À André Falconet, le 21 janvier 1666

Note [9]

Les princesses du sang menèrent ces cérémonies. La Grande Mademoiselle en a laissé le récit (Mlle de Montpensier, Mémoires, seconde partie, chapitre vii, pages 28‑30) :

« Le lendemain {a} et les deux jours suivants, je fus fort visitée. Toutes les dames qui allaient à Saint-Germain voir Leurs Majestés avec leurs mantes, vinrent voir avec cet habit de cérémonie funèbre ma belle-mère {b} et moi. Puis il fallut porter le cœur au Val-de-Grâce. Je l’allai quérir au Louvre. Mesdames les princesses du sang étaient avec moi, savoir Mme la Princesse, {c} Mme de Longueville, la princesse de Carignan ; Mme la Duchesse {d} était grosse. M. d’Auch, {e} qui portait le cœur, se mit avec nous dans le carrosse du corps de la reine. Comme il était à la bonne place, on me voulut faire mettre auprès de lui, mais je ne voulus pas. J’y fis mettre Mme de Longueville, comme la plus dévote. Il fallut passer par la chambre où était le corps. J’avoue que de voir le Louvre en deuil, le corps de cette pauvre reine, et tous ces prêtres et ces officiers (car ils ont ce droit-là de demeurer auprès des corps de la Maison royale), cela m’affligea fort.

Le lendemain je fus dîner à Saint-Germain et recevoir les ordres du roi pour la conduite du corps. Comme il fut au Conseil, l’on me vint quérir pour aller savoir ce que j’avais à faire ; il n’y avait que les ministres avec le roi […].

On partit {f} à sept heures du Louvre ; on chanta un Libera {g} devant que de partir et comme il y a un passage un peu étroit en sortant de la chambre, il fallut traîner la bière avec des cordes ; après, l’on la porta dans le chariot. Pour la marche, cela est en mille endroits. Il faisait un froid horrible. On n’arriva {h} qu’à onze heures. On fut une heure dans l’église avant que le corps y arrivât parce que les religieux de l’abbaye étaient allés en procession hors la ville. Jamais je n’ai eu un tel froid. Je crus avoir la fièvre car, sans me chauffer, de l’excès du froid j’eus une grande chaleur à la porte ; on y fut encore longtemps parce que M. d’Auch fit une harangue et le prieur lui répondit. J’étais si lasse et si accablée que j’appuyai ma tête contre la bière et que je l’y eus longtemps, sans m’en apercevoir. On ne sortit de Saint-Denis qu’à deux heures. »


  1. Le 21 janvier 1666.

  2. La duchesse douairière d’Orléans.

  3. De Condé.

  4. D’Enghien.

  5. Henri de La Mothe-Houdancourt, abbé de Souillac, archevêque d’Auch.

  6. Le 23 janvier.

  7. Prière catholique que l’Église fait pour les morts, et qui commence par le mot Libera : Libera me, Domine, de morte æterna… [Délivre-moi, Seigneur, de la mort éternelle…].

  8. À Saint-Denis (v. note [27], lettre 166).

Olivier Le Fèvre d’Ormesson (comme peut-être Guy Patin) a regardé passer le cortège (Journal, tome ii, page 443‑444) :

« L’ordre de cette cérémonie était que les compagnies des gardes suisses et françaises étaient en haie depuis le Louvre jusqu’à la porte Saint-Denis. La marche était de sept ou huit carrosses de deuil à six chevaux blancs, pleins de dames ; après, les deux compagnies de mousquetaires, chacun un flambeau de cire blanche à la main, et un crêpe sur le chapeau et sur les tambours et timbales, avec leurs casaques ordinaires ; les chevau-légers, de même ; les petits officiers de la Maison, vêtus de deuil, à pied ; les autres officiers à cheval, vêtus aussi de deuil, leurs chevaux houssés et caparaçonnés de deuil. Après marchaient deux carrosses de deuil, dont les chevaux étaient couverts de drap noir avec une croix de tabis {a} blanc ; puis le carrosse de M. l’archevêque d’Auch, son grand aumônier ; après, cinq carrosses, dans chacun desquels était une princesse du sang, remplis de duchesses et princesses étrangères, sans ordre ni préséance entre elles. […] Puis venaient les pages à cheval, aussi vêtus de deuil, et tous les valets de pied autour du chariot où était le corps, attelé de six chevaux caparaçonnés de velours noir avec des croix de toile d’argent ; sur le chariot, une représentation fort large et fort haute. Le chariot était couvert d’un grand drap de velours, avec la croix de toile d’argent aux quatre coins avec les armes, bordé d’un demi-pied d’hermine. Les quatre coins de ce poële étaient portés par quatre aumôniers en surplis et manteau noir à cheval. Après suivaient les gardes de la reine vêtus de deuil, leurs chevaux caparaçonnés, leurs carabines renversées et la crosse en haut. Puis venait la compagnie des gendarmes du roi, et elle fermait le convoi. Tous ceux qui étaient du convoi portaient un flambeau blanc à la main. »


  1. Soie unie et ondée.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 21 janvier 1666, note 9.

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(Consulté le 28/03/2024)

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