À André Falconet, le 30 octobre 1670

Note [9]

Au cours de la longue pérégrination savante en Europe qui suivit sa condamnation à Paris (février 1668), relatée dans son Autobiographie (1682), Charles Patin a rédigé des Relations historiques de ce qu’il voyait de remarquable : antiquités, médailles, monuments, coutumes locales, etc. Les deux premières ont été publiées en 1670 (Strasbourg, Simon Paulli, in‑12) sous les titres de Relation historique, en forme de lettre de Charles Patin…. et de Relation historique, contenue en une lettre de M. Charles Patin… Elles ont été regroupées avec les deux suivantes pour faire les Quatre relations historiques par Charles Patin, médecin de Paris (Bâle, sans nom, 1673, in‑12 de 336 pages).

Dans la quatrième (pages 293‑296), à propos de Paracelse, se trouve une allusion de Charles à la mort de son père :

« Que votre altesse sérénissime me permette de lui décrire l’épitaphe que je vis contre la muraille de l’église, {a} d’un homme qu’on estime fort en Allemagne, et particulièrement en ce pays-là.

conditvr hic
philippvs theophrastvs,
insignis medicinæ doctor,
qui
dira illa vvlnera,
lepram, podagram, hydropisim,
aliaqve insanabilia corporis
contagia
mirifica arte svstvlit
ac
bona sva in pavperes
distribvenda collocandaqve
honoravit:
anno m.d.xli. die xxiiii. septembr.
vitam cum morte mvtavit.
 {b}

Cela ne s’accorde guère avec ce que j’avais appris de lui en France, où il ne passe que pour un charlatan, qui a voulu aveugler le monde par les avantages extraordinaires qu’il promettait. Combien a-t-il fait pendre de faux monnayeurs qui ne s’attendaient à rien moins et qui, en lisant Paracelse, ne songeaient qu’à apprendre à faire de l’or. Cet imposteur en promettait le secret à tout le monde. Cependant, il est mort gueux et dans ce même hôpital de Salzbourg, où le bien qu’il a donné aux pauvres ne peut servir que de deux lignes d’amplification pour son épitaphe. Il se vantait, de plus, de pouvoir accorder le pape, Luther et le Turc : c’est un méchant homme puisqu’il ne l’a pas fait. La seule facilité qu’il en avait, à mon sens, est qu’il n’était zélé pour aucun parti. Enfin, disait-il, je sais le secret de faire vivre jusqu’à cent et cinquante ans sans maladies, et lui-même est mort à trente et sept, accablé de douleurs. Rien de tout cela ne me persuade de sa probité, ni de son érudition. Il est vrai que, comme il s’était acquis quelque réputation, il y a eu de savants physiciens en Allemagne qui ont mis son nom à la tête de leurs écrits. Ainsi ce Paracelse a eu de la gloire, à quoi il ne s’attendait pas, même après sa mort. Mais grâces à Dieu, le monde en est tantôt détrompé. On sait que nos médecins évitent l’éloge, dont on se repaissait au siècle passé, en les traitant d’excellents chimistes : ce serait assez pour exprimer {c} aujourd’hui de très malheureux médecins. Ce n’est pas que je prétende condamner la connaissance de la chimie, je la connais pour merveilleuse, mais je la connais aussi pour une pierre d’achoppement et de scandale, qui fait trébucher la plupart de ceux qui s’y heurtent. Mon père, dont la mémoire me renouvelle des larmes, disait que c’était le singe de la médecine et la fausse monnaie de notre profession. »


  1. De Salzbourg.

  2. « Ci-gît Philippe Théophraste, insigne docteur en médecine, dont l’art prodigieux a supprimé ces terribles fléaux que sont la lèpre, la goutte, l’hydropisie, et les autres contagions incurables du corps, et qui s’est honoré en distribuant et cédant ses biens aux pauvres. Il mourut le 24 septembre 1541. »

  3. Désigner.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 30 octobre 1670, note 9.

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(Consulté le 19/04/2024)

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