En 1677, Jacob Spon, [1] né en 1647, deuxième fils de Charles, [2] était médecin à Lyon. Charles Patin, [3] né en 1633, deuxième fils de Guy, était exilé à Padoue, où il enseignait la médecine. [4] Une solide et ancienne amitié les liait, cimentée par leur passion commune pour les antiquités. [1]
La thèse de doctorat en histoire qu’Yves Moreau a présentée le 8 juillet 2013 à l’Université Lyon 3, intitulée Édition critique de la correspondance de Jacob Spon (1647-1685), contient 425 lettres, jusque-là inédites, que Spon a écrites ou reçues entre 1667 et 1685. Quatre-vingt-deux viennent de Charles Patin, et sont conservées dans le ms BnF naf 24171, Lettres de divers érudits adressées à Charles et Jacob Spon (1650 à 1681). J’ai extrait de cette correspondance ce que les deux amis se sont écrit en 1677-1679 sur leur édition des Lettres choisies de feu Monsieur Guy Patin, qui parut pour la première fois à Francfort (sic pour Genève) en 1683. [2][5]
Extraits de neuf lettres que Charles Patin a écrites de Padoue à Jacob Spon
« La lettre de M. votre père, qui me fait, dites-vous, réponse, est apparemment demeurée sur votre table, ce sera pour une autre fois. J’ai bien reçu celle de M. Falconet, [6] à laquelle, au premier jour, je ferai réponse, le temps ne le permettant pas aujourd’hui. Cependant, pour votre information et mon utilité, je vous dis que le conseil de M. votre père, le vôtre et celui de M. Falconet, d’imprimer quelques lettres de mon père, est fort honnête à la mémoire de mon père, et qu’il ne saurait apporter que du bien et de la réputation à ceux qui en entreprennent la fatigue, et même à moi. Cependant, il y faut beaucoup de circonspection : c’est ce qui fait que je vous prie très humblement, et nos autres amis, de ne rien faire imprimer que de bien pesé et limé. Où l’imprimera-t-on ? Apparemment à Lyon ? À la bonne heure. Au nom de qui ? La chose m’est indifférente, pourvu que ce soit d’un honnête homme, et d’autant plus si il était ami de mon père. À qui le dédicacera-t-on ? Encore faut-il trouver quelque tête illustre et qui ait quelque part à l’affaire. M. Colbert [7] me paraît fort à propos : [3] je vous en laisse pourtant la conduite et résolution. Ce qui importe le plus est que je souhaite de voir le manuscrit devant que de l’imprimer : tant pour en retoucher ce qui ne convient pas aux mœurs d’aujourd’hui, que pour nous accommoder au temps, en ajoutant, etc. Sauf le jugement de ceux qui prendront la peine de cette direction, j’espère y faire bien du bien ; et comme je suis très désintéressé dans cette affaire, hors la réputation de mon père, j’espère que nos amis et patrons agréeront et prendront part à la chaleur avec laquelle je m’y porterai, et au sentiment que j’ai de ne rien agréer si je n’ai vu auparavant le manuscrit. J’ai de bonnes choses à ajouter, dont même, je remettrai quelques originaux à nos amis, [4] comme M. votre père, vous ou M. Falconet, me contentant de les voir courir par le monde. Sortir ce que j’ai dans le cœur, qui n’est qu’à la gloire du défunt, ne doit donner aucun ombrage à qui que ce soit de raisonnable. Je m’expliquerai aux occasions plus amplement < en > écrivant à M. votre père, quand j’aurai reçu sa lettre, ou à M. Falconet, dès que j’en aurai le loisir. Cependant, obligez-moi de leur faire ce prélude de mes sentiments et de < les > hâter un peu dans le dessein où ils sont d’honorer sa mémoire. »
« Ceux qui prennent quelque part à la mémoire de défunt mon père doivent être fort obligés à vos soins, moi plus que pas un. Vous ne vous souciez pas de privilège, ni moi non plus, mais pour une autre raison que vous. Si nous en ôtons, dites-vous, le mot pour rire, le reste pourra paraître fade. Je vous réponds que je suis fort revenu de la pensée où je vois bien du monde qui se mettent < sic > en danger de pleurer pour avoir voulu faire rire autrui. En quelque lieu qu’on imprimât ses lettres comme elles sont, même sans nom, sans ville, etc., on saura que c’est ou de vous ou de moi. Je dis plus : comme l’état où je me trouve ferait tomber sur moi le soupçon, je déclare que pour le prévenir, je me trouverais obligé de les désavouer en public et hautement. N’y songeons pas si vous plaît, et n’hasardons pas ce qui nous reste pour le plaisir de souffrir une injure dite gaiement ou une censure de satire, [5] qui, quoiqu’elle fût agréée de la plupart tout bas, serait condamnée de tout le monde hautement. Ainsi, au lieu de faire honneur à la mémoire de mon père, j’en appréhenderais le déshonneur. Pour moi en particulier, cela ne ferait qu’un très mauvais effet : il y a assez de gens au monde qui trouveraient volontiers occasion de mordre sur moi, et je veux être si homme de bien qu’ils s’en mordront les doigts. Je me souviens trop qu’en 1642 on coupa la tête à Lyon à M. de Thou, [8] en vengeance de ce qu’on trouve dans les écrits de son grand-père < sic pour : père > : [9] Antonius Plessianus vulgus dictus monachus, etc. [6][10] Si le cardinal de Richelieu est mort, [11] pensez-vous que le soient aussi tous les vindicatifs et les méchants ? Je ne lèverai [7] pourtant que peu de chose et y laisserai bien des mots pour rire, puisque le monde en est si friand. Je suis de votre avis, il ne les faut pas tant limer ; pourtant, en beaucoup d’endroits, elles ont besoin ou d’ornement ou de règle. Je ferai tout cela facilement et promptement. En huit jours, je redresserai les 70 que vous m’avez envoyées et que j’ai toutes lues. Comme vous savez, les pensées de l’auteur m’étaient assez connues pour y pouvoir ajouter quelque chose çà et là, selon le besoin de ficeler ; comme en d’autres endroits, je serai obligé d’en raturer. Envoyez-m’en à l’occasion le plus que vous pouvez. De ma part, j’en ajouterai quelques-unes qui y tiendront bien leur place. Mon nom absolument n’y doit pas être. Il ne tiendra qu’à vous d’y mettre le vôtre : comme nous en aurons levé toute l’acrimonie, il y pourrait être à mon sens ; cela ne vous commettra pas pour autant ; et qui recueillerait facta et dicta de quelqu’un n’autorise rien pour y mettre son nom ; partant, comme vous voudrez. [8] Vous m’avez parlé d’une lettre de M. votre père, je ne l’ai pas reçue ; vous verrez mes sentiments dans cette lettre ci-jointe pour M. Falconet ; et autant que vous le trouverez à propos, vous me ferez plaisir de vous y conformer.Quand j’aurai reçu toutes les vôtres, je les mettrai par ordre de leur date, car la confusion des temps leur diminue beaucoup de grâces. De plus, quand il s’en rencontre de pleines d’autres choses qui ne doivent pas être publiées, où pourtant il y a quelque bon mot, on peut le transporter à une autre, adroitement ; et en coudre, si il vient à propos, deux ou trois ensemble. La pratique fera voir que cela est plus aisé que je ne l’écris. » [9]
« Je suis tout de bon à la revue des lettres de G.P. Il y a certainement trop de libertés, mais pour ne pas ôter, comme vous dites, tout le sel et le mot pour rire, j’y en ai laissé, plus pour vous que pour moi. J’en ai admis beaucoup de passages, et espère n’en avoir pas ôté la grâce. J’ai rayé beaucoup de badineries qui, tout au plus, n’étaient bonnes qu’entre deux bons amis. J’y ai ajouté quelques périodes, plutôt pour honorer quelques particuliers que pour < ne > choquer personne ; aussi, j’espère que personne ne s’en plaindra. Je serai<s> d’avis que dans les transitions et changements de matière de chaque lettre, vous fissiez des a linea : [10] j’en ai marqué les endroits par cette note : /. Je n’ai pas tout corrigé grammaticalement, tant parce que je n’en ai pas le loisir que parce que je n’en suis pas capable. Pourtant, j’espère qu’on agréera mes animadversions. Je n’ai rien ajouté qui ne me paraisse avoir pu être dit par l’auteur, dont j’ai fait comme le génie. [11] Il serait trop long de vous dire les raisons des changements que j’y fais, mais je vous peux assurer que je n’en fais pas un sans raison. Sçavoir, sçavant, requiert un ç à mon avis, vous l’omettez toujours : être exprès ? être par inadvertance ? [12]Ne vous étonnez pas de trouver des demi-feuilles en ces lettres : j’en ai retranché six demi-feuilles blanches, et qui ne servent à rien qu’à augmenter le port de la poste, vous assurant que je n’en ai retranché aucune. À l’égard du billet de votre main qui portait des extraits de diverses lettres, j’en ai inséré les articles que j’ai trouvés à propos dans les lettres correspondant à la date : ainsi je n’ai rien supprimé, mais seulement rangé. Pour deux lettres originales, elles ne se peuvent souffrir : la perte de son fils [12] lui avait ôté ce jour-là l’esprit qu’il avait d’ordinaire [et qu]’on doit avoir quand on écrit, même à son ami particulier, [il faud]ra prendre garde de plus près quand on écrit pour le public. […] est trop libre, etc. J’en ai tiré de chacune ce que j’ai […] aux autres. Si cela vous contente, comme apparemment […]llerai ces deux lettres originales, sinon je vous les […] voulant pas même garder. Mandez-moi votre [avis]. [13]
Réservez-vous pour la dédicace, je vous la remets entièrement. Outre la lettre de la dédicace, il me semble qu’il faut un avis de l’imprimeur au lecteur touchant mon père, quelque chose de sa vie, du dessein de ce livre, et y joindre l’espérance de lettres plus amples, comme en effet nous en aurons. Je serais même d’avis qu’on invitât ceux qui ont de ses lettres de nous en envoyer, savoir en Angleterre à votre M. Wheler, [13] qui le souffrirait apparemment, à votre recommandation, [14] à M. Utenbogard, [14] à M. Scheffer à Francfort, [15] à M. Fesch à Bâle, [16] à vous à Lyon, à M. Hommetz [17] à Paris et moi à Padoue. [15] Faites-y réflexion. »
« Par la vôtre du 27 juillet, vous me mandez avoir reçu les lettres de G.P., et que vous en suivez les corrections, mais vous ne me mandez pas si elles sont à votre goût : ainsi, je demeure embarrassé faute de deux mots < de votre part >. Pourtant, pour vous servir plus tôt, je n’attendrai pas votre réponse pour revoir celles qui sont au paquet que vous m’avez envoyé : je les expédierai de la même méthode que les précédentes ; soyez certain que dans huit jours ce sera fait, quoique, pour vous en dire la vérité, il y ait bien de la besogne. Un mot m’a quelquefois fait méditer plus de demi-heure, non pas à l’égard de la grammaire, mais de la politique et de la conséquence. Comme vous dites, il y a assez de lettres pour faire un volume ; celles qui viendront après en feront un second : ce qu’il faut indiquer dans la préface que vous prendrez la peine de faire ; si vous ne nous la voulez pas donner, ni aucun autre ami de Lyon, il faudra bien que je le fasse ; mais il vaudrait mieux qu’elle fût faite là, que je la revisse ensuite ; ainsi de la dédicace, dont j’attends votre avis et les matériaux. D’ici à huit jours j’aurai revu ces lettres, et m’informerai de quelque occasion sûre pour vous les renvoyer : les postes sont trop chères, et c’est autant d’argent perdu. […] [16] À ces lettres de G.P., je vous conseillerai d’y faire mettre le portrait : [18] j’ai ici un assez bon graveur, mandez-moi la mesure précise, et je le ferai incontinent graver ; et pour cela, ou le déboursé, ou des copies, ou des médailles, j’aimerais mieux le dernier. [17] Voici deux vers pour le dessous : Hic est Patinus Clarus Asclepi nepos, Per quem non licet perire mortalibus. [18][19][20] Si vous y en voulez de meilleurs, faites-les. […] Je vous procurerai d’autres lettres de G.P. pour un 2e tome ou pour toute autre impression. Si je peux, même, j’en ferai venir d’Allemagne, il y en a là un bon nombre. »
« Pour les lettres de G.P., elles sont lues et critiquées, bien ou mal, je m’en rapporte à vous, je vous les enverrai à la première commodité, et je m’en enquête soigneusement : [19] la poste est trop chère et chagrinante. Il y faudrait une préface, je vous conseillerais de la faire et si vous le voulez, j’y ajouterai je ne sais quoi. Son portrait y aurait pu servir. Quelques médailles me le payeraient, qui me réjouissent plus que de l’argent. [17] Mandez-moi la grandeur du volume, que je suppose être in‑12, et la grandeur précise du portrait ; j’aurai soin de vous envoyer la planche à temps ; le libraire n’en donnera rien si il ne veut : peut-on parler plus honnêtement ?[…] Le graveur de G.P. [18] fera beaucoup mieux que celui des Relations d’Allemagne. [20] […] J’ai refait ici une bibliothèque : [21] après avoir perdu à Paris celle que j’avais faite et l’espérance de celle de mon père, [22] tout ruiné que je suis, j’en ai fait une nouvelle qui épouvante bien du monde. [21] Peu de professeurs de ce pays en ont une aussi belle, et peut-être personne : on sait tout ici sans beaucoup apprendre ; pour moi, je suis grossier, et il me faut des livres et bien du travail pour me rendre digne de mon emploi. »
« Hier, votre paquet de lettres de G.P. est parti. Un R.P. capucin [23] le portera à Turin, [24] d’où il promet de vous le faire tenir. Je tiens cet expédient sûr. Pourtant, dit-il, il ne sera à Lyon que vers le 14e de novembre ; à cela près, et qu’il arrive sans avarie ; même, dit-il, gratuitement. [22]Je serai<s> d’avis qu’on en portât un bon nombre à Paris, comme de 400, auparavant que d’en débiter encore. Je vous ai mandé par ci-devant mes sentiments touchant la préface : vous êtes prié de la faire, je la reverrai volontiers, et m’accommoderai à l’usage et au temps. Surtout, que les lettres soient imprimées dans l’ordre de leur date. Vous trouverez si < sic pour : s’il > vous plaît moyen de faire en sorte que M. Henry, avocat, [25] votre ancien ami, en ait un exemplaire des premiers et de ma part. Il m’a écrit de vous en bons termes. Fama volat, [26] j’y contribuerai volontiers. [23] […]
Je m’avise qu’il faudrait faire la préface de ci-dessus de bonne heure, parce que l’ayant vue vous la rajusteriez, et il serait mieux de la revoir une autre fois. » [24]
« J’espère toujours que vous recevrez mes lettres de G.P. Je me souviens que ces PP. capucins à qui je les confiai voulaient voir la solennité de saint Charles à Milan, [27] qui est le 4 novembre, et c’est ce qui les aura retardés. Delà ils allaient à Turin, d’où ils devaient ménager occasion sûre pour vous les faire tenir à Lyon : à quoi ils auront satisfait, ou j’espère qu’ils satisferont, dum vivo, spero. [25] Si les capucins me trompent après tant d’autres qui m’ont trompé, je fais vœu de ne plus me fier à personne. […]On me promet beaucoup de lettres latines de G.P. Nous ferons le succès des françaises. »
« Cette préface de la vie et mœurs de G.P. requiert grand temps, et je ne l’ai pas à présent. De plus, on verrait que je l’aurais fait < sic >, donc on conclurait que j’aurais fait imprimer les lettres, ce qui me pourrait ruiner dans la conjoncture de mes affaires. J’aimerais mieux la lire de la veine d’un autre ; volontiers pourtant je la reverrais. Il est né le 31 août 1601, et mort le 30 mars 1672. Vous êtes fort propre à cette fatigue, et je la verrais volontiers, et rendrais. » [24]
« J’ai fait copier beaucoup de lettres latines de défunt mon père, que je vous enverrai quand vous voudrez. Il y en a bien plus que de françaises. » [26]
Extrait d’une lettre de Jacob Spon
À Claude Nicaise, [27][28] sans lieu ni date écrits (1679) (Moreau, no 230, page 522 ; ms BnF fr 9360, Correspondance de l’abbé Nicaise, f o 323) :
« On m’écrit que l’on veut imprimer à Rome un volume in‑fo des lettres de Baronius, [29] ou qui lui ont été écrites. [28] De la manière dont m’a écrit M. Chouët, [29][30] je vois qu’il ne se soucie pas d’imprimer les lettres de M. Patin. Si c’était un méchant livre, il l’aurait déjà fait, car les libraires se trompent souvent aux choix de leurs auteurs. Pour moi, je tiens que c’est un livre à en faire beaucoup d’éditions. J’y ferai, s’il plaît à Dieu, travailler ici dans un mois. »
Commentaires
Ces précieux courriers établissent que Charles Patin et Jacob Spon, avec l’approbation et l’aide de Charles Spon et d’André Falconet, les deux amis lyonnais de Guy Patin, ont énergiquement travaillé à éditer un choix de ses lettres entre 1677 et 1679. Dès lors, ce dessein était à deux doigts d’être réalisé : on avait corrigé les dernières feuilles du manuscrit, et on songeait déjà au portrait de l’auteur qui devait orner l’ouvrage et au deuxième tome qui l’enrichirait bientôt ; mais il restait à écrire la préface du livre, à trouver un imprimeur assez audacieux pour le publier, et à libérer Charles de la condamnation qui entravait sa liberté d’agir au grand jour en France.
Yves Moreau a fourni la preuve formelle que le projet a bien été mené jusqu’à son terme dans la lettre no 371 de sa thèse (page 759), écrite par Jacob au libraire genevois Jean-Louis Du Four, [30][31] datée de Lyon le 7 mars 1683 :
« Il faudrait dans votre titre Lettres choisies de feu Monsieur Guy Patin, docteur en médecine de la Faculté de Paris et professeur au Collège royal. Si le nom de Genève n’y était pas, elles passeraient en France et en Italie avec moins de difficulté, et même elles se vendront mieux, vos impressions étant fort décriées. M. de Fléchères [32] me dit encore hier qu’il n’avait rien reçu de vous ; et en ayant demandé à la douane des nouvelles, on ne m’en fut < sic pour : voulut ? > point donner. Si vous avez envoyé cet exemplaire pour lui par le chasse-marée, [33] il devrait être arrivé. [31] J’ai jusque là le N, mais il me manque le M. Si vous pouviez m’envoyer cette suite par un courrier comme le précédent, je vous prie de lui recommander. [32] S’il y a quelque ami qui s’en veuille charger d’un ou deux exemplaires pour moi, vous pourrez lui remettre. D’abord qu’il sera fait et la planche tirée, vous pouvez en faire un paquet d’une vingtaine que vous enverrez par commodité à Padoue à M. Charles Patin, professeur en médecine, de ma part. »
Le décalage de quatre ans entre l’achèvement de l’édition (1679) et la parution de l’ouvrage (1683) est sans doute lié à l’amnistie de Charles Patin, qui ne fut prononcée qu’en juin 1681, [33] puis à la difficulté de convaincre un imprimeur. En poussant un peu loin le bouchon, j’en conviens, on peut voir dans cette parution retardée une vengeance longuement ruminée de Charles contre une cour et une Faculté de médecine qui lui avaient valu une immense infortune ; mais ce fut un éphémère délice qu’il paya fort cher.
Dans son acharnement à reprendre rang sur le tableau des docteurs régents de la Faculté de médecine de Paris, [34] Charles alla jusqu’au parjure, en écrivant le 1er juin 1686 au doyen Claude Puilon : [34][35]
« On m’objecte principalement d’avoir édité ou aidé à faire paraître un petit livre contenant les lettres françaises de mon père, Guy Patin. Comme elles sont entrelardées de médisances, je dois être châtié sans mériter la moindre pitié de la très salubre Faculté si j’en ai été l’instigateur, l’auteur ou le divulgateur. […]J’atteste solennellement n’avoir été ni l’auteur ni le divulgateur des injures dont on m’accuse injustement. Cela devrait suffire si on accordait quelque foi à ma parole, mais j’affirme en outre n’avoir jamais possédé ce livre, ni l’avoir attentivement lu ; il a seulement fini par me tomber entre les mains pendant deux heures, un jour qu’on me l’avait prêté. Tous ceux qui connaissent ma vie savent bien que je n’ai hérité ni lettres, ni opuscules, ni manuscrits de mon père, ni même la moindre chose qui lui appartînt. »
Le labourage des archives sait décidément déterrer de cruelles découvertes.
V. notes :
Au début des années 1660, Jacob était venu étudier à Paris sous le patronage de Guy Patin. Charles avait alors fait la connaissance du jeune homme, que son calvinisme contraignit à partir pour Montpellier afin d’y être gradué en médecine.
Outre la présente annexe, la précieuse thèse d’Yves Moreau a alimenté plusieurs notes de notre édition : v. notre Actualité du site, en date du 22 mai 2017.
Lors de nos longs échanges du printemps et de l’été 2020 (v. note [38], lettre 477), Gianluca Mori a très pertinemment attiré mon attention sur les propos de Charles Patin qui prouvent sans l’ombre d’un doute sa contribution majeure à l’édition des Lettres choisies de son père. Je suis profondément reconnaissant à G. Mori de m’avoir permis d’éclaircir ce point de bibliologie.
Jean Baptiste Colbert (v. note [26], lettre 549), alors au faîte de sa carrière, était le ministre d’État dont Charles Patin voulait se gagner les faveurs : il espérait son intercession pour obtenir la grâce de sa condamnation de 1668, liée aux mauvais services qu’il avait rendus à la Couronne (détaillés dans les Déboires de Carolus).
Charles avait déjà dédicacé à Colbert sa splendide édition illustrée de la Stultitiæ Laus [L’Éloge de la folie] d’Érasme (Bâle, 1676), s’y disant alors in hoc rerum mearum naufragio [dans ce naufrage de mes affaires] (v. note [142], ibid.). Les Lettres choisies de 1683 n’ont pas d’épître dédicatoire. Je peine à m’imaginer le ministre acceptant de voir son nom figurer en tête de ce livre, quelle que fût sa bienveillance à l’égard de Charles.
V. infra note [9] pour la méthode que Charles Patin a suivie pour amender les Lettres choisies de son père.
Dans « censure de satire », « censure » est à prendre au sens de « jugement » : « censure signifie aussi la correction ou réprimande que fait un supérieur ou le public ; il faut déférer à la censure de nos supérieurs, de ceux qui sont plus sages que nous ; tous les auteurs sont exposés à la censure du public » (Furetière).
Les jugements moqueurs ne font défaut dans presque aucune des lettres de Guy Patin réunies dans notre édition. Les plus acerbes, notamment contre les ecclésiastiques et les gouvernants du royaume, ont été éliminés de celles qui ont paru avant le xxe s.« Antoine du Plessis, vulgairement dit le moine, etc. »
V. notes [13], lettre 77, et [2], lettre 961, pour cette citation sur Antoine du Plessis de Richelieu, grand-oncle du cardinal-ministre, et [12], lettre 546, pour les convictions de Guy Patin à son sujet : il tenait la décapitation de François-Auguste de Thou en 1642, châtiant son étroite complicité dans la conspiration de Cinq-Mars (v. note [12], lettre 65), pour une revanche de Richelieu contre la famille du supplicié, car Jacques-Auguste i de Thou, père (et non grand-père) de François-Auguste, avait médit du moine soldat dans son Histoire universelle, à l’année 1560 (conjuration d’Amboise).
« Je n’enlèverai ».
Charles Patin n’avait pas oublié sa première formation d’avocat :
Charles Patin a ici décrit précisément la méthode qu’il a suivie pour éditer les lettres de son père : il voulait en ôter tout ce qui pourrait être insultant ou compromettant, en fabriquant, si besoin, des lettres factices qui recousaient les bons morceaux de celles qu’il châtrait, sans compromettre en apparence la cohérence du tout. Le titre de Lettres choisies lui donnait cette licence.
Joseph-Henri Reveillé-Parise ne s’est pas privé d’en faire autant dans son édition de 1846, dont le titre ne disait pas que les lettres en étaient « choisies », mais avec ce préambule de Jean-Baptiste Baillière (tome 1, première page de l’Avertissement de l’éditeur) :
« Si, à l’imitation des anciens éditeurs, nous ne publions qu’un choix de ses lettres, nous n’ignorons pas cependant qu’on pourrait en imprimer davantage : mais, nous l’affirmons, l’ouvrage, quoique alors plus volumineux, ne serait pas plus complet que ne l’est notre édition. N’est-il pas reconnu que le mérite d’un ouvrage s’estime par ce qu’il contient, et non pas par le nombre des volumes ? »
Charles travaillait, semble-t-il, sur les originaux des lettres (v. infra note [13]) que lui envoyait Jacob Spon, après les avoir lui-même triées et annotées. Il est impossible de reconnaître précisément ses corrections et ses censures, mais les nombreuses biffures, substitutions de mots et consignes de transfert qu’on voit sur les lettres manuscrites de Guy Patin viennent en partie de son fils (ou du moins pointilleux Jacob Spon), et non des éditeurs ultérieurs.
Tout compte fait (et refait), nous disposons aujourd’hui des manuscrits de 36 des 193 lettres que contient l’édition de 1683 : voilà amplement de quoi travailler pour qui voudrait mener une méticuleuse recherche sur la manière dont Charles a édité les lettres de son père ; je me suis limité à un seul examen précis de la question dans la note [34] de la lettre 334, et y ai bien mesuré la difficulté de cet exercice.
Il est impossible d’identifier les lettres que Charles a personnellement ajoutées à la Correspondance aujourd’hui connue ; sans parler bien sûr de celles qu’il en a retranchées. Néanmoins, on comprend pourquoi rien n’y figure des courriers qu’il a lui-même échangés avec son père (qui n’en a écrit à ses amis que rarement et par discrètes allusions). Ils furent probablement nombreux, mais détruits, car clandestins et transmis par des mains sûres, en raison de la condamnation aux galères perpétuelles qui a pesé sur Charles : prononcée le 28 février 1668 (v. notes [136]‑[140] des Déboires de Carolus), elle le menaçait encore de lourdes sanctions à la mort de Guy Patin (le 30 mars 1672). L’amnistie de Charles n’a été prononcée qu’en juin 1681 (v. note [145], ibid.).
Les paragraphes manuscrits de Guy Patin correspondaient à une session continue de rédaction : ses alinéas ne suivaient pas ses idées, mais sa plume et son envie d’écrire, avec une constante volonté d’économiser le papier. Un saut de ligne y correspond à un changement d’heure ou, plus souvent, de jour.
Comme tous les précédents éditeurs des Lettres, j’ai été confronté au dilemme de leur mise en page : pour celles dont l’original est encore disponible, j’ai généralement respecté les paragraphes compacts de Patin, en dépit de ses incessants changements de sujet ; pour les autres, j’ai choisi la présentation qui m’a semblé la plus confortable à lire.
« Génie » ne peut ici être pris que dans son sens militaire : « art de fortifier, d’attaquer, de défendre par des ouvrages les places, les postes, les camps ; et l’exercice de cet art, les fonctions, les emplois de ceux qui l’exercent, qu’on appelle ingénieurs » (Trévoux).
Curieux emploi d’« être » pour « est-ce ? », ou « peut-être ? ».
Hormis quelques remplacements de mots jugés importuns, les manuscrits des lettres de Guy Patin ne montrent aucune addition conséquente, qu’elle soit attribuable à Charles ou à un éditeur ultérieur : leurs seules surcharges indiquent des suppressions ou des transferts.
Dans notre édition, j’ai partout modernisé la syntaxe de Guy Patin (et de tout le vieux français que j’ai transcrit dans les notes) ; mais j’ai fait une exception pour le Journal des Sçavans, où Sçavans rappelait probablement de mauvais souvenirs à Charles Patin (v. note [6], lettre 814).
Une large déchirure oblique du coin inférieur gauche de la feuille a mutilé le début des sept dernières lignes : les crochets marquent ces lacunes ou mes propositions de restauration du texte.
En dépit de ces défauts, on comprend que Charles Patin a refusé la publication de deux lettres originales que son père a écrites à la mort de son fils aîné Robert, le 1er juin 1670. Seuls en ont subsisté deux courts témoignages que Guy Patin a confiés à André Falconet (issus des éditions imprimées et non de manuscrits). Il y a exprimé :
Les deux lettres supprimées par Charles devaient être celles où son père a confié ses mêmes tourments à Charles Spon, car aucune de celles qui nous restent ne parle de ce drame. Dans l’avant-dernier paragraphe de celle du 4 juin 1670, Guy écrivait à Falconet :
« Je suis si fort abattu de douleur de cette mort et si fort fatigué des voyages que cette maladie m’a fait faire que je ne suis capable de rien. Je vous prie d’en témoigner ma douleur à notre bon ami M. Spon auquel je n’écris rien de ce malheur tant que je suis affligé, et dont même je ne demande point de consolation. »
Cette curieuse assertion pourrait être un pieux raccord de Charles pour justifier que les courriers de son père à Spon ne disent rien d’un événement familial aussi considérable. Il est impossible de le vérifier car toutes les lettres à André Falconet, à l’exception d’une seule, ont été accidentellement brûlées : v. l’Éditions avortées des Lettres et la destruction partielle de leurs manuscrits en 1895.
V. infra note [24] pour la préface des Lettres, ici appelée « avis de l’imprimeur au lecteur ».
George Wheler (Bréda 1651-Durham 1724), ecclésiastique anglican qui avait la passion des antiquités et des voyages, était intime ami de Jacob Spon. Il a notamment publié :
A Journey into Greece by George Wheler Esq. in company of Dr Spon of Lyons. In six books. Containing i. A Voyage from Venice to Constantinople. ii. An Account of Constantinople and the Adjacent Places. iii. A Voyage through the Lesser Asia. iv. A Voyage from Zant through several Parts of Greece to Athens. v. An Account of Athens. vi. Several Journeys from Athens, into Attica, Corinth, Bœotia, etc. With variety of Sculptures.[Un voyage en Grèce, {a} par le sieur George Wheler, en compagnie du Dr Spon de Lyon. En six livres contenant : i. un Voyage de Venise à Constantinople ; ii. une Description de Constantinople et de ses environs ; iii. un Voyage au Proche-Orient ; iv. un Voyage depuis Zante {b} passant par plusieurs contrées de la Grèce jusqu’à Athènes ; v. une Description d’Athènes ; vi. plusieurs périples depuis Athènes, en Attique, à Corinthe, en Béotie, etc. Avec diverses gravures]. {c}
Notre édition ne contient aucune correspondance de Guy Patin avec Wheler ni avec aucun autre Britannique. Sauf à croire que Wheler conservait une partie des lettres que Patin avait échangées avec ses nombreux amis hollandais, je ne comprends donc pas pourquoi Charles écrivait que cet Anglais « soufrirait aparemment » {d} de communiquer de tels courriers à Jacob Spon.
- 1675-1676.
- V. notule {a}, note [11], lettre 821.
- Londres, William Cademan, Robert Kettlewell et Awnsham Cruchill, 1682, in‑4o illustré de 483 pages ; ce récit est la traduction de son Voyage de Dalmatie, de Grèce et du Levant… avec Spon (Lyon, 1678, v. note [28], lettre 433).
- Sic dans l’orthographe encore tolérée au xviie s.
Notre édition contient de copieux échanges de Guy Patin avec Christiaen Utenbogard (58 lettres) et avec Sebastian Scheffer (55 lettres). Il ne s’y trouve pas trace d’une correspondance avec Pierre Hommetz (v. note [6], lettre 698), son collègue parisien et le beau-père de son fils Charles. Comme ce médecin était mort en 1666, Charles devait parler de son beau-frère, François Hommetz, avocat en Parlement, à qui Carolus pouvait avoir confié une partie de ses archives personnelles.
Patin a correspondu avec quatre médecins de Bâle : Johann Caspar i et Hieronymus Bauhin (22 lettres), Johannes Rodolphus Burcardus (1 lettre), et Bernhard Verzascha (6 lettres). Tous étaient encore en vie en 1677, à l’exception de Hieronymus Bauhin, et aucun n’avait de parenté connue avec la famille Fesch ou Faesch, alors l’une des plus riches de Bâle. Charles Patin la connaissait et en a parlé avec admiration dans ses Relations historiques et curieuses de voyages, en Allemagne, Angleterre, Hollande, Bohême, Suisse, etc. (Lyon, Claude Muguet, 1676, in‑12, seconde édition ; v. note [9], lettre 996 pour la première, parue à Bâle en 1673), troisième relation, pages 120‑122 :
« Le célèbre professeur M. Bauhin s’est fait assez connaître par ses ouvrages, sans qu’il ait besoin ici de moi ; aussi ne lui ferai-je point d’éloge qu’en le faisant connaître pour un des plus polis hommes du monde, qui m’aime, qui aime mon père et qui est aimé de toutes les personnes d’honneur. {a} Ce pays, au reste, en est tout plein. […] Outre que la famille des Fesch est une des plus considérables de la ville, permettez-moi de vous dire qu’elle est aussi une des plus nombreuses. Ce seul exemple le prouvera : Rodolphe Fesch, bourgmestre et fils de bourgmestre, a vu, après soixante ans de mariage avec Anne Gebveiler, cent soixante-cinq enfants nés de lui, de ses enfants ou de ses petits-enfants. L’un de ceux-ci s’appelle Sébastien et est possesseur d’un des plus beaux cabinets d’Allemagne. {b} […] Rien n’y manque : il y a de la peinture, de la sculpture, des livres et des curiosités de toute sorte. Pour les médailles, […] il y en a quelques-unes si singulières qu’elles sont surprenantes, sans qu’elles aient aucun rapport aux mémoires que j’ai des autres cabinets, ou aux descriptions des auteurs, ou à celles que j’ai vues ailleurs. Le possesseur n’a pas seulement pour moi cette amitié sincère qu’ont tous les honnêtes gens qui me connaissent ; il a de plus cette douceur de conversation que les Grecs appelaient eutrapélie, {c} ce qui ne s’accommode pas avec ce qu’on dit des Suisses. »
- Dans le 4e paragraphe de sa lettre datée du 10 mars 1648, Guy Patin s’est plaint à Charles Spon de la rareté et de la sécheresse des réponses de Johann Caspar i à ses courriers.
- Pour les Français d’alors, l’Allemagne pouvait inclure la Suisse alémanique, bien qu’elle ne fît pas partie de l’Empire germanique.
Sébastien Fesch (Faesch ou Fäsch, 1647-1712) professait le droit à Bâle et administrait le cabinet fondé en 1653 par son oncle Remigius Fesch (1595-1667). Sébastien a signé le quatrain mélancolique imprimé sous les deux portraits distincts de Charles Patin mis en tête de ses Relations historiques, publiées à Bâle en 1673 et à Lyon en 1676 :
Non quis frontis honor, decor oris, lumina mentis
Sint ea, Principibus quæ placuere, rogat.
Hic lege fata ; æquis nonne est tibi dignus, iniqua
Ferre potens ? Sed quæ, dic mihi Phœbe, manem.[Noblesse du visage, élégance du discours, lumières de l’esprit : nul ne demande si elles n’étaient pas là pour plaire aux princes. Choisis maintenant la mort : en pouvant supporter les injustices, ne t’es-tu pas rendu digne d’être traité avec justice ? Mais, dis-moi Phébus, quels pleurs je répandrais alors].
- Ευτραπελια : « manières gaies, agréables, ingénieuses, affables, façon d’agir plaisante, facétieuse, qui plaît. Ce mot ne se dit guère qu’entre les savants. Il est grec, et vient d’eu, bien, et trépô, je tourne. L’eutrapélie est une qualité qui fait bien tourner ce que l’on dit. L’eutrapélie est une manière de plaisanter agréablement. L’eutrapélie, pour être parfaite, demande un esprit délicat et fin. En grec, ce mot se prend aussi en mauvaise part, pour scurrilité [farce de mauvais goût], dicacité [raillerie]. Aussi est-il vrai que l’eutrapélie dégénère souvent en bouffonnerie ; mais en notre langue on ne lui donne point ce mauvais sens. Comme on pourrait faire de grands recueils des eutrapélies des Anciens, on pourrait aussi composer des volumes de leurs inepties » (Trévoux).
Cet extrait et ses deux premières notules peuvent aider à comprendre pourquoi Charles Patin aurait préféré l’intermédiaire de son influent ami bâlois pour solliciter l’ombrageux et hautain Bauhin, dont le fils Hieronymus avait épousé Anna Fesch, fille de Hans Ludwig (v. notule {d}, note [1] de la notice biographique des Bauhin).
Charles semblait curieusement ignorer l’existence de deux correspondants français importants de son père : Claude ii Belin et Hugues ii de Salins.
Charles Patin consacre ici quelques lignes à ses achats de médailles, à ses lectures et à ses recherches de livres.
V. infra note [24] pour la préface des Lettres, dont la rédaction préoccupait fort Carolus.
Charles Patin souhaitait se faire dédommager de ses éventuels frais de gravure avec des médailles (dont il était grand collectionneur depuis sa jeunesse), plutôt qu’avec de l’argent (« déboursé ») ou des copies gratuites des Lettres choisies à paraître.
« Voici Patin, illustre descendant d’Esculape !
Grâce à lui, il n’est pas permis aux mortels de périr. »
V. notes [4], lettre latine 243, et [5], lettre latine 443, pour ce distique d’Adrien de Valois (v. note [42], lettre 336), qui n’étouffait guère la modestie de Guy Patin : c’étaient ceux qu’il souhaitait voir figurer sous son portrait.
La gravure exécutée en 1631-1632 (v. note [2], lettre 231) a servi de modèle pour le portrait qui illustre la première édition des Lettres ; mais il a été exécuté à Lyon, et non pas à Padoue (v. note [a] de la Préface de la première édition des Lettres), et n’est pas accompagné des vers de Valois.
« S’enquêter » était synonyme de s’enquérir : « s’informer, demander une chose qu’on ne sait pas à une personne qu’on croit la savoir » (Furetière). La suite fait comprendre que Charles Patin cherchait le meilleur moyen de renvoyer à Jacob Spon les dernières lettres qu’il avait relues et corrigées.
V. supra notule {b}, note [15], pour le médiocre portrait de Charles Patin qui orne ses Relations historiques… (Lyon, 1676).
Épouvanter signifiait « étonner », au sens fort de « faire peur » (Furetière). L’emploi de ce verbe peut traduire la frustration de Charles, exilé à Padoue, avec la volonté d’être craint et respecté par ses collègues italiens ; mais sa maîtrise de la plume était loin d’égaler celle de son père.
V. La bibliothèque de Guy Patin et sa dispersion : Charles n’en avait rien récupéré, son frère aîné, Robert, l’avait acquise et sa veuve l’avait vendue à l’encan, du vivant même de son beau-père.
Charles Patin employait ici le mot avarie dans le second de ses sens commerciaux d’origine : « [1] dommage arrivé à un vaisseau ou aux marchandises dont il est chargé ; et encore [2] le coût, les dépenses extraordinaires et imprévues faites pendant le voyage, soit pour le vaisseau, soit pour les marchandises, soit pour tous les deux ensemble » (Furetière).
« À cela près » veut dire hormis ce long délai d’un mois (que compensait la gratuité du transport).
Virgile, Énéide, chant iii, vers 121‑124, sur Idoménée, roi de Crète :
Fama volat pulsum regnis cessisse paternis…[Le bruit se répand {a} que, chassé, il a fui du royaume de ses pères…]
- La locution fama volat a changé de sens pour signifier, comme ici, « la renommée vole (de bouche en bouche) ».
V. note [6], lettre 157, pour François Henry, érudit avocat lyonnais mort en 1686, dont Guy Patin a surtout parlé, avec estime, comme éditeur des œuvres de Gassendi en 1658, mais il le vouait aux gémonies pour avoir édité celles de Paracelse (Genève, même année, v. note [8], lettre 392).
En écrivant « j’y contribuerai volontiers », Charles pouvait vouloir dire à Jacob Spon qu’il désirait : soit participer aussi à accroître la bonne renommée de son jeune ami ; soit lui rembourser de bon cœur l’exemplaire des Lettres qu’il lui demandait d’envoyer à Henry de sa part.
Charles Patin voulait alors rapidement voir ce que deviendrait l’Avis au lecteur des Lettres de feu M. Guy Patin) après que Jacob Spon l’aurait « rajusté » (revu et corrigé). La Préface de la première édition des Lettres (1683) et ses auteurs conclut que ce texte a été écrit par les deux amis, et qu’il s’agit bien de celui dont Charles parlait ici.
« Tant que je vis, j’espère » : fameux dicton antique attribué à Théocrite, et moins littéralement traduit en « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ».
V. note [20], lettre 183, pour Charles Borromée, évêque de Milan mort en 1584, canonisé en 1610.
Les recherches assidues que nous avons menées auprès des bibliothèques d’Europe qui conserveraient des lettres oubliées de Guy Patin n’ont pas été infructueuses, mais sans mettre au jour une seule de ces copies latines recueillies par Charles Patin. Je me console en espérant qu’il s’agissait principalement de celles dont son père avait lui-même gardé les brouillons, conservés dans le ms BIU Santé no 2007 (recueil Peÿrilhe), où notre édition a puisé la plus grande partie de sa correspondance latine.
V. note [1] du Point d’honneur médical de Hugues ii de Salins pour l’abbé Claude Nicaise, chanoine de la Sainte-Chapelle de Dijon.
V. note [6], lettre 119, pour le cardinal Cesare Baronio, auteur des célèbres Annales ecclesiastici [Annales ecclésiastiques] (Rome, 1596-1607). Ses Epistolæ et opuscula pleraque nunc primum ex archetypis in lucem eruta… [Lettres et nombreux opuscules, tirés des originaux et publiés pour la première fois…] n’ont paru qu’en 1759 (Rome, Komarek, 4 tomes in‑4o).
L’imprimeur genevois Léonard Chouët (1645-1691) était le fils et successeur de Samuel (v. note [20], lettre 301).
L’imprimeur genevois Jean-Louis Du Four fit faillite en 1684 et fut emprisonné l’année suivante, avec Gabriel de Tournes, fils de Samuel, pour trafic de livres interdits.
Le nom de J.-L. Du Four est imprimé sur la couverture de la première édition des Lettres choisies…, mais avec Francfort à la place de Genève pour lieu de son impression.
Mathieu de Sève, baron de Fléchères (1633-1698), magistrat lyonnais, fut premier président au présidial et prévôt de marchands de Lyon.
Dans son article intitulé Le marché du poisson à Lyon au xviie siècle, contrôle et enjeux d’une filière et d’un espace marchand (Rives méditerranéennes, 2012, no 43, pages 13‑25), Anne Montenach a précisément décrit les statuts, l’économie et le fonctionnement du chasse-marée (v. note [52], lettre 292) qui véhiculait, entre Lyon et Genève, le poisson pêché en Méditerranée, dans le Rhône et la Saône, et dans les grands lacs alpins. Ce colportage servait aussi de messagerie pour les paquets et les lettres.
Les lettres choisies… de 1683, in‑12 de 522 pages, comptent 22 cahiers (feuilles) de 24 pages, signés de A à Y (en omettant les lettres J, U et W). Du Four les expédiait non reliées et fragmentées. Jacob Spon avait reçu l’Avis au lecteur et les feuilles signées A à N (pages 1‑312), mais il y manquait la feuille M (pages 265‑288).
V. la note [145] des Déboires de Carolus pour la « Lettre de rémission en faveur de Charles Patin, médecin » imprimée dans la Correspondance administrative sous le règne de Louis xiv… (Paris, 1851).
La première édition des Lettres choisies en contient 193. La répartition de leurs destinataires, principalement André Falconet et Charles Spon (188 lettres à eux deux), est détaillée dans la note [152], ibid.
V. note [159] des Déboires de Carolus pour ces navrants passages de sa lettre, que j’ai traduite du latin.