À André Falconet, le 12 mars 1667

Note [6]

« passons sur la majeure » : locution scolastique pour éluder la question principale d’un syllogisme (ici « l’antimoine peut être bon ») et s’intéresser à « la mineure » (aux conséquences qui en découlent, ici comment en supprimer la toxicité), v. note [21], lettre latine 98.

Le livre de Jean Chicot (v. supra note [5]), traite principalement de l’antimoine (émétique) dans le chapitre iiii (pages 42‑57), Quomodo et quantum purgandum [Comment et combien de fois il faut purger] de la dissertation de purgandi Ratione [sur la Manière de purger], avec cet avis plutôt sage (pages 48‑49) : {a}

Verum, de præscribendo emetico, serio cogitans, intelligo, quam difficili, et scopuloso loco verser, novi enim præstantissimos Medicos, qui emetica præsidia rejiciunt, atque inter emetica, antimonium, velut deleterium, et toxicum traducunt, et ad eam opinionem, tanquam ad saxum adhærescunt, maluntque eam sententiam quam adamaverunt, pugnacissime defendere, quam sine pertinacia quid constantissime contingat exquirere. Neque is sum, qui ambitioso supercilio procax, tantorum virorum authoriatem, aut famam ausim perstringere : sed videant viri gravissimi, ne nimia contendendi libidine, tanto remedio sint iniquiores.

Eorum quamvis non omnino probata sententia, floret plerumque cum acumine ingenii, tum admirabili quodam lepore dicendi, quo etiam peritioribus imponunt, et pauci sunt Medicorum, qui ad hunc viscum pennas non reliquerint.

[À vrai dire, quand je réfléchis sérieusement aux indications de l’émétique, je comprends combien je me penche sur une question difficile et épineuse : je connais en effet de très éminents médecins qui refusent de recourir aux vomitifs et qui, parmi ces médicaments, font passer l’antimoine pour délétère et toxique ; ils se cramponnent à cette opinion comme à un rocher et préfèrent défendre cette sentence, qu’ils chérissent passionément, que s’acharner à comprendre pourquoi ils la prononcent avec une absolue constance. Je ne suis pas non plus du genre à oser piquer, avec impudente prétention, l’autorité ou le renom de si grands hommes ; mais, sans me laisser par trop aller au plaisir de les combattre, ces très sérieux personnages me semblent fort injustes envers un si puissant remède.

Bien que je n’approuve pas entièrement leur jugement, il brille généralement tant par l’acuité de leur intelligence que par leur admirable talent à le défendre ; et face à ce gui, {b} peu de médecins sont capables de ne pas poser la plume]. {c}


  1. Ce délicieux fragment est strictement identique à celui qui figurait dans la première édition du livre (Paris, 1656, pages 68‑69).

  2. En élégant latiniste, Chicot n’a pas choisi par hasard le mot viscum qui désigne le gui et la glu qu’il contient. Il faut, me semble-t-il, y voir une oblique allusion à l’adage disant que « Les grives chient leur propre mort » (v. note [2], lettre de Charles Spon, datée du 13 août 1657) et, par ricochet, au prénom de Patin ; mais s’il a entendu comme moi le mot viscum, il ne s’en est pas offusqué car il a plusieurs fois mentionné avec éloge le livre de Chicot, jusqu’à sa troisième et ultime édition (Paris, 1669, v. note [7‑2], lettre 990).

  3. Suit un long et habile plaidoyer en faveur de l’antimoine, sous condition qu’on l’utilise avec prudence et discernement, mais sans expliquer comment le rendre moins dangereux.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 12 mars 1667, note 6.

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(Consulté le 19/04/2024)

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