À Charles Spon, le 1er juillet 1653

Note [16]

La bulle Cum occasione, signée par Innocent x à Rome le 31 mai (v. note [28], lettre 318), condamnait les Cinq Propositions sur la grâce qu’Isaac Habert (v. notule {a}, note [48], lettre 240), évêque de Vabres et proche de Richelieu, avait extraites en 1642 de l’Augustinus (v. note [7], lettre 96) de Jansenius (qu’il qualifiait de Calvin rebouilli), dans l’intention de nuire au jansénisme naissant sous l’impulsion de l’abbé de Saint-Cyran. Les jansénistes contestaient qu’elles s’y trouvassent ainsi rédigées. Ils acceptèrent de les condamner parce qu’ils ne s’y reconnaissaient pas ; « distinction du droit et du fait » {a} devant leur permettre de sauver la face : ces propositions sont condamnables en droit mais elles ne se trouvent pas, en fait, dans l’Augustinus.

  1. Quelques commandements de Dieu sont impossibles aux justes malgré leur volonté et leurs efforts, étant donné les forces qu’ils ont présentement et aussi parce qu’il leur manque la grâce qui les rendrait possibles (proposition jugée téméraire, impie, blasphématoire, digne d’anathème et hérétique).

  2. Dans l’état de nature déchue on ne résiste jamais à la grâce intérieure (proposition hérétique).

  3. Pour mériter et démériter dans l’état de nature déchue, il n’est pas requis que l’homme possède une liberté exempte de nécessité (intérieure), il suffit que sa liberté soit exempte de contrainte (proposition hérétique).

  4. Les semi-pélagiens (jésuites, v. note [7], lettre 96) admettaient la nécessité d’une grâce intérieure prévenante pour chaque acte en particulier, même pour le commencement de la foi ; et ils étaient hérétiques en ce qu’ils voulaient que cette grâce fût telle que la volonté humaine pût lui résister ou lui obéir (proposition fausse et hérétique).

  5. Il est semi-pélagien de dire que Jésus-Christ est mort et a répandu son sang pour tous les hommes sans exception (proposition fausse, téméraire, scandaleuse ; et entendue dans ce sens que Jésus-Christ serait mort seulement pour le salut des prédestinés, cette proposition est déclarée impie, blasphématoire, calomnieuse, injurieuse à la bonté de Dieu et hérétique).


  1. Trévoux : « il faut distinguer le fait d’avec le droit : “ C’est une question de fait ” ; “ Il faut examiner et établir le fait avant que de juger sur le droit ”, ex facto jus oritur. Dans l’affaire du jansénisme, le fait est inséparable du droit. M. l’abbé Dumas a ajouté à son Histoire des Cinq Propositions, {i} un éclaircissement sur le fait des jansénistes : il prouve ce fait, savoir qu’avant la condamnation des Cinq Propositions les jansénistes convenaient avec leurs adversaires du sens de Jansenius, et que toute la contestation n’était que de savoir si {ii} ce sens était hérétique ou orthodoxe. »

    1. Hilaire Thomas et Michel Le Tellier (Liège, 1699).

    2. En droit.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 1er juillet 1653, note 16.

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(Consulté le 24/04/2024)

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