À André Falconet, le 2 septembre 1661

Note [9]

On jouait alors aux Jésuites de Paris {a} La Mort des enfants de Saül (Loret, Muse historique, livre xii, lettre xxxv, du samedi 3 septembre 1661, pages 397‑398, vers 23‑96) :

« De l’autre mois, le dernier jour,
Je fus aux Jésuites pour
Y voir une pièce tragique,
Composée en style énergique
Avec des entr’actes plaisants,
Comme on en fait là tous les ans.

On a pris ce sujet plausible
Au Livre des rois, dans la Bible
(Le grand livre des gens de bien),
Chapitre je ne sais combien,
Ayant ce titre, au frontispice,
Le Théâtre de la Justice.

Père Darroüy, profond docteur,
En est le noble et digne auteur.
Cette histoire, des mieux traitée,
Fut assez bien représentée,
Et les ballets entrelacés
Fort agréablement dansés,
Se trouvant, illec, {b} d’assurance,
Un des adroits danseurs de France.

Le théâtre, un des mieux ornés
Que mon œil ait jamais lorgnés,
Était superbe et magnifique ;
Et, soit qu’il fût d’ordre dorique,
Ou d’une autre construction,
Il comblait d’admiration
Tous ceux qui voyaient, je vous jure,
Sa surprenante architecture.

Des gens de haute extraction
Furent présents à l’action,
J’y vis des princes, des princesses,
Des présidents, des comtesses,
Quantité d’esprits de bon sens,
Et des moines plus de deux cents.
Maint père, bon et charitable,
M’y fit un accueil favorable,
Le Père Bourre, en premier lieu,

Qu’on tient grand serviteur de Dieu,
Celui que Biguet on appelle,
Dont l’âme est excellente et belle ;
Et l’obligeant Père Gelé,
À bien faire toujours zélé,
Qui par sa bonté singulière
Me plaça de telle manière,
Qu’à parler, ici, sérieux,
Je ne pouvais pas l’être mieux.

Cette action étant finie,
Sans beaucoup de cérémonie,
En disant seulement adieu,
Je quittai ce célèbre lieu.
Je gagnai tout soudain la porte,
Et ne vis, en aucune sorte,
La distribution du prix ;
Mais j’ai d’un savant homme appris
Qu’un enfant de haute naissance,
Fils d’un grand écuyer de France,
Et, déjà, plein d’entendement,
En eut un glorieusement ;
Et que le premier esprit rare
Pour qui l’on fit grande fanfare,
Étant tout d’abord couronné,
Fut l’admirable fils aîné
De ce vrai miroir de prudence,
De savoir, de jurisprudence,
Et juste comme un Salomon,
Savoir, le grand Lamoignon.
Ce fils aîné, donc, et son frère,
Tous deux dignes d’un tel père,
Furent tous deux, chacun deux fois,
Tympanisés à haute voix.
Ils eurent chacun deux couronnes,
Et devant six mille personnes,
Qui pour lors étaient spectateurs,
Furent deux fois triomphateurs. »


  1. Au Collège de Clermont, à Paris (v. note [2], lettre 381.

  2. Illec : là.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 2 septembre 1661, note 9.

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(Consulté le 29/03/2024)

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