À Claude II Belin, le 15 mai 1641

Note [11]

« on répondra à l’insensé selon sa folie » (Psaumes, v. supra note [8]).

La réponse (anonyme) de Jean ii Riolan (selon Guy Patin) ou de Guy Patin lui-même (selon Théophraste Renaudot, v. ci-dessous) s’intitulait Avertissement à Théophraste Renaudot contenant les mémoires pour justifier les anciens droits et privilèges de la Faculté de médecine de Paris (Paris, sans nom, 1641, in‑4o de 60 pages). L’épître dédicatoire en est adressée à « Monsieur, Monsieur Bouvard, conseiller d’État et premier médecin du roi », sans indication d’auteur ni de date. L’auteur y sollicite le soutien de l’éminent Charles Bouvard pour obtenir un arrêt contre « les charlatans et imposteurs pratiquant la médecine illicitement par toute la France » :

« Cette action donnera au roi et à Son Éminence, restaurateur de la médecine, mille bénédictions pour avoir eu soin du peuple et conservé plus de cinq à six mille personnes que cette canaille meurtrière tue tous les ans par toute la France ; et à vous Monsieur, vous acquerra une gloire immortelle parmi les médecins pour avoir été médiateur d’une si belle entreprise. »

Un extrait (page 57, à propos des consultations charitables de Renaudot) donne une idée du contenu et du ton :

« J’avoue que les actions vertueuses sont à louer, même en la personne de nos ennemis. Le Samaritain {a} qui était ennemi de la nation sainte des juifs fit une action à la campagne, qui fut approuvée et louée par Notre Seigneur. Si Renaudot faisait sa charité secrètement et à la campagne comme ce voyageur, sans vanité et ostentation, et qui baillât de son propre bien comme il se vante faussement, nous aurions sujet de le louer. Mais acceptant la comparaison qu’il fait de sa personne et de sa séquelle avec les médecins de Paris, qu’il veut faire passer pour des personnes sans charité, qu’il est le Samaritain, et nous autres médecins, qui étaient prêtres et religieux n’y a pas longtemps, il ne dit plus moines par dérision, nous lui pouvons dire Samaritanus es et dæmonium habes. {b} Par conséquent nous ne pouvons consulter avec vous et vos frères ignorants de la charité. D’autant que le prêtre et le lévite qui étaient de la nation juive n’ont point de commerce avec les Samaritains, non coutuntur Iudæi Samaritanis, {c} qui étaient anathémisés et réprouvés pour leur apostasie et religion contraire, comme vous apprendrez par l’Histoire de Josèphe, historien juif. » {d}


  1. V. supra note [8].

  2. « Tu es un Samaritain, et un démon te possède » (Jean, 8:48).

  3. « les Juifs n’ont pas de relations avec les Samaritains » (Jean, 4:9).

  4. V. note [18], lettre 95, pour les ouvrages historiques de Flavius Josèphe.

Théophraste Renaudot répliqua de nouveau par les Remarques sur l’Avertissement à Me Théophraste Renaudot, portées à son auteur par Maschurat compagnon imprimeur (Paris, sans nom, 1641, petit in‑fo de 46 pages). Dès l’ouverture, on devine une attaque contre Patin, avec son passé inavoué dans la librairie :

« Monsieur mon camarade, je n’oublie pas, comme vous, mes amis du temps passé. Et puisque de correcteur à imprimeur il n’y a que la main, {a} je vous porte cette santé, {b} espérant, si vous n’avez oublié à boire depuis que nous travaillions ensemble chez le bonhomme Laquehais, maître imprimeur en cette ville, que vous me ferez plus de six raisons avant qu’on en trouve une en votre livre. Je l’appelle ainsi, encore que votre nom n’y soit point, puisque vous l’avez fait imprimer et corriger avec plus de soin que les autres où vous avez appris ce peu que vous savez. »


  1. Pour dire toper : « il leur suffit de toucher dans la main pour faire un marché, sans aucun écrit » (Furetière).

    Telle est une des deux déclarations originales imprimées (que je connaisse, avec l’autre témoignage de Renaudot rapporté dans la note [9], lettre 96) attestant du fait que Patin a été correcteur d’imprimerie, pour gagner son pain quand il étudiait, loin de sa famille et ne froid avec elle. Ce détail de sa biographie est néanmoins remarquable car il établit l’origine probable de ses liens avec Renaudot, mais aussi avec Jean ii Riolan, car il aurait alors corrigé les épreuves de ses ouvrages.

  2. Je fais pour vous ce vœu.

Le « bonhomme Laquehais » (ou Laquehay) se prénommait Jean. Reçu maître imprimeur avant août 1611, il fut inhumé le 10 janvier 1650. Il a exercé en divers endroits : rue Judas (1611), contre le Collège de la Marche (1612-1613), contre le Collège de Lisieux, et enfin près du Collège de Boncourt (1629-1636) (Renouard).

En 1644, dans sa Réponse à l’Examen… (v. note [9], lettre 96), Renaudot a recouru au même procédé, et identifié l’auteur de l’Avertissement… à Patin.

Les Remarques sur l’avertissement… s’achèvent sur ces paroles :

« Voilà mon bon ami ce que l’on a répondu à votre livre. C’est à vous à juger si vous aurez beaucoup de gain à y repartir. {a} Sur quoi je vous dirai qu’étant le 26e de ce mois de mai retourné en la maison dudit sieur Renaudot, pour m’enquérir sous-main de ce qui se passait à votre préjudice, j’y appris une bonne nouvelle pour vous et pour votre École : c’est qu’une personne de grande condition {b} et qui a tout pouvoir sur lui {c}, après avoir lu cette réplique, et remarqué qu’elle avait été faite et imprimée en quatre jours, lui témoigna qu’il désirait qu’on n’écrivît plus sur ce sujet de part ni d’autre. De sorte que chacun connaissant quelle estime ledit sieur Renaudot fait de tout ce qui lui vient de cette part, selon ce que j’ai pu apprendre là-dedans, je vous puis jurer, foi de compagnon, que vous n’aurez plus rien de lui sur cette matière. »


  1. Répondre.

  2. Le cardinal de Richelieu.

  3. Renaudot.

Un arrêté royal daté du 14 juin 1642 allait clore en effet temporairement toute dispute en interdisant à la Faculté de ne faire aucune poursuite contre Renaudot par devant le prévôt et autres juges, et à quiconque de ne plus rien publier sur le sujet (v. note [68] de L’ultime procès de Renaudot contre la Faculté de médecine de Paris, perdu le 1er mars 1644). Tout allait changer pour lui après la mort de ses deux puissants protecteurs : Richelieu en décembre 1642, puis Louis xiii en mai 1643. Il perdit dès lors procès après procès, comme l’expliquent la suite de la correspondance et l’annexe susdite.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 15 mai 1641, note 11.

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(Consulté le 29/03/2024)

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