À Charles Spon, le 6 janvier 1654

Note [16]

Isaac ou son frère Eusèbe était l’un des deux Renaudot.

Armand-Jean de Mauvillain (Paris 1620-ibid. 1685) était fils de Jean de Mauvillain, chirurgien juré (v. note [6], lettre 822). Ayant un temps étudié la médecine à Montpellier sans y prendre de diplôme, Armand-Jean s’était fait recevoir docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1649.

Robert Patin, le fils aîné de Guy, lui a consacré un chapitre de son discours de paranymphe, le 28 juin 1648 (v. note [2], lettre 157), avec ce commentaire sur les études de Mauvillain (pages 44‑45) :

Quod si rite partes eas Medicinæ percalluit, quæ præsertim in rationis usu atque cogitatione consistunt, haud propterea tamen segnius in illas incubuit quæ manuum opera perficiuntur. Scilicet eximio is inter huius urbis Chirurgicos Parente natus, sic in eius arte sese exercuit, ut cum illa Medicinam facturo multum afferat opis et adjumenti, credibile sit ipsum ægris sui ingenij consiliique lucem tanto felicius porrecturum, quanto hac una re multis præcellit, paucos sibi pares superiorem agnoscit neminem : sed neque hos suæ industriæ præfixit terminos, minusque stirpibus et medicamentis optime cognoscendis insudavit : Hac de causa plerique Philiatri vulgo Montem Pessulanum adeunt, rati se (si eo loci per aliquot noctes dormierint tanquam in uno Medicinæ Parnasso) repente evasuros Medicos multiplici plantarum cognitione imprimis præstantes : at sic in eum se locum contulit Mauvillanus, ut quam animo præceperat opinionem plane contrariam, fideli oculorum testimonio comprobaret reversusque ad suos palam et publice prædicaret, nihil usquam esse, quod non reperiatur uberius faciliusque Lutetiæ, ipsas denique Monspelii opes ad huius Urbis et soli magnificientiam comparatas, nihil aliud quam meram esse inopiam.

[Si, comme veut l’usage, il a possédé à fond les parties de la médecine qui s’appuient principalement sur l’emploi du raisonnement et sur la réflexion, il n’a pourtant mis aucune mollesse à se pencher sur celles qui requièrent l’opération des mains. Étant fils d’un homme qui a brillé parmi les chirurgiens de cette ville, il s’est bien sûr exercé en son art ; et ce faisant, il a enrichi son exercice de la médecine de nombreuses aides et ressources. Croyez bien qu’il a accru avec bonheur la lumière de son intelligence et de ses conseils aux malades dans une mesure telle qu’il en surpasse quantité d’autres dans ce domaine et, parmi ceux qu’il égale, il n’en reconnaît aucun qui lui soit supérieur. Il n’a pourtant pas limité son zèle à ces bornes car il n’a pas moins dépensé de sueur à acquérir une parfaite maîtrise des plantes et des remèdes. Quantité de philiatres se ruent à Montpellier, {a} dans l’idée qu’après avoir dormi là-bas quelques nuits, comme en un Parnasse {b} de la médecine, ils en reviendraient soudain médecins, notamment pourvus d’une connaissance étendue des plantes. Mauvillain y est allé pour en juger fidèlement de ses propres yeux, mais il s’en est fait une opinion toute contraire : une fois de retour, il a ouvertement raconté à tous les siens n’en avoir rien rapporté qui ne se trouve plus abondamment et plus aisément à Paris, et que, comparées aux splendeurs de notre ville et de notre sol, les richesses de Montpellier ne sont qu’indigence].


  1. Emploi pédant, sans doute ironique, du nom latin de Montpellier, Mons Pessulanus.

  2. V. note [2], lettre de Samuel Sorbière, datée du 30 novembre 1650.

Chaud partisan de l’antimoine et de l’orviétan, Mauvillain eut plusieurs altercations avec ses collègues (v. note [8], lettre 549). Étant parvenu au décanat en novembre 1666, il usa de sa qualité pour faire définitivement approuver l’antimoine ; et malgré l’opposition très vive de Blondel, Mauvillain fut prolongé pour un an en 1667. Il fut le médecin et l’ami de Molière, et sans doute aussi, l’inspirateur direct des satires médicales qu’on trouve dans l’Amour médecin (1665, v. note [1], lettre 835), Monsieur de Pourceaugnac (1669) et le Malade imaginaire (1673, vThomas Diafoirus et sa thèse) : tel a du moins été l’avis de Nivelet, de Maurice Raynaud et de bien d’autres ; mais Georges Forestier a émis de sérieuses réserves sur cette complicité (v. notule {a}, note [23] de Diafoirus). Mauvillain avait épousé en 1650 Gemme Cornuti, fille de Jacques-Philippe Cornuti (v. note [5], lettre 81) et d’Anne Bergeret (Christian Warolin, pages 119‑120).

L’énumération de Guy Patin ne totalise que 11 docteurs régents ; il faut y ajouter Des Gorris pour arriver à la douzaine. Cette approbation de l’orviétan est évoquée à mots couverts par le doyen Perreau en date du 30 août 1647 dans les Comment. F.M.P. (tome xiii, fo 332 vo).

Achille Chéreau (Le Médecin de Molière, pages 2‑3) a transcrit cette notice de la Liste funèbre des chirurgiens de Paris (pages 103‑104) :

« Jean Mauvillain, né à Paris, mourut le 10e janvier 1662. Il laissa un fils docteur en médecine de la Faculté de Paris, homme d’un esprit inquiet et malin ; car, bien que fils de chirurgien, ayant fait au Corps des chirurgiens, pendant son décanat, tout le mal qu’il pouvait lui faire, il ne rendit pas un meilleur office à la Compagnie, en fournissant à Molière les accompagnements ou intermèdes de sa comédie du Malade imaginaire, qui a si fort ridiculisé dans le monde la médecine et les médecins, qu’ils ont depuis ce temps-là perdu de la créance que l’on avait à leur manœuvre, dont on a mieux connu le jeu et les tours d’adresse en quoi elle consiste pour surprendre les gens crédules ; en sorte que s’ils sont encore mandés quand la maladie menace d’un grand péril, c’est plutôt pour la forme que par confiance, l’événement des maladies ne répondant pas le plus souvent aux promesses dont les malades et les assistants sont flattés par leurs beaux discours. »


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 6 janvier 1654, note 16.

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(Consulté le 25/04/2024)

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