À Claude II Belin, le 11 juillet 1648

Note [2]

Ce paranymphe médical {a} de Robert Patin n’a été imprimé que 15 ans plus tard :

Paranymphus medicus habitus in Scholis Medic. die 28 Iunii, 1648, a Roberto Patin medicinæ baccalaureo. De Antiquitate et dignitate Scholæ Medicæ Parisiensis, et illustrioribus, qui in ea claruere Medicis. Cum singulorum Licentiandorum Elogiis.

[Paranymphe médical que Robert Patin, bachelier de médecine, a prononcé le 28 juin 1648 sur l’Ancienneté et la dignité de l’École de médecine de Paris et sur les plus illustres médecins qui y ont brillé ; avec les éloges de chacun des licentiandes]. {b}


  1. V. note [8], lettre 3.

  2. Paris, Nicolas Boisset, 1663, in‑4o de 47 pages ; suivies par un Pro Catastrophe Hymnus [Hymne de Conclusion] de deux pages en vers latins.

    En dehors des quelques thèses qu’il a disputées ou présidées à la Faculté de médecine de Paris (dont on ne peut pas affirmer qu’elles émanent toutes de sa plume), c’est le seul écrit de Robert Patin que je connaisse.


L’épître dédicatoire, Clarissimo eruditissimoque viro D.D. Guidoni Patin, Doct. Medico Paris. et Professori Regio, Parenti suo, Robertus filius S.D. [Robert le fils, salue le très brillant et très savant Maître Guy Patin, docteur en médecine de Paris et professeur royal, son père] est un vibrant et reconnaissant hommage filial :

Ut primum de hac lucubratiuncula in lucem emittenda cogitavi, Te unum animo meo proposui, cuius præfixo Nomine tuo prodiret. Nec eam tibi sponte consecrandam, sed veluti iure debitam offerendam, pene dixerim reddendam existimavi. Tua quidem in Litteras litteratosque omnes voluntas eximiæ eruditioni coniuncta, multos, ut idem quod ego nunc facerent invitavit, me vero coegit paterna necessitudo ; ut cum Tibi debeam, et hunc ipsum quo vivo spiritum, et quantulum illud est artium, quibus me puerum et adolescentem tua educatrix sapientia informavit ; Impius plane sim, nisi hoc nostrum sive grati animi pignus, sive fidei observantiæque monimentum, in tuo quasi fundo natum, Tibimet repræsentem Saxeum me esse oporteat ; si assiduis tuis benefeciis tota vita provocatus, ubi nihil amplius possum, non meam saltem voluntatem palam publiceque testificer, et ut illa abessent, res ipsa nuper à Te gesta, pii ac memoris animi significationem mihi vi quadam extorqueret : quanti enim est amoris tui, quantæque munificentiæ argumentum, quod ad regium docendæ Parisiis Medicinæ munus assumi me, successorem tuum designari, non modo, non passus es, sed etiam ardenter optasti, nec nisi re confecta quievisti. Accipe igitur, quæ pro tuo iure repetere à me potes omnia, et quæ nisi reponam rependamque ultro, tuo cæterorumque mortalium odio sim dignissimus. Non me fugit prope nihil esse quod offero, ut si vel ex se, vel ex tuo merito æstimetur, ne quidem munusculi nomen sustinere queat, sit tamen quam potest esse maximum, si pietas et meus in Te spectetur amor.

[Aussitôt que j’ai songé à publier ce modeste fruit de mes veilles, vous seul m’êtes venu à l’esprit, pour y faire figurer votre nom en préface. Je n’ai pas cru devoir simplement vous le dédier, mais vous l’offrir de bon droit et presque, dirais-je, vous le rendre comme ce qui vous est dû. Votre bienveillance à l’égard des lettres et de tous les lettrés, jointe à une exquise érudition, en incite beaucoup à faire la même chose que moi maintenant, mais c’est la piété filiale qui m’y a poussé ; car je vous dois et ce souffle qui me fait vivre, et ce peu de connaissances que je possède, auxquelles votre sagesse nourricière m’a formé durant l’enfance et l’adolescence. Je serais tout à fait impie et il faudrait que j’eusse un cœur de pierre si je ne vous présentais ce qui est quasiment issu de votre propre fonds, comme le gage d’un esprit reconnaissant, ou comme une preuve de confiance et de respect ; si, engendré par vos bienfaits continus durant ma vie tout entière, sans y pouvoir rien ajouter, je ne témoignais au moins ouvertement et publiquement mes sentiments ; et si ce que vous avez récemment fait, pour m’en bien garder, n’arrachait de moi avec la dernière force l’expression d’un esprit dévoué et reconnaissant. La preuve de votre grand amour et grande générosité, c’est de m’avoir réservé la charge royale d’enseigner la médecine, de m’y avoir désigné pour vous y succéder ; ce que vous avez non seulement désiré, mais aussi souhaité ardemment, sans trouver le repos tant que l’affaire n’a pas été conclue. {a} Acceptez donc tout ce que vous pouvez légitimement chercher à obtenir de moi, et qui me rendrait parfaitement digne de la haine des autres mortels si je n’en gardais le souvenir et ne vous payais largement en retour. Il ne m’échappe pas que ce que je vous présente n’est presque rien, quand on compare sa valeur propre à celle de votre mérite ; sans même chercher à y conférer le nom de modeste présent, que ce soit pourtant ce qu’il peut y avoir de plus grand, si vous y voyez ma dévotion et mon amour pour vous]. {b}


  1. En 1663, quatre ans avant d’être reçu professeur royal d’anatomie, botanique et pharmacie, en survivance de son père (11 août 1667, v. note [2], lettre 919), Robert n’avait rien publié d’autre que ses trois thèses de bachelier et les six qu’il avait plus tard présidées à la Faculté. Pour enfler un peu ce maigre bagage, il ressortait des tiroirs son discours de 1648, en le dépoussiérant sans doute çà et là.

  2. Tant de grandiloquente gratitude et de piété filiale deviennent poignantes quand on connaît la suite déplorable que connurent les relations entre Robert et son père : vLa bibliothèque de Guy Patin et sa dispersion et Comment le mariage et la mort de Robert ont causé la ruine de Guy.

J’ai porté plus d’attention qu’il n’en mérite à cet ouvrage parce que c’est un des rares écrits académiques dont on soit sûr qu’il l’ait lui-même écrit (bien que, par endroits, on soit tenté d’y deviner la plume et les griffes de son père).

L’Oratio panegyrica (47 pages) du Paranymphus medicus ne manque pas de saluer toutes les gloires passées et présentes de l’École médicale parisienne (pages 23‑24) :

Quammultus enim essem, et justo prolixior, si post prima Medicinæ in hoc fundo nascentis primordia, ordine singulos percenserem, illos omni æstimatione maiores viros qui Hippocratem, Galenumque a contumelia, Medicos an ignorantia, Medicinam a Barbarie, ægros omnes ab impostorum fallaciis, Arabum nugamentis, Chymicorum fraudibus, pharmacopœorum avaritia, et inutili remediorum farragine liberarunt

[Je serais en effet bien plus long qu’il ne convient si, après avoir dit les origines de la médecine qui a poussé sur ce terreau, je dénombrais minutieusement chacun de ces hommes qui, en trop grand nombre pour être comptés, ont délivré Hippocrate et Galien de l’insulte, les médecins de l’ignorance, la médecine de la barbarie, et tous les malades des fourberies des imposteurs, des babioles des Arabes, des fraudes des chimistes, de la cupidité des apothicaires et de l’inutile fatras des remèdes].

Suivent les six Orationes encomiasticæ singulorum, qui tum licentiæ gradu donandi erant [Éloges de chacun de ceux qui allaient alors recevoir le grade de licence] : Jean-Baptiste Moreau, natif de Paris (v. note [12], lettre 155), Étienne Bachot, de Sens (v. note [33], lettre 336), Jean de Montigny, d’Avranches (v. note [3], lettre 157), Bertin Dieuxivoye, du Mans (v. note [46], lettre 442), Armand-Jean de Mauvillain (v. note [16], lettre 336) et Jacques Gamare (v. note [36], lettre 286), tous deux originaires de Paris ; ce sont dans leur rang de classement les lauréats de la licence. Reçu bachelier de la Faculté de médecine de Paris le 4 avril 1648, Robert Patin, né le 11 août 1629, n’avait pas encore atteint ses 19 ans révolus ; il avait donc fait jouer à plein l’article viii des statuts permettant aux seuls fils de docteurs régents d’abréger de quatre à deux ans leur préparation au baccalauréat (v. note [2], lettre 39).

Maurice Raynaud (Les Médecins au temps de Molière) en a mis deux extraits en français ; j’en ai transcrit les sources latines avec quelques extensions, et j’en ai amendé et complété les traductions. Ils donnent une juste idée de ce genre d’exercice où l’ironie se dissimulait mal derrière l’outrance de l’hommage (v. note [9], lettre 3, pour le paranymphe prononcé par Gabriel Naudé en 1628).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 11 juillet 1648, note 2.

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(Consulté le 19/04/2024)

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