À André Falconet, le 11 octobre 1660

Note [18]

« J’ai à l’appui de cela des auteurs de grand renom et sans conteste, les plus éminents, Guilielmus Camdenus dans La Vie d’Élisabeth reine des Anglais, {a} et Hugo Grotius dans les Annales flamandes. » {b}


  1. L’historien anglais,William Camden (Guilielmus Camdenus, 1551-1623) a raconté la suite et la fin des aventures de Lopès dans ses Annales Rerum Anglicarum, et Hibernicarum, regnante Elizabetha, ad annum salutis m. d. lxxxix [Annales des affaires anglaises et irlandaises sous le règne d’Élisabeth, jusqu’à l’an de grâce 1589… (Londres, Guilielmus Stansbius, 1615, in‑4o), 4e partie, année 1594, pages 74 (numérotée 76)‑75 :

    Ut eruditi isti Angli profugi Hispanicam Infantam ad Angliæ sceptrum scripto provehere studuerunt, ita alij ex eorum numero idem ferro, submissis in Elizabethæ vitam sicarijs, et Hispani quidam veneno clam attentarunt. Hi cum Anglorum fidem in re tanta suspectam haberent, usi sunt opera Roderici Lopezij ex secta judaica, domestici in Regia Medici, Stephani Ferreiræ Gamæ, et Emmanuelis Loisij Lusitanorum. (Plures enim Lusitani his diebus quasi e clientela Antonij exulantis, in Angliam supbrepserunt) qui ex interceptis literis apprehensi, sub finem Februarij in Prætorio Londini accusantur ex suis ipsorum confessionibus coniurasse ad Reginam veneno tollendam. Lopezius spectata diu fide, ne suspectus quidem (nisi quod Medici peregrini corruptelis facile fiant venefici et proditores) confessus est se inductum esse ab Andrada Lusitano, ut suam operam Hispano occulte navaret, ab eius Consiliario intimo Christophoro Moro ornamentum gemmarum accepisse, Hispanum quæ ediscere poterat subinde edocuisse, tandem pactione pro Quinquaginta millibus aureorum promisisse venenum Reginæ miscere, et hoc idem Comiti Fuentano et Ibaræ, Hispano a secretis in Belgio innuisse.

    Stephanus Ferreira fassus est, Comites Fuentanum et Ibaram sibi literis et colloquiis significasse consilium tollendi Reginam veneno initium esse, se literas Lopezio dictante scripsisse, in quibus ille hoc promisit si modo lm aureorum numerarentur, Emmanuelem etiam Loisium a Fuentano et Ibara ad se submissum esse ut Lopezium ad rem quam primum conficendam excitaret.

    Emmanuel confessus est Comitem Fuentanum et Ibaram cum fidem dedisset clausa eorum consilia habere, sibi literas monstrasse quas Andrada scripserat Lopezij nomine de Regina tollenda ; se itidem a Fuentano missum, ut cum Ferreira et Lopezio ad mortem Reginæ accelerandum ageret, pecuniam Lopezio, et honores eius liberis promitteret.

    Pro tribunali Lopezius paucula fatus, Ferreiram et Emmanuelem totos ex fraudibus compositos, et mendaces clamitat, se nihil mali in Reginam cogitasse sed Tyranni dona exosum, ornamentum illud gemmatum ab Hispano missum Reginæ donasse Nec aliud quicquam sibi in animo fuisse quam Hispanum dolo decipere, et pecunia emungere.

    Cæteri pro se nihil, Lopezium subinde coarguentes. Singuli condemnati, et post tres menses, supplicio ad Tiburnas furcas affecti, Lopezio profitente se adamare Reginam perinde ac Iesum Christum, quod a Iudaicæ professionis homine non sine risu exceptum.

    Paul de Bellegent, avocat en Parlement, en a donné cette traduction (enjolivée mais fidèle) dans l’Histoire d’Élisabeth, reine d’Angleterre… (Paris, Samuel Thiboust, 1627, in‑4o, 4e partie, pages 104‑106) :

    « Comme ces doctes d’entre les Anglais fugitifs travaillèrent fort à élever par leur écrit l’infante d’Espagne au royaume d’Angleterre, {i} autres d’entre eux attentèrent aussi de le faire par le couteau, envoyant secrètement en Angleterre des assassins pour tuer la reine Élisabeth. Quelques Espagnols y employèrent le poison ; mais ne voulant confier une si haute entreprise à des Anglais, ils se servirent de Roderic Lopeze, juif, médecin ordinaire de la reine, {ii} Étienne Ferreira de Gam, et Emmanuel Loisel, Portugais ; {iii} car plusieur Portugais se fourrèrent en ce temps-là en Angleterre, à la faveur du roi Antoine qui s’y était réfugié, {iv} se disant être de sa suite. Leurs lettres ayant été surprises et eux appréhendés, sur la fin de janvier, {v} ils sont accusés dans le Palais de Londres et, par leurs propres confessions, convaincus d’avoir juré de faire mourir la reine par poison. Lopeze, après avoir été tenu longtemps pour innocent, et n’y ayant aucun soupçon contre lui, sinon qu’ordinairement les médecins étrangers sont aisés à corrompre pour être empoisonneurs et traîtres, confessa que Andrade, Portugais, l’avait induit à s’employer secrètement pour le roi d’Espagne, qu’il avait reçu un présent de pierres précieuses de Christophle More, l’un de ses confidents conseillers, {vi} qu’il lui avait souvent donné avis de tout ce qu’il avait pu apprendre, que, moyennant cinquante mille écus, il lui avait promis d’empoisonner la reine, et qu’il avait fait savoir autant au comte de Fuentes, {vii} et à Ibarra, l’un de ses secrétaires.

    Étienne Ferreira confessa que le comte de Fuentes et Ibara lui avaient fait entendre par lettres et par devis {viii} familiers qu’on avait dessein d’empoisonner la reine, qu’il avait écrit des lettres sous Lopeze, qui les dictait, par lesquelles il promettait de le faire, pourvu qu’on lui comptât cinquante mille écus, et que le comte de Fuentes et Ibara avaient aussi envoyé secrètement vers lui Emmanuel Loisy pour solliciter et presser Lopeze d’expédier cette affaire au plus tôt.

    Emmanuel confessa que le comte de Fuentes et Ibara, arès avoir tiré de lui promesses et serments de tenir leurs desseins secrets, lui avaient montré lettres écrites par Andrade au nom de Lopeze, portant les moyens de faire mourir la reine ; et qu’il avait pareillement été envoyé par le comte de Fuentes pour hâter la mort de la reine avec Ferreira et Lopeze, et pour promettre de l’argent à Lopeze et des honneurs à ses enfants.

    Lopeze ayant dit peu de choses en jugement, s’écrie à tout propos que Ferreira et Emmanuel étaient des trompeurs et imposteurs, qu’il n’avait jamais eu de mauvaises pensées contre la reine, mais que, haïssant les dons qui sortent des mains d’un tyran, il avait donné à la reine cet ornement de pierres précieuses que le roi d’Espagne lui avait envoyé, et qu’il n’avait eu autre intention que de tromper le roi d’Espagne et tirer argent de lui.

    Les autres ne dirent rien pour se justifier, blâmant à toute heure Lopeze. Ils furent tous condamnés et, trois mois après, suppliciés aux potences de Tyburn, Lopeze protestant qu’il aimait autant la reine que Jésus-Christ, ce qui fut reçu pour moquerie d’un homme de profession judaïque. »

    1. Des catholiques britanniques, animés par les jésuites, voulant rétablir un souverain soumis à la religion romaine, avaient été chassés du royaume. Leur choix avait porté sur Isabelle-Claire-Eugénie d’Autriche (Ségovie 1566-Bruxelles 1633), fille de Philippe ii, roi d’Espagne.

    2. Selon S. Kottek (J. Med. Biogr. 1973, 17 : 400‑405), Roderigo Lopès (dit Lopus), médecin marrane portugais, né vers 1525, vint d’Anvers à Londres en 1559, devint médecin de l’hôpital St. Bartholomew et bientôt après, membre du Royal College of Physicians. Médecin du duc de Leicester en 1577 puis de la reine Elizabeth ire en 1586, Lopès se mêla aux intrigues du duc d’Essex visant à établir Dom Antonio sur le trône du Portugal (v. infra notule {c}), qui menèrent au désastre espagnol de l’invincible Armada, en 1588 (v. note [8] du Borboniana 10 manuscrit).

    3. Roderigo Lopès, Estevao Ferreira da Gama et Emanuel Luis étaient les noms portugais de ces trois conjurés.

    4. Antoine d’Aviz, v. notule {f}, note [9] du Borboniana 10 manuscrit.

    5. Infidélité au texte latin qui parle de « fin février ».

    6. Manuel d’Andrada était un espion de Philippe ii (« l’Espagnol ») ; son conseiller, Cristovao Moro, était un noble Lisboète dévoué à la cause de ce roi.

    7. Pedro Enriquez de Acevedo, comte de Fuentes (1525-1610), général espagnol, fut gouverneur intérimaire des Pays-Bas espagnols de 1595 à 1596.

    8. Entretiens.

  2. V. note [8], lettre 740, pour la courte relation de cette affaire dans les Annales de Hugo Grotius (Amsterdam, 1657).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 11 octobre 1660, note 18.

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(Consulté le 28/03/2024)

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