Fièvre
Au temps de Guy Patin, faute de thermomètre médical (vulgarisé au xixe s.), on ne jugeait pas la fièvre sur la température mesurée du corps, mais sur sa chaleur perçue, l’accélération du pouls, la prostration et la survenue de frissons. Aujourd’hui, la fièvre n’est plus qu’un symptôme révélateur d’un grand nombre de maladies : entités spécifiques guidant le raisonnement médical, avec chacune un début, une fin, des signes, un diagnostic, un pronostic, des accidents, des mécanismes, et souvent une cause dont la combinaison et l’enchaînement lui sont propres ; à l’image d’une pièce de théâtre, comme je l’enseigne à mes étudiants. La fièvre est une manifestation de l’inflammation, qui est une réponse de l’organisme à une agression, le plus souvent infectieuse, mais aussi tumorale ou immunitaire. Au xviie s., et depuis l’Antiquité, les médecins considéraient la fièvre tantôt comme un symptôme, et tantôt comme un ensemble de maladies en soi (« les fièvres » qui représentaient la plus grande partie des « maladies internes », sinon toutes).

Une fièvre qui dure plus d’une journée peut être continue ou intermittente, c’est-à-dire faite de paroxysmes périodiques entrecoupés de rémissions plus ou moins complètes. Suivant la durée des rémissions on distinguait divers types d’intermittentes, qu’on attribuait à un mécanisme humoral spécifique (à prédominance humide, sèche, chaude ou même froide), avec de très nombreuses variantes : quotidienne (due à la pituite corrompue), tierce (chaque 3e jour, soit un jour sur deux, causée par la bile), et la quarte (chaque 4e jour, soit un jour sur trois, causée par l’atrabile), etc. Les deux principaux types de continues (ou synoques) étaient la lente et l’hectique. Une fièvre mal réglée laissait les praticiens dans la perplexité, mais l’apparition d’une cadence leur donnait une référence leur permettant de prédire le déroulement de la maladie, ce qui leur autorisait des subtilités rétrospectives pour sauver la face, à défaut du malade. Les fièvres malignes s’accompagnaient de signes de gravité, notamment nerveux (rêverie, stupeur, délire, convulsions, etc.) et cutanés (éruption pourpre, vésiculeuse, etc.). Notre Index renvoie aux notes qui décrivent plus précisément les diverses catégories de fièvre.

L’intermittence de la fièvre (tierce ou quarte) s’observait notamment en cas de malaria (paludisme), fièvre des marais alors encore très répandue dans toute l’Europe. Le quinquina s’y avérait authentiquement efficace ; mais toutes les intermittentes ne répondaient pas à cette cause. Tout cela avait lieu dans une période où la connaissance des agents infectieux, en cause dans la majorité des cas, n’en était qu’au stade de supputations fort contestées (contagium vivum). Il ne reste rien aujourd’hui de l’ancienne et souvent inextricable nomenclature des fièvres.