À André Falconet, le 4 mai 1663

Note [10]

La main forcée, Morisset avait fini par rembourser Blondel en septembre 1661, mais sans éteindre leur dispute, bien au contraire : d’un côté, Blondel s’était mis à réclamer ses gages impayés de professeur de botanique (élu en novembre 1652) ; de l’autre, Morisset avait continué d’agiter contre lui sans relâche tous ceux de son camp (dont les deux plus anciens docteurs de la Faculté, Jean iii Des Gorris et Jean Merlet, menaient la bande, avec le censeur, Jacques Mentel). Une moitié des docteurs régents riposta en déposant une nouvelle requête devant le Parlement :

« tendant à ce qu’ils soient reçus appelants de {a} toutes leurs convocations d’assemblées faites par Me Philibert Morisset, docteur régent de ladite Faculté, à présent doyen d’icelle, par attentat à l’autorité de la Cour, et par un mépris des arrêts contradictoirement rendus entre les parties et Me François Blondel […], pour lequel ils ont pris le fait et cause contre ledit Morisset, les 27 juillet, 17 août et 7 septembre audit an. » {b}


  1. Tendant à contester.

  2. 1661 ; texte extrait des Reg. Comm. F.M.P. (tome xiv, décanat de Morrisset).

En décembre 1661, la Cour avait rendu un nouvel arrêt menaçant la Faculté de paralysie en condamnant durement son doyen, Morisset, bien qu’il eût dédommagé Blondel « par force et contrainte » (ibid., pages 653‑655) :

« Et depuis ce temps il {a} a recherché toutes les occasions de lui faire parjure, ayant convoqué des assemblées et fait imprimer des billets dans l’un desquels il expose que c’est pour délibérer de atroci iniuria per Magistrum Franciscum Blondel decano facta, {b} comme si c’était lui faire injure que de lui demander en justice ce qu’il doit légitimement. Et dans l’autre, il dit que c’est pour délibérer de lite denuo decano facta per Magistrum Franciscum Blondel, {c} qualifiant injure une autre demande qui lui est faite par ledit Blondel pour la restitution d’une somme de mille livres pour cinq années de la pension à lui due comme professeur de botanique touchée par ledit Morisset, comme il appert par les quittances qu’il en a données. Par tous lesdits billets et assemblées indiqués, dans lesquels ledit Morisset appelait tous ceux de sa cabale, et dont il a mendié les suffrages, il prendrait occasion de faire injure audit Blondel qui a intérêt de ne le pas souffrir, lui qui a exercé sa charge de doyen avec tant d’honneur et d’utilité pour la Faculté, dont il a procuré le rétablissement de la discipline et des statuts avec vigueur, qui lors des comptes qu’il rendit à ladite Faculté, en présence dudit Morisset qui les a signés, elle lui décerna une reconnaissance appelée honorarium, plus ample qu’à tous ceux qui l’avaient précédé en ladite fonction, que l’on le força de l’accepter comme il est porté par les Commentaires de la Faculté, quelque refus qu’il en fît, fondé sur ce que ærarium erat exhaustum ; {d} pour raison de quoi les docteurs oyant lesdits comptes se seraient retranchés des droits qui leur appartenaient, suivant la coutume […].

Il est étrange de voir qu’après que Me François Blondel s’est appliqué avec tant de soin et de fruit aux affaires importantes que la Faculté a eues pendant son décanat, après qu’il a tâché d’y rétablir la discipline dans son ancienne vigueur, après avoir avancé pour elle une somme notable, au lieu de le récompenser, on ait non seulement refusé de le payer, mais que même on lui ait voulu faire injure en prétendant que son compte avait besoin d’être examiné de nouveau. Aussi la Cour lui a-t-elle rendu la justice qu’il méritait par l’arrêt qui est intervenu sur la première contestation ; ce qui n’a pas encore réprimé l’animosité que l’on a contre lui, comme il paraît par la convocation de l’assemblée, dont il se plaint avec justice, qui s’est faite d’une manière tout extraordinaire : car lorsqu’il a demandé les gages qu’il prétend lui être dus en qualité de professeur, Me Philibert Morisset convoque une assemblée pour délibérer sur l’injure atroce qui a été faite par cette demande, tant à lui qu’à toute la Faculté ; ce sont les termes du billet. Tout cela joint et considéré pourrait peut-être faire passer pour juste la récusation que Me François Blondel forme présentement contre tous ceux qui se sont déclarés avec tant de passion et si injustement contre lui, y ayant lieu de croire qu’en toutes les affaires où il aura intérêt, ils ne lui seront pas trop favorables ; mais le grand nombre de ceux qui y seraient compris fait qu’il est difficile de l’admettre pource que, par ce moyen, la moitié presque de toute la Faculté demeurerait récusée et qu’il ne resterait que ceux qui sont de son côté, qui pourtant en ceci paraissent en composer la meilleure et plus saine partie. Que pour la récusation de Me Philibert Morisset, elle était tout à fait juste et nécessaire après tout ce qui s’est passé, et particulièrement même après la chaleur et l’emportement qu’il a fait connaître en cette audience. Ainsi […] Me Philibert Morisset s’abstiendra de convoquer et de présider dans les assemblées où il s’agira d’une affaire concernant Me François Blondel. Et parce que l’on voit que ce qui fait et apporte en partie du désordre dans la Faculté de médecine est la manière de convoquer des assemblées contre les statuts, et de ce que l’on fait signer des actes en particulier par les maisons et sans conclusion légitimement arrêtée, ils estiment aussi qu’il y a lieu d’y pourvoir en ordonnant qu’il ne se donnera aucun acte sous le nom de la Faculté qu’en vertu du résultat d’assemblée légitimement convoquée et suivant les statuts. La Cour […] ordonne que Morisset s’abstiendra de convoquer et présider aux assemblées de la Faculté de médecine qui seront convoquées pour les affaires concernant la partie de Pousset [avocat de Blondel], fait défenses d’expédier aucun acte que ceux qui seront décernés par la Faculté de médecine convoquée dans les formes, et qui ne pourront être signés que par ceux qui auront assisté auxdites assemblées. […]

Fait en Parlement le 17e décembre 1661. »


  1. Morisset.

  2. « de l’injure atroce faite contre le doyen par Me François Blondel ».

  3. « du procès de nouveau engagé par Me François Blondel ».

  4. « il n’y avait plus d’argent dans les caisses ».

Cet arrêt contient la liste des 59 docteurs régents (soit la moitié de la Compagnie) qui avaient épousé la cause de Morisset contre Blondel ; sans surprise, Guy Patin et ses deux fils n’y figuraient pas.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 4 mai 1663, note 10.

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(Consulté le 29/03/2024)

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