L. française reçue 58.  >
De André Falconet,
le 20 juillet 1660

Monsieur, [a][1][2]

Je viens de recevoir votre dernière du 16e par la voie de M. Troisdames [3] à qui vous voulez bien que je continue à offrir mes très humbles services ; et par le service ordinaire, votre grande de quatre pages que je fis hier lire à notre bon ami M. Spon, [1][4] et qui vous salue très humblement, dans un acte de l’explication de l’aphorisme [5] fait par un nommé Marquis, [6] fils et petit-fils de médecin, [2][7] docteur de Valence, [8] qui nous a pleinement satisfaits ; et c’est assurément un brave garçon, savant et fort sage. Quelle différence à ce Lucques, [9] toto cœlo aberat[3] et quel plaisir il y a de recevoir dans les compagnies de pareilles gens ! M. Spon fut assurément satisfait, aussi bien que moi ; mais à vous dire vrai, je ne crois pas qu’il en sache tant que ce M. Dodart, [10] votre 2e bachelier qui est entré en licence, suivant votre dernière. Vous êtes à la source.

Enfin, la dame Constantin [11] a été condamnée et je ne doute pas que la sentence du Châtelet [12] ne soit confirmée. Il y a apparence que c’est une méchante femme et le lieutenant criminel [13] a bien raison de trouver bon le passage de Tertullien ; [14] il n’y a rien de si bien appliqué. [4] Mais par qui ? Que ne sait pas M. Patin ? Tout.

Je ne plains pas ce pauvre malheureux Belaître [15] qui veut faire le médecin, qui crie partout qu’il gagne 6 000 livres par an et est gueux. Je le remets au secours du comte de Rebé. [16] Il ne sera pas mal à cheval. [5] Ce serait bien assez qu’il payât ses dettes et qu’il fît ce à quoi il est obligé. Le pauvre fou qu’il est, Dieu le ravise ! [6]

Je crois que Monseigneur l’archevêque [17] doit être présentement à Paris, d’où il ne bougera assurément tant que le roi [18] sera à Vincennes. [19] Ainsi, il faudra profiter de l’occasion. Pour cet effet j’écris à Noël [20] et lui envoie une lettre pour M. Morange, [21] son aumônier, pour le lui présenter et lui en parler, [7] et une autre pour lui. Si, quand il lui présentera ses thèses ou quand il vous plaira, vous lui faisiez l’honneur de souffrir qu’il vous y fît compagnie, je n’ose pas vous donner cette peine. Si ce malheureux et abandonné prêtre [22] valait quelque chose, ne l’assisterait-il pas maintenant, et n’aurait-il pas de l’honneur à tenir cette place et voir réussir son neveu ? [8] Dieu ne le veut pas. Je vous recommande tous, Monsieur, vous êtes le père, le maître, le vrai ami, et je suis assurément votre très humble et très obéissant serviteur.

Falconet.

Lyon, le 20e de juillet 1660.

Mlle Falconet, qui vous salue très humblement, et Mlle Patin, vous offre tout son cœur pour son fils.


a.

Copie manuscrite d’une « Lettre de Falconet à G. Patin (original vendu) » : Coll. Fr. ms Montaiglon, pages 191‑192. La signature, qui était une simple copie de la même plume que le reste, a été barrée et maladroitement remplacée une imitation grossière de celle d’André Falconet.

1.

La lettre de Guy Patin que Charles Troisdames avait portée à André Falconet était celle du 16 juillet  ; ce qui nous reste de sa « grande de quatre pages » était celle du 13 juillet

2.

Claude François Ménestrier (page 40) :

« Jean Marquis, docteur de Paris, {a} exerçait en cette ville environ ce temps-là. {b} Il a augmenté la Chronologie de Génébrard {c} et a fait plusieurs écrits de médecine qu’il n’a pu faire imprimer ; plusieurs graves auteurs font mention de lui. »


  1. Reçu licencié de la faculté de médecine de paris en 1582, mais sans y poursuivre jusqu’au doctorat.

  2. À Lyon vers 1619.

  3. V. note [7], lettre 308.

Ce docteur en médecine de Valence (v. note [18], lettre 371) postulant au Collège des médecins de Lyon pouvait être son petit-fils. L’acte dont parlait ici André Falconet rappelle que le Collège soumettait à un examen rigoureux (ici l’explication d’un aphorisme d’Hippocrate) ceux qui ambitionnaient d’y être agrégé.

3.

« il en était à mille lieues ».

V. le paragraphe daté du 6 juin, dans la lettre 615, pour André de Lucques, autre postulant à l’agrégation lyonnaise.

4.

V. note [3], lettre 623, pour le passage de l’Apologétique où Tertullien condamne l’avortement.

5.

« On dit qu’un homme est mal à cheval, pour dire qu’il n’est pas bien en ses affaires, qu’il est proche de sa ruine » (Furetière).

6.

Dieu lui fasse changer d’avis !

7.

Camille de Neufville, comte-archevêque de Lyon devait présider à la thèse de philosophie que Noël Falconet allait disputer pour sa maîtrise ès arts. Son aumônier, était l’homme à rencontrer pour intercéder auprès du prélat.

Il s’agissait de Bédien Morange (ou Moranges, mort à Lyon en 1703). Le R.P. Gaspard Loarte, de la Compagnie de Jésus, lui a dédicacé ses Instructions pour les confesseurs, {a} en énumérant ses titres :

« prêtre, docteur de la Maison et Société de Sorbonne, prieur et comte de Saint-Jean-hors-les-murs de Genève, {b} chanoine de l’église collégiale de Saint-Nizier de Lyon et vicaire général substitué de Mgr Camille de Neufville, {c} archevêque et comte de Lyon primat de France, etc. »


  1. Lyon, Pierre Guillimin, 1674, in‑12 de 204 pages ; ouvrage que Loarte avait traduit du latin en français sur la demande de Morange.

  2. Prieuré bénédictin rasé par les réformés de Genève en 1534.

  3. V. note [25], lettre 308.

Morange fut membre zélé de la Compagnie du Saint-Sacrement. {a} Il avait alors publié deux livres :

8.

La mauvaise conduite de ce prêtre, qui vivait alors à Paris, causait bien du souci à son frère, André Falconet, et à saon neveu, Noël.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De André Falconet, le 20 juillet 1660

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=9037

(Consulté le 29/03/2024)

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