À Johann Peter Lotich, le 7 juillet 1662

Note [6]

Magistratus politicus pose une intéressante question juridique au traducteur ; le Traité du pouvoir du magistrat politique sur les choses sacrées ; traduit du latin de Grotius (Londres, sans nom, 1751, in‑12) donne en effet deux sens à l’expression (pages 1‑2) :

« J’appelle magistrat politique {a} la personne ou l’assemblée qui gouverne tout un peuple, et qui n’a que Dieu au-dessus d’elle. Je ne considère donc point le pouvoir en lui-même lorsque je me sers du terme magistrat politique, quoiqu’on ait coutume de l’y appliquer ; mais je le donne à celui qui est revêtu du pouvoir selon l’expression des Latins et des Grecs. Ainsi parle l’apôtre de ces puissances éminentes qu’il qualifie de princes et de ministres de Dieu : {b} il y désigne clairement les personnes et non leurs fonctions. Ainsi l’apôtre saint Pierre reconnaît cette supériorité dans les rois, {c} pour faire sentir combien ils diffèrent des puissances inférieures. Le vulgaire nomme aussi magistrat politique cette puissance, contre la signification ordinaire du mot latin ; car chez les Romains, le nom de magistrat {d} était prodigué aux tribunaux inférieurs. » {e}


  1. Summa potestas [Pouvoir suprême] dans l’édition latine originale, Hugonis Grotii V.C. de Imperio summarum potestatum circa sacra, Commentarius posthumus [Commentaire posthume du très distingué M. Hugo Grotius sur l’Autorité des pouvoirs suprêmes concernant la religion] (Paris, sans nom, 1647, in‑8o).

  2. Texte original : Neque alio sensu Apostolus Paulus dicit υπερεχουσας εξουσιας quos αρχοντας infra vocat et Dei Ministros [Sans s’écarter de ce sens, l’apôtre Paul dit les puissances dominantes, qu’il appelle plus loin les archontes et les ministres de Dieu].

  3. Texte original : Illud ipsum υπερεχειν Regi Petrus attribuit ad notandum discrimen ab inferioribus potestatibus [Pierre confère cette faculté de dominer au roi pour la distinguer des pouvoirs inférieurs].

  4. Magistratus tout court, et non summus magistratus. Grotius n’emploie pas l’adjectif politicus.

  5. Parlant de Genève, qui était alors une sorte de république théocratique, Guy Patin prenait magistratus politicus dans son sens noble de ministre du pouvoir divin (tel un souverain ou un prélat), en même temps juriste et théologien, et non dans son acception plus vile d’échevin (magistrat municipal).

    Grotius définissait la fonction en ces termes (Traité du pouvoir du magistrat politique, pages 502‑503) :

    « À Genève (ville qui a produit les plus grands défenseurs de la Réforme, si elle n’a pas eu la gloire de donner les premiers), le petit Sénat a le choix de ces anciens sur le Conseil des pasteurs : non seulement ils sont tirés du Sénat, mais d’entre les sénateurs ; savoir, deux du petit Sénat et dix, tant du Sénat des soixante que du Sénat des deux cents. L’élection achevée, elle est soumise à l’examen des deux cents, et quoique ces sénieurs [anciens] élus n’aient aucune juridiction, ils prêtent serment à la République. C’est être aveugle que de ne pas apercevoir les maux que les Genevois redoutaient, en pesant toutes les formalités de cette élection. »


Guy Patin a pris la plume à la fin de cette phrase et l’a tenue jusqu’au bout de la lettre.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Peter Lotich, le 7 juillet 1662, note 6.

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(Consulté le 29/03/2024)

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