Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 3 manuscrit

Note [46]

V. note [1], lettre 58, pour le R.P. François Garasse et sa plume féroce contre les ennemis de la religion et des jésuites (dont Étienne Pasquier, v. note [29], lettre 396).

En 1588, pour satisfaire aux exigences des ligueurs, le roi Henri iii chassa de la cour son ancien favori (mignon, v. note [18] du Borboniana 6 manuscrit), Jean-Louis de Nogaret de La Valette, duc d’Épernon (v. note [12], lettre 76), qui se retira dans son gouvernement d’Angoumois et Saintonge. Sur l’instigation du roi, les habitants d’Angoulême avaient fomenté une « émotion », contre le duc, visant à l’emprisonner, voie à le massacrer ; mais il résista bravement et parvint à en réchapper. L’Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou conclut ainsi sa longue narration de ce tumulte (livre xcii, règne de Henri iii, année 1588, Thou fr, volume 10, pages 355‑367) :

« Ce fut ainsi que le duc d’Épernon se tira de ce mauvais pas, après avoir passé, lui et ses gens, trente heures entières sans boire ni manger, et sans qu’il lui restât un coup de poudre. Jamais on eut plus de fermeté et de présence d’esprit qu’il en fit paraître en cette occasion. Il crut d’abord Villeroy l’auteur de cette conjuration tramée contre lui, mais il sut depuis, à n’en point douter, qu’elle n’était que l’effet du refroidissement du roi à son égard ; et il apprit par sa propre expérience qu’il y a peu de fonds à faire sur la faveur des grands de la terre, aussi inconstante que la fortune qui la produit, et qu’un homme sage ne doit compter que sur sa propre vertu, que rien ne peut lui enlever.

Lorsqu’on reçut à la cour la nouvelle de ce qui s’était passé, le roi se repentit d’avoir fait une pareille entreprise sans en être venu à bout, dans la crainte que le ressentiment et le désespoir ne portassent le duc, qu’il connaissait pour homme de cœur, à se jeter entre les bras du roi de Navarre. {a} Aussi, lorsque le duc lui écrivit ensuite à cette occasion, pour se plaindre de Villeroy, {b} Henri lui répondit que ceux d’Angoulême n’avaient rien fait que par son ordre, et que c’était lui-même qui leur avait mandé de le prendre, de le lui amener sain et sauf, dans la résolution où il était de ne plus le regarder que comme son propre fils. » {c}


  1. Henri de Navarre, futur roi Henri iv.

  2. Nicolasi i de Neuville de Villeroy (v. note [5] du Borboniana 8 manuscrit), conseiller ligueur de Henri iii.

  3. Subtil mélange de loyauté et d’hypocrisie, que seul un tout-puissant souverain peut se permettre.

Ce traquenard d’Angoulême est aussi évoqué dans l’anonyme Défense pour Étienne Pasquier, vivant conseiller du roi, et son avocat général en la Chambre des comptes de Paris, contre les impostures et calomnies de François Garasse. {a} Autrement nommé L’Anti-Garasse, cet ouvrage a connu de nombreuses éditions ; écrit pour défendre la mémoire d’Étienne Pasquier, il distribue son flot d’invectives en cinq livres, intilulés : 1. Le Bouffon ; 2. L’Imposteur ; 3. Le Pédant ; 4. L’Injurieux ; 5. L’Impie.

On y lit dans le premier livre (pages 35‑37) que :

« […] sans m’enquérir, dis-je, si ses illustres ancêtres demeuraient dans la ville d’Angoulême ou au faubourg de Saint-Pierre, {b} s’ils faisaient trafic de drap de bure ou de filasse, il me suffira de savoir qu’il a grand tort de trompeter sa noblesse partout, et de faire une généalogie de ses nobles ancêtres dans son Apologie, {c} puisque les chardons sont ses armoiries ; car, pour ce qui est de son père (qui ne lui a jamais passé procuration {d} du libelle qu’il a fait contre Pasquier, bien qu’il dise le contraire, page 238), {e} il saura que l’auditeur des comptes (qu’il accuse dans son Apologie de Poitiers, d’être semper auditor, page 28) {f} a ouï dire qu’il fut un des premiers qui conspira contre M. d’Épernon, le jour < de la > Saint-Laurent, {g} et qu’il fut assommé à la porte du château d’Angoulême, comme il voulait entrer dedans et le surprendre ; en quoi, je trouve qu’il a eu tort car, puisqu’il savait si bien le style de procureur, il devait substituer quelqu’un en sa place, afin qu’il reçût par procuration ce qu’il a reçu en < sa > propre personne. » {h}


  1. Paris, Thomas de la Ruelle, 1624, in‑8o de 940 pages.

    V. note [29], lettre 396, pour Les Recherches des Recherches (Paris, 1622) du R.P. François Garasse contre les œuvres d’Étienne Pasquier (mort en 1615, v. note [16], lettre 151).

  2. Actuel quartier de la cathédrale de même nom, qui était initialement située près des remparts de la cité.

  3. Apologie du Père François Garassus, de la Compagnie de Jésus, pour son livre contre les athéistes et libertins de notre siècle. Et Réponse aux censures et calomnies de l’auteur anonyme (Paris, Sébastien Chappelet, 1624, in‑12 de 360 pages).

  4. Procuration : « pouvoir, acte par lequel on donne charge à quelqu’un de faire quelque chose qui soit aussi valable que si on la faisait en personne » (Furetière).

  5. Dans la section viii (pages 238‑239) de ses Recherches des Recherches d’Étienne Pasquier (v. supra notule {a}), Garasse ne parle pas de son père, mais de procuration :

    « Or je me plains de vous, Maître Pasquier, comme ayant procuration de tous les notaires, procureurs, tabellions, sergents, huissiers, imprimeurs, libraires, relieurs, tailleurs, chaussetiers, cordonniers, lunettiers, cogne-fétus, {i} papetiers, crocheteurs, {ii} mangonniers {iii} et crieurs d’allumettes, qui prétendent que leurs vacations sont aussi nécessaires à l’État, aussi importantes aux recherches de France, aussi anciennes et privilégiées que celles des barbiers ; et partant, vous avez tort, disent tous mes postulants, {iv}de les passer par un fidelium, {v} pour user de vos proverbes, et faire si grande et honorable mention de tous les barbiers. » {vi}

    1. Ceux qui se donnent beaucoup de peine pour n’arriver à rien, les incapables.

    2. Portefaix.

    3. Revendeurs de marchandises (regrattiers).

    4. Avocats.

    5. « Accomplir en bloc quelque obligation ; s’acquitter légèrement des commissions dont on est chargé » (Littré DLF).

    6. Sans vraiment éclaircir le propos de l’Anti-Garasse, cette citation illustre le style cocasse de sa victime.

  6. « de n’être toujours qu’auditeur » (sans avoir jamais accédé à un office supérieur, comme maître des comptes). En dépit des indications fournies, je n’ai pas trouvé la source de cette citation.

  7. Le 10 août 1588.

  8. S’il n’était peut-être pas lieutenant criminel d’Angoulême, Garasse, le père (de prénom inconnu), est au moins qualifié ici de « procureur » de justice.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 3 manuscrit, note 46.

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(Consulté le 20/04/2024)

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