L. latine reçue 17.  >
De François Teveneau,
le 25 février 1657

[Ms BIU Santé no 2007, fo 382 ro | LAT | IMG]

À Donzy, ce 25 février 1657[1][1]

Monsieur, [a][2][3]

J’ai reçu le livre nouveau de Johannes Vander Linden, lequel vous avez pris la peine de m’acheter, dont je vous remercie très humblement. Je le lirai, Dieu aidant, tout entier ce carême. Vous me l’avez bien dit que c’était un livre qui méritait d’être lu ; aussi faut-il avouer qu’il n’appartient qu’à vous d’en juger. [2][4] J’ai reçu encore des thèses de Messieurs vos fils, que j’ai trouvées fort belles. [3][5][6][7] Si vous en avez quelques-unes à m’envoyer, vous les donnerez, s’il vous plaît, à M. l’avocat Frappier, fils aîné de M. l’élu Frappier, lequel vous rend la présente, avec le rapport que j’ai dressé pour M. son père, d’une indisposition qui le travaille depuis quelque temps. [4][8]

Voici tantôt quatre mois que M. Frappier, noble homme que vous connaissez bien, a été saisi d’une fort atroce douleur aux hémorroïdes internes ; [9][10] elle lui donnait de brefs répits et sévissait plus furieusement la nuit ; puis une chaleur fébrile s’était associée, avec une envie presque perpétuelle d’aller à la selle, où l’intestin s’évacuait non sans grande douleur. Nous avons alors saigné raisonnablement, en tenant compte des forces et de la plénitude des vaisseaux. [11] Au quatrième jour suivant l’invasion du mal, un pus louable a été [Ms BIU Santé no 2007, fo 382 vo | LAT | IMG] expulsé en torturant horriblement le malade. Une fois le pus évacué et la douleur soulagée, il est retourné à ses occupations ordinaires ; et comme l’équitation est pour lui le plus agréable des exercices, il s’est rendu à La Charité à cinq lieues de distance de cette ville, [5][12] secoué sur la selle de son cheval. Il s’est arrêté là-bas pendant un jour et la douleur passée est réapparue, mais plus légère. Le lendemain, porté par le même cheval, il est rentré ici, où une plus grande âpreté des douleurs, des insomnies et une fièvre ont assailli le malade. Chaque fois que ces symptômes pressaient, nous avons saigné une veine. Ce même remède les atténuait certes, mais tous revenaient aussitôt pour le persécuter plus cruellement encore. Ayant donc alors délaissé la phlébotomie pour un temps, nous avons recouru à la fomentation avec lait et eau tiède, ainsi qu’au demi-bain d’eau douce tiédie, qui ont adouci la douleur. [13][14] Ces remèdes parégoriques [6][15] ont fait saillir dans l’anus des hémorroïdes qui n’étaient pas fort enflées ni irritées, dont la piqûre provoquait immédiatement une douleur atroce qui écartelait le malade ; ce qui nous a menés à penser que quelque autre inflammation [16] se cachait encore, que révélaient l’intense chaleur de cette partie, la rougeur de son voisinage et une légère fièvre. Après huit jours, du pus s’écoula, tantôt pur, tantôt mêlé de sang. Les morsures en étaient si acérées qu’elles faisaient presque tomber le malade en syncope. [17] Quand, par un heureux hasard, la cicatrisation établie auxdites parties eut supprimé l’écoulement de pus, une tuméfaction contiguë aux hémorroïdes externes s’est élevée sous la peau, [Ms BIU Santé no 2007, fo 383 bis ro | LAT | IMG] vers l’extrémité de la hanche, provoquant une très vive douleur, à la manière d’un furoncle. [18][19] Deux jours plus tard, cette tuméfaction a rejeté une très grande quantité de pus dilué dans beaucoup de sérosité ; après son évacuation, la nuit a été calme, la douleur a été soulagée et les hémorroïdes se sont désenflées jour après jour. Il n’a subsisté de visible à leur voisinage qu’un ulcère, sans douleur, tantôt sec, tantôt rendu humide par un pus blanc qui s’en écoulait doucement et régulièrement. Pour la guérison de cet ulcère, nous avons besoin de votre aide, qui a procuré le salut à beaucoup de gens, sans vous dire la créance que vous en tirerez. En attendant, vale et continuez d’aimer celui qui vous aime en retour,

François Teveneau.

Je vous envoie l’avis de M.  Seurat, médecin en cette ville, [20] concernant M. Mormot, pour qui vous m’envoyâtes le vôtre dernièrement. Il lui a dit qu’il l’avait reçu, mais qu’il ne pouvait s’assujettir à tant de saignées et purgations. [21] Lui, pour renchérir sur vous, qu’il dit néanmoins être son maître, écrivit ce que je vous envoie avec la réponse que je lui fis. Vide juvenis istius impudentiam. [7][22]

[Ms BIU Santé no 2007, fo 383 vo | LAT | IMG]

a Dans un premier temps, une ardeur a irrité la peau des jambes de cet illustre Monsieur, sous la forme de pustules progressant de proche en proche, qui se sont réduites d’elles-mêmes à l’état de papules ; elles s’accompagnent en effet d’un prurit, qui a été durable et dépourvu de fièvre ; c’est à peine si du pus ou des sanies sont sorties de ses pustules. [8][23][24]

Pour repousser cette grave maladie, vous prendrez en considération le foie, comme étant le canton où se forme en premier b l’écoulement de la bile au travers du méat cholédoque, d’où elle se précipite dans les intestins ; comme cela lui a été refusé, il en a résulté que, depuis sa vésicule, [9][25][26] c elle s’est brutalement élancée autour du foie, ce qui a provoqué d l’apparition d’une tuméfaction hépatique ; e mais une humeur légère ne s’arrête pas en un seul endroit, f elle se mélange au sang ; elle le rend plus âcre et il tombe dans les parties déclives, g car il ne s’échappe pas vers les plus élevées ; h la Nature s’était déjà déchargée dans les plus basses sous la forme d’une douleur sciatique. [27] Vous prêterez donc attention au foie et au corps. La nourriture sera rafraîchissante et humidifiante.

Des lavements répétés sans relâche purgeront l’intestin : [10][28] prenez de la racine d’oseille, de la mauve, de la pariétaire, de l’aigremoine, du son d’orge en quantités égales de 2 onces ; [11][29][30][31][32] mélangez à une drachme de semences froides majeures ; [12] faites-en une décoction aqueuse ; mêlez 10 onces de la partie filtrée à autant de miel dilué ou de diaprun simple ; [33][34] faites-en un lavement de 2 onces.

De temps en temps, on i tirera de la veine basilique droite le sang qui s’échauffe, en proportion des forces du malade. [35]

On altérera ensuite le sang à l’aide des émulsions que voici : [36] prenez des semences froides majeures, de laitue, de pourpier, de pavot blanc en quantités égales d’une drachme, et une once d’amandes douces qu’on aura écrasées dans un mortier ; [37][38][39][40] versez lentement dans une décoction de 2 livres d’orge, d’oseille et de capillaires ; [41][42] dans la partie filtrée, dissolvez un sirop fait de deux onces de nénuphar et de jus de citron ; [43][44] faites-en l plusieurs doses, dont le malade poursuivra la prise fréquente pendant quelques jours. Après quoi on pourra instituer une purgation douce et légère m par tamarin, séné, moelle de casse et sirop de roses laxatif. [13][45][46][47][48]

Ensuite, nous prescrirons au malade l’emploi du lait d’ânesse [49] n avec du jus de citron, ainsi que le bain tiède à la maison, quand le temps sera plus clément.

La douleur sera soulagée par o le mucilage suivant : prenez une drachme de graines de lin et 2 drachmes de plantain ; [14][50][51][52] écrasez le tout dans un linge qui sera mis à bouillir dans une décoction filtrée de camomille et de mélilot ; [15][53][54] puis on en extraira le mucilage.

Signé Seurat et paraphé ; pour M. de la Forest Mormot, ce 27 janvier 1657. [16]

[Ms BIU Santé no 2007, fo 383 ro | LAT | IMG]

a  Vous prescrivez de traiter la maladie antécédente et la présente. Les remèdes sont toutefois requis non pas pour la maladie passée, mais soit pour l’actuelle, soit pour la future. Si cette papule bilieuse brûlait encore maintenant les jambes de ce noble malade, vous prescririez pour la maladie présente, non pour l’antécédente. Si un grammairien inverse les temps, on le châtie de la férule. [55]

b  Vous extravaguez car l’intestin se décharge tous les jours d’excréments moulés et mous, correspondant à la nourriture ingérée et riches d’un peu de bile. Si la vésicule biliaire était obstruée à l’intérieur du foie, alors un ictère serait apparu.

c  La bile ne peut s’épancher autour du foie si elle ne s’est d’abord répandue dans sa substance même ; et en ce cas, elle engendrerait soit une obstruction, soit une tuméfaction.

d  Vous voyez les choses en les imaginant et non pas en les constatant : de fait, nul signe d’un foie tuméfié ou autrement altéré ne se manifeste dans l’apparence du patient ; la couleur qui s’épanouit sur le visage est telle que les humeurs la commandent ; elles déborderaient ou dans les veines, ou dans le foie.

e  Donc, il ne porte pas de tumeur.

f  La raison en est qu’elle < l’humeur peccante > ne souille pas le sang, qui s’écoule rutilant des veines du bras, sans que surnage aucune bile excrémentielle. Dites plutôt que cette sorte de papule tire son origine d’une intempérie très chaude des viscères et d’une humeur grossière et extrêmement âcre.

g  Chez les vieillards, en raison de la faiblesse des membres inférieurs et de la pesanteur des humeurs, les sanies bilieuses sont portées vers le bas.

h  Ce raisonnement me semble digne non pas d’un médecin aguerri et d’un anatomiste clairvoyant, mais d’un enfant et d’un bouffon. Ajoutez à cela que le malade n’a souffert d’aucune douleur de la hanche.
Enema s’écrit avec un e et non un æ, tout comme cystis avec un y et non un i[17]

i  On lui aurait même tiré du sang trois ou quatre fois des veines basiliques : il faut être très économe du sang dans la maladie bilieuse, mais en effet prodigue ailleurs.

l  L’habitude est en vérité de préparer l’émulsion à mesure des besoins, parce qu’elle s’aigrit facilement.

m  Il faut surtout purger le malade fréquemment et doucement : il n’aura besoin ni d’émulsions ni de lavements, si à la purge on adjoint la phlébotomie, qu’il convient de répéter. [18]

n  N’avez-vous pas appris cela de votre ignoble auteur, François Sizé ? Vous ignorez que les acides convertissent le lait en petit-lait ; on fait boire le lait d’ânesse préparé tout au plus avec du sucre rosat. [19][56][57][58]

o  En empêchant la perspiration, [20] ce mucilage augmentera la douleur.


a.

Lettre autographe, mêlant le français et le latin, de François Teveneau, ms BIU Santé no 2007, fos 382 ro‑383 bis ro, adressée « À Monsieur/ Monsieur Patin, docteur/ régent en la Faculté de/ médecine de Paris et/ professeur du roi, demeurant/ rue du Chevalier du Guet,/ à Paris » (avec traces de pliage et de cachet, fo 383 bis vo).

Pour rétablir la logique du texte (dont les parties françaises sont en italique), j’ai modifié la séquence des feuillets telle qu’elle est numérotée dans le ms BIU Santé no 2007 (en inversant le fo 383 et en le plaçant après le fo 383 bis).

1.

Donzy, petite ville de Bourgogne (au nord de l’actuel département de la Nièvre), se situe au confluent de deux rivières, la Talvanne et le Nohain.

2.

V. note [29], lettre 338, pour les Selecta medica… [Morceaux médicaux choisis…] (Leyde, 1656) de Johannes Antonides Vander Linden.

3.

V. note [17], lettre 159, pour les deux thèses que Robert et Charles Patin ont présidées en janvier 1657.

4.

Ce Frappier, avocat de Donzy, se prénommait Pierre. Opulente famille de Donzy, les Frappier étaient sieurs de Montbenoît. V. note [50], lettre 152, pour ce qu’était un élu, commis au prélèvement de la taille.

5.

La Charité-sur-Loire (v. note [7], lettre 125) se situe à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Donzy.

La première évolution favorable procure un bel exemple des bienfaits de l’abcédation : en circonscrivant la matière (pus) engendrée par les défenses innées de l’organisme, elle permet son évacuation par les voies naturelles (v. note [14], lettre 13). Il s’agissait apparemment ici d’un abcès anal en lien avec une hémorroïde (v. note [11], lettre 253).

6.

Parégorique (paregoricus en latin, écrit peregoricus dans le manuscrit) est un adjectif médical qui signifie calmant (anodin), du grec παρηγορειν, apaiser. On ne l’utilise plus que rarement, pour qualifier l’élixir parégorique, qui est une préparation opiacée.

7.

« Voyez l’impudence de ce jeune homme. »

Ce qui suit est la consultation (en latin) de M. Seurat, médecin de Donzy, pour M. Mormot de la Forest, recopiée par François Teveneau ; les 13 lettres (en caractère gras) qu’il y a ajoutées (de a à o, en omettant le j et le k) sont les repères qu’il y a utilisés pour structurer ensuite son argumentaire point par point (v. infra note [16]). L’avis de Guy Patin sur la maladie de ce patient n’a pas laissé de trace.

On ignore aussi ce que Patin a répondu sur le cas précédent (M. Frappier) d’abcès hémorroïdaire de la marge anale, dont l’évacuation spontanée avait laissé place à une cavité ulcérée. La mise en place d’une mèche permet ordinairement d’en diriger la cicatrisation progressive, sans autre remède à y associer.

8.

Courte leçon de dermatologie élémentaire : les pustules sont des vésicules (petites collections renfermant un liquide clair) à contenu purulent ; les papules sont des surélévations de la peau sans contenu liquide ; il s’y ajoute les macules qui sont de simples taches colorées (en rouge le plus souvent) sans relief.

La maladie à soigner pouvait être un érysipèle (v. note [16], lettre 41), mais l’absence de fièvre orienterait plutôt vers un zona (herpes zoster), infection neuro-cutanée due à une récurrence du virus de la varicelle (v. notes [16], lettre 524, notule {b}, et [2], lettre 918).

9.

Orthographe fautive du mot vésicule en latin dans le manuscrit : cisti pour cysti ; v. infra note [17].

Le méat cholédoque est le nom qu’on donnait alors à l’ampoule hépatopancréatique de Vater, qui est le confluent des canaux biliaires (cholédoques, v. note [16], lettre 391) et pancréatique (canal dit de Wirsung, v. note [1] de la biographie de Moritz Hoffmann) dans le duodénum (premier segment de l’intestin grêle).

10.

Orthographe fautive du mot lavement en latin dans le manuscrit : enæma pour enema ; v. infra note [17].

Guy Patin se fiait essentiellement aux purgatifs administrés par la bouche (séné, rhubarbe, sirop de roses pâles ou de fleurs de pêcher, etc.), ne recourant guère aux clystères (lavements). La prescription du médecin Mormot donne une idée de la variété des substances qu’on y mélangeait.

11.

Comme l’oseille et la mauve (v. notes [6], lettre 468 et [19], lettre latine 4), la pariétaire et l’aigremoine ou eupatoire (v. note [59], lettre latine 351) étaient des herbes tenues pour rafraîchissantes et laxatives.

12.

Les semences froides (ou rafraîchissantes) majeures étaient celles de concombre, de melon, de citrouille et de courge ; les mineures étaient celles de laitue, de pourpier, d’endive et de chicorée sauvage (Nysten).

13.

La palette purgative de Mormot était plus large que celle de Guy Patin ; elle devait bien occuper le temps et remplir la bourse de l’apothicaire de Donzy.

Loiseleur-Deslongchamps et Marquis (in Panckoucke, 1819) ont consacré un long article à l’histoire alimentaire et aux curieuses propriétés médicinales du nénuphar (vol. 35, pages 437‑441) :

« Mais ce n’est point à ces usages économiques que le nénuphar blanc a dû sa réputation. {a} Ses vertus réfrigérantes, antiaphrodisiaques ont été vantées depuis la plus haute antiquité jusqu’à nos jours. Suivant Dioscoride, employé pendant plusieurs jours, il prive entièrement des facultés viriles. Cet effet que produisent également les racines et les semences, dure pendant douze jours, et même pendant quarante, s’il en faut croire Pline (xxv et passim). Il empêche même la formation de la semence. Il suffit, pour en éprouver l’efficacité, du contact de la racine avec les parties génitales. Les chanteurs s’en servaient pour se conserver et se perfectionner la voix, moyen moins barbare assurément que la terrible opération qu’on leur a si souvent fait subir dans la même intention. Les médecins de l’antiquité employaient surtout le nymphæa contre les insomnies érotiques.

Doit-on être surpris, d’après tout cela, que quand aux premiers siècles du christianisme, de saints personnages, pour échapper en même temps et aux vanités mondaines et aux dangers de la persécution, cherchèrent un asile dans les déserts de la Thébaïde, {b} ils aient cru trouver dans le nénuphar le plus puissant secours contre les désirs qui les poursuivaient au fond de leur retraite, et que la solitude et les austérités mêmes ne faisaient peut-être même qu’aiguiser ? […]

Tout semble même annoncer dans la racine du nénuphar des qualités très opposées à celles qu’on se plaît à lui supposer. Sa saveur est amère et un peu astringente ; le sulfate de fer, en faisant noircir son infusion, y décèle en effet un principe astringent. Les mêmes qualités sont encore plus marquées dans son extrait, qui est de plus un peu salé. L’application prolongée de cette racine sur la peau l’irrite, la rubéfie. Enfin, l’usage alimentaire qu’en font les Tartares et les paysans suédois n’a jamais diminué leurs facultés propagatrices.

La propriété antiaphrodisiaque des nymphæa n’est donc qu’une de ces erreurs qui ont passé de livre en livre, de bouche en bouche au travers des siècles, mais que dissipe le moindre examen.

Dès l’Antiquité, la racine de nénuphar, et même ses semences, ont aussi été recommandées contre la dysenterie. On l’a aussi conseillée contre la leucorrhée, la blennorragie, {c} la néphrite, etc. D’autres citent le nénuphar comme calmant la toux ; son utilité dans tous les cas ne paraît pas beaucoup mieux prouvée que contre les mouvements érotiques. Son application sous les pieds pour guérir les fièvres intermittentes mérite-t-elle d’être mentionnée ? »


  1. V. note [95] de la thèse sur la Sobriété (1647) pour le nom latin du nénuphar, clava Herculis [massue d’Hercule].

  2. V. note [15], lettre 868.

  3. Pertes blanches vaginales et gonococcie (gonorrhée virulente ou chaude-pisse, v. note [14], lettre 514).

14.

Mucilage (Thomas Corneille) :

« médicament liquide qu’on appelle ainsi à cause qu’il est semblable aux mucosités du nez. Il se tire d’ordinaire dans une décoction convenable ou dans des eaux distillées, et il se fait avec des racines comme celles de mauve, d’althæa, de symphitum, ou avec l’écorce moyenne de l’orme. On le fait aussi avec de certaines gommes, semences, fruits ou larmes, qu’on fait tremper dans le double ou le triple de quelque liqueur sur des cendres chaudes. […] Celui qui se fait de semences et de racines est bon particulièrement pour amollir, pour humecter et pour apaiser la douleur ; et celui qu’on tire de plusieurs gommes est propre pour digérer et pour attirer ».

Le lin était une plante médicinale aux multiples propriétés (ibid.) :

« Cuite en miel, huile et un peu d’eau, elle mollifie et résout toutes inflammations {a} du dedans et du dehors. Crue, elle ôte les taches et les rousseurs du visage, et enduite avec nitre et cendre de figuier, elle dissipe les duretés qui viennent derrière les oreilles. {b} Sa décoction est fort utile pour lâcher le ventre. L’huile qui se fait de cette graine, est bonne aux spasmes, à mollifier les duretés des nerfs, et à rendre souples les jointures des os. C’est aussi un remède exquis dans toutes les maladies du fondement, hémorroïdes, fentes, apostumes, ou autres douleurs de cette partie. Lavée en eau de nénuphar, ou eau rose, {c} elle est fort propre aux brûlures. »


  1. V. note [6], lettre latine 412.

  2. Parotides (parotidite, v. note [5], lettre 195).

  3. V. note [29], lettre 242.

15.

Camomille : « Les sages d’Égypte dédièrent cette herbe au soleil, la tenant pour un singulier remède contre les fièvres. Selon Galien, elle n’est bonne que pour celles qui procèdent d’une humeur bilieuse ou mélancolique. Il dit qu’elle est résolutive, subtilisante [déliante] et laxative, étant composée de parties subtiles. On ne fait guère de lavement ni de fomentation où les fleurs de camomille n’entrent, surtout lorsque l’on veut adoucir quelque douleur de colique, ou amollir quelque humeur pour la faire suppurer » (Thomas Corneille).

Le vrai mélilot napolitain était rare en France, on ne s’y servait que du « commun qui croît parmi les menus grains. La vertu du mélilot est mêlée, dit Galien, et il tient quelque peu de l’astringent. Il est résolutif et maturatif, étant plus chaud que froid en sa substance » (ibid.).

16.

Ce qui suit est la réponse, point par point, de François Teveneau à la consultation de M. Seurat, médecin de Donzy, pour M. Mormot de la Forest.

17.

François Teveneau signalait deux fautes d’orthographe commises par Seurat : enæma au lieu d’enema, du grec ενεμα, lavement (v. supra note [10]), et cistis au lieu de cystis, κυστις, vésicule (v. supra note [9]).

18.

J’ai préféré « répéter » à une traduction littérale, « pratiquer par épaphérèse », επαφαιρεσις signifiant action de retrancher encore.

19.

Le point n correspond à la prescription combinée de lait d’ânesse et de jus de citron par Seurat.

Dans le manuscrit, en barrant son D (initiale de Du Laurens) puis en écrivant Francisco Sizæo, François Teveneau réorientait son attaque vers l’« ignoble » [rancidus] François Sizé, traducteur et commentateur de L’Histoire anatomique en laquelle toutes les parties du corps humain sont amplement déclarées ; enrichie de controverses et observations nouvelles ; le tout par M. André Du Laurens, seigneur de Ferrières, conseiller, premier médecin du roi et chancelier de l’Université de Montpellier. Avec une fort ample table des matières y contenues, et une autre des chapitres et controverses (Paris, Julien Bertault, 1620, in‑8o).

Malgré l’excellente indexation de ce livre, je n’y ai pas trouvé de passage concernant le citron ou le lait d’ânesse. J’ai tout aussi vainement cherché dans les Opera omnia [Œuvres complètes] de Du Laurens, que Guy Patin admirait et connaissait parfaitement pour les avoir éditées en 1628 (v. note [3], lettre 13).

Le sucre rosat est un sucre qu’on a dilué avec de l’eau distillée de rose.

20.

La perspiration (v. note [6] de la consultation 19) était la transpiration insensible (continue et invisible) de la peau, des muqueuses et des téguments.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 382 ro.

A Donzi ce 25 fevr 1657

Monsieur

I’ay receu le livre nouveau d. Ioann Vander
Linden
, lequel vous avez pris la peine de
m’achepter, dont ie vous remercie tres
humblement. Ie le liray, Dieu aidant, tout
entier ce caresme. Vous me l’avez bien dit
que c’estoit un livre qui meritoit d’estre leu.
Aussi faut-il advoüer qu’il n’appartient qu’à
vous d’en iuger. I’ay receu encore des Theses
de Messieurs vos fils que i’ay trouvées fort
belles. Si vous en avez quelques une à
m’envoyer, vous les donnerez, s’il vous plaist,
à mr. l’Advocat Frappier, fils aisné de mr.
l’esleu Frappier, lequel vous rend la presente
avec le rapport que i’ay dressé pour mr. son
père, d’une indisposition qui le travaille
depuis quelque temps.

Generosus vir dominus Frappier quem probè novisti,
ab hinc mensib. fermè quatuor hæmorrhoïdum cæcarum
dolore quàm atrocissimo prehensus est, qui breves
dabat inducias, noctúq. sæviebat vehementiùs :
unde calor percipiebatur febrilis æmulus,
perpetua ferè adierat egerendi cupido, et non nisi
magno sensu doloris onus suum deponebat alvus.
Tunc sanè misimus sanguinem pro ratione
virium et vasorum plenitudinis. Quarto post
invasionem mali die pus laudabile foras

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 382 vo.

erupit, per quàm immaniter ægrum excrucians.
pure vacuato et sedato dolore, ad consueta
munia ille redijt, cúmque equitatio exercitationum
sit ei gratissimum, Charitensem urbem ab hâc
quinque leucas dissitam se contulit, succussione
sedens in equo. Commoratus est ibi per diem,
pristinúsque, levior tamen recurrit dolor.
postridiè eodem equo vectus domum reversus est,
ubi dolorum acerbitas maior, pervigilia, febris
ægrotantem invaserunt. In quib. symptomatis
toties venam minuimus, quoties urgebant.
Isto præsidio leniora quidem facta sunt, sed
statim recurrêre omnia, ut eum divexarent
crudeliùs. Relictâ igitur ad tempus venæ
sectione ad fotus ex lacte et aquâ tepidâ
necnon semicupium aquæ dulcis egelidæ
confugimus, quib. dolor placatus est. Hisce
peregoricis remediis prominuêre in ano
hæmorrhoides non admodùm tumidæ nec
inflammatæ, dolore tamen acerbissimo eóque
punctorio iugiter ægrum discruciante. Unde
putavimus alias adhuc latere cum inflammatione
cuius index erat calor ingens in eâ parte,
rubor in vicinis et febricula. Octo diebus
elapsis pus effluxit modò sincerum, modò
cruori permistum. Cuius puris ita acres
erant morsus, ut in syncopen ferè
præcipitarent. puri illo ob inductam forte
dictis partib. cicatricem suppresso, tumor in cute
externis hæmorrhoïdib. contiguus subortus est

u.

Ms BIU Santé no 2007, fo 383 bis ro.

versus extrema ischij, furunculo haud absimilis
dolorem acerbissimum inferens. Qui tumor intra
biduum maximam puris multo sero diluti
eructavit, quo expurgato nox quieta
fuit, dolor sedatus, atque in dies detumuere
hæmorrhoides. Solum remansit ulcus ipsis
vicinum et aspectabile, doloris tamen expers :
aliàs siccum : aliàs humidum, propter pus album,
læve et æquale ex eo defluens. Ad huius
ulceris curationem, nomen taceo, tuam opem
quæ multis fuit saluti, requirimus. Interim
vale et amare perge te redamantem

Franciscum Teveneau.

Je vous envoye l’advis de mr. Seurat medecin
en cette ville, pour mr. Mormot, pour lequel
vous m’envoyastes le vostre dernierement.
il luy dist qu’il l’avoist receu mais qu’il ne
pouvoit s’assuiettir à tant de saignées et purgations,
luy pour encherir sur vous qu’il dit neantmoins
estre son maistre, escrivit ce que ie vous envoye
avec la response que ie luy fis. Vide juvenis
istius impudentiam.

Ms BIU Santé no 2007, fo 383 bis vo.

A Monsieur
Monsieur Patin Docteur
regent en la faculté de
medecine de paris et
professeur du Roy demrant
rüe du chevalier du guet
A Paris.

v.

Ms BIU Santé no 2007, fo 383 vo.

a Ardor qui cutem tibiarum viri illustris serpentibus nimirum
pustulis prius exasperavit ad papulam per se reduci habent
enim comitem pruritum fuit diuturnus et febris expers,
ex eius pustulis vix pus aut sanies exierunt.

ut gravem morbum repellas hepar respicias ut terminum
à quo fit fluxio prius b bilis per meatum cholidocum et
intestina devolvebatur ut inde fuit negatum in sua cisti
c circum hepar ferox effertus hinc tumor d hepatis conspicuus,
e sed humor levis non in una sede moratur miscetur f sanguini
illum agit, acriorem in partes declives præcipitat, cur in
superiores g non evolat Natura prius h ischiadico dolore in
infimas se se exonerabat.

hepati ergo et corpori sic prospicias, victus refrigescet et
humectet. Sæpe sæpius alvus eluatur ænematis.

℞ rad oxalid ℥ii malv. parietar agrim, hordei
furf. an m i sem. frigid maior an Ӡi fiat
decoctio in aqua m colat ℥ decem dissol. mellis.
vel diapr simpl. an ℥ii fiat ænema.

Sanguis incalescens interdum i minuatur e basilica dextra
ratione virium. his emulsionibus deinde alteretur.

℞. sem. frigid maior, lact portul papav albi an
Ӡi amigdal. dulcium ℥i tenuetur in mortario affundenda
sensim decoct hordei oxalid et capillarium lib. ii in
colat dissolve sir de nymphea et succi limon an ℥ii
fiat emulsio in plures l doses fr ipsarum usu per quosdam
dies perseveret a quibus levis et blanda purgatio m ex
tamarindis senna medul. cas. et sirupo ros. solutivo
poterit institui ab his
Usum lactis asinæ ægro instituimus cum n succo limonum
sicut et balneum tepidum domesticum cum tempus erit
clementius dolor tibiarum mitigetur hac emulsione
o mucilagine.
℞. sem. lini Ӡi plantag. Ӡij contundantur linteo
obvoluta bulliant in decocto percolato camomil et melil,
extrahatur mucilago. Signe Seurat et paraphe p

pour mr. de la forest Mormot ce 27 ianvier 1657

w.

Ms BIU Santé no 2007, fo 383 ro.

a Curaonem instituis morbi prægressi non præsentis. At remedia præterito
morbo non debentur, sed vel præsenti vel futuro. Illâ autem papulâ
biliosâ carbunculantur etiamnum tibiæ huiusdem nobilis viri. præsenti
igitur morbo non præterito remedia decernas. Si tempora commutet
grammaticus, ferulâ plectitur.

b deliras, alvus enim quotidiè fertur excrementis figuratis et mollibus
cibóque ingesto analogis et modicâ bile saturatis. Quod si vesicula
fellis intra hepar esset obstructa, inde sobolescerit icterus.

c non potest bilis circum hepar efferri, nisi in ipsam hepatis
subam effundatur, túncque vel obstructionem vel tumorem
procrearet.

d Tibi imaginanti non tangenti conspicuus. In vultu enim laborantis,
nulla tumefacti aut aliter vitiati hepatis signa elucent. Talis
color efflorescit in facie qualis humoribus dominatur, sive
in venis, sive in hepate redundent.

e Ergo tumorem non generat.

f Cur igitur sanguinem non conspurcat, qui floridus è venis brachi
educitur nullâ supernatante bile excrementitiâ. Dic potius ab
intemperie præfervidâ viscerum et sero quodam agresti eóque acerrimo
eiusmodi papulam originem trahere.

g ob imbecillitatem inferiorum artuum atque humorum pondus
in senibus deorsum biliosi feruntur ichores.

h Ratio illa non barbato physico et oculato Anatomico, sed puero et
pantomimo digna mihi videtur. adde quod nullo coxendicis dolore
fuit divexatus.
Enema scribitur per e non per æ. sicut cystis per y non per i.

i imò ter aut quater minuatur sanguine ex basilicis. Quam parcus
sanguinis in biliose morbo. aliàs enim prodigus.

l In tot doses parari v solet emulsio quia facilè acescit.

m imò frequenter et blandè purgandus est æger : nullisque emulsionib.
ut neque enematis indigebit si catharsi phlebotomiam adiungat,
per epaphæresin celebrandam.

n An id didicisti ex auctore tuo rancido Francisco D Sizæo. Nescis
acida lac in serum convertere. Saccharo rosato lac asininum ut
plurimùm medicatum propinatur.

o perspirationem impediendo, dolorem augebit isthæc mucilago.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De François Teveneau, le 25 février 1657

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=9068

(Consulté le 20/04/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.