L. latine reçue 29.  >
De Thomas Bartholin,
le 21 juillet 1663

[Bartholin c, page 323 | LAT | IMG]

À Guy Patin, à Paris. [a][1][2]

Vos deux lettres, que m’a délivrées le très noble Biermann, [3] m’ont mis en immense joie ; tout particulièrement parce qu’elles m’informent que vous, [Bartholin c, page 324 | LAT | IMG] la perle des amis, êtes en vie et vous portez bien, et m’aimez toujours. Que Dieu vous conserve longtemps encore en ornement de la république médicale. J’ai reçu avec reconnaissance vos promesses de l’Arétée dans l’édition du très distingué Petit, [4][5] du Hollierus[6] du Fulvio Orsini[7] envoyé par votre très savant fils, [8] et d’autres livres qu’ont publiés vos libraires. Pour nos ouvrages, je ne puis vous promettre que peu de choses car ils avancent fort lentement et sont plus difficiles à vous expédier, sans quoi je vous aurais envoyé mes Centuriæ Epistolarum et d’autres livres. [1] Nous avons reçu la dernière édition fort augmentée de Scriptis medicis du très distingué Vander Linden ; [9] mais je suis peiné que des erreurs s’y soient glissées çà et là. Par exemple, pour le Catalogum Bibliothecæ Mediceæ Florentinæ de notre Henricus Ernstius, [10] il a mis Medicæ pour Mediceæ ; [2] il a tort aussi de faire deux personnes distinctes d’Andreas Kragius et de Krugius, quand il n’y a qu’un seul Kragius, insigne médecin et professeur de notre Université, frère de Nicolaus, qui a publié un brillant commentaire de Republica Lacedæmoniorum ; [3][11][12][13] mais Hornung a trompé Vander Linden dans sa Cista Medica où, par erreur d’imprimerie, il est écrit Andreas Krugius. [4][14] J’ai le Celse de notre Rhodius [15][16] avec divers commentaires et un lexique ; je le publierai si vous me persuadez de le faire. Je n’ai pas vu la thèse de Leipzig de Pulvere febrifugo Peruano que vous mentionnez ; [5][17][18] mais ai [Bartholin c, page 325 | LAT | IMG] récemment vu les Vindiciæ de Rolandus Sturmius, imprimées à Delft en 1659, où diverses observations approuvent l’emploi de cette poudre. [6][19] Je souhaite que le résultat soit à la hauteur des promesses et que nous disposions d’un fébrifuge sûr et efficace. J’ai ici fait l’essai de cette poudre et converti une fièvre tierce en fièvre simple. [20] Plus une autre fois, car déjà le messager me presse. Je n’ajouterai néanmoins qu’une chose avant de finir : < la secte > des médecins galénistes, [21] dont je vous estime le chef, a établi que les humeurs de notre corps suivent un ordre régulier d’écoulement et qu’elles le respectent chacune à son tour, comme le montre la diversité des fièvres, où la pituite se draine tous les jours dans la fièvre quotidienne, [22] et la bile un jour sur deux dans la fièvre tierce ; [7][23] mais j’ignore si on n’a pas encore admis parmi les principes perpétuels de la Nature que l’humidité de l’une ou de l’autre se fixe sur des parties définies du corps. Là-dessus, j’ai fait, chez le jeune fils d’un consul de Copenhague, chargé de bonnes espérances, une observation qui devrait faire méditer les beaux esprits : une fièvre hectique l’avait rendu phtisique ; [24][25] le 8e jour de mai, à mon grand étonnement, j’ai vu ses pieds enfler ; du côté droit, il s’agissait de l’œdème que nous avons coutume d’attribuer à la pituite ; mais à gauche, il s’agissait d’un érysipèle ordinairement dépendant de la bile ; [26] de sorte qu’un pied rougissait quand l’autre pâlissait. [8] Mes frères vous saluent bien, [27] comme font MM. Simon Pauli et Wormius, [28][29] et tous nos autres savants qui vénèrent Patin. [Bartholin c, page 326 | LAT | IMG] Demeurez longtemps en vie et en bonne santé. Je salue obligeamment votre très distingué fils.

À Copenhague, le 21e de juillet 1663.

Tout à vous, Thomas Bartholin.


a.

Lettre de Thomas Bartholin à Guy Patin, imprimée dans Bartholin c, Centuria iv, Epistola lxi (pages 323‑326), Errores in Bibliotheca Lindani. De Febrifugo Peruano. De Pedibus Phtisici [Erreurs dans la Bibliothèque de Vander Linden, le Fébrifuge du Pérou, les Pieds d’un phtisique].

1.

La mention de Conrad Biermann, secrétaire de l’ambassade danoise à Paris, et le contenu de la présente permettent de la tenir pour la réponse de Thomas Bartholin à la lettre de Guy Patin datée du 18 mars 1663.

V. notes :

VBibliographie (Bartholin a) pour les première et deuxième « Centuries de Lettres » médicales de Thomas Bartholin (Copenhague, 1663).

2.

V. note [3], lettre latine 26, pour la 3e édition des deux livres de Johannes Antonides Vander Linden « sur les Écrits médicaux » (Amsterdam, 1662).

L’erreur se trouve à la page 237, avec cette unique référence sous le nom de Henricus Ernstius (Heinrich Ernst, Helmstedt 1603-Copenhague 1665), docteur en droit, bibliothécaire et philologue danois : Catalogus Librorum refertissimæ Bibliotecæ Medicæ, quæ asservatur Florentiæ in Cœnobio D. Laurentii. Amstelodami, 1641, in 8 [Catalogue des livres de la très riche bibliothèque médicale (sic pour Médicis), qui est conservée dans le couvent San Lorenzo à Florence (Bibliothèque Laurentienne). Amsterdam, (Jan Jansson,) 1641, in‑8o] ; Ernstius n’était pas cité dans la précédente édition (1651) et n’avait pas sa place parmi les auteurs médicaux. L’erreur a été corrigée dans le Lindenius renovatus… [Linden rénové…] (Nuremberg, 1686) où le nom d’Ernstius n’apparaît plus.

3.

Anders Krag (Andreas Kragius ou Cragius, Rypen, Jutland 1558-1600), docteur en médecine de l’Université de Montpellier en 1585, a enseigné les mathématiques à Copenhague en 1589, puis la physique (histoire naturelle) l’année suivante. Il n’a publié qu’un recueil de discours médicaux et de thèses montpelliéraines, et une lettre décrite infra dans la note [4] (Éloy).

Son frère Niels Krag (Nicolaus Kragius ou Cragius, Rypen 1550-1602), philologue, historien et diplomate danois, professeur d’histoire à Copenhague, est entre autres auteur de De Republica Lacedæmoniorum Libri iiii. Ad Ampliss. Daniæ Cancellarium. Opus Antiquitatum Politicarum, ac præsertim Græcarum, studiosis, lectu iocundum, nec inutile futurum [Quatre livres sur la République des Lacédémoniens (v. note [25] du Faux Patiniana II‑1). Dédiés à l’amplissime chancelier du Danemark. Ouvrage d’agréable lecture et qui ne sera pas inutile à ceux qui étudient les antiquités politiques, notamment grecques] (sans lieu [Heidelberg], Petrus Santandreanus, 1593, in‑8o).

4.

À la page 28 de ses de Scriptis medicis (1662), Johannes Antonides Vander Linden consacre en effet deux entrées distinctes à Andreas Kragius, Ripensis [natif de Rypen] et Andreas Krugius, avec cette note : Epistolæ Medicæ extant cum Cista Medica Ioan. Hornungi, edita Norimbergæ, apud Simon. Halbmayerum, 1625, in 4 [ses Lettres médicales se trouvent dans la Corbeille médicale de Johannes Hornung, publiée à Nuremberg chez Simon Halbmayer, 1625, in‑4o]. Gravé sur un opulent frontispice, le titre complet de cette référence est :

Cista Medica, qua in Epistolæ clarissimorum Germaniæ medicorum familiares, et in Re Medica, tam quoad Hermetica et Chymica, quam etiam Galenica principa, lectu jucundæ et utiles, cum diu reconditis Experimentis asservantur. Potissimum ex posthuma Clarissimi quondam Philosophiæ et Medicinæ Doctoris, Dn. Sigismundi Schnitzeri, Ulmensis, Archiatri Babebergensis p.m. Bibliotheca, publico Medicorum bono communicata, et fideliter non necessariis omissis, ad prælum elaborata, etc. a Johanne Hornungo Rotenburgo-Tuberano, Phil. et Medic. Doct. Illustriss. Principis ac March. Badens. Dn. Georgii-Friderici Archiatro.

[Corbeille médicale, en laquelle sont conservées des lettres familières de très distingués médecins d’Allemagne, ainsi que des préceptes sur la médecine, tant hermétiques et chimiques, que galéniques ; elles sont de lecture agréable et utile, avec des preuves tirées de l’expérience qui sont longtemps restées cachées. Johann Hornung, natif de Rothenburg ob der Tauber, {a} docteur en philosophie et médecine, archiatre de l’illustrissime prince et marquis Georg Friedrich de Baden-Baden, les a principalement tirées de la dernière bibliothèque du très distingué M. Sigismund Schnitzer, natif d’Ulm, jadis docteur en médecine et philosophie, archiatre de Bamberg, {b} qui a été partagée après sa mort pour le bien public des médecins ; il les a fidèlement éditées, en omettant celles qui n’étaient pas nécessaires].


  1. En Bavière, près d’Arnsbach.

  2. En Bavière, v. note [37] du Borboniana 1 manuscrit.

Kragius (en effet écrit Krugius D. Professor Hafniensi [docteur et professeur de Copenhague]) est auteur de la lettre clxxv (page 360), adressée à Schnitzer, datée de Copenhague, le jour de l’Annonciation l’an 1611. Il y parle de la complémentarité des doctrines galénique et paracelsiste en médecine, du traitement de la vérole et de la bonne situation dont il jouit à Copenhague.

L’erreur a été corrigée dans le Lindenius renovatus… [Linden rénové…] (Nuremberg, 1686) avec la mention du seul Andreas Kragius.

5.

V. notes [2], lettre latine 127, pour le Celse de Johannes Rhodius, qui est resté inédit, en dépit des efforts que Thomas Bartholin y a consacrés, et [5], lettre latine 247, pour la thèse de Paul Ammann (Leipzig, 1663) « sur la poudre fébrifuge du Pérou » (le quinquina).

6.

Febrifugi Peruviani Vindiciarum Pars prior. Pulveris historiam complectens ejusque vires et proprietates juxta sensum Dogmaticorum exhibens…
Pars altera. In qua Peruviani Corticis energia accuratius investigatur. Ejusque modus operandi in humoris Febrilis solutione singulari Methodo explicatur. Auctore Rolando Sturmio, Phil. et Med. Doct. Lovaniensi
.

[Première partie des Revendications du fébrifuge du Pérou, {a} contenant l’histoire de la poudre, ses caractères essentiels et propriétés, selon la conception des dogmatiques… {b}
Seconde partie où la force de l’écorce du Pérou est plus soigneusement examinée, et où son mode d’action dans la résolution de l’humeur fébrile est expliqué par une méthode particulière. Par Rolandus Sturmius, docteur en médecine et philosophie natif de Louvain]. {c}


  1. Le quinquina, v. note [25], lettre 309.

  2. Delft, Petrus Oosterhout, 1659, in‑12, 166 pages.

  3. ibid. et id. 1659, 142 pages.

    Cette seconde partie se conclut sur une Ænigma [Énigme (devinette)] :

    Occiduus sum,
    Non tamen occidi, neque occidi ;
    Ex Æmulorum critica sen-
    tentia recessi, non decessi ;
    iam accessi postliminio,
    cuncta qui excessi
    Antifebrilia
    .

    [Je suis originaire des Indes Occidentales, mais n’ai ni occis ni été occis ; j’ai esquivé la sentence critique de mes émules mais elle ne m’a pas éliminé : j’en ai réchappé, moi qui ai maintenant surpassé tous les fébrifuges].

    L’ensemble a été réédité sous le titre de Corticis China Chinæ, eiusque virtutum et virium Descriptio [Description de l’écorce du Quinquina, de ses vertus et pouvoirs] (Arnold Leers, La Haye, 1681, in‑12).

    Rolandus Sturmius (Roland ou Roels Storms) figure dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales (1883) :

    « Médecin de Louvain, né au commencement du dix-septième siècle, fréquenta les écoles d’Italie. Il a eu le mérite de remettre en honneur le quinquina discrédité par la mort du gouverneur des Pays-Bas {i} et par les inculpations qu’avaient produites contre lui Chifflet et Plemp. {ii} À lépoque de Stroms, le quinquina était du reste une drogue fort rare : Stroms lui-même, parès avoir distribué toute sa provision, ne put plus en avoir en 1661 et dut se dispenser de son usage. »

    1. Léopold-Guillaume de Habsbourg (v. note [16], lettre 155) a gouverné les Pays-Bas de 1647 à 1658, mais est mort en 1662.

    2. V. note [18], lettre 104 pour Jean-Jacques Chifflet. Vopiscus Fortunatus Plempius a correspondu avec Guy Patin (qui était aussi grand ennemi du quinquina).

7.

La syntaxe de la phrase latine est défectueuse, sans sujet pour constituit [a établi] ; pour lui donner une cohérence, j’y ai ajouté le mot secta (secte, au sens d’école doctrinale).

8.

Par ce raisonnement et cette observation (trop partielle pour qu’on puisse l’assortir avec quelque assurance d’un diagnostic moderne), Thomas Bartholin voulait signifier à Guy Patin, non sans une touche de provocation ironique, l’incapacité de la théorie humorale à expliquer toutes les fièvres, puisqu’une affection attribuée à la pituite (un œdème phlegmasique froid) s’associait à une autre (un érysipèle chaud) qui était sous la prétendue dépendance de la bile.

s.

Bartholin c, page 323.

Epistola lxi.

Errores in Bibliotheca Lindani. De Febrifugo Peruano. De Pedibus Phtisici.

Guidoni Patino, Lutetiam.

Maximo gaudio me affecerunt binæ
literæ per Nobiliss. Biermannum mi-
hi traditæ, eo inprimis nomine, quod Te, ami-

t.

Bartholin c, page 324.

corum ocelle, et valere et vivere et me
adhuc amare significarent. Deus porrò Te
servet in Reipul. Medicæ ornamentum.
Grata mihi fuit promissio
Aretæi, a Cl.
Petito editi, Hollerii, Fulvii Ursini à filio
Tuo eruditissimo missi et aliorum operum
quæ doctæ vestræ officinæ pariunt. Ex
nostris promittere pauca possum, quia tar-
diores sunt operæ nostræ, et difficilius ad
vos mittuntur, alioqui misissem Centurias
Epistolarum, et alia. Cl. 
van der Linden
editionem ultimam de
Scriptis Medicis ac-
cepimus, valde auctam, sed doleo hinc in-
de errores irrepsisse, v. g. cum
H. Ernstii
nostri Catalogum Bibliothecæ Mediceæ
Florentinæ, pro Medica substituit. Malè
quoque diversa nomina facit
Andreæ Kragii
et
Krugii, Kragius enim unus fuit, Medi-
cus insignis et Academiæ nostræ Profes-
sor, Frater
Nicolai, qui de Republ. Lace-
deniorum præclarum Commentarium
edidit. Decepit verò
Lindanum in Cista
Medica
Hornungus, ubi vitio Typographi
Andreas Krugius scribitur. Alia taceo quæ
inscio authore doctissimo et bene merito
irrepserunt. Habeo
Rhodii nostri Celsum
cum variis lectionibus et Lexico, quem
publico destinabo, si suaseris. Thesin Li-
psiensium de Pulvere Febrifugo Peruano,
cujus mentionem facis non vidi. Vidi ta-

u.

Bartholin c, page 325.

men nuper Vindicias Rolandi Sturmii Del-
phis impressas 1659. in quibus pulveris istius
usus variis observationibus comprobantur.
Utinam promissis semper responderet even-
tus, et securum certumque antifebrile ha-
beremus. Fecimus hic ejus pulveris expe-
rimentum, et ex duplici tertiana simpli-
cem fecimus. Alias plura, jam enim ur-
get tabellarius. Unum tamen addam, an-
tequam finio. Ordinem fluxus certum hu-
mores corporis nostri servare, statasque
fluendi vices habere, ex febrium varietate
constat, qua pituitam singulis diebus repe-
tentem in febre cottidiana, bilem alternis
in Tertiana, < secta > Medicorum Galenicorum,
quorum Te Principem æstimamus, consti-
tuit. Certas autem partes vel hanc vel illam
humiditatem occupare, inter perpetua Na-
turæ præcepta necdum scio receptum esse.
Aliquid tamen in hanc rem observavi in
juvene Hafniensi, Consulis filio, magnæ
spei, de qua ingeniosi porro cogitent.
Phtisicus erat cum febre hectica, et mi-
rantibus nobis die 8. Maij pedes tumere visi,
dexter quidem tumore œdematoso, quem
ex pituita solemus derivare, sinister erysi-
pelate, quod bili imputamus, ut adeo pes
hic ruberet, ille pallesceret. Salutant Te
officiose fratres mei, D. 
Simon Paulli et
Wormius, reliquique eruditi, qui Patinum

v.

Bartholin c, page 326.

venerantur. Vale diu et diu vive. Offi-
ciose saluto Cl. Tuum filium. Hafn. 21.
Jul. 1663.

T.T.
Th. Bartholinus.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Thomas Bartholin, le 21 juillet 1663

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(Consulté le 18/04/2024)

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