Annexe : Les deux Vies latines de Jean Héroard,
premier médecin de Louis xiii
Note [63]
Le récit se contredit ici étrangement : Joyeuse adule d’abord Héroard ; puis je comprends qu’il se brouille avec lui, abreptus per Ducem à Ioyessa dignitati consulendum (mot à mot, « sa dignité de conseiller lui est ôtée par le duc de Joyeuse ») ; mais Héroard n’en met pas moins toute son ardente bravoure à accompagner le duc dans sa fatale expédition contre les protestants. La calamiteuse défaite de Joyeuse à Coutras (v. supra note [32]) a coûté la vie à quelque 2 000 catholiques, dont nombre de valeureux capitaines, contre seulement une quarantaine de protestants.
Dans son Introduction (pages 45‑46), Madeline Foisil {a} a relevé un passage du Journal où Jean Héroard fait brièvement allusion à cette période de sa vie, en date du 25 octobre 1607 (volume 2, fo 493 ro‑vo), {b} à propos du dauphin alors âgé de six ans :
« À deux heures, mis en carrosse, mené à l’abbaye de Saint-Sixt, ; {c} y arrive à trois. […] Il va à l’église comme par force, s’en veut retourner : ramené à quatre heures à Noisy, {d} où il arrive à cinq heures. M. le marquis de Renel {e} et moi parlions, dans le carrosse, des voyages où nous nous étions vus aux armées du temps du feu < roi >, conduites par feu M. de Joyeuse ; il {f} écoutait à l’accoutumée attentivement sans dire un mot. Mme de Montglat {g} lui demande : “ Monsieur, vous ne dites mot ; oyez-vous bien tout ce qu’ils disent ? ” D. : {f} “ J’y songe ”, < dit-il > froidement. » {h}
- V. infra, 3e paragraphe de mon Épilogue.
- Paris, 1868, v. infra note [85].
- Déformation du nom de l’abbaye Notre-Dame-des-Anges à Saint-Cyr (aujourd’hui Saint-Cyr-l’École, à 7 kilomètres au sud de Noisy-le-Roi).
- Le dauphin séjournait dans le château de Noisy-le-Roi, près de Versailles, en raison de la peste qui sévissait à Saint-Germain.
- Louis de Clermont d’Amboise, marquis de Renel, mort en 1615.
- Le dauphin.
- Françoise de Montglat, gouvernante des enfants royaux.
- Comment comprendre cette conversation de carrosse autrement qu’en lisant entre les lignes ?
Héroard ne s’y souvenait que de sa campagne dans les rangs catholiques. En présence du dauphin, il n’osait rappeler ses défaites de 1569 (Jarnac, puis Moncontour), dans le parti adverse ; mais tous les bruits circulent dans les cours princières… En disant « J’y songe », l’enfant royal ne connaissait-il pas la trahison de son médecin envers ses premiers alliés calvinistes, et n’y pensait-il pas « froidement », préférant se passer de commentaire ? Quelque remords gêné ne hantait-il pas Héroard pour qu’il ait trouvé bon de consigner ce petit rien dans son Journal ?