses Métamorphoses.
Outre ce sens premier et mythique de Siècle d’or, les historiens ont ainsi appelé certaines périodes rayonnantes et prospères qu’ont connues divers pays, comme Athènes (sous Périclès, au ve s. av. J.‑C.), Rome (sous les empereurs Antonins, 138-161), l’Espagne (Siglo de Oro, 1492-1681) ou les Provinces-Unies (Goulden Eeuw, 1584-1702).
Guy Patin vivait au « Grand Siècle », mais ne le savait pas ; il a plusieurs fois dit sa nostalgie pour un utopique Siècle d’or français, qu’il situait au xvie s., et particulièrement sous les règnes des rois Louis xii (1498-1515) et François ier (1515-1547).
Cet article de L’Esprit de Guy Patin pourrait parodier les vers publiés dans le Mercure galant (mars 1702, pages 76‑77), avec cette introduction :
« Toutes les pièces qui ont porté le nom de M. l’abbé de Cantenac vous ont toujours extrêmement plu. Ainsi je ne doute point que vous ne lisiez avec plaisir ce qu’il vient d’écrire contre l’avarice. Vous savez qu’il est chanoine de l’église cathédrale de Bordeaux. {a}“ Satire[…] Heureux le Siècle d’Or où l’on passait sa vie
Exempt d’ambition, d’intérêt, et d’envie,
Où tous les biens communs, s’augmentant chaque jour,
Faisaient régner partout l’innocence et l’amour !
Le soin de la fortune et les douleurs cruelles
N’imprimaient pas au cœur leurs atteintes mortelles ;
Chacun vivait en paix et, content de son sort,
Attendait sans effroi les rigueurs de la mort.
La terre abondamment produisait sans culture
Tous les fruits les plus beaux que forme la Nature.
Ils étaient à couvert des fureurs des soldats,
Assassins et voleurs ne s’y connaissaient pas.
Mais a-t-on jamais vu ce Siècle incomparable ? ” »
- Jean Benech, sieur de Cantenac, « chanoine de la primatiale Saint-André de Bordeaux », est un auteur satirique, probablement pseudonyme, répertorié dans {BnF Data.
« de quoi se nourrir et se vêtir ».
Cette locution latine banale ne m’a orienté vers aucune source particulière.
Ces propos pourraient s’appliquer à la déconfiture qui a noirci la fin de Guy Patin (v. Comment le mariage et la mort de Robert Patin ont causé la ruine de Guy), mais ce n’est pas une preuve solide d’authenticité car il n’en est jamais aussi clairement convenu dans ses lettres.
Dans sa définition du mot Absence (page 3), le Dictionnaire général et curieux, contenant les principaux mots et les plus usités en la langue française, leurs définitions, divisions et étymologies… Par M. César de Rochefort, {a} docteur ès droits, agrégé à l’Université de la Sapience de Rome, juge des appellations du comté de Groslée, et juge ordinaire des terres du prieuré de S. Benoît… Première édition {b} cite et attribue le latin qui est aussi repris dans l’article de L’Esprit de Guy Patin :
« L’absence nous fait connaître le prix des choses que nous perdons, Vix bona nostra aliter, quam perdendo cognoscemus, Petrarq. de Remediis ; {c} il faut perdre ce que nous possédons pour en connaître le prix, et on cherche souvent, avec des empressements sans effets, ce que l’on a rebuté par le mépris dans la facilité de le posséder. »
- Belley 1630-ibid. 1690.
- Lyon, Pierre Guillimin, 1685, in‑4o de 800 pages.
- Pétrarque, {i} De Remediis utriusque Fortunæ [Les Remèdes aux deux fortunes], livre i, début du dialogue iv, De Sanitate restituta [La Santé rétablie] :
Est melius valeas animo, quam corpore, multis,
Crede mihi, nocuit convaluisse malisGau. Longa ægritudine liberatus, gaudeo. Ra. Gratiorem, fateor, sanitatem redditam, quam retentam. Ingratissimi mortales bona vestra vix aliter, quam perdendo, cognoscitis ; et perdita ergo vos cruciant ; et recuperata lætificant.
[Il vaut mieux que tu sois sain d’esprit que de corps : crois-moi, il m’a nui d’avoir guéri de nombreuses maladies.
Gau. {ii} Je me réjouis d’être délivré d’une longue maladie. Ra. Je conviens que la santé qu’on a retrouvée réjouit plus que quand on l’a simplement conservée. Mortels qui débordez d’ingratitude, vous peinez à connaître les biens dont vous jouissez autrement qu’après les avoir perdus ! {iii} Ils vous tourmentent donc quand vous les avez perdus, et vous comblent d’aise quand vous les récupérez].
- V. note [17], lettre 93.
- Les deux interlocuteurs de ce dialogue sont Gaudium [la Joie] et Ratio [la Raison].
- J’ai mis en exergue les mots cités, dont Rochefort a modifié l’ordre et la conjugaison, en passant de la première à la deuxième personne du pluriel (de cognoscitis, « connaissez-vous », à cognoscemus, « connaissons-nous »), exactement comme a fait L’Esprit de Guy Patin ; ce qui n’est probablement pas un pur hasard sémantique.
Cicéron, Caton l’Ancien ou de la Vieillesse, début du chapitre vii :
At memoria minuitur, credo, nisi eam exerceas, aut etiam si sis natura tardior. Themistocles omnium civium perceperat nomina ; num igitur censetis eum, cum ætate processisset, qui Aristides esset, Lysimachum salutare solitum ? Equidem non modo eos novi, qui sunt, sed eorum patres etiam et avos, nec sepulcra legens vereor, quod aiunt, ne memoriam perdam ; his enim ipsis legendis in memoriam redeo mortuorum.[Mais la mémoire s’affaiblit, je crois, quand on ne l’exerce pas ou si la nature t’as pourvu d’un esprit ralenti. Thémistocle {a} avait appris les noms de tous ses concitoyens : crois-tu qu’avançant en âge, il ait souvent salué Aristide en l’appelant Lysimaque ? Comme lui, je ne connais pas seulement les noms de mes contemporains, mais aussi ceux de leurs pères et de leurs grands-pères, et je lis les épitaphes sans craindre, comme on raconte, de perdre la mémoire, car les lire m’y ravive le souvenir des morts]. {b}
- V. notule {a}, note [19], lettre de Jan van Beverwijk, datée du 30 juillet 1640.
- Les amateurs de plagiat pourront comparer ma traduction littérale avec celle, plus littéraire, de Philippe Goibaud-Dubois (Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1708, in‑12, pages 29‑30) qu’auraient bien pu lire les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin.
La pique sur l’antimoine peut n’être qu’une teinture pour conférer quelque authenticité au commentaire prêté à Guy Patin sur deux vers de Properce (livre ii), élégie x, vers 5‑6) :
« Si j’ai manqué de forces, on me louera sûrement d’avoir osé : dans les grandes causes, il est bien suffisant d’avoir eu la volonté d’entreprendre. »
Tout cela reprend presque mot pour mot le propos de François i de La Mothe Le Vayer dans ses Petits traités en forme de lettres écrites à diverses personnes studieuses, lettre cxvi, Parallèles historiques {a} (tome second, page 933) :
« Mendez Pinto représente le grand prêtre de Braama et de Pegu qui, jetant du riz par une fenêtre sur la tête du peuple, comme ici de l’eau bénite, le mondifie et l’absout de toutes ses fautes. {b} L’Itinéraire oriental d’un Père carme assure qu’en ces mêmes quartiers de l’Inde du Levant, l’on asperge le peuple d’urine de vache, de la même façon et avec la même intention, parce que cet animal y est adoré. » {c}
- Œuvres, Paris, 1662, v. note [26], lettre 557.
- Cette citation est empruntée à la page 677 du chapitre clviii, De quelle façon le nouveau Roolim fut conduit en l’île de Mounay, et mis en possession de sa dignité, des :
Voyages aventureux de Fernand Mendez Pinto, {i} fidèlement traduits de portugais en français par le sieur Bernard Giguier, gentilhomme portugais. Dédiés à Monseigneur le cardinal de Richelieu. {ii}Le royaume de Pégu (Trévoux), Peguanum Regnum, en actuelle Birmanie, est situé :
« dans la partie septentrionale de la presqu’île de l’Inde delà le Gange. {iii} Il est borné au nord par celui de Brama, {iv} au levant par celui de Tunquin, {v} au midi par celui de Siam, {vi} et au couchant par ceux de Martaban et d’Arracan. Ses principales villes sont Pégu, Marfin, Tangu, Manar et Jancona, capitales d’autant de royaumes dépendant du Pégu. Ce royaume a été autrefois beaucoup plus puissant. Tous les pays qui sont entre le Mogolistan, la grande Tartarie, la Chine, le Tunquin et le royaume de Siam lui étaient sujets, ou tributaires. Le royaume de Siam l’a été même quelquefois ; mais ce vaste Empire, qu’on dit avoir été aussi étendu que celui de la Chine, a été ruiné par les rois d’Arracan et de Tangu, et il est aujourd’hui possédé par le premier, qui porte présentement le nom de roi d’Ara, qui est celui de la ville où il fait sa résidence ».- Voyage d’Orient du R.P. Philippe de la Très Sainte Trinité, carme déchaussé, {i} où il décrit les divers succès de son voyage, plusieurs régions d’orient, leurs montagnes, leurs mers et leurs fleuves, la chronologie des princes qui y ont dominé, leurs habitants tant chrétiens qu’infidèles. Les animaux, les arbres, les plantes et les fruits qui s’y trouvent, et enfin les missions des religieux qui y ont été fondées et les divers événements qui y arrivèrent. Composé, revu et augmenté par lui-même, et traduit du latin par un religieux du même ordre ; {ii}
livre cinquième, De la Loi et des mœurs des gentils des Indes orientales, page 333, chapitre iii, Extravagante vénération qu’ils ont pour la vache :
« Les gentils honorent la vache d’un culte extraordinaire et divin, d’où vient que si la première chose que quelqu’un rencontre en sortant le matin de sa maison est une vache, il croit qu’il sera bienheureux et fortuné toute cette journée. S’il la voit pisser, il s’arrose de son urine qu’il reçoit avec les mains, comme les chrétiens feraient d’eau bénite. Si en mourant il peut tenir la queue d’une vache, il ne pense pas mourir moins heureusement que les chrétiens qui auraient gagné le jubilé. » {iii}
Toutes ces références étaient disponibles du vivant de Guy Patin : il pourrait donc être auteur de cet article, mais aurait-il copié si exactement La Mothe Le Vayer sans le citer ?
Le latin est d’Ovide (Tristes, livre iii, élégie vii, vers 33‑36) :
« Les longues années outrageront cette belle figure, la ride sénile sillonnera ton front flétri, l’odieuse vieillesse, qui vient pas à pas sans bruit, jettera la main sur ta beauté. »
« Ben… » oriente vers Isaac de Benserade (v. note [2], lettre 889), mais sans expliquer les initiales « A.D.C. ». Quant au ton galant de cet article, il détonne une fois de plus dans un propos attribué à Guy Patin.
Cnæus Nævius est un dramaturge latin du iiie s. av. J.‑C., dont les œuvres ont été presque entièrement perdues. L’épitpahe qu’il s’était lui-même écrite nous a été transmise par Aulu-Gelle (Nuits attiques, livre i, chapitre xxiv). J’ai corrigé la transcription latine de L’Esprit de Guy Patin, en suivant cette source (où loquier est une forme archaïque de loqui, « parler ») ; en voici une traduction plus fidèle :
« S’il était permis aux immortels de pleurer les mortels, les dives Muses le feraient pour le poète Nævius, car après que Pluton l’aura emporté au tombeau, on ne saura plus parler la langue latine à Rome. »
Iphicrate est un stratège athénien du ive s. av. J.‑C., dont Aristote a relaté ce propos dans le livre ii, chapitre xviii, de sa Rhétorique ; il est ici emprunté à la traduction de François Cassandre : {a}
« Par exemple, Iphicrate, voyant qu’à toute force on voulait obliger son fils, qui n’était encore qu’un enfant, de faire les fonctions de citoyen et d’avoir sa part des charges comme les autres, et cela seulement à cause de sa taille et qu’il paraissait grand, joliment il repartit à ces gens-là,Que s’ils prétendaient qu’on dût faire passer pour des hommes faits les enfants qui paraissaient un peu grands, il fallait en même temps qu’ils déclarassent que désormais les petits hommes ne passeraient plus que pour des enfants. »
- La Rhétorique d’Aristote en français (Paris, Louis Chamhoudry, 1654, in‑4o de 556 pages), § xvi, page 374.
« Ci-gisent ombre, cendre, néant. »
Guy Patin a souvent parlé des Barberins dans ses lettres, mais jamais de Marcello Barberini, dit Antonio l’Ancien (Florence 1569-Rome 1646), frère puîné de Maffeo, le pape Urbain viii : {a} il était l’oncle des cardinaux Antonio le Jeune {b} et Francesco Barberini. {c} Entré dans l’Ordre des capucins en 1592, il changea son prénom de Marcello en Antonio, et fut nommé cardinal en 1624, au titre de Sant’Onofrio. Sa tombe se trouve à Rome dans l’église des capucins, Santa Maria della Concezione, {d} avec une inscription lapidaire, un peu différente de celle que donne L’Esprit de Guy Patin : {e}
Hic jacet pulvis cinis et nihil.[Ci-gisent poussière, cendre, néant].
- V. note [19], lettre 34.
- Le cardinal Antoine, v. note [4], lettre 130.
- Le cardinal Barberin, v. note [7], lettre 112.
- Sainte-Marie de la Conception.
- L’altération du Faux Patiniana a été reproduite dans quelques ouvrages ultérieurs, qui l’ont copié les yeux fermés.
Le vocabulaire aujourd’hui désuet de cet article mérite plusieurs explications.
« Artisan qui fait de la broderie. “ Ces bandes de tapisserie ont été appliquées par le brodeur sur cette étoffe. ” Ce mot est venu par transposition de bordeur, parce qu’on ne brodait autrefois que le bord des étoffes. Du Cange dit qu’autrefois on disait aurobrustus, pour dire brodé d’or, ou brusdus, brudatus, et brodatus. {a} On dit proverbialement “ autant pour le brodeur ”, pour se moquer d’un homme qui hâble, comme si on disait “ pour le bourdeur ” qui nous donne des bourdes, des menteries, qui brode des contes. {b}L’invention de la broderie est attribuée aux Phrygiens. {c} Les Latins même ont appelé les brodeurs, phrygiones ; mais la plupart tiennent que le mot de “ brodeur ” vient de “ bordeur ”, car on ne mettait autrefois des enrichissements que sur les bords des habits : d’où vient que les Latins les ont aussi appellés limbularii. » {d}
- Charles du Fresne, sieur du Cange, Glossarium mediæ et infimæ latinitatis [Glossaire de la moyenne et basse latinité] (1678), aux mots brusdus, brustus, brudatus, brodatus :
Voces unius ejusdemque notionis et originis, pro opere Phrygio, acupicto, plumario ; nostris broderie, Britonibus brout vel broud, unde brouda, acu pingere.[Mots de mêmes sens et origine, pour opus Phrygium, {i} acupictum, {ii} plumarium ; {iii} pour nous, broderie ; pour les Britanniques, brout ou broud, {iv} d’où brouda, {v} acu pingere]. {vi}
- Ouvrage phrygien.
- Piqué à l’aiguille.
- Brodé.
- Browd.
- Broudur.
- Piquer à l’aiguille.
- Étienne Pasquier, Les Recherches de la France, {i} livre huitième, chapitre lxii, pages 786‑787, De quelques particuliers proverbes et mots dont le peuple use par corruption de langage :
« Aussi le brodeur que nous adaptons à un insigne menteur, quand un homme nous ayant payés d’une bourde, nous en souhaitons autant pour le brodeur, est dit par corruption de langage au lieu de bourdeur. Comme nous voyons en cas semblable le commun peuple user indifféremment de pourmener et promener, forment et froment, formage et fromage, garnier et grenier : par quoi celui qui premier {ii} voulut dire autant pour le bourdeur souhaita de payer d’une pareille bourde le menteur que celle dont il avait repu une compagnie. »- La Phrygie est aujourd’hui l’Anatolie occidentale (en Turquie asiatique).
- De limbus, « bordure, lisière, frange ».
Je n’ai pas identifié « Notre J.M. », mais le propos sur les dédicaces vient du pamphlet anonyme intitulé La Confession catholique du sieur de Sancy, et Déclaration des causes, tant d’État que de religion qui l’ont mû à se remettre au giron de l’Église romaine. {a} Son épître « À Monseigneur le révérendissime évêque d’Évreux » {b} commence ainsi (pages 317‑318) :
« Monsieur,Ayant délibéré de mettre en lumière ma confession (œuvre que je puis vanter n’être pas publici saporis) {c} je n’ai pas voulu faire comme ces ignorants, lesquels ayant quelque œuvre douteux {d} à mettre au vent, cherchent pour la défense de leurs écrits, les uns le roi, qui a tant d’autres choses à défendre, les autres, quelque prince, comme un des traducteurs du Tasse, qui a choisi pour son apologue le prince de Conti. {e} Les autres y emploient des gouverneurs, plus soigneux de rescriptions {f} que de rimes, ou les financiers, occupés à l’exercice de leur fidélité. {g} Enfin, la folie des dédications est venue jusques au capitaine d’argoulets et coupe-jarrets. {h} Le secours de telles gens sert aussi peu à la défense de ces mauvais petits livres que si on peignait des bastions {i} aux coins de chaque page, ou si on faisait la couverture à l’épreuve du pistolet. Ces précautions ne défendent pas une mauvaise cause des censures. »
- Théodore Agrippa d’Aubigné {i} l’a écrite dans les dernières années du xvie s. contre les conversions des protestants au catholicisme. Elle a bien plus tard été imprimée dans le Recueil de diverses pièces servant à l’histoire de Henri iii, roi de France et de Pologne, {ii} sous le titre de Confession catholique de M. de Sancy {iii} par S.L.D.A., auteur du Baron de Feneste (ive partie, pages 315‑464) : cette référence au Baron de Feneste {iv} identifie clairement Agrippa d’Aubigné.
- Le cardinal Jacques Davy Duperron (v. note [20], lettre 146), lui-même converti et zélé convertisseur de calvinistes, a dirigé le diocèse d’Évreux de 1592 à 1606.
- « de goût commun ».
- Ancien usage du mot « œuvre » au masculin.
- Je n’ai pas identifié cette édition française du Tasse (v. note [5] du Faux Patiniana II‑1) dédiée à François de Bourbon, prince de Conti (mort en 1617, v. note [64] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii).
- Rescription : « mandement qu’on donne à un fermier, à un débiteur, à un correspondant, pour payer une certaine somme au porteur du billet » (Furetière).
- Probité.
- Un argoulet est un arquebusier ou carabin. On dit « par raillerie, qu’un homme n’est qu’un chétif argoulet, un pauvre argoulet, pour dire que c’est un homme de néant, et pour le mépriser » (Furetière). Par allusion au coup d’épée qui immobilise l’adversaire, un coupe-jarret est un brigand (sicaire), qui fait profession de trucider sur commande.
- Fortifications.
Cette citation, mise entre le guillemets dans L’Esprit de Guy Patin, est une longue broderie dont l’amorce (que j’ai traduite en italique) vient de Cicéron, chapitre xxi du livre de la Vieillesse, qui commence par ce propos de Caton l’Ancien sur la mort :
Non enim video cur, quid ipse sentiam de morte, non audeam vobis dicere, quod eo cernere mihi melius videor, quo ab ea propius absum. Ego vestros patres, P. Scipio, tuque, C. Læli, viros clarissimos mihique amicissimos, vivere arbitror, et eam quidem vitam, quæ est sola vita nominanda. Nam, dum sumus inclusi in his compagibus corporis, munere quodam necessitatis et gravi opere perfungimur ; est enim animus cælestis ex altissimo domicilio depressus et quasi demersus in terram, locum divinæ naturæ æternitatique contrarium. Sed credo deos immortales sparsisse animos in corpora humana, ut essent, qui terras tuerentur, quique cælestium ordinem contemplantes imitarentur eum vitæ modo atque constantia.
Les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont à nouveau plagié sans aucun scrupule la traduction de Philippe Goibaud-Dubois, {a} pages 103‑104 :
« Rien ne peut m’empêcher de vous dire ce qu’il me semble de la mort, et que je crois voir d’autant mieux que j’en suis plus proche. Je suis persuadé que vos pères, ces illustres personnages que j’ai tant aimés, n’ont point cessé de vivre, quoiqu’ils aient passé par la mort ; et qu’ils sont toujours vivants de cette sorte de vie qui seule mérite d’être appelée de ce nom-là. Car tant que nous sommes dans les liens du corps, nous y sommes comme des forçats à la chaîne, {b} puisque notre âme est quelque chose de divin qui, du ciel, comme du lieu de son origine, est jetée et comme abîmée dans cette basse région de la terre, qui est un lieu d’exil et de supplice pour une substance céleste de sa nature. {c} Mais je crois que si les dieux ont engagé nos âmes dans nos corps, c’est afin que ce grand ouvrage de l’univers eût ses spectateurs, qui admirassent le bel ordre de la nature, et le cours si réglé des corps célestes, et qui l’exprimassent en quelque sorte par le règlement et l’uniformité de leur vie. » {d}
- Paris, 1708, v. supra note [30], notule {b}.
- Référence anachronique aux galériens du royaume de France, que le Faux Patiniana a fidèlement reprise.
- Note de Goibaud-Dubois :
« Un chrétien n’aurait pas mieux dit, et c’est une grande preuve de cette vérité, de voir que tout ce qu’il y a de grands esprits parmi les païens même l’aient vu. Il ne restait qu’à savoir quelle est la cause de notre exil, d’où viennent les maux que nous y souffrons, par quel chemin et sous quel guide nous pouvons retourner dans notre patrie. Mais il n’y a que la religion qui nous l’apprend. »- Note de Goibaud-Dubois, qui termine en citant l’Évangile de Matthieu (5:48) :
« Il est donc de l’ordre que l’homme soit saint : car c’est ce que Caton dit ici en d’autres termes, et il n’en faut point d’autre preuve que le repos et la satisfaction que l’on trouve dans toutes les bonnes actions, et le trouble et le remords dont les mauvaises sont suivies. Dieu a voulu que les païens rendissent encore témoignage à cette grande vérité. Il n’y manque que d’avoir vu que ce n’est pas l’ordre de la nature, mais la sainteté de l’Auteur de la nature que nous devons nous proposer pour modèle. Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait. »
Traduction plus littérale du texte de Cicéron :
« Pourquoi n’oserais-je pas vous dire ce que je pense de la mort ? Il me semble la discerner de mieux en mieux à mesure que je m’en approche. Je crois, Scipion et toi aussi Lélius, que ces hommes illustres, qui furent vos pères et mes grands amis, sont en vie, et je veux parler de la seule vie qui mérite ce nom. En effet, aussi longtemps que nous sommes retenus par les liens du corps, nous nous épuisons, bon gré mal gré, à accomplir tâches serviles et rudes travaux ; mais notre âme, qui, elle, est d’essence céleste, a été précipitée des hauteurs où elle demeurait et comme enfouie dans la terre, soit un lieu qui est à l’opposé de sa divine nature et de son éternité. Je crois cependant que les dieux immortels ont implanté des esprits dans les corps des humains pour qu’il y ait des êtres qui veillent sur les terres, et qui contemplent l’ordre du ciel pour l’imiter par le règlement et la constance de leurs mœurs. »
Il est strictement impossible de tenir cet article pour un propos de Guy Patin et pour une convaincante proclamation de sa foi chrétienne. En la lui attribuant, les rédacteurs de son Esprit (1709) avaient-il une autre intention que défendre sa mémoire contre le soupçon d’avoir été un libertin athée, allégation téméraire que lui avaient valu (et lui valent encore aujourd’hui, v. note [38], lettre 477) la publication de ses Lettres (1683) et le jugement de Pierre Bayle dans la note E de son Dictionnaire (1702, v. note [7], lettre 65) ? Mais pouvait-on s’y prendre plus maladroitement qu’avec ce pathétique plagiat ?
Cet article associe deux sources que je n’ai pas vues réunies ailleurs avant 1709.
« Une jeune fille de Corinthe prête à marier étant morte, sa nourrice posa sur son tombeau, dans un panier, quelques petits vases que cette fille avait aimés pendant sa vie ; et afin que le temps ne les gâtât pas si tôt, étant à découvert, elle mit une tuile sur le panier ; qui, ayant été posé par hasard sur la racine d’une plante d’acanthe, il arriva, lorsqu’au printemps, les feuilles et les tiges commencèrent à sortir, que le panier, qui était sur le milieu de la racine, fit élever le long de ses côtés les tiges de la plante ; qui, rencontrant les coins de la tuile, furent contraintes de se recourber en leur extrémité, et faire le contournement des volutes.Le sculpteur Callimachus, que les Athéniens appelèrent Catatechnos à cause de la délicatesse et de la subtilité avec laquelle il taillait le marbre, {b} passant auprès de ce tombeau, vit le panier, et de quelle sorte ces feuilles naissantes l’avaient environné. Cette forme nouvelle lui plut infiniment, et il en imita la manière dans les colonnes qu’il fit depuis à Corinthe, établissant et réglant sur ce modèle les proportions et les mesures de l’ordre corinthien. »
Tout cela est repris en grand détail dans les Diversités curieuses de Laurent Bordelon {c} (dixième partie, 1699, pages 222‑223) : ce qui suffit à écarter l’idée que Guy Patin puisse être la source de cet article de son Esprit.
- Paris, 1673, v. note [6] du Faux Patiniana II‑1.
- Callimachus ou Callimaque est un sculpteur grec du ve s. av. J.‑C. (la 60e olympiade correspond aux années 540-536). Sa biographie tient surtout de la légende rapportée par divers auteurs antiques. Son surnom le plus courant est Κατατηξιτεχνος ou Κακιζοτεχνος (Katatêxitechnos ou Kakidzotechnos, translittération écorchée en Gaziotecnos par L’Esprit de Guy Patin), « jamais content de son ouvrage » ; Vitruve et Perrault le transformaient ici en Κατατεχνος, « d’un art consommé ».
- V. supra note [25].
« La ville d’Athènes est en général consacrée à Minerve, {b} ainsi que tout le pays, car dans les bourgs, même où l’on honore plus particulièrement certaines divinités, on n’en rend pas moins un culte solennel à Minerve ; mais de toutes les statues de la déesse, la plus vénérée est celle qu’on voit dans la citadelle nommée anciennement Polis. {c} Déjà même, elle était l’objet du culte de tous les peuples de l’Attique avant qu’ils se fussent réunis. L’opinion commune est que cette statue tomba jadis du ciel, je n’examinerai pas si elle est vraie ou non. La lampe consacrée à la déesse est l’ouvrage de Callimaque, on ne la remplit d’huile qu’une fois par an, et elle brûle jusqu’à pareil jour de l’année suivante, quoiqu’elle soit allumée jour et nuit. La mèche est de lin Carpasien, le seul qui brûle sans se consumer. {d} La fumée se dissipe par le moyen d’un palmier de bronze placé au-dessus de la lampe et qui s’élève jusqu’au plafond. Callimaque, qui a fait cette lampe, quoique inférieur aux sculpteurs du premier ordre, quant à l’art en lui-même, s’éleva cependant au-dessus de tous par son intelligence, car il inventa le premier le moyen de forer le marbre. Il prit le nom de Catatêxitechnos, ou peut-être ce nom lui fut-il donné par d’autres, et ne fit-il que l’adopter. »
- V. note [41] du Borboniana 8 manuscrit.
- Pallas Athéna, v. note [13], lettre 6.
- L’Acropole : v. note [33], lettre 223, pour le nom de Palladium donné à la statue de Pallas (Minerve) qui s’y dressait.
- Rabelais s’est inspiré de ce passage pour décrire le temple de la Bouteille dans le Cinquième livre, chapitre xl, Comment le temple était éclairé par une lampe admirable :
« Chacune [des ampoules] était pleine d’eau ardente [eau-de-vie], cinq fois distillée par alambic serpentin, inconsomptible [inépuisable] comme l’huile que jadis mit Callimachus en la lampe d’or de Pallas en l’Acropolis d’Athènes, avec un ardent lychnion [mèche] fait part [partie] de lin asbestin, comme était jadis au temple de Jupiter en Ammonie, et le vit Cleombrotus, philosophe très studieux, part [et partie] de lin carpasien, lesquels par feu plutôt sont renouvelés que consumés. »La Carpasie est un ancien nom de l’île de Chypre, au centre de laquelle se trouvent le village et les mines d’Amiantos, qui ont donné leur nom à l’amiante ou asbeste (du grec asbestos, inextinguible et incombustible) : cela fait des lins asbestin et carpasien un seul et même minéral fibreux. Aujourd’hui redoutées pour leur toxicité (induction d’atteintes respiratoires et de cancers), ces fibres furent d’abord un sujet de curiosité sceptique (Trévoux) :
« On faisait autrefois tant de cas des ouvrages faits d’amiante qu’on les estimait presque autant que l’or ; et il n’y avait que quelques empereurs, ou des rois, qui en eussent des serviettes. Cette grande rareté n’a pas empêché plusieurs antiquaires de croire après Pline que l’amiante servait à faire des chemises et des draps, dans lesquels on brûlait les corps des rois et des empereurs pour conserver leurs cendres, et empêcher qu’elles ne se mêlassent avec celles des bois et autres matières combustibles dont on formait leurs bûchers. Mais les historiens des empereurs n’ont jamais fait mention de ces toiles, quoiqu’ils décrivent exactement la cérémonie qu’on observait en brûlant ces corps, et les moyens qu’on avait de ramasser les cendres des morts, en sorte qu’il est inutile d’avoir recours aux toiles d’amiante ; d’ailleurs, on trouve dans plusieurs urnes sépulcrales des charbons mêlés parmi les cendres, ce qui fait assez voir que les Anciens n’étaient pas toujours si soigneux à ne ramasser que les seules cendres du mort. De cette erreur on est tombé dans une autre, en s’imaginant qu’on employait l’amiante à faire des mèches perpétuelles aux lampes sépulcrales. Personne cependant n’y en a jamais observé. Il est vrai qu’on se sert à présent des mèches d’asbeste pour des lampes auxquelles on ne veut guère toucher, car l’amiante ne se consumant pas, on n’est pas obligé de tirer la mèche qui en est faite. On dit qu’autrefois on a vendu des morceaux d’amiante pour du bois de la vraie Croix de Notre Seigneur ; et le public s’y laissait aisément tromper parce qu’on assurait que la meilleure preuve pour reconnaître ce bois précieux était de le mettre au feu, d’où il devait sortir entier. »
Daniele Matteo Alvise Barbaro (Venise, 1514-ibid. 1570), littérateur et savant prélat, fut patriarche d’Aquilée. {a} Nommé cardinal a pectore en 1561, il ne fut jamais officiellement créé. Cet article est un emprunt aux Éloges de de Thou augmentés par Antoine Teissier {b} (tome premier, pages 352‑355), avec citation de deux des nombreux livres publiés par Barbaro :
[Trois livres des Rhétoriques d’Aristote, {c} dans la traduction d’Hermolaus Barbarus P.V., {d} et les Commentaires de Daniel Barbarus sur lesdits livres] ; {e}
[Les dix Livres de l’Architecture de Vitruve, {f} avec les Commentaires de Daniele Barbaro, patriarche élu d’Aquilée, augmentés et illustrés des nombreuses descriptions et figures d’édifices, d’horloges et de machines, ainsi que de copieux index]. {g}
Les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont servilement recopié les deux erreurs de titres contenues dans le livre de Teissier.
Cet article, fort éloigné des préoccupations ordinaires de Guy Patin, cite deux fragments d’Ovide, L’Art d’aimer (Ars amatoria), livre i, vers 237‑245, sur le banquet de Vénus et Bacchus : {a}
« Les vins disposent les cœurs à la tendresse et les incitent à s’enflammer. Les soucis s’enfuient et se diluent dans le vin pur. Alors viennent les rires, quand le pauvre s’enhardit, {b} quand s’envolent peines et chagrins, le front se déride. Alors le cœur s’ouvre, et la franchise, si rare de nos jours, {c} le dieu {c} lui arrache ses masques. Que de mignonnes ont ainsi ravi les esprits des garçons ! Vénus dans les vins, c’est le feu dans le feu. »
- V. notes [2], lettre latine 365, notule {a}, pour Vénus, déesse de l’amour, et [23], lettre 260, pour Bacchus, dieu du vin.
- Mise en exergue des mots cités « fort mal à propos » au début de l’article de L’Esprit de Guy Patin.
- Autre passage cité plus bas dans l’article du Faux Patiniana.
- Bacchus.
Guy Patin n’est pas (v. § 6 infra) le compilateur de cet inventaire, truffé de coquilles, qui a pourtant emprunté presque toute sa matière à un livre qu’il aurait pu lire : les Diverses Leçons… de Pierre Messie, {a} deuxième partie, chapitre xxxv, Que les hommes venus de basse condition ne doivent laisser d’essayer à se faire illustres, et de plusieurs exemples à ce propos. Des personnages cités pour leur viles origines, plus ou moins avérées, y font leur première apparition dans notre édition.
« Arsaces, roi des Parthes, fut de si basse et infime lignée qu’il ne s’est trouvé aucun qui ait entendu quels furent ses parents. Après qu’il se fut retiré de la sujétion et obéissance d’Alexandre le Grand, il fut le premier qui constitua royaume entre les Parthes, peuple tant renommé et craint par les Romains ; et au moyen de ses grandes prouesses et vaillances, les rois ses successeurs, pour mémoire et révérence de son nom, encore qu’ils n’eussent tel royaume par hérédité et succession, furent à cause de lui nommés Arsacides, {b} comme les empereurs romains ont pris le nom de Césars à cause du grand César Octavian Auguste. »
- Pedro Mejia ; Rouen, 1643, v. note [23] du Faux Patiniana II‑3.
- Près d’un siècle après la mort d’Alexandre le Grand, le chef scythe Arsace ier, roi des Parthes au iiie s. av. J.‑C., a fondé la dynastie des Arsacides, qui régna sur la Parthie (actuel Iran) jusqu’au iiie s. de l’ère chrétienne.
La remarque sur la naissance obscure d’Arsace vient de l’Abrégé des Histoires philippiques de Trogue Pompée, établi par Marcus Junianus Justinus (livre xli, chapitre 4, § 6‑7) :
Erat eo tempore Arsaces, vir sicut incertæ originis, ita virtutis expertæ. Hic solitus latrociniis et rapto vivere accepta opinione Selencum a Gallis in Asia victum, solutus regis metu, cum prædonum manu Parthos ingressus præfectum eorum Andragoran oppressit sublatoque eo imperium gentis invasit.[Il y avait à cette époque un homme appelé Arsace, dont l’origine était aussi douteuse que sa valeur militaire était éprouvée. Il était accoutumé à vivre de pillages et de rapines, quand il entendit le bruit de la défaite de Séleucos en Asie devant les Gaulois ; débarrassé de la crainte du roi, il attaqua les Parthes avec une troupe de brigands, écrasa leur préfet Andragoras et l’ayant supprimé, il s’empara du pouvoir sur la Nation].
« Isicrates, Athénien, fut en l’art et science militaire fort illustre, car il vainquit les Lacédémoniens en bataille rangée et résista vaillamment à l’impétuosité d’Épaminondas de Thèbes, capitaine excellent ; {a} et fut celui qu’Ataxerxes, roi de Perse, élut lieutenant général de son armée quand il voulut faire guerre aux Égyptiens. {b} Si savons-nous pourtant (selon ce que tous en écrivent) qu’il fut fils d’un savetier. » {c}
- V. notes [35] supra pour Iphicrate, et, [2], notule {a‑i}, lettre latine 265, pour Épaminondas de Thèbes (Béotie) et les Lacédémoniens (Spartiates).
- Iphicrate combattit en Égypte pour le compte d’Artaxerxès ii Mnémon, roi des Perses de 404 à 358 av. J.‑C. ; Cornelius Nepos, Vies des grands capitaines, chapitre 11, § 4 :
Cum Artaxerxes Ægyptio regi bellum inferre voluit, Iphicraten ab Atheniensibus ducem petivit, quem præficeret exercitui conducticio, cuius numerus xii milium fuit, quem quidem sic omni disciplina militari erudivit, ut, quemadmodum quondam Fabiani milites Romani appellati sunt, sic Iphicratenses apud Græcos in summa laude fuerint.[Quand Artaxerxès voulut attaquer le roi d’Égypte, il demanda Iphicrate aux Athéniens, pour diriger son armée de douze mille mercenaires. Il les instruisit si bien dans toutes les parties de la discipline militaire que, comme autrefois les soldats romains formés par Fabius furent nommés les Fabiens, les Iphicratiens se rendirent très illustres chez les Grecs].
- Aristote, Rhétorique (Paris, 1654, v. supra note [35]), livre i, proposition lii, page 82 :
« C’est de cette façon que se louait Iphicrate lui-même, ce fameux général d’armée des Athéniens qui, de fils de savetier qu’il était, monta enfin à ce haut degré d’honneur : Qui étais-je autrefois, disait-il, pour être maintenant ce que je suis ? ».
« Je m’étais oublié d’Euménès, l’un des plus excellents capitaines qu’eut Alexandre, en vaillance, savoir et bon conseil : la vie duquel et ses grands faits d’armes sont décrits par Plutarque et Paul Émile ; {a} lequel, encore qu’il ne fût favorisé ès biens et succès de Fortune comme les autres, si ne laissait-il pourtant marcher aucun devant lui {b} quant à l’art militaire ; et s’y acquit ses vertus et gloires de lui-même, sans être avancé que par son labeur, lui étant fils d’un homme de basse condition qui, selon aucuns, était chartier. »
- V. note [6], lettre latine 164, pour Euménès (Eumène de Cardia), le plus fidèle capitaine d’Alexandre le Grand, à qui Plutarque a consacré une de ses Vies des hommes illustres. Paul Émile (Paolo Emilio, Vérone 1455-Paris 1529) est un historien italien, installé en France vers 1480, auteur d’une histoire de France, mais je n’ai pas trouvé où il y a parlé d’Eumène.
- « Bien que la Fortune ne l’ait pas favorisé autant que les autres en biens et en succès, il ne laissait pourtant personne marcher devant lui ».
« C’est encore un autre grand exemple < que > celui de Ptolomée, {a} un des meilleurs capitaines d’Alexandre, après la mort duquel il fut roi d’Égypte et de Syrie ; et tel qu’à cause de son nom, ses successeurs, rois d’Égypte, furent nommés Ptolomées. Ce Ptolomée était fils d’un écuyer nommé Lac, {b} qui jamais ne servit d’autre chose que d’écuyer en l’armée d’Alexandre. »
- Ptolémée ier Sôter (le Sauveur), général d’Alxandre le Grand, régna sur l’Égypte de 305 à 283 av. J.‑C. et fonda la dynastie des pharaons ptolémaïques.
- Lagus ou Lagos.
« Élie Pertinus, empereur de Rome, fut fils d’un artisan ; son aïeul avait été libertin (c’est-à-dire qu’il avait autrefois été de servile condition, et depuis avait été libéré) ; ce néanmoins, à cause de sa vertu et valeur, il parvint à l’Empire, puis, afin de donner exemple aux autres de bas état et les inciter à la vertu, il fit couvrir de marbre bien élaboré toute la boutique où son père soulait besogner son métier. {a} Cet empereur Élie ne fut pas seul de bas lieu qui parvint à l’empire, car Dioclétian, {b} qui tant illustra Rome de triomphantes victoires, était seulement fils d’un scribe ; aucuns disent que son père était libraire et lui-même esclave. Valentinian {c} aussi acquit l’empire, bien qu’il fût fils d’un cordier. L’empereur Probus {d} était fils d’un jardinier. […]. Assez d’autres empereurs de ce calibre furent à Rome, lesquels, pour brièveté, je laisse arrière, comme Maurice, Justin, prédécesseur de Justinian, et Galère, {e} qui fut berger premier qu’être empereur. »
- Soulait : avait coutume.
Publius Helvius Pertinax, empereur qui a régné sur Rome de janvier à mars 193, était fils d’un affranchi enrichi dans la manufacture et le commerce de la laine. Il fut massacré par des soldats mécontents de n’être pas payés.
- V. note [30], lettre 345, pour l’empereur Dioclétien, natif de Dalmatie et d’origine modeste, mais obscure.
- Valentinien ier, Flavius Valentinianus Augustus, a régné sur l’Empire romain de 364 à 375. Selon certaines chroniques, il était fils d’un nommé Gratien, qui était cordier non loin de Belgrade.
- Marcus Aurelius Probus a régné de 276 à 282. L’Histoire Auguste le dit fils d’un dénommé Maximus : « du grade d’officier, qu’il avait rempli avec distinction, il parvint à celui de tribun. » Cet empereur avait néanmoins de l’intérêt pour l’agriculture : Aurelius Victor dit qu’« à l’exemple du Carthaginois [Hannibal], qui avait employé ses légions à planter des oliviers dans presque toute l’Afrique, pour empêcher leur oisiveté de devenir funeste à la république et à leurs généraux, Probus remplit de vignes, plantées par ses soldats, la Gaule, les Pannonies et les collines des Mésiens ».
- Maximien Galère a régné de 305 à 311, en association avec d’autres empereurs (tétrarchie), dont Constantin (v. note [24] du Naudæana 3). Natif de Dacie (Roumanie), il avait, dans sa jeunesse, gardé des troupeaux avec son père, ce qui lui valut le surnom d’Armentarius (le Bouvier).
« [Il] n’avait aucune naissance, mais beaucoup de mérite, surtout pour la guerre ; ce qui lui tenait lieu d’une grande noblesse. Son père, nommé aussi Maxime, était charron ou serrurier. »
- Paris, Charles Robustel, 1691, in‑4o de 797 pages.
Cet intrus dans la liste de Messie me semble disqualifier Guy Patin comme auteur de cet inventaire.
« Venons-en au pontificat et Saint-Siège apostolique, auquel sont aussi parvenus des hommes de basse condition. Le pape Jean xxii {a} fut fils d’un cordonnier natif de France, lequel, pour sa vertu et savoir, vint à ce degré, et augmenta le patrimoine et seigneurie de l’Église. Le pape Nicolas v, {b} auparavant nommé Thomas, était fils de pauvres parents qui allaient vendre par les rues des poules et des œufs. Le pape Sixte iv, premièrement nommé François, et cordelier, était fils d’un marinier. {c} J’en pourrais nommer d’autres que, tout exprès, je laisse en arrière pource que cette dignité ne se doit acquérir par noblesse de sang, ains {d} par vertu. »
- V. note [44] du Faux Patiniana II‑7.
- V. note [5], lettre 969, pour Nicolas v (Tommaso Parentucelli).
- Sixte iv (le franciscain Francesco della Rovere, v. note [39] du Naudæana 2) est réputé avoir été fils d’un riche drapier.
- Mais
Cet article est un médiocre plagiat de l’Apologie pour tous les grands hommes qui ont été accusés de magie de Gabriel Naudé, pages 226‑227, {a} à propos des démons familiers :
« Apulée voulait que ce fût un dieu ; {b} Lactance et Tertullien, {c} que ce fût un diable ; Platon, qu’il était invisible ; Apulée, qu’il pouvait être aussi visible ; Plutarque, {d} que c’était un éternuement à la gauche ou à la droite partie, selon lequel Socrate présagissait {e} un bon ou mauvais événement de la chose entreprise ; Maxime de Tyr, {f} que ce n’était qu’un remords de conscience contre la promptitude et violence de son naturel, qui ne s’entendait ni ne se voyait point, par qui Socrate était retenu et empêché de faire quelque chose mauvaise ; Pomponatius, que c’était l’astre qui dominait en sa nativité ; {g} et Montaigne, {h} finalement, était d’avis que c’était une certaine impulsion de volonté qui se présentait à lui sans le conseil de son discours. Pour moi, je crois que l’on pourrait dire assez véritablement que ce démon familier de Socrate, qui lui était in rebus incertis prospectator, dubiis præmonitor, periculosis viator, {i} n’était autre que la bonne règle de sa vie, la sage conduite de ses actions, l’expérience qu’il avait des choses, et le résultat de toutes ses vertus qui formèrent en lui cette prudence, laquelle peut être à bon droit nommé le lustre et l’assaisonnement de toutes les actions, l’équerre et la règle de toutes les affaires, l’œil qui tout voit, tout conduit et ordonne ; et pour tout dire en un mot, l’art de la vie, comme la médecine est l’art de la santé. De sorte qu’il y a bien plus d’apparence de croire que l’âme de ce philosophe, autant épurée de ses passions plus violentes qu’enrichie de toutes sortes de vertus, était le vrai démon de sa conduite. »
- Édition de Paris, 1669, déjà citée sur le démon familier de Socrate dans le Patiniana I‑4 (v. sa note [46]).
- Apulée (v. note [33], lettre 99) est auteur d’un traité en 24 chapitres intitulé De deo Socratis [Du dieu de Socrate].
- Tertullien (v. note [9], lettre 119), dans son traité De Anima [De l’Âme], et Lactance (v. note [16], lettre de Charles Spon, datée du 28 août 1657), dans le livre ii de ses Institutions divines, ont parlé en termes similaires du démon de Socrate.
- Le Démon de Socrate est l’une des œuvres morales de Plutarque (v. note [9], lettre 101), présentée sous la forme d’un dialogue, avec un long passage sur la valeur prémonitoire des éternuements.
- Sic pour présageait.
- Les Dissertations 26 et 27 de Maxime de Tyr (v. note [9], lettre 246) sont intitulées « Ce que serait le dieu de Socrate ».
V. notule {a}, note [19], lettre latine 228, pour l’éternuement.
- Dans la marge, Naudé renvoie au traité de Pomponace {i} De naturalium effectuum causis, sive de incantationibus… [Sur les causes des effets naturels, ou incantations…] ; {ii} le premier chapitre parle du démon de Socrate, mais j’y ai plutôt lu le contraire (pages 18‑19) :
Quod si quis propter hæc dicat alteram partem, videlicet, quod ab ipsis materialibus producantur, utpote quod Socrates in dæmone producat speciem Socratis, veluti hæc albedo in oculum producit speciem sui, et sic de reliquis, quod multi dixerunt, adhuc non videtur satisfacere.[Sous prétexte que la matière d’un être pourrait se dédoubler, il ne me semble pas suffire que quelqu’un dise posséder un autre lui-même, étant donné que Socrate a produit dans son démon une image de Socrate, à la manière dont un objet blanc se reflète dans la pupille de l’œil ; et il en va de même pour tout ce que quantité de gens on prétendu].
« dans l’incertitude, il prévoit pour nous, dans le doute, il nous conseille, dans le danger, il nous protège. »
Guy Patin a dit sa « sympathie pour les grands nez », {a} le sien était fort long, mais assez droit. Cet article se réfère à cinq auteurs antiques qu’il avait ou pouvait avoir lus.
« N’est-ce pas ainsi que vous faites, vous autres, à l’égard des beaux garçons ? Ne dites-vous pas du nez camus qu’il est joli ; de l’aquilin, que c’est le nez royal ; de celui qui tient le milieu entre l’un est l’autre, qu’il est parfaitement proportionné ? »
« Sa tête bien plantée et assise raide dessus le col, ainsi que ceux qui font profession de la lutte ; le nez droit et d’un beau profil, s’allongeant jusques aux narines, comme d’un courageux cheval. » {f}
- V. note [30], lettre 240.
- V. notule {b}, note [48] du Borboniana 9 manuscrit.
- Autrement intitulé Les Héroïques, cet ouvrage a été écrit par Philostrate de Lemnos, sophiste romain du iiie s., neveu de Philostrate d’Athènes (v. note [41], lettre 99).
- V. note [18] du Patiniana I‑3.
- Paris, veuves d’Abel l’Angelier et de M. Guillemot, 1615, in‑fo de 921 pages.
- Cette description figure le long nez droit, dit grec, bien plutôt que le nez aquilin.
Frons brevis atque modus leviter sit naribus uncis.[Qu’il ait le front bas et le nez légèrement aquilin].
« [Elle] avait les cheveux blonds et naturellement frisés, les yeux fort grands, les oreilles très petites, le nez un peu aquilin, et la peau extrêmement fine. »
« Les Perses aiment ceux qui ont le nez aquilin, et les regardent comme les plus beaux hommes, parce que Cyrus, {a} celui de leurs rois qu’ils ont le plus aimé, avait le nez de forme aquiline. »
« Ce ne sont que mots et formules, et rien de plus » : imitation d’Horace, v. note [2], lettre 986.
Saint Ambroise de Milan {a} a raconté l’histoire de l’écrevisse, ou plus généralement du crabe (cancer) dans le livre v de son Hexameron, ouvrage dont aucune édition française n’a été imprimée aux xvie‑xviie s. Divers auteurs l’ont néanmoins reprise, et celui qui a pu inspirer Guy Patin ou les rédacteurs de son Esprit est :
Le Buisson ardent, figure de l’Incarnation, contenant les vingt-quatre discours sur les Mystères de l’Avent. Par le R. Père Nicolas Caussin {b} de la Compagnie de Jésus ; {c}
Discours sixième (pages 152‑153), Des voies de l’homme à Dieu par la mortification des sens, et la fuite des occasions :
« De quel<que > côté que nous regardions la nature ou la vie civile, elles nous font une salutaire leçon de prendre au poil les occasions. {d} Les animaux mêmes, ainsi que nous témoigne saint Ambroise, se rendent les docteurs de l’homme en cette matière. Voyez, dit-il, ce que pratique l’écrevisse de mer, qui est naturellement friande de la chair des huîtres, elle aime la proie, mais elle craint le péril. Et que fait-elle pour éviter ce qu’elle appréhende, et jouir de ce qu’elle désire ? Elle se sert du temps et de l’occasion. Elle attend avec patience un beau soleil, qui flatte l’huître de ses rayons et lui fait ouvrir les portes de sa maison, desserrant sa coquille, qui le {e} tient clos et couvert contre son adversaire. Alors, cette habile chasseuse, voyant une ouverture propre à s’insinuer, et tenant une petite pierre qu’elle a ramassée sur le sable, la jette entre les deux coquilles de l’huître ; en sorte que ne pouvant plus commodément les fermer, il {e} donne entrée à l’ennemi, qui fait la curée de son corps. N’apprendrons-nous jamais, dans nos propres dangers, ce que la nature montre aux bêtes, et n’étudierons-nous point les leçons que Dieu nous fait par le moyen des créatures muettes, qui ont fait parler tous les livres ? » {f}
- V. note [24], lettre 514.
- V. note [5], lettre 37.
- Paris, Jean du Bray, 1648, in‑8o de 672 pages.
- Manière imagée et originale de dire « saisir les occasions » : v. note [36] (§ 1) du Faux Patiniana II‑3 pour la déesse Occasion, qu’il fallait saisir par les cheveux quand elle passait rapidement.
- À l’ancienne mode provençale, et sur le modèle du neutre grec (ostreon) et latin (ostreum), le P. Caussin employait le mot huître au masculin, ce qui ne dépare en rien son très joli style.
- Le P. Caussin n’a pas employé le mot « instinct », mais l’a sous-entendu : « sagacité naturelle qu’ont les animaux pour se conduire et rechercher ce qui leur est propre, qui supplée chez eux au défaut du raisonnement. Le chien par un instinct naturel s’attache à son maître qui lui fait du bien ; les éléphants, les singes et quelques autres animaux font des choses si surprenantes, qu’on a de la peine à les expliquer par cet instinct naturel » (Furetière). Guy Patin n’a jamais utilisé ce mot dans ses lettres.
Guy Patin s’est plusieurs fois dit fort attaché à l’idée que chacun exerce le métier dont il a la compétence et s’y tienne strictement, {a} mais sans évoquer l’exemple des Égyptiens. Il a néanmoins pu lire le chapitre viii, Des lois, coutumes et jugements des Égyptiens…, dans le premier livre (page 48) de l’Histoire de Diodore Sicilien {b} traduite de grec en français… : {c}
« Au regard des arts et métiers, nous voyons qu’en Égypte les ouvrages sont merveilleusement bien faits et venus jusqu’à leur perfection : car les artisans et ouvriers d’Égypte seulement s’emploient aux ouvrages qui leur sont permis par les lois, ou qu’ils ont appris de leurs pères, sans avoir autre soin de la chose publique ; tellement que ni l’envie de celui qui enseigne, ni la haine civile, ni quelconque autre chose ne les peut empêcher dans leur exercice. Ès {d} autres pays, il est loisible à tout homme de métier < de > laisser son premier état, en prendre un autre, et vaquer les uns à l’agriculture, les autres à la marchandise, les autres à plusieurs autres occupations ; et les aucuns d’eux {e} se trouvent ès assemblées qui se font ès villes et cités gouvernées par le peuple, où illec, {f} corrompus par argent, ils font et consentent aux choses dommageables à leur cité. Mais en Égypte, si un artisan se retrouve ès affaires de la chose publique, ou s’il fait plusieurs métiers, il est grièvement {g} puni. Et ont gardé anciennement les Égyptiens la même coutume et institution (tant de la chose publique comme de la privée) qui leur avait été laissée par leurs pères. »
- V. entre autres la note [27], lettre 211.
- Diodore de Sicile, v. note [33] du Borboniana 3 manuscrit.
- Paris, Abel de l’Angelier, 1585, in‑fo de 686 pages.
- Dans les.
- Certains d’entre eux.
- Et là.
- Lourdement.
Sénèque le Jeune, La Brièveté de la vie, chapitre xx :
Omnium quidem occupatorum conditio misera est, eorum tamen miserrima, qui ne suis quidem laborant occupationibus, ad alienum dormiunt somnum, ad alienum ambulant gradum, ad alienum comedunt appetitum ; amare et odisse, res omnium liberrimas, iubentur.[La contition de tous les gens occupés est certes malheureuse, mais elle l’est bien plus encore pour ceux qu’accaparent les occupations d’autrui, attendant qu’il sommeille pour dormir, qu’il fasse un pas pour marcher, qu’il ait appétit pour manger. Aimer et haïr sont les sentiments les plus libres tous, mais ils ne le font que sur commande].
L’anecdote qui introduit ce louable précepte est tirée du livre lxix, chapitre 19, de l’Histoire romaine de Dion Cassius (écrite en grec). {a} Sans écarter la possibilité d’un emprunt à une traduction latine, j’ai choisi la seule édition française parue au xviie s., dans le tome 2, pages 108‑109, de l’Histoire de Dion Cassius de Nicée, abrégée par Xiphilin… Traduite de grec en français par Monsieur de B.G.** : {b}
« Quant à Similis, {c} bien qu’il surpassât ceux-ci {e} en dignité et en âge, on peut dire néanmoins, à ce que je m’imagine, que jamais homme n’eut plus de vertu que lui, ce qui paraîtra par cet exemple : lorsqu’il n’était que capitaine, l’empereur l’ayant un jour appelé avant les colonels, “ Seigneur, lui dit-il, il n’est pas bienséant que vous parliez à un capitaine tandis que les colonels vous attendent. ” Ayant été après fait colonel des gardes malgré lui, il s’en démit dans la suite volontairement ; et après avoir obtenu son congé avec bien de la peine, s’en alla passer en repos à la campagne sept ans qu’il vécut encore ; où venant à mourir, il ordonna qu’on mît cette épitaphe sur son tombeau : “ Ci-gît Similis qui mourut dans un grand âge et, toutefois, il ne vécut que sept ans. ” » {f}
- V. note [35] du Borboniana 6.
- Paris, Claude Barin, 1674, in‑12 de 279 pages.
- Servius Sulpicius Similis (dont L’Esprit de Guy Patin a francisé le nom en Simile) est un chevalier romain, mort vers l’an 125 de notre ère, qui a rempli de hautes fonctions militaires et administratives sour le règne de l’empereur Trajan (98-117). Ses services auprès d’Hadrien (117-138, v. note [40], lettre 99) sont contestés par les historiens, mais ce passage appartient à la période de son impératoriat dans les éditions françaises que j’ai consultées.
- Quintus Marcius Turbo, colonel de la garde impériale (préfet du prétoire), et Cornelius Fronto, « le premier avocat de son temps ».
- Σιμιλις ενταυθα κειται βιους μεν ετη τοσα, ζησας δε ετη επτα [Ci-gît Similis, qui exista tant d’années et en vécut sept].
Sénèque, Lettres à Lucilius, épître xciv :
Legem enim brevem esse oportet, quo facilius ab imperitis teneatur. Velut emissa divinitus vox sit : jubeat, non disputet.[Il faut que la loi soit brève pour que les ignorants la retiennent très facilement ; qu’elle soit comme un oracle divin : qu’elle commande et ne soit pas ouverte à la discussion].
Juvénal (Satire vi, vers 460) introduit cet oiseux dialogue, fort éloigné des préoccupations ordinaires de Guy Patin. Laurent Bordelon a cité le même vers et raconté exactement la même histoire dans ses Diversités curieuses (v. supra note [25]) en donnant à son interlocutrice le nom de « Mademoiselle C.T.T. » (tome second, 1699, page 14).
Juvénal, Satire i, vers 74 :
Probitas laudatur et alget.[On loue la probité, mais elle grelotte].
Le pseudo-distique d’Ovide qui précède réunit :
Cléopâtre vii a régné sur l’Égypte de 51 à 30 av. J.‑C., d’abord comme épouse de ses frères Ptolémée xiii (61-47) puis Ptolémée xiv (47-44), et ensuite comme régente de son fils Ptolémée xv Césarion (44-30), né de sa liaison avec Jules César. En 34, elle devint la femme de Marc Antoine et son alliée dans sa guerre contre Octave Auguste. En 31 la bataille d’Actium, qui conduisit Octave vers le trône impérial, provoqua les suicides successifs de Marc Antoine et de sa concubine, et mit fin à la dynastie ptolémaïque (v. supra note [43‑4]).
Le Cydnus était un fleuve de Cilicie, c’est aujourd’hui la rivière de Tarse (Tarsus Çayi) en Anatolie.
Cet article reprend fidèlement deux sources antiques :
Le rhéteur Musa n’est connu que par ce qu’en a écrit son contemporain, Sénèque le Rhéteur, ou l’Ancien, {a} dans la préface du livre x de ses Controverses et suasoires, dont voici un plus long extrait :
Musa rhetor, quem interdum soletis audire, licet Mela meus contrahat frontem, multum habit ingenii, nihil cordis. Omnia usque ad ultimum tumorem perducta, ut non extra sanitatem, sed extra naturam essent. Quis enim ferret hominem de siphonibus dicentem, Cælo repluunt : de sparsionibus, Odoratos imbres : et in cultum viridium, Cælatas silvas : et in pictura, Nemora surgentia ? Aut illud quod de subitis mortibus memini eum dicentem, quum vos me illo perduxissetis : Quidquid avium volitat, quidquid piscium natat, quidquid ferarum discurrit, nostris sepelitur ventribus. Quære nunc, cur subito moriamur : mortibus vivimus.« Musa le rhéteur, que vous avez ouï quelquefois, quoiqu’en dise mon fils Méla, {b} avait beaucoup d’esprit et n’avait point de courage. Toutes ses façons de parler étaient enflées, et avaient une tumeur qui, à la vérité, était de la santé, mais non pas de la nature. {c} En effet, qui pourrait souffrir qu’en parlant des syringes, il dît qu’elles jetaient leur pluie au ciel ? Que parlant des arrosements, il dît que c’étaient des pluies de senteurs ? Que, discourant de la beauté des vergers, on ait dit que c’étaient des forêts gravées ? Et que parlant de la peinture, on ose dire qu’il y avait sur la toile des bois qui s’élevaient ? {d} Qui pourrait encore souffrir ce que je lui ai ouï dire lorsque nous fûmes ensemble chez lui, parlant des morts soudaines ? {e} Notre ventre, disait-il, est le tombeau de tout ce qui vole d’oiseaux, de tout ce qui nage de poissons et de tout ce qui marche d’animaux sur la terre. Me demandez-vous après cela pourquoi les morts sont si fréquentes et si précipitées ? N’est-ce pas parce que nous ne vivons que de morts ? » {f}
- Vers 54 avant J.‑C.-39 après, v. note [22] du Naudæana 4.
- Pour rester dans l’esprit de l’époque, cette traduction peu élégante est celle des Controverses de Sénèque, père de Sénèque le Jeune par le sieur de Lesfargues (pages 322‑323). {i} Elle atténue ici le propos, en remplaçant « bien que mon fils Méla fronce le sourcil » par « quoiqu’en dise mon fils Méla » ; ce Méla était le frère aîné de Sénèque le Jeune.
- Paris, Antoine de Sommaville, 1656, in‑fo de 366 pages, dédié par B. Lesfargues « à Messieurs de l’Académie française ».
- Pour dire : « une enflure [de discours] qui n’outrepassait pas les limites du bon sens, mais celles de la nature. »
- Ces ornements rhétoriques mal timbrés peuvent aussi se traduire par :
« Qui supporterait en effet un homme disant des jets d’eau qu’ils renvoient la pluie au ciel, des ondées, d’odorantes aspersions, d’un verger bien cultivé, des forêts ciselées ? et que d’un tableau peint surgit le relief des bois ? »- V. note [14], lettre 554.
- J’ai mis en exergue le passage cité par L’Esprit de Guy Patin, qu’on peut traduire plus simplement par :
« Nous ensevelissons en nos ventres n’importe quel oiseau qui vole, n’importe quel poisson qui nage, n’importe quel gibier qui court. Demande-toi alors pourquoi nous mourons subitement : c’est que nous vivons de chairs mortes. »
Ce « Monsieur D.C.R. » prenait antiquior (antiquius au genre neutre que commande ici nihil, « rien »), forme comparative de l’adjectif antiquus (antiquum, « antique », « ancien », « d’antan »), dans son sens primitif, attesté par tous les dictionnaires et que certains rattachent douteusement à l’association étymologique de ante [devant] et oculus [l’œil], pour dire « plus cher », « plus important », « préférable ».
La citation de Plaute, tirée des Captifs (Captivi), acte i, scène 2, vers 104‑105, est un propos du parasite Ergasile au sujet de Tyndare, fils du riche vieillard Hégion :
Nulla juventutis spes est : sese omneis amant. Ille demum antiquis est adulescens moribus.[Nos jeunes sont désespérants : ils n’aiment qu’eux mêmes. Seul ce jeune homme a des mœurs antiques].
Les expressions latines a vetustate et a senectute sont synonymes pour dire « par ancienneté », et promouvoir le bénéfice de l’âge dans l’accession aux honneurs que confèrent les compagnies humaines comme l’armée (vétérans) ou les parlements (sénateurs) ; mais je peine à imaginer que Guy Patin ait pu omettre de mentionner ici l’ancien (doyen d’âge, decanus senior, antiquior Scholæ magister) de la Faculté de médecine de Paris (v. note [20], lettre 17), dignité à laquelle il n’a pas accédé, mais dont il a toujours parlé avec immense respect et gourmande convoitise, car il la considérait comme un zénith dans la carrière d’un docteur régent (avec de substantiels avantages hiérarchiques et pécuniaires) : de fait, cet article de son Esprit développe celui qu’a écrit Laurent Bordelon dans la cinquième partie, (page 167) de ses Diversités curieuses (1696, v. supra note [25]).
Ces confidences sur les qualités respectives d’une bonne et d’une mauvaise épouse restent obscures, même en comprenant que « le reste » est le devoir conjugal, et que la mauvaise maîtresse du logis est celle qui le délaisse, en quelque manière que ce soit (excessive dévotion menant à la chasteté ou, au contraire, aventures adultérines) ; mais leur sens apparaît quand on explore les deux citations qui les introduisent.
« Quelle félicité dans l’épouse d’Admète {a} et dans la couche nuptiale d’Ulysse, {b} et dans toute femme aimant la maison de son époux ! »
- Sans détailler le mythe tortueux de l’argonaute Admète, roi de Phères, en Thessalie, il suffit de savoir ici que son épouse, Alceste, fit preuve d’un dévouement conjugal exemplaire.
- V. note [7], lettre latine 7, pour la fidélité légendaire de Pénélope.
« Dès que les filles naissent, les nourrices ont grand soin de leur lier étroitement les pieds, de peur qu’ils ne croissent. La nature, qui semble être faite à cette gêne, s’en accommode plus facilement qu’on ne s’imagine, et on ne s’aperçoit pas que leur santé en soit altérée. Leurs souliers de satin, brodés d’or, d’argent et de soie, sont d’une propreté achevée, et quoique petits, elles s’étudient fort, en marchant, à les faire paraître : car elles marchent, Monseigneur ! ce qu’on aurait de la peine à croire, et elles marcheraient volontiers tout le jour si elles avaient la liberté de sortir. Quelques-uns sont persuadés que ç’a été une invention des anciens Chinois qui, pour mettre les femmes dans la nécessité de garder la maison, mirent les petits pieds à la mode. Je m’en suis informé très souvent des Chinois mêmes, qui n’en ont jamais ouï parler. Ce sont des contes, me dit l’un d’eux en riant : nos pères, aussi bien que nous, connaissaient trop bien les femmes pour savoir qu’en leur retranchant la moitié des pieds, on < ne > leur ôterait < pas > le pouvoir de marcher et l’envie de voir le monde. »
- Paris, 1696, v. note [69] du Faux Patiniana II‑5.
- Sous-titrée : Du caractère particulier de la nation chinoise ; son antiquité, sa noblesse, ses modes, ses bonnes et ses mauvaises qualité.
Cette seconde citation a aussi inspiré Laurent Bordelon dans ses Diversités curieuses (v. supra note [25], cinquième partie, 1699, pages 46‑47).
Cet article peu clairvoyant, car il ne distingue pas les prétextes des causes véritables, concernait l’insurrection ou sédition Nika ou Niké, en 532, qui fit vaciller le trône de l’empereur Justinien le Grand et de son épouse Theodora. {a} Les Anecdota (ou Histoire secrète) de Procope en ont parlé en plusieurs endroits. {b}
« Il ne serait pas possible d’énumérer les noms de tous les autres citoyens dont (Justinien et Theodora) se constituèrent eux-mêmes héritiers. Jusqu’à l’époque qui vit éclater l’émeute appelée du nom de Niké (victoire), ils ne procédaient que par individu à la spoliation des fortunes des riches ; mais, au temps dont je parle, confisquant pour ainsi dire en masse les biens des membres du haut Sénat, ils mirent la main sur toutes les valeurs mobilières, et sur les plus belles de leurs terres qui étaient à leur convenance. »
« Le règne de ce prince inonda donc la terre entière de sang humain, soit celui des Romains, soit celui des Barbares, et pour ainsi dire de tous. La guerre sévit en quelque sorte sur toutes les parties de l’Empire, pendant cette époque ; mais les émeutes qui surgirent à Byzance et dans chaque cité firent verser, je pense, non moins de sang, si l’on en fait bien le calcul.Comme on n’avait égard ni à l’équité ni à la proportion des peines dans la répression des délits, et comme chacun des partis n’était jaloux que de plaire à l’empereur, jamais de part ni d’autre, ils ne restaient en repos.
Ils tombaient alternativement, les uns dans la fureur du désespoir parce qu’ils avaient échoué, les autres, dans une exaltation présomptueuse parce qu’ils avaient conquis sa faveur : tantôt ils marchaient les uns contre les autres en masse ; tantôt, ils engageaient des combats isolés, et même d’homme à homme. Ils se dressaient réciproquement des embûches quand l’occasion s’en présentait. Pendant trente-deux ans, on ne laissa passer aucune circonstance favorable sans se faire le plus de mal possible ; et le plus souvent, le préfet du peuple condamnait les séditieux au supplice. Toutefois, le châtiment des délits retomba principalement sur les Prasiniens. » {c}
« On incriminait les uns comme adhérents au polythéisme ou comme hérétiques, parce que leur foi au christianisme n’était pas orthodoxe ; les autres comme se livrant à la pédérastie ; d’autres, comme ayant abusé des saintes femmes, ou ayant eu un commerce charnel prohibé par les lois ; d’autres, de tentatives de sédition ou d’affiliation au parti présinien, ou d’outrage à la personne du souverain.En un mot, on inventait toute espèce d’accusation contre eux. (Justinien) se portait héritier personnel des morts, de même que, selon l’occasion, il se disait donataire des vivants ; et c’est en ce point surtout qu’il montrait la supériorité de sa tactique. J’ai déjà rapporté ci-dessus comment il profita de la sédition dirigée contre lui sous le nom de Niké ; comment il devint immédiatement l’héritier de tous les membres du Sénat, et comme, bien avant cette émeute, il s’était emparé de la fortune des particuliers. » {d}
- V. note [22], lettre 224.
- J’ai emprunté les trois citations à l’édition bilingue, grecque et française, de Paris, 1856 (v. notes [59] et [60] du Patiniana I‑2).
- Les deux principaux partis rivaux étaient les Prasiniens (ou Verts, comme la prasine, qui est une terre de cette couleur) et les Vénètes (Venettes ou Bleus).
- L’émeute éclata, sur une provocation des Verts, lors des courses de char (carrousel, v. note [5], lettre 727) qui avaient lieu chaque année en janvier. Elle se propagea très rapidement jusqu’à devenir une révolution, unissant Bleus et Verts contre le pouvoir impérial. Justinien sauva sa couronne de justesse. On estime à trente mille le nombre des personnes tuées au cours des combats et de la répression qui les suivit dans tout l’Empire.
Deux auteurs grecs du iiie s. de notre ère ont raconté un peu différemment cet échange entre Denys l’Ancien, tyran de la colonie grecque de Syracuse au ive s. av. J.‑C., et le philosophe Aristippe de Cyrène, {a} son courtisan le plus assidu.
« Contraint un jour par Denys de parler philosophie, il dit : “ Il serait risible que tu t’informes auprès de moi sur l’art de parler, et que ce soit toi qui m’enseignes le moment où il faut parler. ” Vivement indigné par ce propos, Denys lui donna la dernière place à table. Et lui de dire : “ Tu as voulu donner plus d’honneur à cette place. ” »
« Selon le rapport d’Hégésandre : {d} Aristippe se trouvait un jour à une place peu honorable à la table de Denys, sans murmurer ; Denys lui demande ce qu’il pense de cette place, en comparaison de celle qu’il avait occupée la veille : “ Elle me semble la même, répondit-il ; car celle d’hier, où je ne suis plus, est méprisable aujourd’hui, après avoir été la plus honorable parce que j’y étais ; et celle que j’occupe aujourd’hui est devenue place d’honneur par ma présence, tandis qu’elle était méprisable parce que je n’y étais pas. ” »
- V. note [57], lettre 211.
- V. note [3], lettre 147.
- V. note [17], lettre de Charles Spon, datée du 6 avril 1657.
- Historien grec du iie s. de notre ère, auteur de six livres de Commentaires aujourd’hui perdus.
Je n’ai identifié ni « Monsieur L.R.R. » ni « Monsieur N.D.E. », mais trois curieuses locutions, qu’on ne trouve pas sous la plume de Guy Patin, ont retenu mon attention dans cet article.
Tibulle, Élégies, livre iii, vi, vers 32‑34 :
Ei mihi difficile est imitari gaudia falsa
Difficile est tristi fingere mente jocum,
Nec bene mendaci risus componitur ore.[Il m’est hélas difficile de faire semblant d’être gai, difficile aussi de feindre la tristesse quand je suis gai, et le rire ne vient pas bien sur une bouche qui ment].
Trois mots de cet article n’appartiennent pas au vocabulaire de Guy Patin, mais procurent de savantes informations sur les aspects techniques de la bibliomanie, ou bibliophilie, quand elle privilégie la forme sur le contenu des livres.
« Gabriel Naudé dans son Dialogue de Mascurat, page 171 : {c}“ J’ai autrefois observé, étant à Bâle, que les Allemands appellent un livre buc<h>, ou bouc, comme quelques-uns prononcent ; et d’autant que les plus anciens livres imprimés nous sont venus d’Allemagne, où l’impression fut trouvée il y a environ cent quatre-vingt-dix ans, puisque Jean Fust nous donna en 1459 le Durandus de Ritibus Ecclesiæ, et Pierre Schoeffer la Bible en 1462, qui sont les premiers livres imprimés que l’on ait jamais vus en l’Europe. {d} Cela a été cause que les Français voulant parler d’un vieux livre, ont dit que c’était un buc, ou bouquin, comme qui dirait un de ces vieux livres d’Allemagne qui ne sont plus bons qu’à faire des fusées, et à empêcher Ne toga cordylis, ne pænula desit olivis. {e} En un mot, les Français ont voulu emprunter cette parole des Allemands, comme ils ont fait celle de rosse, non pour signifier toute sorte de chevaux, comme elle fait en Allemagne, mais ceux particulièrement qui sont recrus et qui iam ilia ducunt, {f} en les appelant rosses, ou vieilles rosses ; comme ils disent aussi quelquefois vieux bouquin. ”Il est vrai que bouquin est un diminutif de l’allemand buch. Mais ce mot bouquin était en usage parmi nous avant l’invention de l’imprimerie : ce que j’avais remarqué dans la première édition de ces Origines, et ce qui a été remarqué depuis par le Père Labbe, dans la seconde partie de ses Étymologies françaises au mot bouquin. Le Père Labbe, au reste, y a fort bien repris Gabriel Naudé, pour avoir dit que le Durandus de Ritibus Ecclesiæ et la Bible avaient été les premiers livres qu’on eût vu imprimés dans l’Europe ; mais il s’est trompé, en disant que le mot allemand buch, dans la signification de “ livre ”, vient de buch, autre mot allemand qui signifie “ un bouc ”, et que de là on a appelé “ bouquins ” de vieux livres manuscrits couverts de peau de bouc, ou puants de vieillesse, et puants comme des boucs. {g} J’avais encore remarqué dans la première édition de ces Origines, que l’allemand buch, ou bok, si on en croyait Lipse dans la lettre 44 de la troisième centurie de ses lettres ad Belgas, venait du Latin buxus. Voici les termes de Lipse : “ Boeck etiam, unde Librum dicimus, nisi quia e ligno et fago, acere, buxo olim pugillares ? Prudentius : Buxa crepant cerata. ” {h} Cette étymologie de Lipse n’a pas plu au Père Labbe, mais comme elle n’est pas de moi, je n’ai point intérêt de la défendre. »
- V. note [48] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii.
- Première édition à Paris, 1650, v. note [a], lettre 1019.
- Jugement de tout ce qui a été imprimé contre le cardinal Mazarin…, 1650 (v. note [127], lettre 166), page 172.
- Johann Fust et Peter Schoeffer furent partenaires financiers et techniques de Johann Gutenberg dans l’invention de l’imprimerie à Mayence (v. note [13], lettre latine 7), mais ils finirent par lui en dérober la primauté.
Le Durandus « sur les Rites de l’Église » est un titre modifié du Rationale divinorum officiorum [Rituel des offices divins] de Guillaume Durand, évêque de Mende mort en 1296.
- « Afin que les jeunes thons ne manquent de toge, ni les olives, de pochon » (Martial, v. note [8], lettre 86). Le papier de rebut pouvait aussi servir à envelopper les fusées de feux d’artifice.
- « et qui déjà se vident de leurs entrailles ».
- Les Étymologies de plusieurs mots français, contre les abus de la secte des hellénistes du Port-Royal. Sixième partie des Racines le la langue grecque du R.P. Philippe Labbe, {i}, de la Compagnie de Jésus {ii} (seconde partie, pages 16‑19) :
« Buch en allemand signifie “ un bouc ”, caper […] : et de là, “ bouquin ”, sentir le bouquin, “ bouquiner ” < pour > lire de vieux livres manuscrits couverts de peau de bouc, {iii} ou puants de vieillesse comme ces animaux. […] Ceux-là se trompent, qui avance<nt> que les premiers livres imprimés que l’on ait jamais vus en Europe ont été les Durandus de Ritibus Ecclesiæ, que Jean Fust donna l’an 1461, et la Bible de Pierre Schoeffer en 1462 : s’ils avaient dit que ce sont les premiers livres marqués de l’année de leur impression, avec le Catholicon Ianuensis, {iv} qui est aux Pères feuillants de cette ville, imprimé l’an 1460, ils auraient eu raison ; mais depuis l’an 1440 jusques en 1460, plusieurs furent imprimés, quoique sans expression d’année. »
- V. note [11], lettre 133.
- Paris, Guillaume et Simon Benard, 1661, in‑12 en deux parties de 535 et 192 pages, incluant un bref Catalogue curieux de quelques expressions des sons et des voix, consacré aux mots fondés sur des onomatopées.
- L’Esprit de Guy Patin étendait le sens de bouquiner à celui de « chercher de vieux livres » avec assiduité.
- Dans son Mascurat (v. supra notule {c}), Naudé a compté (même page 172) ce « Catholicon de Gênes » du franciscain Jean de Gênes (Giovanni Balbi, mort en 1298), « qui était le Calepin [v. note [17], lettre 193] de ce temps-là » parmi les tout premiers livres imprimés (en 1460).
- Iusti Lipsii Epistolarum selectarum Chilias, {i} Centuria tertia ad Belgas [Troisième centurie, à des Flamands], longue lettre xliv (page 792) sur l’étymologie, écrite à Henricus Schottius, syndic de la ville d’Anvers, datée d’Anvers le 17 décembre 1599 :
« Si nous disons aussi Boeck pour “ livre ”, n’est-ce pas parce que les tablettes étaient jadis faites de bois, de hêtre, d’érable ou de buis ? Prudence : Buxa crepant cerata. » {ii}
- Avignon, 1609, v. note [12], lettre 271.
- « Les tablettes de buis ciré craquent » : Prudence, hymne ix des Περιστεφανων [Couronnés], vers 49, parlant des écrits qu’on détruit.
Les bois cités par Lipse servaient à fabriquer de fines planchettes qu’on couvrait de cire, pour y écrire à l’aide d’un stylet.
Le tranchefil, ou tranchefile est un « petit morceau de papier ou de parchemin, entouré de soie ou de fil, et qui se met au haut et au bas du dos d’un livre qu’on relie, afin de tenir les cahiers assemblés et de résister à l’effort de la main qui tire un livre d’entre d’autres livres rangés sur un rayon de bibliothèque » (Littré DLF).
« On appelle ainsi à Paris ceux qui font métier d’acheter pour revendre. Quand ils achètent une pièce de tapisserie, ou autre chose, ils la prennent à condition que si dans 24 heures elle ne leur agrée, ils la rendront à celui duquel ils la prennent. »
Les mots nouveaux peuvent certes circuler un certain temps avant de faire leur entrée dans les dictionnaires, mais Patin était mort depuis plus de vingt ans quand « brocanteur » a reçu cette onction imprimée.
Cicéron a donné un avis sur le respect des lois qui régissaient la musique et le chant chez les anciens Grecs (Des Lois, livre ii, chapitre xv) :
Quamobrem ille quidam sapientissimus Græciæ vir longeque doctissimus valde hanc labem veretur. Negat enim mutari posse musicas leges sine mutatione legum publicarum. Ego nec tam valde id timendum, nec plane contemnendum puto. Illa quidem, quæ solebant quondam compleri severitate iucunda Livianis et Nævianis modis, nunc, ut eadem exsultent, cervices oculosque pariter cum modorum flexionibus torqueant. Graviter olim ista vindicabat vetus illa Græcia, longe providens quam sensim pernicies, illapsa civium animos, malis studiis malisque doctrinis repente totas civitates everteret : si quidem illa severa Lacedæmon nervos iussit, quos plures quam septem haberet, in Timothei fidibus incidi.[Voilà pourquoi l’homme le plus sage et de beaucoup le plus savant de la Grèce redoute fort ce poison. Il nie en effet qu’on puisse changer les règles de la musique sans que les lois de l’État soient modifiées. {a} Sans partager cette crainte excessive, je ne la crois pas tout à fait futile. Les vers de Livius et de Nævius {b} se chantaient jadis sur un ton sérieux, mais non dénué de charme ; aujourd’hui, pour les faire applaudir, les chanteurs croient devoir déformer les mélodies, et y joindre des contorsions du cou et des roulements d’yeux. L’ancienne Grèce proscrivait sévèrement ces manières, prévoyant que le vice, se glissant insensiblement dans le cœur des citoyens, y ferait germer des appétits et des idées malsaines, jusqu’à provoquer le brusque effondrement de cités entières. Ainsi l’austère Sparte {c} ordonna-t-elle de supprimer les cordes que Timothée avait ajoutées aux sept que comptait traditionnellement la lyre].
- J’ai mis en exergue le passage cité et traduit par L’Esprit de Guy Patin.
Cicéron se souvenait des paroles de l’Athénien à Clinias, dans le dialogue Des Lois de Platon, livre vii, chapitre vii (traduction de Victor Cousin, 1831) :
« Qu’il soit donc admis, dirons-nous, si étrange que cela paraisse, que les chants sont autant de lois. Nous voyons que les Anciens ont donné ce nom de lois aux airs qu’on joue sur la cithare : peut-être n’étaient-ils pas très éloignés de penser, comme nous le faisons à présent, et peut-être l’un d’eux, soit en songe, soit en état de veille, entrevit-il, par une sorte de divination, la vérité de ce que nous disons. Posons donc à ce sujet la règle que voici : dans les chants prescrits par l’État, dans les cérémonies religieuses et dans tout ce qui regarde les chœurs, il sera interdit de rien changer au chant et à la danse, tout autant que de violer toute autre de nos lois. Celui qui nous obéira n’aura aucune punition à craindre ; mais si quelqu’un ne nous écoute pas, il sera, comme nous l’avons dit tout à l’heure, puni par les gardiens des lois, les prêtresses et les prêtres. »- V. supra note [34] pour Nævius. Son contemporain Livius Andonicus, acteur et auteur de théâtre, fut l’un des introducteurs de la tragédie grecque à Rome au iiie s. av. J.‑C.
- La cité des Lacédémoniens aux mœurs sévères, v. note [25] du Borboniana 3 manuscrit.
Histoire et chronique mémorable de Messire Jehan Froissart. {a} Revu et corrigé sur divers exemplaires, et suivant les bons auteurs, par Denis Sauvage de Fontenailles en Brie, historiographe du très-chrétien roi de France Henri deuxième de ce nom. Tiers volume, {b} relation du règne de Charles vi {c} (mois de septembre 1386) :
Cet article sur les gladiateurs reprend celui qui porte sur le mot Rétiaires dans le Supplément ou troisième volume du grand Dictionnaire historique de Louis Moréri, tome troisième, page 1033. {a}
Meilleur latiniste que les rédacteurs de son Esprit, Guy Patin aurait pu emprunter son propos au livre xvi de verborum Significatione (ou Significatu) [sur la Signification des mots] de Sextus Pompeius Festus, {b} mais le plagiat y est moins flagrant :
Retiario pugnanti adversus mirmillionem cantatur : Non te peto, piscem peto, quid me fugis Galle ? quia mirmillionicum genus armaturæ Gallicum est, ipsique mirmiliones ante Galli appellabantur, in quorum galeis piscis effigies inerat. Hoc genus pugnæ institutum videtur a Pittaco uno ex septem sapientibus, qui adversus Phrynonem dimicaturus propter controversias finium, quæ erant inter Atticos et Mutilenæos rete occulto lato impedivit Phrynonem.[Quand le rétiaire combat le mirmillon, {c} on chante : « Ce n’est pas toi que je veux ; je veux le poisson, pourquoi me fuis-tu Gaulois ? », parce que le mirmillonicum est une sorte d’armure gauloise, et qu’autrefois on appelait mirmillones des Gaulois qui portaient l’image d’un poisson sur leur casque. {d} Ce genre de combat a été institué par Pittacus, l’un des sept Sages, {e} qui, devant se battre avec Phrynon {f} pour un différend sur les frontières entre Athéniens et Mytiléniens, l’immobilisa avec le filet qu’il avait apporté en cachette].
- Paris, Denys Thierry, 1689, in‑4o de 1 238 pages, qui se conclut sur une devise qui s’applique parfaitement à notre édition : Vires acquirit eundo [Elle acquiert des ressources en avançant] (Virgile, à propos de la renommée (fama), Énéide, chant iv, vers 174‑175).
- V. note [12], lettre 460.
- « Les rétiaires étaient ainsi nommés d’un rets [filet] dont ils se servaient contre leur ennemi, que l’on appelait secutor [ou mirmillon, v. infra], comme qui dirait “ suiveur ”. Ils avaient ce rets sous leur bouclier, ils le jetaient sur la tête de leur adversaire, qu’ils tuaient ensuite d’un trident qu’ils portaient de l’autre main. Ils combattaient en tuniques, et portaient des éponges pour essuyer leur sang et boucher leurs plaies » (Trévoux).
- Outre le casque et l’armure qui lui couvrait le bras droit, le mirmillon, lancé à la poursuite du rétiaire, était armé d’une épée et d’un bouclier. Il était ordinairement originaire de Gaule ou de Thrace : livre ii (pages 107‑109), chapitre x, De Myrmillone. Origine nominis vix inventa, ipsi e Gallia petiti. Arma eorum et compositio [Le Mirmillon : l’origine du mot est difficile à trouver ; on les faisait venir de Gaule ; leurs armes et la manière de combattre], {i} dans les :
I. Lipsii Saturnalium Sermonum libris duo, qui de Gladiatoribus.[Deux livres de Discours saturniens {ii} de Juste Lipse, au sujet des Gladiateurs]. {iii}
- Le chapitre viii (pages 99‑104) traite de son adversaire : De Retiario, unde petitum id genus, descriptio pugnæ et armorum, et cum quo commissus [Le Rétiaire, d’où on faisait venir cette sorte de gladiateur, description de sa manière de lutter et de son armement, et contre qui on l’engageait au combat].
- C’est-à-dire « moroses », comme l’explique le fort dédaigneux Lectorem meum hæc moneo [Avertissement à mon lecteur] :
Ultima ista editione inprimis Græca, quorum interpretatio a non nemine desiderabatur, ipsis vertimus. ii. Quædam, quæ addi vel da lucem, vel ad doctrinam, poterant, capitis cuiusque calci opportune subiecimus. Ægre enim in isto genere fieri potest, quin aliquid dies et uberior lectio instillent. iii. Denique et figuras inseri passus sum : sed vere passus. Nam eas ad sensum aut votum meum non esse, libere profiteor ; nec facile ulla hodie ars expresserit mores et opes illas priscas. Fruantur tamen istis, quibus mens ad altiora non assurgit.[< i.> Pour répondre au vif désir de plusieurs, j’ai moi-même traduit cette ultime édition, qui était initialement grecque. ii. J’y ai fait quelques additions qui pourraient en augmenter la clarté et la science, et l’ai utilement complétée d’une table des chapitres. Je puis difficilement m’empêcher de croire que cela n’en illumine et enrichisse quelque peu la lecture. iii. J’ai enfin souffert qu’on y ajoute aussi des figures ; je dis bien souffert, car j’avoue volontiers qu’elles ne répondent ni à mon goût ni à mon souhait, étant donné que nul talent ne saurait exprimer aujourd’hui les mœurs et les richeses de ces temps anciens. Elles profiteront néanmoins à ceux dont l’esprit ne peut s’élever bien haut].
- Leyde, Franciscus Raphelengius, 1590, in‑4o illustré de 175 pages ; encore aujourd’hui, on peut difficilement trouver meilleur livre sur le sujet.
- Pittacos ou Pittacus de Mytilène (principale ville de l’île de Lesbos) est un général et politique grec du vie s. av. J.‑C., que sa vertu et sa vaillance ont rangé parmi les sept Sages de la Grèce (v. notule{e}, note [24] du Borboniana 9 manuscrit).
- Phrynon d’Athènes, vainqueur olympique, mourut dans son combat contre Pittacos.
Le traité « de la Vieillesse », où Cicéron fait parler Caton l’Ancien (v. supra note [30]), contient deux courtes allusions à son ouvrage « des Origines », dont il ne reste que quelques fragments :
Cornelius Nepos, Vies des grands capitaines, Porcius Cato (chapitre 24) a laissé la meilleure description de cet ouvrage perdu :
Senex historias scribere instituit. Earum sunt libri vii. Primus continet res gestas regum populi Romani ; secundus et tertius, unde quæque civitas orta sit Italica ; ob quam rem omnes Origines videtur appellasse. In quarto autem bellum Pœnicum est primum, in quinto secundum. Atque hæc omnia capitulatim sunt dicta. Reliquaque bella pari modo persecutus est usque ad præturam Servii Galbæ, qui diripuit Lusitanos ; atque horum bellorum duces non nominavit, sed sine nominibus res notavit. In eisdem exposuit, quæ in Italia Hispaniisque aut fierent aut viderentur admiranda. In quibus multa industria et diligentia comparet, nulla doctrina.[Devenu vieux, il se mit à écrire des histoires. Il en existe sept livres. Le premier contient les actions des rois du peuple romain ; le second et le troisième portent sur la fondation de chaque ville d’Italie, et c’est sans doute pourquoi il intitula l’ensemble Origines. Le quatrième est le récit de la première guerre punique, et le cinquième, celui de la seconde. {a} Tout cela est sommairement exposé. Il a traité de la même manière les autres guerres des Romains, jusqu’à la préture de Servius Galba, qui pilla les Lusitaniens. {b} Il n’a pas nommé les généraux qui ont commandé dans ces guerres, se contentant de présenter les faits sans citer leurs auteurs. Il a de même décrit tous les objets merveilleux qu’on voyait en Italie et dans les Espagnes. {c} Cet ouvrage est soigneux et exact, mais n’est pas érudit].
- Caton l’Ancien (Marcus Porcius, 234-149 av. J.‑C., v. note [5] de Guy Patin contre les consultations charitables de Renaudot) est mort peu avant la troisième guerre punique, qui vit la victoire finale de Rome contre Carthage. Les deux précédentes guerres s’étaient déroulées de 264 à 241, et de 218 à 202. Delenda Carthago [Il faut détruire Carthage] était l’une des maximes de Caton.
- En 150 av. J.‑C.
- L’Espagne citérieure (orientale, la plus proche de Rome), ou Tarraconaise, et l’Espagne ultérieure (occidentale, la plus éloignée), qui comprenait la Bétique et la Lusitanie.
L’effronterie des rédacteurs du Faux Patiniana est proprement sidérante, quand on les a si souvent surpris à plagier Guy Patin en lui attribuant des propos qu’ils avaient empruntés à d’autres : il s’agit ici de l’article du Grand Dictionnaire de Louis Moréri sur Caton le Censeur (1707, tome ii, page 117), ou de la note F sur Porcius dans le Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle (Rotterdam, 1702). Que ce soit « L.M.S. » ou un autre, nul, à ma connaissance, n’a plagié et publié les Origines de Caton au début du xviiie s.
Cet article sur Paul Manuce (v. note [16], lettre latine 38) est entièrement emprunté aux Éloges des hommes savants, tirés de l’Histoire de M. de Thou (v. supra note [1]) avec les additions d’Antoine Teissier (Genève, 1683, tome premier, pages 440‑443, v. supra note [1]), imprimeur et latiniste érudit, dont Scaliger a cependant assuré qu’il « ne savait pas dire trois paroles de suite en latin ». Cela se lit dans un article fort confus du Secunda Scaligerana (édition d’Amsterdam, 1740, pages 440‑441) : Manucius non poterat tria verba Latine dicere.
Les références à quelques ouvrages de Manuce sont :
Quatrain de John Owen {a} intitulé Facere et Docere. Act. c. i, v. 1 [Faire et Enseigner. Actes, 1:1] : {b}
« Les vides sermons du docte prêtre enseignent au peuple ignorant ce qu’il est bien de croire, mais c’est la vie qui enseigne comment bien vivre. Qui enseigne comme il faut doit pratiquer réellement ce qu’il professe. Les mauvaises actions nuisent plus que n’édifient les belles paroles. »
- Épigramme 79, livre deuxième, page 188 (v. supra note [3]).
- Première phrase des Actes des apôtres :
Primum quidem sermonem feci de omnibus, o Theophile, quæ cœpit Jesus facere et docere.[Ô Théophile, j’ai raconté dans mon premier livre, tout ce que Jésus a fait et enseigné].
Le « Père L.M.R. » n’est pas identifiable, la référence à Owen trahit une supercherie supplémentaire des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin.
Aulu-Gelle, Les Nuits attiques, livre i, chapitre xxiv, § 3 :
Epigramma Plauti, quod dubitassemus, an Plauti foret, nisi a M. Varrone positum esset in libro de poetis primo :postquam est mortem aptus Plautus,
Comœdia luget, scæna est deserta,
Dein risus, ludus iocusque et numeri
innumeri simul omnes conlacrimarunt.[Voici l’épitaphe de Plaute, dont nous aurions douté qu’elle fût de Plaute si Marcus Varron ne l’avait mise dans son premier livre sur les poètes : {a}
« Depuis que la mort a emporté Plaute, la comédie est en deuil, la scène est déserte ; rire, jeu, plaisanterie, vers et prose, tous ensemble, le pleurent. »]
- Cet ouvrage de Varron (v. note [1], lettre 14) n’a pas survécu au temps. Après Aulu-Gelle, tous les critiques ont hésité à attribuer d’aussi médiocres vers au talent de Plaute.