Autres écrits
Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-6  >

Pages 251‑300 [1]


1.

Guy Patin et ses contemporains utilisaient volontiers l’expression ejusdem farinæ, « de même farine », c’est-à-dire « du même tonneau », {a} mais les rédacteurs de son Esprit ont tiré mot pour mot leur article des Additions aux additions d’Antoine Teissier (tome second, page 413). {b} Une note marginale y renvoie à Melchior. Adam. in Vit. Iurisc. vit. Hier. Gerhardi [Melchior Adam, dans les Vies des jurisconsultes, {c} vie de Hieronymus Gerhardus]. {d} Cette vie occupe les pages 203‑211, avec cette remarque (page 210) :

Postremis vitæ annis commentarium Ioannis Brentii, quo Prophetiam Iesaiæ interpretatus est, diligentissime legit : adeo ut plerumque de nocte surgens, aliquot horas lectioni illi tribueret ; quin sic ejus lectione delectatus est, ut exemplar illud toties a se perlectum, etiam sepeliri secum voluerit.

[Pendant les dernières années de sa vie, il a lu avec la plus extrême diligence le Commentaire de Ioannes Brentius, {e} où il a expliqué la prophétie d’Isaïe ; {f} à tel point qu’il se réveillait très souvent la nuit pour consacrer quelques heures le parcourir ; ce qui lui procurait tant de plaisir qu’il lut plusieurs fois l’exemplaire qu’il possédait, et aurait même voulu qu’on l’enterrât avec lui].


  1. Vnotre glossaire.

  2. Éloges, Genève, 1683, v. note [12] du Faux Patiniana II‑2.

  3. Vitæ Germanorum Jureconsultorum et Politicorum [Vies des jurisconsultes et politiques allemands] de Melchior Adam (Heidelberg, 1620, v. note [27], notule {a}, du Grotiana 1).

  4. Hieronymus Gerhard (1518-1574) a enseigné le droit dans diverses universités d’Allemagne et conseillé plusieurs princes de l’Empire germanique.

  5. Johan Brentius (Brentz ou Brenten, 1499-1570), théologien allemand, fut l’un des plus éminents alliés et collaborateurs de Martin Luther dans la fondation de la Réforme protestante (v. note [15], lettre 97). Sous le nom de Jean Brentsen, son éloge, par Jacques-Auguste i de Thou, avec l’addition initiale de Teissier, se lit dans son recueil (tome premier, pages 364‑366).

    Les œuvres complètes de Brentius en 7 volumes in‑fo ont paru à Tübingen, Georgius Gruppenbachius, 1588.

  6. Esaias Propheta, Commentariis explicatus, autore Ioanne Brentio.
    Usus Prophetarum.
    i. Petri. i.
    Reportantes finem fidei vestræ salutem animarum, de qua Salute exquisierunt atque scrutati sunt Prophetæ, qui de ventura in vobis gratia vaticinati sunt Scrutantes ad quem aut cuiusmodi temporis articulum significaret, qui in illis erat spiritus christi, qui prius quam acciderent, testabatur venturas in Christum afflictiones, et quæ has secuturæ essent, glorias, quibus et illud revelatum est, quod haud sibi ipsis, imo nobis ministrarent hæc etc.
    Una cum Indice copioso in fine addito
    .

    [Le Prophète Isaïe expliqué par les Commentaires de Johannes Bentius.
    La Pratique des Prophètes (Première Épitre de Pierre, 1) : {i}
    « Vous êtes sûrs d’obtenir l’objet de votre foi, qui est le salut de vos âmes. Sur ce salut ont porté les investigations et les recherches des Prophètes, qui ont prophétisé sur la grâce qui vous est destinée. Ils ont cherché à découvrir quel temps et quelles circonstances avait en vue l’esprit du christ, qui était en eux, quand il attestait à l’avance les souffrances du Christ et les gloires qui les suivraient. Il leur fut révélé que ce n’était pas pour lui-même, mais pour nous, etc. »
    Avec un index ajouté à la fin]. {ii}

    1. Versets 9:12 : le latin n’est pas celui de la Vulgate catholique de saint Jérôme, mais, à un mot près, celui d’Érasme (1515, Opera omnia, Petrus Vander Aa, 1705, in‑fo, tome sixième, colonnes 1042 et 1044) ; ma traduction française suit celle de l’École biblique de Jérusalem.

    2. Francfort, Petrus Brubacchius, 1555, in‑fo de 1 103 pages.

2.

Cet article laisse le lecteur sur sa faim quant aux « trois sortes de gens qui donnent bien de l’occupation dans le monde ». Je ne lui ai pas trouvé de meilleure source que le texte de Platon sur l’anneau de Gygès (Γυγης), au début du livre ii de La République, commentant le récit d’Hérodote. {a} Aucun des détails fournis par L’Esprit de Guy Patin ne manque au récit de Platon, qui donne cette suite et cette morale au conte de Gygès : {b}

« Dès qu’il fut sûr de son fait, il fit en sorte d’être au nombre des messagers qui se rendaient auprès du roi. {c} Arrivé au palais, il séduisit la reine, complota avec elle la mort du roi, le tua, et obtint ainsi le pouvoir. Si donc il existait deux anneaux de cette sorte, et que le juste reçût l’un, l’injuste l’autre, aucun, pense-t-on, ne serait de nature assez adamantine {d} pour persévérer dans la justice et pour avoir le courage de ne pas toucher au bien d’autrui, alors qu’il pourrait prendre sans crainte ce qu’il voudrait sur l’agora, s’introduire dans les maisons pour s’unir à qui lui plairait, tuer les uns, briser les fers des autres et faire tout à son gré, devenu l’égal d’un dieu parmi les hommes. En agissant ainsi, rien ne le distinguerait du méchant : ils tendraient tous les deux vers le même but. Et l’on citerait cela comme une grande preuve que personne n’est juste volontairement, mais par contrainte, la justice n’étant pas un bien individuel, puisque celui qui se croit capable de commettre l’injustice la commet. Tout homme, en effet, pense que l’injustice est individuellement plus profitable que la justice, et le pense avec raison d’après le partisan de cette doctrine. Car si quelqu’un recevait cette licence dont j’ai parlé, et ne consentait jamais à commettre l’injustice, ni à toucher au bien d’autrui, il paraîtrait le plus malheureux des hommes, et le plus insensé, à ceux qui auraient connaissance de sa conduite ; se trouvant mutuellement en présence ils le loueraient, mais pour se tromper les uns les autres, et à cause de leur crainte d’être eux-mêmes victimes de l’injustice. »


  1. V. notule {e}, note [7], lettre latine 280.

  2. Traduction d’Émile Chambry, 1934.

  3. Le légendaire Candaule ou Sadyatte, roi de Lydie (en Asie Mineure, v. note [91] du Faux Patiniana II‑7) au viiie s. av. J.‑C.

  4. Aucun homme dont la vertu égalerait la dureté et l’éclat du diamant.

3.

Proserpine ou Perséphone (Fr. Noël) :

« Fille de Cérès et de Jupiter, {a} fut enlevée par Pluton, dieu des enfers, {b} lorsqu’elle cueillait des fleurs, et malgré la résistance opiniâtre de Cyané, sa compagne. Cérès, affligée de la perte de sa fille, voyagea longtemps pour la chercher. Ayant appris le nom du ravisseur, elle demanda que Jupiter la fît revenir des enfers, ce que le dieu lui accorda, pourvu qu’elle n’y eût encore rien mangé. Esculape ayant déposé qu’elle avait mangé quelques grains de grenade, {c} Proserpine fut condamnée à rester dans les enfers, en qualité d’épouse de Pluton, et de reine de l’empire des ombres. »


  1. Cérès, déesse des moissons (v. note [18], lettre 539), était réputée sœur et épouse de Jupiter.

  2. V. note [16], lettre 514, pour Pluton, dieu des enfers (Orcus des Romains).

  3. V. note [5], lettre 551, pour Esculape, dieu de la médecine, dont le diagnostic semble à prendre pour une grossesse de Proserpine, fruit des ardeurs de Pluton.

4.

La paternité de cette réflexion morale est incertaine. Je ne lui ai pas trouvé d’antériorité, mais seulement une postérité : dans sa Jouissance de soi-même, {a} Louis-Antoine de Caraccioli {b} a repris l’intégralité de cet article en l’attribuant à « un philosophe » (page 321).


  1. Francfort, en Foire, 1759, in‑8o de 462 pages, « nouvelle édition revue, corrigée et augmentée », rédaction entamée en 1755.

  2. Ancien membre de la Congrégation de l’Oratoire (Paris vers 1720-ibid. 1803)

Les jeux auxquels s’amusaient les enfants ont éveillé ma curiosité.

5.

Au xviie s., la principale source française de renseignements sur Basilide d’Alexandrie (ou Basilides), philosophe et théologien hérétique chrétien du iie s. était :

l’Histoire de l’Église, écrite par Eusèbe de Césarée. {a} Traduite par Monsieur Cousin, président de la Cour des monnaies. Dédiée au roi. {b}

Basilide figure dans le chapitre vii, De ceux qui publièrent en ce temps-là de fausses doctrines, du livre iv (pages 149‑151), sur le règne de l’empereur Hadrien : {c}

« Lorsque la lumière de la foi eut éclairé tous les peuples, et que les Églises commencèrent à briller comme des astres dans le monde, l’ennemi de la vérité et du salut, ne pouvant plus attaquer les chrétiens, comme autrefois, par la violence des persécutions, changea de méthode pour les perdre, et eut recours à la ruse, en suscitant certains imposteurs qui, d’un côté, faisant extérieurement profession de notre doctrine, abusaient des simples et les précipitaient dans l’abîme de l’apostasie, et empêchaient, de l’autre, par le désordre de leur vie, que les païens, qui ne connaissaient pas la pureté de notre foi et de nos mœurs, ne se convertissent à notre religion. Il fit sortir de Ménandre, qui était sorti lui-même de Simon, {d} un monstre à deux têtes et à deux gueules, qui répandit le venin de deux hérésies. C’est ainsi que je parle de Saturnin d’Antioche et de Basilide d’Alexandrie, dont l’un infecta la Syrie de ses erreurs, et l’autre, l’Égypte. Irénée {e} témoigne que Saturnin ne débita point d’autres impiétés que Ménandre, au lieu que Basilide y ajouta des fables extravagantes et monstrueuses, auxquelles il donnait l’apparence et le nom de mystères. Le même temps produisit de grands hommes qui défendirent la vérité de la doctrine que l’Église a reçue des apôtres. Nous avons leurs ouvrages entre les mains, et principalement la réfutation qu’Agrippa Castor {f} fit des impostures de Basilide, où il dit que cet hérétique avait composé vingt-quatre livres de commentaires sur l’Évangile, et qu’il avait introduit un prophète nommé Barcabas, un autre nommé Barcoph, et quelques autres qui n’ont jamais été, auxquels il avait donné de faux noms pour surprendre ceux qui admirent ces sortes de nouveautés. Il dit aussi qu’il enseignait qu’il était indifférent de manger des viandes offertes aux idoles, et de renoncer à la foi durant la persécution ; qu’il obligeait ses disciples à garder un silence de cinq ans, comme les pythagoriciens. {g} Enfin, il rapporte toutes ses autres erreurs et les réfute très fortement. Irénée témoigne que Capocrate, auteur de l’hérésie des gnostiques, {h} vivait dans le même temps. Ils ne débitaient point en secret, comme Basilide, les abominations de Simon : ils les publiaient ouvertement, et faisaient gloire de leurs enchantements, de leurs illusions et de leurs songes. Ils enseignaient ensuite qu’il n’y a point d’impuretés que ceux qui désiraient arriver à la perfection de leurs mystères, ou plutôt de leurs impiétés, dussent avoir horreur de commettre, et qu’il n’y a point d’autre moyen de plaire aux Princes du monde, comme ils les appelaient, que de se plonger dans les plus infâmes voluptés. »


  1. V. note [23], lettre 535, pour Eusèbe de Césarée.

  2. Paris, Pierre Rocolet et Damien Foucaut, 1675, in‑4o de 830 pages ; précédente traduction française par Claude de Seyssel parue à Paris en 1533. De nombreuses traductions latines avaient été publiées depuis les débuts de l’imprimerie ; l’édition de Joseph Scaliger (Thesaurus temporum [Trésor des calendriers], Leyde, 1606, et Amsterdam, 1658) était grecque, commentée en latin.

  3. Hadrien a régné sur l’Empire romain de 117 à 138 (v. note [40], lettre 99).

  4. Disciple de Simon le Magicien (v. note [10], lettre de Charles Spon, datée du 28 août 1657), Ménandre a fondé la première secte gnostique, dite des ménandriens, au ier s. de l’ère chrétienne.

  5. Saint Irénée de Lyon, v. note [18] du Patiniana I‑1.

  6. Agrippa Castor n’est connu que par ce qu’Eusèbe en a dit ici.

  7. V. notes [27], lettre 405, pour les pythagoriciens, et [31] du Faux Patiniana II‑4, pour ce que le silence qu’ils prescrivaient aurait coûté à la ville d’Amyclæ.

  8. Eusèbe considérait Capocrate d’Alexandrie comme le fondateur du gnosticisme. Les historiens ultérieurs n’ont pas entièrement partagé ce point de vue (Trévoux) :

    « Ce Basilide était sorti de l’École des gnostiques, dont le chef était Simon le Magicien. Il croyait avec lui que Jésus-Christ n’avait été homme qu’en apparence, et que son corps n’était qu’un fantôme ; qu’il avait donné sa figure à Simon le Cyrénéen, qui avait été crucifié en sa place. Il permettait à ses disciples de renoncer à la foi pour éviter le martyre, parce que Jésus-Christ, disait-il, n’avait souffert la mort que par feinte. Il avait plusieurs opinions qui lui étaient communes avec les autres sectaires gnostiques, touchant le Père, qui seul était Dieu, touchant le νοος, ou entendement, le λογος, ou verbe, et les autres émanations. »

V. note [62] du Faux Patiniana II‑5 pour les préceptes sur lesquels Basilide a forgé sa maxime « Connais les autres, et que personne ne te connaisse ». Rien de tout cela n’écarte rigoureusement la possibilité que cet article de L’Esprit de Guy Patin vienne de la conversation de Guy Patin.

6.

Cet article, dont j’ai uniformisé la concordance des temps de conjugaison, introduit Java dans notre édition (Trévoux, d’après le Dictionnaire géographique universel de Charles Maty, 1701) :

« Nom propre de l’une des îles de Sonde. Elle est dans l’Océan Indien, au midi de l’île de Bornéo, et au levant de celle de Sumatra, dont elle n’est séparée que par le détroit de la Sonde. Elle peut avoir deux cents lieues d’orient en occident, trente ou quarante du nord au sud. L’air ne peut y être que fort chaud, à cause de sa situation sous le septième degré de latitude méridionale. Il est cependant fort tempéré par la longueur des nuits et par les vents frais qui y soufflent de tous côtés. On y recueille quantité de poivre, de sucre, de benjoin et de riz. Il y a de fort bonnes mines d’or et de cuivre, et une montagne de soufre qui s’allume de temps en temps. On trouve sur ses côtes des huîtres qui pèsent jusqu’à trois cents livres. Ses villes principales sont Bantan, Batavia, ou Jaéatra, Materan, Jortan, Panarucan, Passarvan, Balambuan, Japara, Tuban, qui sont capitales d’autant de petits royaumes, autrefois dépendants les uns des autres, mais maintenant tributaires du roi de Bantan, ou de celui de Materan, qui est plus puissant que le premier, et qui prend le titre d’Empereur de Java. »

V. infra note [12], notule {e}, pour les anciennes mœurs anthropophages des habitants de Java. Le lieu n’y est pas exactement le même, mais cet article rappelle le chapitre xvii, Du royaume de Dragoiam, livre troisième de La Description géographique des provinces et villes plus fameuses de l’Inde Orientale, mœurs, lois et coutumes des habitants d’icelles, mêmement de ce qui est sous la domination du grand Cham, empereur des Tartares. Par Marc Paule, gentilhomme vénitien, {a} et nouvellement réduit en vulgaire français {b} (livre troisième, chapitre xvii, pages 101 ro‑vo) :

« Au royaume de Dragoiam {c} habitent gens brutaux et sauvages qui adorent les idoles et ont leur roi particulier, et le langage différent et séparé. Ils observent une coutume et usance que, quand aucun d’eux tombe en grande infirmité de maladie, ses voisins et parents assemblent les magiciens et enchanteurs, et s’enquièrent d’eux si le malade doit recouvrer guérison : à quoi ils répondent ce qu’ils en savent par la suggestion des diables ; et s’ils disent que le malade ne peut venir à convalescence, mais qu’il lui convient mourir de telle maladie, incontinent ils s’approchent du malade et lui ferment la bouche, en telle sorte qu’il ne puisse respirer ; ainsi le suffoquent et font mourir auparavant que la maladie l’ait grandement atténué, puis le divisent en pièces qu’ils font cuire, et le mangent en grande solennité, y assemblant tous les voisins et prochains parents du défunt. Car ils disent que si la chair était par longue maladie réduite à putréfaction, elle se convertirait en vers, lesquels finalement se consumeraient et mourraient de faim, dont l’âme du défunt souffrirait grièves {d} peines et tourments. Et au regard des os du défunt, ils les ensevelissent et enferment dans les creux des montagnes où les hommes ni bêtes ne puissent atteindre. Et s’il advient qu’ils prennent quelque homme d’étrange nation, {e} s’il n’a la puissance de payer sa rançon et se racheter par argent, ils le tuent et mangent. » {f}


  1. Nom francisé de Marco Polo, le célèbre voyageur du xiiie s.

  2. Paris, Étienne Groulleau, 1556, in‑4o de 246 pages.

  3. Altération probable d’Andrageri, sur l’île de Sumatra.

  4. Graves, lourdes.

  5. Quelque étranger.

  6. Guy Patin pouvait avoir lu ce chapitre sans avoir conservé un souvenir parfaitement fidèle de tous ses détails.

7.

Jacques-Auguste i de Thou a honoré d’un bref éloge le théologien réformé suisse Johannes Volfius ou Wolfius (Johann Wolf, Zurich vers 1521-ibid. 1572). L’Esprit de Guy Patin a pris la matière de son article dans l’addition d’Antoine Teissier, {a} tome premier, pages 406‑408. « L’Index des noms grecs qui touchent à la géographie » et « L’Onomastique {b} physique et topographique » sont deux titres qui figurent dans la liste bibliographique de Wolfius donnée par Teissier, mais je n’en ai trouvé ni les lieux ni les dates de publication.

La remarque de Joseph Scaliger ne concerne pas Jean Wolfius, mais son homonyme et contemporain allemand, l’helléniste Hieronymus Wolfius, {c} dont Teissier a aussi publié et enrichi l’éloge (ibid. pages 538‑540). Il n’y parle pas de Scaliger, mais dans son édition suivante {d} (tome troisième, pages 274‑275), il renvoie à l’article du Secunda Scaligerana {e} sur « Arrian » (page 208) :

« Arrian de Wolphius est meilleur que celui Schegkius : {f} Wolfius a bien fait, c’était un gentil personnage docte en grec. »


  1. Genève, 1683, v. supra note [1].

  2. Répertoire de noms propres.

  3. V. note [29], lettre 348.

  4. Berlin, A. Dusarrat, 1704, trois tomes in‑8o.

  5. Amsterdam, 1740, première édition en 1666 : v. note [6], lettre 888.

  6. V. note [42], lettre 286, pour Arrian (Flavius Arrien).

    Scaliger préférait l’édition latine des quatre livres des « Commentaires d’Arrien sur les disputations d’Épictète [son précepteur] » par Jérôme Wolf, parue dans l’Epicteti Enchiridion… [Manuel d’Épictète…] (Bâle, 1563), à celle de Jakob Schegk (Schorndorf, Bade-Wurtemberg 1511-Tübingen 1587), parue en 1554.

    En outre, dans une lettre à Johannes Drusius, écrite le 17 juin 1604 (Ep. Lat., lettre ccxcv, page 598), Scaliger cite Hieronymus Wolfius parmi quelques autres réformés Græce eruditissmi [très savants en grec].


Cette fâcheuse mais instructive confusion entre les deux Wolfius dont a parlé Teissier dans ses Éloges est imputable à la négligence des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin.

8.

Les saumons ne remontent pas le cours des rivières en automne (la Saint-Michel est fêtée le 29 septembre), mais au printemps. Le mâle et la femelle meurent presque toujours après s’être reproduits, et ne reviennent donc pas chercher leurs petits au printemps suivant la ponte.

Cet article copie mot à mot un passage du tome iv, chapitre x (pages 103‑104), Remarques générales sur ce qu’un voyageur peut voir en Angleterre, des :

Voyages historiques de l’Europe. Contenant l’origine, la religion, les mœurs, les coutumes et les forces de tous les peuples qui l’habitent, et une Relation exacte de tout ce que chaque pays renferme de plus digne de la curiosité d’un voyageur. {a}


  1. Paris, Nicolas Le Gras, 1694, in‑12 de 426 pages, dont l’auteur est Claude Jordan (v. note [33] du Faux Patiniana II‑5).

L’histoire du gros saumon qui passe de mains en mains est une pittoresque addition des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin.

9.

Cet emprunt à l’édition de 1710 de L’Esprit de Guy Patin, corrige l’absurde « charmé des bonnes femmes » qui a été imprimé dans celle de 1709.

Le début de cet article, mais non le commentaire qui lui succède, provient de la lettre du 7 janvier 1661, v. ses notes [4] et [5] pour ses citations latines :

10.

« Condition se dit des clauses, charges, ou obligations qu’on stipule en toutes sortes de contrats […]. Un marchand dit absolument “ Je vous vends à condition ”, pour dire : à la charge de reprendre la chose, si elle ne vous contente pas » (Furetière).

11.

Distique de John Owen {a} intitulé Castor et Pollux : {b}

« Voilà deux frères dont les étoiles s’accordent dans le ciel.
Sur terre, je crains qu’il n’en existe que deux à s’entendre ainsi. »


  1. Épigramme 28, livre deuxième, page 180 (v. supra note [3]).

  2. V. note [2] du Mémorandum 5.

Cette nouvelle référence à Owen, dont la fréquence mène à penser que les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont écrit leur ana en feuilletant assidûment le recueil de ses Epigrammatum, est précédée de deux adages latins classiques.

  1. Frater est fere alter a le double sens de « frater est presque l’homonyme de fere alter », et de « un frère est presque un autre soi-même ». Aulu-Gelle en a joué dans ses Nuits attiques {a} (livre xiii, chapitre x) :

    “ Fratris ” autem vocabulum P. Nigidius, homo inpense doctus, non minus arguto subtilique ετυμω interpretatur : “ Frater ” inquit “ est dictus quasi fere alter ”.

    [P. Nigidius, {b} homme d’une science profonde, donne une interprétation étymologique non moins ingénieuse et subtile du mot frater : « Frater, dit-il, se prononce comme fere alter »]. {c}

  2. Rara est concordia fratrum, « rare est la bonne entente entre frères » : dans son Histoire de France, {d} François Eudes de Mézeray en a fait la devise ironique de Henri iii et de son frère, François duc d’Alençon, {e} et en a expliqué l’ironie (tome 3, légende xvii, page 807).


    1. V. note [40], lettre 99.

    2. Publius Nigidius Figulus, érudit romain du ier s. av. J.‑C.

    3. « un autre soi-même ».

    4. Paris, 1685, v. note [6], lettre latine 360.

    5. Le benjamin des quatre fils de Marie de Médicis, v. note [13] du Borboniana 3 manuscrit.

12.

La matière de cet article a été empruntée au seconde tome de :

L’Ambassade de la Compagnie Orientale des Provinces-Unies vers l’empereur de la Chine ou Grand Cam de Tartarie, faite par les sieurs Pierre de Goyer et Jacob de Leyser ; illustrée par une très exacte description des villes, bourgs, villages, ports de mer, et autres lieux plus considérables de la Chine. Enrichie d’un grand nombre de tailles-douces. Le tout recueilli par M. Jean Nieuhoff, {a} maître d’hôtel de l’ambassade, à présent gouverneur en Ceylan ; mis en français, orné et assorti de mille belles particularités, tant morales que politiques, par Jean Le Carpentier, historiographe. {b}

Seconde partie, chapitre xiii, pages 86‑87) :

« Il y a aussi un arbre fort étrange et merveilleux qui croît en quelques endroits de la Chine, que quelques-uns appellent Mauglé, ou le Figuier des Indes, parce que son fruit ressemble à nos figues. Il y en a qui l’appellent l’Arbre de Goa, à cause qu’il croît aussi en abondance dans cette île. Cet arbre pousse ses branches fort haut et fait un tronc bien gros ; puis après, il jette ses branches d’un côté et d’autre, desquelles sortent de petits filaments semblables à la goutte de lin, {c} qui sont jaunes tandis qu’ils sont frais ; lesquels étant parvenus jusques en terre, prennent racine et font comme un arbre nouveau. Car ils se font gros petit à petit, et deviennent comme des nouveaux pieds d’arbres, produisant aussi par la cime des branches, lesquelles rejettent aussi d’autres chevelures contre terre, et se multiplient tout de même, et ainsi consécutivement jusques à un nombre infini : tellement qu’un seul arbre, par ce moyen, peut couvrir la largeur d’un mille d’Italie ; {d} et ce ne sont pas seulement les branches basses qui jettent ces filaments, mais même les plus hautes, de sorte qu’un seul arbre peut faire une grande forêt. On reconnaît le père de tous ces arbres au tronc, qui est notablement plus gros que les autres. C’est sous ces arbres que les Indiens se retirent pour être à l’ombre : ils en font des grottes, des salles, des allées et des tabernacles tout voûtés, où ils ne se trouvent nullement incommodés des ardeurs du soleil. Les feuilles de cet arbre ressemblent à celles du coignier, {e} et sont vertes par-dessus et blanchâtres par-dessous, et couvertes de bourre, desquelles les éléphants sont fort friands. Son fruit est gros comme le bout d’un gros orteil, semblable à de petites figues, de couleur sanguine dehors et dedans, et plein de grains comme les figues communes, mais il n’est pas si agréable au goût. » {f}


  1. Leyde, Jacob de Meurs, 1665, in‑4o richement illustré en deux parties de 290 et 134 pages.

  2. Jan Nieuhof (1618-1672), diplomate allemand au service de la Compagnie néerlandaise des Indes, a passé sa vie à voyager dans le monde entier (dont ce périple en Chine, de 1656 à 1658) ; il fut porté disparu lors d’une escale à Madagascar.

  3. « Cassutha, herbariis vulgo Cuscuta, et Podagra lini, c’est une petite herbe qui croît parmi le lin, et le suffoque » (Jean Nicot).

  4. 1 490 mètres.

  5. Cognassier.

  6. Nieuhof a parlé de l’île de Java (v. supra note [6]) et des mœurs de ses habitants, disant page 51 :

    « On remarque aussi qu’ils garnissaient jadis leurs tables des corps de leurs parents et amis et qu’ils en faisaient leurs meilleurs repas. »

13.

Joachim Cureus ou Curæus est le nom latin du médecin allemand Joachim Scherr (La Curée en français), né en 1532 à Freystadt en Silésie (Schlesien), aujourd’hui Kozuchow en Pologne, mort à Glogau (Glogow) en 1573. Il était aussi historien et théologien luthérien. L’Esprit de Guy Patin résumait son éloge par Jacques-Auguste i de Thou et l’addition d’Antoine Teissier, {a} tome premier, pages 437‑438, en citant trois de ses ouvrages :

  1. Ioachimi Curei Freistadiensis, περι αισθησεως, και αισθητων. Libellus Physicus, continens doctrinam de natura, et differentiis colorum, sonorum, odorum, saporum et qualitatum tangibilium, et recitans rationem, qua res eædem a sensibus comprehenduntur, et iudicantur,

    [Des sens et de ce qu’ils perçoivent, petit livre d’histoire naturelle de Joachim Cureus, natif de Freystadt, contenant la doctrine sur la nature et les différences des couleurs, des sons, des odeurs, des goûts et des qualités tangibles, et expliquant la raison pour laquelle les sens perçoivent et évaluent ces stimulations] ; {b}

  2. Gentis Silesiæ Annales complectentes historiam de origine, propagatione et migrationibus gentis et recitationem præcipuorum eventuum, qui in Ecclesia et Republica usque ad necem Ludovici Hungariæ et Bohemiæ regis acciderunt. Contexti ex Antiquitate sacra et ethnica, et ex sciptis recentioribus,

    [Annales du peuple de Silésie, contenant l’histoire de son origine, de son expansion et de ses migrations, et le récit des principaux événements qui sont survenus dans ses affaires ecclésiastiques et civiles, jusqu’à la mort du roi Louis de Hongrie et de Bohème. {c} Établies à partir des anciennes archives sacrées et profanes, et d’écrits plus récents] ; {d}

  3. les catalogues ne répertorient qu’une seule consultation médicale imprimée de Cureus ; numérotée xxxviii, intitulée In febri quartana, et epilepsia, pro quadam puella quatuor annorum [Fièvre quarte et épilepsie, chez une fillette de quatre ans] et datée de Glogau le 15 janvier 1563, elle figure aux pages 247‑257 du :

    Consiliorum, et Epistolarum Medicinalium Ioh. Cratonis a Kraftheim, Archiatri Cæsarei, et aliorum excellentissimorum Medicorum, ac Philosophorum, liber tertius ; nunc primum labore et industria Laurentii Scholzii, Medici Vratislaviensis, in lucem editus.

    [Troisième livre des Consultations et épîtres médicales de Johannes Crato von Kraftheim, {e} archiatre impérial, et d’autres excellents médecins et philosophes ; publié pour la première fois grâce aux travaux et recherches de Lorenz Scholz, {f} médecin de Breslau]. {f}


    1. Genève, 1683, v. supra note [1].

    2. Wittemberg, Petrus Seitz, 1567, in‑8o de 319 pages.

    3. Louis ii Jagellon, mort en 1526.

    4. Wittemberg, Iohannes Crato, 1571, in‑fo de 393 pages.

    5. V. note [2], lettre 845.

    6. V. note [18], lettre 407.

    7. Francfort, héritiers d’Andreas Wechel, 1592, in‑8o de 496 pages.

Le commentaire sur les prêts de livres est une fioriture pseudo-authentique des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin, qui faisait écho aux plaintes du même genre que Guy Patin a souvent exprimées dans ses lettres.

14.

Articles empruntés à trois lettres que Guy Patin a écrites à Charles Spon :

15.

Sanchoniathon (écorché en Sancroniaton dans le texte imprimé) serait un auteur phénicien du 2e millénaire avant l’ère chrétienne dont des fragments ont été rapportés par Philon de Byblos, écrivain grec du ier s. Sanchoniathon a embarrassé les historiens de la théologie chrétienne car, si on tenait ses écrits pour authentiques, ses dogmes remettraient en question la primauté du judaïsme et de Moïse dans la révélation monothéiste.

Cet article de L’Esprit de Guy Patin a puisé sa substance dans le chapitre v, Abrégé de la théologie des Phéniciens, ou Cananéens, tirée du fragment de Sanchoniathon (iiie partie, premier traité pages 430‑439) de l’Histoire critique des dogmes et des cultes, bons et mauvais, qui ont été dans l’Église depuis Adam jusqu’à Jésus-Christ, où l’on trouve l’origine de toutes les idolâtries de l’ancien paganisme expliquées par rapport à celles des juifs {a} du théologien calviniste français Pierre Jurieu (1637-1713), avec cette introduction :

« Toutes les divinités et superstitions, dont nous aurons à parler dans la suite, pour l’explication de ce que dit l’Écriture Sainte des cultes idolâtres auxquels le peuple de Dieu s’est laissé aller, sont tirées de la religion des Phéniciens ou Chananéens, {b} et de celle des Égyptiens, peuples au milieu desquels ils vivaient, ou avec lesquels ils avaient grand commerce. C’est pourquoi nous avons besoin de savoir un peu quelle a été la théologie et la religion de ces peuples. Nous donnerons un échantillon de la religion des Égyptiens dans le traité du Veau d’or. Présentement, nous ferons un abrégé de théologie des Phéniciens, selon que nous le trouvons dans Eusèbe, {c} tiré d’une version que Philo Biblius {d} avait faite de l’ouvrage d’un nommé Sanchoniathon, qui était syrien et phénicien de nation. » {e}


  1. Amsterdam, François L’Honoré, 1704, in‑4o de 809 pages.

  2. V. note [19], lettre 309.

  3. Eusèbe de Césarée (v. supra note [5]) : Préparation évangélique [Ευαγγελικης Αποδειξεως Προπαρασκευη], livre i, Théologie des Phéniciens (édition française de M. Séguier de Saint-Brisson, Paris, 1846, tome premier, pages 34‑44.

  4. Nom latin de Philon de Byblos.

  5. Comme L’Esprit de Guy Patin, Jurieu conclut sa longue analyse en disant que Sanchoniathon a plagié Moïse, et non l’inverse.

Cet autre passage, sur l’étymologie sacrée (pages 433‑434), jette un peu de lumière sur l’explication abrégée et tronquée (au point d’en devenir incompréhensible) du Faux Patiniana :

« Sanchoniathon continue ainsi :

“ Mais quand l’Esprit commença à devenir amoureux de ses propres principes, et qu’il commença à se mêler avec eux, cette union fut appelée désir. Et c’est là le principe ou la création de toute chose. Or l’Esprit ne connaissait point sa propre création, et de cette conjonction de l’Esprit se forma ιλυς, mot que quelques-uns disent être le limon, et les autres disent que c’est une certaine mixtion aqueuse, qui s’altère, se change, d’où viennent les semences de toutes les créatures et la génération de tous les corps. ”

Cet Esprit qui anime la matière est assurément tiré de ce que Moïse dit et Spiritus uncubabat : {a} le mot hébreu signifie que l’Esprit embrassait le Chaos, le couvait, l’échauffait comme une poule fait ses œufs pour les rendre féconds.

L’Esprit se mêla avec ses principes, c’est-à-dire que l’Esprit de Dieu pénétra cette matière de toutes parts, l’agita et la remua. Cette union de l’Esprit avec la matière fut appelée désir ou cupidité, c’est-à-dire que cette action que l’Esprit déploya dans la matière, pour la rendre féconde, y versa les premières dispositions, semblables à celles que l’amour, ou la cupidité, introduit dans la matière, d’où ensuite se fait la génération.

L’Esprit ne connaissait point la création ou sa créature, c’est-à-dire qu’il ne voyait rien encore de parfait, car son action n’avait encore produit que des dispositions dans la matière. De cette conjonction se forma Μωτ. Ce Môt ne vient pas du ניוט des Hébreux, qui signifie “ mouvement ”, comme l’a cru Grotius. J’aimerais mieux le dériver d’un mot égyptien, Ma, qui signifie “ des eaux ” : c’est-à-dire que la première disposition que l’Esprit imprima dans cette matière produisit un corps aqueux et limoneux. Cela est clair, car il {b} interprète Μωτ par ιλυς, qui signifie “ du limon ”. Il a tiré cela de Moïse, qui ayant donné au Chaos le nom de terre, et la terre était dans sa forme et vide, dit que l’Esprit se mouvait, couvait, incubabat, puis il appelle, après l’opération de l’Esprit, cette masse eaux, et l’Esprit se mouvait sur les eaux, de cette mixtion aqueuse qu’il appelle Môt, ou ιλυς, il dit que toutes choses ont été créées ou engendrées, parce que Moïse, incontinent après avoir appelé le Chaos des eaux, entre dans le détail de la création, et dit comment chacune des créatures fut tirée du Chaos, ou de cette matière aqueuse et limoneuse. {c} Il est certain que dans la théologie des Égyptiens, ιλυς est un grand principe de toutes choses. »


  1. « et l’Esprit couvait », variante (calviniste) du verset 1:2 de la Genèse (Vulgate) :

    Terra autem erat inanis et vacua, et tenebræ erant super faciem abyssi : et spiritus Dei ferebatur super aquas.

    [La terre était informe et vide ; les ténèbres couvraient l’abîme, et l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux].

  2. Sanchoniathon.

  3. Les versets suivants du chapitre 1 de la Genèse disent que Dieu créa successivement la lumière et les ténèbres, le firmament, la terre et les eaux, les végétaux, le Soleil et la Lune, les animaux, et enfin l’homme.

16.

Quatrain de John Owen {a} intitulé Ad ætate juvenem, moribus senem [À un Jeune en âge mais vieux de mœurs] : {b}

« Ô podagre ! toi qui est la fille de Mars et des Muses, {c} pourquoi t’attaquer à un jeune homme, quand tu as tes habitudes chez les vieillards ? C’est une erreur de la maladie : voyant la maturité d’un vieillard dans la gravité de tes mœurs, elle t’a cru vieux. »


  1. Épigramme 88, livre premier, page 134 (v. supra note [3]).

  2. Étant donné le propos de l’épigramme, le titre aurait aussi pu dire morbis senem [vieux en maladies].

  3. La goutte, nommée podagre quand sa fluxion siège au pied (v. note [30], lettre 99), était surtout tenue pour une maladie des hommes mûrs qui s’adonnaient à la guerre (Mars) et aux études (Muses).

Je n’ai pas cherché le vaillant Romain que la mort a pris pour plus vieux qu’il n’était : la citation d’Owen signale une nouvelle supercherie des rédacteurs du Faux Patiniana ; Guy Patin connaissait trop bien le rôle de l’hérédité dans la goutte pour vanter l’esprit de ces vers.

17.

Je n’ai pas trouvé réunis ailleurs les trois exemples historiques qui composent ce laborieux article, pour illustrer l’ingratitude des princes ; ils proviennent de deux sources.

  1. L’Histoire Auguste {a} relate pareillement la mort de l’empereur Aurélien, {a} dans Le divin Aurélien (chapitre xxxvi, § 4‑6, pages 1008‑1009). Elle est simplement plus claire quant au stratagème de Mnesteus (§ 5) :

    Mnesteus, qui sciret Aurelianum neque frustra minari solere, si minaretur, ignoscere, brevem nominum conscripsit mixtis his, quibus Aurelianus vere irascebatur, cum his, de quibus nihil asperum cogitabat, addito etiam suo nomine, quo magis fidem faceret ingestæ sollicitudinis, ac brevem legit singulis, quorum nomina continebat, addens disposuisse Aurelianum eos omnes occidere, illos vero debere suæ vitæ, si viri sint, subvenire.

    [Mnesteus savait qu’Aurélien ne menaçait pas en vain et ne pardonnait pas s’il avait menacé. Il dressa une liste mélangeant les noms de gens contre qui Aurélien était vraiment exaspéré et d’autres qui ne lui inspiraient aucune animosité ; il y mit aussi son propre nom pour donner plus de poids à l’inquiétude qu’il voulait provoquer. Ensuite, il lut la liste à chacun de ceux qui y étaient nommés, en ajoutant qu’Aurélien avait décidé de les tuer tous et qu’ils devaient défendre leur propre vie, s’ils étaient hommes de courage].


    1. V. note [31], lettre 503.

    2. V. notule {a}, note [3] du Borboniana 6 manuscrit.

  2. François i La Mothe Le Vayer a conté la suite dans sa seizième Homilie académique, intitulée Des livres, où il donne une série d’exemples sur la cruauté et l’ingratitude des princes (Œuvres, tome xiv, pages 227‑228) : {a}

    « Vous savez de quelle cruelle récompense le roi de l’ancienne Perse reconnut le péril où s’était mis celui qui lui rapporta son diadème ou bandeau royal qui était tombé dans la mer. Il y a je ne sais quoi de pareil dans la relation de Rhoë, d’un roi de Mandoa aux Indes Orientales. Il était tombé dans une rivière, d’où il fut retiré par un des ses esclaves qui le prit par les cheveux ; en récompense de quoi, il fit mourir cet officieux esclave, pour avoir eu la hardiesse de mettre la main sur sa tête. {b} L’Histoire de Zonare raconte que l’empereur de Constantinople, Basile, {c} fut suspendu par sa ceinture à la chasse, n’ayant pu éviter qu’un cerf poursuivi ne l’embrochât à cet endroit avec son bois ; sur quoi, un des siens qui ne voyait point de meilleur expédient pour le délivrer que de lui couper sa ceinture, le fit fort heureusement ; et cet empereur, pour l’en bien récompenser, le fit décapiter, à cause qu’il avait osé élever l’épée sur son prince. »


    1. Paris, 1669, in‑8o, v. 2e notule {b}, note [6], lettre 634.

    2. Mémoire de Thomas Rhoe, ambassadeur du roi d’Angleterre auprès du Mogol, pour les affaires de la Compagnie anglaise des Indes-Orientales, page 45 de l’édition française (Paris, T. Moette, 1696, in‑4o de 80 pages).

    3. Jean Zonare ou Zonaras est un historien byzantin du xiie s. Ce récit figure dans la traduction française de ses Histoires et Chroniques du monde (Paris, Jean Houzé, 1583, in‑fo de 989 pages), troisième livre, page 898, sur L’empire de Basile de Macedone [sic], c’est-à-dire l’empereur byzantin Basile ier, dit le Macédonien, qui régna de 867 à 886.

      Les amateurs de coïncidences curieuses pourront voir que Zonaras a aussi narré la mort d’Aurélien (deuxième livre, page 764), en parlant de Mnesteus comme d’un « quidam nommé Heros ».


18.

Reprise fidèle d’un propos de Diogène de Sinope, dit le Cynique (v. note [5], lettre latine 137), rapporté par Diogène Laërce (livre vi, chapitre 34), qui a prolongé la réponse du philosophe : « … au lieu de bander davantage mes muscles ? »

19.

La première relation de cette historiette, souvent citée, se lit dans les :

Mémoires concernant divers événements remarquables arrivés sous le règne de Louis le Grand, l’état où était la France lors de la mort de Louis xiii, et celui où elle est à présent. {a}

Sa version (pages 126‑129) est mieux étayée et plus spirituelle que celle des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin :

« Le roi, après avoir ordonné ces choses, {b} pourvut encore à celles qui lui paraissaient le plus de conséquence, comme pouvaient être les gouvernements, dans quelques-uns desquels il y avait de certaines gens qui étaient entrés par la porte dorée plutôt que par leurs services ; car du temps du cardinal Mazarin, qui avait de l’argent pouvait prétendre à tout, et il n’avait garde de refuser personne, pourvu qu’il pût trouver son compte avec lui ; mais le roi, étant tout d’un<e> autre humeur, avait rendu l’argent à ceux qui en avaient donné ; et par le même moyen qu’ils étaient entrés en charge, il trouva le secret de les en faire sortir. Il y en eut un cependant qui, croyant qu’il y allait de son honneur à ne pas quitter son gouvernement, pria le roi de le lui vouloir conserver, et employa tant d’amis pour cela, qui remontraient à ce prince que sa famille, qui était assez considérable, s’en croirait déshonorée, qu’il ne voulut pas, à sa considération, le traiter si rigoureusement que les autres. Néanmoins, comme il apprenait tous les jours qu’il n’était pas capable de son emploi, il lui fit dire qu’il fallait absolument qu’il s’en défît : à quoi ce gouverneur ne pouvait consentir, croyant qu’après la parole que le roi avait donnée à ses amis, il ne voudrait pas le pousser à bout. Sur ces entrefaites, il se rendit à la cour et fit parler au roi dès le soir même qu’il fut arrivé. Le roi répondit que c’était une chose résolue, et dont il ne voulut point qu’on lui rompît la tête davantage ; mais ce gouverneur, ne se rendant pas encore pour cela, se préparait à employer tout le crédit des personnes qui pouvaient le plus auprès de ce prince ; quand le roi, pour se délivrer tout d’un coup de ses importunités, lui dit un jour une chose qui lui devait être bien sensible, mais qu’on trouva extrêmement spirituelle. Ce fut en allant à la messe, temps auquel les courtisans marchent devant et après le roi ; or, il arriva que ce gouverneur étant devant et fort près de sa personne, le bout de son épée donna dans les jambes du roi, et lui fit quelque douleur ; tellement que le roi, prenant cette occasion-là pour lui dire ce qu’il pensait, “ En vérité, lui dit-il, je suis bien malheureux, votre épée n’a jamais fait de mal qu’à moi ”. Le gouverneur, outré de ce reproche fait en si bonne compagnie, n’eut garde après cela de prétendre pouvoir conserver son gouvernement : il donna sa démission, et le roi en pourvut un autre en qui il pouvait prendre plus de confiance. » {c}


  1. Cologne, Pierre Marteau, 1684, in‑12 de 136 pages, mémoires attribués à Gatien Courtilz de Sandras (Montargis 1644-Paris 1712), mousquetaire puis prolifique écrivain.

  2. V. notes [6] et [7], lettre 683, pour la prise du pouvoir par Louis xiv, immédiatement après la mort de Mazarin.

  3. Les critiques, dont Pierre Bayle, ont vivement contesté la véracité de cette anecdote, mais aucun n’a identifié celui que L’Esprit appelait ici « V.G. ».

20.

La citation latine, « À chacun de subir son destin », vient de Virgile (v. note [7], lettre 14).

Cet article aussi bizarre que pédant est un emprunt maladroit des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin à l’addition d’Antoine Teissier sur l’éloge de Joachim Camerarius l’Ancien {a} par Jacques-Auguste i de Thou ; {b} sa très longue bibliographie (première partie, page 449) inclut l’ouvrage intitulé :

In hoc Libello hæc insunt. De tractandis equis sive ιπποκομικος. Conversio Libelli Xenophontis de Re equestri in Latinum. Historiola rei nummariæ, sive de nomismatis Græcorum et Latinorum. Autore Ioachimo Camerario Pabergensi.

[Ce petit livre contient : La manière de s’occuper des chevaux, ou hippokomikos ; La traduction en latin de l’opuscule de Xénophon {c} sur l’art équestre ; La petite histoire de l’argent, ou des monnaies des Grecs et des Latins. Par Ioachimus Camerarius, natif de Bamberg]. {d}


  1. V. note [22], lettre 352.

  2. Genève, 1683, v. supra note [1].

  3. V. note [86] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii.

  4. Tübingen, Ulrichus Morhardus, 1539, in‑8o de 141 pages.

21.

La citation latine vient de Properce (Élégies, livre iii, i, vers 23‑24) :

« Après qu’elles ont disparu, l’antiquité représente toutes choses plus grandes, et dans ses éloges, la postérité accroît le renom. »

Je n’ai pas trouvé de source à cette réflexion sur l’antiquité (ancienneté) qui embellit le souvenir des gens et des choses, et rien ne permet de croire qu’il n’émane pas de Guy Patin.

22.

La citation d’Horace (vers 1‑5 de l’ode citée) est précédée de sa traduction (entre guillemets français). D’antiques superstitions voyaient dans le noircissement d’une dent ou dans l’apparition d’une tache sur un ongle la marque d’un parjure ou d’un mensonge. Horace dénonçait les perfides infidélités de la belle Bariné, dont les attraits n’avaient pourtant pas été flétris par ces marques infamantes.

Le plus vraisemblable est que les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin rusaient ici habilement en inventant et commentant une frayeur enfantine de Charlot, surnom de Charles Patin, Carolus, le deuxième fils de Guy, soumis à l’examen d’une vieille praticienne de l’onychomancie, méthode de divination par l’examen des ongles. {a} Jean-Baptiste Thiers en a décrit la pratique exacte dans son Traité des Superstitions, {b} livre troisième, page 188, chapitre i, {c} en citant un manuscrit de son cru :

« Plus pour voir dans l’ongle, il faut racler l’ongle du pouce droit ou gauche de l’enfant en commençant par son extrémité, et finissant à la chair, avec un couteau ou un autre instrument neuf ; cet ongle ainsi raclé, vous le frotterez d’huile d’olive ou de noix, dans laquelle vous mettrez du noir à noircir ou de la suie de cheminée, en forme d’un miroir, ou de quelque autre chose resplendissante ; ensuite de quoi, vous direz cette oraison : Uriel, premier Séraphin, je te commande et conjure de par le grand Dieu vivant, par la virginité de la Vierge, par la virginité de saint Jean-Baptiste, par la virginité de cet enfant qui est devenu toi présent, de lui faire apparaître sans retarder tout présentement tout ce que je te demanderai et requerrai. Je te le commande encore par le pouvoir que Dieu m’a donné, par le saint Sacrement de baptême que j’ai reçu à l’église et par tout ce qui y est contenu. Il faut répéter ce que dessus par trois fois, et jusqu’à ce que l’on voie ce que l’on demande. » {d}


  1. Dans son Autobiographie, Charles Patin a dit qu’il était né coiffé, en dénigrant les prophéties liées à cette particularité (v. sa note [8]) : cela aurait pu inspirer autrement les brodeurs du Faux Patiniana.

  2. Tome premier, Paris, 1697, v. note [27] du Faux Patiniana II‑2.

  3. Intitulé De la divination…, v. notule {b}, note [53] du Faux Patiniana II‑4.

  4. Avec plusieurs autres de la même veine, cette pratique a été condamnée par le premier concile provincial de Milan, en 1565 (ibid. livre premier, chapitre v, page 39).

Dans le même ouvrage, Thiers a aussi disserté sur les superstitions sur :

23.

Emprunt au chapitre iv, § 5, de la Vie d’Agricola (v. note [18] du Borboniana 7 manuscrit), précédé de sa traduction, entre guillemets français.

24.

Les vers 42‑43 de l’épître citée d’Horace sont précédés de leur traduction entre guillemets français, avec « broncher » dans son sens premier de trébucher.

Dequoi (dequoy, mot mis en italique dans la source imprimée) est une soudure (crase) de « de » et « quoi » : « On dit qu’un homme a bien dequoi, pour dire, qu’il a bien du bien, qu’il a dequoi vivre, dequoi payer, etc. » (Furetière).

L’avare nouveau riche dénommé « M. Q.N. », n’est pas identifiable.

25.

Le caméléon est un petit saurien arboricole, carnivore et insectivore, dont il existe de très nombreuses espèces (chamælæonidæ), dont les principales caractéristiques communes sont la capacité à changer de couleur, la longue langue protractile, et les yeux capables de bouger indépendamment l’un de l’autre. Tout cela en a fait l’objet de maintes légendes.

26.

Cicéron, s’adressant à Jules César (son adversaire politique) dans son Plaidoyer pour Ligarius (chapitre xii) :

Nihil est tam populare quam bonitas, nulla de virtutibus tuis plurimis nec admirabilior nec gratior misericordia est. Homines enim ad deos nulla re propius accedunt quam salutem hominibus dando. Nihil habet nec fortuna tua maius quam ut possis, nec natura melius quam ut velis servare quamplurimos.

[Il n’y a rien de si populaire que la bonté, et de toutes tes vertus, nulle n’est plus admirable et agréable que la clémence. C’est en sauvant les hommes que les hommes se rapprochent le plus des dieux. Ta fortune ne possède rien de plus grand que le pouvoir de faire des heureux, et ta nature, rien de meilleur que la volonté de les conserver tels en grand nombre].

Cet article se lit presque à l’identique dans les Diversités curieuses (v. supra note [25]) de Laurent Bordelon (Paris, 1695, sixième partie, page 41).

27.

Trévoux :

« les Anciens ont divisé les temps en quatre âges, qu’ils ont appelés : le Siècle d’or, c’était le règne de Saturne, les poètes l’appellent quelquefois le Siècle doré de Saturne et de Rhée ; {a} le Siècle d’argent, était celui de Jupiter ; les Siècles d’airain et de fer, ceux qui ont succédé à ces heureux siècles. Hésiode est le premier qui a fait la description de ces quatre siècles dans son poème intitulé Les Ouvrages et les jours. Ovide en a aussi donné une au commencement de ses Métamorphoses. {b} On a appelé le xe et le xie  siècle, des siècles de fer et de plomb, parce que c’étaient des siècles d’ignorance et de grossièreté. »


  1. Le titan Saturne (Cronos des Grecs, v. note [31] des Deux Vies latines de Jean Héroard) et sa sœur Rhéa, qu’il épousa, ont engendré les principaux dieux de l’Olympe (dont Jupiter).

  2. V. notes [4], lettre 239, pour Hésiode, et [46] de L’ultime procès de Théophraste Renaudot contre la Faculté, pour Ovide et ses Métamorphoses.

Outre ce sens premier et mythique de Siècle d’or, les historiens ont ainsi appelé certaines périodes rayonnantes et prospères qu’ont connues divers pays, comme Athènes (sous Périclès, au ve s. av. J.‑C.), Rome (sous les empereurs Antonins, 138-161), l’Espagne (Siglo de Oro, 1492-1681) ou les Provinces-Unies (Goulden Eeuw, 1584-1702).

Guy Patin vivait au « Grand Siècle », mais ne le savait pas ; il a plusieurs fois dit sa nostalgie pour un utopique Siècle d’or français, qu’il situait au xvie s., et particulièrement sous les règnes des rois Louis xii (1498-1515) et François ier (1515-1547).

Cet article de L’Esprit de Guy Patin pourrait parodier les vers publiés dans le Mercure galant (mars 1702, pages 76‑77), avec cette introduction :

« Toutes les pièces qui ont porté le nom de M. l’abbé de Cantenac vous ont toujours extrêmement plu. Ainsi je ne doute point que vous ne lisiez avec plaisir ce qu’il vient d’écrire contre l’avarice. Vous savez qu’il est chanoine de l’église cathédrale de Bordeaux. {a}

“ Satire

[…] Heureux le Siècle d’Or où l’on passait sa vie
Exempt d’ambition, d’intérêt, et d’envie,
Où tous les biens communs, s’augmentant chaque jour,
Faisaient régner partout l’innocence et l’amour !
Le soin de la fortune et les douleurs cruelles
N’imprimaient pas au cœur leurs atteintes mortelles ;
Chacun vivait en paix et, content de son sort,
Attendait sans effroi les rigueurs de la mort.
La terre abondamment produisait sans culture
Tous les fruits les plus beaux que forme la Nature.
Ils étaient à couvert des fureurs des soldats,
Assassins et voleurs ne s’y connaissaient pas.
Mais a-t-on jamais vu ce Siècle incomparable ? ” »


  1. Jean Benech, sieur de Cantenac, « chanoine de la primatiale Saint-André de Bordeaux », est un auteur satirique, probablement pseudonyme, répertorié dans {BnF Data.

28.

« de quoi se nourrir et se vêtir ».

Cette locution latine banale ne m’a orienté vers aucune source particulière.

29.

Ces propos pourraient s’appliquer à la déconfiture qui a noirci la fin de Guy Patin (vComment le mariage et la mort de Robert Patin ont causé la ruine de Guy), mais ce n’est pas une preuve solide d’authenticité car il n’en est jamais aussi clairement convenu dans ses lettres.

Dans sa définition du mot Absence (page 3), le Dictionnaire général et curieux, contenant les principaux mots et les plus usités en la langue française, leurs définitions, divisions et étymologies… Par M. César de Rochefort, {a} docteur ès droits, agrégé à l’Université de la Sapience de Rome, juge des appellations du comté de Groslée, et juge ordinaire des terres du prieuré de S. Benoît… Première édition {b} cite et attribue le latin qui est aussi repris dans l’article de L’Esprit de Guy Patin :

« L’absence nous fait connaître le prix des choses que nous perdons, Vix bona nostra aliter, quam perdendo cognoscemus, Petrarq. de Remediis ; {c} il faut perdre ce que nous possédons pour en connaître le prix, et on cherche souvent, avec des empressements sans effets, ce que l’on a rebuté par le mépris dans la facilité de le posséder. »


  1. Belley 1630-ibid. 1690.

  2. Lyon, Pierre Guillimin, 1685, in‑4o de 800 pages.

  3. Pétrarque, {i} De Remediis utriusque Fortunæ [Les Remèdes aux deux fortunes], livre i, début du dialogue iv, De Sanitate restituta [La Santé rétablie] :

    Est melius valeas animo, quam corpore, multis,
    Crede mihi, nocuit convaluisse malis

    Gau. Longa ægritudine liberatus, gaudeo. Ra. Gratiorem, fateor, sanitatem redditam, quam retentam. Ingratissimi mortales bona vestra vix aliter, quam perdendo, cognoscitis ; et perdita ergo vos cruciant ; et recuperata lætificant.

    [Il vaut mieux que tu sois sain d’esprit que de corps : crois-moi, il m’a nui d’avoir guéri de nombreuses maladies.

    Gau. {ii} Je me réjouis d’être délivré d’une longue maladie. Ra. Je conviens que la santé qu’on a retrouvée réjouit plus que quand on l’a simplement conservée. Mortels qui débordez d’ingratitude, vous peinez à connaître les biens dont vous jouissez autrement qu’après les avoir perdus ! {iii} Ils vous tourmentent donc quand vous les avez perdus, et vous comblent d’aise quand vous les récupérez].

    1. V. note [17], lettre 93.

    2. Les deux interlocuteurs de ce dialogue sont Gaudium [la Joie] et Ratio [la Raison].

    3. J’ai mis en exergue les mots cités, dont Rochefort a modifié l’ordre et la conjugaison, en passant de la première à la deuxième personne du pluriel (de cognoscitis, « connaissez-vous », à cognoscemus, « connaissons-nous »), exactement comme a fait L’Esprit de Guy Patin ; ce qui n’est probablement pas un pur hasard sémantique.

30.

Cicéron, Caton l’Ancien ou de la Vieillesse, début du chapitre vii :

At memoria minuitur, credo, nisi eam exerceas, aut etiam si sis natura tardior. Themistocles omnium civium perceperat nomina ; num igitur censetis eum, cum ætate processisset, qui Aristides esset, Lysimachum salutare solitum ? Equidem non modo eos novi, qui sunt, sed eorum patres etiam et avos, nec sepulcra legens vereor, quod aiunt, ne memoriam perdam ; his enim ipsis legendis in memoriam redeo mortuorum.

[Mais la mémoire s’affaiblit, je crois, quand on ne l’exerce pas ou si la nature t’as pourvu d’un esprit ralenti. Thémistocle {a} avait appris les noms de tous ses concitoyens : crois-tu qu’avançant en âge, il ait souvent salué Aristide en l’appelant Lysimaque ? Comme lui, je ne connais pas seulement les noms de mes contemporains, mais aussi ceux de leurs pères et de leurs grands-pères, et je lis les épitaphes sans craindre, comme on raconte, de perdre la mémoire, car les lire m’y ravive le souvenir des morts]. {b}


  1. V. notule {a}, note [19], lettre de Jan van Beverwijk, datée du 30 juillet 1640.

  2. Les amateurs de plagiat pourront comparer ma traduction littérale avec celle, plus littéraire, de Philippe Goibaud-Dubois (Paris, Jean-Baptiste Coignard, 1708, in‑12, pages 29‑30) qu’auraient bien pu lire les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin.

31.

La pique sur l’antimoine peut n’être qu’une teinture pour conférer quelque authenticité au commentaire prêté à Guy Patin sur deux vers de Properce (livre ii), élégie x, vers 5‑6) :

« Si j’ai manqué de forces, on me louera sûrement d’avoir osé : dans les grandes causes, il est bien suffisant d’avoir eu la volonté d’entreprendre. »

32.

Tout cela reprend presque mot pour mot le propos de François i de La Mothe Le Vayer dans ses Petits traités en forme de lettres écrites à diverses personnes studieuses, lettre cxvi, Parallèles historiques {a} (tome second, page 933) :

« Mendez Pinto représente le grand prêtre de Braama et de Pegu qui, jetant du riz par une fenêtre sur la tête du peuple, comme ici de l’eau bénite, le mondifie et l’absout de toutes ses fautes. {b} L’Itinéraire oriental d’un Père carme assure qu’en ces mêmes quartiers de l’Inde du Levant, l’on asperge le peuple d’urine de vache, de la même façon et avec la même intention, parce que cet animal y est adoré. » {c}


  1. Œuvres, Paris, 1662, v. note [26], lettre 557.

  2. Cette citation est empruntée à la page 677 du chapitre clviii, De quelle façon le nouveau Roolim fut conduit en l’île de Mounay, et mis en possession de sa dignité, des :

    Voyages aventureux de Fernand Mendez Pinto, {i} fidèlement traduits de portugais en français par le sieur Bernard Giguier, gentilhomme portugais. Dédiés à Monseigneur le cardinal de Richelieu. {ii}

    Le royaume de Pégu (Trévoux), Peguanum Regnum, en actuelle Birmanie, est situé :

    « dans la partie septentrionale de la presqu’île de l’Inde delà le Gange. {iii} Il est borné au nord par celui de Brama, {iv} au levant par celui de Tunquin, {v} au midi par celui de Siam, {vi} et au couchant par ceux de Martaban et d’Arracan. Ses principales villes sont Pégu, Marfin, Tangu, Manar et Jancona, capitales d’autant de royaumes dépendant du Pégu. Ce royaume a été autrefois beaucoup plus puissant. Tous les pays qui sont entre le Mogolistan, la grande Tartarie, la Chine, le Tunquin et le royaume de Siam lui étaient sujets, ou tributaires. Le royaume de Siam l’a été même quelquefois ; mais ce vaste Empire, qu’on dit avoir été aussi étendu que celui de la Chine, a été ruiné par les rois d’Arracan et de Tangu, et il est aujourd’hui possédé par le premier, qui porte présentement le nom de roi d’Ara, qui est celui de la ville où il fait sa résidence ».

    1. Fernão Mendes Pinto (vers 1511-1583), soldat, explorateur et écrivain portugais.

    2. Paris, Arnold Cotinet et Jean Roger, 1645, in‑4o de 1 020 pages.

    3. V. notule {a}, note [22], lettre 197.

    4. Ou Burma (Birmanie).

    5. Tonkin (nord du Viêt Nam).

    6. Thaïlande.

  3. Voyage d’Orient du R.P. Philippe de la Très Sainte Trinité, carme déchaussé, {i} où il décrit les divers succès de son voyage, plusieurs régions d’orient, leurs montagnes, leurs mers et leurs fleuves, la chronologie des princes qui y ont dominé, leurs habitants tant chrétiens qu’infidèles. Les animaux, les arbres, les plantes et les fruits qui s’y trouvent, et enfin les missions des religieux qui y ont été fondées et les divers événements qui y arrivèrent. Composé, revu et augmenté par lui-même, et traduit du latin par un religieux du même ordre ; {ii}

    livre cinquième, De la Loi et des mœurs des gentils des Indes orientales, page 333, chapitre iii, Extravagante vénération qu’ils ont pour la vache :

    « Les gentils honorent la vache d’un culte extraordinaire et divin, d’où vient que si la première chose que quelqu’un rencontre en sortant le matin de sa maison est une vache, il croit qu’il sera bienheureux et fortuné toute cette journée. S’il la voit pisser, il s’arrose de son urine qu’il reçoit avec les mains, comme les chrétiens feraient d’eau bénite. Si en mourant il peut tenir la queue d’une vache, il ne pense pas mourir moins heureusement que les chrétiens qui auraient gagné le jubilé. » {iii}

    1. Esprit Julien (Malaucène 1603-Naples 1671).

    2. Antoine Jullieron, 1652, in‑8o de 592 pages, divisé en 10 livres.

    3. « Pour gagner le jubilé [v. note [7], lettre 31], la bulle [pontificale] oblige à des jeûnes, aumônes, prières, et à visiter les églises où sont des stations du jubilé » (Furetière).

Toutes ces références étaient disponibles du vivant de Guy Patin : il pourrait donc être auteur de cet article, mais aurait-il copié si exactement La Mothe Le Vayer sans le citer ?

33.

Le latin est d’Ovide (Tristes, livre iii, élégie vii, vers 33‑36) :

« Les longues années outrageront cette belle figure, la ride sénile sillonnera ton front flétri, l’odieuse vieillesse, qui vient pas à pas sans bruit, jettera la main sur ta beauté. »

« Ben… » oriente vers Isaac de Benserade (v. note [2], lettre 889), mais sans expliquer les initiales « A.D.C. ». Quant au ton galant de cet article, il détonne une fois de plus dans un propos attribué à Guy Patin.

34.

Cnæus Nævius est un dramaturge latin du iiie s. av. J.‑C., dont les œuvres ont été presque entièrement perdues. L’épitpahe qu’il s’était lui-même écrite nous a été transmise par Aulu-Gelle (Nuits attiques, livre i, chapitre xxiv). J’ai corrigé la transcription latine de L’Esprit de Guy Patin, en suivant cette source (où loquier est une forme archaïque de loqui, « parler ») ; en voici une traduction plus fidèle :

« S’il était permis aux immortels de pleurer les mortels, les dives Muses le feraient pour le poète Nævius, car après que Pluton l’aura emporté au tombeau, on ne saura plus parler la langue latine à Rome. »

35.

Iphicrate est un stratège athénien du ive s. av. J.‑C., dont Aristote a relaté ce propos dans le livre ii, chapitre xviii, de sa Rhétorique ; il est ici emprunté à la traduction de François Cassandre : {a}

« Par exemple, Iphicrate, voyant qu’à toute force on voulait obliger son fils, qui n’était encore qu’un enfant, de faire les fonctions de citoyen et d’avoir sa part des charges comme les autres, et cela seulement à cause de sa taille et qu’il paraissait grand, joliment il repartit à ces gens-là,

Que s’ils prétendaient qu’on dût faire passer pour des hommes faits les enfants qui paraissaient un peu grands, il fallait en même temps qu’ils déclarassent que désormais les petits hommes ne passeraient plus que pour des enfants. »


  1. La Rhétorique d’Aristote en français (Paris, Louis Chamhoudry, 1654, in‑4o de 556 pages), § xvi, page 374.

36.

« Ci-gisent ombre, cendre, néant. »

Guy Patin a souvent parlé des Barberins dans ses lettres, mais jamais de Marcello Barberini, dit Antonio l’Ancien (Florence 1569-Rome 1646), frère puîné de Maffeo, le pape Urbain viii : {a} il était l’oncle des cardinaux Antonio le Jeune {b} et Francesco Barberini. {c} Entré dans l’Ordre des capucins en 1592, il changea son prénom de Marcello en Antonio, et fut nommé cardinal en 1624, au titre de Sant’Onofrio. Sa tombe se trouve à Rome dans l’église des capucins, Santa Maria della Concezione, {d} avec une inscription lapidaire, un peu différente de celle que donne L’Esprit de Guy Patin : {e}

Hic jacet pulvis cinis et nihil.

[Ci-gisent poussière, cendre, néant].


  1. V. note [19], lettre 34.

  2. Le cardinal Antoine, v. note [4], lettre 130.

  3. Le cardinal Barberin, v. note [7], lettre 112.

  4. Sainte-Marie de la Conception.

  5. L’altération du Faux Patiniana a été reproduite dans quelques ouvrages ultérieurs, qui l’ont copié les yeux fermés.

37.

Le vocabulaire aujourd’hui désuet de cet article mérite plusieurs explications.

38.

Je n’ai pas identifié « Notre J.M. », mais le propos sur les dédicaces vient du pamphlet anonyme intitulé La Confession catholique du sieur de Sancy, et Déclaration des causes, tant d’État que de religion qui l’ont mû à se remettre au giron de l’Église romaine. {a} Son épître « À Monseigneur le révérendissime évêque d’Évreux » {b} commence ainsi (pages 317‑318) :

« Monsieur,

Ayant délibéré de mettre en lumière ma confession (œuvre que je puis vanter n’être pas publici saporis) {c} je n’ai pas voulu faire comme ces ignorants, lesquels ayant quelque œuvre douteux {d} à mettre au vent, cherchent pour la défense de leurs écrits, les uns le roi, qui a tant d’autres choses à défendre, les autres, quelque prince, comme un des traducteurs du Tasse, qui a choisi pour son apologue le prince de Conti. {e} Les autres y emploient des gouverneurs, plus soigneux de rescriptions {f} que de rimes, ou les financiers, occupés à l’exercice de leur fidélité. {g} Enfin, la folie des dédications est venue jusques au capitaine d’argoulets et coupe-jarrets. {h} Le secours de telles gens sert aussi peu à la défense de ces mauvais petits livres que si on peignait des bastions {i} aux coins de chaque page, ou si on faisait la couverture à l’épreuve du pistolet. Ces précautions ne défendent pas une mauvaise cause des censures. »


  1. Théodore Agrippa d’Aubigné {i} l’a écrite dans les dernières années du xvie s. contre les conversions des protestants au catholicisme. Elle a bien plus tard été imprimée dans le Recueil de diverses pièces servant à l’histoire de Henri iii, roi de France et de Pologne, {ii} sous le titre de Confession catholique de M. de Sancy {iii} par S.L.D.A., auteur du Baron de Feneste (ive partie, pages 315‑464) : cette référence au Baron de Feneste {iv} identifie clairement Agrippa d’Aubigné.

    1. Mort en 1630, v. note [26], lettre 342.

    2. Cologne, Pierre du Marteau, 1662, in‑12 de 468 pages.

    3. V. note [36] du Borboniana 6 manuscrit pour Nicolas i de Harlay seigneur de Sancy (mort en 1597), dont Agrippa d’Aubigné a rédigé la prétendue Confession.

    4. Sans lieu, 1630, v. note [26], lettre 97.

  2. Le cardinal Jacques Davy Duperron (v. note [20], lettre 146), lui-même converti et zélé convertisseur de calvinistes, a dirigé le diocèse d’Évreux de 1592 à 1606.

  3. « de goût commun ».

  4. Ancien usage du mot « œuvre » au masculin.

  5. Je n’ai pas identifié cette édition française du Tasse (v. note [5] du Faux Patiniana II‑1) dédiée à François de Bourbon, prince de Conti (mort en 1617, v. note [64] du Traité de la Conservation de santé, chapitre ii).

  6. Rescription : « mandement qu’on donne à un fermier, à un débiteur, à un correspondant, pour payer une certaine somme au porteur du billet » (Furetière).

  7. Probité.

  8. Un argoulet est un arquebusier ou carabin. On dit « par raillerie, qu’un homme n’est qu’un chétif argoulet, un pauvre argoulet, pour dire que c’est un homme de néant, et pour le mépriser » (Furetière). Par allusion au coup d’épée qui immobilise l’adversaire, un coupe-jarret est un brigand (sicaire), qui fait profession de trucider sur commande.

  9. Fortifications.

39.

Cette citation, mise entre le guillemets dans L’Esprit de Guy Patin, est une longue broderie dont l’amorce (que j’ai traduite en italique) vient de Cicéron, chapitre xxi du livre de la Vieillesse, qui commence par ce propos de Caton l’Ancien sur la mort :

Non enim video cur, quid ipse sentiam de morte, non audeam vobis dicere, quod eo cernere mihi melius videor, quo ab ea propius absum. Ego vestros patres, P. Scipio, tuque, C. Læli, viros clarissimos mihique amicissimos, vivere arbitror, et eam quidem vitam, quæ est sola vita nominanda. Nam, dum sumus inclusi in his compagibus corporis, munere quodam necessitatis et gravi opere perfungimur ; est enim animus cælestis ex altissimo domicilio depressus et quasi demersus in terram, locum divinæ naturæ æternitatique contrarium. Sed credo deos immortales sparsisse animos in corpora humana, ut essent, qui terras tuerentur, quique cælestium ordinem contemplantes imitarentur eum vitæ modo atque constantia.

Les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont à nouveau plagié sans aucun scrupule la traduction de Philippe Goibaud-Dubois, {a} pages 103‑104 :

« Rien ne peut m’empêcher de vous dire ce qu’il me semble de la mort, et que je crois voir d’autant mieux que j’en suis plus proche. Je suis persuadé que vos pères, ces illustres personnages que j’ai tant aimés, n’ont point cessé de vivre, quoiqu’ils aient passé par la mort ; et qu’ils sont toujours vivants de cette sorte de vie qui seule mérite d’être appelée de ce nom-là. Car tant que nous sommes dans les liens du corps, nous y sommes comme des forçats à la chaîne, {b} puisque notre âme est quelque chose de divin qui, du ciel, comme du lieu de son origine, est jetée et comme abîmée dans cette basse région de la terre, qui est un lieu d’exil et de supplice pour une substance céleste de sa nature. {c} Mais je crois que si les dieux ont engagé nos âmes dans nos corps, c’est afin que ce grand ouvrage de l’univers eût ses spectateurs, qui admirassent le bel ordre de la nature, et le cours si réglé des corps célestes, et qui l’exprimassent en quelque sorte par le règlement et l’uniformité de leur vie. » {d}


  1. Paris, 1708, v. supra note [30], notule {b}.

  2. Référence anachronique aux galériens du royaume de France, que le Faux Patiniana a fidèlement reprise.

  3. Note de Goibaud-Dubois :

    « Un chrétien n’aurait pas mieux dit, et c’est une grande preuve de cette vérité, de voir que tout ce qu’il y a de grands esprits parmi les païens même l’aient vu. Il ne restait qu’à savoir quelle est la cause de notre exil, d’où viennent les maux que nous y souffrons, par quel chemin et sous quel guide nous pouvons retourner dans notre patrie. Mais il n’y a que la religion qui nous l’apprend. »

  4. Note de Goibaud-Dubois, qui termine en citant l’Évangile de Matthieu (5:48) :

    « Il est donc de l’ordre que l’homme soit saint : car c’est ce que Caton dit ici en d’autres termes, et il n’en faut point d’autre preuve que le repos et la satisfaction que l’on trouve dans toutes les bonnes actions, et le trouble et le remords dont les mauvaises sont suivies. Dieu a voulu que les païens rendissent encore témoignage à cette grande vérité. Il n’y manque que d’avoir vu que ce n’est pas l’ordre de la nature, mais la sainteté de l’Auteur de la nature que nous devons nous proposer pour modèle. Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait. »

Traduction plus littérale du texte de Cicéron :

« Pourquoi n’oserais-je pas vous dire ce que je pense de la mort ? Il me semble la discerner de mieux en mieux à mesure que je m’en approche. Je crois, Scipion et toi aussi Lélius, que ces hommes illustres, qui furent vos pères et mes grands amis, sont en vie, et je veux parler de la seule vie qui mérite ce nom. En effet, aussi longtemps que nous sommes retenus par les liens du corps, nous nous épuisons, bon gré mal gré, à accomplir tâches serviles et rudes travaux ; mais notre âme, qui, elle, est d’essence céleste, a été précipitée des hauteurs où elle demeurait et comme enfouie dans la terre, soit un lieu qui est à l’opposé de sa divine nature et de son éternité. Je crois cependant que les dieux immortels ont implanté des esprits dans les corps des humains pour qu’il y ait des êtres qui veillent sur les terres, et qui contemplent l’ordre du ciel pour l’imiter par le règlement et la constance de leurs mœurs. »

Il est strictement impossible de tenir cet article pour un propos de Guy Patin et pour une convaincante proclamation de sa foi chrétienne. En la lui attribuant, les rédacteurs de son Esprit (1709) avaient-il une autre intention que défendre sa mémoire contre le soupçon d’avoir été un libertin athée, allégation téméraire que lui avaient valu (et lui valent encore aujourd’hui, v. note [38], lettre 477) la publication de ses Lettres (1683) et le jugement de Pierre Bayle dans la note E de son Dictionnaire (1702, v. note [7], lettre 65) ? Mais pouvait-on s’y prendre plus maladroitement qu’avec ce pathétique plagiat ?

40.

Cet article associe deux sources que je n’ai pas vues réunies ailleurs avant 1709.

  1. Vitruve, Dix livres d’Architecture, traduits par Claude Perrault, {a} livre iv, chapitre i, pages 102‑103 :

    « Une jeune fille de Corinthe prête à marier étant morte, sa nourrice posa sur son tombeau, dans un panier, quelques petits vases que cette fille avait aimés pendant sa vie ; et afin que le temps ne les gâtât pas si tôt, étant à découvert, elle mit une tuile sur le panier ; qui, ayant été posé par hasard sur la racine d’une plante d’acanthe, il arriva, lorsqu’au printemps, les feuilles et les tiges commencèrent à sortir, que le panier, qui était sur le milieu de la racine, fit élever le long de ses côtés les tiges de la plante ; qui, rencontrant les coins de la tuile, furent contraintes de se recourber en leur extrémité, et faire le contournement des volutes.

    Le sculpteur Callimachus, que les Athéniens appelèrent Catatechnos à cause de la délicatesse et de la subtilité avec laquelle il taillait le marbre, {b} passant auprès de ce tombeau, vit le panier, et de quelle sorte ces feuilles naissantes l’avaient environné. Cette forme nouvelle lui plut infiniment, et il en imita la manière dans les colonnes qu’il fit depuis à Corinthe, établissant et réglant sur ce modèle les proportions et les mesures de l’ordre corinthien. »

    Tout cela est repris en grand détail dans les Diversités curieuses de Laurent Bordelon {c} (dixième partie, 1699, pages 222‑223) : ce qui suffit à écarter l’idée que Guy Patin puisse être la source de cet article de son Esprit.


    1. Paris, 1673, v. note [6] du Faux Patiniana II‑1.

    2. Callimachus ou Callimaque est un sculpteur grec du ve s. av. J.‑C. (la 60e olympiade correspond aux années 540-536). Sa biographie tient surtout de la légende rapportée par divers auteurs antiques. Son surnom le plus courant est Κατατηξιτεχνος ou Κακιζοτεχνος (Katatêxitechnos ou Kakidzotechnos, translittération écorchée en Gaziotecnos par L’Esprit de Guy Patin), « jamais content de son ouvrage » ; Vitruve et Perrault le transformaient ici en Κατατεχνος, « d’un art consommé ».

    3. V. supra note [25].

  2. Pausanias le Périégète, {b} Description de la Grèce, livre i, chapitre xxvi, § 6‑7 (traduction d’Étienne Clavier, 1821) :

    « La ville d’Athènes est en général consacrée à Minerve, {b} ainsi que tout le pays, car dans les bourgs, même où l’on honore plus particulièrement certaines divinités, on n’en rend pas moins un culte solennel à Minerve ; mais de toutes les statues de la déesse, la plus vénérée est celle qu’on voit dans la citadelle nommée anciennement Polis. {c} Déjà même, elle était l’objet du culte de tous les peuples de l’Attique avant qu’ils se fussent réunis. L’opinion commune est que cette statue tomba jadis du ciel, je n’examinerai pas si elle est vraie ou non. La lampe consacrée à la déesse est l’ouvrage de Callimaque, on ne la remplit d’huile qu’une fois par an, et elle brûle jusqu’à pareil jour de l’année suivante, quoiqu’elle soit allumée jour et nuit. La mèche est de lin Carpasien, le seul qui brûle sans se consumer. {d} La fumée se dissipe par le moyen d’un palmier de bronze placé au-dessus de la lampe et qui s’élève jusqu’au plafond. Callimaque, qui a fait cette lampe, quoique inférieur aux sculpteurs du premier ordre, quant à l’art en lui-même, s’éleva cependant au-dessus de tous par son intelligence, car il inventa le premier le moyen de forer le marbre. Il prit le nom de Catatêxitechnos, ou peut-être ce nom lui fut-il donné par d’autres, et ne fit-il que l’adopter. »


    1. V. note [41] du Borboniana 8 manuscrit.

    2. Pallas Athéna, v. note [13], lettre 6.

    3. L’Acropole : v. note [33], lettre 223, pour le nom de Palladium donné à la statue de Pallas (Minerve) qui s’y dressait.

    4. Rabelais s’est inspiré de ce passage pour décrire le temple de la Bouteille dans le Cinquième livre, chapitre xl, Comment le temple était éclairé par une lampe admirable :

      « Chacune [des ampoules] était pleine d’eau ardente [eau-de-vie], cinq fois distillée par alambic serpentin, inconsomptible [inépuisable] comme l’huile que jadis mit Callimachus en la lampe d’or de Pallas en l’Acropolis d’Athènes, avec un ardent lychnion [mèche] fait part [partie] de lin asbestin, comme était jadis au temple de Jupiter en Ammonie, et le vit Cleombrotus, philosophe très studieux, part [et partie] de lin carpasien, lesquels par feu plutôt sont renouvelés que consumés. »

    5. La Carpasie est un ancien nom de l’île de Chypre, au centre de laquelle se trouvent le village et les mines d’Amiantos, qui ont donné leur nom à l’amiante ou asbeste (du grec asbestos, inextinguible et incombustible) : cela fait des lins asbestin et carpasien un seul et même minéral fibreux. Aujourd’hui redoutées pour leur toxicité (induction d’atteintes respiratoires et de cancers), ces fibres furent d’abord un sujet de curiosité sceptique (Trévoux) :

      « On faisait autrefois tant de cas des ouvrages faits d’amiante qu’on les estimait presque autant que l’or ; et il n’y avait que quelques empereurs, ou des rois, qui en eussent des serviettes. Cette grande rareté n’a pas empêché plusieurs antiquaires de croire après Pline que l’amiante servait à faire des chemises et des draps, dans lesquels on brûlait les corps des rois et des empereurs pour conserver leurs cendres, et empêcher qu’elles ne se mêlassent avec celles des bois et autres matières combustibles dont on formait leurs bûchers. Mais les historiens des empereurs n’ont jamais fait mention de ces toiles, quoiqu’ils décrivent exactement la cérémonie qu’on observait en brûlant ces corps, et les moyens qu’on avait de ramasser les cendres des morts, en sorte qu’il est inutile d’avoir recours aux toiles d’amiante ; d’ailleurs, on trouve dans plusieurs urnes sépulcrales des charbons mêlés parmi les cendres, ce qui fait assez voir que les Anciens n’étaient pas toujours si soigneux à ne ramasser que les seules cendres du mort. De cette erreur on est tombé dans une autre, en s’imaginant qu’on employait l’amiante à faire des mèches perpétuelles aux lampes sépulcrales. Personne cependant n’y en a jamais observé. Il est vrai qu’on se sert à présent des mèches d’asbeste pour des lampes auxquelles on ne veut guère toucher, car l’amiante ne se consumant pas, on n’est pas obligé de tirer la mèche qui en est faite. On dit qu’autrefois on a vendu des morceaux d’amiante pour du bois de la vraie Croix de Notre Seigneur ; et le public s’y laissait aisément tromper parce qu’on assurait que la meilleure preuve pour reconnaître ce bois précieux était de le mettre au feu, d’où il devait sortir entier. »

41.

Daniele Matteo Alvise Barbaro (Venise, 1514-ibid. 1570), littérateur et savant prélat, fut patriarche d’Aquilée. {a} Nommé cardinal a pectore en 1561, il ne fut jamais officiellement créé. Cet article est un emprunt aux Éloges de de Thou augmentés par Antoine Teissier {b} (tome premier, pages 352‑355), avec citation de deux des nombreux livres publiés par Barbaro :

Les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont servilement recopié les deux erreurs de titres contenues dans le livre de Teissier.

42.

Cet article, fort éloigné des préoccupations ordinaires de Guy Patin, cite deux fragments d’Ovide, L’Art d’aimer (Ars amatoria), livre i, vers 237‑245, sur le banquet de Vénus et Bacchus : {a}

« Les vins disposent les cœurs à la tendresse et les incitent à s’enflammer. Les soucis s’enfuient et se diluent dans le vin pur. Alors viennent les rires, quand le pauvre s’enhardit, {b} quand s’envolent peines et chagrins, le front se déride. Alors le cœur s’ouvre, et la franchise, si rare de nos jours, {c} le dieu {c} lui arrache ses masques. Que de mignonnes ont ainsi ravi les esprits des garçons ! Vénus dans les vins, c’est le feu dans le feu. »


  1. V. notes [2], lettre latine 365, notule {a}, pour Vénus, déesse de l’amour, et [23], lettre 260, pour Bacchus, dieu du vin.

  2. Mise en exergue des mots cités « fort mal à propos » au début de l’article de L’Esprit de Guy Patin.

  3. Autre passage cité plus bas dans l’article du Faux Patiniana.

  4. Bacchus.

43.

Guy Patin n’est pas (v. § 6 infra) le compilateur de cet inventaire, truffé de coquilles, qui a pourtant emprunté presque toute sa matière à un livre qu’il aurait pu lire : les Diverses Leçons… de Pierre Messie, {a} deuxième partie, chapitre xxxv, Que les hommes venus de basse condition ne doivent laisser d’essayer à se faire illustres, et de plusieurs exemples à ce propos. Des personnages cités pour leur viles origines, plus ou moins avérées, y font leur première apparition dans notre édition.

  1. Messie, page 403 :

    « Arsaces, roi des Parthes, fut de si basse et infime lignée qu’il ne s’est trouvé aucun qui ait entendu quels furent ses parents. Après qu’il se fut retiré de la sujétion et obéissance d’Alexandre le Grand, il fut le premier qui constitua royaume entre les Parthes, peuple tant renommé et craint par les Romains ; et au moyen de ses grandes prouesses et vaillances, les rois ses successeurs, pour mémoire et révérence de son nom, encore qu’ils n’eussent tel royaume par hérédité et succession, furent à cause de lui nommés Arsacides, {b} comme les empereurs romains ont pris le nom de Césars à cause du grand César Octavian Auguste. »


    1. Pedro Mejia ; Rouen, 1643, v. note [23] du Faux Patiniana II‑3.

    2. Près d’un siècle après la mort d’Alexandre le Grand, le chef scythe Arsace ier, roi des Parthes au iiie s. av. J.‑C., a fondé la dynastie des Arsacides, qui régna sur la Parthie (actuel Iran) jusqu’au iiie s. de l’ère chrétienne.

      La remarque sur la naissance obscure d’Arsace vient de l’Abrégé des Histoires philippiques de Trogue Pompée, établi par Marcus Junianus Justinus (livre xli, chapitre 4, § 6‑7) :

      Erat eo tempore Arsaces, vir sicut incertæ originis, ita virtutis expertæ. Hic solitus latrociniis et rapto vivere accepta opinione Selencum a Gallis in Asia victum, solutus regis metu, cum prædonum manu Parthos ingressus præfectum eorum Andragoran oppressit sublatoque eo imperium gentis invasit.

      [Il y avait à cette époque un homme appelé Arsace, dont l’origine était aussi douteuse que sa valeur militaire était éprouvée. Il était accoutumé à vivre de pillages et de rapines, quand il entendit le bruit de la défaite de Séleucos en Asie devant les Gaulois ; débarrassé de la crainte du roi, il attaqua les Parthes avec une troupe de brigands, écrasa leur préfet Andragoras et l’ayant supprimé, il s’empara du pouvoir sur la Nation].


  2. Ibid. page 404 :

    « Isicrates, Athénien, fut en l’art et science militaire fort illustre, car il vainquit les Lacédémoniens en bataille rangée et résista vaillamment à l’impétuosité d’Épaminondas de Thèbes, capitaine excellent ; {a} et fut celui qu’Ataxerxes, roi de Perse, élut lieutenant général de son armée quand il voulut faire guerre aux Égyptiens. {b} Si savons-nous pourtant (selon ce que tous en écrivent) qu’il fut fils d’un savetier. » {c}


    1. V. notes [35] supra pour Iphicrate, et, [2], notule {a‑i}, lettre latine 265, pour Épaminondas de Thèbes (Béotie) et les Lacédémoniens (Spartiates).

    2. Iphicrate combattit en Égypte pour le compte d’Artaxerxès ii Mnémon, roi des Perses de 404 à 358 av. J.‑C. ; Cornelius Nepos, Vies des grands capitaines, chapitre 11, § 4 :

      Cum Artaxerxes Ægyptio regi bellum inferre voluit, Iphicraten ab Atheniensibus ducem petivit, quem præficeret exercitui conducticio, cuius numerus xii milium fuit, quem quidem sic omni disciplina militari erudivit, ut, quemadmodum quondam Fabiani milites Romani appellati sunt, sic Iphicratenses apud Græcos in summa laude fuerint.

      [Quand Artaxerxès voulut attaquer le roi d’Égypte, il demanda Iphicrate aux Athéniens, pour diriger son armée de douze mille mercenaires. Il les instruisit si bien dans toutes les parties de la discipline militaire que, comme autrefois les soldats romains formés par Fabius furent nommés les Fabiens, les Iphicratiens se rendirent très illustres chez les Grecs].

    3. Aristote, Rhétorique (Paris, 1654, v. supra note [35]), livre i, proposition lii, page 82 :

      « C’est de cette façon que se louait Iphicrate lui-même, ce fameux général d’armée des Athéniens qui, de fils de savetier qu’il était, monta enfin à ce haut degré d’honneur : Qui étais-je autrefois, disait-il, pour être maintenant ce que je suis ? ».

  3. Ibid. pages 404‑405 :

    « Je m’étais oublié d’Euménès, l’un des plus excellents capitaines qu’eut Alexandre, en vaillance, savoir et bon conseil : la vie duquel et ses grands faits d’armes sont décrits par Plutarque et Paul Émile ; {a} lequel, encore qu’il ne fût favorisé ès biens et succès de Fortune comme les autres, si ne laissait-il pourtant marcher aucun devant lui {b} quant à l’art militaire ; et s’y acquit ses vertus et gloires de lui-même, sans être avancé que par son labeur, lui étant fils d’un homme de basse condition qui, selon aucuns, était chartier. »


    1. V. note [6], lettre latine 164, pour Euménès (Eumène de Cardia), le plus fidèle capitaine d’Alexandre le Grand, à qui Plutarque a consacré une de ses Vies des hommes illustres.

      Paul Émile (Paolo Emilio, Vérone 1455-Paris 1529) est un historien italien, installé en France vers 1480, auteur d’une histoire de France, mais je n’ai pas trouvé où il y a parlé d’Eumène.

    2. « Bien que la Fortune ne l’ait pas favorisé autant que les autres en biens et en succès, il ne laissait pourtant personne marcher devant lui ».

  4. Ibid. page 404 :

    « C’est encore un autre grand exemple < que > celui de Ptolomée, {a} un des meilleurs capitaines d’Alexandre, après la mort duquel il fut roi d’Égypte et de Syrie ; et tel qu’à cause de son nom, ses successeurs, rois d’Égypte, furent nommés Ptolomées. Ce Ptolomée était fils d’un écuyer nommé Lac, {b} qui jamais ne servit d’autre chose que d’écuyer en l’armée d’Alexandre. »


    1. Ptolémée ier Sôter (le Sauveur), général d’Alxandre le Grand, régna sur l’Égypte de 305 à 283 av. J.‑C. et fonda la dynastie des pharaons ptolémaïques.

    2. Lagus ou Lagos.

  5. Ibid. pages 405‑406 :

    « Élie Pertinus, empereur de Rome, fut fils d’un artisan ; son aïeul avait été libertin (c’est-à-dire qu’il avait autrefois été de servile condition, et depuis avait été libéré) ; ce néanmoins, à cause de sa vertu et valeur, il parvint à l’Empire, puis, afin de donner exemple aux autres de bas état et les inciter à la vertu, il fit couvrir de marbre bien élaboré toute la boutique où son père soulait besogner son métier. {a} Cet empereur Élie ne fut pas seul de bas lieu qui parvint à l’empire, car Dioclétian, {b} qui tant illustra Rome de triomphantes victoires, était seulement fils d’un scribe ; aucuns disent que son père était libraire et lui-même esclave. Valentinian {c} aussi acquit l’empire, bien qu’il fût fils d’un cordier. L’empereur Probus {d} était fils d’un jardinier. […]. Assez d’autres empereurs de ce calibre furent à Rome, lesquels, pour brièveté, je laisse arrière, comme Maurice, Justin, prédécesseur de Justinian, et Galère, {e} qui fut berger premier qu’être empereur. »


    1. Soulait : avait coutume.

      Publius Helvius Pertinax, empereur qui a régné sur Rome de janvier à mars 193, était fils d’un affranchi enrichi dans la manufacture et le commerce de la laine. Il fut massacré par des soldats mécontents de n’être pas payés.

    2. V. note [30], lettre 345, pour l’empereur Dioclétien, natif de Dalmatie et d’origine modeste, mais obscure.

    3. Valentinien ier, Flavius Valentinianus Augustus, a régné sur l’Empire romain de 364 à 375. Selon certaines chroniques, il était fils d’un nommé Gratien, qui était cordier non loin de Belgrade.

    4. Marcus Aurelius Probus a régné de 276 à 282. L’Histoire Auguste le dit fils d’un dénommé Maximus : « du grade d’officier, qu’il avait rempli avec distinction, il parvint à celui de tribun. » Cet empereur avait néanmoins de l’intérêt pour l’agriculture : Aurelius Victor dit qu’« à l’exemple du Carthaginois [Hannibal], qui avait employé ses légions à planter des oliviers dans presque toute l’Afrique, pour empêcher leur oisiveté de devenir funeste à la république et à leurs généraux, Probus remplit de vignes, plantées par ses soldats, la Gaule, les Pannonies et les collines des Mésiens ».

    5. Maximien Galère a régné de 305 à 311, en association avec d’autres empereurs (tétrarchie), dont Constantin (v. note [24] du Naudæana 3). Natif de Dacie (Roumanie), il avait, dans sa jeunesse, gardé des troupeaux avec son père, ce qui lui valut le surnom d’Armentarius (le Bouvier).

  6. « Maximin, fils d’un serrurier ou charron » est une addition originale, que les rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin ont pu emprunter au tome troisième (page 254) de l’Histoire des empereurs et des autres princes qui ont régné durant les six premiers siècles de l’Église… de Louis-Sébastien Le Nain de Tillemont {a} sur l’empereur Maximin ier, dit le Thrace, qui régna de 235 à 238 :

    « [Il] n’avait aucune naissance, mais beaucoup de mérite, surtout pour la guerre ; ce qui lui tenait lieu d’une grande noblesse. Son père, nommé aussi Maxime, était charron ou serrurier. »


    1. Paris, Charles Robustel, 1691, in‑4o de 797 pages.

    Cet intrus dans la liste de Messie me semble disqualifier Guy Patin comme auteur de cet inventaire.

  7. Messie, page 406 :

    « Venons-en au pontificat et Saint-Siège apostolique, auquel sont aussi parvenus des hommes de basse condition. Le pape Jean xxii {a} fut fils d’un cordonnier natif de France, lequel, pour sa vertu et savoir, vint à ce degré, et augmenta le patrimoine et seigneurie de l’Église. Le pape Nicolas v, {b} auparavant nommé Thomas, était fils de pauvres parents qui allaient vendre par les rues des poules et des œufs. Le pape Sixte iv, premièrement nommé François, et cordelier, était fils d’un marinier. {c} J’en pourrais nommer d’autres que, tout exprès, je laisse en arrière pource que cette dignité ne se doit acquérir par noblesse de sang, ains {d} par vertu. »


    1. V. note [44] du Faux Patiniana II‑7.

    2. V. note [5], lettre 969, pour Nicolas v (Tommaso Parentucelli).

    3. Sixte iv (le franciscain Francesco della Rovere, v. note [39] du Naudæana 2) est réputé avoir été fils d’un riche drapier.

    4. Mais

  8. Sixte v, de modestes origines paysannes (v. note [45] du Naudæana 1), est une libre addition car il a régné de 1585 à 1590, soit après la mort de Pierre Messie (1551).

44.

Cet article est un médiocre plagiat de l’Apologie pour tous les grands hommes qui ont été accusés de magie de Gabriel Naudé, pages 226‑227, {a} à propos des démons familiers :

« Apulée voulait que ce fût un dieu ; {b} Lactance et Tertullien, {c} que ce fût un diable ; Platon, qu’il était invisible ; Apulée, qu’il pouvait être aussi visible ; Plutarque, {d} que c’était un éternuement à la gauche ou à la droite partie, selon lequel Socrate présagissait {e} un bon ou mauvais événement de la chose entreprise ; Maxime de Tyr, {f} que ce n’était qu’un remords de conscience contre la promptitude et violence de son naturel, qui ne s’entendait ni ne se voyait point, par qui Socrate était retenu et empêché de faire quelque chose mauvaise ; Pomponatius, que c’était l’astre qui dominait en sa nativité ; {g} et Montaigne, {h} finalement, était d’avis que c’était une certaine impulsion de volonté qui se présentait à lui sans le conseil de son discours. Pour moi, je crois que l’on pourrait dire assez véritablement que ce démon familier de Socrate, qui lui était in rebus incertis prospectator, dubiis præmonitor, periculosis viator, {i} n’était autre que la bonne règle de sa vie, la sage conduite de ses actions, l’expérience qu’il avait des choses, et le résultat de toutes ses vertus qui formèrent en lui cette prudence, laquelle peut être à bon droit nommé le lustre et l’assaisonnement de toutes les actions, l’équerre et la règle de toutes les affaires, l’œil qui tout voit, tout conduit et ordonne ; et pour tout dire en un mot, l’art de la vie, comme la médecine est l’art de la santé. De sorte qu’il y a bien plus d’apparence de croire que l’âme de ce philosophe, autant épurée de ses passions plus violentes qu’enrichie de toutes sortes de vertus, était le vrai démon de sa conduite. »


  1. Édition de Paris, 1669, déjà citée sur le démon familier de Socrate dans le Patiniana I‑4 (v. sa note [46]).

  2. Apulée (v. note [33], lettre 99) est auteur d’un traité en 24 chapitres intitulé De deo Socratis [Du dieu de Socrate].

  3. Tertullien (v. note [9], lettre 119), dans son traité De Anima [De l’Âme], et Lactance (v. note [16], lettre de Charles Spon, datée du 28 août 1657), dans le livre ii de ses Institutions divines, ont parlé en termes similaires du démon de Socrate.

  4. Le Démon de Socrate est l’une des œuvres morales de Plutarque (v. note [9], lettre 101), présentée sous la forme d’un dialogue, avec un long passage sur la valeur prémonitoire des éternuements.

  5. Sic pour présageait.

  6. Les Dissertations 26 et 27 de Maxime de Tyr (v. note [9], lettre 246) sont intitulées « Ce que serait le dieu de Socrate ».

    V. notule {a}, note [19], lettre latine 228, pour l’éternuement.

  7. Dans la marge, Naudé renvoie au traité de Pomponace {i} De naturalium effectuum causis, sive de incantationibus… [Sur les causes des effets naturels, ou incantations…] ; {ii} le premier chapitre parle du démon de Socrate, mais j’y ai plutôt lu le contraire (pages 18‑19) :

    Quod si quis propter hæc dicat alteram partem, videlicet, quod ab ipsis materialibus producantur, utpote quod Socrates in dæmone producat speciem Socratis, veluti hæc albedo in oculum producit speciem sui, et sic de reliquis, quod multi dixerunt, adhuc non videtur satisfacere.

    [Sous prétexte que la matière d’un être pourrait se dédoubler, il ne me semble pas suffire que quelqu’un dise posséder un autre lui-même, étant donné que Socrate a produit dans son démon une image de Socrate, à la manière dont un objet blanc se reflète dans la pupille de l’œil ; et il en va de même pour tout ce que quantité de gens on prétendu].

    1. V. note [10], lettre 20.

    2. Bâle, Henrichus Petrus, 1556, in‑8o de 349 pages.

  8. Essais, livre i, fin du chapitre 11.

  9. Chapitre xvi d’Apulée « sur le dieu de Socrate » (v. supra notule {a}) (avec prospectator à la place de prospector) :

    « dans l’incertitude, il prévoit pour nous, dans le doute, il nous conseille, dans le danger, il nous protège. »

45.

Guy Patin a dit sa « sympathie pour les grands nez », {a} le sien était fort long, mais assez droit. Cet article se réfère à cinq auteurs antiques qu’il avait ou pouvait avoir lus.

46.

« Ce ne sont que mots et formules, et rien de plus » : imitation d’Horace, v. note [2], lettre 986.

Saint Ambroise de Milan {a} a raconté l’histoire de l’écrevisse, ou plus généralement du crabe (cancer) dans le livre v de son Hexameron, ouvrage dont aucune édition française n’a été imprimée aux xviexviie s. Divers auteurs l’ont néanmoins reprise, et celui qui a pu inspirer Guy Patin ou les rédacteurs de son Esprit est :

Le Buisson ardent, figure de l’Incarnation, contenant les vingt-quatre discours sur les Mystères de l’Avent. Par le R. Père Nicolas Caussin {b} de la Compagnie de Jésus ; {c}

Discours sixième (pages 152‑153), Des voies de l’homme à Dieu par la mortification des sens, et la fuite des occasions :

« De quel<que > côté que nous regardions la nature ou la vie civile, elles nous font une salutaire leçon de prendre au poil les occasions. {d} Les animaux mêmes, ainsi que nous témoigne saint Ambroise, se rendent les docteurs de l’homme en cette matière. Voyez, dit-il, ce que pratique l’écrevisse de mer, qui est naturellement friande de la chair des huîtres, elle aime la proie, mais elle craint le péril. Et que fait-elle pour éviter ce qu’elle appréhende, et jouir de ce qu’elle désire ? Elle se sert du temps et de l’occasion. Elle attend avec patience un beau soleil, qui flatte l’huître de ses rayons et lui fait ouvrir les portes de sa maison, desserrant sa coquille, qui le {e} tient clos et couvert contre son adversaire. Alors, cette habile chasseuse, voyant une ouverture propre à s’insinuer, et tenant une petite pierre qu’elle a ramassée sur le sable, la jette entre les deux coquilles de l’huître ; en sorte que ne pouvant plus commodément les fermer, il {e} donne entrée à l’ennemi, qui fait la curée de son corps. N’apprendrons-nous jamais, dans nos propres dangers, ce que la nature montre aux bêtes, et n’étudierons-nous point les leçons que Dieu nous fait par le moyen des créatures muettes, qui ont fait parler tous les livres ? » {f}


  1. V. note [24], lettre 514.

  2. V. note [5], lettre 37.

  3. Paris, Jean du Bray, 1648, in‑8o de 672 pages.

  4. Manière imagée et originale de dire « saisir les occasions » : v. note [36] (§ 1) du Faux Patiniana II‑3 pour la déesse Occasion, qu’il fallait saisir par les cheveux quand elle passait rapidement.

  5. À l’ancienne mode provençale, et sur le modèle du neutre grec (ostreon) et latin (ostreum), le P. Caussin employait le mot huître au masculin, ce qui ne dépare en rien son très joli style.

  6. Le P. Caussin n’a pas employé le mot « instinct », mais l’a sous-entendu : « sagacité naturelle qu’ont les animaux pour se conduire et rechercher ce qui leur est propre, qui supplée chez eux au défaut du raisonnement. Le chien par un instinct naturel s’attache à son maître qui lui fait du bien ; les éléphants, les singes et quelques autres animaux font des choses si surprenantes, qu’on a de la peine à les expliquer par cet instinct naturel » (Furetière). Guy Patin n’a jamais utilisé ce mot dans ses lettres.

47.

Guy Patin s’est plusieurs fois dit fort attaché à l’idée que chacun exerce le métier dont il a la compétence et s’y tienne strictement, {a} mais sans évoquer l’exemple des Égyptiens. Il a néanmoins pu lire le chapitre viii, Des lois, coutumes et jugements des Égyptiens…, dans le premier livre (page 48) de l’Histoire de Diodore Sicilien {b} traduite de grec en français… : {c}

« Au regard des arts et métiers, nous voyons qu’en Égypte les ouvrages sont merveilleusement bien faits et venus jusqu’à leur perfection : car les artisans et ouvriers d’Égypte seulement s’emploient aux ouvrages qui leur sont permis par les lois, ou qu’ils ont appris de leurs pères, sans avoir autre soin de la chose publique ; tellement que ni l’envie de celui qui enseigne, ni la haine civile, ni quelconque autre chose ne les peut empêcher dans leur exercice. Ès {d} autres pays, il est loisible à tout homme de métier < de > laisser son premier état, en prendre un autre, et vaquer les uns à l’agriculture, les autres à la marchandise, les autres à plusieurs autres occupations ; et les aucuns d’eux {e} se trouvent ès assemblées qui se font ès villes et cités gouvernées par le peuple, où illec, {f} corrompus par argent, ils font et consentent aux choses dommageables à leur cité. Mais en Égypte, si un artisan se retrouve ès affaires de la chose publique, ou s’il fait plusieurs métiers, il est grièvement {g} puni. Et ont gardé anciennement les Égyptiens la même coutume et institution (tant de la chose publique comme de la privée) qui leur avait été laissée par leurs pères. »


  1. V. entre autres la note [27], lettre 211.

  2. Diodore de Sicile, v. note [33] du Borboniana 3 manuscrit.

  3. Paris, Abel de l’Angelier, 1585, in‑fo de 686 pages.

  4. Dans les.

  5. Certains d’entre eux.

  6. Et là.

  7. Lourdement.

48.

Sénèque le Jeune, La Brièveté de la vie, chapitre xx :

Omnium quidem occupatorum conditio misera est, eorum tamen miserrima, qui ne suis quidem laborant occupationibus, ad alienum dormiunt somnum, ad alienum ambulant gradum, ad alienum comedunt appetitum ; amare et odisse, res omnium liberrimas, iubentur.

[La contition de tous les gens occupés est certes malheureuse, mais elle l’est bien plus encore pour ceux qu’accaparent les occupations d’autrui, attendant qu’il sommeille pour dormir, qu’il fasse un pas pour marcher, qu’il ait appétit pour manger. Aimer et haïr sont les sentiments les plus libres tous, mais ils ne le font que sur commande].

L’anecdote qui introduit ce louable précepte est tirée du livre lxix, chapitre 19, de l’Histoire romaine de Dion Cassius (écrite en grec). {a} Sans écarter la possibilité d’un emprunt à une traduction latine, j’ai choisi la seule édition française parue au xviie s., dans le tome 2, pages 108‑109, de l’Histoire de Dion Cassius de Nicée, abrégée par Xiphilin… Traduite de grec en français par Monsieur de B.G.** : {b}

« Quant à Similis, {c} bien qu’il surpassât ceux-ci {e} en dignité et en âge, on peut dire néanmoins, à ce que je m’imagine, que jamais homme n’eut plus de vertu que lui, ce qui paraîtra par cet exemple : lorsqu’il n’était que capitaine, l’empereur l’ayant un jour appelé avant les colonels, “ Seigneur, lui dit-il, il n’est pas bienséant que vous parliez à un capitaine tandis que les colonels vous attendent. ” Ayant été après fait colonel des gardes malgré lui, il s’en démit dans la suite volontairement ; et après avoir obtenu son congé avec bien de la peine, s’en alla passer en repos à la campagne sept ans qu’il vécut encore ; où venant à mourir, il ordonna qu’on mît cette épitaphe sur son tombeau : “ Ci-gît Similis qui mourut dans un grand âge et, toutefois, il ne vécut que sept ans. ” » {f}


  1. V. note [35] du Borboniana 6.

  2. Paris, Claude Barin, 1674, in‑12 de 279 pages.

  3. Servius Sulpicius Similis (dont L’Esprit de Guy Patin a francisé le nom en Simile) est un chevalier romain, mort vers l’an 125 de notre ère, qui a rempli de hautes fonctions militaires et administratives sour le règne de l’empereur Trajan (98-117). Ses services auprès d’Hadrien (117-138, v. note [40], lettre 99) sont contestés par les historiens, mais ce passage appartient à la période de son impératoriat dans les éditions françaises que j’ai consultées.

  4. Quintus Marcius Turbo, colonel de la garde impériale (préfet du prétoire), et Cornelius Fronto, « le premier avocat de son temps ».

  5. Σιμιλις ενταυθα κειται βιους μεν ετη τοσα, ζησας δε ετη επτα [Ci-gît Similis, qui exista tant d’années et en vécut sept].

49.

Sénèque, Lettres à Lucilius, épître xciv :

Legem enim brevem esse oportet, quo facilius ab imperitis teneatur. Velut emissa divinitus vox sit : jubeat, non disputet.

[Il faut que la loi soit brève pour que les ignorants la retiennent très facilement ; qu’elle soit comme un oracle divin : qu’elle commande et ne soit pas ouverte à la discussion].

50.

Juvénal (Satire vi, vers 460) introduit cet oiseux dialogue, fort éloigné des préoccupations ordinaires de Guy Patin. Laurent Bordelon a cité le même vers et raconté exactement la même histoire dans ses Diversités curieuses (v. supra note [25]) en donnant à son interlocutrice le nom de « Mademoiselle C.T.T. » (tome second, 1699, page 14).

51.

Juvénal, Satire i, vers 74 :

Probitas laudatur et alget.

[On loue la probité, mais elle grelotte].

Le pseudo-distique d’Ovide qui précède réunit :

52.

Cléopâtre vii a régné sur l’Égypte de 51 à 30 av. J.‑C., d’abord comme épouse de ses frères Ptolémée xiii (61-47) puis Ptolémée xiv (47-44), et ensuite comme régente de son fils Ptolémée xv Césarion (44-30), né de sa liaison avec Jules César. En 34, elle devint la femme de Marc Antoine et son alliée dans sa guerre contre Octave Auguste. En 31 la bataille d’Actium, qui conduisit Octave vers le trône impérial, provoqua les suicides successifs de Marc Antoine et de sa concubine, et mit fin à la dynastie ptolémaïque (v. supra note [43‑4]).

Le Cydnus était un fleuve de Cilicie, c’est aujourd’hui la rivière de Tarse (Tarsus Çayi) en Anatolie.

Cet article reprend fidèlement deux sources antiques :

53.

Le rhéteur Musa n’est connu que par ce qu’en a écrit son contemporain, Sénèque le Rhéteur, ou l’Ancien, {a} dans la préface du livre x de ses Controverses et suasoires, dont voici un plus long extrait :

Musa rhetor, quem interdum soletis audire, licet Mela meus contrahat frontem, multum habit ingenii, nihil cordis. Omnia usque ad ultimum tumorem perducta, ut non extra sanitatem, sed extra naturam essent. Quis enim ferret hominem de siphonibus dicentem, Cælo repluunt : de sparsionibus, Odoratos imbres : et in cultum viridium, Cælatas silvas : et in pictura, Nemora surgentia ? Aut illud quod de subitis mortibus memini eum dicentem, quum vos me illo perduxissetis : Quidquid avium volitat, quidquid piscium natat, quidquid ferarum discurrit, nostris sepelitur ventribus. Quære nunc, cur subito moriamur : mortibus vivimus.

« Musa le rhéteur, que vous avez ouï quelquefois, quoiqu’en dise mon fils Méla, {b} avait beaucoup d’esprit et n’avait point de courage. Toutes ses façons de parler étaient enflées, et avaient une tumeur qui, à la vérité, était de la santé, mais non pas de la nature. {c} En effet, qui pourrait souffrir qu’en parlant des syringes, il dît qu’elles jetaient leur pluie au ciel ? Que parlant des arrosements, il dît que c’étaient des pluies de senteurs ? Que, discourant de la beauté des vergers, on ait dit que c’étaient des forêts gravées ? Et que parlant de la peinture, on ose dire qu’il y avait sur la toile des bois qui s’élevaient ? {d} Qui pourrait encore souffrir ce que je lui ai ouï dire lorsque nous fûmes ensemble chez lui, parlant des morts soudaines ? {e} Notre ventre, disait-il, est le tombeau de tout ce qui vole d’oiseaux, de tout ce qui nage de poissons et de tout ce qui marche d’animaux sur la terre. Me demandez-vous après cela pourquoi les morts sont si fréquentes et si précipitées ? N’est-ce pas parce que nous ne vivons que de morts ? » {f}


  1. Vers 54 avant J.‑C.-39 après, v. note [22] du Naudæana 4.

  2. Pour rester dans l’esprit de l’époque, cette traduction peu élégante est celle des Controverses de Sénèque, père de Sénèque le Jeune par le sieur de Lesfargues (pages 322‑323). {i} Elle atténue ici le propos, en remplaçant « bien que mon fils Méla fronce le sourcil » par « quoiqu’en dise mon fils Méla » ; ce Méla était le frère aîné de Sénèque le Jeune.

    1. Paris, Antoine de Sommaville, 1656, in‑fo de 366 pages, dédié par B. Lesfargues « à Messieurs de l’Académie française ».

  3. Pour dire : « une enflure [de discours] qui n’outrepassait pas les limites du bon sens, mais celles de la nature. »

  4. Ces ornements rhétoriques mal timbrés peuvent aussi se traduire par :

    « Qui supporterait en effet un homme disant des jets d’eau qu’ils renvoient la pluie au ciel, des ondées, d’odorantes aspersions, d’un verger bien cultivé, des forêts ciselées ? et que d’un tableau peint surgit le relief des bois ? »

  5. V. note [14], lettre 554.

  6. J’ai mis en exergue le passage cité par L’Esprit de Guy Patin, qu’on peut traduire plus simplement par :

    « Nous ensevelissons en nos ventres n’importe quel oiseau qui vole, n’importe quel poisson qui nage, n’importe quel gibier qui court. Demande-toi alors pourquoi nous mourons subitement : c’est que nous vivons de chairs mortes. »

54.

Ce « Monsieur D.C.R. » prenait antiquior (antiquius au genre neutre que commande ici nihil, « rien »), forme comparative de l’adjectif antiquus (antiquum, « antique », « ancien », « d’antan »), dans son sens primitif, attesté par tous les dictionnaires et que certains rattachent douteusement à l’association étymologique de ante [devant] et oculus [l’œil], pour dire « plus cher », « plus important », « préférable ».

La citation de Plaute, tirée des Captifs (Captivi), acte i, scène 2, vers 104‑105, est un propos du parasite Ergasile au sujet de Tyndare, fils du riche vieillard Hégion :

Nulla juventutis spes est : sese omneis amant. Ille demum antiquis est adulescens moribus.

[Nos jeunes sont désespérants : ils n’aiment qu’eux mêmes. Seul ce jeune homme a des mœurs antiques].

Les expressions latines a vetustate et a senectute sont synonymes pour dire « par ancienneté », et promouvoir le bénéfice de l’âge dans l’accession aux honneurs que confèrent les compagnies humaines comme l’armée (vétérans) ou les parlements (sénateurs) ; mais je peine à imaginer que Guy Patin ait pu omettre de mentionner ici l’ancien (doyen d’âge, decanus senior, antiquior Scholæ magister) de la Faculté de médecine de Paris (v. note [20], lettre 17), dignité à laquelle il n’a pas accédé, mais dont il a toujours parlé avec immense respect et gourmande convoitise, car il la considérait comme un zénith dans la carrière d’un docteur régent (avec de substantiels avantages hiérarchiques et pécuniaires) : de fait, cet article de son Esprit développe celui qu’a écrit Laurent Bordelon dans la cinquième partie, (page 167) de ses Diversités curieuses (1696, v. supra note [25]).

55.

Ces confidences sur les qualités respectives d’une bonne et d’une mauvaise épouse restent obscures, même en comprenant que « le reste » est le devoir conjugal, et que la mauvaise maîtresse du logis est celle qui le délaisse, en quelque manière que ce soit (excessive dévotion menant à la chasteté ou, au contraire, aventures adultérines) ; mais leur sens apparaît quand on explore les deux citations qui les introduisent.

56.

Cet article peu clairvoyant, car il ne distingue pas les prétextes des causes véritables, concernait l’insurrection ou sédition Nika ou Niké, en 532, qui fit vaciller le trône de l’empereur Justinien le Grand et de son épouse Theodora. {a} Les Anecdota (ou Histoire secrète) de Procope en ont parlé en plusieurs endroits. {b}

57.

Deux auteurs grecs du iiie s. de notre ère ont raconté un peu différemment cet échange entre Denys l’Ancien, tyran de la colonie grecque de Syracuse au ive s. av. J.‑C., et le philosophe Aristippe de Cyrène, {a} son courtisan le plus assidu.

Je n’ai identifié ni « Monsieur L.R.R. » ni « Monsieur N.D.E. », mais trois curieuses locutions, qu’on ne trouve pas sous la plume de Guy Patin, ont retenu mon attention dans cet article.

58.

Tibulle, Élégies, livre iii, vi, vers 32‑34 :

Ei mihi difficile est imitari gaudia falsa
Difficile est tristi fingere mente jocum,
Nec bene mendaci risus componitur ore
.

[Il m’est hélas difficile de faire semblant d’être gai, difficile aussi de feindre la tristesse quand je suis gai, et le rire ne vient pas bien sur une bouche qui ment].

59.

Trois mots de cet article n’appartiennent pas au vocabulaire de Guy Patin, mais procurent de savantes informations sur les aspects techniques de la bibliomanie, ou bibliophilie, quand elle privilégie la forme sur le contenu des livres.

60.

Cicéron a donné un avis sur le respect des lois qui régissaient la musique et le chant chez les anciens Grecs (Des Lois, livre ii, chapitre xv) :

Quamobrem ille quidam sapientissimus Græciæ vir longeque doctissimus valde hanc labem veretur. Negat enim mutari posse musicas leges sine mutatione legum publicarum. Ego nec tam valde id timendum, nec plane contemnendum puto. Illa quidem, quæ solebant quondam compleri severitate iucunda Livianis et Nævianis modis, nunc, ut eadem exsultent, cervices oculosque pariter cum modorum flexionibus torqueant. Graviter olim ista vindicabat vetus illa Græcia, longe providens quam sensim pernicies, illapsa civium animos, malis studiis malisque doctrinis repente totas civitates everteret : si quidem illa severa Lacedæmon nervos iussit, quos plures quam septem haberet, in Timothei fidibus incidi.

[Voilà pourquoi l’homme le plus sage et de beaucoup le plus savant de la Grèce redoute fort ce poison. Il nie en effet qu’on puisse changer les règles de la musique sans que les lois de l’État soient modifiées. {a} Sans partager cette crainte excessive, je ne la crois pas tout à fait futile. Les vers de Livius et de Nævius {b} se chantaient jadis sur un ton sérieux, mais non dénué de charme ; aujourd’hui, pour les faire applaudir, les chanteurs croient devoir déformer les mélodies, et y joindre des contorsions du cou et des roulements d’yeux. L’ancienne Grèce proscrivait sévèrement ces manières, prévoyant que le vice, se glissant insensiblement dans le cœur des citoyens, y ferait germer des appétits et des idées malsaines, jusqu’à provoquer le brusque effondrement de cités entières. Ainsi l’austère Sparte {c} ordonna-t-elle de supprimer les cordes que Timothée avait ajoutées aux sept que comptait traditionnellement la lyre].


  1. J’ai mis en exergue le passage cité et traduit par L’Esprit de Guy Patin.

    Cicéron se souvenait des paroles de l’Athénien à Clinias, dans le dialogue Des Lois de Platon, livre vii, chapitre vii (traduction de Victor Cousin, 1831) :

    « Qu’il soit donc admis, dirons-nous, si étrange que cela paraisse, que les chants sont autant de lois. Nous voyons que les Anciens ont donné ce nom de lois aux airs qu’on joue sur la cithare : peut-être n’étaient-ils pas très éloignés de penser, comme nous le faisons à présent, et peut-être l’un d’eux, soit en songe, soit en état de veille, entrevit-il, par une sorte de divination, la vérité de ce que nous disons. Posons donc à ce sujet la règle que voici : dans les chants prescrits par l’État, dans les cérémonies religieuses et dans tout ce qui regarde les chœurs, il sera interdit de rien changer au chant et à la danse, tout autant que de violer toute autre de nos lois. Celui qui nous obéira n’aura aucune punition à craindre ; mais si quelqu’un ne nous écoute pas, il sera, comme nous l’avons dit tout à l’heure, puni par les gardiens des lois, les prêtresses et les prêtres. »

  2. V. supra note [34] pour Nævius. Son contemporain Livius Andonicus, acteur et auteur de théâtre, fut l’un des introducteurs de la tragédie grecque à Rome au iiie s. av. J.‑C.

  3. La cité des Lacédémoniens aux mœurs sévères, v. note [25] du Borboniana 3 manuscrit.

61.

Histoire et chronique mémorable de Messire Jehan Froissart. {a} Revu et corrigé sur divers exemplaires, et suivant les bons auteurs, par Denis Sauvage de Fontenailles en Brie, historiographe du très-chrétien roi de France Henri deuxième de ce nom. Tiers volume, {b} relation du règne de Charles vi {c} (mois de septembre 1386) :

62.

Cet article sur les gladiateurs reprend celui qui porte sur le mot Rétiaires dans le Supplément ou troisième volume du grand Dictionnaire historique de Louis Moréri, tome troisième, page 1033. {a}

Meilleur latiniste que les rédacteurs de son Esprit, Guy Patin aurait pu emprunter son propos au livre xvi de verborum Significatione (ou Significatu) [sur la Signification des mots] de Sextus Pompeius Festus, {b} mais le plagiat y est moins flagrant :

Retiario pugnanti adversus mirmillionem cantatur : Non te peto, piscem peto, quid me fugis Galle ? quia mirmillionicum genus armaturæ Gallicum est, ipsique mirmiliones ante Galli appellabantur, in quorum galeis piscis effigies inerat. Hoc genus pugnæ institutum videtur a Pittaco uno ex septem sapientibus, qui adversus Phrynonem dimicaturus propter controversias finium, quæ erant inter Atticos et Mutilenæos rete occulto lato impedivit Phrynonem.

[Quand le rétiaire combat le mirmillon, {c} on chante : « Ce n’est pas toi que je veux ; je veux le poisson, pourquoi me fuis-tu Gaulois ? », parce que le mirmillonicum est une sorte d’armure gauloise, et qu’autrefois on appelait mirmillones des Gaulois qui portaient l’image d’un poisson sur leur casque. {d} Ce genre de combat a été institué par Pittacus, l’un des sept Sages, {e} qui, devant se battre avec Phrynon {f} pour un différend sur les frontières entre Athéniens et Mytiléniens, l’immobilisa avec le filet qu’il avait apporté en cachette].


  1. Paris, Denys Thierry, 1689, in‑4o de 1 238 pages, qui se conclut sur une devise qui s’applique parfaitement à notre édition : Vires acquirit eundo [Elle acquiert des ressources en avançant] (Virgile, à propos de la renommée (fama), Énéide, chant iv, vers 174‑175).

  2. V. note [12], lettre 460.

  3. « Les rétiaires étaient ainsi nommés d’un rets [filet] dont ils se servaient contre leur ennemi, que l’on appelait secutor [ou mirmillon, v. infra], comme qui dirait “ suiveur ”. Ils avaient ce rets sous leur bouclier, ils le jetaient sur la tête de leur adversaire, qu’ils tuaient ensuite d’un trident qu’ils portaient de l’autre main. Ils combattaient en tuniques, et portaient des éponges pour essuyer leur sang et boucher leurs plaies » (Trévoux).

  4. Outre le casque et l’armure qui lui couvrait le bras droit, le mirmillon, lancé à la poursuite du rétiaire, était armé d’une épée et d’un bouclier. Il était ordinairement originaire de Gaule ou de Thrace : livre ii (pages 107‑109), chapitre x, De Myrmillone. Origine nominis vix inventa, ipsi e Gallia petiti. Arma eorum et compositio [Le Mirmillon : l’origine du mot est difficile à trouver ; on les faisait venir de Gaule ; leurs armes et la manière de combattre], {i} dans les :

    I. Lipsii Saturnalium Sermonum libris duo, qui de Gladiatoribus.

    [Deux livres de Discours saturniens {ii} de Juste Lipse, au sujet des Gladiateurs]. {iii}

    1. Le chapitre viii (pages 99‑104) traite de son adversaire : De Retiario, unde petitum id genus, descriptio pugnæ et armorum, et cum quo commissus [Le Rétiaire, d’où on faisait venir cette sorte de gladiateur, description de sa manière de lutter et de son armement, et contre qui on l’engageait au combat].

    2. C’est-à-dire « moroses », comme l’explique le fort dédaigneux Lectorem meum hæc moneo [Avertissement à mon lecteur] :

      Ultima ista editione inprimis Græca, quorum interpretatio a non nemine desiderabatur, ipsis vertimus. ii. Quædam, quæ addi vel da lucem, vel ad doctrinam, poterant, capitis cuiusque calci opportune subiecimus. Ægre enim in isto genere fieri potest, quin aliquid dies et uberior lectio instillent. iii. Denique et figuras inseri passus sum : sed vere passus. Nam eas ad sensum aut votum meum non esse, libere profiteor ; nec facile ulla hodie ars expresserit mores et opes illas priscas. Fruantur tamen istis, quibus mens ad altiora non assurgit.

      [< i.> Pour répondre au vif désir de plusieurs, j’ai moi-même traduit cette ultime édition, qui était initialement grecque. ii. J’y ai fait quelques additions qui pourraient en augmenter la clarté et la science, et l’ai utilement complétée d’une table des chapitres. Je puis difficilement m’empêcher de croire que cela n’en illumine et enrichisse quelque peu la lecture. iii. J’ai enfin souffert qu’on y ajoute aussi des figures ; je dis bien souffert, car j’avoue volontiers qu’elles ne répondent ni à mon goût ni à mon souhait, étant donné que nul talent ne saurait exprimer aujourd’hui les mœurs et les richeses de ces temps anciens. Elles profiteront néanmoins à ceux dont l’esprit ne peut s’élever bien haut].

    3. Leyde, Franciscus Raphelengius, 1590, in‑4o illustré de 175 pages ; encore aujourd’hui, on peut difficilement trouver meilleur livre sur le sujet.

  5. Pittacos ou Pittacus de Mytilène (principale ville de l’île de Lesbos) est un général et politique grec du vie s. av. J.‑C., que sa vertu et sa vaillance ont rangé parmi les sept Sages de la Grèce (v. notule{e}, note [24] du Borboniana 9 manuscrit).

  6. Phrynon d’Athènes, vainqueur olympique, mourut dans son combat contre Pittacos.

63.

Le traité « de la Vieillesse », où Cicéron fait parler Caton l’Ancien (v. supra note [30]), contient deux courtes allusions à son ouvrage « des Origines », dont il ne reste que quelques fragments :

Cornelius Nepos, Vies des grands capitaines, Porcius Cato (chapitre 24) a laissé la meilleure description de cet ouvrage perdu :

Senex historias scribere instituit. Earum sunt libri vii. Primus continet res gestas regum populi Romani ; secundus et tertius, unde quæque civitas orta sit Italica ; ob quam rem omnes Origines videtur appellasse. In quarto autem bellum Pœnicum est primum, in quinto secundum. Atque hæc omnia capitulatim sunt dicta. Reliquaque bella pari modo persecutus est usque ad præturam Servii Galbæ, qui diripuit Lusitanos ; atque horum bellorum duces non nominavit, sed sine nominibus res notavit. In eisdem exposuit, quæ in Italia Hispaniisque aut fierent aut viderentur admiranda. In quibus multa industria et diligentia comparet, nulla doctrina.

[Devenu vieux, il se mit à écrire des histoires. Il en existe sept livres. Le premier contient les actions des rois du peuple romain ; le second et le troisième portent sur la fondation de chaque ville d’Italie, et c’est sans doute pourquoi il intitula l’ensemble Origines. Le quatrième est le récit de la première guerre punique, et le cinquième, celui de la seconde. {a} Tout cela est sommairement exposé. Il a traité de la même manière les autres guerres des Romains, jusqu’à la préture de Servius Galba, qui pilla les Lusitaniens. {b} Il n’a pas nommé les généraux qui ont commandé dans ces guerres, se contentant de présenter les faits sans citer leurs auteurs. Il a de même décrit tous les objets merveilleux qu’on voyait en Italie et dans les Espagnes. {c} Cet ouvrage est soigneux et exact, mais n’est pas érudit].


  1. Caton l’Ancien (Marcus Porcius, 234-149 av. J.‑C., v. note [5] de Guy Patin contre les consultations charitables de Renaudot) est mort peu avant la troisième guerre punique, qui vit la victoire finale de Rome contre Carthage. Les deux précédentes guerres s’étaient déroulées de 264 à 241, et de 218 à 202. Delenda Carthago [Il faut détruire Carthage] était l’une des maximes de Caton.

  2. En 150 av. J.‑C.

  3. L’Espagne citérieure (orientale, la plus proche de Rome), ou Tarraconaise, et l’Espagne ultérieure (occidentale, la plus éloignée), qui comprenait la Bétique et la Lusitanie.

L’effronterie des rédacteurs du Faux Patiniana est proprement sidérante, quand on les a si souvent surpris à plagier Guy Patin en lui attribuant des propos qu’ils avaient empruntés à d’autres : il s’agit ici de l’article du Grand Dictionnaire de Louis Moréri sur Caton le Censeur (1707, tome ii, page 117), ou de la note F sur Porcius dans le Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle (Rotterdam, 1702). Que ce soit « L.M.S. » ou un autre, nul, à ma connaissance, n’a plagié et publié les Origines de Caton au début du xviiie s.

64.

Cet article sur Paul Manuce (v. note [16], lettre latine 38) est entièrement emprunté aux Éloges des hommes savants, tirés de l’Histoire de M. de Thou (v. supra note [1]) avec les additions d’Antoine Teissier (Genève, 1683, tome premier, pages 440‑443, v. supra note [1]), imprimeur et latiniste érudit, dont Scaliger a cependant assuré qu’il « ne savait pas dire trois paroles de suite en latin ». Cela se lit dans un article fort confus du Secunda Scaligerana (édition d’Amsterdam, 1740, pages 440‑441) : Manucius non poterat tria verba Latine dicere.

Les références à quelques ouvrages de Manuce sont :

65.

Quatrain de John Owen {a} intitulé Facere et Docere. Act. c. i, v. 1 [Faire et Enseigner. Actes, 1:1] : {b}

« Les vides sermons du docte prêtre enseignent au peuple ignorant ce qu’il est bien de croire, mais c’est la vie qui enseigne comment bien vivre. Qui enseigne comme il faut doit pratiquer réellement ce qu’il professe. Les mauvaises actions nuisent plus que n’édifient les belles paroles. »


  1. Épigramme 79, livre deuxième, page 188 (v. supra note [3]).

  2. Première phrase des Actes des apôtres :

    Primum quidem sermonem feci de omnibus, o Theophile, quæ cœpit Jesus facere et docere.

    [Ô Théophile, j’ai raconté dans mon premier livre, tout ce que Jésus a fait et enseigné].


Le « Père L.M.R. » n’est pas identifiable, la référence à Owen trahit une supercherie supplémentaire des rédacteurs de L’Esprit de Guy Patin.

66.

Aulu-Gelle, Les Nuits attiques, livre i, chapitre xxiv, § 3 :

Epigramma Plauti, quod dubitassemus, an Plauti foret, nisi a M. Varrone positum esset in libro de poetis primo :

postquam est mortem aptus Plautus,
Comœdia luget, scæna est deserta,
Dein risus, ludus iocusque et numeri
innumeri simul omnes conlacrimarunt
.

[Voici l’épitaphe de Plaute, dont nous aurions douté qu’elle fût de Plaute si Marcus Varron ne l’avait mise dans son premier livre sur les poètes : {a}

« Depuis que la mort a emporté Plaute, la comédie est en deuil, la scène est déserte ; rire, jeu, plaisanterie, vers et prose, tous ensemble, le pleurent. »]


  1. Cet ouvrage de Varron (v. note [1], lettre 14) n’a pas survécu au temps. Après Aulu-Gelle, tous les critiques ont hésité à attribuer d’aussi médiocres vers au talent de Plaute.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits. Ana de Guy Patin : L’Esprit de Guy Patin (1709), Faux Patiniana II-6

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(Consulté le 28/03/2024)

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