Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 3 manuscrit

Note [50]

« “ La bonne santé ne repose pas sur l’opinion d’autrui, si quelqu’un souffre d’une maladie interne, etc. ” Allons M. Ramus, allons M. Talon ! Voyez le tome i des Opera d’Adrien Turnèbe, page 262. »

Omer i Talon (Audomarus Talæus, vers 1510-Paris 1562), grand-oncle de Jacques {a} et du plus célèbre Omer ii, {b} avocats généraux qui se sont succédé au Parlement de Paris, était prêtre et curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. {c} Professeur de rhétorique au Collège du Cardinal Lemoine, {d} Omer i Talon était très ami de Pierre Ramus. {e}

Avec deux « allons… ! », dont le sens est à prendre pour ironique, le Borboniana citait les :

Viri clarissimi Adriani Turnebii Regii quondam Lutetiæ Professoris Opera : nunc primum ex bibliotheca Amplissimi Viri Stephani Adriani F. Turnebi Senatoris Regii, in unum collecta, emendata, aucta et tributa in Tomos iii

[Œuvres du très distingué M. Adrien Turnèbe, {f} jadis professeur royal à Paris. Tirées pour la première fois de la bibliothèque du très éminent M. Étienne Turnèbe, le fils, conseiller du roi, {g} qui les a réunies en un seul volume, corrigées, augmentées et distribuées en trois tomes…]. {h}


  1. V. note [53], lettre 155.

  2. V. note [55], lettre 101.

  3. V. note [29] des Affaires de l’Université de 1651-1652 dans les Commentaires de la Faculté de médecine.

  4. V. note [6], lettre 34.

  5. V. note [7], lettre 264.

  6. Mort en 1577, v. note [20], lettre 392.

  7. Au Parlement de Paris.

  8. Strasbourg, Lazarus Zeznerus, 1600, un volume in‑fo en trois parties totalisant 770 pages.

La page 262 du tome i des correspond à la première page des deux discours qui composent l’Adriani Turnebi Responsio ad Audomari Talæi admonitionem Leod. a Quercu Nomine edita m. d. lvi. [Réponse d’Adrien Turnèbe à l’avertissement d’Omer Talon publié à l’adresse de Leodegarius a Quercu {a} l’an 1556], dont le premier est intitulé Leodegarii a Quercu Responsio ad Audomari Talæi Admonitionem [Réponse de Léger Duchesne à l’Avertissement d’Omer Talon] ; c’est donc Duchesne, et non Turnèbe, qui s’adressait à Omer Talon. La citation du Borboniana est extraite des premières lignes (numérotées 13‑28) de cette réponse :

Miror equidem, Audomare Talæe, tantum esse a valetudine tua otii tibi, ut aliena potius negotia, quam eam cures, præsertim sic afflictam et perditam. Quis enim non videt, cuivis potius quam tibi has partes admonitionis suscipiendas fuisse ? Consultius multo fecisse, si corpusculo consuluisses, tuo, tibique pepercisses : ac sane vereor, ne admonitio ista ad morbum aliquid addat : est enim omnis offensio ; omnisque labor sic affecto copore magnopere cavendus : nec tibi prospexit, qui hoc oneris aliorum admonendorum tibi imposuit, præsertim salvus ipse et valens tam debili et emaciatio : ultroque, si te amasset, impetum tuum retinere retardareque debuisset, et tuarum te virium, tuæ imbecillitatis admonere ; nisi forte hoc hominibus ostendere voluisti, te aliquando firmiorem esse, et nonnihil ex morbo esse recreatum. Sed mihi velim credas, valetudo, ut alia, fama non constat ; si intus æger sis, cum hac in re nemo plus aliis debeat credere quam sibi : si enim te confirmatiorem paulo esse crediderimus, nihilo magis fueris : nos enim non morbum fefelleris. Sed quoniam te sibi patronum tam infirmum Logicus quæsivit, qui alium quemvis parare debuisset, ne bona caussa qualicunque tuo patrocinio obscurata esse videatur ego, qui ut confido, te aliquanto firmior sum, ei non deero, et amicitia Adriani et bonitate causæ adductus, non admonitioni sed criminationi tuæ breviter respondebo.

[Je m’étonne assurément, cher Omer Talon, que tu te soucies si peu de ta santé que, quand elle est profondément abattue et ruinée, tu préfères t’occuper d’autres affaires que de te soigner. Qui donc ne te reconnaît-il pas, plutôt que n’importe qui d’autre, comme l’auteur de cet avertissement ? Tu aurais été bien mieux avisé de penser à ton pauvre petit corps et de le ménager, car je crains sincèrement que cet avertissement n’aille empirer ton mal : il est en effet tout entier irritation et souffrance, et doit alarmer sur le point de délabrement que ton corps a atteint ; et tu n’as bien eu égard à qui t’a imposé la charge d’admonester les autres, quand celui-là est en belle santé et en possession de toutes ses forces, tandis que tu es, toi, faible et tout émacié. En outre, celui-là, s’il t’aimait vraiment, aurait dû modérer et freiner ton élan, et te mettre en garde contre l’état de tes forces et contre ta débilitation ; à moins peut-être que tu n’aies voulu montrer aux hommes que tu te savais encore ferme, sans t’être néanmoins rétabli de ta maladie. Je voudrais pourtant que tu me croies : la bonne santé, comme le reste, ne repose pas sur l’opinion d’autrui ; si quelqu’un souffre d’une maladie interne, {b} il ne doit là-dessus faire confiance à nul autre que lui-même ; car si nous voulions bien croire que te voilà un peu plus solide, cela ne te rendrait pas tel, car nous n’aurions pas déjoué ton mal. Mais puisque Logicus {c} s’est choisi un avocat si impotent, quand il aurait dû prendre n’importe qui d’autre afin que ton patronage ne semblât quelque peu assombrir la bonté de sa cause, moi, qui, comme, à n’en pas douter, suis plus solide que toi, je ne lui ferai pas défaut et, poussé par mon amitié pour Adrien {d} et par l’excellence de sa cause, je m’en vais répondre brièvement non pas à ton avertissement, mais à ce qui qui ressemble plutôt à ton réquisitoire]. {e}


  1. Leodegarius a Quercu est le nom latin de Léger Duchesne (mort en 1588), jurisconsulte et philologue originaire de Rouen, lecteur royal de rhétorique et de latin, et prolifique écrivain.

  2. Mise en exergue du passage cité par le Borboniana, qui a omis ut alia [comme le reste], et remplacé si intus æger sis [si tu es malade de l’intérieur] par si quis intus æger sit [si quelqu’un est malade de l’intérieur].

  3. Le « Logicien » est le surnom que Duchesne donnait ici au littérateur Lancelot de Carle (ou Carles, Bordeaux vers 1508-Paris 1568), évêque de Riez (en 1550), dont le nom figure (en grec, Λαγκιλοτος Καρλος επισκοπος Ρηγιει, Lagkiotos Karlos episcopos Rêgiei) en titre du discours suivant (écrit par Turnèbe, page 265). Le prélat avait demandé à Talon d’écrire pour sa défense dans sa dispute académique avec Turnèbe. Elle portait sur le commentaire qu’il avait donné du livre de Cicéron De Fato [Du Destin], et qui est imprimé avant le discours de Duchesne dans les Opera.

  4. Turnèbe.

  5. La « brièveté » de la réponse de Duchesne est une litote : elle continue sur les trois grandes pages suivantes de l’ouvrage. Rien de ce qu’il y a écrit ne permet de déduire que la maladie de Talon était une syphilis ; mais en poussant très loin la spéculation, on pourrait penser à une démence mégalomaniaque liée à une paralysie générale (phase tertiaire de la maladie, v. note [9], lettre 122).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 3 manuscrit, note 50.

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(Consulté le 28/03/2024)

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